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RESUME
En Côte d’Ivoire, l’arrivée et l’installation des grands groupes
ethnoculturels qui la peuplent se sont faites à partir des grandes
vagues migratoires dans le pays. Ainsi, l’histoire de la migration des
mandés du Nord, va connaitre plusieurs phases ayant un ancrage
dans la culture de ceux-ci. Installés au Nord de la Côte d’Ivoire, ces
derniers constitueront le point de départ des Dioula qui depuis lors,
parcourent les villes ivoiriennes pour le « dioulaya » ou le commerce,
leur activité principale. Daloa, une ville cosmopolite, n’échappe pas
aux Dioula dans leur nomadisme culturel. Cependant, fort est de
constater que paradoxalement à leur habitude culturelle, les Dioula
ont développés une sédentarisation manifeste à Daloa.
Ce présent travail vise à comprendre les logiques qui sous-tendent
cette sédentarisation des Dioula à Daloa. Cette étude essentiellement
qualitative a permis d’appréhender, d’une part, les raisons de
la migration des Dioulas vers la ville de Daloa. D’autre part, elle
élucide les facteurs explicatifs de leur sédentarisation dans la ville.
En somme, ce travail démontre que les avantages qui s’offrent aux
Dioula sur les plans économique, politique et social, justifient leur
sédentarisation à Daloa.
Mots-clés : Nomadisme culturel, Sédentarisation, Dioula, Daloa,
Côte d’Ivoire.
didié armand zadou
ABSTRACT
In Côte d’Ivoire, the arrival and settlement of the large ethnocultural
groups that inhabit it were made from the great waves of migration
in the country. Thus, the history of the migration of the Mande of the
North, will know several steps having an anchor in the culture of these.
Installed in the North of Côte d’Ivoire, these will be the starting point
of the Dioula who have since traveled through the Ivorian cities for
“dioulaya” or trading, their main activity. Daloa, a cosmopolitan city,
does not escape the Dioula in their cultural nomadism. However, it is
clear that paradoxically their cultural habit, the Dioula have developed
a sedentary settlement in Daloa.
This work aims to understand the logic underlying this settlement
of the Dioula in Daloa. This essentially qualitative study made it
possible to understand, on the one hand, the reasons for the migration
of the Dioula to the city of Daloa. On the other hand, it elucidates the
explanatory factors of their sedentarization in the city. In sum, this
work shows that the economic, political and social advantages offered
to the Dioula justify their settlement in Daloa.
Keywords: Cultural nomadism, Settlement, Dioula, Daloa, Côte
d’Ivoire.
INTRODUCTION
La Côte d’Ivoire est historiquement une terre d’immigration
(Beauchemin, 2005). Les cinq groupes ethnoculturels autochtones
(Krou, Akan, Gur, Mandé du Sud et Mandé du Nord) qui composent
le pays sont arrivés par grandes vagues migratoires à partir du XIVème
siècle. Cette tradition migratoire s’est perpétuée tout au long du XXème
siècle par des mouvements, à la fois transfrontaliers et internes,
orientés vers les villes ou vers les campagnes.
Ces flux migratoires internes et externes furent perpétués et
renforcés par le développement de l’économie de plantation. En
effet, la politique migratoire qui prévalait à cette époque en Côte
d’Ivoire était caractérisée par une ouverture à la libre circulation des
hommes et des biens et une accession facile à la propriété foncière,
consacrée par l’expression d’alors : « La terre appartient à celui qui
la met en valeur » (INS, 2002a).
1-MÉTHODOLOGIE
L’étude s’est déroulée au Centre-ouest de la Côte d’Ivoire dans la
région du Haut-Sassandra. De façon précise, l’étude a eu lieu dans
la ville de Daloa (Voir carte 1).
Dans une approche qualitative, cette étude a mobilisé comme
techniques de production de données, la recherche documentaire,
l’observation directe et les entretiens semi-directifs individuels. A cet
effet, un guide d’entretien, un dictaphone, une grille de lecture, une
grille d’observation et un appareil photo numérique ont été utilisés
comme outils de production de données.
Les personnes ressources de la présente étude étaient constituées
de la notabilité des différents villages bété de la ville de Daloa :
Tazibouo, Labia, Gbeuliville et Lobia. Les Dioulas exerçants dans
le commerce, le transport, l’administration, et autres activités
socioéconomiques ont été interviewés. A ceux-ci, s’ajoute les guides
religieux et la chefferie de la communauté Malinké de Daloa.
2-RÉSULTATS ET DISCUSSION
Figure 1 : Mots clés du discours de l’entretien avec les Dioula à Daloa
libations pour avoir des étrangers chez lui ; il fait des libations pour
que l’étranger soit prospère ». Cette assertion est traduite par les
informateurs en langue locale : « nanh n’yé’nin yéh munh ».
Cette hospitalité serait donc le point focal de la sédentarisation
des Dioula à Daloa. Car, les Dioula venu du Nord de la Côte d’Ivoire
jouissaient d’un certain avantage de la part de leur tuteur bété dans
le mode d’accès à la terre.
Par ailleurs, l’hospitalité des bété se présente comme un cadre
favorable d’un précepte culturel pour les Dioulas. En effet, dans la
culture Malinké, la dignité d’un homme provient du fait que celui-ci
arrive à se réaliser à l’étranger. « Chez nous les Malinké, quand un
enfant va en basse-côte avec la bénédiction de ses parents, s’il revient
après au village avec même des millions, s’il n’a pas construit là où
il est quitté, il n’est pas un fils digne pour la famille. C’est une honte
pour le Malinké devant ses parents si ce dernier loue une maison.
C’est pourquoi il lutte pour être propriétaire et s’installer là où il vit ».
Cette assertion du Chef de la communauté Malinké de Daloa
ouvre une piste de compréhension du point de vue culturel sur
la sédentarisation des Dioula à Daloa. Ainsi, le désir de réaliser à
l’étranger chez les Dioula, encouragé par la culture, fait d’eux, des
hommes présents au cœur de tous types d’activités économiques.
On assiste, par conséquent, à une redéfinition du Dioula. Selon un
opérateur économique Malinké : « le dioula c’est le têtu, le combatif,
le chercheur ; le dioula quitte chez lui pour aller ailleurs. Il fait tout
pour gagner de l’argent ».
Le caractère débrouillard du Dioula forgé par la culture serait donc
compatible avec les atouts de la ville. Raison de plus pour s’y installer.
Daloa est une ville qui offre une large possibilité d’exercer plusieurs
types de commerce et aussi plusieurs activités économiques. Les Dioula,
étant opportunistes, y trouvent une véritable arène économique.
Après Diaby, l’arrivée des autres Dioula s’est faite par vague
migratoire successive. Selon un informateur, « le Dioula, il vient, il
s’assoit, quand c’est bon il va petit à petit chercher son frère et plus
tard, ils créent des quartiers dioulabougou ». Ajoute un chef de famille
Malinké : « les Diaby accueillent les Diaby venu du Nord, les Cissé
accueillent les Cissé et puis ça continue ».
CONCLUSION
Au terme de cette étude, retenons que les Dioula sont une
catégorie socioprofessionnelle du groupe ethnoculturel Malinké.
Commerçant nomade à l’origine, les Dioula vont migrer, dans le cadre
de leur activité, vers de grandes villes de Côte d’Ivoire en générale et
en particulier à Daloa, jusqu’à s’y sédentariser.
Le choix de Daloa, par eux, s’explique par les atouts naturels
dont dispose cette ville. De par sa position géographique, Daloa
offre l’opportunité aux Dioula de développer leur commerce en
approvisionnant d’autres grandes villes de Côte d’Ivoire. En plus de
sa position géographique, la disponibilité de terres cultivables, la
couverture forestière et la forte pluviométrie que connaissait cette région
à l’époque, seront des indicateurs clés dans le choix des Dioula pour la
ville de Daloa. A ces différents atouts naturels, il faut ajouter la position
économique qu’a occupée la ville de Daloa. Autrefois désignée comme
un pôle économique dans la région, il ne fait aucun doute que la ville
de Daloa soit la destination de nombreux opérateurs économiques.
Par conséquent, les Dioula, dans l’optique de développer leurs
activités économiques vont choisir comme un marché la ville de Daloa.
Toutefois, le constat est que les Dioula, qui pratiquaient leurs activités
de commerce de façon nomade, commencent à se sédentariser.
L’analyse des facteurs explicatifs de cette sédentarisation a permis de
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