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À lire également en

Que sais-je ?
COLLECTION FONDÉE PAR PAUL ANGOULVENT

Alain Supiot, Le Droit du travail, no 1268.


Dominique Méda, Le Travail, no 2614.
Gérard Valléry, Sylvain Leduc, Le Harcèlement moral au travail, no 3995.
Philippe Zawieja, Le Burn out, no 4017.
ISBN 978-2-13-080859-6
ISSN 0768-0066

Dépôt légal – 1re édition : 2002


4e édition : 2018, février

© Presses Universitaires de France/Humensis, 2018


170 bis, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris

Ce document numérique a été réalisé par Nord Compo.


Sommaire

Titre
Copyright
À lire également en Que sais-je ?
Introduction
Chapitre I – Le travail
I. – Le sens du travail
II. – Les sens du travail pour la psychologie du travail
Chapitre II – L’analyse du travail
I. – Objet de l’analyse du travail
II. – Le cadre théorique de l’analyse du travail
III. – Le travail : les tâches et l’activité
IV. – En guise de conclusion
Chapitre III – La psychologie du personnel
I. – Les applications
II. – La sélection du personnel
III. – L’évaluation des performances en cours de carrière
IV. – La formation du (des) personnel(s)
V. – En guise de conclusion
Chapitre IV – La psychologie des organisations
I. – Qu’est-ce qu’une organisation ?
II. – Un peu d’histoire
III. – La motivation
IV. – Le leadership, pouvoir et autorité
V. – Le développement des organisations
VI. – Les équipes de travail
VII. – La culture d’organisation
VIII. – Le stress professionnel
IX. – En guise de conclusion
Chapitre V – La psychologie ergonomique et l’ergonomie cognitive
I. – La psychologie et le projet de l’ergonomie
II. – L’histoire de l’ergonomie et l’émergence de la dimension
psychologique et cognitive
III. – L’ergonomie des systèmes
IV. – L’ergonomie cognitive
V. – En guise de conclusion
Chapitre VI – Conclusion
Bibliographie
Notes
Introduction

La psychologie du travail est généralement définie comme l’« application


de la psychologie au domaine du travail ». Une telle définition est, bien sûr,
triviale. Si l’on se réfère à des ouvrages traitant de psychologie du travail,
on est frappé par l’étonnante diversité des approches que l’on y découvre.
Cette diversité s’exprime déjà dans l’usage d’expressions différentes pour
parler de « psychologie du travail ». C’est ainsi que des expressions comme
« psychologie industrielle », « psychotechnique », « psychologie des
entreprises », « psychologie cognitive du travail », « psychologie
ergonomique », « psychologie du travail et des organisations », pour n’en
citer que quelques-unes, recouvrent des champs de recherche et
d’intervention qui participent de la « psychologie du travail ». Elles
correspondent à des options particulières en matière de finalités, d’objets de
recherche et d’intervention.
Mais quelles sont les finalités de la psychologie du travail ? On considère
généralement que la psychologie du travail s’est affirmée dans un contexte
singulier : une accélération du développement industriel, à un moment où
commence à se concrétiser la psychologie scientifique (fin du XIXe, début
du XXe siècle). Dans ce climat, les premiers psychologues du travail se
fixent l’objectif communément admis de la discipline : aider à créer un
cadre de travail fondé sur une harmonie optimale entre l’homme et le
travail, entre l’homme et son activité professionnelle1. Mais avec quelle
visée ultime ? Améliorer la production ? Améliorer le bien-être du
personnel ? Ou encore les deux ? Une idée dominante, exprimée déjà par
les fondateurs de la psychologie du travail, est que les finalités
d’amélioration de la condition du personnel (réduire la fatigue, la pénibilité
du travail, améliorer la satisfaction à l’égard du travail, développer un
sentiment de réalisation de soi au travail, etc.) et celles d’amélioration des
performances (accroître l’efficacité, la productivité, la qualité, la rentabilité,
la compétitivité, etc.) ne seraient pas contradictoires ; bien au contraire, il
serait possible – et souhaitable – de les envisager comme complémentaires.
De telles affirmations figurent encore aujourd’hui pour beaucoup de
psychologues du travail parmi les « postulats » de la discipline. Mais qu’en
est-il dans la pratique ? Cette question sera évoquée sommairement dans le
chapitre I.
D’autres interrogations se poseront encore : Quels seront les
« paramètres » de la situation sur lesquels portera l’intervention de la
psychologie du travail ? Pour n’en citer que quelques-uns : cherchera-t-on à
agir sur l’individu, les outils, les structures de l’entreprise, les
connaissances des travailleurs, leurs comportements, les valeurs ? Qui
devrait intervenir ? Comment ? Et pour faire quoi ?
Les options, les questions de choix, ne manquent pas. Ces questions, ou
plutôt les réponses qu’on y apporte, les choix que l’on fait conduisent à des
définitions particulières de la discipline. On comprend par exemple que
l’option d’accorder la priorité ici à la condition de l’homme au travail là à la
productivité, là encore à une recherche de compromis entre ces deux
aspects, aura des répercussions importantes sur la pratique de la discipline
et sur ses retombées (en termes de recherche, comme en termes
d’intervention « sur le terrain »). De même, l’attention portée à l’adaptation
des instruments de travail, plutôt qu’à la sélection des exécutants, conduira
à des développements qui différeront de ceux inspirés de l’attitude inverse.
L’option adoptée ici est de réserver l’expression « psychologie du
travail » pour désigner la catégorie la plus générale de la discipline. Ce
choix participe d’une tradition qui s’inscrit dans la lignée des
enseignements de J.-M. Faverge2. Il se démarque de certains usages qui
réservent la même expression pour parler principalement d’une forme
particulière que prend son application.
Le cadre forcément restreint de cette présentation a bien évidemment
imposé des sélections : cet ouvrage a été conçu avec l’objectif d’illustrer et
de montrer ce que sont les options, les fondements, et les perspectives, de la
psychologie du travail…
Et avec l’espoir de susciter ainsi la curiosité, et le désir d’aller plus loin et
d’aborder des ouvrages plus spécialisés.
Chapitre I

Le travail

I. – Le sens du travail
Il paraît impossible de parler de psychologie du travail sans aborder la
question du sens du travail. En fait, ce questionnement est (au moins)
double : Qu’appelle-t-on « travail » ? Et quelle est la signification du travail
pour le travailleur ? Ces deux interrogations sont, évidemment, très
étroitement liées et fortement déterminées culturellement. Elles renvoient
d’emblée à une réflexion sur les rapports entre le travail comme valeur et le
travail comme activité. Les auteurs qui l’ont traitée mettent en évidence la
difficulté de définir le travail simplement en termes d’activité dès lors que,
selon le contexte et/ou l’acteur considéré, des activités identiques peuvent
être ou ne pas être « travail ». Elles illustrent aussi la difficulté de définir
l’objet même de la psychologie du travail. Ces réflexions conduisent
généralement à noter que ce que l’on nomme « travail » présente un
caractère de contrainte (référence sera souvent faite ici, dans la littérature de
langue française, au travail défini comme « activité forcée », pour reprendre
les mots de H. Wallon (1930) – voir notamment C. Guillevic (1991) ). Sans
entrer dans trop de détails, on pourra dire que l’activité de travail est
« forcée » de diverses manières : l’homme est forcé de travailler pour vivre
(le travail lui permet d’exister – c’est du moins le cas pour celui qui ne
dispose pas d’autre moyen d’existence et qui « a du travail » !) ; et l’activité
de et au travail est elle-même forcée en ce sens qu’elle s’inscrit dans un
système de contraintes, de règles, qui découlent de l’existence du contrat de
travail, de règlements, procédures, structures, que l’activité doit (ou devrait)
respecter. Dans la culture judéo-chrétienne, le travail renvoie à la punition
que Dieu aurait infligée à l’homme de « gagner son pain à la sueur de son
front ». Ce serait avec la révolution industrielle, et avec l’affirmation de
valeurs issues du protestantisme et du libéralisme économique, que le
travail aurait acquis une image positive. Celui qui s’y investit et y réussit en
tirera salut et reconnaissance sociale. Cette évolution des idées a conduit à
une valorisation du travail, à l’idée de réalisation de soi dans et par le
travail, et contribué à ce que soit posée la question de la signification
personnelle du travail. On a pu voir s’affronter au cours du XXe siècle, et
particulièrement à la fin de ce siècle, des courants de pensée divergents sur
la valeur « travail » (voir par exemple Méda, 1995). Tout porte à penser, au
seuil du XXIe siècle, que les choses n’en resteront pas là. De telles analyses,
dont l’objet constitue la matière d’un autre ouvrage, ne seront pas détaillées
ici. On pourra cependant noter que, de manière caricaturale, ces réflexions
reflètent une opposition entre une vision du travail comme « peine » et une
vision du travail comme « expression de soi »3. Il est évident que la
disponibilité du travail (ce que l’on appelle couramment le marché de
l’emploi), le contexte économique général, les choix de gestion et leurs
impacts sur les conditions de travail – par exemple, l’accent mis sur la
flexibilité dans un contexte de compétitivité, de globalisation, et de
mondialisation de l’économie, pour ne citer que ces facteurs-là –
déterminent fortement à la fois la signification sociale (sociétale) du travail
et le rapport individuel au travail. Ce rapport de l’individu au travail
s’exprime, et tout à la fois trouve sa source, dans un vécu au travail autant
que dans des représentations du travail (on pourrait également écrire, ici :
« au » travail !). Dans cette perspective, faire de la psychologie du travail,
c’est donc d’abord devoir traiter du sens du travail pour l’homme : Quelles
sont les significations attribuées au travail par l’individu, quels en sont les
concomitants psychologiques ? Ce type d’interrogation renvoie à des
questions qui peuvent avoir trait à des thèmes comme : le choix
professionnel (on utilise fréquemment l’anglicisme « choix vocationnel »),
l’insertion dans la vie de travail en général (vie dite active) et dans une
entreprise en particulier, l’engagement personnel dans le travail, les
aspirations professionnelles, l’impact des conditions de travail sur le sens
donné au travail par le travailleur, et, jusqu’à un certain point, l’image et
l’estime de soi, les choix de vie, les rapports entre vie de travail et vie hors
travail… et bien d’autres ! Ces thèmes concernent le travail et le rapport de
l’homme au travail. La définition initiale de la psychologie du travail a
toutefois d’abord orienté la discipline plus sur la tâche d’un opérateur que
sur le vécu d’un acteur : il s’agissait avant tout de sélectionner les
travailleurs et de diminuer la pénibilité du travail. On notera toutefois les
liens étroits qui devraient exister entre cette vision qui pourrait être
qualifiée de « technicienne » et une vision plus « humaniste » qui
accompagne l’interrogation sur la signification du travail pour la personne.
Une des caractéristiques de la psychologie du travail contemporaine est
d’être de plus en plus attentive aux rapports entre ces deux perspectives.

II. – Les sens du travail pour la psychologie du


travail
Le travail dont traite la psychologie du travail se définit comme activité
d’un homme ou d’une femme dans un cadre organisationnel, social, défini,
utilisant des outils particuliers, aux fins d’atteindre des objectifs de
production donnés. Cela conduit à identifier les objets premiers de la
psychologie du travail : le « travailleur », bien sûr, les outils de travail, les
conditions de travail, les structures d’organisation, etc. L’apport de la
psychologie du travail pourrait dès lors être d’aider à choisir le travailleur, à
le former, à définir les conditions de travail, les structures de production, les
rapports entre vie de travail et vie hors travail, le style d’encadrement, la
manière dont les consignes seront données, à concevoir les outils, les
machines… et on pourrait allonger une telle liste ! Pour tenter d’y voir plus
clair, trois questions peuvent être envisagées ; elles sont relatives aux
finalités, aux modalités, ainsi qu’aux domaines et champs d’intervention de
la discipline.

1. La question des finalités : production versus bien-être – ou les


deux ? . – Améliorer la qualité de vie au travail devrait avoir des effets
positifs sur le travailleur et ainsi l’engager plus favorablement dans son
activité, ce qui se traduirait par un gain sur le plan du rendement.
Inversement, améliorer la productivité, et donc la rentabilité de l’entreprise,
assurerait sa viabilité – donc l’emploi – et permettrait de garantir de
meilleures conditions de travail, ce qui aurait en définitive des effets
bénéfiques sur le travailleur. Il serait ainsi possible d’assurer une
compatibilité entre bien-être au travail et amélioration de la rentabilité de
l’entreprise. On conçoit que, si une telle affirmation paraît, dans certaines
limites, raisonnable et/ou séduisante, elle a été, et est encore actuellement –
et sans doute le restera-t-elle longtemps –, objet de polémiques. La vie des
entreprises et le contexte socio-économique ne confirment pas
nécessairement la validité de telles prémisses. Des actions visant l’une des
finalités peuvent entraver l’autre. La question de priorité de l’une sur l’autre
devra souvent être envisagée. À cette question, que l’on peut qualifier
d’idéologique, chaque psychologue du travail apportera sans doute sa
propre réponse. À moins qu’elle ne soit, fût-ce partiellement, prédéfinie par
un cadre réglementaire et déontologique (ce qui est le cas pour certaines
pratiques dans certains pays). La réponse donnée pourra dépendre aussi du
contexte spécifique dans lequel le psychologue se trouve et des contraintes
auxquelles il est lui-même soumis. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas d’une
question à proprement parler « scientifique ». À un moment ou l’autre,
toute discipline, tout particulièrement toute discipline « appliquée », est
amenée à devoir se poser la question de ses finalités sociales (de la
discipline et de sa pratique). Il faut en être conscient et y être attentif. La
psychologie du travail n’y échappe pas ; elle ne peut faire l’économie de
cette interrogation.

2. La question des modalités : agir sur les hommes ou sur les


structures – ou sur les deux ? . – La psychologie du travail contemporaine
a pour objectif une adaptation réciproque optimale entre le travailleur et le
travail. Elle part donc d’une vision du travail comme interaction entre
l’homme et le travail. Cette conception a été concrétisée de différentes
manières, le plus souvent sous forme de modèles qui détaillent plus ou
moins le schéma de la figure I. 1.

Fig. I. 1. – Éléments essentiels de l’analyse du travail (d’après Leplat, 1997) [N. B. – Agent =
travailleur]
Pour reprendre le terme de J. Leplat, la question centrale est une question
de couplage optimal entre l’homme et le travail. Cette question peut être
abordée de deux manières extrêmes (mais non exclusives !) :
1. soit considérer que le travail est un donné prédéfini. Il s’agirait,
alors, tantôt d’aider à trouver l’individu qui constituerait le meilleur
élément humain du couple en question, tantôt d’agir sur cet homme,
fournir des indications sur comment le faire, pour le modifier, afin
de le rendre plus « adapté » au couplage prédéfini. On parlera ici
d’interventions d’adaptation de l’homme au travail ;
2. soit considérer que l’homme est un donné et tirer de la psychologie
des enseignements sur la manière de concevoir le travail. On se
place ici dans le champ de l’adaptation du travail à l’homme, de
l’ergonomie. Cette dernière approche mobilise d’autres savoirs que
ceux de la psychologie : la médecine, la physiologie,
l’anthropométrie, la sociologie, l’ingénierie en sont d’autres
composants. Mais l’on conçoit la place importante de la psychologie
dans l’optique ergonomique.

3. La question des domaines et des champs d’intervention. – La


psychologie du travail ayant une finalité d’application, c’est évidemment
lorsque l’on considère les pratiques en termes de types d’intervention que
ses « domaines » se précisent, et avec eux ses objets précis. On peut
distinguer trois grands domaines au sein desquels se définissent des thèmes
particuliers :

A) Le domaine de la psychologie du personnel. – Ce domaine se définit


par des interventions de la psychologie du travail centrées directement sur
la personne du (ou des) travailleur(s). Ces interventions visent tantôt à bien
(mieux) connaître le travailleur (diagnostic et pronostic), tantôt à le
« modifier » (ses connaissances, ses conduites), à gérer son insertion et son
devenir dans l’entreprise. L’idée dominante est ici celle d’adaptation de
l’homme au travail ;

B) Le domaine de la psychologie des organisations. – Un domaine


spécifique s’est dessiné autour du constat de l’importance de la dimension
« organisationnelle » du travail. Le travail se déroule dans le cadre d’une
organisation qui définit des rôles, des statuts, des échanges entre les acteurs
(travailleurs). Ces notions renvoient à des aspects que l’on peut qualifier de
fonctionnels (les tâches à réaliser) autant qu’à des aspects relationnels,
psychosociaux (les interactions entre les membres de l’organisation,
qu’elles soient ou non liées explicitement à la réalisation des tâches). On
peut considérer que les deux sens de l’adaptation sont ici sous-jacents, car il
sera autant question de connaître le « fonctionnement humain » pour y
adapter des structures d’organisation (ou tout autre aspect étudié dans ce
domaine) que de déterminer quel serait l’homme « adapté » à telle forme
d’organisation, ou de comprendre comment on pourrait amener – aider4 –
tel individu à s’y insérer, à adhérer aux valeurs qu’elle défend ;

C) Le domaine de la psychologie ergonomique. – Il s’agit clairement, ici,


d’adapter le travail à l’homme. Ce domaine s’intéresse par définition à la
réalisation effective du travail, au travail vu comme activité. Sont au cœur
des préoccupations : les aspects opératoires et techniques du travail, les
tâches, leur définition et leur cadre environnemental, avec une
préoccupation marquée pour les aspects « opératifs » et cognitifs liés à
l’exercice de l’activité de travail proprement dite. Les interventions et les
recherches dans ce domaine ont trait à la conception et à l’amélioration des
techniques, des outils, des tâches, des conditions de travail, et, d’une
manière plus générale, des structures de production (au sens large).
Chapitre II

L’analyse du travail

I. – Objet de l’analyse du travail


L’application de la psychologie au domaine du travail suppose une
attention particulière aux tâches à réaliser et à l’activité qu’elles impliquent.
Une telle affirmation peut paraître singulièrement triviale, tout comme il
peut paraître simple de mettre en œuvre cette « analyse du travail ». Qu’il
s’agisse de définir les critères auxquels devrait satisfaire tel agent à engager,
de déterminer les besoins en matière de formation des opérateurs dans tel
processus industriel, d’optimiser les relations entre les exécutants et leur
hiérarchie, de concevoir un logiciel aisé à utiliser, la nécessité de bien
décrire les tâches et l’activité concernée s’impose d’évidence. Mais
l’activité peut être décrite de différentes manières ; par exemple en des
termes très généraux ou, au contraire, en précisant chacune des actions,
voire chacun des gestes à accomplir, chacune des décisions à prendre. Les
choses ne sont pas aussi simples qu’il peut y paraître de prime abord. Qui
peut fournir la « bonne » description du travail à réaliser ? Le plus
important est-il de décrire le travail à réaliser ou bien le travail réellement
réalisé dans une pratique quotidienne ? Comment peut-on « écrire » cette
description ? Ou, pour dire les choses plus scientifiquement, comment la
formaliser ? Quels concepts utiliser dans cette analyse ? … Les questions ne
manquent pas. Il existe une littérature abondante sur le sujet, et un très
grand nombre de « méthodes » (grilles, canevas, etc.) d’analyse du travail
ont été proposées. Ces méthodes répondent souvent à des objectifs
spécifiques qui s’inscrivent dans des applications particulières. Certaines
seront plus centrées sur des applications de sélection du personnel, d’autres
sont destinées à servir dans le cadre d’interventions sur l’organisation du
travail, d’autres encore sont spécifiques à tel ou tel type d’application
ergonomique (comme, par exemple, l’étude de la fiabilité de systèmes
techniques complexes comme des centrales nucléaires, la conception
d’interfaces homme-ordinateur, etc.).

II. – Le cadre théorique de l’analyse du travail


Une distinction importante introduite à la suite des travaux d’Ombredane
et Faverge (1955) a fortement influencé la réflexion sur l’analyse du travail
et les pratiques en la matière (du moins pour ce qui concerne la psychologie
du travail de langue française – voir Leplat, 1997). Il s’agit de la distinction
entre le travail prescrit et le travail réel. Les recherches et réflexions à ce
propos sont parties du constat de la nécessité de distinguer entre, d’une part,
le travail qui correspond à la consigne (plus ou moins explicitement et/ou
clairement) donnée par l’entreprise (on a parlé également, à ce sujet, de
tâche), et, d’autre part, le travail réel, tel qu’il est exécuté par le travailleur
(on a parlé ici, également, d’activité). L’étude de nombreuses situations de
travail a montré que le travail réel (effectif) peut s’écarter très sensiblement
du travail prescrit. Cet écart découle de plusieurs facteurs ; on peut citer,
entre autres : les « interprétations » faites par le travailleur (parce que tout
n’est pas clair dans les consignes), les réaménagements en fonction d’aléas,
l’existence d’exigences contradictoires (être productif et veiller à la
sécurité, par exemple), etc. Les observations montrent que ces écarts visent
souvent à rendre le travail « possible », à permettre d’atteindre les objectifs
attendus par l’organisation. Les recherches dans ce domaine ont conduit à
montrer la complexité du processus qui part de la définition – par le
concepteur – de la tâche à accomplir, pour aboutir au travail réalisé par son
exécutant. Une remarque qui s’impose est que le travail prescrit est
généralement défini en fonction d’un système de production supposé stable
et optimal, alors que le travail réel s’effectue dans un système instable (les
conditions de travail sont fluctuantes, des incidents perturbent le
déroulement de l’activité, etc.) et que les caractéristiques du travailleur
(comme individu) sont elles-mêmes changeantes (il pourra être plus ou
moins en forme, fatigué, etc.).
La figure II. 1 ci-après reprend les différentes étapes du cheminement qui
va du « travail à réaliser » au « travail effectué », telles qu’elles ont été
synthétisées par Leplat.
Dans ce schéma, les étapes 3 à 7 correspondent à l’activité de l’agent.
Cette activité comporte des aspects directement observables par l’analyste
du travail (les comportements de l’opérateur) et des aspects non observables
(aspects mentaux concernant par exemple la représentation des objectifs à
atteindre et des moyens pour y parvenir, la planification de l’action, la
résolution des problèmes, l’évaluation des contraintes, etc.). Ces derniers
accompagnent et déterminent les redéfinitions successives de la tâche ; ils
participent à la genèse de l’acte, l’évaluent, contribuent à ce qui lui donne
sens. Il est certain que le tout s’inscrit dans un processus dynamique, suit un
décours temporel. Les tâches sont répétées, elles s’inscrivent dans des
séquences qui s’emboîtent pour participer à la réalisation de tâches
supérieures. Cela a amené plusieurs auteurs à insister sur l’intérêt
d’analyser le travail comme l’accomplissement de tâches, au travers de la
réalisation de sous-tâches, elles-mêmes pouvant être le fruit de l’exécution
de sous-tâches d’un niveau inférieur, et ainsi de suite.

Fig. II. 1. – Les différentes étapes, de la « tâche à réaliser » à la « tâche réalisée » (d’après
Leplat, 1997)
Il résulte de ce qui précède que le travail peut être décrit tantôt, sous
l’angle des tâches, comme un « arbre de tâches et de sous-tâches », tantôt,
sous l’angle de l’activité, comme un enchaînement de tâches réalisées.
La psychologie ergonomique a proposé diverses formalisations de l’une
et l’autre de ces deux visions de l’activité. Une analyse complète du travail
devrait couvrir ces deux aspects. À titre d’exemple, le formalisme MAD de
Scapin met l’accent sur le premier aspect (Sébillotte, 1991). Le schéma
classique de l’analyse des conduites au travail a inspiré diverses méthodes
participant de la deuxième. La figure II. 2 ci-après reproduit l’un de ces
schémas.
Ce type de « modèle » identifie les variables qu’il paraît pertinent de
considérer dans une telle analyse. Dans la pratique, des techniques variées
pourront être utilisées5.

III. – Le travail : les tâches et l’activité


Il découle de ce qui précède qu’une distinction doit être faite entre les
méthodes d’analyse du travail centrées principalement sur la (les) tâche(s)
et les méthodes centrées principalement sur l’activité :

1. L’analyse de la (des) tâche(s). – Ces méthodes visent à fournir une


description du travail vu sous l’angle des tâches à accomplir ; elles sont
fréquemment utilisées dans des applications du type : sélection du
personnel, détermination de qualification, fixation des rémunérations,
évaluation des conditions de travail, etc. Dans tous ces exemples, l’objectif
de la grille d’analyse est de fournir une sorte de norme, sous forme d’une
description (et d’une évaluation sur un ensemble de dimensions
prédéfinies), des tâches à réaliser ainsi que des conditions dans lesquelles
elles se déroulent. Les dimensions considérées concerneront par exemple le
fait que le travail requiert tel ou tel type de connaissances, telle ou telle
compétence, qu’il suppose la mise en œuvre de telle ou telle habileté (par
exemple : de la dextérité, une bonne coordination motrice, de l’intelligence,
un bon facteur verbal, une capacité de prise de décision sous stress…) ; ou
encore, qu’il expose le travailleur à tel ou tel facteur externe (du bruit, de la
chaleur, un environnement exigeant « de la résistance au stress » …). Ces
méthodes cherchent à répondre aux questions : « Le travail analysé, c’est
quoi ? Qui ? Dans quelles conditions ? »

Fig. II. 2. – Schéma d’analyse du travail (d’après Karnas, 1996)

Une place particulière doit être accordée ici à un ensemble de techniques


dites d’« analyse de fonctions » qui ont été conçues pour des applications
bien particulières. Certaines visent à fournir une sorte de hiérarchie des
fonctions au sein d’une entreprise (par exemple, dans le but de gérer les
rémunérations, les promotions, les carrières du personnel). D’autres ont été
conçues dans l’idée d’identifier les connaissances, les compétences, les
aptitudes et les caractéristiques personnelles qui seraient requises pour
« occuper » tel ou tel poste (modèle KSAO dans la littérature anglo-saxonne).
Ces dernières méthodes sont généralement utilisées dans une perspective de
sélection du personnel. Défendues par certains – qui se fondent sur des
analyses de validité prédictive de sélections du personnel qui s’y réfèrent –,
ces méthodes sont critiquées par d’autres qui invoquent le fait qu’elles
auraient généralement été conçues plus en considérant les tests disponibles
(et les concepts de la psychologie différentielle et de la psychotechnique)
qu’à partir de la réalité du travail (et des concepts tirés de l’analyse de
l’activité). Les méthodes de Fleishman (1998) et la méthode PAQ de
McCormick (1998) en sont deux exemples (voir Bernaud, 2000).
À titre d’illustration, la méthode PAQ (dont l’objectif est plus large que le
recrutement) vise à recueillir, pour un poste analysé, des évaluations sur :
– le type d’informations à traiter (ex. données qualitatives ou
quantitatives, matériel écrit, verbal, auditif, etc.) ;
– le type de processus mentaux à mettre en jeu (ex. : prise de décision,
planification, etc.) ;
– le type d’activité, la manière dont le travail est réalisé (ex. : activité
manuelle, nécessité d’utiliser des instruments, des outils particuliers,
etc.) ;
– les relations avec d’autres personnes (ex. : échange d’idées, de
jugements, d’informations, activité d’encadrement, contact avec le
public, etc.) ;
– le contexte de travail, soit des données sur l’environnement dans
lequel le travail est réalisé (ex. : stressant, dangereux, exigeant sur le
plan personnel, etc.) ;
– des caractéristiques relatives à des exigences spécifiques du travail
considéré (ex. : requiert de l’attention, très structuré ou non
structuré, implique le port de vêtements particuliers, routinier,
profession attirante, etc.) ;
– des dimensions qualifiées de générales (ex. : travail à responsabilité
sociale, travail de contrôle, supervision, etc.).
Relevant de l’ergonomie en général, de nombreuses techniques
d’évaluation des conditions de travail participent, d’une certaine manière,
d’une approche similaire (voir par exemple Guérin et al., 1997).

2. L’analyse de l’activité. – Ces méthodes sont utilisées dans une


perspective d’analyse et de compréhension « fine » de l’activité, le plus
souvent avec l’un ou plusieurs des objectifs suivants : 1/ l’aménagement du
travail, qu’il s’agisse des outils, des structures de production et/ou de
communication (intervention ergonomique) ; 2/ la formation des
opérateurs ; 3/ l’analyse de dysfonctionnements (accidents, incidents,
pannes, etc.). Elles devraient de fait s’imposer dans toutes les applications
(cette question sera examinée plus loin).
Les méthodes d’analyse de l’activité viseront surtout à mettre en
évidence les enchaînements des conduites, les dysfonctionnements, les
difficultés rencontrées, les raisons des choix d’action, d’erreurs, d’incidents,
d’accidents, etc. On y considère autant les structures de travail que les
caractéristiques des opérateurs. Ces méthodes cherchent à répondre aux
questions : « Le travail analysé, c’est comment ? Et pourquoi ? »
Dans la pratique, l’analyse de l’activité sera « plurielle » en ce sens que
diverses méthodes ou techniques seront utilisées. Pour être complète, elle
comportera idéalement trois phases renvoyant à trois types de méthodes
(voir par exemple Karnas, 1987, et Leplat, 1997) :
1. des méthodes centrées sur la tâche : l’étude de l’activité ne peut se
passer d’une étude de la tâche prescrite, ne serait-ce que pour mettre en
évidence les écarts entre le prescrit et le réel, mais ce n’est bien sûr pas la
seule raison. On songera ici à ce que l’on appelle l’« analyse
documentaire » qui vise à recueillir toutes les informations concernant le
travail à réaliser qui sont disponibles dans l’entreprise, ainsi qu’aux
techniques standardisées d’analyse des tâches évoquées plus haut ;
2. des méthodes à base d’observation : qui visent à recueillir des données
observables et relatives au déroulement de l’activité in situ. Cette
observation sera souvent dans un premier temps dite ouverte ou libre (elle
permettra alors au psychologue du travail de se familiariser avec le travail,
de formuler des premières hypothèses sur l’activité) ; puis, compte tenu des
limites inhérentes à ce type de méthode, on passera à des observations
standardisées, en prenant le plus souvent en compte la dimension
temporelle du déroulement de l’activité (des grilles spécifiques
d’observation et des techniques particulières d’analyse temporelle seront
utilisées dans ce but). L’observation pourra éventuellement être « différée »
et se baser sur ce que l’on appelle des « traces » de l’activité (sous-produits
de l’activité enregistrés ou non à cet effet) ;
3. des méthodes à base de verbalisation : dont le but est d’approcher les
aspects inobservables des conduites : les activités mentales mises en jeu
dans la réalisation du travail. Ces méthodes, qui peuvent être plus ou moins
standardisées, se fondent sur une écoute du travailleur explicitant son
activité (e. a. cognitive). On envisage ici des méthodes comme la
verbalisation simultanée (le travailleur doit « penser à haute voix » pendant
le déroulement de l’activité), la verbalisation interruptive (on interrompt le
travailleur à un moment du déroulement de son activité pour lui faire
expliciter certains aspects), la verbalisation différée (le travailleur est appelé
à verbaliser les concomitants cognitifs des différentes étapes de son activité,
après que celle-ci est terminée, éventuellement en se basant sur des
enregistrements divers de cette activité – comme un enregistrement audio
et/ou vidéo, etc.).

IV. – En guise de conclusion


On comprend aisément qu’idéalement, toute intervention de la
psychologie du travail passe par une analyse du travail et que celle-ci
suppose que les deux aspects d’analyse de la tâche et d’analyse des activités
soient pris en compte6. Certes, dans la pratique, le niveau de « profondeur »
de ces analyses pourra – devra – être adapté aux conditions et à l’objet de
l’intervention. Ce principe de pragmatisme conduit malheureusement
souvent les commanditaires de l’intervention à imposer une restriction de
cette analyse qui devra éventuellement se résumer à une description
superficielle de la tâche. On ne peut que regretter cet état de fait qui place
alors le psychologue du travail dans une position qui ne lui permet pas
d’appliquer avec la pertinence requise les acquis de sa discipline.
Chapitre III

La psychologie du personnel

I. – Les applications
Sont visées ici des applications portant sur la personne du travailleur (ou
du futur travailleur). Ce champ renvoie à des pratiques anciennes qui ont été
renouvelées et qui s’inscrivent aujourd’hui dans le courant de gestion des
ressources humaines (GRH). Isoler le champ de la psychologie du personnel
peut paraître quelque peu artificiel dans la mesure où toute action au sein
d’une organisation constitue en fait – ou a comme conséquence – une action
sur ses membres. Il paraît toutefois fondé d’envisager ce champ dans sa
spécificité, car il renvoie à des applications qui portent directement sur la
personne du travailleur ; principalement :
1. le recrutement et la sélection du personnel ;
2. l’évaluation du personnel (évaluation proprement dite et systèmes
de récompenses, rémunération, promotion, sanctions…) ;
3. la formation et l’entraînement du personnel ;
4. des actions ciblées sur certaines catégories de travailleurs : les
nouveaux travailleurs, les travailleurs âgés, les travailleurs
« déplacés » (mutés, expatriés…), les travailleurs licenciés (et les
actions spécifiques à leur égard comme l’outplacement7).
L’intégration de ces pratiques dans une perspective globale de gestion des
ressources humaines participe d’une évolution générale qui découle de la
prise de conscience des éléments suivants :
1. le travail est la rencontre entre ce que l’on pourrait appeler deux
« systèmes » : l’individu et l’organisation du travail ;
2. ces « systèmes » sont complexes – ce qui doit être pris en compte en
tant que tel – et ils sont également l’un et l’autre animés de principes
unificateurs, intégrateurs (avec comme conséquence que toute
action sur eux retentit sur d’autres dimensions que celles
directement visées par cette action) ;
ces deux « systèmes » sont en constante évolution : ils « vivent », se
transforment ; les caractéristiques individuelles (des travailleurs),
tout comme celles de l’entreprise, ne peuvent être considérées une
fois pour toutes.
Il découle de ce type de constat la nécessité de développer une vision
dynamique et intégrative des interventions dans l’entreprise – et d’inclure le
facteur humain dans cette vision et dans la gestion qui s’en inspire8. Il en
résulte que les questions de psychologie du personnel sont de plus en plus
intégrées dans des modèles qui relèvent de la psychologie des organisations
et de la gestion des ressources humaines. Cela amène bon nombre de
psychologues du travail à parler de « psychologie du travail et des
organisations » en incluant sous cette appellation l’ensemble des questions
traitées par la « psychologie du personnel » et la « psychologie des
organisations ». Si cette position paraît très légitime – en raison de la
nécessité de penser le travail en termes systémiques –, il n’en reste pas
moins qu’une place particulière doit être accordée à la psychologie du
personnel, ne serait-ce qu’en regard des spécificités techniques et des
identités d’objet qui la caractérisent (sans compter les compétences
spécifiques que requiert sa pratique).
Il est d’ailleurs une autre raison d’identifier ce champ : la plupart des
actes qui en relèvent ne sont pas nécessairement posés dans le cadre d’une
entreprise (ou par rapport à un emploi ou un poste de travail donné, occupé
ou à occuper par la personne). C’est par exemple le cas pour ce qui touche à
l’orientation professionnelle et à l’aide à l’insertion (ou réinsertion)
professionnelle (évaluation des intérêts professionnels, choix professionnel,
bilans de compétences, etc.). Dans de tels cas, on a affaire à des actes de la
psychologie (du travail) concernant la personne et son rapport au travail et à
l’emploi (travailleur, futur travailleur, demandeur d’emploi, etc.). Mais ces
actes sont le plus souvent posés en dehors d’une entreprise (organisation)
particulière. Si le travailleur concerné possède un emploi, il est des cas
nombreux où l’analyse n’est pas commanditée par l’entreprise qui l’occupe,
les résultats de l’examen psychologique ne sont ni destinés ni communiqués
à l’employeur. Si l’analyse faite est « contextualisée » par rapport à une
organisation du travail donnée, c’est éventuellement pour pouvoir tenir
compte de ce contexte dans l’analyse (parfois pour aider la personne à s’en
« dégager »).
On peut donc considérer deux grandes catégories d’interventions de la
psychologie du personnel : la psychologie du personnel pratiquée dans le
cadre de la gestion d’une entreprise et la psychologie du personnel
pratiquée dans une perspective de conseil individuel.
Seules les applications de la première catégorie (organisées par
l’entreprise et mises en œuvre par un service qui lui est propre ou par le
recours à un bureau ou consultant extérieur) sont envisagées ici.
La figure III. 1 ci-après représente les principales étapes de la GRH dans
lesquelles on peut situer les interventions de la psychologie du travail.
Les interventions de la psychologie du travail pourront consister à :
– contribuer à la définition et à la conception du poste ou de la fonction à
pourvoir ;
– analyser ce poste de manière à déterminer les critères à appliquer dans
la procédure de recrutement (offre d’emploi proprement dite, sa
formulation, le choix des médias à utiliser, la mise en œuvre de la procédure
de sélection). Les méthodes d’analyse du travail trouvent évidemment ici
leur pleine raison d’être. Cette intervention sera réalisée en étroite
collaboration avec les responsables de l’entreprise (le futur chef de service,
le directeur des ressources humaines, etc.) ; ce sont ces derniers (ou l’un
d’eux) qui, en définitive, décideront d’engager ou non tel candidat, le
psychologue du travail jouant essentiellement un rôle de conseiller dans
cette démarche. Ce cas le plus général possède, bien sûr, des exceptions, ne
serait-ce que lorsqu’un psychologue est le responsable de la GRH (mais il
n’œuvre pas alors spécifiquement en tant que « psychologue du travail »).
Fig. III. 1. – Les étapes du cycle de gestion des ressources humaines – d’après un schéma
proposé par Fombrun et al., 1984 (voir Karnas, 1996)

– en cas de non-engagement, communiquer aux candidats non retenus les


motivations de ce refus (en tout cas lorsqu’elles relèvent de l’examen
psychologique). Cette information fait normalement partie de pratiques
déontologiques de la profession ;
– intervenir dans les séances d’accueil et de formation-destinées aux
nouveaux travailleurs. De nombreuses entreprises ont compris l’importance
de ces démarches en vue de la bonne intégration des nouveaux travailleurs.
Ces séances viseront des objectifs « fonctionnels » comme : la réalisation
des tâches, la sécurité au travail, la connaissance de l’organisation et de ses
membres, des règles et consignes diverses, etc. Elles seront aussi souvent la
première étape d’un processus, appelé parfois « de socialisation », visant à
une intégration sociale des nouveaux venus, à leur acculturation, à la
transmission par l’entreprise des valeurs sur lesquelles elle fonde son
fonctionnement ;
– intervenir dans l’évaluation du personnel en place. Dans le cadre d’une
politique de GRH, et également en liaison avec les aspects de culture
d’organisation, de nombreuses entreprises ont développé des systèmes
d’évaluation du personnel. Ces systèmes d’évaluation répercutent dans le
fonctionnement de l’organisation une certaine lecture des enseignements de
la psychologie du travail ; principalement : l’importance de fournir aux
travailleurs un feed-back sur leurs actions, de valoriser les conduites
souhaitables, de découvrir et reconnaître les compétences, les potentiels
existants. Des psychologues du travail pourront intervenir dans la mise au
point des outils d’évaluation (identification des critères à utiliser,
conception de questionnaires ad hoc, organisation générale des procédures,
etc.). Leur rôle pourra également être important dans la formation des
cadres, peu préparés par leur formation initiale à cette mission particulière
(problèmes liés à la relation dans l’évaluation, à l’évaluation en général et
aux biais possibles dans cette évaluation) ;
– intervenir dans les traitements découlant de l’évaluation.
Schématiquement, l’évaluation des performances pourra conduire à trois
issues dans lesquelles des psychologues du travail pourront intervenir : 1/ le
licenciement9 : par exemple, intervention dans le processus
d’outplacement ; 2/ le constat de la nécessité de donner à l’agent une
formation, de le muter (ou toute autre action visant à introduire un
changement – qu’il s’agisse d’un changement de la personne, du contexte
de travail, ou des deux) : par exemple, l’organisation de stages de formation
visant à obtenir un changement de comportement ; 3/ récompenser le
travailleur dont l’évaluation se serait révélée particulièrement favorable :
par exemple, par un système de primes ;
– à côté de l’évaluation des performances peut et parfois doit – être
réalisée ce qui est appelé dans la figure III. 1 une « évaluation des effets (du
travail) sur le travailleur ». Cette expression, reprise dans le schéma
d’analyse du travail présenté au chapitre II (fig. II. 2), n’est peut-être pas
parfaitement adaptée ici. Il serait sans doute plus indiqué de parler tout
simplement d’évaluation de l’« état » (physique et psychologique) du
travailleur – le lien direct entre cet état et l’exercice du travail ne pouvant
pas toujours être clairement établi. Ce type d’évaluation peut être imposé
par des textes légaux ou des conventions collectives (ex. examen médical
obligatoire de tous les travailleurs ou de catégories particulières de
travailleurs – conducteurs d’engins, personnes travaillant sur écran, etc.).
Cette évaluation peut impliquer des dimensions psychologiques. Citons, à
titre d’exemples : l’évaluation de modifications de la vigilance, du stress
professionnel, de modifications du comportement de type
psychopathologique (dépression, anxiété, assuétudes, ou autres
manifestations éventuellement liées à des épisodes professionnels
particuliers comme des accidents, des agressions : sinistrose, désordres de
stress post-traumatiques, etc.).
Les paragraphes qui suivent détaillent quelque peu les pratiques les plus
significatives en psychologie du personnel.

II. – La sélection du personnel

1. Les fondements de la sélection. – La sélection constitue une étape clé


du processus de recrutement. Elle vise à choisir parmi un ensemble de
candidats à un poste à pourvoir celui (ou ceux) qui rencontre (rencontrent)
au mieux les attentes de l’organisation. Il s’agit d’abord de rechercher les
candidats qui répondent à certains critères fixés a priori (ces critères que
l’on peut considérer comme « préalables » définissent des conditions
minimales que doit remplir celui qui postule l’emploi en question – par
exemple, il devra avoir exercé telle ou telle fonction pendant un nombre
d’années donné, posséder tel diplôme, etc.). Ces critères sont en quelque
sorte « évalués pour eux-mêmes » (analyse de CV, entretiens et
questionnaires biographiques, etc.). Mais ils sont aussi censés « garantir »
certains aspects du comportement du candidat dans le poste à pourvoir. Le
diplôme est ainsi censé refléter un état de connaissance « prédictif » d’un
comportement en situation de travail. La démarche de sélection comporte
en fait deux aspects : un aspect de « diagnostic » et un aspect de
« pronostic ». L’idée de pronostic est évidemment fondamentale dans la
sélection des candidats. On cherchera, au moyen de diverses techniques, à
pronostiquer aussi précisément que possible l’adaptation du candidat au
poste qu’il postule et à l’entreprise – on tentera le plus souvent également
de pronostiquer sa capacité à changer, le fait qu’il possède (ou non) des
potentialités de développement personnel.
La notion de pronostic sous-jacente à la sélection suppose un ensemble
de conditions :
1. il faut disposer de connaissances permettant de légitimer le fait
qu’un tel pronostic soit possible : c’est-à-dire qu’il existe un certain
nombre d’invariants de la personne (en général) – caractéristiques à
identifier – susceptibles de fonder un pronostic relatif à des
(certaines) conduites futures à partir d’une « observation »
spécifique de conduites actuelles ;
2. il faut rendre possible et fiable l’« observation » évoquée au point
précédent, posséder des instruments de « mesure » de ces
caractéristiques qui satisfassent à un ensemble de critères qui en
garantissent la fiabilité et l’utilité ;
3. il faut pouvoir mettre ces caractéristiques en relation avec le travail,
et plus particulièrement avec des indicateurs de l’adaptation et de la
réussite au poste pour lequel le pronostic est souhaité (ce qui
suppose que ces indicateurs – critères – soient également identifiés
et mesurés, et donc qu’ils soient mesurables, avec les mêmes
garanties de fiabilité que celles requises pour la mesure des
caractéristiques qui fondent le pronostic).

2. Les prédicteurs et les techniques de mesure. – Les questions de


l’identification de prédicteurs et de la détermination des techniques de
mesure de ces prédicteurs sont en partie liées. C’est du moins le cas pour un
ensemble de dimensions psychologiques issues des travaux de la
psychologie différentielle, de la psychotechnique et de la psychométrie
auxquelles se réfère la sélection du personnel : en l’occurrence, les
caractéristiques identifiées et mesurées par les tests.
On appelle « test » des épreuves portant sur du matériel standardisé, dont
les conditions de passation sont standardisées, dont la notation est
standardisée et dont les qualités psychométriques ont été déterminées.
On attribue notamment à Binet et Simon la paternité de cette méthode
(début du XXesiècle). Ces auteurs avaient un but essentiellement pratique. Il
s’agissait pour eux de dépister facilement les enfants de la ville de Paris qui
seraient ou non aptes à suivre l’enseignement élémentaire « ordinaire ». Ils
imaginèrent donc une épreuve constituée d’un ensemble de questions
(items) conçues de manière telle que la réussite ou l’échec à ces épreuves
permettait de déterminer l’« âge mental » de ces enfants. On suggéra que
l’on pourrait ainsi définir un « quotient intellectuel » (rapport entre l’âge
mental et l’âge réel multiplié par 100) qui révélerait si l’enfant possède un
âge mental en accord avec son âge réel, s’il est « avancé », ou s’il est « en
retard », du point de vue intellectuel. Binet et Simon, dans cette démarche,
supposaient qu’il existe une dimension unique que l’on peut appeler
« intelligence », qu’un ensemble d’épreuves organisées correctement
permettrait de la mesurer, du moins en termes comparatifs, c’est-à-dire que
l’on pourrait « situer » l’enfant par rapport à une population de référence
(normale), et que cette dimension serait prédictive de l’adaptation scolaire
(du moins sous l’angle cognitif). Le test psychométrique était né. À peu
près au même moment, une idée similaire s’est développée sur fond de
constat d’existence de différences individuelles relativement stables dans un
ensemble d’épreuves conçues au départ pour servir dans des expériences de
psychologie expérimentale (McKeen Cattell). Les tests qui naîtront de ce
courant serviront rapidement de base à la « mesure » de caractères
psychologiques qui seront utilisés afin de prédire l’adaptation à des postes
de travail. L’armée, particulièrement aux États-Unis, deviendra rapidement
un champ privilégié de ce type d’application10.
Les tests psychologiques vont se développer à partir de ces prémices ;
d’abord essentiellement sur base de ce que l’on peut appeler une « validité
faciale » (le fait qu’une « simple lecture » du test permettrait d’estimer qu’il
mesure bien ce qu’il est censé mesurer)11. Leur nombre augmentant, l’idée
de les comparer, de déterminer plus rigoureusement si des tests différents
mesuraient ou non la même chose, de se demander ce qu’ils mesuraient
effectivement, va initier de nombreuses recherches. Celles-ci donneront
naissance à des champs d’investigation concernant : les différences
individuelles (psychologie différentielle), la conception des tests, leur
évaluation et, de manière générale, les problèmes de mesure en psychologie
(psychotechnique et psychométrie). Dans cette mouvance, un courant de
recherche spécifique va se développer, fondé sur une méthode d’analyse
statistique qui sera en quelque sorte inventée pour l’occasion : l’analyse
factorielle. Cette méthode est basée sur l’idée qu’une performance dans un
ensemble d’épreuves (tests) dépend de la mise en œuvre d’un ensemble
limité d’habiletés ou facteurs qui définissent des caractéristiques
fondamentales de l’individu (on a parlé aussi d’aptitudes). Ces habiletés (du
moins certaines) devraient être considérées comme stables pour une
personne donnée. Elles constitueraient donc les « fondements » des
conduites et des performances. Leur mesure devrait dès lors permettre
d’établir un pronostic des conduites futures. De nombreux travaux de
recherche se proposèrent (et se proposent encore aujourd’hui) d’identifier
ces dimensions fondamentales et de construire des instruments (tests) qui
les mesurent directement (idéalement, qui ne mettent en œuvre qu’une seule
de ces dimensions).
Un raisonnement similaire sera par ailleurs appliqué, mutatis mutandis, à
la notion de personnalité. Lorsque l’on parle de personnalité, on s’intéresse
à l’« orientation habituelle des comportements et des conduites », à la
manière d’être habituelle, reflétant une régularité dans la manière de réagir,
d’entrer en communication avec les autres, d’appréhender le monde (on
parle souvent à cet égard de « typologies », d’une approche de la
personnalité en termes de « types »). Envisageant alors les dimensions
explicatives (facteurs) de la personnalité, selon un modèle similaire à celui
qui vient d’être décrit, on parlera ici de « traits » (de personnalité).
On remarquera que le raisonnement qui sous-tend ces deux types
d’approche (qu’il s’agisse des habiletés ou des traits de personnalité)
s’inscrit dans une conception que l’on peut qualifier d’analytique :
1. des « secteurs » psychologiques (ou fonctions) sont identifiés ; ont
été considérés ici : d’une part, ce qui relève des comportements
adaptatifs que l’on attribue/attribuait classiquement à l’intelligence
et à l’habileté sensori-motrice – on parlera actuellement plus
volontiers de ce qui concerne le cognitif – et, d’autre part, ce qui
relève des comportements adaptatifs se manifestant par des « modes
de conduite », soit ce qui ressortit aux affects et à la personnalité ;
2. à l’intérieur de ces « secteurs », on identifie, par la construction
d’épreuves et par leur analyse, les dimensions « fondamentales »
qui, en quelque sorte, les constituent (ex. : facteur numérique,
facteur verbal, facteur spatial, composante obsessionnelle, caractère
agréable, etc.).
Deux remarques s’imposent :
a. cette position – théorique et pratique – a été contestée (cette question
sera évoquée plus loin) ;
b. parmi les tenants de cette position, des controverses concernant le
nombre de dimensions à retenir pour décrire tel ou tel « secteur » des
comportements ont existé et sont encore particulièrement actuelles.
Quoi qu’il en soit, ce type d’approche marque très largement la pratique
de sélection du personnel, ne serait-ce qu’au travers des batteries de tests
utilisées dans ce contexte (même si la sélection ne se limite pas – et ne
saurait d’ailleurs se limiter – à l’application de ces tests !).

3. Le pronostic et la qualité des tests. – Le point de vue analytique


évoqué dans les lignes qui précèdent a une répercussion immédiate dans
l’expression du pronostic en sélection du personnel. En effet, si elle s’inscrit
dans cette perspective, la sélection doit se préoccuper en quelque sorte
d’une « reconstruction » de la conduite. On conçoit en effet rapidement que
l’intérêt pronostique d’une épreuve unique, au regard de conduites
complexes, sera forcément limité puisque l’on a cherché à construire des
tests aussi purs que possible dans l’une ou l’autre aptitude fondamentale. La
démarche de sélection visera donc à identifier un ensemble de variables
(prédicteurs) susceptibles de contribuer à un pronostic valide. L’idée de
base la plus simple sera par exemple de découvrir un ensemble de tests tels
que l’on puisse définir une équation (linéaire) qui permette de calculer un
pronostic « aussi bon » que possible d’un critère défini (pronostiquer –
prédire – une valeur qui s’approche le plus de la valeur réelle du critère,
maximiser la corrélation entre la vraie valeur du critère et la valeur
prédite)12. Le critère sera un (ou des) indicateurs de réussite ou
d’ajustement professionnel, comme par exemple un niveau de production,
des indicateurs de qualité du travail presté, des notations par un supérieur
hiérarchique, etc.
La validité de chaque test sera définie par la corrélation entre la note au
test et le critère13. On parlera à ce propos, selon la méthode adoptée, de la
« validité prédictive » ou « concurrente »14.
On comprend l’importance de la notion de validité : elle constitue un
indicateur essentiel de la qualité de la sélection. Mais les épreuves utilisées
en sélection du personnel doivent aussi avoir d’autres qualités (sans
lesquelles la question de la validité ne saurait d’ailleurs être valablement
abordée). Sans entrer dans trop de détails, on retiendra qu’un bon test doit
être « fidèle » (la fidélité est une indication du fait que le test donne lieu à
des mesures aussi constantes que possible en cas de répétition de la mesure
sur des personnes identiques). D’autres critères auxquels le test doit
satisfaire sont l’objectivité et la sensibilité (il doit fournir une mesure
objective et permettre de différencier les sujets auxquels on l’applique).
D’un point de vue pratique, il faudra ajouter, à ces critères d’appréciation
d’une procédure de sélection, les qualités suivantes :
1. en se plaçant du point des candidats : l’acceptabilité, l’équité,
l’impartialité (fairness) et l’utilité ;
2. en se plaçant du point de vue de l’entreprise : l’utilité (qui dépend
par exemple d’une évaluation coûts-bénéfices et intègre donc la
question de la validité).
Il existe une littérature importante relative à la validité des tests. Cette
littérature tantôt envisage la validité de tel ou tel test en particulier, tantôt
traite de la validité en fonction du type de test, comparant les validités
généralement observées pour des épreuves d’un type donné. Ces analyses
sont importantes afin d’orienter le choix de méthodes particulières dans des
situations concrètes. Elles constituent également un moyen de comparer les
pratiques en la matière et éventuellement de dénoncer certaines d’entre elles
qui paraissent à la fois peu fondées scientifiquement et/ou d’une validité
faible, voire nulle (ce dernier point découlant souvent du premier).

4. Les remises en question de la perspective classique. – Certains


chercheurs ont discuté de la pertinence du modèle classique de validation
des outils de sélection en termes de validité pronostique – par rapport à son
utilité (validité) diagnostique, dès lors que de nombreux facteurs sont
susceptibles de faire changer un travailleur au cours de sa carrière
professionnelle – voir Lévy-Leboyer, 1987. D’autres ont critiqué le principe
d’une sélection qui ne soit fondée que sur l’application de tests issus de
l’approche décrite précédemment (et le modèle analytique sous-jacent).
Cela les a conduits à insister sur l’intérêt d’autres pratiques et d’autres
techniques, susceptibles de compléter ou de se substituer aux tests. On
songera tout d’abord à l’entretien de sélection (bien que plusieurs études en
aient montré les limites de validité, il n’existe pas beaucoup de sélections
qui n’y fassent pas recours – très vraisemblablement à juste titre, et sans
doute souvent pour d’autres raisons que des raisons de validité
psychométrique).
Dans cette même perspective, on recourt aussi depuis plusieurs années, et
de plus en plus fréquemment, aux tests dits in-basket et aux centres
d’évaluation (assessment centres). Il s’agit ici de techniques de mise en
situation fondées sur l’idée d’une évaluation plus globale (holiste)15 : les
candidats sont placés dans des contextes plus concrets que ceux proposés
traditionnellement par les tests classiques, proches de situations de vie, dans
des situations mimétiques de situations de travail. Ces approches – plus
particulièrement les centres d’évaluation – sont en fait issues de techniques
mises au point dans la première moitié du XXesiècle en vue du recrutement
de militaires. Elles furent initialement basées sur des considérations
théoriques inspirées du courant de la psychologie de la forme (gestaltisme).
Si, pour leurs initiateurs, elles exprimaient une opposition théorique aux
fondements de la testologie nord-américaine (et à sa perspective
analytique), leur utilisation actuelle en sélection et en évaluation du
personnel participe le plus souvent d’une idée de complémentarité entre ces
deux approches.

5. Classification des techniques de sélection. – Diverses classifications


des tests et techniques utilisés en sélection du personnel ont été proposées.
Il n’appartient pas à un ouvrage comme celui-ci de les examiner dans le
détail. Le lecteur intéressé pourra se reporter à Lussato (1998) pour une
première approche. On retiendra à titre d’exemple les catégories principales
suivantes :
– les tests relatifs aux aptitudes cognitives ;
– les inventaires de personnalité ;
– les tests de simulation (exercices de mise en situation, tests in-
basket) ;
– les questionnaires biographiques ;
– les entretiens (interviews) individuels ou en groupe ;
– les centres d’évaluation (assessment centres).
La question de la validité définie plus haut pour les tests peut être posée
pour chacune de ces catégories de techniques. Et cela, même si
formellement seules les trois premières catégories sont classiquement
appelées « tests » (les trois dernières techniques de la liste ci-dessus ne
répondent en effet pas nécessairement aux exigences, par exemple de
standardisation, d’un test16).
Quoi qu’il en soit, ces différentes techniques ont donné lieu à des
analyses de validité dans l’état de leurs pratiques. Ces analyses ont porté
tantôt sur des techniques particulières, tantôt sur des catégories de
techniques. Certains auteurs ont réalisé ce que l’on appelle des méta-
analyses qui visent à obtenir des indications fondées sur plusieurs études
préexistantes. D’autres ont mis en relation les validités avec les fréquences
d’utilisation, ou la popularité (auprès des candidats) des techniques
utilisées, en étendant leur analyse à des méthodes diverses, autres que celles
indiquées précédemment. Des études de ce type, menées notamment par
Bruchon-Schweitzer et Lievens (1991), fournissent des constats qui ne
peuvent qu’inquiéter celui qui est légitimement soucieux de voir fonder la
sélection du personnel sur des bases scientifiques. De telles études
indiquent en effet que les techniques les plus utilisées ou les plus populaires
ne sont pas nécessairement les plus valides ni les mieux étudiées
scientifiquement. Il apparaît que certaines sélections se basent sur des
techniques dont les fondements scientifiques sont tout à fait discutables,
non vérifiés scientifiquement (comme, par exemple, la numérologie,
l’astrologie, la psychomorphologie). Dans ce contexte, on ne peut que
partager l’inquiétude exprimée par Bruchon-Schweitzer et Lievens de voir
dans certains pays la graphologie être la principale technique de sélection.

6. La recherche en sélection du personnel. – Un certain nombre de


travaux contemporains visent à perfectionner la sélection du personnel en
tentant : 1/ d’améliorer les qualités psychométriques des tests et autres
méthodes ; 2/ de réduire les durées des sessions de sélection en améliorant
les conditions de passation des tests grâce au testing assisté par ordinateur –
recours à des tests classiques présentés sur PC, utilisation de l’ordinateur
pour adapter le test à la personne qui le passe, en fonction des réponses
qu’il a fournies antérieurement, tout en maximisant la fiabilité du pronostic
(tests dits « adaptatifs »).
Par ailleurs, considérant la situation de sélection, et en référence à des
cadres théoriques de la psychologie sociale classique et expérimentale, des
travaux intéressants visent à analyser les situations de sélection comme des
situations d’interactions sociales17 ; des études se penchent sur les
processus de décision qui prévalent dans le choix des candidats (on a ainsi
montré l’existence de biais de sélection – ou du sélectionneur – qui peuvent
s’expliquer en se référant à des théories psychosociales comme la théorie de
l’attribution causale ou du locus of control).
Plusieurs auteurs ont depuis les années 1990 mis en question la
conception classique de la sélection fondée sur les notions de validité, de
fidélité et centrée sur les « produits » et les « procédures » de sélection
(dans une perspective qui diffère quelque peu des critiques évoquées plus
haut). Ces auteurs s’interrogent sur la pertinence actuelle des postulats de ce
modèle et proposent d’y substituer une approche qui prenne en compte les
aspects de « négociation sociale » présents dans la situation de sélection
(liés à la fois au fait que la situation de sélection est une interaction sociale
entre le sélectionneur et le candidat, et entre l’entreprise et ce dernier). Ils
suggèrent de tenir compte du caractère dynamique de la sélection
proprement dite et de mener une réflexion (et de réaliser des recherches) sur
le rôle des attentes et valeurs du candidat concernant : l’information sur
l’emploi postulé, le contrôle personnel sur la procédure, le fait de pouvoir
être écouté, la transparence des tests et autres techniques utilisées, la
possibilité de recevoir un feed-back, la garantie d’objectivité de la sélection,
l’assurance d’être traité humainement, le respect de la vie privée et la
confidentialité (Derous et De Witte, 2001). Dans un état d’esprit assez
similaire, Lemoine (2003) propose une vision des tests comme un lieu
d’inter-action, de partenariat, entre le testeur et le testé.

III. – L’évaluation des performances en cours de


carrière
La figure III. 1 indiquait l’implication de la psychologie du travail dans
l’évaluation du personnel.
Pour compléter ce qui a déjà été dit à ce propos, on ajoutera que les
travaux des psychologues du travail dans ce domaine portent
principalement sur les aspects suivants :
– une clarification des objectifs de l’évaluation-« appréciation »
(appraisal) : aspects rétrospectifs, prospectifs et proactifs, en relation avec
la dimension de motivation et d’engagement au travail ;
– la question du choix des critères à utiliser : les performances (liées à la
réalisation des tâches), les comportements des travailleurs (aspects
professionnels, relationnels, sociaux, etc.), les traits personnels ?
– La mise au point d’outils et techniques d’évaluation et l’analyse des
qualités et des défauts de ces instruments. On a ainsi considéré : 1/ les
évaluations individuelles : soit au moyen d’échelles standardisées (rating
scales), soit par la rédaction libre d’une description des qualités et
faiblesses du travailleur évalué, soit par l’utilisation de canevas
d’observation des comportements ; 2/ les évaluations comparatives (les
travailleurs d’une équipe, d’un service, d’un département sont classés entre
eux) ; 3/ les techniques d’évaluation par plusieurs évaluateurs (ex. : le
supérieur, les subordonnés, les clients, un consultant). Un système qui se
répand et qui fait aujourd’hui l’objet de recherches est appelé « évaluation à
360° » ; dans ce système, une évaluation est fournie par : a) le supérieur, b)
les subordonnés, c) les pairs ou les clients, d) l’évalué lui-même ;
– l’administration proprement dite de divers systèmes d’évaluation et
leurs concomitants psychosociaux. L’accent a été mis sur différents
phénomènes susceptibles d’entacher la validité de l’évaluation : biais de
jugement (tendance de tel évaluateur à porter des jugements bienveillants,
sévères ou moyens, quelle que soit la personne jugée – ces tendances
résultent souvent de facteurs relationnels ou organisationnels : ne pas se
disputer avec un collaborateur, peur de perdre un poste si l’on venait à
perdre un collaborateur, etc.), effet de halo (tendance à juger de la même
manière une personne pour toutes les dimensions sur lesquelles porte le
jugement, en fonction d’une impression qui découle de la prise en compte
d’un aspect), difficulté d’échapper à l’influence d’événements ponctuels
et/ou récents dans la détermination du jugement, etc. ;
– l’exploitation de l’évaluation dans un contexte de GRH. On ne fera que
citer ici l’étude des effets « en retour » (sur le travailleur évalué) d’un
système d’évaluation, en fonction de ses qualités, et de son impact réel. À
titre d’exemple : l’effet négatif d’un décalage entre les objectifs affichés du
système d’évaluation et la réalité de l’usage qui en est fait, les questions
d’équité, l’importance du retentissement personnel d’un mauvais
fonctionnement de systèmes d’évaluation ;
– des travaux ont porté sur le lien entre évaluation et rémunération.
Il n’est pas possible de détailler ces points ici ; le lecteur intéressé par ces
questions pourra se référer à la littérature spécialisée (McKenna, 2000, en
est une bonne porte d’entrée).

IV. – La formation du (des) personnel(s)


Comme cela a été évoqué, l’évaluation peut être un instrument
intervenant dans la gestion de la formation du personnel. Cela étant, la
formation du personnel s’impose souvent pour d’autres raisons (comme, par
exemple, un changement technologique ou organisationnel). À côté du
concept d’engagement dans la formation, un des concepts marquant
aujourd’hui ce domaine est certainement à trouver dans la notion de
compétence18. Le concept de compétence a reçu diverses définitions
proposées par de nombreux auteurs. Les initiateurs du dispositif légal relatif
au bilan de compétences en France définissent la compétence comme « …
l’ensemble des savoirs mobilisables et mobilisés en situation de travail »
(Joras, 2001). Dans un chapitre d’un ouvrage entier consacré aux
compétences en ergonomie, J. Leplat cite la définition de M. de Montmollin
qui définit les compétences (au pluriel) comme « ensembles stabilisés de
savoirs, de savoir-faire, de conduites-types, de procédures standards, de
types de raisonnement, que l’on peut mettre en œuvre sans apprentissage
nouveau » (Leplat et de Montmollin, 2001).
Des recherches ont été ciblées sur les compétences et la formation dans
l’exercice de « professions » particulières : les vendeurs, les cadres, les
experts de tel ou tel domaine, les personnels occupant des fonctions dans
des systèmes à risque (centrales nucléaires, aéronautique), pour ne citer que
quelques domaines.
Les travaux sur la formation ont mis l’accent sur l’importance et donc la
nécessité d’une bonne analyse de la demande de formation (et d’une
identification des besoins en la matière). Plusieurs recherches ont montré
que les différentes méthodes de formation proposées devaient être évaluées
en fonction de leur adéquation à des situations et à des objectifs spécifiques.
Des techniques de formation comme le cours traditionnel, la formation
assistée par ordinateur, la méthode des cas, les simulateurs, le behavioural
role modelling, la formation sur le tas, le coaching, lementoring présentent
des caractéristiques propres qui font que chacune conviendra mieux à
certaines situations qu’à d’autres.
Dans un même ordre d’idées, certains auteurs ont insisté sur l’importance
de l’adaptation de la méthode de formation aux caractéristiques du
« formé ». Ainsi, Kolb (1974, cité par McKenna, 2000) a mis en évidence
l’existence de préférences individuelles pour des modes d’apprentissage
particuliers. Ce type de résultat a conduit par exemple à suggérer que
certaines personnes préféreront apprendre au travers de nouvelles
expériences (style pragmatique) ; d’autres, par l’observation et la réflexion
(style réfléchi) ; d’autres encore, par conceptualisation (style théoricien) ;
d’autres enfin, par expérimentation (style actif).
Le domaine de la formation est incontestablement un champ
d’application de la psychologie du travail en plein essor et très vaste ; trop
vaste pour qu’il soit détaillé ici. Le lecteur intéressé pourra s’informer
davantage sur ce sujet, notamment en consultant Le Gall (1998) pour les
aspects liés à la GRH et Carré et Caspar (1999) pour les aspects
psychologiques et méthodologiques.

V. – En guise de conclusion
Comme on l’aura constaté à la lecture de ce chapitre, même si la
sélection du personnel reste une activité importante de la psychologie du
travail, elle s’est cependant clairement dégagée du schéma initial de la
recherche de « l’homme qui convient à tel poste », comme l’on
rechercherait « la pièce qui s’encastre dans un trou à combler », donnant
ainsi à la psychologie du personnel une signification nouvelle.
Cette évolution s’inscrit dans une révision des modèles de gestion de
l’entreprise entamée depuis plusieurs années. Elle découle également d’une
certaine conception de la psychologie du travail qui reconnaît l’importance
des différentes dimensions de l’activité de travail et donc des différents
angles d’approche qu’elle a elle-même développés.
Même une psychologie du personnel parfaite ne saurait justifier que l’on
réduise la psychologie du travail à cette dernière. Ni la « personnalité » du
travailleur, ni ses compétences, ni ses aptitudes, ni ses connaissances ne
pourront jamais suffire pour « expliquer » ses conduites de travail – ni
d’ailleurs l’« homme » en général. Pour être comprises, les conduites
doivent être situées dans un contexte organisationnel et opératoire dans
lequel elles sont initiées et finalisées, soit dans un système dans lequel elles
prennent (et donnent) un sens.
Chapitre IV

La psychologie des organisations

I. – Qu’est-ce qu’une organisation ?


Si l’on considère une entreprise – et, de manière plus générale, toute
« organisation » –, il semble évident qu’il ne suffit pas d’en connaître les
membres (ce que vise notamment la psychologie du personnel) pour en
prédire le fonctionnement. De nombreux aspects liés à l’« organisation »
elle-même et aux rapports sociaux dont elle est le cadre auront un impact
considérable sur le travailleur lui-même, sur la vie de l’entreprise
(l’organisation), sur la production de cette dernière. Mais de quoi parle-t-on
quand on parle d’organisation ? Implicitement, dans la phrase qui précède,
ce terme recouvre une entité comme une entreprise, une association, un
hôpital, une ONG, un mouvement de jeunesse… soit ce que l’on a appelé un
« système organisé d’activités ». Cette dernière expression pourrait être
précisée en indiquant qu’il s’agit d’un système « structuré » ou, encore,
d’un « système sociotechnique », pour insister sur le fait qu’il comporte des
hommes et des femmes, mais aussi des techniques, des « outils », un cadre
« bâti ». Ce faisant, on précise l’objet tout en définissant l’« organisation »
(le système, l’entreprise, etc.) par l’ « organisation » (l’action, le fait
d’organiser) ! La difficulté découle de ce que le mot « organisation » a
plusieurs sens. L’organisation, c’est l’action d’organiser ; l’organisation,
c’est la manière dont les choses sont organisées ; l’organisation, c’est ce qui
est organisé, c’est la structure, l’ensemble des éléments et leurs rapports qui
ont été « organisés ». Mais qu’est-ce, alors : « organiser » ? Qu’est-ce :
« organiser le travail » ? Qu’est-ce : « organiser l’entreprise » ? Que
peuvent être les bases de cette « organisation » ? Une vision simpliste
consisterait à dire que, une fois que l’entreprise a défini ses objectifs, sa
technologie, son produit, une analyse élémentaire devrait conduire
rationnellement à déterminer ce qui doit être fait, comment, par qui, dans
quel ordre et dans quel cadre structurel (quelles devraient être les entités au
sein de cette organisation, etc.). On définirait ainsi une organisation. En
convoquant dans ce type d’approche des savoirs et des démarches
scientifiques, on pourrait définir une « science de l’organisation ». Très vite,
on se rendra compte qu’en pratique, même pour une entreprise à l’activité
assez simple, cette approche ouvre la voie à de nombreuses solutions. Ces
solutions auront des répercussions différentes sur ce que feront en fait les
membres de l’organisation, sur les liens qui les uniront, sur la manière dont
ils interagiront, sur les rapports d’autorité, sur l’autonomie de chacun, et
ainsi de suite. Très rapidement, on se rendra compte que cette étude de
l’organisation ne peut pas faire l’économie d’une prise en compte du facteur
humain (au minimum d’hypothèses de travail à son propos). En fait, tout
choix en la matière engagera d’une certaine manière ce facteur humain,
aura des conséquences sur ce dernier. Ce chapitre envisage comment
l’histoire de l’« organisation » illustre cette prise de conscience, comment
cette histoire a en quelque sorte engendré le champ spécifique de la
psychologie des organisations et quelles en sont les thématiques
importantes.

II. – Un peu d’histoire


Il est souvent admis que le type d’analyse de l’entreprise (et donc du
travail) dont il est question ici trouve principalement son origine dans les
réflexions, études et propositions de penseurs de l’organisation du travail
qui ont marqué le début du XXesiècle – à savoir, principalement : F. Taylor
(1856-1915), H. Fayol (1841-1925) et M. Weber (1864-1920). Tous trois
ont posé les bases de ce que l’on peut appeler le modèle mécaniste de
l’organisation (d’autres termes sont parfois utilisés comme « rationnel »,
« rationaliste », « physico-économique », etc.). Tous trois se sont interrogés
sur ce qui permettrait d’améliorer le fonctionnement de l’entreprise (de
l’organisation) et se sont proposé de fonder des principes d’organisation sur
une analyse rationnelle, logique, éclairée de leurs observations et de leur
expérience. L’influence de Taylor est généralement considérée dans ce
contexte comme primordiale car ses idées ont été relayées par de grands
industriels comme le constructeur automobile Ford qui s’en inspira dans le
montage de voitures à la chaîne (fordisme). Brièvement esquissées, les
idées principales de Taylor étaient que l’objectif principal des employeurs et
des travailleurs est de s’enrichir. D’une certaine manière, il part donc d’un
modèle du travailleur (l’homo œconomicus) ; en fait, un postulat sur les
motivations de l’homme au travail : ce qui intéresserait l’homme dans le
travail – et « à son travail » –, c’est le salaire. Par ailleurs, pour Taylor, ni
l’employeur ni le travailleur (ceux qu’il connaît à son époque) ne sont
« bien organisés ». Il faut donc jeter les bases d’une « organisation
scientifique du travail » (OST) : analyser les tâches, les simplifier, fournir
des règles d’accomplissement de celles-ci, sélectionner les travailleurs sur
la base de leurs habiletés et des exigences du travail, former les travailleurs
aux tâches, rémunérer selon la performance, distinguer clairement entre le
superviseur et le supervisé, entre le travail manuel et le travail intellectuel,
et donc entre le concepteur du travail (des tâches et des procédures) et
l’exécutant. Ces idées vont avoir entre autres conséquences la parcellisation
des tâches et le travail à la chaîne. En appauvrissant l’activité, en la rendant
répétitive (sur des bases scientifiques peu valides), en brisant l’unité
conception/exécution, ce modèle a été l’initiateur de conditions de travail
particulièrement pénibles. Pour dire les choses simplement : une des
faiblesses essentielles de cette approche réside dans son (pré) modèle des
motivations de l’homme au travail19. On doit principalement à des travaux
initiés par E. Mayo d’avoir montré à partir des années 1930 les limites de ce
modèle en mettant en évidence l’importance pour le travailleur des relations
sociales nouées dans le travail, et de l’activité elle-même. D’autres
chercheurs montreront par la suite que ce qui est notamment en jeu au
travers du cadre social du travail, ce sont, bien sûr, les rapports sociaux
entre les travailleurs eux-mêmes, mais aussi la reconnaissance de soi
comme personne singulière, l’autonomisation par rapport au groupe, sans
oublier l’importance du clivage entre le concepteur et l’exécutant, entre le
superviseur et le supervisé, entre l’agent des méthodes et l’ouvrier. La voie
était ainsi ouverte à une analyse plus fine des motivations de l’homme au
travail, à une compréhension des dynamiques sociales du travail, à une
réflexion sur les interactions entre, d’une part, l’organisation et ses
caractéristiques, et, d’autre part, les conduites de l’homme au travail, sa
satisfaction au travail, ses motivations, ses conduites, son engagement
professionnel.
Ces observations et réflexions vont avoir deux effets complémentaires :
l’un, de faire évoluer la « science de l’organisation » et son orientation
technique et managériale qui va de plus en plus intégrer les acquis des
sciences humaines, s’orienter vers des conceptions systémiques et
organiques de l’entreprise (et qui sera par exemple à l’origine de diverses
théories et pratiques en matière d’organisation du travail comme les
nouvelles formes d’organisation du travail, les idées de gestion
participative, les groupes semi-autonomes, les cercles de qualité et de
progrès, les chartes d’entreprise, la culture d’entreprise, etc.) ; l’autre effet
sera de faire se développer un champ spécifique de la psychologie du
travail : la psychologie des organisations dont il est question ici20.
On peut considérer que le champ de la psychologie des organisations
présente une unité qui découle de ce que les recherches et interventions qui
en relèvent partent de prémisses analogues : a) les caractéristiques de
l’organisation déterminent un « climat et une structure » de travail ; b) il
importe d’adapter ce climat et cette structure aux caractéristiques
(principalement motivationnelles) du travailleur : c’est le meilleur moyen
d’obtenir un engagement de ce dernier à l’égard du travail et de
l’organisation elle-même, ce qui sera favorable tant pour l’entreprise que
pour lui-même, en lui permettant ainsi de « se réaliser dans le travail » ; c)
les acteurs sociaux de l’organisation peuvent être des facteurs de
changement de celle-ci : ils peuvent l’engager dans une dynamique de
changement ayant des effets en retour sur les membres eux-mêmes.
On comprend de ce qui précède que l’engagement (l’implication,
l’investissement personnel) au travail et les aspects de motivation au travail
occupent une place de choix dans les travaux de cette psychologie des
organisations. Il en résulte que de nombreux chercheurs et praticiens
englobent sous une seule expression les champs identifiés ici comme
relevant, d’une part, de la psychologie du personnel, et, d’autre part, de la
psychologie des organisations. Cela se traduira dans des expressions
comme : « psychologie du travail et des organisations », « psychologie du
travail et des entreprises », « psychologie des entreprises », voire
simplement « psychologie du travail », pour parler du champ couvert par la
psychologie du personnel et la psychologie des organisations. Ces usages
sanctionnent d’une certaine manière l’intégration des actions relatives au
facteur humain réclamée par la gestion des ressources humaines. On doit
cependant regretter le fait que cette « intégration » laisse souvent « de
côté » l’approche ergonomique et plus particulièrement « psycho-
ergonomique » des problèmes du travail.
Quels sont des principaux thèmes de cette psychologie des
organisations ? On retiendra ici quelques thèmes principaux : 1/ la
motivation, le sens donné au travail, et l’engagement professionnel ; 2/ le
leadership, le pouvoir et l’autorité ; 3/ la structure organisationnelle, les
théories des organisations et les pratiques d’organisation (ex. : structure
d’organigramme, horaires de travail, flexibilité, etc.) ; 4/ le développement
organisationnel et le changement dans les organisations ; 5/ les aspects
culturels (culture d’organisation, corporate culture) ; 6/ le stress
professionnel ; 7/ les aspects socio organisationnels de l’automatisation ; 8/
l’informatisation ; 9/ l’étude de modes particuliers d’organisation (ex. : le
télétravail) ; 10/ les relations sociales au travail et le travail en équipes ; 11/
la communication, etc. Une telle liste ne saurait être exhaustive tant les
sujets abordés sont nombreux. Tous ces thèmes ne pourront être évoqués
ici. Seuls quelques-uns seront introduits.

III. – La motivation21
La question de la motivation au travail s’est développée à partir de
préoccupations portant sur la satisfaction de l’homme au travail (voir la
vieille notion militaire de « moral des troupes »). L’idée simple de départ
est qu’un homme satisfait « au » et « de » son travail produira plus et
mieux. Le concept de motivation a ainsi été associé à celui de satisfaction,
en référence à la notion de besoin. Mais qu’entend-on par « motivation » ?
Ne mêle-t-on pas (éventuellement inconsciemment) ce que l’on (le
manager, le patron) souhaite obtenir (en fait, l’engagement dans le travail :
cet individu est « motivé » – sous-entendu : « il se donne à fond ») et une
explication (soit ce qui est susceptible de « causer » cet engagement : cet
individu trouve dans le travail la possibilité de satisfaire des besoins – ou
des motivations !). Sans entrer dans trop de détails, il apparaît qu’une partie
des débats de la discipline autour de la question de la motivation rend
compte d’une « confusion » de ce type. On considère généralement qu’il
existe deux types de théories dans ce domaine : les théories de contenu et
les théories de processus. Les premières visent à identifier et définir les
forces (pulsions, motivations, besoins) qui poussent un individu à agir
d’une certaine manière et/ou à adopter une attitude particulière (ici, par
exemple, à être attaché à son entreprise, à travailler bien et beaucoup, etc.).
Les théories de processus tentent d’expliquer comment ces forces vont agir,
comment elles interagissent, ce qui fait que tel individu adopterait tel
comportement, plutôt qu’un autre. En termes d’intervention et de manière
un peu caricaturale : pour les premières, motiver c’est fournir un cadre de
travail qui permette de satisfaire les besoins des individus ; pour les
secondes, motiver c’est surtout rendre visibles, lisibles, les liens entre les
conduites et leurs effets (récompenses, sentiment d’équité, atteinte d’un but,
etc.).

1. Les théories de contenu. – Parmi les théories de contenu, la théorie


des besoins de Maslow a incontestablement été la plus « vulgarisée ».
Maslow a proposé une vision hiérarchique de cinq catégories de besoins :
les besoins physiologiques, les besoins de sécurité, les besoins
d’appartenance sociale, les besoins d’estime de soi (reconnaissance de soi à
ses propres yeux et aux yeux d’autrui) et, enfin, les besoins d’actualisation
(de réalisation de soi, de développement de soi). Ces besoins ne seraient pas
éprouvés simultanément, ils seraient ressentis successivement, dans l’ordre
indiqué ici : il faudrait qu’un besoin de rang donné soit satisfait pour qu’un
besoin de rang plus élevé soit actif (ce qui conduit à la présentation sous
forme de « pyramide des besoins », comme si les besoins étaient les socles
successifs des besoins qui leur sont « supérieurs »).
Ce modèle a été discuté et divers auteurs en ont proposé des variantes qui
en reprennent certaines idées (Porter, Alderfer, Herzberg, McClelland, pour
ne citer que les plus connus) : tantôt les mêmes besoins, tantôt l’idée de
hiérarchie, tantôt les mêmes besoins mais sans l’idée de hiérarchie ;
d’autres auteurs ont proposé des modèles qui n’en conservent que quelques
aspects. Certains voient dans ces conceptions moins une description
scientifique de ce qui anime l’homme au travail qu’une sorte de modèle
normatif, culturel, idéologique, indiquant en quelque sorte ce que l’homme
devrait/doit rechercher dans le travail (soit, pour la plupart de ces modèles,
le développement personnel). Le débat reste d’une certaine manière ouvert,
il renvoie à des questions sur les valeurs et sur le sens du travail. Quoi qu’il
en soit, malgré les nombreuses critiques formulées à leur égard, ces
modèles sous-tendent encore aujourd’hui de nombreux « raisonnements »
sur l’organisation et de nombreuses interventions en entreprise : ils étayent
souvent les réflexions sur l’organisation du travail et sur ce que seraient de
« bonnes conditions de travail » (soit des conditions qui permettent la
satisfaction des besoins supérieurs), ils servent aussi souvent de toile de
fond aux actions qui visent à accroître la participation des travailleurs aux
objectifs de l’entreprise (à titre d’illustration : éveiller les besoins
d’appartenance par des pratiques collectives, par exemple sportives ou
professionnelles, « impliquer » dans des décisions pour satisfaire les
besoins d’autoactualisation, actions relatives à l’empowerment –
habilitation du personnel –, etc.).

2. Les théories de processus. – Ces théories visent à expliquer comment


les besoins déterminent les conduites – et comment ce processus est
médiatisé par les « conduites de l’organisation ». On pourrait dire que
l’approche est pragmatique et trouve sa source dans la reconnaissance du
fait qu’il ne suffit pas d’éveiller, par une organisation de travail donnée, tel
ou tel besoin pour obtenir la réponse attendue de la part du travailleur. Dans
une telle perspective, certains ont insisté sur l’importance des systèmes de
récompense/punition comme déterminants de l’engagement professionnel
(schéma béhavioriste). D’autres, dans des perspectives s’engageant dans la
voie cognitiviste, ont mis en avant des notions comme : l’équité (Adams),
les objectifs à réaliser (Locke) ou encore l’expectative (Vroom). Ainsi, pour
Adams, le rapport perçu par le travailleur entre ce qu’il donne à
l’organisation et ce qu’il en reçoit serait déterminant. Le fait que ce rapport
diffère de ce qu’il est pour ses collègues (du moins tel qu’il le perçoit)
susciterait chez lui un sentiment d’inéquité. Cette perception serait une
source d’insatisfaction, de malaise, que le travailleur chercherait à atténuer
(éventuellement par un désengagement à l’égard du travail et/ou la mise en
œuvre d’actions et mécanismes psychologiques divers). Pour Locke,
l’homme serait essentiellement mobilisé – et, donc, mobilisable – par des
objectifs difficiles à atteindre, mais réalistes, et auxquels il adhère. Il
s’agirait dès lors, pour l’entreprise, de créer des conditions compatibles
avec ce principe : fixer des objectifs clairs, précis, difficiles, mais
atteignables et (faire en sorte qu’ils soient) acceptés par ses membres. Pour
Vroom, les individus, en général, et au travail en particulier, feraient des
choix de conduite essentiellement rationnels, en fonction de leurs objectifs
personnels. Ces choix seraient réalisés sur la base d’une force de motivation
à adopter un comportement donné. Cette force découlerait du produit de
trois entités : l’expectative, l’instrumentalité et la valence.
Ces entités se définissent de la manière suivante :
1. l’expectative correspond à la mesure dans laquelle l’individu
s’attend à ce que la conduite en question (par exemple, un effort
particulier) permettra d’atteindre le résultat attendu par
l’organisation (par exemple, un rendement particulièrement
exceptionnel) ;
2. l’instrumentalité correspond à la mesure dans laquelle l’individu
s’attend à ce que ce résultat entraînera telle ou telle conséquence
pour lui (par exemple, une prime de productivité, une promotion, de
la fatigue, un accident…) ;
3. la valence correspond au fait que les conséquences évoquées en 2/
sont souhaitées, non voulues, ou que le travailleur est indifférent à
leur égard.
Cette théorie influence certaines pratiques en entreprise notamment
l’évaluation du personnel et les actions visant à obtenir un changement de
comportement (on a pu ainsi les appliquer dans des campagnes de sécurité).
Aujourd’hui, et en partie en écho aux interrogations philosophiques sur le
sens du travail, dans un contexte d’incertitude, la question de
l’« engagement » dans la vie professionnelle est de plus en plus posée,
tantôt en termes de sens du travail en général, tantôt encore en termes de
réflexion par rapport à l’emploi. Cette analyse avait déjà été suggérée en
psychologie du travail par des travaux portant sur : 1/ la conception que
l’homme a de son travail – place du travail dans son champ psychologique,
dans sa vie (notion de style professionnel, Faverge, 1974) ; 2/ les rapports
entre vie de travail et vie hors travail – comment l’homme articule
l’ensemble de ses activités, en englobant le champ du travail et les champs
hors travail (système des activités, Curie et Hajjar, 1987).
On devrait sans doute considérer la question du sens du travail comme le
« noyau » de la psychologie du travail. Mais « sens » est un mot qui lui-
même doit être défini (ce que l’on entend par « sens du travail » doit être
précisé). Lorsque l’on parle de sens du travail, est-ce que l’on parle du
travail en général, de telle activité, des actes, des valeurs, etc. ? Un schéma
visant à clarifier ce champ a été proposé (Karnas, 1996). Une révision de ce
schéma est proposée ici. Lorsque l’on parle du sens du travail, on peut
envisager les choses en considérant soit le travailleur (le sujet), soit le
travail (l’objet), soit encore les processus d’interaction entre le sujet et
l’objet. Par ailleurs, on peut s’interroger sur le sens en termes de
représentations (aspects cognitifs), de signification (aspects de
retentissement, affectifs) ou encore d’action (aspects que l’on peut qualifier
de conatifs). Croisant ces deux dimensions d’analyse, on définit un tableau
(IV. 1) dont les cases constituent des « angles d’approche » de la question
du sens du travail.

En termes de

Le travail
Représentation Signification Action
considéré comme

Objet Le travail L’emploi L’activité

Centralité du travail pour Satisfaction à l’égard Engagement dans


Sujet
l’individu de l’emploi le travail

Interaction « sujet- Système des


Choix professionnel Style professionnel
objet » activités

Tableau IV. 1. – Catégories d’approche du sens du travail

Revenant plus directement aux théories de la motivation, il faut par


ailleurs indiquer que le développement de la psychologie cognitive, en
quelque sorte concomitante à la réflexion initiée par les théories de
processus et aux analyses sur la problématique du sens, a conduit à
l’émergence de « théories cognitives de la motivation ». Ces théories
mettent en avant les processus de régulation dans le choix des conduites.
C’est le cas par exemple de la control theory of motivation de Klein et du
modèle de Deci et Ryan (Thill, 1991). Bien que visant souvent un objectif
très large d’explication des conduites, la plupart de ces théories ont trouvé à
la fois leur source et leur application tout particulièrement dans le domaine
du travail et des organisations. Ces conceptions qui prolongent les idées
lancées par les théories de processus ont conduit des chercheurs et/ou
intervenants en psychologie des organisations à estimer que l’attention
devait être moins portée sur la question de la motivation que (plus
directement) sur celle de l’implication et de l’engagement dans le travail et
l’emploi. Ce mouvement a initié des travaux qui analysent le rôle des
facteurs susceptibles d’agir sur cet engagement. À cette occasion, certaines
recherches s’attachent à clarifier la notion d’engagement elle-même (et à
mettre au point des outils qui permettent de l’évaluer) – voir e. a. McKenna
(2000). D’autres se penchent sur certaines variables comme le contexte
socio-économique (en se référant à l’entreprise : interne et externe, voulu
ou subi, etc.) et les stratégies d’entreprise (comme celles conduisant à des
modes d’organisation mettant en avant les aspects de compétitivité, de
productivité et de flexibilité), en tentant par ailleurs d’en comprendre les
effets sur l’engagement au travail, ainsi que sur d’autres variables
personnelles (comme, par exemple, la santé et le bien-être au travail).

IV. – Le leadership, pouvoir et autorité22

1. Les théories classiques. – Très tôt, la psychologie du travail (et la


psychologie en général) s’est intéressée à la relation d’autorité. On peut
comprendre que cette notion, centrale dans toute activité collective, ait été
considérée comme particulièrement importante dans le contexte du travail
en entreprise. Les notions en rapport avec l’autorité méritent quelques
précisions : on entendra par pouvoir la capacité d’un individu d’influencer
les conduites d’un autre individu, on parlera d’autorité à propos d’un
pouvoir « reconnu » par ceux sur lesquels il s’exerce – ainsi parce que le
chef est estimé, qu’il s’impose naturellement par ses compétences, par son
charisme (ou par sa « personnalité » comme on dit dans le langage courant),
en vertu d’une tradition à laquelle on adhère – ou encore parce que le chef
jouit d’un pouvoir institutionnalisé, défini par des règles de fonctionnement
acceptées ou imposées aux membres d’un groupe. En français, on désigne
souvent par leadership ( !) une manière efficace d’exercer l’autorité. En
fait, dans la littérature anglo-saxonne, cette notion de leadership recouvre
tous les aspects liés au commandement dans les organisations. Ce terme
sera utilisé ici dans ce sens très général. Comme pour beaucoup de
questions ayant trait à l’efficacité des conduites (ici le fait qu’il existerait
des chefs efficaces et d’autres qui ne le seraient pas), la psychologie s’est
d’abord interrogée sur la possibilité d’expliquer ces différences par des
caractéristiques de personnalité, pour s’apercevoir qu’une des clés
essentielles résidait dans la manière d’être, de se comporter, plutôt que dans
le fait de posséder tel ou tel trait de personnalité. Ce faisant, s’introduisait la
notion de style de leadership et s’ouvrait la voie à la possibilité d’une
formation au leadership « efficace ». Historiquement, deux types de thèses
se sont affrontés. D’un côté, les thèses dites « universalistes » ; de l’autre,
les théories « contingentes ». Les premières prétendent qu’il existe une
« seule bonne manière » d’exercer l’autorité. Parmi les tenants historiques
de cette position, on trouve K. Lewin et ses disciples qui montrèrent que le
style démocratique primait le style autoritaire et le style laisser-faire.
Toujours dans cette perspective, Blake et Mouton prônèrent les vertus d’un
style dit « participation-consensus ». Ces auteurs ont proposé un modèle
dans lequel le comportement du chef est caractérisé par l’attention que ce
dernier apporte, d’une part, à la production, et, d’autre part, à la satisfaction
des besoins des hommes. Pour eux, le style idéal serait celui qui maximise
l’attention portée sur ces deux dimensions (alors qu’en général les cadres
privilégieraient l’une des deux dimensions ou rechercheraient un
compromis entre les deux). Ces approches se fondent sur une représentation
des besoins et des attentes du subordonné (autonomie, développement
personnel, reconnaissance, participation aux décisions, etc.) et
recommandent l’adoption d’un style d’encadrement qui tienne compte de
ces besoins. Elles répercutent les résultats d’un ensemble de recherches sur
la psychologie individuelle (entre autres sur les motivations), sur les
groupes, sur la relation d’influence, sur l’écoute, etc.
Les théories contingentes partent de l’idée qu’il n’existerait pas de style
de leadership idéal, convenant à tous les cas, et que l’apport de la
psychologie des organisations dans ce domaine est de clarifier la
contingence entre la situation et le style de leadership « préférable »23.
Ainsi, Fiedler a montré que, selon que les relations entre supérieur et
subordonnés sont bonnes ou mauvaises, que les tâches sont clairement
définies ou non, que l’organisation donne au chef des moyens d’exercer de
l’autorité ou non, soit un style d’encadrement autoritaire s’avérerait plus
efficace, soit ce serait le style de type démocratique qui serait meilleur (le
style autoritaire serait plus efficace dans les conditions extrêmes définies
par des réponses positives ou négatives pour les trois caractéristiques
citées ; en revanche, pour les situations intermédiaires, un style
démocratique serait préférable – l’efficacité étant jugée ici en termes de
performance). D’autres modèles mettent en avant la nécessité de tenir
compte des caractéristiques des subordonnés pour déterminer le style de
commandement à adopter. Ainsi, Hersey et Blanchard, dans leur « théorie
du cycle de vie », défendent l’idée que le « chef » doit s’adapter à la
« maturité » du subordonné. Le concept de maturité amalgame des notions
comme la motivation, la compétence, l’adhésion aux valeurs de
l’organisation. Pour ces auteurs, à mesure que la maturité du subordonné
augmenterait, un style de leadership différent devrait être adopté. On
passerait par quatre styles successifs : a) un style qui, à maturité faible, met
peu l’accent sur les aspects liés au développement et besoins personnels et
beaucoup sur les aspects de tâche (par exemple, en début de carrière du
subordonné) ; b) un style qui progressivement porte plus d’attention aux
aspects personnels, tout en restant vigilant sur les aspects de production ; c)
un style qui relâche l’attention sur les aspects de production mais tout en
conservant une présence pour les questions de besoins personnels ; d) enfin,
avec les subordonnés atteignant les niveaux de maturité les plus élevés, un
style qui relâche l’attention sur les deux dimensions (dans une sorte de style
laisser-faire, qui laisse la bride sur le cou d’un collaborateur en qui l’on peut
avoir confiance et, notons-le en passant, qui serait « arrivé » à ses besoins
d’autoactualisation dans la pyramide des besoins décrite par Maslow !).
Certains auteurs ont traité de cette contingence du style de leadership en
proposant une sorte d’arbre de décision qui se base sur une analyse des
caractéristiques de la situation et conduit à indiquer le style qu’il faudrait
adopter (vision que l’on peut qualifier de « prescriptive »). C’est le cas
notamment de Vroom et Yetton qui se basent sur des variables comme les
exigences de qualité de la production, la qualité de l’information disponible,
la structuration du problème, l’importance de l’acceptation (par les
subordonnés) de la décision prise, le fait que les subordonnés accepteront
une décision prise unilatéralement par le supérieur, ainsi que d’autres
variables de situation, comme critères qui devront intervenir dans le choix
du mode de résolution d’un problème (d’une difficulté) rencontré(e) dans le
travail. Ce processus conduirait par exemple, en fonction des variables
proposées par les auteurs, à choisir entre : 1/ la solution devrait être
proposée de manière autoritaire par le supérieur ; 2/ la solution devrait être
proposée par le supérieur, après avoir consulté le groupe ; 3/ la solution
devrait être élaborée collectivement, etc. D’autres modes de décision sont
possibles et les auteurs distinguent notamment ce qui devrait être fait pour
résoudre des problèmes de groupes de ce que requerraient des problèmes
individuels.
De manière un peu similaire, House a élaboré un modèle (path-goal
model) qui présente quelques similitudes avec la théorie de l’expectative.
Ce modèle est fondé sur l’hypothèse d’une relation entre le comportement
du supérieur et les attitudes et attentes du subordonné. Il propose quatre
dimensions de leadership : directif (indique ce qui doit être fait, comment,
les règles, les procédures à adopter, etc.), « supportif » (est attentif au statut,
besoins, bien-être des subordonnés), participatif (consulte, attend et écoute
les suggestions des subordonnés, etc.) et orienté vers la réalisation (fixe des
buts, des défis, essaie d’améliorer la performance, est attentif aux
réalisations des subordonnés). Par ailleurs, trois dispositions des
subordonnés seraient à prendre en considération : la satisfaction à l’égard
du supérieur (celle-ci dépendrait de ce que les subordonnés perçoivent que
le leader joue un rôle dans leur satisfaction professionnelle actuelle et
future), acceptation du leader (il est reconnu comme leader par les
subordonnés), attentes des subordonnés (les subordonnés s’attendent à ce
que leurs efforts soient récompensés ; le leader est motivant et assure cette
liaison entre efforts, résultats et récompenses). Comme on peut le constater,
cette « théorie » reprend certains concepts relatifs à la motivation et pose la
question du leadership en termes d’atteinte des objectifs (d’où son nom) de
l’organisation (au travers des motivations des travailleurs).

2. Le leadership transformationnel. – Les théories évoquées


précédemment reflètent encore très largement les pratiques actuelles en
matière de leadership (qu’il s’agisse des conduites réelles des « chefs » ou
de certaines pratiques d’intervention dans les organisations, comme par
exemple les formations de cadres). Elles s’inscrivent dans une conception
générale d’un leadership dit « transactionnel », dans laquelle le leader
établit toutes sortes de transactions avec le subordonné, concernant ce qui
est attendu par l’un et l’autre, les efforts à accomplir, les récompenses que
le subordonné peut en attendre, etc. Pour certains, ce modèle exprime un
mode de fonctionnement qui, s’il conviendrait à des environnements stables
(économie, marché, technologie, etc.), ne serait pas adéquat dans des
environnements économiquement « turbulents » (durées de vie de produits
courtes, changements technologiques fréquents, rapides ; soit dans le cadre
de ce que l’on a appelé la nouvelle économie, la globalisation, la
mondialisation, et les exigences accrues de rentabilité, de flexibilité, la
dérégulation des marchés). Des auteurs, de plus en plus nombreux,
suggèrent que dans de tels contextes la question du leadership devrait être
fondamentalement repensée : il faudrait préconiser un leadership qu’ils
qualifient de « transformationnel » et qui chapeauterait le leadership
transactionnel (il n’y aurait pas de réelle opposition entre ces deux modèles
mais plutôt complémentarité). Le leader transformationnel devrait faire
preuve de charisme, il devrait stimuler les subordonnés, faire preuve de
considération pour ces derniers, il devrait être visionnaire, créatif, sachant
prendre des risques calculés24. Considérant ce type de définition, on conçoit
que l’on en revient à une vision (re)centrée sur la personne du leader – et
donc, pour certains, à faire de la question de la sélection et de la formation
de cadres présentant de telles « qualités » l’objet central de cette
thématique.

V. – Le développement des organisations


Précisant la définition d’une organisation déjà évoquée, on dira qu’une
organisation peut être définie comme un ensemble d’individus organisés
dans des groupes et des sous-groupes et qui interagissent les uns avec les
autres dans une relation d’interdépendance. Les individus travaillent à un
but commun (pas toujours clair), et la manière dont ils sont reliés est
déterminée par la structure de l’organisation (d’après Duncan, 1981 ; cité
par McKenna, 2000). Partant de ce type de définition, un certain nombre de
considérations peuvent être émises concernant les buts des organisations, le
caractère formel ou informel des réseaux qui la traversent, les manières de
faire qui s’y développent, les structures qui la « constituent ». Des
recherches nombreuses touchant à ces questions ont été menées. On
relèvera, tant en ce qui concerne la recherche que l’intervention, l’actualité
des thèmes suivants : les groupes et le teambuilding, le coaching, les
communications dans l’entreprise, le pouvoir, les conflits (et la résolution
de conflits), le processus de décision, la négociation, le changement et le
développement organisationnel, la culture d’organisation et les questions
liées aux perspectives interculturelles, les communications et l’information,
etc. Ces travaux de recherche et ces interventions ont souvent trait au
changement : a) mise en place de nouveaux systèmes, outils, dispositifs, de
nouvelles structures ; b) actions de coordination ; c) amélioration de telle ou
telle caractéristique de l’organisation : par exemple du style de leadership,
développement de bonnes pratiques, lutte contre des comportements non
souhaités (conduites dangereuses du point de vue de la sécurité du travail,
alcoolisme au travail, harcèlement moral…).
La littérature concernant ce type de question est extrêmement abondante.
Les recherches en la matière se caractérisent par les éléments suivants :
1. les thèmes abordés constituent des objets d’études psychologiques
en tant que tels ; par exemple : l’impact du leadership transactionnel
sur la satisfaction des salariés, la socialisation des jeunes travailleurs
et leur assimilation des normes culturelles de l’organisation, les
transformations que subissent les informations diffusées au sein de
l’entreprise, les aspects liés à des techniques de management
particulières, aux cercles de qualité et de progrès, etc. – ces
questions étant souvent traitées en fonction de caractéristiques
particulières de l’organisation et/ou des acteurs concernés ;
2. la recherche adopte des méthodes propres à la psychologie (ex.
comparer des choix organisationnels en termes d’efficacité évaluée
au travers d’indicateurs « psychologiques » comme la satisfaction,
l’engagement au travail, etc.) ;
3. l’organisation (l’entreprise) sert éventuellement de cadre à une étude
ayant une finalité plus générale (fondamentale, comme par exemple
l’étude de la prise de décision en général, de la résolution de
conflits, des processus de négociation…).
Une attention particulière a été portée aux interventions dans les
organisations. On peut considérer que ces interventions s’inspirent de quatre
grandes approches majeures de la psychologie (Lancestre, 2000) :
l’approche cognitive (ex. : faciliter la compréhension de l’organisation par
ses acteurs), l’approche dynamique/analytique (ex. : analyser et aider à la
résolution des conflits, des angoisses), l’approche
systémique/interactionnelle (ex. : faciliter le changement, dévoiler les freins
à l’acceptation de solutions nouvelles), l’approche humaniste et existentielle
(ex. : humaniser les rapports sociaux).

VI. – Les équipes de travail


Revenant sur les thématiques actuelles, on constate que de nombreuses
études et recherches ont pour objet les équipes de travail (on définira
l’équipe comme un regroupement de personnes qui a pour fonction de
réaliser un travail donné dans des conditions définies, et dont les rapports
internes et externes sont en partie définis par l’organisation). Ce thème
traditionnel de la psychologie a trouvé une pertinence accrue dans
l’environnement économique compétitif contemporain et les modes de
gestion que ce dernier a motivés (travail « coopératif » rendu également
actuel par les nouvelles technologies de l’information et de la
communication).
Diverses formes d’organisation des équipes sont observées (Savoie et
Brunet, 2000) :
1. l’équipe de travail traditionnelle sous la direction d’un supérieur
auquel les membres se référent individuellement ;
2. l’équipe consultative comme les cercles de qualité, dotée d’un
pouvoir de recommandation ;
3. l’équipe ad hoc, comme les groupes de projet, définie par une
mission limitée dans le temps ;
4. l’équipe semi-autonome, composée de membres interdépendants et
collectivement responsables d’une mission et/ou de la réalisation de
tâches particulières.
Les observations et recherches qui ont été faites dans ce domaine ont mis
l’accent sur les facteurs de succès d’une équipe (en termes de qualité de
l’expérience groupale, de réputation de l’équipe, de rendement, de
pérennité). Les éléments significatifs suivants seraient à retenir (Savoie et
Brunet, 2000) :
1. on a pu identifier le rôle des « leviers socio-administratifs » comme
le mandat groupal, la coordination interéquipes, l’existence d’une
sanction commune sur les résultats, l’existence d’un feed-back
collectif, la disposition de ressources, une hiérarchie des
compétences, une possibilité de sanction individuelle sur les
compétences, un choix mutuel recrue-équipe, etc. Ces leviers
influenceraient un ensemble de « déterminants psychosociaux »
comme l’interdépendance avec l’environnement, l’interdépendance
entre les équipiers, la qualité des transactions entre les équipiers, la
composition de l’équipe. Deux variables médiatrices joueraient par
ailleurs un rôle déterminant : la cohésion du groupe et sa potency
(croyance partagée de l’efficacité du groupe) ;
2. l’étude de la « vie » des groupes et particulièrement des équipes de
travail a par ailleurs mis en évidence un ensemble de phases de
transformation ou d’évolution de ceux-ci. Plusieurs classifications
ont été proposées qui conduisent toutes plus ou moins à retenir
quatre étapes importantes décrites notamment par Tuckman :
formation (début de fonctionnement en groupe, l’équipe se découvre
et découvre son fonctionnement collectif), turbulence (des conflits
nés peut-être déjà dès la formation se manifestent, concernant la
hiérarchie interne, les compétences, le leadership, les objectifs et les
moyens), normalisation (les règles sont définies, les conflits – au
moins momentanément – résolus, le groupe se soude, il a trouvé son
équilibre de fonctionnement), performance (le groupe est cohésif, il
peut accepter les nouveaux défis et résoudre les difficultés internes).
À ce modèle, on pourrait ajouter une cinquième phase relative à la
dissolution du groupe. Il faut insister, avec d’autres, sur le fait que,
si ce type de modèle est très communément admis, on ne saurait le
considérer comme totalement validé scientifiquement.
Ce type de considérations a fortement influencé les pratiques de gestion,
au travers des concepts de teambuilding et de team development : comme
par exemple l’approche de Belbin fondée sur une idée de complémentarité
entre les caractéristiques personnelles des participants et les rôles de groupe
(voir McKenna, 2000).

VII. – La culture d’organisation


Depuis plusieurs années, l’attention s’est portée sur le concept de culture
d’organisation. Cette notion doit être distinguée du climat, en ce qu’elle est
basée sur l’histoire et les traditions de l’organisation, avec un accent sur les
valeurs et les normes sous-tendant les comportements des membres (on
entend généralement par « climat organisationnel » ce qui a trait à
l’atmosphère actuelle au sein de l’organisation ; on conçoit cependant que
le climat puisse être lié à la culture).
On considère souvent que quatre dimensions fondamentales définissent
une culture d’organisation :
1. les pratiques d’entreprise (en termes par exemple de rites, de
cérémonies, organisés dans diverses circonstances de la vie de
l’organisation) ;
2. les communications d’entreprise (communications relatives à
l’engagement de travailleurs, à des réussites de l’entreprise, à des
« héros » de l’entreprise, aux symboles, slogans internes, etc.) ;
3. les formes culturelles physiques (soit un ensemble d’éléments de
l’environnement physique qui correspondent à des caractéristiques
de la culture d’organisation comme par exemple une architecture
particulière, une prédominance d’un matériel, le choix d’un
environnement physique, etc.) ;
4. un langage commun (pour désigner les gens, les fonctions, les
objectifs, les clients, etc. ; ex. : parler de son personnel en termes de
membres d’équipage, etc.).
Toute entreprise possède une culture propre, dominante, à côté de
laquelle peuvent coexister plusieurs sous-cultures (par exemple, au sein de
tel ou tel département, chez les titulaires de telle ou telle fonction).
Deux perspectives de recherche ont été principalement développées. La
première consiste à analyser les cultures d’organisations existantes, et à
tenter de les classifier. Dans ce cadre de recherche, certaines études ont
montré le rôle du contexte (culturel) national et en ont analysé les
spécificités (voir Drenth et al., 1998). La seconde perspective cherche à
déterminer ce que « devrait être » la culture d’une organisation donnée pour
développer la participation et l’engagement des travailleurs – et,
corrélativement, comment créer et susciter cette culture. Les questions
relatives à ce que l’on nomme la « socialisation organisationnelle » déjà
évoquée sont très étroitement associées à ce type de problématique, et des
recherches tentent de déterminer les avantages respectifs de diverses
pratiques en la matière.

VIII. – Le stress professionnel


De nombreuses études ont montré l’importance des conséquences
individuelles et économiques du stress au travail (problèmes de santé
physique et psychique, effets en termes d’absences, d’erreurs, etc.)25.
La notion de stress a été introduite au départ des travaux de Selye sur
l’animal (notion de syndrome général d’adaptation qui décrit une réponse
non spécifique, organique, en présence d’une stimulation forte comme, par
exemple, en cas d’agression ; cette réponse correspond à une préparation de
l’animal à réagir ; si la situation perdure, la conséquence peut en être
l’épuisement, voire la mort de l’animal). L’idée que des circonstances
particulières de la vie (mort d’un être cher, perte d’un emploi…) pouvaient
provoquer des états de tension comparables chez l’homme a été avancée –
ces tensions étant susceptibles de perturber l’individu dans son
fonctionnement biologique et psychologique, avec des conséquences
comportementales, sociales, etc. Au départ de ces considérations, plusieurs
chercheurs portèrent leur attention sur le stress au travail, ou stress
professionnel, considérant que le travail est susceptible à la fois de générer
du stress et d’en subir les conséquences. La pertinence de cette
préoccupation n’a cessé de croître pour devenir tout à fait centrale depuis
les années 1990. Cela découle de l’évolution des conditions de production
déjà évoquées plusieurs fois, que l’on considère comme sources d’un
accroissement du stress au travail (difficultés d’accessibilité à l’emploi,
instabilité d’emploi, ou encore les conditions de travail proprement dites –
just in time, etc.). C’est précisément ce lien avec l’organisation du travail
dans son ensemble qui fait que ce thème que d’aucuns pourraient voir
comme relevant plutôt de la psychologie individuelle, et que d’autres
considéreront comme relevant de l’ergonomie – soit de la protection et de la
prévention en matière de santé et bien-être au travail – est envisagé ici
comme relevant plus généralement de la psychologie des organisations26.
Dans ce contexte, on définira le stress comme « … le résultat de
transactions entre la personne et son environnement, sa source peut être
positive (opportunité) ou négative (contrainte) et avoir pour résultat la
rupture de l’homéostasie psychologique ou physiologique. L’enjeu de la
situation doit être important et sa résolution comporter une certaine dose
d’incertitude. De plus, le stress déclenche des émotions et mobilise des
énergies de l’organisme. Du côté des caractéristiques de l’individu, il
semble important de tenir compte de ses habiletés et ressources, de même
que de ses besoins et ses valeurs » (Turcotte, 1982, p. 45). Deux modèles
peuvent illustrer l’analyse du stress inspirée d’une perspective souvent
qualifiée (de manière discutable) de « psychosociale » et qui s’inscrit de fait
dans le champ de la psychologie du travail et des organisations : le modèle
de Kahn et Byosière (1992) et le modèle de Karasek (Karasek et Theorell,
1990). Le premier de ces modèles fournit un cadre général d’analyse du
stress au travail et de ses conséquences, le second propose un schéma
explicatif qui se fonde sur trois dimensions de l’organisation du travail.
Le modèle de Kahn et Byosière se présente sous la forme du schéma de
la figure IV. 1.
Fig. IV. 1. – Modèle du stress de Kahn et Boysière (1992)

Les éléments principaux de ce modèle sont :


case 1. Contexte organisationnel du stress ; exemples : style de
management, taille de l’organisation, qualité des relations direction-
syndicat, prestations financières de l’entreprise, culture de l’entreprise ;
case 2. Stresseurs ; exemples : niveau hiérarchique, horaires de travail,
complexité de la tâche, possibilités de maîtrise, variété, incertitude, risque
d’accident, organisation de travail, exigences physiques, interruptions de
travail, exigence de concentration et pression du temps, conflit de rôle,
ambiguïté de rôle, possibilités de communication, exigences de
coordination avec autrui ;
case 3. Caractéristiques personnelles ; exemples : caractéristiques
démographiques, variables psychologiques individuelles comme la qualité
générale de la vie ressentie, l’importance du travail, le style de coping
(manière habituelle de faire face à des situations de stress) et le locus of
control (tendance à se considérer comme étant l’acteur de son devenir) ;
case 4. Variables de situation : variables concernant des caractéristiques
de la situation de travail pouvant exercer une influence modératrice sur le
vécu ou le non-vécu du stress et ses conséquences, comme par exemple le
soutien social apporté par le(s) supérieur(s) hiérarchique(s), les collègues, la
famille, les amis ;
case 5. Stress perçu au travail : l’élément central est la perception
individuelle (par le travailleur) des stresseurs de la case 2 ;
case 6. Réactions de stress à court terme : absentéisme, réactions
psychologiques de stress comme l’intention de mobilité, l’engagement (ou
le désengagement) organisationnel, les plaintes de santé générales et
spécifiques, la satisfaction ressentie au travail, les plaintes dépressives ;
case 7. Conséquences du stress à long terme : de forts soupçons existent
par exemple quant à l’intervention du stress professionnel dans la genèse de
maladies cardiovasculaires.
Karasek considère, quant à lui, que le « risque » de stress professionnel
résulte de la combinaison défavorable de dimensions critiques des
conditions de travail. Cet auteur tente en effet de démontrer qu’une situation
de travail peut être caractérisée par deux dimensions : une dimension
relative aux exigences du travail (job demand) et une dimension relative à
la latitude de décision laissée au travailleur (decision latitude). Des
exigences de travail élevées associées à peu de contrôle personnel sur la
tâche seraient sources de tension et génératrices de stress. À côté de ces
deux dimensions, le soutien apporté par les collègues et le supérieur (social
support) jouerait un rôle important de modérateur de la contrainte exercée
par le travail. Il serait soit susceptible d’atténuer des facteurs négatifs (car
fournissant de l’aide), soit de les accentuer (en étant une source de
difficultés et de charges supplémentaires).
Des recherches portent sur les stratégies adoptées habituellement (ou
non) par la personne pour faire face aux situations « stressantes » (soit ce
que l’on appelle les stratégies de coping). Cela introduit un champ
d’investigation et d’intervention spécifique relatif à l’aide qui peut être
apportée dans des professions à haut niveau de stress professionnel
(pompiers, policiers, infirmiers et infirmières, etc.). De ce point de vue, on
est amené à distinguer entre, d’une part, les situations de stress chronique
(la profession expose de manière constante le travailleur à certains
stresseurs), et, d’autre part, les professions à stress aigu (le travailleur peut
être confronté à une situation de stress intense, traumatisante, dramatique –
stress post-traumatique). On a également été amené à mettre en évidence
dans certaines professions (e. a. médicales) un phénomène d’épuisement
professionnel ou de burnout (état d’épuisement émotionnel, mental et
physique, accompagné d’un sentiment de non-accomplissement et d’une
dépersonnalisation) que certains considèrent comme l’une des réponses à
une exposition prolongée au stress professionnel ; cette dernière analyse
n’est cependant pas partagée par tous les chercheurs (Neveu, 1995).
Enfin, bien que relevant d’une problématique tout à fait spécifique et
dont bon nombre d’aspects renvoient à d’autres thèmes abordés dans ce
chapitre, la question du harcèlement moral peut être envisagée ici au travers
de son lien avec le stress professionnel (ce dernier pouvant trouver son
origine dans le harcèlement). Cette notion de harcèlement moral (en
anglais : mobbing, bullying, ganging up on someone, psychological terror,
victimization…) constitue aujourd’hui un objet de préoccupation de plus en
plus important dans une perspective d’action d’amélioration du bien-être au
travail. Les recherches menées en la matière tentent d’en comprendre les
mécanismes et d’identifier les facteurs qui le favorisent (comme cela a été
montré : certaines conditions de travail, le style de leadership, l’inattention
pour la position sociale des membres de l’organisation, l’absence de
standards éthiques, etc. – Zapf et Leymann, 1996). Ces recherches visent
aussi à proposer des structures et des moyens d’action qui devraient
permettre d’éviter que des situations de harcèlement se produisent, et d’y
remédier, le cas échéant.
Le lecteur intéressé par les questions relatives au stress professionnel, au
harcèlement, au bien-être au travail, et, notamment, à leurs rapports avec le
changement dans les organisations, pourra se reporter à l’ouvrage édité par
Karnas, Vandenberghe et Delobbe (2003) ; cet ouvrage collectif reprend de
nombreuses illustrations d’approches dans ces domaines.

IX. – En guise de conclusion


Comme le lecteur l’aura constaté, avec la psychologie des organisations,
on touche au rôle du réseau social du (et au) travail, autant qu’à la structure
et aux conditions de travail, soit, d’une certaine manière, de ce qui
contribue à déterminer le cadre de vie au travail et, donc, la vie au travail, la
signification du travail. Mais cette vie au travail, « le travail », est au
quotidien essentiellement « activité ». Cette activité découle aussi pour
beaucoup du cadre technique et opératoire dans lequel elle s’inscrit. C’est
précisément de cette question du cadre « technique » du travail (dans un
sens très large) que traitent l’ergonomie, la psychologie ergonomique et
l’ergonomie cognitive.
Chapitre V

La psychologie ergonomique et
l’ergonomie cognitive

I. – La psychologie et le projet de l’ergonomie


Le projet ergonomique se caractérise par les principes suivants27 :
1. une double finalité : l’amélioration de la condition du travailleur et
l’amélioration de la performance du système homme-machine
(quantitativement et/ou qualitativement) ;
2. un objectif d’adaptation du travail à l’homme (le travail étant
compris dans un sens large : outils, machines, structures,
conditions…) ;
3. l’application de données scientifiques pertinentes et une contribution
au développement des connaissances utiles en la matière ;
4. un modèle d’approche fondé sur une recherche et/ou une
intervention à caractère pluridisciplinaire, centrée sur l’activité
concrète de travail.
La communauté de ces objectifs avec le projet de la psychologie du
travail est évidente. Elle ne se traduit cependant pas nécessairement dans les
pratiques : il peut exister, tant en recherche que dans les interventions, des
clivages nets entre approches ergonomiques et approches de psychologie du
personnel et/ou des organisations. Cela peut s’expliquer par les technicités
respectives de ces différents courants, autant que par des oppositions
résultant d’une mise en avant d’objectifs privilégiant, dans un cas, des
actions sur le cadre « technique » du travail (comme déterminant des
aspects opératoires, physiques, cognitifs, mais aussi sociaux, de l’activité
même de travail), et, dans les autres, des actions sur le travailleur et/ou sur
l’organisation (comme structure, comme culture, comme climat, etc. ; en
somme, en considérant plus le contexte de travail que l’activité de travail).
L’expression « psychologie ergonomique » empruntée à Leplat (1980)
désigne la branche de la psychologie du travail qui participe explicitement
au projet ergonomique tel qu’il vient d’être précisé28. La notion
d’ergonomie cognitive est étroitement associée à ce courant de recherche et
d’intervention.

II. – L’histoire de l’ergonomie et l’émergence de la


dimension psychologique et cognitive29
La nécessité de pluridisciplinarité affirmée en ergonomie est le fruit
d’une évolution des conditions de travail. S’il apparaît en effet que de
nombreuses disciplines comme la physiologie, la médecine,
l’anthropométrie, la sociologie, l’ingénierie… et la psychologie ont abordé
séparément la question de l’adaptation du travail à l’homme, l’émergence
de l’ergonomie en tant que discipline a concrétisé la volonté d’intégrer ces
différentes approches dans un souci de pertinence et d’efficacité. Cette
vision est le fruit de la prise de conscience de la diversification des
problèmes à traiter dans la perspective posée par l’ergonomie et de la
nécessité d’envisager la pluridimensionnalité des déterminants de l’activité
de travail. L’évolution technologique et l’interaction entre la technologie et
l’ergonomie elle-même ont par ailleurs largement contribué au
développement de cette perspective.
Au cours du XXe siècle, on est passé, dans un premier temps, de modes de
production dans lesquels le travailleur était d’abord un acteur dont l’énergie
« utile » était principalement physique, à des modes de production utilisant
des machines imposant que des signaux soient détectés, que des
commandes soient enclenchées. Des systèmes de productions continus,
avec des contraintes de régulation importantes, sont apparus ensuite. Enfin,
les systèmes automatiques et les technologies informatiques (ordinateurs de
process, robotique, bureautique et autres applications des ordinateurs) ont
envahi l’industrie et l’administration – et toute l’activité humaine, y
compris tout ce qui est relatif à la communication, au travers des
(nouvelles) technologies de l’information et de la communication. On en est
donc arrivé à une production (une activité) dans laquelle l’homme est
essentiellement là pour traiter de l’information (une information de plus en
plus complexe et requérant des traitements de plus en plus sophistiqués). Le
travailleur est devenu un opérateur/acteur dont l’énergie mobilisée est
principalement cognitive – ce qui ne veut pas dire, bien évidemment, que
des problèmes d’une autre nature, par exemple physiques, physiologiques,
ne se posent plus ! Compte tenu de cette évolution, l’ergonomie a été
amenée à changer d’objet ou, plus justement, à devoir, à chaque étape de
l’évolution technologique très brièvement esquissée ici, ajouter de
nouveaux objets à son champ. Ainsi, elle est passée d’une attention à des
contraintes et à des problèmes physiques à une attention à des contraintes et
à des problèmes cognitifs. On peut considérer que, compte tenu du
déplacement des exigences principales du travail à des moments différents
de l’évolution technologique, l’ergonomie a développé diverses démarches
qui toutes conservent cependant aujourd’hui leur pertinence.
Faverge a ainsi identifié quatre démarches essentielles de l’ergonomie
appliquée aux secteurs industriels classiques (Faverge, 1972) :
1. une ergonomie des gestes et des postures (s’occupant des espaces de
travail et des contraintes physiques) ;
2. une ergonomie informationnelle (s’occupant des traitements
élémentaires de l’information, des cadrans, des voyants, des pédales,
des leviers…, soit des dispositifs de signalisation et de commande) ;
3. une ergonomie des systèmes (s’occupant des régulations dans les
systèmes complexes de production et des dysfonctionnements dans
ces systèmes, tels les accidents du travail et leurs conditions
d’occurrence, les régulations entre équipes dans le travail posté, les
régulations entre fonctions de prévention, de production et de
récupération, etc.). C’est avec l’émergence de cette préoccupation
que l’ergonomie passe de l’étude du couple homme-machine à
l’étude du système hommes-machines ;
4. une ergonomie heuristique (s’occupant des activités mentales mises
en jeu dans le travail et des rapports entre les conditions de travail,
la conception des dispositifs et outils de production et cette activité
mentale).
Cette « classification » reflète assez bien l’évolution du travail dans un
contexte industriel :
1. travail manuel aidé de l’outil (problèmes d’effort) ;
2. travail sur machine (machine-outil) (problèmes de signalisation et
de commande) ;
3. travail dans des systèmes continus (les interactions entre sous-
systèmes de production – l’homme pouvant être vu comme l’un de
ces sous-systèmes – deviennent des éléments critiques de
l’activité) ;
4. travail dans des systèmes automatisés (d’abord contrôlés par des
régulateurs cybernétiques puis par des calculateurs de process, enfin
par des systèmes informatiques – les problèmes ergonomiques ont
trait au traitement de l’information, au diagnostic d’incidents, à la
sauvegarde de la fiabilité et de la sécurité).
Presque quarante ans après l’analyse faite par Faverge, ces démarches
doivent être reformulées pour plusieurs raisons :
– le travail n’est pas que production industrielle : il est devenu
primordial d’englober d’autres secteurs d’activité dans le projet
ergonomique : les transports, les administrations, les services, les
activités d’aide aux personnes, l’enseignement, l’activité médicale et
paramédicale, les activités non marchandes, la conduite sur route,
etc. ;
– le travail industriel a continué à évoluer tantôt dans des voies qui
prolongent l’évolution indiquée précédemment, tantôt dans des
voies divergentes ;
– l’ergonomie ne s’est pas intéressée, et ne doit pas s’intéresser, qu’au
« travail » : tous les secteurs d’activité humaine sont justiciables de
l’ergonomie ; d’ailleurs, les activités hors travail sont de plus en plus
importantes dans la vie des gens, et ces activités recourent de plus
en plus à des « systèmes » présentant des caractères analogues à
ceux développés dans la vie de travail (ex. : jeux, systèmes
multimédias, hi-fi, terminaux bancaires, etc.) ;
– les références à l’heuristique telles que formulées par Faverge (début
des années 1970) ont perdu une partie de leur sens avec la venue sur
le terrain du travail de nouveaux travailleurs « nés » avec une
informatique déjà présente dans les entreprises, dans les écoles, dans
les cybercafés et les foyers, ce qui impose de formuler en des termes
nouveaux la question du « transfert de technologie » et, donc,
d’acquisition et de transfert des connaissances, des compétences ;
– les questions relatives aux connaissances, aux compétences, à la
représentation dans l’action, soit de manière générale aux aspects
cognitifs de l’activité, ne sont en fait pas intrinsèquement liées à
l’apparition d’une (ou de) technologie(s) particulière(s), même si
elles ont été actualisées par elle(s) en des termes précis ; ces
questions sont en fait fondamentales dans toute activité et elles
constituent aujourd’hui un point de liaison fort entre les différentes
approches de la psychologie du travail30.
Par ailleurs, comme cela a déjà souvent été évoqué, l’évolution du
contexte économique, technologique et organisationnel de la période de
transition entre le XXe et le XXIe siècle a des conséquences spécifiques sur le
travail considéré sous l’angle de l’ergonomie. On retiendra, par exemple :
– l’impact des modes de gestion basés sur la flexibilité des facteurs de
production et un resserrement des contraintes ;
– le fait que, dans certains secteurs d’activité professionnelle, la part
discrétionnaire du travail augmente (conséquence de pratiques de
management visant à donner de l’autonomie, et de l’apparition de
nouveaux outils informatiques rendant cette évolution possible),
alors que, sous un autre angle, cette évolution se traduit
simultanément par des pertes de contrôle de l’individu sur certains
aspects de son activité de travail et sur son avenir.
Ce type d’évolution a, comme on l’a vu, des répercussions importantes
du point de vue organisationnel. Il a également des conséquences
considérables sur l’activité de travail proprement dite (au travers de
pratiques comme le reengineering, le développement de la flexibilité, ce qui
a été appelé la dérégulation, les changements relatifs à la durée du travail,
etc.). Pour reprendre les termes de l’ergonomie, on assiste à une
modification des contraintes du travail (les exigences auxquelles le
travailleur est confronté – voir fig. II. 2) et des astreintes (le « coût » qui en
résulte pour le travailleur, les conséquences des contraintes pour le
travailleur individuel).
Toutes ces raisons, rapidement esquissées ici, amènent à devoir
considérer qu’il existe fondamentalement trois perspectives en ergonomie :
1. une perspective (ou une ergonomie) physique, intégrant la démarche
des gestes et postures, ainsi que toutes les approches des conditions
d’ambiance physiques et psychophysiologiques liées au travail ou à
l’activité en général ;
2. une perspective (ou une ergonomie) systémique et/ou
organisationnelle, reprenant en partie la démarche d’ergonomie des
systèmes mais élargissant cette dernière à des questions
d’organisation envisagées dans un souci d’adaptation de l’ensemble
des structures (on pourrait parler ici de « technostructures ») de
travail à l’homme ;
3. une perspective (ou une ergonomie) cognitive, reprenant les aspects
couverts par l’ergonomie informationnelle et l’ergonomie
heuristique décrites précédemment et s’ouvrant aux questions
posées par la prise en compte des dimensions cognitives de l’activité
professionnelle et non professionnelle – comportant des domaines
d’intérêts communs avec la psychologie des organisations ; c’est par
exemple le cas pour le stress au travail qui pourra être envisagé ici,
dans une perspective ergonomique, en relation avec des notions de
charge (cognitive) de travail, de pression temporelle, d’analyse de
l’activité, de dysfonctionnements, d’incidents, d’erreurs,
d’accidents, etc.
Il faut insister sur le fait que si, pour les points 2 /et 3 / page précédente,
on voit des communautés d’objet entre « psychologie des organisations » et
psychologie ergonomique, chacune de ces disciplines approche en fait de
manière spécifique ces objets communs – avec souvent des divergences
fondamentales en ce qui concerne tant les analyses, les propositions
d’intervention que les finalités. Ce qui singularise l’approche ergonomique,
c’est : 1/ la place centrale accordée à l’analyse de l’activité ; et 2/ l’objectif
d’adaptation des conditions de travail au travailleur.
Revenant aux trois perspectives de l’ergonomie qui viennent d’être
décrites, on peut considérer que la psychologie est amenée à jouer un rôle
dans chacune d’elles. Cette implication sera parfois en quelque sorte
« indirecte » : par exemple parce que l’appel à la discipline est
méthodologique (ce serait le cas dans une étude par questionnaire des
conditions physiques de travail) ou parce que l’analyse porte sur la mise en
relation entre des dimensions psychologiques, des aspects physiques du
travail et leurs conséquences sur la santé et le bien-être du travailleur (pour
prendre un exemple très précis : une étude de la relation entre exigences
physiques du poste, stress perçu et troubles musculosquelettiques). Mais il
est clair que ce sont les domaines de l’ergonomie des systèmes et de
l’ergonomie cognitive qui constituent les champs privilégiés de la
psychologie ergonomique (exemple : étude des mécanismes cognitifs mis
en jeu dans la conduite d’un engin complexe).

III. – L’ergonomie des systèmes


Le thème central de l’ergonomie des systèmes concerne la régulation des
activités. Des problèmes très divers qui ne sont pas du tout abordés comme
tels par la psychologie des organisations sont traités dans cette perspective.
Les exemples suivants peuvent être cités : les régulations opérées par le
travailleur entre les objectifs contradictoires de la tâche (par exemple entre
production, prévention, et récupération), les régulations de l’activité en
fonction de changements dans les conditions de travail (changements liés à
des fluctuations de paramètres divers de la situation de travail comme
« travail de jour versus travail de nuit », modifications de la charge de
travail, etc.), les régulations liées aux interactions entre plusieurs équipes de
travail (succession entre équipes dans le travail posté, coactivité liée à la
présence sur le lieu de travail d’équipes ou de travailleurs ayant des
fonctions différentes, etc.), les dysfonctionnements de l’activité (de
régulation) [étude des facteurs de fiabilité et d’infiabilité, analyse des
accidents, etc. ]… Et cette liste pourrait être allongée.
Ce courant de recherche a notamment posé les jalons d’une analyse
ergonomique de la sécurité et de la fiabilité. Il a ainsi largement contribué à
démontrer (Monteau et Pham, 1987) :
– l’insuffisance des modèles unicausaux dans la compréhension des
accidents du travail et de leur genèse (notamment les modèles
fondés sur l’hypothèse d’une prédisposition de certains travailleurs à
être victimes d’accidents du travail) ;
– que la compréhension de l’accident de travail passe par le recours à
des modèles pluricausaux (résultat traduit par exemple dans une
méthodologie d’analyse des accidents dite « de l’arbre des causes »
ou « de l’arbre des conditions »). Ces modèles fondés sur de
nombreuses études et analyses de terrain traduisent l’observation
que l’accident résulte d’une combinaison de facteurs : le travailleur
est l’un de ceux-ci, à côté de la tâche, du matériel utilisé et de
l’environnement, chacun pouvant, par ses caractéristiques propres,
affecter la probabilité de survenue d’un accident. L’accident concret
résulte d’une articulation (qui peut être représentée sous forme d’un
arbre hiérarchique) de conditions (états, actions) de ces différents
facteurs, l’enchaînement de ces conditions conduisant à l’accident.
Les travaux réalisés en ergonomie des systèmes ont également mis en
évidence l’importance du lien entre sécurité et fiabilité dans les systèmes de
production (l’accident suit le plus souvent une chaîne d’incidents). Ils ont
ainsi ouvert la voie à un important courant de recherche sur les rôles
d’agent de fiabilité et d’infiabilité joués par l’homme dans les systèmes de
production, et sur la fiabilité humaine en général. Ce faisant, ils ont
contribué à l’émergence de l’ergonomie cognitive.
Le courant d’ergonomie des systèmes a par ailleurs contribué de manière
significative aux réflexions et travaux sur l’étude des conditions de travail
qui ont mené à l’élaboration de grilles et de canevas d’analyse des
conditions de travail (dont il a été question au chapitre II). Si ces grilles
mettent surtout l’accent sur les facteurs de pénibilité physique du travail –
charges, nuisances et ambiances physiques de travail (comme bruit,
poussières, vibrations…), exposition à des substances toxiques, etc. –, elles
ont aussi incorporé des dimensions psychologiques, sanctionnant ainsi la
pertinence de ce champ de la psychologie ergonomique (comme, par
exemple, la notion de temps d’autonomie, les conditions sociales de
l’activité, l’intérêt du travail, la reconnaissance qui y est liée, etc.).
S’inscrivent également dans la continuité de ce type d’approche du
travail, des recherches et des modèles d’intervention sur la dimension
temporelle du travail : chrono-ergonomie et chrono-psychologie – étude des
phénomènes liés aux fluctuations psychophysiologiques au cours du
nycthémère, aspects sociaux liés au travail de nuit et en équipes alternantes
(travail posté), etc. L’accent a été mis, dans des études de ce type, sur
l’impact de ces variables, tant sur le bien-être au travail que sur des aspects
de production, comme par exemple la qualité, la quantité, la fiabilité
(risques d’erreur humaine, etc.).

IV. – L’ergonomie cognitive


1. La perspective cognitive. – L’ergonomie cognitive peut être vue soit
comme l’une des concrétisations actuelles de la psychologie ergonomique,
soit comme l’un de ses champs.
On considérera avec Green et Hoc que, « relevant directement de
l’ergonomie, mais revendiquant toutefois une certaine individualité,
l’ergonomie cognitive en hérite de la préoccupation essentielle de construire
et d’appliquer des connaissances susceptibles d’améliorer les conditions de
travail (en l’occurrence, du travail cognitif, par opposition à des aspects
plus physiologiques, qui sont, bien entendu, également importants). Dans la
tradition de l’ergonomie des systèmes hommes-machines, l’ergonomie
cognitive se concentre plus particulièrement sur les interactions entre
l’homme et son environnement de travail cognitif. Dans cet environnement
s’insèrent également les aspects collectifs du travail, que renforce la
complexité croissante des systèmes de production… » (Green et Hoc, 1991,
p. 291)31.
Tout comme l’ergonomie en général, l’ergonomie cognitive est elle-
même pluridisciplinaire. Parmi les disciplines avec lesquelles elle entretient
des liens privilégiés, on retiendra principalement : 1/ la psychologie
cognitive en référence aux caractéristiques psychologiques traitées (ex.
charge mentale, erreur humaine, etc.) ; 2/ l’informatique (en tant qu’objet
d’intervention : ex. étude des interfaces comme les écrans de dialogue) ; 3/
l’intelligence artificielle (en tant qu’objet d’intervention et/ou en tant
qu’outil : ex. systèmes experts, travail coopératif, etc.) ; 4/ le « domaine de
travail » (nécessité de l’analyse de la tâche) ; 5/ la linguistique, la
sémiologie, les neurosciences, etc. (ex. étude des communications et des
outils de communication, verbaux et/ou graphiques, notamment des
panneaux synoptiques dans l’industrie ; étude des processus d’action, des
apprentissages en situation de travail, notamment en référence aux
apprentissages implicites32).
La relation entre ergonomie cognitive et psychologie cognitive est en
quelque sorte privilégiée ; l’ergonomie cognitive a été fortifiée par
l’évolution de la psychologie qui a conduit à l’émergence de la psychologie
cognitive (van de Leemput, 1994). La psychologie cognitive est née de
l’affirmation de l’insuffisance d’une approche strictement béhavioriste et de
la nécessité de faire de la compréhension des états mentaux, des
représentations, des mécanismes cognitifs… les objets de la psychologie.
Cette évolution a été fondamentale pour la psychologie du travail, car elle
rencontrait la préoccupation de cette dernière pour une analyse de l’activité
englobant les aspects observables (comportements) et inobservables de
celle-ci (traitement de l’information, choix, décisions, évaluation des
situations, etc.). L’homme se comporte dans un environnement, dans des
situations qu’il se représente, auxquelles il donne une signification en
fonction d’intentions, de buts. Il fonde ses actions sur des représentations,
des connaissances et des raisonnements. Ses actions ont pour objectif de
modifier, d’agir sur les situations. Elles modifient aussi les représentations,
les connaissances et les mécanismes cognitifs eux-mêmes, tout comme les
issues des actions les modifieront33.
On comprendra qu’une telle évolution a rencontré directement les
préoccupations de l’ergonomie cognitive initiée pour partie par l’évolution
technologique qui vient d’être décrite et par les questions nouvelles qu’elle
posait à l’ergonomie – questions qui l’interpellaient sur sa capacité à traiter
des mécanismes cognitifs sollicités par cette évolution.
Cela étant, une question importante se pose à l’ergonomie cognitive, qui
la distingue de la psychologie cognitive : la référence à l’activité « en
situation réelle ». Cette question renvoie à la problématique des relations
entre connaissances acquises « en laboratoire » et connaissances acquises
« sur le terrain », aux relations entre « théorie » et « pratique ». Comme cela
a déjà été évoqué, si la psychologie du travail (toute approche de la
psychologie du travail) est généralement présentée comme discipline
d’application, elle produit également un savoir destiné à son propre usage et
entend par ailleurs contribuer à la recherche que l’on qualifie généralement
de fondamentale, car elle définit un domaine de recherche original qui ne
manque pas de pertinence par rapport à des situations artificielles de
laboratoire. La notion de charge mentale qui a constitué un concept
important dans l’ergonomie cognitive naissante permet d’illustrer cette
affirmation. La notion de charge mentale, que l’on peut considérer d’abord
comme la transposition mentale de la notion de charge physique, a été dans
un premier temps évoquée par les ergonomes au départ de la pratique et du
terrain. La psychologie expérimentale, traitant des limites des capacités de
l’homme dans le cadre de l’application de la théorie de l’information, a
fourni à l’ergonomie, à partir des années 1950, un cadre théorique et
conceptuel d’analyse de cette « charge ». Le retour au terrain a montré
cependant les limites de cette modélisation, si bien que ce sera l’ergonomie
qui, par de nouvelles considérations suscitées par la pratique, fournira à la
psychologie, entre-temps devenue « cognitive », des éléments essentiels à
une nouvelle formulation de modèles théoriques dans ce domaine. On voit
donc bien, au travers de cet exemple, une forme de dialectique théorie-
pratique qui s’institue entre psychologie cognitive et ergonomie cognitive,
entre savoir et intervention à l’occasion de la pratique de l’ergonomie
cognitive.

2. Les pistes et les clivages au sein de l’ergonomie cognitive. – Un


premier clivage apparaît entre, d’une part, une ergonomie cognitive conçue
essentiellement comme « ingénierie humaine » et, d’autre part, une
ergonomie cognitive que l’on qualifiera ici, faute de mieux, d’« ergonomie
de terrain ». La première s’attache à établir la liste des contraintes humaines
qu’il y a lieu de considérer dans la conception d’un système de production
(ou de tout autre système technique). Elle propose des listes de critères que
devrait prendre en compte le concepteur soucieux d’ergonomie : c’est le
courant du human engineering ou human factors anglo-saxon. Cette
approche illustre parfaitement l’idée d’une application de savoirs établis au
laboratoire en vue d’une amélioration des conditions de travail.
Le second courant correspond à une ergonomie dont les tenants se disent
soucieux de plus de pertinence, attirent l’attention sur les limitations du
premier type d’approche qui, risquant d’oublier de prendre en compte la
complexité des situations réelles de travail, pourrait, de ce fait, manquer
l’essentiel de ce qu’elle prétend être son objectif (accent mis ici sur
l’importance de l’analyse du travail et sur la distinction entre la tâche et
l’activité).
On considère souvent que le courant qui vient d’être qualifié d’ingénierie
humaine est de tradition anglo-saxonne et que le courant accordant le
primat au terrain et à l’analyse du travail est de tradition francophone – si
ces deux tendances existent bel et bien, cette vision « linguistique » des
choses n’est, quant à elle, pas nécessairement confirmée par un examen
minutieux des travaux en la matière. Toujours est-il que le clivage entre les
deux courants évoqués recoupe assez bien la distinction entre les deux
formes du travail définies précédemment, soit la distinction entre le travail
prescrit et le travail réel. Dans le premier courant (tendance human
engineering), l’accent est mis sur l’analyse de la tâche et dans le second
(tendance « terrain ») l’accent est mis sur l’analyse de l’activité et sur
l’importance qu’il y a de considérer l’écart entre le « prescrit » et le « réel ».
La distinction entre la tendance human engineering et la tendance
« terrain » recoupe par ailleurs une différence d’approche des rapports entre
théorie et pratique. Dans la première, la pratique apparaît davantage comme
l’application de savoirs portant sur des principes, des lois, des règles à
respecter, des canevas, des normes à appliquer (accent mis sur des contenus
sur lesquels portera l’intervention ; le travail est à organiser et à réorganiser
en appliquant ces « contenus »). La référence au terrain existe, bien sûr,
mais dans la perspective de définir la tâche et d’évaluer les règles à
respecter. Dans la seconde, la pratique apparaît davantage centrée sur
l’analyse et la compréhension de la situation de travail au travers de
l’application de méthodes d’analyse de l’activité issues de la recherche – le
plus souvent au départ d’une recherche qui s’inspire du même type de
principe (accent mis sur les méthodes d’intervention). On cherche à
modifier la situation de travail à la lumière du diagnostic posé et des savoirs
acquis sur les lois, mécanismes, normes (ce qui est appelé contenus ci-
devant). La référence au terrain est ici le fond et le fondement de la
démarche. Dans cette optique, la recherche s’inspire le plus souvent de
l’idée que l’ergonomie cognitive est une discipline dont les objets sont
difficiles à reproduire en laboratoire sans les dénaturer.
Le courant du Human Computer Interaction34 est assez illustratif de la
première approche : une place importante y est donnée aux idées de
recommandations, de règles d’or, de méthodes de décomposition des tâches
cognitives, etc. En voici un exemple emprunté à Mayhew (1992). Cet
auteur identifie un certain nombre de principes auxquels devrait satisfaire
une interface. Ce type de principes, fondés tantôt sur des analyses de
systèmes insatisfaisants, tantôt sur des connaissances générales de la
psychologie cognitive, sont aujourd’hui assez bien respectés dans de
nombreux logiciels commercialisés. Cela n’est pas nécessairement vrai pour
des logiciels créés dans des entreprises pour leur propre utilisation. Voici
quelques principes proposés par Mayhew :
1. compatibilité à l’utilisateur : l’interface doit tenir compte des
caractéristiques des utilisateurs (et, si possible, être adaptable en
fonction de l’existence de différents types d’utilisateurs) ;
2. compatibilité entre logiciels : les différents logiciels (ou produits)
utilisés dans le cadre d’une fonction doivent avoir des interfaces
similaires ;
3. compatibilité avec la tâche : l’interface doit respecter la logique de
la tâche ;
4. compatibilité avec le flux de travail : l’interface doit faciliter les
liaisons entre tâches successives ;
5. consistance : il doit exister une compatibilité (une homogénéité)
interne aux logiciels ;
6. familiarité : l’interface doit respecter les connaissances familières
de l’utilisateur ;
7. simplicité : il faut privilégier les dialogues simples pour
l’utilisateur ;
8. manipulation directe : il faut privilégier les dialogues basés sur des
manipulations directes (sur des objets visibles par l’utilisateur) ;
9. contrôle : l’utilisateur doit pouvoir contrôler le dialogue (et
ressentir ce contrôle) ;
10. WYSIWYG (what you see is what you get) : il faut respecter une
correspondance entre l’information apparaissant à l’écran et les
autres formes de la même information (ex. telle qu’elle sera
imprimée) ;
11. flexibilité : l’interface doit permettre une certaine adaptation par
l’utilisateur (ex. choix d’un mode de commande) ;
12. réactivité (responsiveness) : le système devrait répondre
immédiatement à toute action de l’utilisateur ;
13. robustesse : le système doit être tolérant à l’égard des erreurs
commises par l’utilisateur.
L’ensemble de critères de ce type – et d’autres – devrait permettre de
garantir la conception de systèmes informatiques « conviviaux » (user[s]-
friendly) – cette notion a été élargie, par l’intégration d’apports multiples,
dans la notion d’usability.
De nombreux travaux d’ergonomie cognitive réalisés par des ergonomes
ou des psychologues de langue française publiés – souvent en anglais ! –
illustrent le second courant évoqué ci-devant. Si l’on considère plus
concrètement les travaux de recherche au sein de ce dernier courant, on
constatera qu’un clivage peut y être observé, sur fond d’une communauté
d’accord quant à la nécessité de la référence au terrain.
En effet, une première tendance recouvre des travaux centrés sur des
thèmes ou des objets définis par les sciences cognitives ou la psychologie
cognitive (ex. : la mémoire, le raisonnement, la planification…) ; on
recherchera ici à étudier ces thèmes ou ces objets dans une situation réelle
que l’on pense la mieux appropriée à son approche. L’idée est que la
recherche ne peut fonder sa pertinence que sur le terrain de l’activité dont
l’objet d’étude a été en quelque sorte extrait ; le terrain est choisi pour
permettre la mise en évidence et l’étude de cet objet. Les recherches sur la
« planification » sont très illustratives de cette approche (voir par exemple
Hoc, 1996).
La seconde tendance est illustrée par des travaux centrés sur les situations
(plutôt que sur les « objets de la science »). L’objectif dans ce cas est de
saisir la situation dans sa complexité, de comprendre l’activité à partir des
différents facteurs et mécanismes qui la déterminent. Les travaux sur la
conduite de systèmes à risques en sont le plus souvent de bons exemples
(pilotage d’avions de chasse, conduite de centrales nucléaires, travail des
sapeurs-pompiers, etc. – voir par exemple Amalberti, 1996). Une des
finalités de ces recherches est de définir des principes de classification des
situations qui devraient permettre de généraliser les résultats à des classes
de situations de travail (importance des taxonomies).
Il paraît important de préciser que tous les « clivages » de la discipline
évoqués dans les lignes qui précèdent doivent être vus comme opposant des
traditions, des dominantes. Si certains chercheurs ou praticiens en
ergonomie cognitive (et, plus généralement, en psychologie ergonomique)
les illustrent parfois de manière extrême, d’autres, sans aucun doute de plus
en plus nombreux, intègrent dans leurs travaux les apports, les originalités,
les pertinences respectives, de ces divers courants qui doivent être vus
comme complémentaires plutôt que comme opposés dès lors que l’on se
préoccupe particulièrement d’intervention.

3. Les champs actuels et futurs de la psychologie ergonomique et de


l’ergonomie cognitive. – L’ergonomie cognitive se définit pour certains
plus par des objets ou des situations précises que par des options
méthodologiques. Une tendance existe chez certains chercheurs à assimiler
l’ergonomie cognitive à la recherche et à l’intervention ergonomique sur
l’un ou l’autre de ces objets. Cela les conduit à définir purement et
simplement l’ergonomie cognitive par ces objets et à l’identifier, qui à
l’étude de l’interaction homme-ordinateur (HCI), qui à l’étude de la fiabilité
humaine, etc. Cette tendance est discutable car elle confond la discipline
générale et l’un de ses champs d’application et de recherche. Elle
s’explique sans doute par l’importance de certains de ces derniers dans
l’activité de travail actuelle (informatique et technologie de la
communication omniprésentes) et par la prégnance des questions
ergonomiques (par exemple, en raison d’enjeux de fiabilité, de confort
d’utilisation, de risque pour l’environnement, etc.).
On retiendra, ici, quelques-uns de ces champs parmi les plus significatifs
en évoquant l’une ou l’autre des contributions des recherches les
concernant :
– la conduite de systèmes dynamiques (processus de production
continus, automatisés, à évolution « autonome » ; tels engins, trains,
avions, bateaux, processus chimiques, pétrochimiques, centrales
nucléaires). Les travaux portent sur les aspects de conduite
proprement dite, d’anticipation, de planification, d’erreur humaine,
de charge mentale, de fiabilité, de sécurité, les aspects temporels qui
y sont liés, l’acquisition et l’utilisation des connaissances, le
diagnostic… Dans ce contexte, un ensemble de données relatives à
l’architecture cognitive et au fonctionnement cognitif de l’opérateur
humain ont été obtenues. Ainsi, l’hypothèse a été faite que
l’opérateur humain conduisant un système complexe, susceptible de
présenter des variations (indésirables), « fonctionnerait » selon un
modèle emboîtant divers registres de fonctionnement : 1/ certaines
actions de l’opérateur seraient « commandées » par des
automatismes (l’opérateur réagit de manière automatique à une
situation) ; 2/ d’autres actions consisteraient en l’application de
procédures (ou règles évoquées par l’opérateur en fonction d’une
analyse rapide de la situation et en référence à la connaissance qu’il
a de procédures adaptées à la situation identifiée) ; 3/ des situations
auxquelles l’opérateur ne pourrait réagir ni « automatiquement » ni
par le recours à une procédure (connue de lui) impliqueraient une
analyse basée sur des connaissances générales (y compris sur le
système contrôlé) et l’élaboration d’une séquence d’actions jugée
appropriée (modèle de Rasmussen – voir par exemple Hoc, 1996) ;
– les logiciels en général, qu’il s’agisse de logiciels de traitement de
texte ou de systèmes experts : problèmes de représentation, de
modèle mental, de dialogue, de familiarité, de convivialité,
d’usability… et plus particulièrement la conception des interfaces et
du dialogue (qu’il s’agisse d’ordinateurs de type PC, de robots, de
systèmes de production ou de conception informatisée, de systèmes
domotiques, de hi-fi, de systèmes multimédias, de jeux, de vidéo, de
systèmes médicaux, de systèmes bancaires, de systèmes de
formation, d’enseignement…) ;
– le travail coopératif, qu’il s’agisse de coopération homme-ordinateur
ou de coopération homme-homme assistée par exemple par
ordinateur (groupware et Computer Supported Cooperative Work),
etc. ;
– les applications de la télématique, qu’il s’agisse des applications
professionnelles, comme le travail à distance, et particulièrement le
travail à domicile, ou des applications extraprofessionnelles, comme
les terminaux bancaires, les kiosques informatisés, etc. Et, de
manière générale, ce qu’on appelle aujourd’hui les (nouvelles)
technologies de l’information et de la communication – (N) TIC.
On aura noté que ces champs ne sont pas exclusifs : les questions posées
par l’un d’entre eux supposent le plus souvent que soient aussi traitées des
questions – voire toutes les questions – abordées par un autre.

4. La nécessité de la psychologie ergonomique et de l’ergonomie


cognitive : de l’acte à l’organisation. – Dans l’utilisation quotidienne d’un
GSM, d’un terminal bancaire, d’une centrale d’alarme, d’un « simple »
téléphone, lors de la consultation d’un site Web, chacun a déjà pu éprouver
combien le fait d’avoir négligé les caractéristiques et les attentes de
l’utilisateur, un manque d’ergonomie cognitive, pouvait être source de
difficultés, de charge mentale – par exemple, dans la mobilisation malaisée
de la mémoire. Le primat est sans doute encore trop souvent donné à la
contrainte technique, économique ou encore à l’évidence du concepteur qui
se dit que tout le monde pense comme lui ou qui, tout simplement, ne se dit
rien du tout à ce sujet. C’est une erreur et un calcul à court terme, car un
dispositif mal conçu sur le plan ergonomique sera peu utilisé, mal utilisé,
sous-utilisé, voire non utilisé. Pis encore, dans telle situation de travail, il
pourra être à la base de difficultés et problèmes importants, voire de
catastrophes (accident de travail, risque technologique majeur, risque pour
l’environnement). L’ergonomie cognitive répond donc d’abord à la
nécessité de tenir compte de ce que l’usage d’un système technique plus ou
moins sophistiqué renvoie à un couplage homme-système, et que la réussite
de ce couplage suppose la prise en compte des caractéristiques des deux
membres du couple !
Mais il y a une deuxième nécessité de l’ergonomie cognitive. Dans
l’entreprise, ou l’organisation en général, l’analyse de la dimension
cognitive proposée par la psychologie du travail ouvre la porte à une
analyse de l’organisation en tant que système qui paraît essentielle et qui
complète les approches organisationnelles telles que définies par la
psychologie des organisations.
Un exemple particulier permettra de comprendre cette double nécessité :
il concerne l’étude des dysfonctionnements. Une analyse fine des facteurs
intervenant dans la genèse des erreurs dans les systèmes de production
complexes montre combien ces événements dysfonctionnels surgissent à la
croisée de causalités multiples impliquant des aspects d’ergonomie
cognitive concernant le couplage homme-technique et des aspects liés à
l’organisation. En se penchant sur les erreurs dans des circonstances
multiples (notamment lors d’incidents plus ou moins graves : accident
technologique majeur, erreurs dans des interventions chirurgicales,
omissions de signaux d’alarme, etc.), plusieurs recherches ont montré qu’il
faut considérer comme éléments clés de la fiabilité des systèmes les
éléments suivants :
1. la fiabilité intrinsèque des processus technologiques ;
2. la fiabilité humaine : cette question a été à la base de travaux
spécifiques portant sur les mécanismes de genèse de l’erreur
humaine. À cet égard, la distinction a pu être faite entre, d’une part,
les ratés (l’erreur découle par exemple d’une mauvaise réalisation
d’une séquence d’actions indépendamment de l’adéquation du plan
qui les guide ; l’opérateur a l’intention de réaliser une séquence
d’actions adéquate, mais au cours de sa réalisation il omet par
exemple l’une des actions prévues et nécessaires) et, d’autre part, les
fautes (l’opérateur a commis une erreur qui découle d’une
défaillance dans les processus de jugement ou d’inférence ; par
exemple, il a mal interprété l’état du système contrôlé et décide
d’une action inappropriée). D’autres travaux ont abordé les
mécanismes mentaux mis en jeu dans l’activité de diagnostic pour
pouvoir aborder l’étude des dysfonctionnements et la conduite de
systèmes complexes. Dans cette perspective, on a mis en évidence
l’intérêt de tenir compte du fait que les connaissances mobilisées par
cette activité pouvaient être de nature différente. Ainsi, on a montré
que la distinction doit être faite entre les connaissances déclaratives
(connaissances générales sur les principes de fonctionnement du
système, connaissances générales sur les principes de physique, de
chimie, etc.) et les connaissances procédurales (connaissance de
règles d’action, de séquences d’actions appropriées dans telle ou
telle situation). D’autres études ont abordé la question de l’existence
et du rôle de connaissances implicites (connaissances relativement
générales, mais que l’opérateur serait incapable de verbaliser tout en
étant capable de les mobiliser dans l’action – voir plus haut).
L’accent a également été mis sur l’existence de biais cognitifs
susceptibles d’altérer le diagnostic posé par l’opérateur humain (par
exemple, le biais de confirmation qui consiste à privilégier dans
l’activité de diagnostic des indices qui confirment l’hypothèse que
l’on teste – e. a. sur la cause d’un incident – et de ne pas « repérer »
les éléments qui infirment cette hypothèse). Un nombre important
de recherches dans ce domaine concernent aujourd’hui la question
de l’identification et de l’acquisition des compétences (Leplat et de
Montmollin, 2001) ;
3. la conception des outils et des interfaces ;
4. les aspects organisationnels et communicationnels : ex. les
structures de l’organisation, les structures d’autorité, les modes
effectifs de coopération et de codécision, les circuits d’information
formels et informels, etc. L’importance de ces aspects a été mise en
évidence dans pratiquement toute analyse de la fiabilité des
systèmes et notamment dans l’étude de la genèse des accidents du
travail, des catastrophes en général, dans les activités de diagnostic
et de récupération d’incidents.

V. – En guise de conclusion
Au terme de ce rapide survol de la psychologie ergonomique, et de
l’ergonomie cognitive, on voit – en considérant par exemple la question de
la fiabilité humaine sur laquelle ce chapitre se termine – combien les
approches présentées ici complètent les apports de la psychologie du
personnel et de la psychologie des organisations par une analyse de
l’activité en situation. Le caractère marquant de ce courant est
incontestablement d’accorder aux conditions de travail concrètes et à leurs
concomitants (particulièrement cognitifs) une attention précise sans laquelle
on ne saurait prétendre viser pleinement les finalités générales de la
psychologie du travail35.
Chapitre VI

Conclusion
Trois nécessités fondamentales paraissent devoir être mises en avant dans
cette courte conclusion sur la recherche et la pratique de terrain de la
psychologie du travail :
– la nécessité de considérer la question de la priorité à donner au bien-
être au travail et/ou à l’amélioration de la productivité dans les choix qui
seront opérés en pratique (en recherche ou dans l’intervention) ;
– la nécessité, dans toute démarche de psychologie du travail, de
l’analyse du travail, comprise comme analyse de la tâche et comme analyse
de l’activité ;
– la nécessité de la complémentarité des différentes approches de la
psychologie du travail : la psychologie du personnel, la psychologie des
organisations et la psychologie ergonomique sont trois angles d’approches
d’un même « objet » : l’homme (la femme) au travail. Aucune d’elles prise
isolément ne peut prétendre atteindre la réalité du travail humain. Aucune
ne peut, à elle seule, fonder une intervention efficace de la psychologie du
travail.
Ces trois points apparaissent comme des nécessités, car, faute d’y être
attentive, la psychologie du travail (et ceux qui s’y réfèrent) risquerait de
perdre de vue deux caractères essentiels de son objet : une certaine unité de
l’homme (de la femme) et le fait que l’activité (et sans doute, surtout, le
travail) est, pour ce dernier, une quête de sens.
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Notes
1
Le terme d’« homme » sera utilisé dans le texte pour parler de l’être
humain, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme. Il en sera ainsi
également lorsqu’il sera question du « travailleur ». Le terme de
« travailleur », qui peut paraître obsolète aux yeux de certains, sera utilisé
dans le sens commun de l’homme (ou la femme) « qui travaille », l’homme
(ou la femme) « au travail ». Il sera employé pour désigner toutes les
catégories de personnel d’une entreprise (et donc aussi les cadres).
2
On se référera par exemple au t. XLV, no 1/1982, de la revue Le Travail
humain dont une partie importante a été consacrée à un hommage à Jean-
Marie Faverge.
3
Cette opposition est en fait essentielle par rapport à la définition d’objectif
de la psychologie du travail, car elle renvoie à une distinction entre une
finalité de réduction des contraintes et une finalité de développement de la
personne (au et par le travail).
4
Le choix du verbe n’est évidemment pas sans signification !
5
Plusieurs classifications en ont été proposées (Karnas, 1987 ; Kirwan et
Ainsworth, 1992).
6
On pourrait dire les choses un peu différemment : 1/ l’analyse de l’activité
s’impose comme préalable à toute intervention de la psychologie du
travail ; 2/ l’analyse de l’activité suppose qu’une analyse de la tâche soit
réalisée.
7
Ensemble d’interventions visant à aider un travailleur licencié à retrouver
un emploi.
8
Cette approche découle aussi d’une prise de conscience de plus en plus
affirmée, à partir des années 1980, de la nécessité pour les entreprises de
développer une approche stratégique qui englobe l’des dimensions de la
gestion (et favorisée par l’analyse des systèmes de management japonais,
les difficultés liées aux systèmes traditionnels de gestion du personnel en
regard de l’évolution conjoncturelle, la globalisation et la mondialisation,
les propositions de redéfinition des fonctions et des cadres de travail,
l’émergence d’une attention portée aux aspects culturels, etc.) ; voir par
exemple Le Gall, 1998, ainsi qu’Aubret et Gilbert, 2007, à ce sujet.
9
Le licenciement peut, bien évidemment, être motivé indépendamment des
résultats d’une évaluation – par exemple, pour faute grave, parce que
l’emploi est supprimé, pour motifs économiques, etc.
10
Voir Reuchlin, 1962.
11
D’une manière générale, un test est dit valide s’il mesure bien ce qu’il est
censé mesurer.
12
Il faut noter qu’il existe d’autres techniques statistiques plus complexes
destinées à traiter de cette question.
13
Cette corrélation est généralement représentée par un coefficient de
corrélation (de Bravais-Pearson).
14
La question de la validité est en réalité complexe ; pour plus d’informations
à ce sujet, on pourra par exemple se référer à Lussato, 1998.
15
Voir aussi, à ce sujet, la notion de « bilan de compétences » (François,
2000).
16
Il faut toutefois insister sur le fait que les recherches démontrent l’intérêt
d’une telle standardisation pour ces dernières techniques qui gagnent en
validité et en fidélité lorsqu’une telle standardisation est consentie (par
exemple, le recours à des entretiens très structurés, à des grilles
d’observation standardisées, etc.).
17
Voir par exemple Bernaud (2000).
18
Bien que cela n’ait pas été évoqué précédemment, cette notion marque
aujourd’hui tous les champs de la psychologie du travail (personnel,
organisation, ergonomie).
19
Ce n’est pas la seule ; mais on ne s’attachera ici qu’à celle-là compte tenu
du propos du présent ouvrage.
20
Tout en indiquant la complémentarité des aspects individuels et collectifs
liés au travail (voir plus bas la notion de psychologie du travail et des
organisations).
21
On se reportera par exemple à McKenna (2000), ainsi qu’à Dolan et
Lamoureux (1990) pour les références précises aux auteurs cités dans ce
paragraphe.
22
Le lecteur intéressé pourra se référer à Lévy-Leboyer et Spérandio (1987),
McKenna (2000), Bernaud et Lemoine (2000), pour plus de détails sur ce
sujet.
23
Remarquons d’ailleurs que l’idée d’un « meilleur » style dans l’absolu
suppose qu’il puisse y avoir convergence d’effets des styles d’encadrement
sur des critères d’évaluation qui peuvent s’avérer contradictoires – comme,
par exemple, l’efficacité (en termes de productivité) et la satisfaction des
subordonnés.
24
Voir par exemple Burg et Jardillier, 2007, pour d’autres réflexions dans
cette perspective.
25
Il en a résulté une directive européenne concernant la gestion du stress
professionnel (prévention, protection, intervention) que certains pays ont
traduite dans leur réglementation du travail.
26
Cela n’exclut évidemment pas que des aspects individuels ne puissent être
importants, ni que des questions relatives au stress professionnel ne puissent
être envisagées – et résolues – au travers d’actions de type purement
ergonomique qui paraissent d’ailleurs incontournables en la matière.
27
Voir par exemple Laville (1998), ainsi que Lancry (2009).
28
Voir aussi Spérandio, 1980.
29
La psychologie ergonomique participe explicitement, d’une part, de la
psychologie du travail, et, d’autre part, de l’ergonomie. Elle contribue à ces
deux disciplines, à leurs recherches et à leurs actes. À ce titre, son histoire a
été et est encore aujourd’hui marquée par l’évolution de ces deux
approches.
30
Si elles ont été peu considérées jusqu’à un certain moment, ce n’était pas
parce qu’elles ne se posaient pas au travailleur, mais bien parce que des
problèmes d’une autre nature semblaient plus prégnants, compte tenu des
conditions de travail auxquelles les travailleurs étaient astreints.
31
L’article de ces auteurs a largement inspiré certaines réflexions proposées
ici.
32
On appelle « apprentissages implicites », des apprentissages que l’homme
semble faire sans avoir eu l’intention d’apprendre et vraisemblablement en
ne prenant pas ou peu conscience des « connaissances » acquises. Cette
problématique s’est avérée importante dans l’étude à visée d’ergonomie
cognitive de la conduite de processus technologiques complexes (comme
par exemple dans la conduite de processus de production dans l’industrie
chimique, les centrales nucléaires de production d’électricité).
33
Par ailleurs, passer à la perspective cognitiviste, c’était aussi ouvrir la voie à
une analyse des différences individuelles qui peuvent apparaître dans un
contexte d’action donné et insister sur l’importance de leur prise en compte
dans l’aménagement du cadre de travail.
34
Interaction homme-ordinateur : étude ergonomique des interfaces et du
dialogue entre l’utilisateur et l’ordinateur (logiciels, présentations d’écrans,
etc.).
35
L’ouvrage de Lancry consacré à l’ergonomie illustre parfaitement cette
perspective (Lancry, 2009).
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