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La grammaticographie

française au XVIIe
siècle : D’Aisy
Travail dans le cadre du cours de
Questions de linguistique romane

Catherine Stas
s160371
2019-2020
Sommaire
1. Introduction..................................................................................................................................... 3
2. Parties philologique et biobibliographique ..................................................................................... 3
2.1. Auteur ...................................................................................................................................... 3
2.2. Editions .................................................................................................................................... 4
2.3. Frontispices ............................................................................................................................. 5
2.3.1. Reproductions ................................................................................................................. 5
2.3.2. Commentaire ................................................................................................................... 7
2.4. Dédicataires ............................................................................................................................. 9
2.5. Reste du paratexte ................................................................................................................ 10
2.6. Préfaces ................................................................................................................................. 10
2.6.1. Nouvelle Méthode de la langue françoise ..................................................................... 11
2.6.2. Le Génie de la langue françoise ..................................................................................... 12
3. Partie « métagrammaticographique » .......................................................................................... 17
3.1. Analyse externe ..................................................................................................................... 17
3.1.1. Nouvelle Méthode de la langue françoise ..................................................................... 17
3.1.2. Le Génie de la langue françoise ..................................................................................... 18
3.2. La description grammaticale ................................................................................................. 20
3.2.1. Forme énonciative, argumentation et exemplification................................................. 20
3.2.2. Modélisation.................................................................................................................. 23
3.2.3. Le pronom ..................................................................................................................... 27
3.2.4. L’aspect méthodique de la première grammaire .......................................................... 32
4. Conclusion ..................................................................................................................................... 33
Bibliographie.......................................................................................................................................... 34
Sources primaires .............................................................................................................................. 34
Sources secondaires .......................................................................................................................... 34
Annexes ................................................................................................................................................. 35
1. Préface de la Méthode .............................................................................................................. 35
2. Table des matières des deux grammaires ................................................................................. 37
3. Les temps verbaux : tableau comparatif ................................................................................... 43

2
1. Introduction
Dans ce travail, nous allons étudier l’œuvre d’un grammairien du XVIIe siècle nommé D’Aisy, afin
de se faire une idée de l’organisation, de l’approche et du contenu de certaines grammaires de
l’époque. Après une présentation de l’auteur, nous commencerons donc par observer l’objet-
grammaire de l’extérieur, c’est-à-dire en examinant le paratexte des différentes éditions de deux
grammaires écrites par notre auteur. Ensuite, nous nous intéresserons au texte à proprement parler,
d’abord en décrivant sa structure, puis d’un point de vue interne en montrant comment D’Aisy
caractérise (au niveau de la terminologie) et justifie ses analyses de la grammaire du français. Pour
illustrer nos propos, nous étudierons de plus près et de manière critique les chapitres des ouvrages
traitant de l’une des parties du discours (le pronom, car la conception que l’auteur a de celui-ci est
intéressante). Enfin, nous reviendrons sur un aspect déjà envisagé par les préfaces et caractéristique
du XVIIe siècle, à savoir la perspective méthodique. Nous aurons aussi l’occasion de relever, tout au
long du travail, un autre trait partagé par les grammairiens de l’époque : la tension entre l’application
stricte du modèle grammatical classique (celui des grammaires grecques et latines) et une approche
plus autonome du système français.

2. Parties philologique et biobibliographique

2.1. Auteur

Nous avons très peu d’informations sur l’auteur des grammaires que nous allons étudier dans ce
présent travail. Tout d’abord, son prénom n’est pas établi avec certitude. En effet, il n’est mentionné
nulle part dans ses grammaires. Ferdinand Brunot (1947, pp. 79-80) déclare que c’est François, tandis
qu’Alexandre Cioranescu (1965, p. 189) affirme que c’est Jean (cf. le catalogue de la BnF). Même son
nom de famille n’est pas inscrit dans tous les exemplaires de ses grammaires. En effet, seule la lettre
D suivie de deux astérisques est présente sur l’un des deux frontispices, et le nom de famille complet
se retrouve uniquement dans l’extrait du privilège accordé pour la Nouvelle Méthode de la langue
françoise et en signature d’une dédicace au début de l’un des exemplaires de la Suite du Génie de la
langue françoise et du Génie de la langue françoise. Nouvelle édition. Tome II.

3
Quant à sa vie et au reste de son œuvre, il vécut probablement en France durant la seconde moitié
du XVIIe siècle (vu les dates et le lieu de publication de ses grammaires, dont on est sûr qu’il est
l’auteur) ; il écrivit peut-être également des Oracles divertissans en 1665 et Dionysio Thierry vers 1688
(BnF Data, IdRef), aujourd’hui perdu.

Chose plutôt étrange, Julien Tell (1874, p. 195) renseigne un certain François Aisy dans son chapitre
sur les grammaires du XVIIIe siècle (la date qu’il donne est 1797). Il semblerait qu’il parle bien de notre
D’Aisy mais ait fait une erreur sur le siècle, car il cite la Méthode et le Génie (ainsi que des Remarques
à la Vaugelas).

2.2. Editions

Cinq éditions différentes des grammaires de D’Aisy sont disponibles en version numérisée. La
première, intitulée Nouvelle Méthode de la langue françoise 1, est parue en 1674 (« Registré sur le Livre
de la Communauté des Imprimeurs et Libraires » le 12 mars ; Achevé d’imprimer le 10 avril) à Paris
chez l’imprimeur Estienne Michallet. En 1685 (« Registré … » le 15 décembre 1684 ; Achevé d’imprimer
le dernier mars 1685 ou le 10 septembre 1685 pour le deuxième volume) paraissent deux volumes
d’une autre grammaire, intitulés Le Génie de la langue françoise (trois exemplaires disponibles) 2 et

1
URL : https://books.google.be/books?id=--
h7uOpySwIC&pg=PA85&lpg=PA85&dq=Francois+d%27Aisy+Nouvelle+Methode+de+la+Langue+Fran%C3%A7oi
se&source=bl&ots=EaXsPqMl9m&sig=ACfU3U17P5xuoZpgL-CoH-
VcorPG1tDRzQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwigmOGC1aboAhWLMewKHa4JCcwQ6AEwA3oECAoQAQ#v=onepage
&q=Francois%20d'Aisy%20Nouvelle%20Methode%20de%20la%20Langue%20Fran%C3%A7oise&f=false
2
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8581803/f5.image
https://books.google.be/books?id=E2PuzpWYTxIC&pg=PA77&lpg=PA77&dq=d%27Aisy+le+g%C3%A9nie+de+la
+langue&source=bl&ots=6ddEY99FoJ&sig=ACfU3U2pDJjMui8UdlWEyxlWMe5vM5tS9w&hl=fr&sa=X&ved=2ah

4
Suite du Génie de la langue françoise (deux versions en ligne) 3. Tous deux ont été édités chez Laurent
D’Houry, à Paris également. Enfin, Le Génie de la langue française. Nouvelle édition. Tome 1 4 et Tome
2 5 (respectivement des reproductions du Génie de la langue françoise et de sa Suite) 6 paraissent au
même endroit en 1687.

Il est notable qu’aucune grammaire n’ait été publiée à l’étranger, alors même que publier des
grammaires du français était réservé à l’Académie depuis les années 1630 en France. Toujours est-il
qu’aucun des deux titres ne contient le mot grammaire, ce qui peut être vu comme une tentative de
déroger à cette ordonnance.

2.3. Frontispices

2.3.1. Reproductions

UKEwiKjZi06KboAhUF_aQKHU1oB104FBDoATABegQICRAB#v=onepage&q=d'Aisy%20le%20g%C3%A9nie%20de
%20la%20langue&f=false
https://books.google.be/books?hl=fr&lr=&id=fOIVK-
vs6ngC&oi=fnd&pg=PA5&ots=XHa8jySH9O&sig=B2WOLlWxwQICApTkbprn_Trek7E&redir_esc=y#v=onepage&q
&f=false
3
https://books.google.be/books?id=sTY5RgcVDGAC&pg=PR1&hl=fr&source=gbs_selected_pages&cad=3#v=on
epage&q&f=false
https://books.google.be/books?id=6sZDAAAAcAAJ&pg=PA306&hl=fr&source=gbs_toc_r&cad=4#v=onepage&q
&f=false
4
https://books.google.be/books?id=bP5-
r8ZiMmcC&pg=PA82&lpg=PA82&dq=d%27Aisy+le+g%C3%A9nie+de+la+langue&source=bl&ots=LWtvEMPe7a&
sig=ACfU3U1-o9FqOK_-
ZUV6lgEyI8Sn1mqluQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjcgZLP6KboAhWBLewKHbEnAjI4HhDoATADegQICRAB#v=one
page&q=d'Aisy%20le%20g%C3%A9nie%20de%20la%20langue&f=false
5
https://books.google.be/books?id=VVMiWTxGw8EC&pg=PP10&lpg=PP10&dq=monsieur+desgouges&source=
bl&ots=k61lDYLw_k&sig=ACfU3U3Y7GBUnlk7P3Gfdml_LYhXimmQSQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwi-
pfHkjqzoAhVR4qQKHfQzBBsQ6AEwAXoECAoQAQ#v=onepage&q=monsieur%20desgouges&f=false
6
Comme les deux exemplaires d’une paire sont identiques au niveau du contenu, lorsque nous voudrons parler
à la fois de la Suite du Génie de la langue françoise et du Génie de la langue françoise. Nouvelle édition. Tome II,
par exemple, nous nous y réfèrerons à partir de maintenant en tant que Génie B.

5
NOVVELLE

M E T H O D E
DE LA LANGVE
FRANÇOISE;
Divi∫ée en quatre Parties ,
Dont la Premiere eſt ,
LA PRONONCIATION DES SONS ,
en general.
La Seconde eſt ,
LA PRONONCIATION EN LISANT.
La Troi∫ième , LA GRAMMAIRE.
Et la Quatrième , L’EUPHONIE ; ou
Bonne-Prononciation des Mots ,
en Parlant.

A PARIS,
Chez ESTIENNE MICHALLET , ruë
Saint Jacques , à l’Image Saint Paul.
proche la Fontaine Saint Severin.
_______________________________
M. DC. LXXIV.
AVEC PRIVILEGE DV ROY.

6
LE

G E N I E
DE LA

LANGUE
F R A N Ç O I S E.
Par le Sieur D**

A P A R I S.
Chez LAURENT D’HOURY , ruë S.
Jacques , prés les Mathurins , au
S. Eſprit.
______ ______ ______ ______
M. DC. LXXXV.
AVEC PRIVILEGE DV ROY.
2.3.2. Commentaire

Les deux reproductions sont celles des pages de garde des premières éditions des deux
grammaires principales. Les frontispices des autres éditions ou du deuxième volume sont très
semblables à la seconde reproduction : on y trouve simplement SUITE – (à la ligne) DU (en police plus
petite) à la place de LE ; ou NOUVELLE EDITION. – TOME I/II. (en italique) après le nom de l’auteur.
Notons que l’illustration de ces nouvelles éditions de 1687 est quelque peu différente de celle de 1685
(et que le frontispice du tome 2 contient quelques autres changements mineurs) :

7
De même, un des exemplaires 7 disponibles du Génie présente une autre vignette (les annotations
autour ont sans doute été ajoutées plus tardivement) :

Ceci nous amène à penser qu’il s’agit d’une impression distincte des deux autres, d’autant plus que
l’extrait du privilège du roi présent en fin d’ouvrage, par exemple, se différencie de celui des autres
exemplaires et même de celui des nouvelles éditions de 1687 (qui reprennent en fait exactement le
même privilège que celui des premières éditions des deux volumes du Génie), notamment par
l’ornementation en haut de page, la disposition des premières lignes du texte et la date de l’achevé
d’imprimer, qui est erronée. De même, on verra que la préface de cette version contient quelques
coquilles.

7
https://books.google.be/books?hl=fr&lr=&id=fOIVK-
vs6ngC&oi=fnd&pg=PA5&ots=XHa8jySH9O&sig=B2WOLlWxwQICApTkbprn_Trek7E&redir_esc=y#v=onepage&q
&f=false

8
Sur chaque page de titre, le titre est présent en capitales avec une taille de police assez grande
(il occupe environ 2/3 de la page dans le premier cas, car il contient des précisions sur les quatre parties
de la grammaire ; 1/3 dans le second) et les lettres sont assez espacées les unes des autres. On
remarque que les mots méthode et génie (cf. « Préfaces ») semblent être en gras et prendre plus
d’espace, sans doute pour insister sur cet aspect. D’autre part, seul un des deux frontispices mentionne
l’auteur, bien que seule l’initiale de son nom soit donnée.

Notion héritée de Descartes et traduisant l’orientation rationaliste que prend l’enseignement


des langues en France à cette époque, le terme méthode est privilégié dans les grammaires de la
deuxième moitié du XVIIe siècle et dans leurs titres à partir des grammaires de Lancelot (1644) puis de
celle de Port-Royal (Grammaire générale et raisonnée) avec Arnauld en 1660. Il signifie « Art de
disposer les choses d’une manière qu’on les puisse faire, ou enseigner, ou les retenir avec plus de
facilité » (Swiggers dans Schmitter, 2007, pp. 646-721) ; on peut donc s’attendre à ce que la première
grammaire de D’Aisy contienne elle aussi des paradigmes et règles. Nous reviendrons sur l’aspect
méthodique de l’ouvrage de D’Aisy lors de l’analyse de sa préface puis de son contenu grammatical.
Quant à l’adjectif nouvelle, il montre la prétention de l’auteur de se positionner comme un précurseur ;
c’est l’image qu’il espère donner de lui au public et transmettre à la postérité. C’est aussi une réalité,
car on constatera par la suite que la Méthode renouvelle la description grammaticale de certains
éléments par rapport aux grammaires antérieures.

On dispose également des informations suivantes sur les frontispices : l’imprimeur (Estienne
Michallet ou Laurent D’Houry) et l’année (en chiffres romains). Quant au lieu d’édition, on nous indique
dans les deux cas la rue Saint-Jacques à Paris (les deux imprimeurs exerçaient donc dans la même rue,
mais à un endroit différent ; cf. précisions sur les frontispices). Par ailleurs, toutes les éditions ont
bénéficié du privilège du roi, et un extrait de celui-ci est généralement présent en fin d’ouvrage (en
vue de préciser les droits de l’imprimeur et les sanctions encourues par d’autres en cas de reproduction
non autorisée).

2.4. Dédicataires

Au début des différentes versions du Génie A, on a une dédicace de quatre pages signée
D’Houry au seigneur Jacques Honore Barantin, à propos duquel il ne tarit pas d’éloges. L’imprimeur s’y
excuse également pour sa plume et dit vouloir montrer au public que cet homme si méritant est son
protecteur.

Quant à la dédicace présente au début de l’un des exemplaires de la Suite du Génie de la langue
françoise et du tome II de la nouvelle édition du Génie, nous avons déjà signalé son intérêt par le fait

9
qu’elle est signée D’Aisy. Elle s’adresse à l’avocat du roi Monsieur Desgouges, à qui l’auteur fait des
compliments, principalement sur sa maîtrise de la langue française.

2.5. Reste du paratexte

Les grammaires, en fonction de l’édition, contiennent presque toutes un sommaire ou une


table des matières (selon que la liste des chapitres est présente en début ou en fin d’ouvrage, mais
toutes les grammaires l’appellent table, seule appellation existant à l’époque, sans doute ; cf. annexe
2), suivi(e) parfois d’une table par ordre alphabétique avec un renvoi aux pages, qui se rapproche donc
d’un index.

Les sommaires ou tables des matières permettent de cibler la suite de ce travail. En effet, nous
savions déjà grâce à l’étude du frontispice que la Méthode ne traitait en réalité pas seulement de
contenus grammaticaux mais également de prononciation, de prononciation en lisant et d’euphonie
(ou bonne prononciation). Notre analyse se centrera donc sur la troisième partie de la Méthode,
appelée La Grammaire Françoise, qui s’étend des pages 83 à 188. Quant au Génie A, l’entièreté de son
contenu nous retiendra, puisque sa table des matières nous informe qu’il est presque entièrement de
nature grammaticale. Nous laisserons de côté le Génie B, car il comprend des chapitres sur la
prononciation, la pureté et netteté du langage (usage de certaines PDD et leur signification) et le style.
Il concerne donc plutôt l’usage normatif que la description grammaticale du français.

En résumé, le paratexte de la Méthode se présente comme suit : frontispice, avertissement,


table, privilège (en début d’ouvrage avant les quatre parties). Celui du Génie A contient : frontispice,
dédicace, avertissement ; table, table par ordre alphabétique, privilège (en fin d’ouvrage après le
développement des deux parties). Enfin, on a pour le Génie B 8 : frontispice, dédicace (signée D’Aisy),
table ; table par ordre alphabétique, privilège.

2.6. Préfaces

Le dernier élément du paratexte dont nous n’avons pas encore parlé est la préface, ou, pour
reprendre la dénomination adoptée dans les ouvrages, l’avertissement. Le Génie B n’en contient pas,
mais le Génie A et la Méthode si. Nous allons tout de suite commenter l’avertissement de cette
dernière, reproduit en annexe 1 (cela aurait peu de sens de l’éditer puisqu’on ne dispose que d’un
exemplaire de l’ouvrage, ni de le transcrire car il est très aisément lisible), puis proposer une édition
de la préface du Génie A à partir de ses différentes éditions.

8
De manière étrange, une des deux versions disponibles en ligne de la Suite du Génie ne comprend pas le
paratexte de début.

10
2.6.1. Nouvelle Méthode de la langue françoise

En quatre pages, l’avertissement de la Méthode nous informe d’abord sur le plan de l’ouvrage. En
effet, une langue étant dite composée de mots eux-mêmes formés de sons, la première partie entend
expliquer, sous forme de principes généraux, la nature et les propriétés de ces sons (notons que les
syllabes sont aussi considérées comme tels par D’Aisy). La seconde partie apprendra à prononcer en
lisant cette fois, car, quand on apprend une langue, on le ferait d’abord par la lecture. Ensuite, la
troisième partie, grammaticale, sert à interpréter et expliquer le français et est dite nécessaire comme
fondement. Enfin, la dernière partie complète la première car elle traite de la bonne prononciation
d’une unité plus grande, les mots. Vient ensuite un commentaire général sur le fait que l’ouvrage
contient, en un style concis et clair, de nombreuses règles et remarques accompagnées d’exemples, et
que l’ordre d’exposition est nouveau et intelligent. L’auteur informe pour finir le lecteur que des
savants de l’Académie française, notamment, ont approuvé son travail (autre moyen de se légitimer à
une époque où seule cette dernière a le droit de publier des grammaires), et que d’autres ouvrages
suivront si le premier est bien accueilli du public. En outre, l’auteur entrevoit la possibilité de (faire)
traduire la Méthode en allemand et en flamand, car les locuteurs de ces deux langues seraient
intéressés par le français.

Cette préface nous permet donc de constater que l’ouvrage se veut avant tout didactique ; il
s’adresse à des personnes voulant apprendre la langue française, a priori en partant de rien. Les
exemples et le style devraient servir ce but. C’est pour cela que l’ouvrage n’est pas entièrement
grammatical, car connaître des règles ne suffit pas, il faut également savoir prononcer. Quant à l’ordre
dit novateur (cf. adjectif Nouvelle dans le titre), nous aborderons celui de la troisième partie dans la
section métagrammaticographique de ce travail.

Cette préface nous permet par ailleurs d’éclaircir l’aspect méthodique de l’ouvrage auparavant
annoncé par le titre. Les caractéristiques de cette qualité semblent être les suivantes :

 Explication de la nature et des propriétés des composants de la langue


« […] la première Partie de cette MÉTHODE, qui explique la nature et les propriétéz des SONS de la LANGUE FRANÇOISE. »

 Ordre logique (premières parties sur la prononciation des sons, troisième sur les différents
mots et quatrième sur la bonne prononciation de ceux-ci, puisqu’une langue est composée de
mots formés par la prononciation de sons) et favorable à l’apprentissage (les chapitres vont
du général au particulier)
« Aprèz avoir appris la Prononciation des SONS en général, notre Méthode enseigne à prononcer en LISANT : parce
que pour apprendre à Expliquer et à Parler une Langue, on commance par la Lecture. »
« La Quatrième Partie est une suite de la Première. Nous l’appelons EUPHONIE, parce qu’elle enseigne la Bonne-
Prononciation des Mots, dont la Première Partie ne considère que les Sons en général. »

11
De même, l’introduction de la partie grammaticale indique qu’une bonne méthode
recommande d’apprendre à entendre et à expliquer le français une fois que l’on sait prononcer
et lire, et dit que l’ordre de la grammaire qui va suivre est raisonné et novateur. 9
 Énonciation de principes généraux en début d’ouvrage, sur lesquels se base la suite
« Les Principes généraux que cette Partie enseigne, servent de fondemens pour établir les Règles des autres
Parties. »

 Présence de nombreux préceptes, règles et remarques


« Cette MÉTHODE renferme en peu de mots, beaucoup de Préceptes, de Règles, de Remarques, avec leurs
Exemples. »

 Economie
« en peu de mots » ; « Le Style est concis et abrégé : mais il est clair et facile »
« Nous n’embarasserons point les Etrangers par de longs discours ; et nous expliquerons nettement les choses d’un
style concis, mais clair et fort Méthodique : renfermant ici en peu de mots, ce qui ne se trouve pas dans les plus
amples Grammaires. » (introduction de la troisième partie)

 Complétude
« cette Partie contient tout ce qui est nécessaire pour […] »

La mention des règles, tout comme la dernière partie sur l’euphonie, semblent nous indiquer que
l’ouvrage hérite à la fois du courant normatif (cf. titre « Bonne prononciation » et chapitre « Mauvaise
prononciation ») et du courant méthodique.

Signalons, pour finir, que cet avertissement est de l’auteur même s’il n’est pas signé, car il est écrit
à la première personne (du singulier ou du pluriel) et car l’énoncé « Cette Réflexion m’a fourny l’idée
de la première Partie », par exemple, ne laisse aucun doute sur l’identité de ce « je ».

2.6.2. Le Génie de la langue françoise

Conventions d’édition

Les normes que nous avons adoptées pour éditer cette préface en vue de la rendre à la fois
intelligible pour des lecteurs contemporains, mais également respectueuse du texte d’origine, sont les
suivantes :

 Pour la toilette du texte, les lettres i, j et y ainsi que u et v ont été transcrites en fonction de leurs
valeurs modernes. Le signe ancien ∫ (s long) est remplacé par la graphie moderne. Excepté ces
changements, les graphies anciennes des mots sont respectées (notamment esté ou vivoit) et non
uniformisées (cf. assés et assez ; l’accent sur la première occurrence est de notre intervention,
pour rendre le mot compréhensible).

9
Les premières pages de la première partie disent également que l’écriture a été inventée pour représenter la
parole, ce qui justifie l’ordre d’enseignement choisi dans l’ouvrage (d’abord la prononciation, puis la lecture-
écriture). Elles disent aussi que, pour prononcer parfaitement, il faut connaître la grammaire, d’où la position
finale du chapitre sur l’euphonie.

12
 Pour les conventions de transcription, nous avons écrit en toutes lettres (et) les esperluettes (&).
Seule un exemplaire (celui avec une autre vignette) contenait d’autres abréviations, notamment
des tildes pour les voyelles nasalisées, nous n’avons donc pas rendu leur résolution en italique.

(dans l’exemplaire caduc) (dans les deux autres)

 La ponctuation a été respectée, car elle se rapprochait de l’usage moderne. Les majuscules ont
également été suivies car elles s’appliquaient soit à des noms propres, à des titres d’ouvrages ou
de chapitres, ou encore à des mots volontairement mis en exergue (ex : Langue). Les noms
d’ouvrages cités ont été transcrits en italique. Quant aux citations, à la place de l’italique, elles sont
données entre guillemets.
 Les signes diacritiques dérogent à l’usage ancien : un système d’accentuation moderne a été
appliqué, supprimant, ajoutant et modifiant ainsi les accents présents dans le texte. La consonne
c portait quant à elle déjà une cédille chaque fois que cela était nécessaire.
 Enfin, pour la mise en page, l’édition suit les paragraphes et retraits à la ligne du texte d’origine.
N.B. : La confrontation des différentes versions disponibles du Génie A pour pouvoir éditer son
avertissement nous a permis de constater deux voire trois erreurs dans l’exemplaire qui contient des
abréviations et dont on avait déjà dit qu’il renseignait une date d’impression erronée. En effet, dans le
premier paragraphe de l’avertissement tout d’abord, lorsque sont listées les neuf parties du discours,
cet exemplaire contient le mot Propositions à la place de Prépositions. Ensuite, il manque une
majuscule au nom de l’ouvrage de Vaugelas (Remarques) lors de l’une de ses occurrences. Enfin, au
paragraphe 6, il est écrit « On y voit des Déclinaisons Françoises » au lieu de l’article défini les qu’on a
dans les autres versions, ce qui modifie le sens de la phrase. 10

AVERTISSEMENT.

« Monsieur de Vaugelas, dit le R. Père Bouhours, a ésté l’Oracle de la France durant sa vie, il l’est
encore après sa mort, et il le sera tandis que les François seront jaloux de la pureté et de la gloire de
leur Langue. » Si Monsieur de Vaugelas vivoit, il donneroit sans doute les mêmes louanges au R. Père
Bouhours, qui a un Génie merveilleux pour notre Langue, et dont on connoit assez le Bel Esprit.
Monsieur Ménage qui ne suit pas toujours les sentimens de Monsieur de Vaugelas, l’appelle
néanmoins en quelques endroits, « le Maître Juré de la Langue » : et Monsieur de Vaugelas lui donne
réciproquement cet éloge, « Je suis bien aise de fortifier cette Remarque du sentiment d’une personne
qu’on peut nommer un des Oracles de notre Langue, aussi bien que de la Greque et de la Latine ; et
chés qui les Muses et les Grâces, qui ne s’accordent pas toujours, sont parfaitement unies. » En effet
il est certain que pour se rendre parfait dans la connoissance de notre Langue, le moyen le plus sûr et
le meilleur, est d’étudier ces trois Auteurs, et d’entendre bien leurs décisions. Les Remarques de
Monsieur de Vaugelas ne se peuvent assés louer. Ses réflexions sont judicieuses et subtiles, et ses
raisonnemens justes. Il est vrai que depuis la mort de ce grand Homme, quelques locutions, qu’il

10
Cette remarque ne signifie pas pour autant que cet exemplaire est le seul à contenir des fautes. En effet, dans
les trois autres versions disponibles du Génie A, la page 36 porte par exemple le numéro 6 et contient deux fois
« Temps composéz » comme titre des tableaux de conjugaisons au lieu de « Temps simples » pour le premier
(cette seconde erreur est également partagée par la version la plus fautive des quatre).

13
approuve, ont vieilli ; et que quelques autres, qu’il condamne, se sont introduites : mais elles sont en
petit nombre, comme on le voit dans les nouvelles Remarques du R. Père Bouhours, qui nous
fournissent presque tout ce qui pouvoit manquer aux Remarques de Monsieur de Vaugelas, et servent
particulièrement pour régler le style des personnes qui se mêlent d’écrire. Les Observations de
Monsieur Ménage sont pleines d’érudition, et descendent dans le détail de tout ce qui peut faire naître
quelque doute dans les mots, ou dans les expressions. Mais ce qui fait de la peine à ceux qui étudient
la pureté et la netteté de notre Langue, c’est que ces Auteurs n’ont observé aucun ordre dans leurs
Remarques ou Observations. Monsieur de Vaugelas l’avoue lui-même dans sa Préface. « Mais, dit-il,
on me dira qu’il y avoit une autre espèce d’ordre à garder, plus raisonnable et plus utile, qui estoit de
ranger toutes ces Remarques sous les neuf parties de l’Oraison, et de mettre ensemble, premièrement
les Articles, puis les Noms, puis les Pronoms, les Verbes, les Participes, Les Adverbes, les Prépositions,
les Conjonctions et les Interjections. Je répons, que je ne nie pas que cet ordre ne soit bon ** Mais
comme je n’ai eu dessein que de faire des Remarques qui sont toutes détachées l’une de l’autre, et
dont l’intelligence ne dépend nullement ni de celles qui précèdent, ni de celles qui suivent, la liaison
n’y eut servi que d’embarras, et j’eusse bien pris de la peine pour rendre mon travail moins agréable. »
Cette raison n’est bonne que pour les Remarques qui subsistent ou font leur effet séparément, et à
l’égard de ceux qui n’ayant point étudié, n’ont nulle teinture de la Langue Latine. Mais il est constant
qu’il y a une infinité de Remarques dont la parfaite intelligence dépend de leur liaison et de leur
rapport, comme on remarquera dans ce nouveau Livre ; et ceux qui ont de l’étude, sont bien aises de
voir ces choses dans quelque ordre. C’est pourquoi Monsieur de Vaugelas ajoute, « J’ai eu encore une
autre raison qui m’a obligé de n’observer point d’ordre, (je ne le veux point dissimuler), c’est que
n’ayant pas achevé ces Remarques, quand ceux qui ont tout pouvoir sur moi, m’ont fait commencer à
les mettre sous la presse, j’ai eu moyen d’en ajouter toujours de nouvelles : Ce que je n’eusse pu faire,
si j’eusse suivi l’ordre dont je viens de parler. » Voilà la véritable raison. Et lors que le R. Père Bouhours
témoigne qu’il n’a observé aucun ordre en ses Remarques, à l’exemple de Monsieur de Vaugelas, il dit
ensuite que « cependant il y a des Remarques dont l’une suppose l’autre, et que pour entendre de
certains endroits, il faut lire nécessairement le Livre de suite. »
Dans cette veüe, l’Auteur de ce nouveau Livre a cru qu’il obligeroit le public, s’il formoit un
dessein dont la méthode put rendre l’étude des Remarques plus facile, et mettre en leur jour plusieurs
Décisions qui paroissent obscures, parce qu’elles sont séparées les unes des autres, quoiqu’elles ayent
un rapport et une dépendance naturelle.
Ce Livre a encore un autre avantage, qui est très-considérable. Car il renferme sous un même
Article, les Remarques et les Observations qui regardent une même difficulté, et qui sont néanmoins
dispersées en plusieurs endroits des Ouvrages de ces trois illustres Auteurs. Il est vrai qu’ils y ont mis
des Tables à la fin : mais c’est une chose bien incommode et bien embarrassante de chercher
l’explication d’un doute dans ces différentes Tables, où d’ailleurs les chiffres estant quelquefois faux,
la recherche est inutile.
L’Auteur de ce Livre a tâché de prendre le sens de ces Maîtres de notre Langue, et de
l’expliquer, quelquefois dans les mêmes termes, quelquefois d’une manière qui le rend plus intelligible.
Il pouvoit y ajouter quelques Réflexions ; mais il a jugé à propos de ne point mêler parmi ces Oracles,
des choses qui n’auroient pas la même force et la même autorité. Il s’est contenté de donner un Abrégé
de la Grammaire Françoise, qui sert de fondement aux Remarques, et qui estoit nécessaire pour les
bien entendre.
Cet Abrégé est dans un ordre très-méthodique ; et si l’on y fait réflexion, l’on reconnoitra que
les pages de cette Partie du Livre, sont comme autant de Tableaux, qui représentent à l’œil et à l’Esprit
toute l’analogie des Déclinaisons et des Conjugaisons Françoises, d’une manière qui se soutient
également par tout, et qui aide merveilleusement l’Imagination et la Mémoire.

14
On y voit les Déclinaisons Françoises, que l’on n’a point encore distinguées dans les autres
Grammaires : Et cette différence de Déclinaisons, éclaircit d’abord une infinité de difficultéz touchant
les Noms, que l’on a bien de la peine à entendre autrement.
Il y faut encore remarquer la division des Verbes Irréguliers, suivant leurs Terminaisons, pour
en connoitre l’analogie qui ne paroit pas dans les Grammaires ordinaires, où l’on suit seulement l’ordre
Alphabétique : au lieu que joignant les Verbes dans l’ordre qu’ils sont disposés en ce Livre, on voit
aisément le rapport qu’ils ont ensemble.
On donnera bien-tôt au public la troisième Partie, qui renfermera tout ce que l’on peut encore
désirer pour la pureté et pour la netteté du style.

Ce Soleil signifie que dans l’Article on a suivi la décision de Monsieur de Vaugelas.


Cette Croix fait connoitre que c’est le sentiment du R. Père Bouhours.
Et cette Main montre que c’est l’opinion de Monsieur Ménage.
Ces marques s’étendent à tous les Articles qui suivent, jusqu’à ce que l’on en voie une autre.

Commentaire

Bien que l’avertissement soit écrit à la troisième personne du singulier (« on », « L’Auteur de


ce nouveau Livre »), cela semble être une stratégie de la part de son auteur qui n’est autre que D’Aisy.
En effet, celui-ci dit compter parmi les savants en matière de langue, et il justifie la pertinence de
l’ouvrage par son ordre nouveau et nécessaire (notamment celui des remarques montrant leurs liens
et rendant ainsi leur étude plus facile pour le public) et par son explication des apports de ses
prédécesseurs. Il énumère aussi les qualités (ex : les tableaux dans l’Abrégé) et les nouveautés
avantageuses (les déclinaisons pour comprendre les noms ; la division des verbes irréguliers selon leurs
terminaisons pour voir leurs rapports) du livre, et en annonce 11 la suite. On a aussi une sorte d’aveu
de faiblesse, et d’auto-reconnaissance, dans le paragraphe 4 où D’Aisy dit avoir rendu plus intelligible
certains passages des remarqueurs et ne rien avoir ajouté de son initiative dans cette seconde partie
(pour préserver sa force et son autorité d’origine), mais l’avoir fait précéder d’un Abrégé de grammaire
personnel comme fondement pour la suite.

La préface ne nous indique pas de finalité précise, contrairement à celle de la Méthode dont le
souci pédagogique était revendiqué, ni de public cible. L’ouvrage semble s’adresser à tout lecteur
curieux de grammaire française, ayant lu Vaugelas, Bouhours et Ménage ou non, avec une sollicitude
particulière pour les personnes ayant étudié la langue latine, car il est dit que l’ordre nouveau devrait
leur plaire. Ce dernier s’inspire en effet du modèle greco-latin, comme nous le verrons.

Venons-en maintenant aux trois sources de l’auteur, qu’il mentionne et loue. Le premier
« Oracle » est Claude Favre de Vaugelas, membre de l’Académie française, qui a publié des Remarques

11
Ce dernier paragraphe aurait en réalité bien pu être de l’éditeur.

15
sur la langue françoise en 1647. Le second est Dominique Bouhours, auteur de Doutes sur la langue
françoise de 1674 et de Remarques nouvelles sur la langue françoise l’année suivante. Le dernier est
Gilles Ménage, qui a écrit des Observations sur la langue françoise entre 1675 et 1676 (ainsi qu’un
dictionnaire étymologique). Ces trois grammairiens (Tell, 1874, pp. 46-49 ; 67 ; 51) font partie du
courant puriste. A cette époque, le français fait l’objet d’un culte et devient ce qu’on appelle le français
classique, certains grammairiens ne se contentent donc plus seulement de le décrire, mais s’inscrivent
dans une idéologie selon laquelle il existerait un bon usage. Ils enseignent donc l’usage de la Cour et
corrigent certaines façons de parler. Vaugelas est le premier auteur à introduire cette méthode qui
met de côté les principes pour plutôt commenter des phrases en écoutant sa raison, et il sera ensuite
suivi par de nombreux autres grammairiens. Les puristes recourent à des critères subjectifs et
esthétiques tels l’élégance ou l’harmonie d’une forme ou expression, et se rapprochent ainsi de la
discipline stylistique (Swiggers dans Revue de linguistique romane, 2002, p. 576). D’autres concepts-
clés du courant normatif sont par exemple la notion de clarté ou de génie de la langue française. Le
présent ouvrage de D’Aisy s’inscrit donc explicitement dans cette lignée par son titre. D’après sa
préface, D’Aisy semble vouloir faire une synthèse entre les grammaires de type puriste (cf. aussi les
mots pureté, gloire et netteté de la Langue française dans la préface) et le courant théorisant (cf.
l’Abrégé de grammaire au début du Génie) 12.

A propos de l’aspect méthodique de la grammaire (sur lequel l’auteur insiste moins que dans
son premier ouvrage), de nouveau, la préface apporte un éclaircissement à ce sujet. C’est l’ordre qui a
cette qualité, car la disposition montre « à l’œil et à l’Esprit » 13 les analogies entre certaines parties
(par exemple : entre les verbes irréguliers suivant leur terminaison, division absente chez les
grammairiens précédents ; entre les différentes remarques, dont les rapports et la dépendance sont
rendus moins obscurs pour le public ; via les tableaux de déclinaison et de conjugaison), d’une manière
constante et bénéfique pour l’imagination et la mémoire. L’ordre méthodique en PDD est d’ailleurs dit
« raisonnable et utile » par Vaugelas lui-même, et d’autres parties de la préface insistent sur sa logique
(par exemple, l’Abrégé est dit nécessaire pour comprendre les remarques qui suivent ; l’explication en
premier lieu des déclinaisons, élément par ailleurs novateur, permettrait d’éclaircir les difficultés que
posent les noms).

12
Laurent Chiflet l’a déjà fait en 1659 : son Essay d’une parfaite grammaire de la langue françoise combine la
description avec les remarques de Vaugelas (Swiggers dans C. Polzin-Haumann – W. Schweickard, pp. 531-532).
Plus tard, Pierre de la Touche fera de même que D’Aisy dans son Art de bien parler françois, puisqu’il intègre les
remarques, doutes et observations de ses prédécesseurs dans le modèle classique des grammaires (o.c., p. 533).
13
Idée semblable dans la préface de la Méthode (« l’arrangement des Tables fait voir à l’œil ce que l’esprit ne
conçoit pas si bien, autrement »).

16
3. Partie « métagrammaticographique »
Pour chaque point, nous commencerons par analyser la troisième partie de Methode, sortie en
premier lieu, puis nous nous pencherons sur le Genie A, afin de pouvoir comparer ces deux
grammaires.

3.1. Analyse externe

3.1.1. Nouvelle Méthode de la langue françoise

La Méthode est écrite en français, ce qui correspond à la langue-cible.

Les en-têtes ne contiennent que le numéro de page. La partie grammaticale (Troisième Partie) se
présente sous la forme d’un texte continu séparé en chapitres et paragraphes et souvent interrompu
par des sortes de tableaux comme celui-ci lorsque l’auteur propose la déclinaison d’une PDD
(conformément aux grammaires latines, celles du français du XVIIe siècle maintiennent en effet une
partie des cas, qu’ils justifient par la présence devant le nom de notre actuelle préposition de pour le
génitif et à pour le datif). Les exemples, assez souvent religieux, certaines notions et l’introduction de
la partie sont en italique.

Par rapport à la structure, renseignée par un sommaire (appelé table ; cf. annexe 2), la
grammaire est divisée en dix chapitres numérotés par des chiffres romains : « De l’Article », « Du
Nom » (à l’époque, cette catégorie englobait à la fois substantifs et adjectifs), « Du Pronom », « Du
Verbe », « Des Verbes Irréguliers », « Du Participe », « De l’Adverbe », « De la Préposition », « De la
Conjonction et de l’Interjection » et « La Syntaxe ». On retrouve donc un schéma en neuf parties du
discours ; l’auteur emprunte donc aux huit partes orationis des grammaires latines la catégorie des
interjections, et aux huit mérē toû lógou grecques celle des articles.

L’ordre et le contenu des sous-chapitres (appelés articles et numérotés en chiffres arabes)


n’est pas uniforme car il varie selon la PDD concernée et ses accidents.

Pour ce qui est du moule descriptif, la Méthode est a priori une grammaire classique puisqu’elle
ne contient que des règles et explications, et pas de listes de mots ni d’exemples de lettres ou de

17
conversations modèles, ce qui la rapprocherait d’un dictionnaire ou d’un manuel. Cependant, cet
ouvrage n’est pas seulement grammaticographique mais également lexicographique, puisque trois
chapitres sur quatre apprennent la prononciation à partir de l’orthographe des mots ; et stylistique,
puisqu’il montre comment bien prononcer en lisant puis en parlant. Elle suit donc le modèle classique
des grammaires : partie phonétique (Première Partie), puis orthographique (Seconde Partie),
morphologique, syntaxique (Troisième Partie) et enfin stylistique (Quatrième Partie). Le chapitre sur
les verbes s’apparente en partie à un livre de conjugaison, puisqu’il reprend des tableaux des temps et
des flexions de plusieurs verbes réguliers et irréguliers, pour chacune des quatre conjugaisons.

3.1.2. Le Génie de la langue françoise

Le Génie est également en langue française, mais son format est quelque peu différent. Les en-
têtes de la première partie (Abrégé de la Grammaire Françoise) reprennent le numéro de la page et le
nom du chapitre quelquefois adapté 14 (la première partie sur la page paire et la seconde sur la page
impaire, comme c’est souvent le cas). Les pages se présentent de la même façon que celles de la
Méthode (texte continu entrecoupé de tableaux), si ce n’est que ces derniers contiennent d’abord les
cinq cas latins, avant la remarque plutôt tardive sur l’équivalence de certains cas en français (le
nominatif avec l’accusatif, et le génitif avec l’ablatif). Les exemples, certaines notions et les mots en
mention sont également en italique.

Quant à la structure, reproduite dans la table, elle ressemble aussi à celle de la Méthode ; les
chapitres de la Première Partie (appelés titres et numérotés en chiffres romains) sont les suivants :
« Les Déclinaisons des Noms », « Des Pronoms », « Des Verbes », « Du Participe », « Des Particules
Indéclinables » (au nombre de quatre : adverbe, préposition, conjonction, interjection) et « De la
Syntaxe ». On retrouve donc les huit PDD latines (mais non l’article des grammaires grecques et de la
Méthode), toujours suivies d’une section syntaxique. Ses sous-chapitres (dits articles et numérotés

14
Par exemple, la table des matières renseigne comme titre du chapitre III « Des verbes », mais les en-têtes des
pages en question contiennent « Les Conjugaisons des Verbes ».

18
avec des chiffres arabes) sont comparables à ceux de la Méthode pour la même PDD, avec souvent un
ordre différent ainsi que des ajouts.

Les titres de la Seconde Partie, qui contient les remarques, sont d’abord les noms de huit PDD
(l’article y étant ajouté et les interjections ne faisant pas l’objet de remarques), suivis de remarques
sur la syntaxe, le genre des noms et la prononciation des mots.

Cette deuxième partie contient un texte entièrement continu. Ses en-têtes donnent seulement
le titre de la partie (Remarques sur la – Grammaire françoise). Les exemples en mention sont soit
présents au sein du texte, soit au milieu du développement dans un paragraphe séparé, soit comme
titre de sous-chapitre lorsqu’ils font eux-mêmes l’objet d’un commentaire. 15

Le moule descriptif du Génie est également celui d’une grammaire pure, mais son auteur continue
à mêler cet aspect grammaticographique à des considérations stylistiques et lexicographiques.

En effet, la seconde partie avec les remarques a pour but d’apprendre l’Usage correct de la langue
française (la partie Abrégé contient d’ailleurs elle aussi parfois des commentaires sur les formes plus
ou moins convenables16).

Les remarques sur les noms, réparties en deux chapitres, donnent des informations sur le genre et
le nombre de nombreux substantifs de la langue française pour lesquels les locuteurs doutent (souvent
en raison du fait que l’usage a évolué et que certains auteurs se trompent donc). Ces substantifs, qui
font chacun l’objet d’un sous-chapitre, ne sont pas rangés dans un ordre strictement alphabétique
mais leurs significations sont parfois données lorsque celles-ci sont démarcatives 17, et un exemple de
leur emploi est toujours fourni. De plus, après la table des matières (appelée « Table des titres,
chapitres et principaux articles »), le Génie contient un index de 16 pages (appelé « Table des
matières ») qui renseigne par ordre alphabétique tous les mots commentés dans l’ouvrage (avec un
renvoi à la page concernée), mêlés aux termes techniques. Après certains de ces mots et termes, il est
dit brièvement sur quel(s) aspect(s) portent les informations de la grammaire. Un lecteur qui hésite

15
Par exemple, dans le chapitre « De l’Article », on a à la fois comme sous-chapitres (appelés chapitres et/ou,
pour la subdivision suivante, articles) la remarque « Les noms propres n’ont point d’article » puis l’exemple « De
jour à autre ».
16
Par exemple, page 45, juste après un tableau de conjugaison, l’auteur conseille d’utiliser l’expression sentir
mauvais plutôt que le verbe puer.
17
Parfois, un même mot a de fait deux genres (Ménage qualifie ces substantifs d’hermaphrodites), selon qu’il est
employé dans tel sens, qu’il est au singulier ou au pluriel, qu’il est employé dans le discours élevé ou dans le
discours familier, et/ou selon son environnement. Par exemple, œuvre dans le sens d’« ouvrage » est masculin
au singulier mais féminin au pluriel (tandis que dans le sens d’« action » il est toujours féminin) ; gens est féminin
s’il est précédé d’un adjectif. Dans d’autres cas, les remarques sur les substantifs existant aux deux genres
contiennent des expressions comme « mais est plutôt masculin que féminin », « mais la plus commune opinion
est qu’il est féminin », « mais est plus souvent masculin », « mais est plus communément masculin » etc., la règle
est donc plus floue.

19
sur le genre ou le pluriel de tel substantif ambigu peut donc consulter le Génie (pour peu que le mot y
soit traité) et trouver facilement la réponse à sa question, comme il le ferait à l’aide d’un dictionnaire.

Enfin, le chapitre sur les verbes de la première partie est presque en tout point identique à celui
de la Méthode et donc à un ouvrage de conjugaison (les en-têtes contiennent d’ailleurs Les
Conjugaisons – des Verbes, parallèlement aux chapitres précédents où l’on avait Les Déclinaisons – des
Noms/Pronoms).

3.2. La description grammaticale

Nous allons d’abord présenter l’approche de l’auteur de manière générale dans chaque ouvrage,
avant de nous pencher plus en profondeur sur une PDD uniquement (vu la taille des grammaires) pour
pouvoir relever et comparer les informations contenues dans chaque ouvrage.

3.2.1. Forme énonciative, argumentation et exemplification

Le discours de la Méthode sur les PDD est essentiellement narratif. En effet, les informations à leur
propos sont données sous forme de phrases complètes, et non pas à l’aide de tirets pour chaque règle
par exemple. On n’y trouve aucun schéma. Cette forme a pour fonction de fournir une argumentation
descriptive et surtout explicative (la préface insistant sur cet aspect) plutôt que prescriptive, à
première vue. Quant aux exemples, ils semblent pour la plupart forgés par l’auteur pour accompagner
ses propos.

Le Génie est ici différent, en ce qui concerne la seconde partie avec les remarques. Le discours
y est aussi de forme narrative, mais l’argumentation est, comme on peut s’y attendre, principalement
prescriptive. Une grande partie des sous-chapitres contiennent ou commencent par des expressions

20
comme « L’Usage veut … », « Il faut dire … et non pas … », « Il faudrait dire pour parler régulièrement
… », « La plus saine opinion fait … », « On dit plus communément… », « C’est mal parler », « C’est
français », « … n’est plus/est le plus usité », « … n’est plus du bel usage », « … ne peut se dire, ni selon
le bon usage, ni selon la Grammaire », « … ne vaut rien », « Il ne faut pas condamner absolument … »,
« On dit dans le discours familier …, mais pour parler régulièrement/élégamment, … », « pour une plus
grande perfection », « Si l’on a soin de la pureté du langage », « du grand air », « choquant », « plus
doux et régulier », et j’en passe. On a tout de même parfois des aveux de faiblesses de la part des
remarqueurs, comme des observations introduites par « Je crois que », ou pp. 134-135 :

« Quelque chose : Ces deux mots sont au Neutre […] C’est pourquoi il faut dire, par exemple, Ai-je fait quelque chose que
vous n’ayez fait ? et non pas que vous n’ayez faite : Car on n’a point égard au genre de chose […] Mais il y a des endroits
où le Masculin ne seroit pas bien, comme en cet exemple, Il y a dans ce livre quelque chose qui n’est pas tel que vous
dites ; il semble qu’il faut dire qui n’est pas telle etc. Pour discerner ces endroits, je ne scai point d’autre règle que l’oreille.
Quelques-uns sont d’avis d’éluder la difficulté avec la particule de devant l’Adjectif, et de dire Il y a dans ce livre quelque
chose d’assez bon. Mais cet expédient ne sert pas toujours ; car on ne peut changer ces exemples, Il y a quelque chose
dans ce livre […] qui mérite d’être leu, en y employant de. » (De manière étrange, p. 287, quelque chose est dit
exclusivement masculin par le même remarqueur, à savoir Vaugelas)

Mais qu’est-ce que l’Usage ? Le Génie n’éclaircit rien à ce sujet, mais la Méthode donne cette définition
dans sa seconde partie :

Parfois cependant, il est difficile de savoir si la forme qui est en titre d’article est correcte ou si
c’est la deuxième forme donnée dans le développement qui l’est, ou encore si les deux se valent (ce
qui est parfois le cas, souvent avec une nuance de sens). Par exemple, ici, il est clair que la forme
donnée dans le titre est fausse, alors que dans le second exemple, c’est plus ambigu :

21
De même, à certains endroits, les sources de D’Aisy semblent se contredire ou se remettre en question
l’une l’autre, et D’Aisy n’offre de nouveau pas de compromis :

A l’inverse, parfois, deux ou trois des sources disent la même chose mais avec une tournure différente
(Ménage cite d’ailleurs parfois ses prédécesseurs), et pourtant le Génie répète les remarques de
chacune. D’Aisy semble donc très fidèle à ses sources ; comme il l’a annoncé dans sa préface, il ne fait
que réorganiser leurs remarques pour montrer leurs rapports et analogies, mais n’y ajoute rien afin de
ne pas porter préjudice à leur qualité.

Pour ce qui est des exemples, les auteurs prétendent la plupart du temps qu’ils les ont
entendus à la Cour (qui n’a pas toujours raison malgré ce qu’on pourrait croire) ou parmi le peuple,
mais ils les puisent également souvent dans des sources littéraires. De fait, pour bon nombre de mots
commentés, des fragments d’œuvres d’auteurs célèbres sont cités (au sein du texte ou dans un
paragraphe distinct), que ce soit pour prouver que telle forme est la bonne ou pour montrer quand
ces derniers se « trompent » (généralement parce que l’usage a changé entretemps).

22
3.2.2. Modélisation

Avant d’aborder le traitement des PDD, notons qu’avant le premier chapitre de la Méthode sur les
articles, on a d’abord une définition du mot grammaire (« L’Art de bien parler François et de bien
entendre cette Langue ») et un rappel de ce que sont les lettres, les syllabes, et les mots qui composent
le discours. On a donc ici une manifestation de la vision globale lexicentriste de beaucoup de
grammaires de l’époque ; elles se focalisent sur les mots, c’est-à-dire les PDD, et leurs propriétés.

La terminologie adoptée pour les parties du discours, assez classique, n’est presque jamais justifiée
dans aucun des deux ouvrages, si ce n’est par de rares allusions étymologiques à la langue latine 18 dont
les grammaires héritent. Par exemple, en introduction du chapitre sur la préposition, les deux
grammaires disent qu’elle « est ainsi appelée du mot latin Præpositus qui signifie mis devant : parce
que son usage est d’être mise devant les Noms qu’elle régit. »

Néanmoins, l’auteur fait un effort constant de définition des termes techniques lorsqu’ils
apparaissent pour la première fois, définitions évidemment plus morphologiques que sémantiques.
Par, exemple, le chapitre sur l’article dans la Méthode commence ainsi :

Après chaque définition, on voit que l’auteur énumère généralement les accidents de la PDD
concernée (notons que, dans le Génie, il fait parfois l’impasse sur cette introduction comme la
grammaire s’y veut abrégée et que les accidents se retrouvent quand même développés dans un sous-
chapitre par la suite). Nous allons à notre tour reprendre les accidents que d’Aisy considère pour
chaque PDD (la terminologie qui n’est pas de l’auteur est soulignée, et vient principalement de
Swiggers dans Le Français Préclassique, 2014, p. 8 et p. 13 ; celle qui n’est plus d’actualité est en rouge
et sera expliquée) :

18
On voit dans d’autres contextes que cette tradition est forte dans l’esprit de l’auteur. Par exemple, pour
distinguer les deux sens du mot personne dans les remarques sur le genre des noms, il fait notamment référence
aux mots latins homo et nemo.

23
Dans la Méthode Dans le Génie (en vert ce qui est uniquement dans
les remarques)
Article : genre, cas, nombre (l’accident formé de ces Déclinaison des noms : type (de 1e à 6e selon
deux derniers rassemblés est appelé déclinaison), l’article 20 [autres accidents : genre, apostrophe 21]),
espèce (notes de cas, article masculin, article féminin, division (propre, appellatif ; substantif, adjectif
article masculin et féminin, articles indéfinis) 19 [terminaison-variation ; comparaison : positif,
Nom : genre, déclinaison, formation des pluriels et comparatif, superlatif]), noms de nombre
exceptions, division (substantifs [propre, appellatif 22], (accidents : genre, nombre), pluriels irréguliers
adjectifs), variation des adjectifs (c.à.d formation du
féminin et irrégularités), comparaison des adjectifs
(comparatifs, superlatifs), figure (noms simples, noms
composés et leur déclinaison), noms numéraux
(cardinaux, ordinaux, proportionnels/multiplicatifs,
distributifs/parallèles, collectifs) 23
Pronom : sorte Pronom (/!\ présentation et ordre des accidents
 Pronoms personnels : personne, espèce (absolus, différents ; souvent, mention du numéro de
conjonctifs [espèce : nominatifs, obliques]), déclinaison) :
déclinaison, genre  Personnels : idem mais deuxième distinction
 Pronoms possessifs : personne, espèce (absolus, d’espèce absente
conjonctifs), article, déclinaison, genre  Démonstratifs : idem
 Pronoms interrogatifs : espèce (conjonctif,  Possessifs : idem
absolus, absolu neutre), déclinaison, genre (pour  Interrogatifs : idem
certaines espèces)  (Purs) Relatifs : déclinaison, genre
 Pronoms démonstratifs : espèce (conjonctifs,  Relatifs démonstratifs (conjonctifs) : genre,
conjonctifs neutres, absolus, absolus neutres), nombre
déclinaison, genre  Autres relatifs : cas (pour certains), genre (pour
 Pronoms relatifs : espèce (purs relatifs, relatifs certains), nombre (pour certains)
démonstratifs, autres relatifs), déclinaison (pour  Numéraux et indéfinis : idem mais distinction
certains), genre (pour certains) entre affirmatifs et négatifs absente et
 Pronoms numéraux : espèce (affirmatifs [espèce : différents indéfinis et numéraux non distingués
conjonctif, absolu, indifférent], négatifs
[conjonctif, absolu, indifférents]), genre (pour
certains), nombre (pour certains)
 Pronoms indéfinis : espèce (conjonctifs, absolus,
indifférent), genre (pour certains), nombre (pour
certains)

19
Les notes de cas sont nos prépositions actuelles de et à. Elles sont appelées ainsi et abordées dans le chapitre
sur les articles car elles permettent d’introduire les substantifs “déclinés” au génitif ou au datif et précédés d’un
article. D’Aisy dit que certains grammairiens les appellent articles indéfinis, mais pour lui ces derniers sont les
articles qu’on retrouve devant les substantifs incontables (du et de la), l’article commun (c.à.d ces mêmes articles
partitifs mais devant un mot commençant par une voyelle, ainsi de l’), et notre article indéfini actuel (un). Notre
article défini (le masculin, la féminin, l’ masculin et féminin) est quant à lui appelé article démonstratif.
20
Et selon que le substantif commence par une consonne ou une voyelle. Un même substantif peut donc être de
plusieurs déclinaisons selon l’usage qu’on en fait, comme le dit D’Aisy. La 1e déclinaison est celle des noms non
introduits par un article (comme les noms propres ou les pronoms), la 2e celle des noms commençant par une
consonne et introduits par le/la, la 3e celle des noms commençant par une voyelle et introduits par l’, la 4e est
celle avec les articles partitifs (appellation actuelle) devant consonne, la 5e devant voyelle, et la 6e celle avec
l’article indéfini. Le système est donc le même que celui de la Méthode, il est simplement organisé différemment.
21
C’est notre actuelle élision.
22
Le substantif appellatif est notre actuel nom commun. Il est nommé ainsi car il sert à appeler plusieurs
personnes ou choses d’après une qualité commune, contrairement au substantif/nom propre qui est particulier
à une seule personne ou chose qu’il démontre. Ce dernier n’est pas précédé d’un article mais bien des notes de
cas.
23
Les noms numéraux cardinaux sont nos déterminants numéraux cardinaux, et les noms numéraux ordinaux
sont nos adjectifs numéraux ordinaux.
Exemple de numéraux proportionnels : double ; distributifs : un à un ; collectifs : dizaine.

24
Verbe : modes/mœufs (indicatif, conjonctif 24, Verbe : conjugaison (modes/mœufs, temps,
conditionnel, impératif, infinitif), temps 25 (simples, nombre, personne), inflexion, forme (pour la 2e
composés), conjugaison (c.à.d les deux accidents conjugaison, contractes ou non), différences
précédents réunis), division (actifs, passifs, neutres, (passifs, neutres-passifs, réciproques)
réciproques 26 ; impersonnels), inflexion (nombre, Verbes irréguliers/anomaux : conjugaison,
personne), forme pour la 2e conjugaison (contractes 27 inflexion, forme pour les 2e et 3e conjugaisons
ou non) (contractes, contractes qui gardent la figurative 28,
Verbes irréguliers/anomaux : forme (contractes ou non irréguliers purs, mixtes, défectifs)
pour la 2e conjugaison), conjugaison, inflexion Verbes impersonnels : conjugaison, sorte (purs
impersonnels, verbes ordinaires ; neutres-passifs)
Participe : genre (pour le passif), cas, temps, forme Participe : idem, accord
(actif, passif ; gérondif)
Adverbe : figure (simples, composés), signification Particules indéclinables :
Préposition : figure (simples, composées), cas/régimes  Adverbe : idem, espèce (de
Conjonction : mode régi (pour les conjonctions relation/rapport, autres ; adverbiaux),
verbales 29) formation de ceux en -ment
Interjection : pas d’accident  Préposition : cas/régimes
 Conjonction : verbales, mode régi (dans la
partie « Syntaxe »)
 Interjection : idem

On observe déjà des évolutions entre 1674 et 1685, comme par exemple l’apparition de six
déclinaisons pour les noms selon leur article (et donc la disparition du chapitre sur cette PDD dans
l’Abrégé), qui ont peu de pertinence par rapport au système grammatical actuel. Cette structure sans
article et avec des déclinaisons des noms peut être vue comme une tentative quelque peu désespérée
d’appliquer le modèle d’analyse grammaticale latin à la langue française, alors que cette dernière est
en réalité dépourvue de déclinaisons. En effet, seul l’article change d’une déclinaison à l’autre, selon
son sens et la première lettre du nom qui suit (ainsi que son genre et nombre évidemment), mais le
nom reste le même qu’il soit au nominatif, au génitif ou au datif ; sa seule variation est celle entre sa
forme au singulier et au pluriel. Ceci est une première incohérence par rapport au système latin, et la
seconde réside dans le fait qu’un même nom puisse être de plusieurs déclinaisons selon les différents
usages, comme le dit lui-même D’Aisy. Les cas en français se justifient donc uniquement par l’absence
ou la présence d’un des introducteurs (de ou à), qui peuvent varier lorsqu’ils sont suivis de certains

24
C’est notre subjonctif actuel. Il est appelé ainsi car un verbe conjugué à ce mode est nécessairement introduit
par une conjonction.
25
Cf. annexe 3 pour un tableau comparatif des catégories et appellations des grammaires de D’Aisy avec celles
des grammaires ou ouvrages de conjugaison actuels.
26
Les verbes neutres (comme parler) s’opposent aux actifs (comme aimer) car ils ne sont pas suivis d’un nom
(c.à.d d’un COD, ici appelé sujet de l’action). Ils peuvent toutefois être suivis d’un complément prépositionnel.
Les verbes réciproques sont nos verbes pronominaux actuels.
27
Les verbes contractes sont ceux comme sentir, qui à l’indicatif présent donne je sens et pas je sentis
(contrairement à finir qui donne je finis).
28
La figurative est le nom donné à la consonne qui débute la dernière syllabe du verbe à l’infinitif.
29
Les conjonctions verbales sont nos actuelles conjonctions de subordination. D’Aisy nous dit en effet qu’elles
se joignent au verbe, comme que, et qu’elles régissent l’indicatif (ex : puisque, si, quand), le conjonctif (afin que,
quoi que, pourvu que) ou l’infinitif (afin de, pour). Comme exemple de conjonctions non verbales, c.à.d en réalité
de conjonctions de coordination, il donne et, mais et c’est pourquoi.

25
articles (par exemple, de le devient du et à le donne au) 30. Il semble donc que l’idée présente dans la
Méthode d’appeler ces deux introducteurs des notes de cas permettant de décliner les articles soit
plus judicieuse que de proposer des déclinaisons des noms, mais D’Aisy abandonne cette explication…
En revanche, l’idée de maintenir des déclinaisons en français a plus de sens pour la PDD du pronom
relatif par exemple, car sa forme varie bel et bien selon sa fonction (ex : qui lorsqu’il est nominatif, ou
sujet si l’on emploie la terminologie actuelle ; que s’il est accusatif – COD).

La deuxième grammaire contient tout de même parfois des innovations astucieuses, comme
le terme apposition pour désigner deux substantifs qui se suivent et entre lesquels on peut sous-
entendre « qui est ». Pour le reste, de manière générale, les descriptions grammaticales de l’Abrégé
de Génie sont assez semblables mais plus brèves que celles de la Méthode puisqu’elles tiennent en
moins de pages et que des précisions peuvent être données par la suite dans les remarques ; cette
deuxième grammaire contient généralement moins d’exemples, moins de divisions en catégories et
moins de remarques sur la forme ou le sens que la première.

Après ces chapitres morphologiques, nos deux ouvrages contiennent également une section
« Syntaxe » (définie comme « la disposition et l’arrangement des mots »), ce qui n’est pas le cas de
toutes les grammaires de l’époque. Celle-ci est divisée en deux articles, « Convenance » et « Régime »,
qui désignent respectivement le rapport entre les mots et leur genre, nombre, personne et/ou article ;
et avec quel(s) cas ou mode(s) la PDD est jointe. Dans le premier article, on apprend par exemple à
accorder plusieurs substantifs ou une construction irrégulière comme « une infinité de… » avec un
adjectif ou un verbe. Dans le second, on nous dit notamment que le verbe peut régir les trois cas
(nominatif, génitif, datif), un infinitif ou une conjonction.

Pour analyser plus précisément la manière dont le grammairien organise ses réflexions sur les
PDD dans chaque chapitre et également commenter d’autres catégories s’étant renouvelées depuis,
nous allons étudier les informations données sur le pronom dans la Méthode ainsi que dans l’Abrégé
et les Remarques du Génie.

30
Ce que le grammairien ne semble pas voir, c’est que les mots de et à sont de simples prépositions au même
titre que dans, sur, par… En effet, D’Aisy n’arrive pas à les voir comme telles non seulement car il est imprégné
du système de cas latin, mais aussi car il range les prépositions dans la catégorie des mots invariables. Seulement,
nous faisons de même ; D’Aisy n’a simplement pas réalisé que ces mots ne varient pas vraiment mais sont
simplement combinés à certains articles.

26
3.2.3. Le pronom

Le tableau précédent montrait que l’ordre d’apparition des différentes sortes de pronom
variait entre la Méthode et le Génie. Pour les besoins de l’analyse, le tableau suivant adopte l’ordre de
la Méthode.

METHODE GENIE COMMENTAIRES


« Le Pronom est un mot qui sert « Le Pronom est un mot qui sert Comme nous l’avons déjà
au lieu du Nom. Il y en a sept au lieu du Nom, ou qui se met souligné, D’Aisy a pour habitude
sortes, que l’on nomme … » pour le Nom. » de commencer par une définition
Exemples pour chaque catégorie de la PDD, éventuellement
« Nous allons expliquer ces exemplifiée et suivie d’une
différents Pronoms dans un ordre énumération de ses sous-
et une Méthode que l’on ne catégories, souvent ses accidents.
trouve point ailleurs ; les
Grammairiens ayant fort
embrouillé ce qui regarde ce
Chapitre. »
Pronoms personnels Pronoms personnels La Méthode est de nouveau plus
- marquent les trois personnes - marquent les trois personnes complète (elle contient une
- absolus (quand ils subsistent - absolus (quand ils subsistent subdivision supplémentaire).
indépendamment ; souvent suivis indépendamment ; souvent suivis Notons que, pour ce pronom entre
de -même) : de -même), se déclinent comme autres, l’accusatif n’a pas la même
les noms de la 1e déclinaison : forme que l’accusatif,
 tableau par personne, genre, contrairement aux autres PDD,
 tableau par personne, genre, nombre et cas : moi, toi, soi comme nous en informent la
nombre et cas : moi, toi, soi (réciproque), lui, elle, nous, vous, Méthode en début d’ouvrage et le
(réciproque), lui, elle, nous, vous, eux, elles Génie avant le tableau des
eux, elles - conjonctifs (lorsqu’ils sont joints conjonctifs.
- conjonctifs (lorsqu’ils sont joints à un autre mot) : Pour ce qui est de l’approche de
à un autre mot), ils sont l’auteur, on voit que ce dernier
nominatifs (marquent et commence toujours par les
précèdent les personnes du caractéristiques générales de la
verbe) ou obliques (cas régis par catégorie, puis par ses
le verbe) : subdivisions. Celles-ci sont
 je, tu, il, elle, nous, vous, ils, toujours illustrées par des
elles tableaux de déclinaison des mots
/!\ « L’Usage ne permet pas de qui les composent, et parfois
dire C’est je ni Moi fais, d’où la accompagnées de précisions sur la
distinction entre conjonctif et forme ou l’emploi de ces mots,
absolus, mais certaines autres généralement justifiées par des
langues ont le même pronom en exemples.
ces endroits »  je (nominatif) - me (accusatif) - Notons aussi que, bien que
 me (accusatif) - me/moi (datif), me/moi (datif), tu-te-te/toi, se, il- l’auteur ait adopté partout ailleurs
te-te/toi, se, le-lui, la-lui, nous, le-lui, elle-la-lui, nous, vous, il-les- un point de vue immanent sur la
vous, les-leur + exemples de leur leur, elle-les-leur + exemples de langue, il fait dans cet article une
emploi avec des verbes conjugués leur emploi avec des verbes remarque relavant du point de vue
conjugués transcendant puisqu’il dépasse
son cadre d’observation habituel
(le français) en le comparant à
d’autres matériaux, c.à.d à
d’autres langues mêmes s’il ne
précise pas lesquelles.

27
Pronoms possessifs Pronoms possessifs Là où la Méthode fait référence
- marquent à qui la chose - marquent à qui la chose aux articles et aux notes de cas, le
appartient appartient, comme mon livre ; le Génie mentionne l’appartenance
mien du pronom à telle déclinaison,
- ont rapport aux 3 personnes puisque, comme nous l’avons vu,
- absolus : prennent l’article, les deux premiers chapitres des
comme le mien - absolus : se déclinent comme les grammaires sont assez différents
noms de la 2e déclinaison au niveau de leur organisation.
 tableau On remarque aussi que le Génie
- conjonctifs : prennent les notes - conjonctifs : se déclinent comme contient parfois des précisions
de cas, comme mon livre les noms de la 1e déclinaison nouvelles.
Dans les deux cas, le caractère
« Les Grammairiens confondent absolu ou conjonctif est
ordinairement la déclinaison de réexpliqué.
ces Pronoms, en mettant les Mais le plus important à noter est
Conjonctifs avec les Absolus, et ne que D’Aisy englobe notre
distinguant pas nettement les catégorie actuelle des
Personnes et les Genres. Les voici déterminants dans la classe des
rangés suivant notre ordre dans pronoms. Nos déterminants
une manière de Table très-claire, possessifs actuels sont donc
et très facile aux Etrangers. » appelés pronoms possessifs
 tableaux  tableau conjonctifs, tandis que les
/!\ on a mon, ton… à la place de véritables pronoms possessifs sont
ma, ta… devant les noms dits absolus, puisqu’ils ne sont pas
commençant par une voyelle ou suivis d’un nom. Ce classement
un h muet (le h aspiré tient lieu de parait bizarre en regard de la
consonne) définition qui est donnée du
pronom (« mot qui sert au lieu du
nom »). Cette remarque vaut pour
tous les autres types de
déterminants (interrogatifs,
démonstratifs, indéfinis) : ils sont
considérés comme des pronoms
conjonctifs. Dans ces grammaires,
aucun lien n’est donc
explicitement établi entre l’article
et le déterminant possessif, alors
qu’à l’heure actuelle il est clair que
l’article est un type de
déterminant.
Pronoms interrogatifs Pronoms interrogatifs
- servent à demander -servent à demander
- quel, lequel, qui, quoi - quel, lequel, qui, quoi
 tableaux par genre (sauf pour  tableaux par genre (sauf pour
quoi qui est neutre), nombre (sauf quoi qui est neutre), nombre (sauf
pour qui qui est invariable) et cas pour qui qui est invariable) et cas
- exemples de leur emploi dans du conjonctif et des absolus, suivis
des questions : quel conjonctif, d’exemples dans des questions ou
lequel, qui et quoi absolus avec le verbe savoir
- servent aussi avec le verbe
savoir
Pronoms démonstratifs Pronoms démonstratifs Pour ces pronoms, les conjonctifs
- adjectifs n’englobent pas seulement notre
- montrent les personnes et les - montrent les personnes et les déterminant démonstratif actuel
choses choses (ce), mais également le pronom
- répondent aux interrogatifs démonstratif lorsqu’il est

28
- se déclinent comme les noms de antécédent d’une proposition
la 1e déclinaison relative ou suivi d’un complément
- conjonctifs : - conjonctifs : du nom (à savoir celui).
1. répondent à quel-lequel-qui : ce Soulignons aussi que, dans la
avec un substantif et celui avec un Méthode, le pronom neutre ce est
relatif ou un génitif considéré comme conjonctif, mais
 tableau de déclinaison de ce  tableau de ce comme absolu dans le Génie (on
/!\ cet au masculin devant voyelle sait que c’est le même ce car les
/!\ on ajoute -ci/là après le /!\ on ajoute -ci/là après le deux grammaires reprennent les
substantif pour montrer plus substantif pour montrer plus mêmes exemples, comme elles le
précisément précisément font d’ailleurs souvent).
 tableau de celui  tableau de celui (suivi de qui ou
d’un génitif)
2. répondent à quoi-que : neutres
 tableau + exemples de ce (suivi
d’un pronom relatif ou de verbe
être)
- absolus : - absolus :
1. répondent à quel-lequel-qui :
celui-ci/là
 tableau  tableau de celui-ci/là
/!\ « On ne dit plus dans le bel
Usage cettui-ci ou cette-là »
2. répondent à quoi-que, neutres
 tableau de ceci et cela  tableau + exemples de ce, ceci
et cela (neutres)
Pronoms relatifs Pronoms relatifs Avec ces pronoms, on constate
- dits aussi de rapport - ont rapport à un nom ou à un qu’il arrive que le discours
autre pronom qui les précède et grammatical du Génie soit plus
qu’on nomme antécédent complet, voire plus exact que
celui de la Méthode. Par exemple,
- purs relatifs : - purs relatifs : la seconde grammaire introduit ici
 tableau de qui : que à  tableau + exemples de lequel la notion d’antécédent et
l’accusatif (ou sujet réel), dont (ou  tableau + exemples de qui et distingue dans ses tableaux les
de qui) au génitif quoi (neutre) avec une séparation pronoms relatifs au nominatif de
 tableau de lequel dans le tableau pour le nominatif ceux à l’accusatif, ce qui rend
 tableau de quoi (neutre): qui- et l’accusatif et une remarque sur l’emploi des formes plus clair.
que-quoi au nominatif/accusatif ces cas et sur la déclinaison de ce Un élément intéressant qui est
qui ! dans la Méthode mais non dans le
Génie est la remarque
+ Exemples dans des phrases systématique lorsque tel pronom
(notamment avec les pronoms peut également être une autre
démonstratifs celui et ce) PDD.
/!\ « Que est aussi une Les pronoms relatifs de D’Aisy
conjonction. » sont différents des nôtres, car il y
- relatifs démonstratifs : - relatifs démonstratifs : inclut en et y qui sont aujourd’hui
personnels ayant un rapport avec personnels conjonctifs, par considérés comme pronoms
un substantif précédent, par exemple je le lirai – je la vois – personnels ou adverbes dans ces
exemple je le lirai – je la vois mêmes emplois (en peut aussi
je lui parlerai être une préposition). Ses relatifs
/!\ le neutre le peut signifier un /!\ le neutre le peut signifier un démonstratifs sont quant à eux
adjectif ou le pronom cela adjectif ou le pronom cela des pronoms personnels
- relatifs en et y : - relatifs en et y : également. Enfin, l’autre et autrui
1. a rapport à la personne – chose 1. a rapport à la personne – chose font maintenant partie des
– lieu, vaut un génitif, par – lieu, vaut un génitif, par pronoms indéfinis. Sa catégorie
des pronoms relatifs n’a donc pas

29
exemple j’en saurai des nouvelles exemple j’en saurai des nouvelles le même sens que celui qu’on lui
– il s’en va – il s’en va donne aujourd’hui (« introducteur
/!\ c’est aussi une préposition d’une proposition relative »), mais
2. relatif de la chose ou du lieu, 2. relatif de la chose ou du lieu, une définition plus large. En effet,
vaut un datif, par exemple j’y vaut un datif, par exemple j’y le terme relatif est à comprendre
pense – il y va pense – il y va dans le sens « de rapport /
/!\ Le y dans il y a signifie « ici » et /!\ Le y dans il y a signifie « ici » et relation » : ces pronoms sont
a « est/sont » + exemples a « est/sont » + autres exemples toujours précédés d’un
- remarque d’où : relatif du lieu ou - où : relatif du lieu ou de l’état, antécédent (un nom ou un
de l’état, par exemple la par exemple la ville/l’état où je pronom). C’est pour cela que
ville/l’état où je suis – le lieu d’où suis – le lieu d’où je viens – le D’Aisy y inclut les pronoms
je viens – le champ par où je passe champ par où je passe personnels de la 3e personne au
- autres relatifs : - autres relatifs : COD et au COI, car, dans les
1. le même 1. le même exemples donnés, ils ne font plus
/!\ aussi un adverbe référence à une personne ou à
2. l’autre 2. l’autre une chose de l’énonciation, mais
3. autrui, qui signifie « autre 3. autrui, qui signifie « autre renvoient à un substantif
personne » personne » mentionné antérieurement dans
la phrase (l’exemple est Je la vois
pour le pronom personnel VS La
reine vient, je la vois pour le
relatif). C’est aussi pour cela que
en, y, le même et l’autre font
partie des pronoms relatifs ; ils
sont aussi anaphoriques. La seule
incohérence par rapport à cette
hypothèse est la mention
d’autrui, qui s’emploie pourtant
seul (contrairement à autre(s) qui
s’utilise quand il y a relation avec
un(s)), comme le précise d’ailleurs
la remarque p. 130.
Pronoms numéraux Pronoms numéraux et indéfinis Aujourd’hui, presque tous les
- marquent la quantité ou le - marquent la quantité ou le pronoms dont il est question dans
nombre nombre ces deux catégories sont appelés
- répondent à combien des déterminants ou adjectifs
- affirmatifs : conjonctif chaque, - les indéfinis marquent indéfinis (il y en a aussi d’autres
absolu chacun, indifférent tout ; indifféremment la personne ou la comme divers) ou des pronoms
au pluriel plusieurs chose, sans déterminer indéfinis (autres exemples : rien,
- négatifs : conjonctif nul, absolu précisément qui c’est ou ce que autrui), selon qu’ils s’emploient
personne (sans pluriel), c’est seuls ou sont suivis d’un
indifférents aucun et pas un (sans  chaque (+ précision de sa substantif, excepté quiconque qui
pl) nature absolue, conjonctive ou est un pronom relatif puisqu’il ne
+ Exemples d’emploi pour chacun indifférente ; exemples aux peut pas être sujet de la
aux différents genres et nombres différents genres et nombres ; proposition principale.
/!\ tout est parfois adverbe « sans pluriel » si c’est le cas) La division en numéraux et
Pronoms indéfinis  chacun (idem) indéfinis est plutôt floue pour un
- marquent indéfiniment la  aucun … lecteur actuel, puisque par
personne ou la chose  quelque exemple quelque marque
- répondent à qui-quel-quoi /!\ aussi adverbe également la quantité et que
- 3 conjonctifs : quelque,  quelqu’un plusieurs marque aussi
quelconque, un certain  un certain indéfiniment. C’est peut-être pour
- 5 absolus : quelqu’un, quiconque  tel cette raison que D’Aisy les a mis
(sans pl.), qui que, quel que, quoi  nul ensemble dans sa seconde
que (neutre)  pas un grammaire.
- 1 indifférent : tel  personne

30
- se déclinent avec les notes de  plusieurs Notons qu’ici, le Génie précise
cas  tout aussi lorsqu’un des pronoms peut
+ Exemples d’emploi pour chaque /!\ quelquefois adverbe également se retrouver dans une
pronom aux différents genres et  quiconque autre classe de mots.
nombres  quelconque
/!\ quelque est aussi adverbe  qui que
 quoi que
 quel que

Pour finir, voici ce qu’on trouve dans la seconde partie du Génie à propos du pronom, afin de se
faire une idée de la façon dont s’organisent les remarques. Ce titre est divisé en sept chapitres,
correspondant aux différentes sortes de pronoms (« Des Pronoms Personnels », « Réciproques »,
« Possessifs », « Démonstratifs », « Du Pronom Relatif », « Autres Relatifs », « Des Pronoms Numéraux
et Indéfinis »). L’article premier du chapitre premier sur les pronoms personnels, par exemple, est une
remarque qui explique dans quelles circonstances on ne peut pas supprimer le pronom : quand il
change, ou que la deuxième proposition est introduite par mais ou ou ; des exemples de phrases sont
fournis comme preuve ou illustration. Chaque développement est précédé d’un des trois signes
indiquant la source (Vaugelas, Bouhours ou Ménage ; leur nom étant parfois rappelé au sein même de
la citation), et souvent, pour un même article, on nous donne les remarques de deux d’entre eux ou
des trois à la fois, que celles-ci soient semblables ou non. Parfois même, on a plusieurs remarques du
même auteur sur un même sujet, et le signe est répété car elles étaient séparées dans l’ouvrage source
(cf. préface de D’Aisy disant qu’il a réorganisé les remarques par thèmes). Les remarques fournies sur
les pronoms concernent souvent des cas assez particuliers, nous allons donc lister ici seulement celles
qui apportent une information intéressante en plus que l’Abrégé sur l’utilisation et la conception de
cette PDD au XVIIe siècle :

 Quand l’antécédent est une chose ou une personne indéfinie, on préfère le pronom réciproque soi à lui.
 On dit un de mes frères à la place de un mien frère.
 Quand on veut parler de quelques personnes qui font partie du tout, on dit par exemple ceux de ses
serviteurs qui, tandis que quand on veut parler généralement de tous, on dit simplement ses serviteurs qui. 31
 C’est devient ce sont lorsque le nom qui précède ou qui suit est au pluriel.
 Qui/que servent à la fois pour les personnes et les choses au nominatif, mais aux autres cas on a dont-auquel-
(préposition +) lequel pour les antécédents inanimés.
 Le peu d’affection qu’il m’a témoigné – J’ai perdu plus de pièces qu’il n’en a gagné
 On dit Je fais ce qu’il vous plait et non pas qui car l’on sous-entend que je fasse.
 Une femme doit dire Malade, je le suis car l’antécédent est neutre, « néanmoins, puisque toutes les femmes
disent la, peut-être que l’usage l’emportera sur la raison, et ce ne sera plus une faute. »

31
On relève ici la conscience de la différence entre les propositions relatives restrictives/déterminatives et les
explicatives/descriptives, sans avoir encore de terminologie. On voit aussi que cette époque ne les distinguait
pas de la même façon que nous le faisons (à savoir avec une virgule pour le second cas).

31
 Lorsque tout signifie « entièrement/tout à fait », il reste au singulier (Ils sont tout sales VS Ils sont tous sales
si on veut dire que tous le sont), mais si l’adjectif qui suit est féminin, l’accord en genre et nombre est
possible.
 Quelque est un adverbe lorsqu’il est suivi d’un adjectif ou qu’il signifie environ.
 Pour des informations intéressantes sur le genre des mots se rapportant au substantif ou au pronom
personne, le lecteur peut consulter les pages 170 à 173.

3.2.4. L’aspect méthodique de la première grammaire

Nous avons repris dans le tableau sur la PDD « Pronom » quelques citations ou remarques
pouvant rappeler les allégations de la préface de la Méthode. Nous allons donc tenter ici, en nous
nourrissant de nos précédentes observations, de relever les choix faits par l’auteur en termes de
description grammaticale pour tenter d’atteindre l’idéal de grammaire méthodique.

 La répartition des objets de la langue étudiés en classes de mots (PDD) et, au sein de celles-ci, la division
des explications en sous-catégories appelées accidents
 L’ordre/arrangement logique des chapitres : d’abord les PDD qui varient en genre, nombre et
cas (article, nom) ; puis celle qui varie en plus en personne (pronom) ; ensuite celle qui varie en mode,
temps, personne et nombre (verbe) ; une qui est entre le nom et le verbe puisqu’elle varie en genre et
en temps (participe) ; enfin les PDD invariables ; et pour finir un chapitre sur l’agencement de ces
différentes PDD (« Syntaxe »)
 L’ordre parfois nouveau par rapport aux grammaires précédentes (par exemple, si l’on en croit l’auteur,
pour les 4 conjugaisons et les 7 sortes de pronoms)
 Les distinctions nettes dans les chapitres, pour que le discours soit clair et facile aux yeux des étrangers
(cf. tableaux plus intelligibles pour l’esprit, dont ceux des déclinaisons des pronoms possessifs,
novateurs car les conjonctifs et les absolus, les personnes, et les genres y sont séparés)
 La catégorisation, selon les formes et/ou les sens (ex : noms, temps, adverbes et prépositions simples
ou composés ; classification des temps en annexe 3 ; observation sur le participe pouvant prendre un
sens adjectival ; adverbes de Qualité/Façon/Manière – Quantité – Nombre – Rapport – Lieu – Temps –
Durée – Ordre – Affirmer/Nier/Douter)
 La mise en avant des analogies : par exemple, le traitement des verbes irréguliers est novateur ; avant,
les grammairiens les rangeaient par ordre alphabétique comme le dit D’Aisy, mais celui-ci traite
ensemble ceux qui se conjuguent de la même manière 32 (pour la 2e conjugaison : « Verbes contractes
suivant sentir », « Verbes contractes en -rir », « Verbes contractes en -nir », « Verbes non contractes en
-vrir », …)
 La présence quasi systématique de tables de déclinaison ou de conjugaison, toujours disposées et
organisées de la même façon

32
Cette innovation est aussi soulignée dans la préface du Génie, seconde grammaire qui montre aussi les rapports
entre les verbes irréguliers, avec un classement encore plus réfléchi pour ce qui est de la 2e conjugaison.

32
 La concision (D’Aisy donne par exemple comme règle générale que les temps composés sont formés du
temps simple suivi du participe en vue d’abréger considérablement les tableaux qui suivent par rapport
aux autres grammaires, ceci est donc un autre élément novateur)
 Les fréquents parallèles à l’Usage, ayant pour but de satisfaire le public puisque la grammaire a été
écrite dans un souci pédagogique.
 Les quelques remarques quant aux formes et emplois corrects ou non

En somme, la tension caractéristique de la perspective méthodique entre grammaire pratique et


grammaire raisonnée est indubitable.

4. Conclusion
En conclusion, ce travail a permis d’étudier en profondeur l’œuvre et l’approche (via l’étude
critique de la préface et de l’argumentation au sein des chapitres) du grammairien D’Aisy. Nous avons
pu constater que ses descriptions et sa terminologie grammaticales sont tantôt novatrices, ce qu’il
revendique, tantôt plus traditionnelles (ce qu’il met en avant également en mentionnant ses sources),
comme c’est le cas de nombreux auteurs du XVIIe siècle. Le fait que nous ayons été amenée à comparer
deux grammaires éloignées d’une dizaine d’années dans le temps offrait d’ailleurs la possibilité de
repérer les éventuelles innovations et rectifications ou les contenus conservés tels quels, ainsi que les
raisons possibles de ces choix.

La mise en lumière des concepts de D’Aisy à travers ceux des grammaires actuelles était aussi
intéressante du point de vue de l’analyse contrastive, tout comme l’étude du moule descriptif des deux
grammaires qui a révélé une évolution importante entre les pratiques du XVIIe siècles et les ouvrages
actuels. De même, le Génie contient de nombreuses références à l’Usage des contemporains de
l’auteur, érudits ou non, ce qui donne une idée des formes, formules et règles qui différaient de celles
que nous avons aujourd’hui.

Enfin, la partie philologique a donné à voir des habitudes ou problèmes récurrents dans les éditions
imprimées de cette époque, comme les éléments et la présentation du paratexte ou l’absence du nom
de l’auteur.

33
Bibliographie

Sources primaires

D’Aisy, Nouvelle Méthode de la langue françoise ; Divisée en quatre Parties , Dont la Première est ,La
Prononciation des Sons , en général. La Seconde est , La Prononciation en Lisant. La Troisième , La
Grammaire. Et la Quatrième , l’Euphonie ; ou Bonne-Prononciation des Mots , en Parlant, Paris, Michallet,
1674, URL : https://books.google.be/books?id=--
h7uOpySwIC&pg=PA85&lpg=PA85&dq=Francois+d%27Aisy+Nouvelle+Methode+de+la+Langue+Fran%C3%A
7oise&source=bl&ots=EaXsPqMl9m&sig=ACfU3U17P5xuoZpgL-CoH-
VcorPG1tDRzQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwigmOGC1aboAhWLMewKHa4JCcwQ6AEwA3oECAoQAQ#v=onep
age&q=Francois%20d'Aisy%20Nouvelle%20Methode%20de%20la%20Langue%20Fran%C3%A7oise&f=false.
D’Aisy, Le Génie de la langue françoise. Par le Sieur D**, Paris, D’Houry, 1685, URL :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8581803/f5.image.
D’Aisy, Suite du Génie de la langue françoise. Par le Sieur D**, Paris, D’Houry, 1685, URL :
https://books.google.be/books?id=sTY5RgcVDGAC&pg=PR1&hl=fr&source=gbs_selected_pages&cad=3#v=
onepage&q&f=false.
D’Aisy, Le Génie de la langue françoise. Par le Sieur D**. Nouvelle édition. Tome I, Paris, D’Houry, 1687, URL :
https://books.google.be/books?id=bP5-
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7a&sig=ACfU3U1-o9FqOK_-
ZUV6lgEyI8Sn1mqluQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjcgZLP6KboAhWBLewKHbEnAjI4HhDoATADegQICRAB#v=
onepage&q=d'Aisy%20le%20g%C3%A9nie%20de%20la%20langue&f=false.
D’Aisy, Le Génie de la langue françoise. Par le Sieur D**. Nouvelle édition. Tome II, Paris, D’Houry, 1687, URL :
https://books.google.be/books?id=VVMiWTxGw8EC&pg=PP10&lpg=PP10&dq=monsieur+desgouges&sourc
e=bl&ots=k61lDYLw_k&sig=ACfU3U3Y7GBUnlk7P3Gfdml_LYhXimmQSQ&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwi-
pfHkjqzoAhVR4qQKHfQzBBsQ6AEwAXoECAoQAQ#v=onepage&q=monsieur%20desgouges&f=false.

Sources secondaires

Bibliothèque nationale de France, Data, Jean d’ Aisy (16..-17..?), URL :


https://data.bnf.fr/fr/12510965/jean_d__aisy/#header.
Brunot (F.), Histoire de la langue française des origines à 1900, tome 4, partie 1, Paris, Armand Colin, 1947, pp.
79-80, URL : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64340467/f114.image.
Cioranescu (A.), Bibliographie de la littérature française du dix-septième siècle, tome 1, Paris, CNRS Ed., 1965, p.
189.
Identifiants et Référentiels pour l’enseignement supérieur et la recherche, Aisy, Jean d’ (16..-17..?), URL :
https://www.idref.fr/034345094.
Swiggers (P.), c.r. de Jean-Claude CHEVALIER, Histoire de la grammaire française [Paris, Presses Universitaires de
France (Que sais-je ?, 2904), 1996, 128 p.], Revue de Linguistique romane, 66, 2002, pp. 574-579.
Swiggers (P.), « L’institution du français. Jalons de l’histoire de son enseignement », dans
P. Schmitter (Hrsg.), Sprachtheorien der Neuzeit III/2 : Sprachbeschreibung und Unterricht, Teil 2, Tübingen,
G. Narr, 2007, pp. 646-721.
Swiggers, (P.), « Au nom du nom : langage, grammaire et réalité au XVIe siècle », dans Le Français Préclassique,
vol. 16, 2014, pp. 27-66.
Swiggers (P.), « Grammaticographie [du français] », dans C. Polzin-Haumann – W. Schweickard (éds), Manuel de
linguistique française [= Manuals of Romance Linguistics 8], Berlin, de Gruyter, 2015, pp. 525-555.
Swiggers (P.), « Un traitement ‘méthodique’ de la matière grammaticale: Denis Vairasse (1681) », dans J.-M.
Fournier – A. Lahaussois – V. Raby (éds), Grammaticalia. Hommage à Bernard Colombat, Lyon, ENS Editions,
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Tell (J.), Les grammairiens français depuis l’origine de la grammaire en France jusqu’aux dernières œuvres connus.
Ouvrage servant d’introduction à l’étude générale des Langues, Paris, Didot, 1874, URL :
https://books.google.fr/books?id=VLnhkBt7G1kC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false.

34
Annexes

1. Préface de la Méthode

35
36
2. Table des matières des deux grammaires

37
38
39
40
41
42
3. Les temps verbaux : tableau comparatif

TERMINOLOGIE TERMINOLOGIE DE TERMINOLOGIE TERMINOLOGIE DE


ACTUELLE D’AISY ACTUELLE D’AISY
TEMPS SIMPLES TEMPS COMPOSÉS
Indicatif
Présent Passé composé Parfait (comme en
latin)
Imparfait Plus-que-parfait
Passé composé Défini Passé antérieur Défini double
Futur simple Futur Futur antérieur Futur-parfait
Subjonctif Conjonctif Subjonctif Conjonctif
Présent Passé Parfait
Imparfait PQP
Futur (même forme
que le conjonctif
présent)
Conditionnel
Présent Imparfait Passé PQP
Impératif
Présent Passé
Infinitif
Présent Passé Parfait
Futur (ex : devoir
avoir)
Participe
Présent Présent actif Passé Parfait
Passé Présent passif Futur (devant avoir)

43

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