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Défis et perspectives
Editorial
M
archés de la zone FANAF : entre défis et perspectives,
L’Assureur AFRICAIN
Revue trimestrielle
et 27 octobre prochains à Cotonou, la ville lumière du Bénin,
de la Fédération des Sociétés
pour tenir toujours en selle le développement de leur industrie.
d’Assurances de Droit National
C’est peu dire que la dynamique du questionnement amorcée par l’in-
Africaines (FANAF)
dustrie africaine des assurances depuis un certain temps ne s’arrête
Rédaction pas. Elle continue de plus belle. Entre stratégies de croissance interne
Administration - Publicité et demande motivée de coup de pouce au législateur pour voir élargi
Directeur de Publication Le 121ème numéro de votre revue, L’Assureur Africain, s’inscrit abso-
César EKOMIE AFENE lument dans ce processus pour accompagner les acteurs. En effet,
Nazaire ABBEY BLEKOU cadres dirigeants sur la stratégie d’entreprises, il y a cet appel au
Evelyne FASSINOU renouvellement pour être au rendez-vous des enjeux de notre indus-
Conseiller
- Birahim DIENG
SOMMAIRE
Ont collaboré à ce numéro
6 ETUDES
L’ASSUREUR
AFRICAIN
20 2 3
point de vue de la FANAF et n’engagent que • L’assurance inclusive sous l’angle actuariel
la responsabilité de leurs auteurs.
P
lacée sous le thème, « La et les journées scientifiques, un
marché ivoirien. Le
troisième panel a
passé en revue la
L’ASSURE UR
perspective de
AF RICAIN changement du
statut juridique du
courtage d’assu-
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rances avec le
SE PT
retour d’expérien-
20 2 3
ce du marché
Burkinabé. Et
enfin, le dernier
P A GE
panel a fait revisiter
4
le rôle et la place
du courtier dans
l’industrie des
assurances dans
la zone CIMA.
Outre la reddi-
en 2022 à HEC la concurrence et ensuite l’in- acquis et rien n’est définitive- a été animé par un enseignant
Montréal, c’est au tour ternationaliser sur les cinq ment perdu. La stratégie reste de HEC Montréal, M. Luc
de HEC de se déplacer à continents. Pour tirer leurs une éternelle équation à Bélanger-Martin. Il est Maître
Abidjan pour animer un sémi- épingles du jeu, les participants résoudre, une équation à deux d’enseignement au
naire sur la simulation straté- devaient absolument faire variables : la cohérence et la Département de management
gique dans le cadre du partena- asseoir, tout au long de ces dif- différence pour générer de la de HEC Montréal. Sa spécialité
riat avec la FANAF. férentes étapes, des stratégies performance. touche à la fois la stratégie et la
Tout a commencé par un cas gagnantes portant notamment Ce séminaire a été aussi l’oc- gestion d’entreprise.
pratique et tout s’est terminé sur l’innovation, la globalisation, casion d’échanger avec des La clôture du séminaire a vu
par un cas pratique, appelé la différenciation, la qualité et la Dirigeants d’entreprises pré- la participation du représentant
simulation stratégique ou compétitivité. sents en Côte d’Ivoire qui ont du Bureau de Québec à
Globstrat : une entreprise que Ce fut un voyage passion- accepté venir partager leurs Abidjan. Rendez-vous déjà pris
les participants, répartis en sept nant au cours de quatre jours expériences dans la stratégie. Il pour d’autres opportunités de
groupes, devaient créer dans d’intenses activités intellec- s’agit de Monsieur Mohamed développement des compé-
un environnement de compéti- tuelles faites de rebondisse- BAH, Directeur Général du tences de cadres dirigeants de
tion, la faire grandir en prenant ments qui sont venus rappeler Groupe SUNU et de Madame sociétés d’assurances de la
des parts de marchés, nouer à tous les participants qu’en Myrtille MADODE, Associée zone FANAF.
des alliances stratégiques pour matière de stratégies d’entre- Gérant de S&E Consulting. L’Assureur Africain
L’ASSUREUR
AFRICAIN
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SE PT
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P A GE
de la zone CIMA.
anglais ont étendu leur offre de françaises, de taille moyenne pas grand-chose sur le fond. France, cette Organisation
garanties pour couvrir les et restées privées après les En effet, si, après les indé- avait pour objectif d’harmoniser
risques des entreprises étran- nationalisations, de mettre en pendances, chaque État s’était les législations et réglementa-
gères installées sur place, ainsi commun leurs moyens pour doté d’une législation propre tions nationales, de coordonner
que ceux de leurs dirigeants prospecter les territoires sur les assurances, il n’en l’exercice du contrôle des
expatriés. d’outre-mer. Sur le terrain, les demeure pas moins qu’elle entreprises et de coordonner la
Quelques années après, agents du GFA se développè- était quasiment copiée sur la loi formation en assurance des
face à l’augmentation de la rent et prirent une part signifi- française du 13 juillet 1930 et cadres africains. Le siège de la
population européenne et à la cative du marché « en recher- que la Direction des assu- CICA était à Paris.
croissance du nombre d’entre- chant la clientèle de la popula- rances du ministère français Au fil de la formation des
prises étrangères sur place, tion africaine souvent négligée des finances y jouait un rôle cadres africains, les États ont
parallèles au développement par les sociétés plus tradition- prépondérant. Malgré quelques pris conscience de l’importance
économique et démographique nelles ». Le troisième acteur mesures phares qui se sont du secteur pour le développe-
de la région, les principales français fut le groupe de révélées assez dissuasives ment de leur pays. Cette per-
sociétés françaises se sont à Mutuelles professionnelles pour les assureurs étrangers, ception s’est accentuée par
leur tour intéressées à ces mar- Monceau et leur captive de telles que l’obligation d’agré- ailleurs à l’issue de
chés. Leurs pre- réassurance Mutuelle Centrale ment local pour assurer les l’Assemblée Générale de la
miers agents géné- de Réassurance (MCR). Sous risques situés sur place et les Conférence des Nations Unies
raux furent nom- leur impulsion, une série de contraintes de représentation sur le Commerce Et le
més en Afrique sociétés mutuelles ont vu le locale des actifs représentatifs Développement (CNUCED)
subsaharienne jour en zone franc et ont pu des engagements techniques, tenue à Santiago du Chili en
f r a n c o p h o n e bénéficier de leur assistance au lendemain des indépen- 1972. Parmi ses recommanda-
quelques années technique et de leur réassuran- dances la présence française tions, la Conférence sommait
avant la seconde ce. est demeurée très marquée ainsi les pays en développe-
L’ ASSUREUR
Guerre mondiale. Pour accompagner ces trois dans l’organisation des mar- ment de créer des sociétés à
du marché en nelles françaises ont pris des par des cadres nationaux. Si,
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zone franc CFA mesures en vue d’améliorer le Émergence et évolution en réponse, certains pays
S EPT
par les acteurs suivi et la gestion des risques de la CICA membres se sont orientés vers
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français locaux : tenue de statistiques C’est dans le contexte d’une la nationalisation des opéra-
Avant l’indépen- communes, inspection des présence française très mar- teurs du secteur, d’autres ont
dance, le dévelop- risques, etc. Ces initiatives ont quée qu’est signée la première favorisé la création de sociétés
P A GE convention de la Conférence
pement de l’assu- été bénéfiques pour structurer de droit local entièrement pri-
6 rance en zone et développer des marchés de Internationale de Contrôle des vées et opérant dans un mar-
franc était principa- l’assurance africains. Elles ont Assurances (CICA), le 27 juillet ché ouvert et concurrentiel.
lement rythmé par toutefois éloigné un peu plus 1962 à Paris. Composée des Dans les deux cas, l’objectif
trois acteurs fran- les Africains de la prise en main anciennes colonies françaises était toutefois le même : rendre
çais. de leur propre marché ; et les d’Afrique de l’Ouest et centrale, africaines les sociétés opérant
Soucieux de ne indépendances n’y changeront de Madagascar et de la sur les marchés africains. Pour
ETUDES
parvenir à cet objectif, une Assurances des États des assurances : il s’agit du encours y représentent 1 600
CICA plus africaine s’avérait membres et d’une commission Code des Assurances des milliards de francs CFA (chiffres
toutefois nécessaire. interétatique de contrôle des États membres de la CIMA. 2021). Ces chiffres relative-
Ainsi, le 27 novembre 1973 assurances. Néanmoins, avant Enfin, toujours en vue d’as- ment importants au regard de
une deuxième convention de la la ratification par la majorité surer la pleine réalisation des l’historique, ne doivent cepen-
CICA est signée à Paris par les des États signataires, apparaît objectifs du Traité, trois dant pas occulter que dans la
seuls États africains (à l’excep- l’idée d’aller plus loin que la organes sont réorganisés ou réalité, ce développement de
tion de la Mauritanie et de CPDIA en créant une organisa- créés autour de la CIMA : l’assurance vie est un proces-
Madagascar) et en 1976 le tion intégrée . - Le Conseil des Ministres sus à amplifier. En effet, en
1
transféré de Paris à Libreville Émergence et qui assure la réalisation des voisins, on constate qu’en
(République gabonaise). Non fonctionnement de la CIMA objectifs du Traité) ; 2021, le poids de l’assurance
signataire de cette convention, L’idée de la création d’une - La Commission Régionale vie dans l’assurance dispose
la France ne bénéficie plus que organisation intégrée conduisit, de Contrôle des Assurances encore d’importantes marges
du statut d’observateur. le 10 juillet 1992, à la signature (CRCA, organe régulateur de la de progression : 37 % en zone
À l’aube des années 90, ce du Traité instituant une organi- CIMA qui assure le contrôle CIMA contre 46 % au Maroc,
fut l’heure du bilan de trente sation intégrée de l’industrie des sociétés, assure la sur- 46 % au Kenya et 55 % au
années d’existence de la CICA. des assurances dans les États veillance générale et concourt Nigeria.
De précieuses réalisations ont africains, dénommée à l’organisation des marchés En outre, il apparaît que le
vu le jour sous l’égide de la Conférence Interafricaine des nationaux) ; taux de pénétration officiel de
Conférence, telles que des Marchés d’Assurances (CIMA). - Le Secrétariat Général l'assurance vie (rapport entre
sociétés nationales et des ser- Le Traité instituant la CIMA est (organe qui assure la prépara- les cotisations officielles en
vices nationaux de contrôle des convenu par les gouverne- tion, l’exécution et le suivi des assurance vie et le PIB officiel)
assurances, l’Institut ments du Bénin, Burkina Faso, travaux du Conseil des est égal à 0,5 % en 2021 au
International des Assurances Cameroun, Centrafrique, Ministres et de la CRCA). sein de la zone CIMA, contre
(IIA), la Fédération des socié- Congo Brazzaville, Côte Depuis 1995, les nom- 1,8 % au Maroc, 1 % au Kenya
tés d’Assurances de droit d’Ivoire, Gabon, Guinée breuses mesures prises par la et 0,2 % au Nigeria (pour infor-
National Africaines (FANAF) ou Équatoriale, Mali, Niger, CRCA (avertissements, mation, en 2001, les taux de
encore la Compagnie Com- Sénégal, Tchad et Togo et est blâmes, mises sous surveillan- pénétration étaient de 0,2 % en
mune de Réassurance des entrée en vigueur en 1995 (la ce permanente, suspensions zone CIMA, de 0,9 % au
États membres de la CICA Guinée Bissau y adhère en de dirigeants, retraits d’agré- Maroc, de 0,9 % également au
(CICA-RE). Toutefois, à l’issue 2002). ments, etc.) et le Conseil des Kenya et de 0,1 % au Nigeria).
de ces trente années, le déve- Le traité instituant la CIMA Ministres (modifications régu- Ces chiffres se doivent néan-
loppement des marchés de fait, entre autres, référence aux lières du Code CIMA, dont moins d’être nuancés compte
l’assurance demeurait limité en objectifs de la Conférence, à la notamment sur la séparation tenu des nombreux systèmes
raison, entre autres, d’une nouvelle législation du marché des activités vie et non-vie, les d’assurance vie endogènes
mauvaise gestion de la plupart et aux organes et pouvoirs mis relèvements du capital social (réseaux familiaux de solidari-
des sociétés nationales, de en place. minimal, la fin de l’assurance à té, tontines, etc.) existant
l’inefficacité des services de crédit, etc.) ont contribué au aujourd’hui au sein de la région
contrôle au niveau national, de Les objectifs assignés développement du chiffre d’af- et qui ne sont pas pris en
l’impuissance de la CICA à la CIMA sont notamment : faires des organismes assu- compte dans les statistiques
comme organe de contrôle et - d’améliorer la couverture reurs et à un assainissement officielles. Ces seuls indica-
d’harmonisation au niveau des risques en les adaptant du marché. teurs ne sont donc pas des
rique d’intermédiaires, de l’ab- - d’encourager la rétention L’assurance vie classique nents pour mesurer le dévelop-
sence de marché financier, de des affaires au plan national et dans le marché CIMA pement du secteur de l’assu-
de marchés nationaux trop exi- - de favoriser l’investisse- Les différentes actions sique et informel)
gus pour permettre un dévelop- ment local des provisions géné- menées par le régulateur dans la zone, mais
trie des assurances, ou encore - de poursuivre la formation regard des mesures prises par pas moins que de
de tarifs inadaptés. De surcroît, des cadres et techniciens d’as- la CRCA et le Conseil des grands efforts res-
L’ASSUREUR
la CICA ne disposait d’aucun surances pour le besoin des Ministres, ont notamment per- tent à fournir afin
pouvoir de décision et les pou- entreprises et des administra- mis de promouvoir l’assurance de promouvoir
AFRICAIN
voirs publics étaient indifférents tions ; vie, secteur de l’assurance qui dans la durée et
vis-à-vis des études et - de favoriser la constitution participe directement au déve- de manière signifi-
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contrôles effectués par celle-ci : d’un marché élargi et intégré loppement et à la modernisa- cative cette activi-
SE PT
la CICA ne semblait pas assez sur l’ensemble des pays tion des économies des pays. té stratégique
intégrée dans la zone. membres ; C’est ainsi qu’entre 2001 et pour le développe- 20 2 3
Aussi, le 20 septembre 1990, - de mettre en place de nou- 2021, le poids de l’assurance ment du continent.
une troisième convention a été veaux instruments financiers ; vie dans le chiffre d’affaires de
signée à Paris par les mêmes - de poursuivre la politique l’assurance en zone CIMA est P A GE
caractérisée par la création objectifs, la Conférence s’est la zone représente 550 mil-
d’ACAM Vie
d’un Conseil des Ministres des dotée d’une législation unique liards de francs CFA, et les
ETUDES
DEMOCRATISER L’ASSURANCE DANS LA CONFERENCE
Cet article a pour objectif de fournir des orien- combat de l’exclusion financière géogra-
des Marchés d’Assurances (CIMA) sur les fac- les produits d’assurance, le partenariat
teurs à prendre en considération pour démo- public-privé, la définition ainsi que la conduite
avoir présenté les faits stylisés portant sur la Les Etats-providence doivent particulièrement
faible demande et l’insuffisance de l’offre intégrer l’assurance inclusive dans leurs dis-
d’assurances dans la CIMA, nous montrons cours de réforme pour davantage de gains de
par certains piliers. Sans prétendre à l’ex- prises et s’approprier des soutiens en
haustivité, ces piliers sont : la compréhension recherche & développement en plus d’avoir
des besoins des populations cibles afin d’of- une forte volonté politique.
frir des produits mieux adaptés, la promotion MOTS CLÉ : Assurance inclusive,
Microassurance, CIMA.
d’une éducation financière à large impact, le
L
’une des problématiques limité aux services d'assuran- Groupe consultatif d’assistan-
les plus importantes ce traditionnels, les couvrant ce aux plus pauvres – GCAP,
auxquelles sont confron- contre des risques spéci- 2007). L’assurance inclusive,
tés les systèmes financiers en fiques, en contrepartie du quant à elle, est une assuran-
Afrique Subsaharienne fran- paiement régulier des primes ce destinée aux personnes
cophone (ASF) est l’inclusion proportionnelles à la probabili- exclues, celles non desser-
financière. L'inclusion finan- té et au coût du risque encou- vies ou mal desservies – plu-
2
cière est le processus par ru (Churchill, 2007, 2009), tôt qu’une assurance ciblant
lequel une société a accès à avec une couverture et des exclusivement les pauvres ou
différents services financiers prix adaptés à leur situation le marché à faible revenu
sion, etc.), ainsi qu'à des en œuvre se fait conformé- sion financière, il a été institué
financière, dans le but d'amé- ce conventionnelles – notam- en ASF une organisation JOSEPH ROINE MENDOUA
liorer ses condi- ment les principes de base supranationale des assu- BILOUNGA*
E c o n o m i c s ,
vices financiers à
l’ensemble de la
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population. Cette
SE PT
inclusion se fait en
20 2 3 assurance à tra-
vers la microassu-
rance et l’assuran-
ce inclusive.
La microassu-
P A GE rance est un
10 modèle d’assuran-
ce accessible à
des personnes à
faible revenu ,
1
rances pour permettre à leurs sive – devenues une urgence sonnes au profil de risque lecture des statistiques qui
marchés de proposer des mondiale – pour faire face aux multiple, souvent très expo- montrent une densité et un
couvertures d’assurance risques sociaux (pauvreté, sées, et dont on ne dispose taux de pénétration à fort
mieux adaptées aux réalités maladies, dépendance en pas de données formelles sur potentiel. Le plus grand défi
qui sont les leurs, grâce à des âge, décès prématuré de l’ap- la sinistralité. auquel doit faire face à l’avenir
entreprises d’assurance porteur de pain, chômage, cri- Or le principe d’équivalence l’assurance africaine est la
saines et solvables. Parmi les minalité, déscolarisation des actuarielle énonce qu’à expo- démocratisation de son accès
réalités de ces pays, figurent enfants, etc.), aux risques cli- sition élevée, prime élevée. (Ziguélé, 2008). D’où l’intérêt
des accords informels de par- matiques (les aléas météo- Ceci étant, le prix est une de cet article.
tage des risques dans les marins tels que les tempêtes, composante importante de La suite de l’article est orga-
communautés, la force des les cyclones, les inondations, tout produit commercial et nisée comme suit. La section
traditions sociologiques, cultu- les glissements de terrain, les plus encore dans l’assurance 2 présente les faits stylisés
relles et religieuses, un pou- épisodes de sécheresse, etc.) où il reflète le risque sous- sur les marchés d’assurances
voir d’achat modeste de la et aux risques macro-finan- jacent. de la CIMA. La section 3 pré-
population, une population ciers (les crises économiques D’où la raison pour laquelle sente les vecteurs à prendre
majoritairement jeune, une et financières et leur incidence un grand nombre d’assureurs en compte pour démocratiser
économie informelle impor- sur le cycle de vie des de la CIMA n’est pas encore l’assurance dans la CIMA et la
tante, un marché du travail à ménages, le cycle de trésore- favorable à l’offre d’assurance section finale conclut.
dominance agricole et infor- rie des entreprises et la char- inclusive, et ceux qui s’y lan-
La création de la CIMA Des institutions comme breuses difficultés avec des de la CIMA : faits stylisés
constituait donc une vision et BRI-Unit Desa et Bank Rakyat résultats peu probants. et aperçu général
une action politiques salu- (Indonésie), Grameen Bank Se posent dès lors des
taires qui ont posé les jalons (Bangladesh), K-Rep (Kenya) questions à la fois pratiques et La CIMA comprend 192 mil-
de l’assurance inclusive en et Prodem/BancoSol (Bolivie), politiques : comment détermi- lions de consommateurs qui
ASF afin de tirer parti du ont démontré que les popula- ner les capacités d’accès à croît de 3 % chaque année,
potentiel de développement tions traditionnellement l’assurance des personnes à avec une espérance de vie de
de l’inclusion financière de exclues de la finance formelle faible revenu ou non desser- 56 ans (World Development
ces pays (figure 1). constituent un créneau com- vies ? Indicators, 2022). En 2020, le
mercial durable et viable pour Comment servir profitable- chiffre d’affaires vie était de
La nécessité de l’accès à des services financiers nova- ment le marché des per- FCFA 484,19 milliards (35,4%
l’assurance s’explique au tra- teurs. Cette thèse est soute- sonnes à faible revenu ? du marché global) partagé
vers de ses effets sociétaux nue par Prahalad (2005) dans Comment résoudre le pro- entre 64 sociétés.
positifs. L’accès à l’assurance son ouvrage « The Fortune at blème de versement régulier En vingt-quatre ans, le
réduit les déséquilibres de the Bottom of the Pyramid : de cotisations par des per- chiffres d’affaires vie s’est
développement grâce au lis- Eradicating poverty through sonnes qui ont généralement amélioré de 765,3 % passant
sage intertemporel de la profits », et dont la portée est des revenus irréguliers ? de FCFA 46,92 milliards en
consommation, du revenu et que les sociétés commer- Qui doit en supporter le coût 1995 à FCFA 484,19 milliards
de la richesse des personnes ciales peuvent participer à et dans quelle proportion? en 2020, soit une progression
face aux durs coups et coûts l’éradication de la pauvreté et Ce n’est donc un secret annuelle moyenne de 9,8 %.
de la vie. L’assurance inclusi- créer de la richesse, en offrant pour personne que les mil- Trois principaux produits sont
ve est un moyen pour des produits répondant à la lions de travailleurs et tra- achetés par la clientèle qui est
atteindre certains objectifs de contrainte qualité-prix aux vailleuses agricoles et infor- composée des
politique publique, notamment pauvres, sans que leur objec- mels en ASF n’ont accès ni à personnes moral-
la couverture sanitaire univer- tif Primus inter pares – qui est la prévoyance sociale, ni à es (branche col-
selle, la sécurité alimentaire et la réalisation du profit – soit l’assurance, et ils regardent lective) et des
l'atténuation des consé- mis à mal. avec espérance les réactions particuliers (bran-
quences économiques des Bien que la microassurance des décideurs politiques pour che individuelle),
L’ASSUREUR
changements climatiques. soit aujourd’hui instrumentali- améliorer leur situation, ou du à savoir les
Elle contribue à la rupture sée en ASF, la majorité de la moins attendent des proposi- contrats mixtes, AFRICAIN
du cycle vulnérabilité-pauvre- population n’a pas encore tions innovantes des assu- les contrats en
té en permettant de disposer accès à l’assurance. reurs et des décideurs poli- cas de décès et
N° 1 21
d'un revenu de réserve, d'une En effet, s’il est facile de dire tiques. l’épargne (figu-
SE PT
épargne suffisante ou d'un que la microassurance est Au regard du bilan des tren- res 2 et 3).
20 2 3
accès au crédit (Churchill et une manière efficace de four- te ans de fonctionnement de
Reinhard, 2012), et réduire les nir aux marchés à faible reve- la CIMA, peut-on dire qu’elle a Les autres pro-
inquiétudes financières grâce nu une couverture à la fois atteint les objectifs de couver- duits sont encore
P A GE
à une plus grande résilience avantageuse pour les assurés ture d’assurance inclusive – en phase d’acqui-
11
face aux risques (Demirgüç- et rationnelle pour les assu- notamment l’assurance agri- sition (retraite
Kunt et al., 2022). reurs, notons que la microas- cole et l’assurance dans les complémentaire,
Le paradigme actuel des surance présente des contra- zones rurales qu’elle s’est contrat en cas de
politiques de développement dictions et des contraintes assignés depuis 1992 ? Bien vie et titres de
économique repose sur la fortes aux assureurs. Il s’agit qu’il y ait des progrès considé- capitalisation).
croissance favorable aux de proposer des produits à rables, nous n'hésitons pas à
ETUDES
Figure 2 : Portefeuille en assurance-vie collective Figure 3 : Portefeuille en assurance-vie individuelle
Source : Auteur à partir des rapports annuels de la CIMA Source : Auteur à partir des rapports annuels de la CIMA
M
algré cette progres- Figure 4 : Tendance de la densité annuelle d’assurance vie par habitant dans la CIMA
ché, la figure 4
L’assurance non-vie est tion, qui ternit plus tard l’image Figure 5 : Portefeuille en assurance non vie
élevées au monde) et
moyenne mondiale.
la tendance mondiale
de l’assurance qui
En utilisant un autre
indicateur de consom-
Figure 7 : Evolution comparée de la densité de l'assurance entre la CIMA,
mation de l’assurance,
l’Afrique, l’Amérique latine et le monde.
les faits stylisés pro-
découlant de la densité
d’assurance .
6
tions d’assurances
rapporté au produit
de pénétration) est
inférieure à l’unité
dans la CIMA.
rance ne représente
et 9).
L’ASSUREUR
AFRICAIN
N° 1 21
SE PT
20 2 3
P A GE
13
CIMA représente la
moitié de celle de
de pénétration sont
sensiblement les
mêmes (moins de
1 % du PIB), et très
à ceux d’Amérique
latine et caraïbes
(1,7 %) et la
moyenne mondiale
(4 %). Ce taux ne
connait véritable-
dans la CIMA.
E
n somme, la grande jouent un rôle important dans mécanismes de de distribu- rent des dépenses impor-
majorité de la population la gestion des fluctuations des tion, tantes de marketing auprès
de la zone CIMA n'a pas revenus et la prévention des et (iv) les aspects réglemen- d’une clientèle peu familiari-
encore accès à l'assurance risques. taires. Ces deux aspects sée aux connaissances de
formelle. La conséquence est Mais cette gestion informel- méritent une étude approfon- l’assurance formelle. Ils
que les populations restent le doit être soutenue par la die. redoutent aussi et surtout
nature covariant ou systé- travers une assurance inclusi- 3. Les piliers des petits sinistres et les
mique (le cas de la Covid 19) ve. de la démocratisation de retards et l’absence de renou-
et sont, à cet effet, vulné- MAPFRE Economics (2020) l’assurance dans la CIMA vellement des contrats pour
Les chocs tels que les facteurs auxquels l'inclusion Démocratiser l’assurance Notons cependant que l’as-
catastrophes naturelles, les financière dans l'assurance se dérive du vocable ‘’démocrati- surance inclusive constitue
maladies, les accidents, le heurte, à savoir ceux qui ont ser la finance’’, une expres- une solution rationnelle pour
décès prématuré du soutien trait aux limites affectant la sion souvent attribuée au lau- les assureurs afin d’infléchir la
de famille, les crises écono- demande d'assurance et ceux réat du prix Nobel d'économie tendance de la faible deman-
miques, le chômage et la qui concernent les aspects Robert Shiller (2003) qui, de d’assurance dans la zone
perte d’emploi, la sécheresse, liés à l'offre. dans son livre The New CIMA.
les inondations, les ravages Côté demande, trois obs- Financial Order : Risk in the Les personnes non desser-
de culture par les tacles principaux doivent être 21st century, développe l’idée vies et celles mal desservies
d’autres événe- une plus grande inclusion financier véritablement démo- une opportunité commerciale
ments adverses, financière dans l'assurance à cratique appliqué avec suc- évidente pour le secteur de
détruisent la savoir le faible niveau de reve- cès, faciliterait la prise des l'assurance. Prahalad (2005)
base écono- nu de la population cible ; (ii) risques nécessaires pour critique la logique dominante
mique et la pro- le caractère saisonnier des mettre l’énergie intellectuelle selon laquelle les pauvres
L’ASSURE UR ductivité des revenus disponibles, et (iii) le et les idées des gens à la dis- n'ont pas de pouvoir d'achat et
ménages et des faible niveau d'éducation position de la production de ne représentent pas un mar-
AF RICAIN
petites et moyen- financière. biens et de services utiles à la ché viable. Pour lui, il est
SE PT dans le meilleur associés au rythme de crois- A la question de savoir pour- gement actif du secteur privé
20 2 3 des cas, les sance économique dans un quoi les assureurs ne servent- qui devrait opter pour challen-
transferts infor- pays ainsi qu’à sa structure de ils pas les pauvres, l’une des ge la transformation de la pau-
P A GE mels au sein des distribution des revenus. Côté réponses est que les pauvres vreté en une opportunité de
14 réseaux (amis, offre, on note quatre obstacles sont plus chers à servir. Les profit.
voisins, collè- à savoir : assureurs craignent les coûts La première raison pour
gues, parents, (i) les modèles d'entreprise de transaction associés à la laquelle l’assurance inclusive
tions sportives, (ii) les caractéristiques grands volumes de petites nelle pour les (ré)assureurs
ou confession- dominantes dans la concep- polices ainsi que des coûts est qu’elle offre une nouvelle
nelles et reli- tion des produits d'assurance ; liés à l’asymétrie d’information opportunité de croissance du
gieuses, etc.) (iii) le besoin de nouveaux (Churchill, 2007). Ils encou- marché et de création de
ETUDES
valeur pour les actionnaires. risques après encaissement comprendre les besoins des plus fine sur leurs assurés et
Certes, le pouvoir d'achat de de la cotisation d’assurance groupes cibles, le gouverne- de prendre en compte de
ceux qui gagnent moins de par une assurance de finan- ment et les (ré)assureurs doi- nouvelles variables de tarifi-
USD 2 par jour ne peut être cement plus novatrice basée vent investir et s’investir dans cation afin d’aboutir à des
des personnes à revenu de l’assurance attachée à et la recherche-action, les (De Malleray, 2017). Il facilite
élevé, cependant, de par leur l’agriculture contractuelle. études de marché, les projets la tarification au comporte-
nombre, les pauvres repré- Pour y parvenir, les (ré)assu- pilotes et les évaluations d’im- ment.
sentent un pouvoir d'achat reurs doivent cesser de faire pact sur l’opérationnalisation Les outils que fournissent
latent important qu'il convient des suppositions sur ce que de ces projets. Ce qui deman- les nouvelles technologies
de libérer (Prahalad, 2005). ressentent les populations de un niveau de proximité permettent de combler rapi-
Aussi, soulignons la présence non desservies et les écouter élevé avec la population cible. dement le manque d'informa-
d’une classe moyenne qui n’a réellement à travers une pla- D’ailleurs, l'hétérogénéité de tions sur les assurés. Avec
pas accès à l’assurance. Le teforme de dialogue. la base de consommateurs ces outils, le parcours client
dividende démographique de Les sociétés de (ré)assu- en termes de langue, de cul- sinistre connaît moins de gou-
l’ASF (population en pleine rance doivent éviter la pra- ture, de niveau de compéten- lets d’étranglements.
atout pour le bon fonctionne- à servir les marchés du bas le premier défi (Prahalad, 3.2. Promouvoir
ment de la loi des grands de la pyramide en apportant 2005). une éducation financière
nombres qui s’applique en des modifications mineures Concernant la tarification, le à large impact
Explorer ce marché latent (Prahalad, 2005). Cette pra- temps réel les hypothèses uti- minimum est une condition
va changer le point de vue tique qui consiste à insister lisées par les actuaires pour sine qua non de l’inclusion
selon lequel la recherche du sur la forme au lieu de la fonc- la tarification des produits. financière. Elle constitue un
profit des sociétés privées et tionnalité n’est pas durable. L’incidence est que les primes élément fondamental des
la lutte contre la pauvreté ne Les définitions de l’assuran- à payer reflèteront au mieux écosystèmes de marketing
font pas bon ménage. ce inclusive données par la prime et les programmes pour transformer les per-
Deuxièmement, certaines Churchill (2007) et par de réassurances peuvent sonnes à faible revenu en
innovations engendrées par MPFRE Economics (2020) dégager pour les microassu- consommateurs en réduisant
l’assurance inclusive trouve- soulignent l'importance du reurs un bénéfice net (Chow les barrières psychologiques
ront des applications dans groupe cible. Une première et al., 2019). relatives à l’usage des ser-
l’assurance conventionnelle. étape dans la promotion de Les nouvelles technologies vices financiers. Comme le
À cet effet, il va de soi que les l'assurance inclusive en tant sont indispensables pour développement financier
leçons tirées de l’expérience qu'outil de réduction de l'ex- améliorer l’efficacité de la exige la divulgation d'informa-
de l’assurance inclusive pour- clusion financière nécessite gestion de grands volumes de tions (Levine et al., 2000),
ront influencer les pratiques une compréhension plus petites transactions que peut l’éducation financière doit
de management des sociétés approfondie des comporte- générer la commercialisation démultiplier son action de
d’assurance dans l’ensemble. ments des groupes cibles, des produits d’assurance au sensibilisation au sein de la
Les leviers sur lesquels les leurs spécificités, les risques niveau des segments de mar- population.
décideurs politiques et les auxquels ils sont confrontés, chés cibles. Dans les zones rurales, les
assureurs de la CIMA doivent les perceptions qu’ils font de Elles permettent aussi de messages doivent passer en
s’appuyer pour mettre en ces risques, les mécanismes réduire significativement les langues locales à travers les
place des politiques d’assu- de gestion des risques dont coûts de transaction et, par chaînes de radio
rance inclusive sont les sui- ils disposent, leurs disposi- conséquent, de rendre et les ateliers de
vants : tions à payer pour une cou- viables les produits pour la formation. Par
3.1. Comprendre les payer pour passer à une cou- destinés. Sans cela, la majeu- Colombie, le
besoins et les risques des verture plus étendue, les prin- re partie de la prime devrait Président a fait de
groupes cibles : le rôle de cipaux obstacles (comporte- être affectée à couvrir les frais la publicité pour la L’ASSUREUR
l’innovation pour une offre mentaux cognitifs, réglemen- d'administration, les coûts de microassurance à
AFRICAIN
des produits plus adaptés taires et institutionnels) qui distribution et les marges pru- la télévision. Il
limitent leur accès et leur utili- dentielles, et la part à allouer s’agit là d’un mes-
N° 12 1
Pour répondre aux besoins sation des services (Ferrara au paiement des sinistres sage fort de sen-
des groupes cibles, c’est-à- et al., 2023). aurait un très faible pourcen- sibilisation et d’in- S E PT
dire proposer des produits Ces auteurs soulignent tage dans la prime. Cela citation qui donne 2 0 23
d’assurance performants et à qu’une telle compréhension signifie que l'assurance ne du crédit à l’assu-
des prix accessibles, les approfondie est importante remplirait plus son rôle de rance au niveau
(ré)assurances de la CIMA non seulement pour identifier mutualisation des risques ou national. P AGE
doivent innover et tirer parti le type de solution sur mesure de génération d'épargne et ne D’après le 15
des nouvelles technologies qui pourrait fonctionner pour créerait donc pas de valeur Conseil de
de l’information et de la com- le consommateur, mais aussi pour les assurés (MAPFRE l’OCDE (2005),
munication. pour savoir comment promou- Economics, 2020). Le digital cité par l’Institut
Il est temps de compléter voir le changement de com- permet aux assureurs de pour l’Education
l’assurance conventionnelle portement qu'une solution mieux connaître leurs clients, Financière du
fondée sur la couverture des viable pourrait exiger. Pour de disposer d’une information
ETUDES
Public, l’éducation financière die, l’accident, la dépendance pensable qu’ils disposent de mations financières.
est le processus par lequel les en âge, la mort, les obsèques, connaissances de base. Certes, la fracture ou discri-
consommateurs et investis- l’incendie, la succession, etc. Les médias (émissions télé, mination géographique est
seurs améliorent leur connais- L’assurance suscite donc de réseaux sociaux, feuilletons une stratégie marketing qui
sance des produits, concepts la peur. En plus, elle est un radiophoniques) sont égale- permet de maintenir l’équilibre
et risques financiers, acquiè- produit à faible adhésion, pour ment des canaux à large financier et la rentabilité des
rent au moyen d’une informa- lequel le consommateur paie impact. sociétés de (ré)assurance (du
tion, d’un enseignement ou souvent sans pour autant lui Les leçons tirées de l’expé- fait des faibles coûts de tran-
d’un conseil objectif, les com- accorder beaucoup de consi- rience des praticiens consti- saction due à la disponibilité
pétences et la confiance dération – notamment lors- tuent le meilleur guide pour d’une infrastructure logistique
nécessaires pour devenir plus qu’elle est perçue comme une ceux qui veulent concevoir de fiable permettant d'accéder
sensibles aux risques et taxe (l’assurance responsabi- nouveaux programmes d’édu- aux consommateurs poten-
opportunités en matière finan- lité civile obligatoire). Il arrive cation du public (Dror et al, tiels ou à une clientèle édu-
cière, faire des choix raison- en pratique que, des per- 2012). Il y a aussi des cam- quée).
nés, en toute connaissance sonnes ayant souscrit à une pagnes d’éducation financière Cependant elle a l’inconvé-
de cause, savoir où trouver assurance demandent à récu- au cours desquels les forma- nient d’être une option de
une assistance financière, pérer leur prime au cas où teurs peuvent faire com- court terme car elle privilégie
prendre d’autres initiatives aucun paiement n’aurait lieu, prendre au marché cible com- les bénéfices immédiats au
efficaces pour améliorer leur car leur argent aurait plutôt ment fonctionne l’assurance, détriment d'un résultat à plus
bien-être financier. Cette édu- été gaspillé. ce qu’elle peut et ne peut pas long terme. Elle donne
cation tient à la fois aux conte- Le concept fondamental de faire (Churchill, 2007). Le d’ailleurs naissance à un pro-
nus et aux mécanismes de sa l'assurance – dépenser de mécénat d’entreprise consti- blème structurel de fracture
transmission. l'argent en échange d'un paie- tue aussi un canal à travers sociale et de saturation du
Le contenu des pro- ment incertain couvrant un l’éducation financière qui peut marché, qui à son tour entraî-
porter sur l’éducation financiè- n'est par conséquent pas En apportant un soutien L’une des questions clé de
re de base (l’impact du plan- simple (Platteau et al., 2017), financier ou matériel sans la conception des pro-
ning familial sur la résilience d’où l’importance de l’éduca- contrepartie directe aux activi- grammes d’assurance inclusi-
financière du ménage, la ges- tion des consommateurs et tés comme l’agriculture ou ve est la relation entre la taille
tion du budget familial, la ges- consommateurs potentiels sur une activité d’intérêt général de l’opération (en termes
tion du patrimoine, les notions son fonctionnement. Les (la culture, le sport, l’environ- d’adhésion) et sa viabilité
d’épargne et de crédit, l’infla- efforts d’éducation vont donc nement, la recherche, l’aide financière.
tion), des connaissances sur au-delà de la vente et s’éten- humanitaire, etc.), les assu- Les unités de microassu-
la gestion des risques qui dent au champ de création reurs peuvent passer certains rance et d’assurance inclusive
pèsent sur le ménage (com- d’une culture assurancielle et messages qui améliorent leur doivent être proches de leur
ment identifier les vulnérabili- financière (Churchill, 2007). présence sociétale vis-à-vis base de clients, car la popula-
maladies, maîtriser les Concernant les méca- faible revenu n'ont ni les
risques sur les activités). nismes de transmission de 3.3. Combattre l’exclusion moyens ni la possibilité de se
Concernant l’assurance l’éducation financière, dans financière géographique déplacer de leur lieu de rési-
notamment, comme l’évoque les zones rurales, l’on peut se dence aux centres de ser-
De Malleray (2017), contraire- servir de l’aide d’un sage du Les compagnies d’assuran- vices en permanence. L’offre
ment à d’autres village ou d’un responsable ce ainsi que leurs réseaux de faite par le canal de certains
produits tels que de communauté pour faire distribution sont implantées agrégateurs (notamment les
les enseignes de passer les messages adé- dans des zones à très forte établissements de microfinan-
luxe, l’habillement, quats. Les échanges avec agglomération constituant des ce – EMF et les banques) est
l’agroalimentaire, ces personnes-ressources grands pôles d’activités éco- très avantageuse en termes
le sport, qui invi- permettent d’avoir des infor- nomiques, en excluant les de gestion des défaillances du
L’ASSURE UR
tent le consomma- mations sur la compatibilité petites villes et les zones marché (sélection adverse,
teur à se projeter des produits offerts avec la rurales dont ils présument ne risque moral et coûts de tran-
AF RICAIN
dans un univers culture. pas remplir les conditions de saction).
désirable où il est Cette formule d’approche rentabilité et d’assurabilité. Les EMF ont l’avantage
N° 1 21
en pleine forme, est aussi appropriée du fait de Par conséquent, les habitants d’avoir un portefeuille de
SE PT
élégant et entouré l’existence d’une pléiade de des zones rurales ne se client large, et d’avoir des
20 2 3
d’objets de valeur, langues. L’on peut également voient pas seulement refuser informations sur les flux finan-
les assureurs faire recours aux outils d’édu- l'accès aux services, mais ciers de leurs clients. Mais
n’ont d’autre choix cation ludiques (Churchill et aussi aux connaissances sur relevons que les plus pauvres
P A GE
que d’inviter leurs McCord, 2012), ou encore ce qui est disponible et sur des pauvres n’ont pas accès
16
clients à envisager donner une place de choix à comment les utiliser aux EMF. Et c’est leur inclu-
le pire. Le quoti- l’éducation financière dans (Prahalad, 2005). Et même sion financière qui est la plus
dien des des programmes scolaires dans les grandes villes, très difficile.
conseillers en primaire et secondaires, car à peu d’entreprises et de per- Churchill et McCord (2012)
assurance tourne cet âge, les jeunes sont sonnes souscrivent à une révèlent que d’après l’expé-
autour des sujets confrontés à la gestion de leur assurance du fait d’un rience, toute organisation
tels que la mala- premier budget et il est indis- manque de culture et d’infor- effectuant déjà des transac-
ETUDES
tions avec les plus démunis, pement ne disposent pas suf- Régulation et de Dévelop- tique.
et qui jouit de leur confiance, fisamment de ressources et pement de l’Assurance en La carence d’instruments
peut constituer un canal de d’infrastructures pour garantir Inde (Insurance Regulatory financiers fait que les produits
distribution potentiel. La distri- la prévoyance sociale pour and Developement Autority – d’épargne des banques et
bution des produits d’assuran- tous. Séparément, ni le gou- IRDAI Act). A travers cette loi, des assureurs ne soient pas
ce inclusive et de microassu- vernement, ni les assureurs le gouvernement indien a mis incitatifs pour les ménages et
rance utilise à cet effet des privés n'ont réussi à garantir l’accent sur des contraintes entreprises locales ou les
canaux modestes. Ces une assurance inclusive et réglementaires pour faire de multinationales qui veulent
canaux doivent tenir compte une protection sociale à large l’assurance un instrument rentabilisés leurs patrimoines
des coûts de distribution, et impact. financier accessible. Le pre- financiers. Il y a donc en per-
de ce fait, doivent privilégier la D’où la nécessité d’une mier document juridique, qui manence un risque de fuites
souscription de groupes qui coordination marché-institu- date de 2002, intitulé « de capitaux qui sont indispen-
fait appel aux agrégateurs. Il tions publiques pour corriger Obligations of Insurers to sables au développement.
s’agit en pratique des EMF, cet échec. L’expérience de la Rural and Social Sectors » Jouissant d’énormes réserves
des coopératives et des GIC, CIMA montre que l’offre d’as- exige des assureurs privés la techniques, les assureurs pla-
des ONG, des entreprises de surance fournie par les forces vente d’un certain pourcenta- cent plus de la moitié de ces
pompes funèbres, l’e-insuran- du marché uniquement ne ge de contrats d’assurance à fonds dans les comptes de
ce, la bancassurance, des peut aboutir à une offre socia- des clients ruraux et sociaux, dépôt à terme auprès des
églises, des organismes lement optimale. Il y a d’une selon des quotas évolutifs. banques secondaires ou dans
publiques et parapublics, des part le problème de l'offre Une politique fiscale préféren- les obligations d’Etats, alors
entreprises de télécommuni- d’assurance dans les zones tielle est aussi cruciale pour que les banques sont répu-
cation, etc. rurales et périphériques, et alléger la charge fiscale des tées être surliquides dans la
3.4. Synergie entre acteurs tion des branches non géné- d’impôt certains produits. Pour remédier à cette
du marché : le partenariat riques n’ayant pas suffisam- Dans le cadre de la CIMA, défaillance des marchés de
public-privé ment de statistiques histo- nous recommandons la mise capitaux, les autorités poli-
riques de sinistralité acces- en place d’une fiscalité har- tiques doivent prendre des
Par essence, l’objectif de sibles à la réassurance inter- monisée spécifique aux assu- mesures fortes comme l’obli-
l’assurance inclusive est nationale (les risques agri- rances (par type de produits). gation d’admission à la cote
double. Tout d’abord, il s’agit coles par exemple). Une Notons que, lorsqu’elle est de toutes les entreprises
de donner un engagement action coordonnée entre l’Etat incitative, la politique fiscale ayant un capital seuil (par
social profitant aux clients et le marché est donc une contribue à réduire la fraude exemple de FCFA 5 millions) :
quel que soit leur niveau de condition préalable pour aug- en assurance. Les réassu- petites et moyennes entre-
vie. Ensuite, il faut associer à menter la densité d’assuran- reurs, quant à eux, doivent prises, entreprises de ser-
cela un engagement financier ce. rendre disponibles des pro- vices privées, publiques et
Sur le long terme, ces deux Les gouvernements pour pour des lignes de couverture mettre à toutes les entreprises
objectifs ne se contredisent leur part, définissent les poli- des risques de microassuran- financières à être cotées en
pas car bénéficier à toutes les tiques nationales d’assurance ce et apporter leur soutien bourse dans leur première
parties prenantes est la seule inclusive et soutiennent la aux assureurs au niveau de opération de création. La
solution commerciale viable. demande à travers le cofinan- l’assistance technique, la for- demande d’agréments des
À court terme cependant, des cement des primes (subven- mation ou le soutien lors de la institutions du secteur finan-
tensions peuvent apparaître tionnement) et via la sensibili- phase de développement des cier doit être conditionnée par
(McKee et al., 2011). En com- sation. Aux Philippines par produits. l’admission en
nomie de marché propre à sponsorise tous les ans un « 3.5. Rendre les marchés rendre les mar-
qui est tournée vers la réalisa- (Churchill et McCord, 2012). davantage pro-
tion du profit – à la dimension Par ailleurs, l’intervention Il n’y a pas de marché d’as- fonds et plus
L’ASSUREUR
protection sociale – propre à gouvernementale stimule la surance rentable sans mar- attrayant en
l’Etat – les programmes d’as- confiance et maintient la fidé- ché financier. L’assurance termes de renta-
AFRICAIN
surance inclusive sont sus- lité des clients ex post la transforme le capital dormant bilité de l’épargne
Cependant, comme le sou- demande d’assurance. Par travers la levée de l’épargne estime que 40 %
P A GE
ligne Churchill (2009), les per- exemple, le leader mondial publique en plus de son rôle de l’épargne afri-
17
sonnes pauvres ou exclues actuel de l’innovation en de transféreur de risques ou caine est repla-
ne peuvent pas se permettre microassurance (l’Inde), a d’organisme de mutualisation. cée dans des cir-
de cotiser auprès d’orga- envoyé un signal fort au mar- Cette levée de l’épargne loca- cuits extérieurs à
nismes de sécurité sociale ché et à la population avec le endogène réduit le recours l’Afrique et ne
d’une part, et les gouverne- l’entrée en vigueur de la loi de à l’endettement extérieur qui favorise pas le
ments des pays en dévelop- 1999 sur l’Autorité de accentue la dépendance poli- développement
ETUDES
des productions nationales à La démocratisation de l’as- Financière – AFI, 2018). tiques doivent créer des
cause du déficit de dyna- surance, en tant que service Les objectifs finals ou inter- organes autonomes et leur
mique des marchés finan- public, demande la définition médiaires doivent être quanti- assigner le mandat de défini-
ciers. des stratégies nationales de fiés et comptabilisés dans le tion et d’application de la poli-
finance inclusive. Cette défini- temps (par exemple, atteindre tique d’inclusion financière. À
3.6. Définir et conduire ment de stratégie comportant ou une densité d’assurance la pratique, la plupart des
la politique de finance des définitions opération- par habitant au moins égale à pays ayant défini des straté-
inclusive nelles des concepts d’assu- la densité moyenne de gies nationales d’inclusion
Au lieu de bénéficier de la surance, des objectifs finals et Quant aux indicateurs ou ont procédé, soit à un dia-
dynamique et la rentabilité intermédiaires, ainsi que de baromètres, ils doivent fournir gnostic approfondi du secteur
des marchés financiers étran- bons baromètres, non seule- un renseignement sur la financier avant d’élaborer la
gers en transférant l’épargne ment sur les dimensions d’ac- valeur de la couverture d’as- stratégie, soit un diagnostic
nationale à l’extérieur, les cessibilité et d’utilisation de surance pour les clients (par approfondi à travers une série
autorités monétaires de la l’assurance, mais aussi sur la exemple, par le taux de sinis- d’études sur l’offre, la deman-
zone CIMA doivent créer la qualité de service (l’Initiative tralité, le taux de renouvelle- de et la réglementation de
rentabilité de leurs marchés Accès à l’Assurance – A2ii et ment des contrats). Par l’assurance (A2ii et AIF,
L
’assurance inclusive est en personnellement utilisable (bonne mesures de développement du
première ligne des moyens éducation financière des bénéfi- marché. Il s’agit en priorité de
rationnels de lutte contre les ciaires, jargon des produits simpli- convertir les pauvres en consom-
pertes agréées au niveau macroé- fié) et socialement utile (améliora- mateurs grâce à l’usage des nou-
CONCLUSION
conomique, à travers la prévention tion continue du bien-être individuel velles technologies, la recherche-
des risques pour protéger les popu- et collectif). Les attentes en matière développement, l’éducation citoyen-
lations ainsi que leurs patrimoines de politique d’inclusion financière ne à la résilience aux risques. Sans
contre des coups et des coûts inat- occupent une place importante prétendre que l’assurance inclusive
tendus suite à la survenue d'événe- dans les stratégies de développe- constitue une solution miracle à
ments adverses et malencontreux. ment et il va sans dire que les ques- l’ensemble des problèmes de déve-
Pour qu’elle joue efficacement tions que pose l’assurance inclusive loppement auxquels font face les
son rôle de mutualisation de risques ne sont pas nouvelles. pays de la CIMA, mais si l’on étend
dans la CIMA, l’assurance doit être Démocratiser l’assurance dans la le taux de couverture de l’assuran-
fonctionnelle, et pour qu’elle soit CIMA nécessite d’intenses efforts ce, cela améliorerait la productivité
fonctionnelle, elle doit être inclusive, de coordination des politiques et un et la résilience de la population qui
c’est-à-dire économiquement partenariat public-privé, qui doivent serait davantage prudence et bien
accessible à tous (prix abordable), agir de manière intelligente sur des informée à la gestion des risques.
1- Les personnes à faible revenu sont classées comme celles qui gagnent soit moins de USD 2 par jour en parité
de pouvoir d’achat, soit la moitié de la moyenne du revenu annuel par habitant du pays considéré dans les pays en
2- Les femmes, les enfants, les agriculteurs, les personnes handicapées, la population rurale, les petites et
moyennes entreprises et les travailleurs de l’économie informelle, font partie des groupes socioéconomiques moins
3- La CIMA regroupe les Etats suivants : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, République du
AFRICAIN
Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad et le Togo. Les
Comores n’ont pas encore ratifié le traité et la Guinée Conakry a bénéficié d’un statut d’observateur en 1998 et en
N°1 2 1
1999.
S E PT
5- Nous avons converti les cotisations d’assurance exprimées en USA en FCFA au cours de 1 USD = XAF
18
6- L’usage du taux de pénétration d’assurance ne produit pas nécessairement le même résultat que celui de la den-
sité d’assurance. Le numérateur restant le même (primes émises nettes d’annulations), le diviseur (PIB ou taille de
la population) peut changer la conclusion. Par exemple, le Gabon dispose d’une forte densité d’assurance par habi-
tant, mais elle a un faible taux de pénétration. Ce résultat est similaire à celui de l’Afrique du Sud, qui est classé
29e mondial sur la densité d’assurance par habitant (USD 1080), et deuxième mondial en taux de pénétration d’as-
électroniques.
financier régional.
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L’assurance inclusive
N° 1 21
Un grand nombre de personnes n'ont dans la zone CIMA a du mal à démarrer
SE PT
donc pas accès à l'assurance, alors contrairement aux marchés dans les
20 2 3
que si elles y avaient accès, elles pour- pays subsahariens anglophones où de
ments défavorables, mais aussi pour rences inhérentes entre les disposi-
prendre des risques afin de faire pro- de l'assurance traditionnelle (ou clas-
Le marché de l'assurance inclusive détail les différences entre les deux. Renata DE LEERS*
ETUDES
Le chapitre du « Risk Book mentaire au sens large, et les abordable pour le client et social et économique. Il est
» (en Fr : Livre sur les membres de la profession durable pour le prestataire, également vrai que tous les
risques) de l'Association actuarielle. qui permet aux clients finan- types d'assurance ne fournis-
Actuarielle Internationale Le chapitre sur l'assurance cièrement non desservis ou sent pas seulement une cou-
(AAI) consacré à l'assurance inclusive du Risk Book, mal desservis d'utiliser des verture de protection contre
inclusive présente une intro- publié en 2021 (voir IAA services financiers formels les risques défavorables,
duction de haut niveau à l'as- 2021), présente l'assurance plutôt que les options infor- mais aussi la confiance
en quoi ce type d'assurance Nous vous en présentons Les produits d'assurance prendre des activités com-
diffère de l'assurance tradi- quelques points saillants et accessibles à tous compren- merciales plus risquées,
tionnelle (aussi appelée « vous encourageons à le lire nent tous les produits d'assu- jouant à la fois un rôle positif
classique »), telle qu'elle est par vous-même. L'intégralité rance destinés aux marchés d'incitation sociale et écono-
généralement enseignée du Risk Book est également non desservis ou mal desser- mique et fournissant une
dans les programmes acadé- disponible sur le site de l'AAI. vis. Ces marchés sont géné- sécurité dans des circons-
miques en actuariat ou en Qu'est-ce que l'assurance ralement des marchés d'as- tances défavorables. Ces
assurances. inclusive telle que définie surance dans les pays en aides sont particulièrement
dans le « Risk Book » ? développement (du point de précieuses pour les per-
Le « Risk Book » de l'AAI Le chapitre du Risk Book vue de l'assurance), mais ne sonnes au-dessus du seuil
définit l'assurance inclusive sont pas limités à ces pays. de pauvreté, car un seul évé-
L'AAI (Association Actua- comme des produits d'assu- La micro-assurance est un nement défavorable risque
rielle Internationale) est l'or- rance permettant aux adultes sous-ensemble de l'assuran- de les faire basculer définiti-
ganisme mondial représen- d'avoir un accès effectif aux ce inclusive qui se concentre vement sous le seuil de pau-
tant la profession actuarielle. produits d'assurance et sur les populations à faibles vreté.
Son « Risk Book » présente d'épargne proposés par les revenus. Le paysage de l'assurance
des sujets actuariels acces- assureurs par l'intermédiaire Il est bien établi qu'un inclusive évolue rapidement.
sible à un large public com- de prestataires formels. meilleur accès à des services Des études mondiales
prenant les utilisateurs de L'accès effectif est expliqué financiers accessibles à tous, récentes (MIN 2020, MIN
services actuariels, les étu- comme l'implication d'une y compris l'assurance, contri- 2021 et MIN 2022) renforcent
diants en actuariat, la com- prestation de services effica- bue à réduire la pauvreté et à ce point, comme l'illustre le
L'importance accrue
en 2020 reflète la
réponse rapide du
secteur de l'assurance
la pandémie de
COVID-19. La capaci-
té d'adaptation et de
marque de fabrique de
nombreux fournis-
seurs d'assurance
inclusive.
indemnise un montant
AF RICAIN
journalier pour chaque
nuitée hospitalisée
N° 1 21 MicroInsurance Network 2020, MIN 2021 et MIN 2022 sur base des informations collec-
tenant compte d’une
SE PT tées dans les enquêtes – les réponses des interviewees sont volontaires )
franchise
20 2 3
P A GE À un niveau élevé, la chaîne de valeur de l'assurance accepte le risque financier en échange du paiement de
• Partenaire de distribution : Tout acteur jouant un rôle • Prestataire de services techniques (PST) : Il fournit
dans la distribution de l'assurance. Il peut y avoir plu- des services techniques à un partenaire de distribution,
sieurs partenaires de distribution qui travaillent à un assureur ou à toute autre partie de la chaîne de
ensemble ou successivement pour distribuer l'assuran- valeur de l'assurance. Il peut s'agir de services actua-
• Assureur ou porteur de risque : Toute partie qui vices de développement international ou de connais-
ETUDES
sances spécifiques à Diagramme 1 : La chaîne de valeur de l'assurance traditionnelle
un pays ou à un mar-
d'atteindre un type de
consommateur.
ve d'assurance inclu-
sive.
différences significa-
traditionnelle et l'assu-
rance inclusive.
différences et les
changements dans
inclusive 2021)
flèches du diagramme
2. (Ci-dessous)
L
es PST jouent générale- nantes sont souvent impli- en œuvre efficace de l'assu- nels bien développés comme
ment un rôle beaucoup quées dans la mise en œuvre rance inclusive. l'Afrique du Sud, un certain
plus important dans l'as- d'aspects clés de l'assurance nombre de conditions préa-
surance inclusive que dans inclusive, et certaines d'entre Conditions actuarielles lables sont généralement pré-
sive de l’expertise et de l’ex- vent être extérieures au sec- D'un point de vue actuariel, • Une offre abondante d'ac-
périence que les assureurs et teur de l'assurance. Ceci dif- les différences notées ci-des- tuaires, l'existence d'une for-
les distributeurs plus tradi- férencie l'assurance inclusive sus reflètent le contexte du mation actuarielle et l'existen-
tionnels n'ont pas forcément. de l'assurance traditionnelle travail actuariel. Sur les mar- ce de normes profession-
De multiples parties pre- et complique souvent la mise chés d'assurance tradition- nelles solides ;
L’ ASSUREUR
AFRICAIN
N °1 2 1
S EPT
2 02 3
PA GE
23
nées pertinentes, opportunes et d'analyse des données ACTEX Publications, entre les produits d'assuran-
• L’accès à des systèmes surance par les clients peut outils et approches actuariels ronnement socio-écono-
permettant la collecte et être limitée, en particulier standard ne soient pas adap- mique et du profit des
l'analyse de données par les pour ceux qui souscrivent tés aux marchés de l'assu- besoins de clients n’ayant
prestataires, le secteur et au pour la première fois une rance inclusive, et que leur pas accès à l’assurance tradi-
• La confiance dans l'assu- résultats inattendus, tels que Le défi pour la profession
• Un cadre réglementaire rance peut faire défaut ; et des primes ou un traitement actuarielle est de savoir com-
raisonnablement bien déve- • Il se peut qu'il n'y ait pas des sinistres inappropriés. ment prendre les connais-
loppé et flexible, et compris de réglementation adaptée à Pour plus d'informations sances actuarielles tradition-
par les acteurs du marché. l'assurance inclusive ou, à sur le chapitre du Livre des nelles et les transférer dans
Dans de nombreux autres tion existante constitue un ce inclusive, vous pouvez conditions préalables tradi-
marchés de l'assurance inclu- obstacle à l'assurance inclu- consulter le chapitre lui- tionnellement attendues,
sive, la réalité est sans doute sive. même (voir IAA 2021) ou actuarielles et plus générales,
différente et les conditions Ces questions sont exami- assister à deux webinaires, ne sont pas remplies. Les
préalables ne sont souvent nées plus en détail dans organisés en février 2023, au actuaires devront donc faire
pas remplies : l’analyse intitulée ‘Addressing cours desquels l'AAI se preuve de souplesse, d’inno-
the Gap in Actuarial Services penche sur les conclusions vation et de résilience. Ils
• L'offre d'actuaires quali- in Inclusive Insurance de ce chapitre (Voir devront être capables d'appli-
fiés peut être limitée ou Markets', de l’Association https://www.youtube.com/wat quer des principes sous-
• Les données peuvent ne ions/Inclusive_Insurance.asp produits d'assurance inclu- tiques depuis plusieurs
pas être disponibles ou diffici- x?hkey=20718186-6e51- sifs. décennies. Ce défi est ampli-
lement collectables (ce qui 457d-abde-cb1f7181a865I). La profession actuarielle fié par la nécessité de refléter
pourrait, par exemple, entraî- Quelques exemples de la peut jouer un rôle important le contexte actuel et futur de
ner l'absence de tables de manière dont ces questions dans la fourniture efficiente, chaque pays.
adaptées aux communautés donnés dans le livre « produits. Pour y parvenir, les *Déléguée Générale,
Actuaires du Monde,
visées par l’assurance inclu- Actuaries in Microinsurance : actuaires qualifiés et les ana-
Association Loi 1901
sive) ; Managing Risk for the lystes actuariels doivent être
(www.actuairesdumonde.org
Références
Blacker 2015 : Blacker, J. (éditeur), Actuaries in Microinsurance : Managing Risk for the Underserved, ACTEX
AAI 2023, "Webinaire de l'AAI : Le chapitre du livre sur le risque d'assurance inclusif, Sessions 1 et 2', Voir
https://www.youtube.com/watch?v=l_j2bK-AdEI et https://www.youtube.com/watch?v=YTr3n7wPVS
AAI 2021, "Inclusive Insurance", chapitre du Risk Book, Association Actuarielle Internationale, 2021. Voir
https://www.actuaries.org/IAA/Documents/Publications/RiskBook/IAARiskBook_InclusiveInsurance_2021-12.pdf.
AAI 2017, "Assessing Risk and Proportionate Actuarial Services in Inclusive Insurance Markets - An Educational
L’ASSURE UR
Paper and Toolkit", Association Actuarielle Internationale, 2018. Voir
https://www.actuaries.org/iaa/IAA/Publications/Papers/Inclusive_Insurance/IAA/Publications/Inclusive_Insurance.a
AF RICAIN
spx?hkey=20718186-6e51-457d-abde-cb1f7181a865.
IAA 2014, 'Addressing the Gap in Actuarial Services in Inclusive Insurance Markets', Association Actuarielle
N° 1 21
Internationale, 2014. Voir
SE PT https://www.actuaries.org/iaa/IAA/Publications/Papers/Inclusive_Insurance/IAA/Publications/Inclusive_Insurance.a
20 2 3 spx?hkey=20718186-6e51-457d-abde-cb1f7181a865.
MIN 2020, "The Landscape of Microinsurance 2020", Micro Insurance Network 2020. Voir https://microinsuran-
cenetwork.org/resources/resource-13621
MIN 2021, "The Landscape of Microinsurance 2021", Micro Insurance Network 2021. Voir https://www.ada-
P A GE
microfinance.org/sites/default/files/inline-files/Landscape%20of%20Microinsurance%202021_Report.pdf.
24
MIN 2022, "The Landscape of Microinsurance 2022", Micro Insurance Network 2022. Voir https://microinsuran-
cenetwork.org/resources/the-landscape-of-microinsurance-2022
Adapté par Renata DE LEERS, Déléguée Générale d’Actuaires du Monde et membre du Forum virtuel sur l'as-
surance inclusive de l'AAI, de l'article original rédigé par Jules Gribble et publié sur la plateforme Actuaries Digital
le 23 mars 2023.
ETUDES
L’instauration de nouvelles assurances
obligatoires dans l’espace CIMA
Le choix d’instituer des assu- ce, les assurances obligatoires
sécurité, face à des risques qui ler les ailes. Comme souvent, le
peuvent dépasser les capacités de diable se cache dans les détails… Dessanin Ewèdew Thierry
AWESSO*
la solidarité collective. À l’éviden-
Les premiers résultats de rer et d’assurer. À proprement d’assurance desdits profes- entre la CIMA et la Conférence
l’étude commanditée par la parler, l’assurance obligatoire sionnels concerne aussi les interafricaine de la prévoyance
Conférence interafricaine des suppose la souscription d’un véhicules utilisés dans le cadre sociale (CIPRES) sur la ques-
marchés d’assurances (CIMA) contrat ayant pour objet l’octroi de leur activité. À titre compa- tion.
sur les assurances obliga- de la garantie exigée par le ratif, en République En attendant les résultats
toires, présentés lors de la législateur. Il conviendra donc Démocratique du Congo finaux de l’étude sur les assu-
47ème Assemblée Générale d’écarter les assurances obli- (RDC), le Code des assu- rances obligatoires dans l’es-
de la Fédération des Sociétés gatoires conventionnelles rances de 2015 mentionne six pace CIMA, la présente
d’Assurances de Droit National résultant de la force obligatoire assurances de dommages réflexion se propose d’étudier
Africaines (FANAF), en février des contrats. À titre d’illustra- obligatoires : l’assurance res- l’utilité (I) et la complexité (II)
2023, à Kinshasa, vont dans le tion, l’assujettissement à la ponsabilité civile des proprié- de l’instauration de « nouvelles
sens de la proposition de la souscription d’une assurance taires de véhicules terrestres à » assurances obligatoires dans
création de nouvelles assu- de responsabilité civile auto- moteur ; l’assurance responsa- l’espace CIMA.
rances obligatoires dans les mobile est une assurance obli- bilité civile des transporteurs
États-membres de la CIMA. Il gatoire. En revanche, on est aériens ; l’assurance respon- I. L’utilité de l’instauration
convient de préciser que ces en présence d’une garantie sabilité civile des transporteurs des assurances obligatoires
assurances ne sont pas toutes obligatoire lorsque, par le seul maritimes, fluviaux et lacustres
aussi « nouvelles », dans la effet de la loi, une garantie ou des voies de navigation L’assurance obligatoire est
mesure où certaines existent spécifique est automatique- intérieures ; l’assurance des un moyen efficace de garantir
déjà. En réalité, dans l’espace ment incluse dans un contrat risques de construction ; l’as- le transfert de risques impor-
CIMA, les assurances obliga- d’assurance déjà existant. La surance incendie ; l’assurance tants, mettant souvent à mal
toires peuvent être classées souscription de ce dernier des facultés à l’importation. les principes de mutualisation,
en deux catégories. La premiè- n’est pas ici obligatoire Dans les États-membres de au marché assurantiel (A). Par
re est celle des assurances (Kullmann, 2014, p. 95). la CIMA, les deux types d’as- ailleurs, en for-
rendues obligatoires par le Le législateur CIMA a ainsi surances obligatoires les plus çant la mutualisa-
législateur CIMA. La seconde rendu obligatoire l’assurance répandues, édictées par le tion, impliquant
est celle des assurances obli- des véhicules terrestres à législateur national, sont rela- notamment les
gatoires émanant des législa- moteur et de leurs remorques tives aux risques de construc- capacités éta-
teurs nationaux. Ces dernières et semi-remorques, l’assuran- tion (assurance tous risques tiques, l’assuran-
peuvent aussi résulter d’enga- ce des facultés à l’importation chantier et RC décennale) et à ce obligatoire
L’ASSUREUR
gements internationaux des (dans la mesure où les législa- l’exercice de professions régle- améliorerait l’as-
États. Il faut noter que l’étude tions nationales le prévoient) mentées. surabilité des AFRICAIN
commanditée doit faire le bilan et l’assurance des agents Il ressort des états généraux risques couverts
de la mise en œuvre des assu- généraux, courtiers et autres de la FANAF de mars 2018, à (B). N° 1 21
rances obligatoires de la CIMA intermédiaires d’assurance et Abidjan, que l’instauration de
SE PT
et déterminer les conditions de capitalisation (Assi-Esso, nouvelles assurances obliga- A. Le transfert
20 2 3
dans lesquelles de nouvelles Issa-Sayegh et Lohoues-Oble, toires devrait rester à la discré- de risques
assurances obligatoires 2002, p. 336). De manière plus tion de chaque État-membre importants
seraient introduites par ses subtile, on peut aussi relever qui pourra définir l’étendue des au marché
P A GE
États-membres. l’assurance responsabilité civi- garanties, ainsi que les méca- assurantiel
Avant d’aller plus loin, il le des professionnels de la nismes de contrôle. Il faut éga- Lorsque l’on se 25
convient d’emblée de distin- réparation, de la vente et du lement souligner que l’assu- demande pour-
guer les assurances obliga- contrôle de l’automobile dont rance santé obligatoire, qui ne quoi il faut des
toires des garanties obliga- la responsabilité n’est pas cou- fait pas l’objet de la présente assurances obli-
toires. Les premières, au verte par l’assurance de leurs analyse, y a été également gatoires, il
centre de la présente analyse, clients. Prévue à l’article 201 abordée, avec un accent parti- convient de rap-
crées une obligation de s’assu- du Code CIMA, l’obligation culier pour la collaboration peler que l’assu-
ETUDES
rance se construit sur deux de la personne assujettie qui nologiques, 54 755 décès et des risques qui n’induiraient
grands piliers du « contrat est principalement visée afin de 419 256 personnes touchées pas de pertes substantielles et
social » : la solidarité et la res- faciliter l’indemnisation d’éven- ont été dénombrés en Afrique dont la couverture serait ren-
ponsabilité. Tout d’abord, l’obli- tuelles victimes. En somme, (CRED, 2020, 2019). table. Au-delà de la capacité à
gation d’assurance met en l’assurance obligatoire de la L’importance financière, et évaluer les risques, qui peut
œuvre les obligations que la responsabilité permet – au tra- humaine, des risques à couvrir être mise à mal face à des
société incorpore dans les vers du rétablissement de peut justifier le manque d’appé- risques insuffisamment
droits et des devoirs sociaux. l’équilibre économique entre un tence des (ré)assureurs de connus, l’importance des
Ensuite, cette obligation est un acteur porteur de risques et l’espace CIMA qui ne vou- risques dépend aussi de la
mécanisme essentiel de régu- une potentielle victime – la pré- draient pas s’exposer à des possibilité de constituer une
lation des activités dans la servation de l’efficacité de risques pour lesquels la mutua- collectivité d’assurés permet-
société. Partant, « l’obligation l’obligation générale de réparer lisation reste encore très faible. tant de diluer le risque. Cette
est le signe de la reconnais- le dommage que l’on cause Plus singulièrement, le faible dernière doit être suffisamment
sance de l’assurance et de sa injustement à autrui (Foussat, taux de pénétration de l’assu- importante et diversifiée, pour
fonction sociale. Elle marque 2002, p. 842‑843). rance dans la zone CIMA, faire jouer la loi des grands
l’âge de la société assurantielle En fonction de leurs finalités autour de 0,9 % en 2019, ne nombres et le théorème central
et rappelle que la fonction que indemnitaires, les assurances permet pas d’envisager une limite qui sont au cœur de la
nous donnons à l’assurance, obligatoires vont de la protec- mutualisation suffisamment mutualisation (Charpentier,
dans nos sociétés, est incom- tion des personnes à celle des homogène et diversifiée pour 2011, p. 112‑113). L’aversion
parable » (Ewald, 1992, p. biens. Il s’agit de garantir la compenser les éventuelles au risque conduit alors, en l’ab-
77‑78). protection de victimes face à pertes. Partant, l’opération sence d’obligation d’assurer, à
D’un point de vue écono- d’importants risques de dom- d’assurance ne serait pas éco- ne pas proposer la couverture
mique, deux arguments peu- mages. À ce propos, certains nomiquement rentable et expo- de risques pour lesquels la
vent être avancés en faveur de risques sont identifiés comme serait les assureurs au désé- mutualisation est insuffisante.
l’assurance obligatoire. Le pre- étant non convenablement quilibre financier. On comprend Si de telles offres existaient,
(Gollier et Rochet, 1992, p. couverts dans la zone CIMA : donc que sans obligation de elles pourraient même s’avérer
Il faut rappeler que la sous- établissements recevant du tion d’une mutualité suffisante raison de leurs
cription d’une assurance est à public, les risques (locatifs) en peut être difficilement conce- coûts prohibitifs et
l’origine une démarche pure- matière d’habitation, les vable. L’assurance obligatoire des conditions de
ment égoïste, dans laquelle, risques de constructions et les renforce ainsi l’assurabilité des g a r a n t i e .
notamment en assurance de risques de catastrophes dites risques transférés au marché L’assureur qui doit
L’ASSUREUR
responsabilité, la victime «naturelles ». assurantiel. composer avec
potentielle n’est pas directe- Sur ce dernier point, selon l’inversion du cycle
AFRICAIN
ment prise en compte. Elle le Swiss Re, en 2019, l’écart en B. La garantie de production ne
sera, le plus souvent, au matière de couverture assuran- de l’assurabilité des peut que prendre
N° 1 21
moment du sinistre et de l’in- tielle desdites catastrophes risques transférés des précautions
demnisation, quand il s’agira, était de plus de quatre milliards qui éloignent aussi SE PT
entre autres, de sauvegarder de dollars en Afrique (Swiss Re L’assurabilité technique est les porteurs de 20 2 3
l’image du responsable. Avec Institute, 2020, p. 30). On peut souvent mise à mal par la bons risques. Sur
l’obligation d’assurance, on aussi adjoindre comme poten- connaissance et l’importance ce point, il faut
passerait alors d’une finalité tielle assurance obligatoire, des risques transférés aux souligner que
P A GE
économique à une finalité l’assurance des activités à assureurs (Mayaux, 2002, p. l’obligation d’assu-
27
sociale, voire socio-écono- risques pour l’environnement et 766). Si l’on s’attarde ici sur rance, qui s’impo-
mique. Il est davantage ques- la santé humaine. En effet, l’importance des risques, se aux bons et aux
tion de protéger certaines caté- selon le Centre for Research comme obstacle à l’assurance, mauvais risques,
gorie de personnes ou encore on the Epidemiology of elle renvoie à la capacité finan- réduit les risques
de servir l’intérêt général. C’est Disasters (CRED), de 2000 à cière à porter un risque donné. de sélection adver-
la préservation de la solvabilité 2019, 1690 catastrophes tech- La préférence irait donc vers se, étant donné
ETUDES
que seules les personnes qui obligatoires, particulièrement 215). périodique, si elles posent des
se savent les plus exposées les personnes à faible revenu, Les institutions profession- règles de garantie déconnec-
souscriraient volontairement. on pourrait envisager, sous nelles, organisant les condi- tées du droit positif, non seule-
En revanche, le contrôle de réserve de préserver l’aléa tions d’exercice de certaines ment, elles s’avèreront ineffi-
l’aléa moral peut en sortir fragi- moral, de subventionner la professions et activités, caces, mais aussi dange-
lisé si les conditions de garan- souscription d’assurance. devraient être également sou- reuses car elles créeraient une
tie ne sont pas suffisamment Toutefois, si ces personnes mises à l’institution légale de illusion de sécurité.
Il faut souligner que l’assu- importante des assujetties, le (Kullmann, 2014, p. 101‑102). doivent être soigneusement
rance obligatoire affecte trois choix d’une assurance obliga- En effet, en l’absence de fon- définies au regard de la poli-
points essentiels de la relation toire doit être repensé car le dement légal, le justiciable tique exprimée par l’obligation
contractuelle entre assureur- niveau escompté de mutuali- pourra toujours soulever l’illé- d’assurance. Cela se fait
souscripteur, qui est en princi- sation pourrait être sérieuse- galité de l’obligation d’assuran- notamment par le biais de
pe libre. Tout d’abord, les par- ment mis à mal par l’absence ce dont le non-respect veut clauses-types, que lesdits
ties sont privées du droit de ne d’assurance. Cette dernière être sanctionné. Dans ces contrats sont réputés contenir,
pas contracter. Ensuite, le droit constatation est un rappel du conditions, le but visé par permettant d’atteindre l’objectif
pour l’assureur de choisir son fait que l’instauration d’une l’obligation d’assurance, ne recherché. À titre d’exemple, le
cocontractant demeure théori- assurance obligatoire est un pourra pas être atteint. Code congolais des assu-
quement difficile car il peut se processus complexe qui recèle Le régime des assurances rances prévoit, en son article
voir imposer un assuré. Enfin, bien de difficultés. obligatoires repose sur au 239, que toute assurance obli-
la libre détermination du conte- moins quatre éléments fonda- gatoire de dommages com-
nu du contrat est réglementée II. La complexité mentaux : la détermination des prend l’édiction de clauses-
puisque chaque assurance de l’instauration des risques assurés, la fixation de types, la définition de l’étendue
obligatoire concerne un risque, assurances obligatoires la prime, le règlement des de la garantie, le cadre de tari-
en principe, précisément défini sinistres, les contrôles et sanc- fication et le taux de commis-
(Kullmann, 2014, p. 98). Par Mal pensée, l’instauration tions (Lambert-Faivre, 1997, p. sionnement des intermédiaires
ailleurs, le rôle de l’État aux d’une assurance obligatoire 553). En réalité, l’obligation d’assurance.
côtés des assureurs prend ici peut être source de difficultés d’assurance est l’archétype de Ainsi, lorsque le but recher-
tout son sens. Ses capacités non seulement pour les assu- l’atteinte à la liberté contrac- ché est l’indemnisation des
«illimitées » peuvent être jetties, mais également pour tuelle. Tout d’abord, le droit de victimes de dommages corpo-
mises à contribution pour amé- les potentielles bénéficiaires. ne pas contracter est neutrali- rels, il est possible de limiter
liorer les capacités du marché De ce fait, la définition minu- sé puisque la souscription obli- l’obligation d’assurance à cette
assurantiel. La participation de tieuse des régimes d’assuran- gatoire résulte d’une décision seule garantie. En outre, les
l’État, en tant que « réassu- ce obligatoire est essentielle des pouvoirs publics (Favre exclusions autorisées doivent
reur» en dernière ligne, sera (A). En dehors de ce prére- Rochex et Courtieu, 2000, p. être strictement délimitées
vitale face à des risques pou- quis, il faut aussi veiller à pré- 38). pour sauvegarder la finalité de
vant mettre à mal les capacités server la pérennité du fonction- Ensuite, dans la mesure où l’assurance et le montant des
de réassurance. nement desdits régimes (B). « l’obligation d’assurance s’en- garanties doit être à la mesure
l’Algérie, qui a instauré en A. La définition rer, et non de celle de délivrer S’agissant des primes, il fau-
2003 l’assurance obligatoire des régimes d’assurance l’assurance », le droit de choi- drait éviter que leur fixation soit
des catastrophes naturelles, obligatoire sir son cocontractant demeure totalement laissée à la discré-
est assez typique. Le législa- théoriquement libre. Dans les tion des assureurs. Le risque
teur a prévu que la garantie de Soulignons d’entrée que faits toutefois, l’assureur peut est que l’absence d’encadre-
l’État peut être accordée à un seul le législateur est habilité à se voir imposer un assuré par ment conduise les assujetties,
ou plusieurs réas- déterminer le domaine des une autorité comme le Bureau en raison de prix excessifs, à
pour pratiquer les Néanmoins, la loi peut se (Durry, 1992, 2002). Enfin, le l’assurance requise. Il faut
opérations de contenter de poser le principe droit de déterminer librement relever que si l’État fait le choix
réassurance des de l’assurance obligatoire dans le contenu du contrat est très d’instaurer une « solidarité
risques de catas- une matière et déléguer à un restreint puisque chaque assu- subsidiante » (Dubuisson,
L’ASSURE UR trophes naturelles. règlement d’exécution le soin rance et garantie obligatoires 2010, p. 107), c’est-à-dire un
La Compagnie d’en préciser les conditions de concerne un risque défini par transfert des bons vers les
AF RICAIN centrale de réas- garantie et d’application. En le texte qui les fonde mauvais risques, dans la col-
surance bénéficie droit comparé, le juge français (Kullmann, 2014, p. 98). lectivité des assurés ; cela
N° 1 21 ainsi de cette a aussi admis qu’une autorité S’agissant des risques assu- peut conduire à interdire à l’as-
garantie à travers administrative peut créer une rés, il faut relever que les obli- sureur de segmenter là où il
SE PT
une convention obligation d’assurance, gations d’assurance ne seront l’aurait naturellement fait. Par
20 2 3
par laquelle l’État lorsque le législateur lui a que des « coquilles vides » au conséquent, les risques
intervient en cas confié le soin de fixer les cas où leur contenu n’est pas seraient tarifiés sans tenir
de dépassement conditions d’exercice d’une nettement précisé. Si les obli- compte de leur réel prix actua-
P A GE
de ses capacités profession ou d’une activité, gations d’assurance ne riel.
28
d’indemnisation. À même sans mention expresse concernent que des risques Concernant le règlement des
une échelle infé- d’une quelconque assurance. marginaux, si elles autorisent sinistres, il faut rappeler que
rieure, pour garan- Toutefois, la nature de la pro- toutes les exclusions conven- l’indemnisation de certains
tir que toutes les fession ou de l’activité doit exi- tionnelles de risques, si elles sinistres est l’objectif qui déter-
personnes assu- ger une telle assurance (CE, ne fixent aucune garantie mini- mine l’édiction d’assurance
jetties souscrivent Sect. de l’intérieur, avis du 24 male, ou fixent des garanties obligatoire. Dans cette pers-
aux assurances février 1994, RGAT 1995, p. dérisoires sans réévaluation pective, il est possible d’instau-
ETUDES
rer une limitation des exclu- sureur ne s’exécute pas, il du BCTR s’étendent aux obli- instaurée par la CIMA. S’il en
sions de risques, voire rendre encourt le retrait de son agré- gations d’assurance déjà ins- est ainsi, de deux choses l’une:
certaines exclusions licites ment administratif et des sanc- taurées, ou qui le seront, par le soit la CRCA reste compétente
inopposables aux victimes. Il tions administratives. Il législateur CIMA. pour les obligations d’assuran-
en est ainsi de l’inopposabilité convient de souligner que le Concernant les BCT automo- ce de la CIMA et le BCTR n’in-
aux victimes d’accidents de la BCT n’a compétence pour agir biles, on peut considérer que tervient que pour les obliga-
route de l’exclusion de garantie que lorsque cela a été expres- toutes les dispositions natio- tions d’assurances d’origine
pour défaut de permis. sément prévu. En droit congo- nales instituant lesdits bureaux nationale ; soit les compé-
Cependant, certaines excep- lais, par exemple, sur les six sont abrogées par l’entrée en tences de la CRCA, reconnues
tions demeurent opposables assurances de dommages obli- vigueur du Code CIMA. aux BCT, sont transférées au
aux victimes, à l’instar de la gatoires prévues par le Code Cependant, si l’on considère BCTR, qui officiera pour les
nullité du contrat pour fausses des assurances, la saisine de que la mise en place des BCT obligations d’assurances natio-
déclarations intentionnelles, la la Commission de tarification nationaux n’est pas contraire nales et régionales.
suspension du contrat pour n’est expressément prévue au Code CIMA, leur survivance Quoi qu’il en soit, l’instaura-
non-paiement de la prime, ou qu’en matière d’assurance pourrait être admise. Ceci d’au- tion d’un BCTR, pour les assu-
encore l’absence de souscrip- automobile et de construction tant plus que le Code CIMA ne rances obligatoires édictées au
tion de l’assurance obligatoire. (articles 178 et 209 du Code leur substitue pas expressé- sein des États-membres, inter-
Dans ces situations, seule l’in- des assurances). ment de BCTR. Néanmoins, il roge. En effet, l’étude en cours
tervention d’un fonds de garan- À ce propos, les résultats faut relever, aux termes de l’ar- et les résolutions des états
tie permettrait de respecter la provisoires de l’étude de la ticle 302 du Code CIMA, que la généraux de la FANAF de mars
finalité de l’assurance obligatoi- CIMA sur les assurances obli- Commission régionale de 2018 gravent dans le marbre le
de sanctions administratives,
nécessaire de veiller à la
fonctionnement. gatoires prévoit également la contrôle des assurances fait que les États-membres gar-
création d’un Bureau Central (CRCA) « peut imposer l’usage dent la latitude d’instaurer les
du fonctionnement des (BCTR). Il n’est pas précisé si fixer les montants maximaux et sées. Partant, ces derniers
régimes d’assurance cet organe aura seulement minimaux des tarifications ». Si devraient être ceux qui organi-
compétence pour les « nou- ces attributions se rapprochent sent les moyens
Nous relevions l’importance velles » assurances obliga- de celles des BCT, peuvent- de contrôle et de
d’un organe administratif toires, instaurées par les légis- elles y être totalement assimi- sanction, dont fait
garantissant la mise en œuvre lations nationales, ou si ses lées ? Il est permis d’en douter, partie le BCT. Sauf
des obligations d’assurance. compétences s’étendront éga- surtout que les conditions d’ap- à considérer, entre
Ayant rang d’autorité adminis- lement aux assurances obliga- plication de ces compétences autres, que l’initia-
trative indépendante (Moreau, toires instaurées par le législa- en matière d’assurance obliga- tive de proposition
L’ASSUREUR
1990), cet organe, générale- teur CIMA. Il faut ici rappeler toire ne sont pas précisément des assurances
ment dénommé Bureau central que le législateur CIMA n’a pas définies. D’ailleurs, les résul- obligatoires par la AFRICAIN
de tarification (BCT), ou créé de BCT, y compris pour tats provisoires de l’étude sur CIMA lui donne
Commission de tarification en l’assurance automobile obliga- l’assurance obligatoire suggè- compétence pour
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RDC, intervient lorsqu’un assu- toire. Toutefois, certains États rent de rattacher le BCTR à la instaurer un
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jetti à l’obligation d’assurance avaient mis en place des BCT CRCA pour « mutualiser les BCTR, ou qu’il est
rencontre des difficultés à s’as- en matière d’assurance auto- coûts de gestion ». On peut un désir d’harmo- 20 2 3
surer, voire un refus. Ce refus mobile avant l’adoption du dès lors inférer que ces diffé- nisation des pra-
d’assurer n’est pas toujours Code CIMA en 1992. Il s’agit, rents organes n’ont donc pas, tiques – sur des
explicite. Il résulte souvent du par exemple, du Cameroun, du ou n’auront pas, vocation à questions qui relè- P A GE
silence gardé par l’assureur ou Congo-Brazzaville et du Togo avoir les mêmes compétences. vent, rappelons-le, 29
de la soumission de la couver- qui ont créé un BCT en insti- La question reste donc ouverte; des législateurs
ture à des conditions non pré- tuant l’assurance automobile sauf si la CRCA se reconnaît nationaux, qui
vues par les textes fondant obligatoire, respectivement en compétente, au vu de ses attri- n’ont pas attendu
l’obligation d’assurance. Après 1965, 1970 et 1987. À ce titre, butions générales, pour inter- le législateur CIMA
décision du BCT, sur saisine de il serait logiquement envisa- venir en cas de refus de déli- pour édicter des
la personne assujettie, si l’as- geable que les compétences vrer une assurance obligatoire assurances obliga-
ETUDES
toires – , le « transfert de com- appliquer des régimes d’assu- d’un assureur. Il s’agit d’un élé- ment des victimes d’accidents
pétences » à la CIMA peut se rances obligatoires qui n’exis- ment fondamental qui doit ras- de circulation, qui auraient dû
révéler problématique. La diffi- tent pas, ou qui le sont sous surer les personnes assujetties bénéficier de ce système de
culté pourrait demeurer même d’autres formes, dans leur à l’obligation d’assurance. En solidarité. La question se pose
si ce choix est optionnel. propre corpus législatif. effet, les assurés ont souvent alors de savoir si la CIMA ne
Tout aussi problématique, Enfin, il faut souligner l’impor- été trop déçus par le sort qui a devrait pas reprendre la main
sera l’organisation des recours tance des fonds de garanties, été le leur, face non seulement sur ce sujet épineux.
contre les décisions du BCTR. ce que relève aussi l’étude sur à des assureurs indélicats, qui Somme toute, l’instauration
Sur ce point, l’organisation des les assurances obligatoires. Il peinent à honorer leurs enga- de nouvelles assurances obli-
BCT automobiles prévoyait la faudrait au moins deux types gements (Dié Kouénéyé, 2018, gatoires dans les États-
possibilité pour le Commissaire de fonds : le premier est desti- p. 198), mais aussi face aux membres de la CIMA répond à
du gouvernement de demander né à se substituer aux tiers en faillites d’assureurs, malgré des besoins de sécurité, de
qu’il soit de nouveau statué, si cas d’absence, ou de défaillan- l’évolution des contrôles pru- protection de la société, voire
la décision prise lui paraît criti- ce, de l’assurance obligatoire ; dentiels de la CRCA (Ngbwa, de solidarité. Cependant, elles
quable. Le fonctionnement du le second doit se substituer aux 2014). ne produiront l’effet escompté
BCTR devra donc prendre en assureurs pour pallier leur Pour le premier fonds, il que si des garanties substan-
compte les spécificités natio- défaillance. Soulignons que convient de rappeler que le tielles sont imposées, leur
nales, sauf à tout refonder. Par l’étude de la CIMA ne semble législateur CIMA a instauré la souscription contrôlée et sanc-
ailleurs, les décisions d’un BCT pas donner une vocation régio- création d’un Fonds de tionnée. Par ailleurs, l’impossi-
sont susceptibles d’un recours nale aux deux types de fonds Garantie Automobile (FGA) au bilité de les mobiliser, du fait de
pour excès de pouvoir devant de substitution sus-évoqués niveau de chaque État- l’assureur ou de l’assuré, doit
le juge administratif. (fonds se substituant au tiers et membre. Ce fonds, prévue à être comblée par des fonds de
Il se posera alors la question celui se substituant aux assu- l’article 600 du Code CIMA, garantie. Pour finir, avant de se
de l’absence, en zone CIMA, reurs). prend en charge, lorsque le lancer dans la création d’autres
d’un organe juridictionnel À l’évidence, l’établissement responsable des dommages assurances obligatoires, il
supranational stricto sensu, ce du second fonds ne devrait pas demeure inconnu ou n’est pas serait quand même temps –
que la doctrine assurantielle dépendre de l’instauration d’as- assuré, les indemnités dues pour tous les États-membres
appelle de ses vœux (Bekada surances obligatoires, dans la aux victimes de dommages de la CIMA – de faire un «
Etoundi, 2020). Si l’on insère, mesure où il vise à garantir que corporels ou à leurs ayants grand ménage » dans leurs
sans aménagements, le BCTR les engagements des assu- droit. Vingt-deux ans après son obligations d’assurance pour
dans le système institutionnel reurs seront toujours tenus. Un instauration en 2001, l’applica- s’assurer non seulement de
actuel de la CIMA, c’est le tel fonds de garantie des assu- tion de l’obligation de mise en leur adaptation, mais aussi du
Conseil des ministres des rés – qui fait défaut au niveau place du FGA n’a pas progres- fait que les assujetties – assu-
assurances qui devrait être de la CIMA, même pour les sé. reurs et souscripteurs obligés –
l’unique instance de recours. assurances obligatoires – est La mise en conformité des jouent leur partition.
derait à certains États de faire défaillance liée à l’insolvabilité fait encore attendre, au détri- *Doctorant en Droit privé
NOTES
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d’Assurance-Vie, Sanlam est aujourd’hui le
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