Vous êtes sur la page 1sur 32

Bulletin de la Fédération des Sociétés d’Assurances de Droit National Africaines - N° 121 - SEPTEMBRE 2023 - ISSN 0805/7732

Défis et perspectives

Editorial
M
archés de la zone FANAF : entre défis et perspectives,
L’Assureur AFRICAIN

c’est sous ce thème au contenu évocateur que les

ISSN 0850 / 7732 acteurs des marchés de l’assurance échangeront les 26

Revue trimestrielle
et 27 octobre prochains à Cotonou, la ville lumière du Bénin,
de la Fédération des Sociétés
pour tenir toujours en selle le développement de leur industrie.
d’Assurances de Droit National
C’est peu dire que la dynamique du questionnement amorcée par l’in-
Africaines (FANAF)
dustrie africaine des assurances depuis un certain temps ne s’arrête

Rédaction pas. Elle continue de plus belle. Entre stratégies de croissance interne

Administration - Publicité et demande motivée de coup de pouce au législateur pour voir élargi

BP 308 - Dakar le portefeuille des assurances obligatoires, entre couvertures de


Tél (221) 33 889 68 38
risques émergents et recherches de nouvelles cibles assurantielles
E-mail :
notamment à travers la microassurance, il faut aller pêcher au large »
secretariatfanaf@fanaf.org
pour assurer une croissance accélérée au secteur afin qu’elle prenne
Site Web : www.fanaf.org
toute la place qui lui revient.

Directeur de Publication Le 121ème numéro de votre revue, L’Assureur Africain, s’inscrit abso-

César EKOMIE AFENE lument dans ce processus pour accompagner les acteurs. En effet,

entre « Démocratiser l’assurance dans la zone CIMA » et « l’instaura-


Rédacteur en Chef
tion de nouvelles assurances obligatoires dans l’espace CIMA », entre
Emmanuel BADOLO
le besoin de s’interroger sur « la naissance et

l’organisation de l’assurance vie classique au


L’Assureur Africain
Comité de Rédaction
sein de la zone CIMA » et le développement des compétences des
Mamadou FAYE,

Nazaire ABBEY BLEKOU cadres dirigeants sur la stratégie d’entreprises, il y a cet appel au

Evelyne FASSINOU renouvellement pour être au rendez-vous des enjeux de notre indus-

Rosalie LOGON DAGO NGUESSAN


trie.
Adama DIALLO
Pour ce faire, lisez de bout en bout et faites lire le 121ème numéro de
Aymric KAMEGA
votre revue, « L’Assureur Africain ».

Conseiller

- Birahim DIENG

SOMMAIRE
Ont collaboré à ce numéro

- Aymric KAMEGA 4 ACTUALITES


- Martin ZIGUELE

- Joseph Rone Mendoula BILOUNGA


14 Assemblée Générale de la Fédération
ème

- Renata DE LEERS

- Dessanain Ewédew Thierry AWESSO


Interafricaine des Assureurs Conseils

• Acte II du partenariat FANAF – HEC Montréal

6 ETUDES
L’ASSUREUR

AFRICAIN

• Naissance et organisation de l’Assurance Vie


N° 1 21
Classique au sein de la zone CIMA
SE PT

20 2 3

Fédération des Sociétés • Démocratiser l’assurance dans la Conférence


d’Assurances de Droit National Africaines
Interafricaine des Marchés d’Assurances
P A GE
NB : Les textes publiés dans «L’Assureur
3
Africain» ne reflètent pas nécessairement le

point de vue de la FANAF et n’engagent que • L’assurance inclusive sous l’angle actuariel
la responsabilité de leurs auteurs.

NDLR : Certains titres et illustrations sont de


• L’instauration de nouvelles assurances
la rédaction.

obligatoires dans l’espace CIMA


ACTUALITES
14 ASSEMBLEE GENERALE
ème

DE LA FEDERATION INTERAFRICAINE DES ASSUREURS CONSEILS

La FIAC, 17 ans après, bilan et perspectives


La FIAC, la Fédération Interafricaine des Assureurs

Conseils a tenu sa quatorzième Assemblée

Générale, du 3 au 7 juillet 2023 à Abidjan.

P
lacée sous le thème, « La et les journées scientifiques, un

FIAC, 17 ans après, bilan nouveau Bureau a été élu pour

et perspectives », cette porter la mandature de 2023 à

Assemblée Générale Ordi- 2026. Ce nouveau Bureau se

naire, qui fut également une compose comme suit :

assemblée élective, a connu la Président : Alain Michel MAS-

participation de plusieurs SOUSSOU du Gabon

dizaines de délégués venus du 1er Vice-Président :

Bénin, du Burkina Faso, du Vakaramoko SAMAKE de la

Cameroun, du Gabon, du Côte d’ivoire

Ghana, de la Guinée Conakry, 2ème Vice-président :

du Mali, du Niger, du Sénégal, Léopoldine FONDOP NGOUL-

du Togo, et bien entendu, du LA du Cameroun

pays hôte, la Côte d’Ivoire. Conseillers :

Au regard de l’orientation du - François ADJAHOUNG du

thème, la 14ème Assemblée Cameroun

Générale s’est voulue être un - Awatio FRANCIOLI du


Président entrant. Président sortant.
cadre de réflexion sur les Cameroun

acquis de la Fédération et sur - Amadou Baidi TALL du Mali

les perspectives de promotion - Déborah GNAGNE du Bénin

de l’activité des acteurs de l’in- - Lagnono Hassane LAMIZA-

termédiation en assurances NA du Burkina Faso,

dans leurs espaces. - Ibrahima KONE de la Côte

Trois panels ont nourri les d’Ivoire.

échanges. Le premier panel a C’est une Assemblée

permis de revisiter l’histoire de Générale qui a tenu toutes ses

la FIAC et les grands évène- promesses avec le soutien du

ments ayant marqué la vie de la Gouvernement de la Côte

fédération. Le second panel, d’Ivoire et de l’autorité nationale

lui, a porté sur la conduite du de tutelle du secteur des assu-

projet de dématérialisation des rances. Les acteurs se sont

attestations d’assurance auto- donné rendez-vous pour la

mobile et son quinzième Assemblée qui se

impact sur le chiffre tiendra en Guinée Conakry en

d’affaires de la juin 2024.


L’Assureur Africain Photo de famille du nouveau bureau.
branche sur le

marché ivoirien. Le

troisième panel a

passé en revue la
L’ASSURE UR
perspective de

AF RICAIN changement du

statut juridique du

courtage d’assu-
N° 1 21
rances avec le
SE PT
retour d’expérien-
20 2 3
ce du marché

Burkinabé. Et

enfin, le dernier
P A GE
panel a fait revisiter
4
le rôle et la place

du courtier dans

l’industrie des

assurances dans

la zone CIMA.

Outre la reddi-

tion des comptes


Plusieurs dizaines de délégués venus de pays membres ont rehaussé ces assises par leur présence.
ACTUALITES
ACTE II DU PARTENARIAT FANAF – HEC MONTRÉAL,

Un séminaire sur la stratégie, délocalisé à


Abidjan pour dirigeants de sociétés d’assurances
A
près le voyage d’études maintenir la croissance face à prises, rien n’est définitivement Ce séminaire de haut niveau

en 2022 à HEC la concurrence et ensuite l’in- acquis et rien n’est définitive- a été animé par un enseignant

Montréal, c’est au tour ternationaliser sur les cinq ment perdu. La stratégie reste de HEC Montréal, M. Luc

de HEC de se déplacer à continents. Pour tirer leurs une éternelle équation à Bélanger-Martin. Il est Maître

Abidjan pour animer un sémi- épingles du jeu, les participants résoudre, une équation à deux d’enseignement au

naire sur la simulation straté- devaient absolument faire variables : la cohérence et la Département de management

gique dans le cadre du partena- asseoir, tout au long de ces dif- différence pour générer de la de HEC Montréal. Sa spécialité

riat avec la FANAF. férentes étapes, des stratégies performance. touche à la fois la stratégie et la

Tout a commencé par un cas gagnantes portant notamment Ce séminaire a été aussi l’oc- gestion d’entreprise.

pratique et tout s’est terminé sur l’innovation, la globalisation, casion d’échanger avec des La clôture du séminaire a vu

par un cas pratique, appelé la différenciation, la qualité et la Dirigeants d’entreprises pré- la participation du représentant

simulation stratégique ou compétitivité. sents en Côte d’Ivoire qui ont du Bureau de Québec à

Globstrat : une entreprise que Ce fut un voyage passion- accepté venir partager leurs Abidjan. Rendez-vous déjà pris

les participants, répartis en sept nant au cours de quatre jours expériences dans la stratégie. Il pour d’autres opportunités de

groupes, devaient créer dans d’intenses activités intellec- s’agit de Monsieur Mohamed développement des compé-

un environnement de compéti- tuelles faites de rebondisse- BAH, Directeur Général du tences de cadres dirigeants de

tion, la faire grandir en prenant ments qui sont venus rappeler Groupe SUNU et de Madame sociétés d’assurances de la

des parts de marchés, nouer à tous les participants qu’en Myrtille MADODE, Associée zone FANAF.

des alliances stratégiques pour matière de stratégies d’entre- Gérant de S&E Consulting. L’Assureur Africain

Photo du groupe qui a présenté la meilleure stratégie. Des participants en travaux.

L’ASSUREUR

AFRICAIN

N° 1 21

SE PT

20 2 3

P A GE

Photo de famille des participants.


ETUDES
Naissance et organisation de l’Assurance Vie
Classique au sein de la zone CIMA
Cet article présente la naissance et l’organisa-

tion du marché de l’assurance vie classique,

c’est-à-dire celle des assureurs privés, au sein

de la zone CIMA.

Premières traces pas laisser les marchés des

de l’assurance classique territoires d’outre-mer aux

en Afrique mains d’assureurs étrangers,

Sous sa forme « moderne » l’État français nationalise après

et en se limitant aux anciennes la Libération en 1946 les trente-

colonies des pays d’Afrique quatre sociétés d’assurances

subsaharienne, l’assurance est les plus importantes. C’est le

associée à l’arrivée des Anglais début d’une extension rapide

au XIXe siècle, lorsque les du réseau d’agents généraux

Lloyd’s de Londres et d’autres issus de sociétés françaises.

grandes compagnies anglaises Le deuxième acteur français de

envoyaient des courtiers et des l’essor de l’assurance en zone

experts maritimes dans les franc est le GFA (Groupement

ports pour accompagner le Français d’Assurances).


Aymric Kamega Martin Ziguélé Administrateur
commerce international. Puis, Constitué en 1947, le GFA était
PDG d’ACAM Vie d’ACAM Vie
peu à peu, ces assureurs né du désir de dix sociétés

anglais ont étendu leur offre de françaises, de taille moyenne pas grand-chose sur le fond. France, cette Organisation

garanties pour couvrir les et restées privées après les En effet, si, après les indé- avait pour objectif d’harmoniser

risques des entreprises étran- nationalisations, de mettre en pendances, chaque État s’était les législations et réglementa-

gères installées sur place, ainsi commun leurs moyens pour doté d’une législation propre tions nationales, de coordonner

que ceux de leurs dirigeants prospecter les territoires sur les assurances, il n’en l’exercice du contrôle des

expatriés. d’outre-mer. Sur le terrain, les demeure pas moins qu’elle entreprises et de coordonner la

Quelques années après, agents du GFA se développè- était quasiment copiée sur la loi formation en assurance des

face à l’augmentation de la rent et prirent une part signifi- française du 13 juillet 1930 et cadres africains. Le siège de la

population européenne et à la cative du marché « en recher- que la Direction des assu- CICA était à Paris.

croissance du nombre d’entre- chant la clientèle de la popula- rances du ministère français Au fil de la formation des

prises étrangères sur place, tion africaine souvent négligée des finances y jouait un rôle cadres africains, les États ont

parallèles au développement par les sociétés plus tradition- prépondérant. Malgré quelques pris conscience de l’importance

économique et démographique nelles ». Le troisième acteur mesures phares qui se sont du secteur pour le développe-

de la région, les principales français fut le groupe de révélées assez dissuasives ment de leur pays. Cette per-

sociétés françaises se sont à Mutuelles professionnelles pour les assureurs étrangers, ception s’est accentuée par

leur tour intéressées à ces mar- Monceau et leur captive de telles que l’obligation d’agré- ailleurs à l’issue de

chés. Leurs pre- réassurance Mutuelle Centrale ment local pour assurer les l’Assemblée Générale de la

miers agents géné- de Réassurance (MCR). Sous risques situés sur place et les Conférence des Nations Unies

raux furent nom- leur impulsion, une série de contraintes de représentation sur le Commerce Et le

més en Afrique sociétés mutuelles ont vu le locale des actifs représentatifs Développement (CNUCED)

subsaharienne jour en zone franc et ont pu des engagements techniques, tenue à Santiago du Chili en

f r a n c o p h o n e bénéficier de leur assistance au lendemain des indépen- 1972. Parmi ses recommanda-

quelques années technique et de leur réassuran- dances la présence française tions, la Conférence sommait

avant la seconde ce. est demeurée très marquée ainsi les pays en développe-
L’ ASSUREUR
Guerre mondiale. Pour accompagner ces trois dans l’organisation des mar- ment de créer des sociétés à

AFRICAIN sources de développement, chés de l’assurance en zone capitaux totalement ou majori-

Développement des organisations profession- franc. tairement nationaux et dirigées

du marché en nelles françaises ont pris des par des cadres nationaux. Si,
N° 1 21
zone franc CFA mesures en vue d’améliorer le Émergence et évolution en réponse, certains pays
S EPT
par les acteurs suivi et la gestion des risques de la CICA membres se sont orientés vers
2 02 3
français locaux : tenue de statistiques C’est dans le contexte d’une la nationalisation des opéra-

Avant l’indépen- communes, inspection des présence française très mar- teurs du secteur, d’autres ont

dance, le dévelop- risques, etc. Ces initiatives ont quée qu’est signée la première favorisé la création de sociétés
P A GE convention de la Conférence
pement de l’assu- été bénéfiques pour structurer de droit local entièrement pri-
6 rance en zone et développer des marchés de Internationale de Contrôle des vées et opérant dans un mar-

franc était principa- l’assurance africains. Elles ont Assurances (CICA), le 27 juillet ché ouvert et concurrentiel.

lement rythmé par toutefois éloigné un peu plus 1962 à Paris. Composée des Dans les deux cas, l’objectif

trois acteurs fran- les Africains de la prise en main anciennes colonies françaises était toutefois le même : rendre

çais. de leur propre marché ; et les d’Afrique de l’Ouest et centrale, africaines les sociétés opérant

Soucieux de ne indépendances n’y changeront de Madagascar et de la sur les marchés africains. Pour
ETUDES
parvenir à cet objectif, une Assurances des États des assurances : il s’agit du encours y représentent 1 600

CICA plus africaine s’avérait membres et d’une commission Code des Assurances des milliards de francs CFA (chiffres

toutefois nécessaire. interétatique de contrôle des États membres de la CIMA. 2021). Ces chiffres relative-

Ainsi, le 27 novembre 1973 assurances. Néanmoins, avant Enfin, toujours en vue d’as- ment importants au regard de

une deuxième convention de la la ratification par la majorité surer la pleine réalisation des l’historique, ne doivent cepen-

CICA est signée à Paris par les des États signataires, apparaît objectifs du Traité, trois dant pas occulter que dans la

seuls États africains (à l’excep- l’idée d’aller plus loin que la organes sont réorganisés ou réalité, ce développement de

tion de la Mauritanie et de CPDIA en créant une organisa- créés autour de la CIMA : l’assurance vie est un proces-

Madagascar) et en 1976 le tion intégrée . - Le Conseil des Ministres sus à amplifier. En effet, en
1

siège de l’organisation est (organe directeur de la CIMA observant quelques marchés

transféré de Paris à Libreville Émergence et qui assure la réalisation des voisins, on constate qu’en

(République gabonaise). Non fonctionnement de la CIMA objectifs du Traité) ; 2021, le poids de l’assurance

signataire de cette convention, L’idée de la création d’une - La Commission Régionale vie dans l’assurance dispose

la France ne bénéficie plus que organisation intégrée conduisit, de Contrôle des Assurances encore d’importantes marges

du statut d’observateur. le 10 juillet 1992, à la signature (CRCA, organe régulateur de la de progression : 37 % en zone

À l’aube des années 90, ce du Traité instituant une organi- CIMA qui assure le contrôle CIMA contre 46 % au Maroc,

fut l’heure du bilan de trente sation intégrée de l’industrie des sociétés, assure la sur- 46 % au Kenya et 55 % au

années d’existence de la CICA. des assurances dans les États veillance générale et concourt Nigeria.

De précieuses réalisations ont africains, dénommée à l’organisation des marchés En outre, il apparaît que le

vu le jour sous l’égide de la Conférence Interafricaine des nationaux) ; taux de pénétration officiel de

Conférence, telles que des Marchés d’Assurances (CIMA). - Le Secrétariat Général l'assurance vie (rapport entre

sociétés nationales et des ser- Le Traité instituant la CIMA est (organe qui assure la prépara- les cotisations officielles en

vices nationaux de contrôle des convenu par les gouverne- tion, l’exécution et le suivi des assurance vie et le PIB officiel)

assurances, l’Institut ments du Bénin, Burkina Faso, travaux du Conseil des est égal à 0,5 % en 2021 au

International des Assurances Cameroun, Centrafrique, Ministres et de la CRCA). sein de la zone CIMA, contre

(IIA), la Fédération des socié- Congo Brazzaville, Côte Depuis 1995, les nom- 1,8 % au Maroc, 1 % au Kenya

tés d’Assurances de droit d’Ivoire, Gabon, Guinée breuses mesures prises par la et 0,2 % au Nigeria (pour infor-

National Africaines (FANAF) ou Équatoriale, Mali, Niger, CRCA (avertissements, mation, en 2001, les taux de

encore la Compagnie Com- Sénégal, Tchad et Togo et est blâmes, mises sous surveillan- pénétration étaient de 0,2 % en

mune de Réassurance des entrée en vigueur en 1995 (la ce permanente, suspensions zone CIMA, de 0,9 % au

États membres de la CICA Guinée Bissau y adhère en de dirigeants, retraits d’agré- Maroc, de 0,9 % également au

(CICA-RE). Toutefois, à l’issue 2002). ments, etc.) et le Conseil des Kenya et de 0,1 % au Nigeria).

de ces trente années, le déve- Le traité instituant la CIMA Ministres (modifications régu- Ces chiffres se doivent néan-

loppement des marchés de fait, entre autres, référence aux lières du Code CIMA, dont moins d’être nuancés compte

l’assurance demeurait limité en objectifs de la Conférence, à la notamment sur la séparation tenu des nombreux systèmes

raison, entre autres, d’une nouvelle législation du marché des activités vie et non-vie, les d’assurance vie endogènes

mauvaise gestion de la plupart et aux organes et pouvoirs mis relèvements du capital social (réseaux familiaux de solidari-

des sociétés nationales, de en place. minimal, la fin de l’assurance à té, tontines, etc.) existant

l’inefficacité des services de crédit, etc.) ont contribué au aujourd’hui au sein de la région

contrôle au niveau national, de Les objectifs assignés développement du chiffre d’af- et qui ne sont pas pris en

l’impuissance de la CICA à la CIMA sont notamment : faires des organismes assu- compte dans les statistiques

comme organe de contrôle et - d’améliorer la couverture reurs et à un assainissement officielles. Ces seuls indica-

d’harmonisation au niveau des risques en les adaptant du marché. teurs ne sont donc pas des

régional, du nombre plétho- aux réalités africaines ; baromètres suffisants et perti-

rique d’intermédiaires, de l’ab- - d’encourager la rétention L’assurance vie classique nents pour mesurer le dévelop-

sence de marché financier, de des affaires au plan national et dans le marché CIMA pement du secteur de l’assu-

la faiblesse de l’assurance vie, régional ; aujourd’hui rance vie (clas-

de marchés nationaux trop exi- - de favoriser l’investisse- Les différentes actions sique et informel)

gus pour permettre un dévelop- ment local des provisions géné- menées par le régulateur dans la zone, mais

pement satisfaisant de l’indus- rées ; depuis 1995, notamment au il n’en demeure

trie des assurances, ou encore - de poursuivre la formation regard des mesures prises par pas moins que de

de tarifs inadaptés. De surcroît, des cadres et techniciens d’as- la CRCA et le Conseil des grands efforts res-
L’ASSUREUR
la CICA ne disposait d’aucun surances pour le besoin des Ministres, ont notamment per- tent à fournir afin

pouvoir de décision et les pou- entreprises et des administra- mis de promouvoir l’assurance de promouvoir
AFRICAIN
voirs publics étaient indifférents tions ; vie, secteur de l’assurance qui dans la durée et

vis-à-vis des études et - de favoriser la constitution participe directement au déve- de manière signifi-
N° 1 21
contrôles effectués par celle-ci : d’un marché élargi et intégré loppement et à la modernisa- cative cette activi-
SE PT
la CICA ne semblait pas assez sur l’ensemble des pays tion des économies des pays. té stratégique

intégrée dans la zone. membres ; C’est ainsi qu’entre 2001 et pour le développe- 20 2 3

Aussi, le 20 septembre 1990, - de mettre en place de nou- 2021, le poids de l’assurance ment du continent.

une troisième convention a été veaux instruments financiers ; vie dans le chiffre d’affaires de

signée à Paris par les mêmes - de poursuivre la politique l’assurance en zone CIMA est P A GE

États africains. Il s’agit de la d’harmonisation et d’unification passé de 19 % à 37 % (dont 7


Aymric Kamega
Convention de Coordination des dispositions législatives et une évolution de 31 % à 37 %
PDG d’ACAM Vie
pour la Promotion et le réglementaires. entre 2016 et 2021).

Développement de l’Industrie Aujourd’hui, le chiffre d’af-


Martin Ziguélé
des Assurances (CPDIA), En vue de répondre à ces faires de l’assurance vie dans
Administrateur

caractérisée par la création objectifs, la Conférence s’est la zone représente 550 mil-
d’ACAM Vie

d’un Conseil des Ministres des dotée d’une législation unique liards de francs CFA, et les
ETUDES
DEMOCRATISER L’ASSURANCE DANS LA CONFERENCE

INTERAFRICAINE DES MARCHES D’ASSURANCES

Cet article a pour objectif de fournir des orien- combat de l’exclusion financière géogra-

tations politiques aux décideurs politiques et phique, le renforcement de la dynamique des

aux assureurs de la Conférence Interafricaine marchés financiers afin de rendre profitables

des Marchés d’Assurances (CIMA) sur les fac- les produits d’assurance, le partenariat

teurs à prendre en considération pour démo- public-privé, la définition ainsi que la conduite

cratiser l’assurance dans la région. Après de la politique nationale de finance inclusive.

avoir présenté les faits stylisés portant sur la Les Etats-providence doivent particulièrement

faible demande et l’insuffisance de l’offre intégrer l’assurance inclusive dans leurs dis-

d’assurances dans la CIMA, nous montrons cours de réforme pour davantage de gains de

que la démocratisation de l’assurance passe productivité des populations et des entre-

par certains piliers. Sans prétendre à l’ex- prises et s’approprier des soutiens en

haustivité, ces piliers sont : la compréhension recherche & développement en plus d’avoir

des besoins des populations cibles afin d’of- une forte volonté politique.

frir des produits mieux adaptés, la promotion MOTS CLÉ : Assurance inclusive,

Microassurance, CIMA.
d’une éducation financière à large impact, le

La nécessité de la mise en place

des politiques d’assurance inclusive

L
’une des problématiques limité aux services d'assuran- Groupe consultatif d’assistan-

les plus importantes ce traditionnels, les couvrant ce aux plus pauvres – GCAP,

auxquelles sont confron- contre des risques spéci- 2007). L’assurance inclusive,

tés les systèmes financiers en fiques, en contrepartie du quant à elle, est une assuran-

Afrique Subsaharienne fran- paiement régulier des primes ce destinée aux personnes

cophone (ASF) est l’inclusion proportionnelles à la probabili- exclues, celles non desser-

financière. L'inclusion finan- té et au coût du risque encou- vies ou mal desservies – plu-
2

cière est le processus par ru (Churchill, 2007, 2009), tôt qu’une assurance ciblant

lequel une société a accès à avec une couverture et des exclusivement les pauvres ou

différents services financiers prix adaptés à leur situation le marché à faible revenu

(crédit, épargne, assurance, économique (MAPFRE (MAPFRE Economics, 2020).

services de paiement, pen- Economics, 2020). Sa mise Suivant la logique de l’inclu-

sion, etc.), ainsi qu'à des en œuvre se fait conformé- sion financière, il a été institué

mécanismes d'éducation ment aux pratiques d’assuran- à Yaoundé le 10 juillet 1992

financière, dans le but d'amé- ce conventionnelles – notam- en ASF une organisation JOSEPH ROINE MENDOUA

liorer ses condi- ment les principes de base supranationale des assu- BILOUNGA*

tions matérielles d’assurance (Associa-tion rances – la Conférence


renforcer et de consolider la
de bien-être Internationale des Contrôleurs Interafricaine des Marchés
coopération des Etats
( M A P F R E d’Assurance – AICA et d’Assurance (CIMA) – afin de
3

E c o n o m i c s ,

2020). Figure 1 : Potentiel de développement de l'inclusion financière en fonction du niveau de revenu


L’ASSURE UR
Il s’agit de

AF RICAIN garantir l’accès et

l’usage des ser-

vices financiers à

l’ensemble de la
N° 1 21
population. Cette
SE PT
inclusion se fait en
20 2 3 assurance à tra-

vers la microassu-

rance et l’assuran-

ce inclusive.

La microassu-

P A GE rance est un

10 modèle d’assuran-

ce accessible à

des personnes à

faible revenu ,
1

dotées d'un accès


ETUDES
membres en matière d’assu- pauvres et sur la finance inclu- primes accessibles à des per- répondre par la négative à la

rances pour permettre à leurs sive – devenues une urgence sonnes au profil de risque lecture des statistiques qui

marchés de proposer des mondiale – pour faire face aux multiple, souvent très expo- montrent une densité et un

couvertures d’assurance risques sociaux (pauvreté, sées, et dont on ne dispose taux de pénétration à fort

mieux adaptées aux réalités maladies, dépendance en pas de données formelles sur potentiel. Le plus grand défi

qui sont les leurs, grâce à des âge, décès prématuré de l’ap- la sinistralité. auquel doit faire face à l’avenir

entreprises d’assurance porteur de pain, chômage, cri- Or le principe d’équivalence l’assurance africaine est la

saines et solvables. Parmi les minalité, déscolarisation des actuarielle énonce qu’à expo- démocratisation de son accès

réalités de ces pays, figurent enfants, etc.), aux risques cli- sition élevée, prime élevée. (Ziguélé, 2008). D’où l’intérêt

des accords informels de par- matiques (les aléas météo- Ceci étant, le prix est une de cet article.

tage des risques dans les marins tels que les tempêtes, composante importante de La suite de l’article est orga-

communautés, la force des les cyclones, les inondations, tout produit commercial et nisée comme suit. La section

traditions sociologiques, cultu- les glissements de terrain, les plus encore dans l’assurance 2 présente les faits stylisés

relles et religieuses, un pou- épisodes de sécheresse, etc.) où il reflète le risque sous- sur les marchés d’assurances

voir d’achat modeste de la et aux risques macro-finan- jacent. de la CIMA. La section 3 pré-

population, une population ciers (les crises économiques D’où la raison pour laquelle sente les vecteurs à prendre

majoritairement jeune, une et financières et leur incidence un grand nombre d’assureurs en compte pour démocratiser

économie informelle impor- sur le cycle de vie des de la CIMA n’est pas encore l’assurance dans la CIMA et la

tante, un marché du travail à ménages, le cycle de trésore- favorable à l’offre d’assurance section finale conclut.

dominance agricole et infor- rie des entreprises et la char- inclusive, et ceux qui s’y lan-

melle. ge d’endettement des Etats). cent, rencontrent de nom- 2. Le marché d’assurances

La création de la CIMA Des institutions comme breuses difficultés avec des de la CIMA : faits stylisés

constituait donc une vision et BRI-Unit Desa et Bank Rakyat résultats peu probants. et aperçu général

une action politiques salu- (Indonésie), Grameen Bank Se posent dès lors des

taires qui ont posé les jalons (Bangladesh), K-Rep (Kenya) questions à la fois pratiques et La CIMA comprend 192 mil-

de l’assurance inclusive en et Prodem/BancoSol (Bolivie), politiques : comment détermi- lions de consommateurs qui

ASF afin de tirer parti du ont démontré que les popula- ner les capacités d’accès à croît de 3 % chaque année,

potentiel de développement tions traditionnellement l’assurance des personnes à avec une espérance de vie de

de l’inclusion financière de exclues de la finance formelle faible revenu ou non desser- 56 ans (World Development

ces pays (figure 1). constituent un créneau com- vies ? Indicators, 2022). En 2020, le

mercial durable et viable pour Comment servir profitable- chiffre d’affaires vie était de

La nécessité de l’accès à des services financiers nova- ment le marché des per- FCFA 484,19 milliards (35,4%

l’assurance s’explique au tra- teurs. Cette thèse est soute- sonnes à faible revenu ? du marché global) partagé

vers de ses effets sociétaux nue par Prahalad (2005) dans Comment résoudre le pro- entre 64 sociétés.

positifs. L’accès à l’assurance son ouvrage « The Fortune at blème de versement régulier En vingt-quatre ans, le

réduit les déséquilibres de the Bottom of the Pyramid : de cotisations par des per- chiffres d’affaires vie s’est

développement grâce au lis- Eradicating poverty through sonnes qui ont généralement amélioré de 765,3 % passant

sage intertemporel de la profits », et dont la portée est des revenus irréguliers ? de FCFA 46,92 milliards en

consommation, du revenu et que les sociétés commer- Qui doit en supporter le coût 1995 à FCFA 484,19 milliards

de la richesse des personnes ciales peuvent participer à et dans quelle proportion? en 2020, soit une progression

face aux durs coups et coûts l’éradication de la pauvreté et Ce n’est donc un secret annuelle moyenne de 9,8 %.

de la vie. L’assurance inclusi- créer de la richesse, en offrant pour personne que les mil- Trois principaux produits sont

ve est un moyen pour des produits répondant à la lions de travailleurs et tra- achetés par la clientèle qui est

atteindre certains objectifs de contrainte qualité-prix aux vailleuses agricoles et infor- composée des

politique publique, notamment pauvres, sans que leur objec- mels en ASF n’ont accès ni à personnes moral-

la couverture sanitaire univer- tif Primus inter pares – qui est la prévoyance sociale, ni à es (branche col-

selle, la sécurité alimentaire et la réalisation du profit – soit l’assurance, et ils regardent lective) et des

l'atténuation des consé- mis à mal. avec espérance les réactions particuliers (bran-

quences économiques des Bien que la microassurance des décideurs politiques pour che individuelle),
L’ASSUREUR
changements climatiques. soit aujourd’hui instrumentali- améliorer leur situation, ou du à savoir les

Elle contribue à la rupture sée en ASF, la majorité de la moins attendent des proposi- contrats mixtes, AFRICAIN
du cycle vulnérabilité-pauvre- population n’a pas encore tions innovantes des assu- les contrats en

té en permettant de disposer accès à l’assurance. reurs et des décideurs poli- cas de décès et
N° 1 21
d'un revenu de réserve, d'une En effet, s’il est facile de dire tiques. l’épargne (figu-
SE PT
épargne suffisante ou d'un que la microassurance est Au regard du bilan des tren- res 2 et 3).
20 2 3
accès au crédit (Churchill et une manière efficace de four- te ans de fonctionnement de

Reinhard, 2012), et réduire les nir aux marchés à faible reve- la CIMA, peut-on dire qu’elle a Les autres pro-

inquiétudes financières grâce nu une couverture à la fois atteint les objectifs de couver- duits sont encore
P A GE
à une plus grande résilience avantageuse pour les assurés ture d’assurance inclusive – en phase d’acqui-
11
face aux risques (Demirgüç- et rationnelle pour les assu- notamment l’assurance agri- sition (retraite

Kunt et al., 2022). reurs, notons que la microas- cole et l’assurance dans les complémentaire,

Le paradigme actuel des surance présente des contra- zones rurales qu’elle s’est contrat en cas de

politiques de développement dictions et des contraintes assignés depuis 1992 ? Bien vie et titres de

économique repose sur la fortes aux assureurs. Il s’agit qu’il y ait des progrès considé- capitalisation).

croissance favorable aux de proposer des produits à rables, nous n'hésitons pas à
ETUDES
Figure 2 : Portefeuille en assurance-vie collective Figure 3 : Portefeuille en assurance-vie individuelle

Source : Auteur à partir des rapports annuels de la CIMA Source : Auteur à partir des rapports annuels de la CIMA

M
algré cette progres- Figure 4 : Tendance de la densité annuelle d’assurance vie par habitant dans la CIMA

sion relative du mar-

ché, la figure 4

montre que l’assurance vie

reste peu dense dans la

CIMA. La cotisation annuelle

d’assurance vie par habitant

est de FCFA 3500 en moyen-

ne, alors qu’elle s’lève à FCFA

8500 en Afrique, à FCFA 70

000 en Amérique Latine et

Caraïbes et à FCFA 275 000

en moyenne mondiale . Seul


4

le Gabon enregistre une coti-

sation vie par habitant annuel-

le supérieure à FCFA 10 000,

ce qui confirme son niveau

d’inclusion financière élevée


Source : Auteur à partir des rapports annuels de la CIMA
illustrée à la figure 1.

L’assurance non-vie est tion, qui ternit plus tard l’image Figure 5 : Portefeuille en assurance non vie

essentiellement composée de de l’assurance, car lorsque les

trois produits génériques, à risques se réalisent, les assu-

savoir l’automobile, la maladie reurs pratiquant la sous-tarifi-

et les accidents cation auront des difficultés

corporels ainsi d’honorer à leurs engage-

que l’incendie ments à temps (temps de

(figure 5). Ces paiement des sinistres relati-

trois produits vement long, accentuation

occupent 75 % de des problèmes juridiques). La

l’ensemble des durée moyenne de liquidation


L’ASSURE UR
souscriptions et des sinistres (le ratio des pro-

AF RICAIN représentent les visions pour sinistres à payer

produits les moins sur les sinistres payés) en


Source : Auteur à partir des rapports de la FANAF
rentables, car la 2020 était d’un an et 190 jours
N° 1 21
nisation directe des assurés. annuelle moyenne d’assuran-
pression concur- et de 7 ans pour la branche
SE PT
L’assurance non vie est ce non vie dans la CIMA est
rentielle y est responsabilité civile (rapport
20 2 3 également peu dense dans la de FCFA 7200 et est forte-
forte. Cela est dû CIMA 2020). En 2020, 113
CIMA. Seul le Gabon enre- ment tributaire au cycle éco-
au fait que les sociétés d’assurances non vie
gistre une cotisation annuelle nomique. Après une forte
sociétés opèrent se sont partagé un chiffre d’af-
P A GE
d’assurance non vie par habi- croissance entre 2004 et
sur les mêmes faires de FCFA 884,89 mil-
12 tant de FCFA 38 000, qui pro- 2012, elle régresse depuis
créneaux, ame- liards (66,4 % du chiffre d’af-
vient à la fois de son dividen- 2013 du fait des crises des
nant le marché faires globale). Cette durée
de démographique et de son prix de matières premières qui
dans un mouve- est relativement longue mal-
pouvoir d’achat – faisant de lui ont fortement affecté la
ment de concur- gré que les associations d’as-
l’un des pays d’Afrique à forte demande globale dans de
rence déloyale qui surances de certains pays
consommation d’assurance nombreux pays de la zone.
se manifeste par dans la zone aient mis en
par habitant. La cotisation
la sous-tarifica- place des processus d’indem-
ETUDES
La cotisation annuel-
Figure 6 : Tendance de la densité annuelle d’assurance non vie par habitant dans la CIMA
le totale d’assurance

(vie et non vie) par

habitant est de FCFA

10 000 dans la CIMA.

Elle s’élève à FCFA 30

000 en Afrique, FCFA

127 000 en Amérique

latine et Caraïbes, 675

000 FCFA en Afrique

du Sud (l’une des plus

élevées au monde) et

FCFA 494 000 en

moyenne mondiale.

La CIMA ne suit pas

la tendance mondiale

de l’assurance qui

connait un fort essor

depuis les années


Source : Auteur à partir des rapports annuels de la CIMA
1980 (figure 7) .
5

En utilisant un autre

indicateur de consom-
Figure 7 : Evolution comparée de la densité de l'assurance entre la CIMA,
mation de l’assurance,
l’Afrique, l’Amérique latine et le monde.
les faits stylisés pro-

duisent les mêmes

conclusions que celles

découlant de la densité

d’assurance .
6

La valeur des cotisa-

tions d’assurances

rapporté au produit

intérieur brut (le taux

de pénétration) est

inférieure à l’unité

dans la CIMA.

Ce qui signifie que

sur FCFA 100 de

richesse créée, l’assu-

rance ne représente

que FCFA 1 (figures 8

et 9).

Source : Auteur à des rapports FANAF et Swiss Re Institute (sigma-explorer.com)

Figure 8 : Tendance du taux de pénétration de l'assurance dans la CIMA (% du PIB)

L’ASSUREUR

AFRICAIN

N° 1 21

SE PT

20 2 3

P A GE

13

Source : Auteur à partir des rapports de la FANAF


ETUDES
Si la densité d’as-
Figure 9 : Tendance du taux de pénétration de l'assurance dans la CIMA (% du PIB)
surance dans la

CIMA représente la

moitié de celle de

l’Afrique, leurs taux

de pénétration sont

sensiblement les

mêmes (moins de

1 % du PIB), et très

faibles par rapport

à ceux d’Amérique

latine et caraïbes

(1,7 %) et la

moyenne mondiale

(4 %). Ce taux ne

connait véritable-

ment pas d’amélio-

ration depuis 1998

dans la CIMA.

Source : Auteur à des rapports FANAF et Swiss Re Institute (sigma-explorer.com)

E
n somme, la grande jouent un rôle important dans mécanismes de de distribu- rent des dépenses impor-

majorité de la population la gestion des fluctuations des tion, tantes de marketing auprès

de la zone CIMA n'a pas revenus et la prévention des et (iv) les aspects réglemen- d’une clientèle peu familiari-

encore accès à l'assurance risques. taires. Ces deux aspects sée aux connaissances de

formelle. La conséquence est Mais cette gestion informel- méritent une étude approfon- l’assurance formelle. Ils

que les populations restent le doit être soutenue par la die. redoutent aussi et surtout

exposées aux risques de gestion formelle des risques à l’évaluation et le règlement

nature covariant ou systé- travers une assurance inclusi- 3. Les piliers des petits sinistres et les

mique (le cas de la Covid 19) ve. de la démocratisation de retards et l’absence de renou-

et sont, à cet effet, vulné- MAPFRE Economics (2020) l’assurance dans la CIMA vellement des contrats pour

rables. identifie deux catégories de des raisons financières.

Les chocs tels que les facteurs auxquels l'inclusion Démocratiser l’assurance Notons cependant que l’as-

catastrophes naturelles, les financière dans l'assurance se dérive du vocable ‘’démocrati- surance inclusive constitue

maladies, les accidents, le heurte, à savoir ceux qui ont ser la finance’’, une expres- une solution rationnelle pour

décès prématuré du soutien trait aux limites affectant la sion souvent attribuée au lau- les assureurs afin d’infléchir la

de famille, les crises écono- demande d'assurance et ceux réat du prix Nobel d'économie tendance de la faible deman-

miques, le chômage et la qui concernent les aspects Robert Shiller (2003) qui, de d’assurance dans la zone

perte d’emploi, la sécheresse, liés à l'offre. dans son livre The New CIMA.

les inondations, les ravages Côté demande, trois obs- Financial Order : Risk in the Les personnes non desser-

de culture par les tacles principaux doivent être 21st century, développe l’idée vies et celles mal desservies

nuisibles et surmontés pour parvenir à selon laquelle un système en assurance représentent

d’autres événe- une plus grande inclusion financier véritablement démo- une opportunité commerciale

ments adverses, financière dans l'assurance à cratique appliqué avec suc- évidente pour le secteur de

détruisent la savoir le faible niveau de reve- cès, faciliterait la prise des l'assurance. Prahalad (2005)

base écono- nu de la population cible ; (ii) risques nécessaires pour critique la logique dominante

mique et la pro- le caractère saisonnier des mettre l’énergie intellectuelle selon laquelle les pauvres

L’ASSURE UR ductivité des revenus disponibles, et (iii) le et les idées des gens à la dis- n'ont pas de pouvoir d'achat et

ménages et des faible niveau d'éducation position de la production de ne représentent pas un mar-
AF RICAIN
petites et moyen- financière. biens et de services utiles à la ché viable. Pour lui, il est

nes entreprises. Les facteurs liés à la société. temps de créer un capitalisme


N° 1 21
En réponse, et demande sont structurels, et inclusif qui nécessite un enga-

SE PT dans le meilleur associés au rythme de crois- A la question de savoir pour- gement actif du secteur privé

20 2 3 des cas, les sance économique dans un quoi les assureurs ne servent- qui devrait opter pour challen-

transferts infor- pays ainsi qu’à sa structure de ils pas les pauvres, l’une des ge la transformation de la pau-

P A GE mels au sein des distribution des revenus. Côté réponses est que les pauvres vreté en une opportunité de

14 réseaux (amis, offre, on note quatre obstacles sont plus chers à servir. Les profit.

voisins, collè- à savoir : assureurs craignent les coûts La première raison pour

gues, parents, (i) les modèles d'entreprise de transaction associés à la laquelle l’assurance inclusive

familles, associa- inadaptés ; fourniture et à la gestion de constitue une solution ration-

tions sportives, (ii) les caractéristiques grands volumes de petites nelle pour les (ré)assureurs

ou confession- dominantes dans la concep- polices ainsi que des coûts est qu’elle offre une nouvelle

nelles et reli- tion des produits d'assurance ; liés à l’asymétrie d’information opportunité de croissance du

gieuses, etc.) (iii) le besoin de nouveaux (Churchill, 2007). Ils encou- marché et de création de
ETUDES
valeur pour les actionnaires. risques après encaissement comprendre les besoins des plus fine sur leurs assurés et

Certes, le pouvoir d'achat de de la cotisation d’assurance groupes cibles, le gouverne- de prendre en compte de

ceux qui gagnent moins de par une assurance de finan- ment et les (ré)assureurs doi- nouvelles variables de tarifi-

USD 2 par jour ne peut être cement plus novatrice basée vent investir et s’investir dans cation afin d’aboutir à des

comparé au pouvoir d'achat sur le financement – à l’instar la recherche-développement segmentations renouvelées

des personnes à revenu de l’assurance attachée à et la recherche-action, les (De Malleray, 2017). Il facilite

élevé, cependant, de par leur l’agriculture contractuelle. études de marché, les projets la tarification au comporte-

nombre, les pauvres repré- Pour y parvenir, les (ré)assu- pilotes et les évaluations d’im- ment.

sentent un pouvoir d'achat reurs doivent cesser de faire pact sur l’opérationnalisation Les outils que fournissent

latent important qu'il convient des suppositions sur ce que de ces projets. Ce qui deman- les nouvelles technologies

de libérer (Prahalad, 2005). ressentent les populations de un niveau de proximité permettent de combler rapi-

Aussi, soulignons la présence non desservies et les écouter élevé avec la population cible. dement le manque d'informa-

d’une classe moyenne qui n’a réellement à travers une pla- D’ailleurs, l'hétérogénéité de tions sur les assurés. Avec

pas accès à l’assurance. Le teforme de dialogue. la base de consommateurs ces outils, le parcours client

dividende démographique de Les sociétés de (ré)assu- en termes de langue, de cul- sinistre connaît moins de gou-

l’ASF (population en pleine rance doivent éviter la pra- ture, de niveau de compéten- lets d’étranglements.

expansion et jeune) est un tique traditionnelle consistant ce et de familiarité constituent

atout pour le bon fonctionne- à servir les marchés du bas le premier défi (Prahalad, 3.2. Promouvoir

ment de la loi des grands de la pyramide en apportant 2005). une éducation financière

nombres qui s’applique en des modifications mineures Concernant la tarification, le à large impact

assurance. aux produits créés pour le recours aux nouvelles techno-

haut de la pyramide logies permet d’améliorer en Une littéracie financière

Explorer ce marché latent (Prahalad, 2005). Cette pra- temps réel les hypothèses uti- minimum est une condition

va changer le point de vue tique qui consiste à insister lisées par les actuaires pour sine qua non de l’inclusion

selon lequel la recherche du sur la forme au lieu de la fonc- la tarification des produits. financière. Elle constitue un

profit des sociétés privées et tionnalité n’est pas durable. L’incidence est que les primes élément fondamental des

la lutte contre la pauvreté ne Les définitions de l’assuran- à payer reflèteront au mieux écosystèmes de marketing

font pas bon ménage. ce inclusive données par la prime et les programmes pour transformer les per-

Deuxièmement, certaines Churchill (2007) et par de réassurances peuvent sonnes à faible revenu en

innovations engendrées par MPFRE Economics (2020) dégager pour les microassu- consommateurs en réduisant

l’assurance inclusive trouve- soulignent l'importance du reurs un bénéfice net (Chow les barrières psychologiques

ront des applications dans groupe cible. Une première et al., 2019). relatives à l’usage des ser-

l’assurance conventionnelle. étape dans la promotion de Les nouvelles technologies vices financiers. Comme le

À cet effet, il va de soi que les l'assurance inclusive en tant sont indispensables pour développement financier

leçons tirées de l’expérience qu'outil de réduction de l'ex- améliorer l’efficacité de la exige la divulgation d'informa-

de l’assurance inclusive pour- clusion financière nécessite gestion de grands volumes de tions (Levine et al., 2000),

ront influencer les pratiques une compréhension plus petites transactions que peut l’éducation financière doit

de management des sociétés approfondie des comporte- générer la commercialisation démultiplier son action de

d’assurance dans l’ensemble. ments des groupes cibles, des produits d’assurance au sensibilisation au sein de la

Les leviers sur lesquels les leurs spécificités, les risques niveau des segments de mar- population.

décideurs politiques et les auxquels ils sont confrontés, chés cibles. Dans les zones rurales, les

assureurs de la CIMA doivent les perceptions qu’ils font de Elles permettent aussi de messages doivent passer en

s’appuyer pour mettre en ces risques, les mécanismes réduire significativement les langues locales à travers les

place des politiques d’assu- de gestion des risques dont coûts de transaction et, par chaînes de radio

rance inclusive sont les sui- ils disposent, leurs disposi- conséquent, de rendre et les ateliers de

vants : tions à payer pour une cou- viables les produits pour la formation. Par

verture donnée, le montant à population à laquelle ils sont exem-ple, en

3.1. Comprendre les payer pour passer à une cou- destinés. Sans cela, la majeu- Colombie, le

besoins et les risques des verture plus étendue, les prin- re partie de la prime devrait Président a fait de

groupes cibles : le rôle de cipaux obstacles (comporte- être affectée à couvrir les frais la publicité pour la L’ASSUREUR

l’innovation pour une offre mentaux cognitifs, réglemen- d'administration, les coûts de microassurance à
AFRICAIN
des produits plus adaptés taires et institutionnels) qui distribution et les marges pru- la télévision. Il

limitent leur accès et leur utili- dentielles, et la part à allouer s’agit là d’un mes-
N° 12 1
Pour répondre aux besoins sation des services (Ferrara au paiement des sinistres sage fort de sen-

des groupes cibles, c’est-à- et al., 2023). aurait un très faible pourcen- sibilisation et d’in- S E PT

dire proposer des produits Ces auteurs soulignent tage dans la prime. Cela citation qui donne 2 0 23
d’assurance performants et à qu’une telle compréhension signifie que l'assurance ne du crédit à l’assu-

des prix accessibles, les approfondie est importante remplirait plus son rôle de rance au niveau

(ré)assurances de la CIMA non seulement pour identifier mutualisation des risques ou national. P AGE

doivent innover et tirer parti le type de solution sur mesure de génération d'épargne et ne D’après le 15

des nouvelles technologies qui pourrait fonctionner pour créerait donc pas de valeur Conseil de

de l’information et de la com- le consommateur, mais aussi pour les assurés (MAPFRE l’OCDE (2005),

munication. pour savoir comment promou- Economics, 2020). Le digital cité par l’Institut

Il est temps de compléter voir le changement de com- permet aux assureurs de pour l’Education

l’assurance conventionnelle portement qu'une solution mieux connaître leurs clients, Financière du

fondée sur la couverture des viable pourrait exiger. Pour de disposer d’une information
ETUDES
Public, l’éducation financière die, l’accident, la dépendance pensable qu’ils disposent de mations financières.

est le processus par lequel les en âge, la mort, les obsèques, connaissances de base. Certes, la fracture ou discri-

consommateurs et investis- l’incendie, la succession, etc. Les médias (émissions télé, mination géographique est

seurs améliorent leur connais- L’assurance suscite donc de réseaux sociaux, feuilletons une stratégie marketing qui

sance des produits, concepts la peur. En plus, elle est un radiophoniques) sont égale- permet de maintenir l’équilibre

et risques financiers, acquiè- produit à faible adhésion, pour ment des canaux à large financier et la rentabilité des

rent au moyen d’une informa- lequel le consommateur paie impact. sociétés de (ré)assurance (du

tion, d’un enseignement ou souvent sans pour autant lui Les leçons tirées de l’expé- fait des faibles coûts de tran-

d’un conseil objectif, les com- accorder beaucoup de consi- rience des praticiens consti- saction due à la disponibilité

pétences et la confiance dération – notamment lors- tuent le meilleur guide pour d’une infrastructure logistique

nécessaires pour devenir plus qu’elle est perçue comme une ceux qui veulent concevoir de fiable permettant d'accéder

sensibles aux risques et taxe (l’assurance responsabi- nouveaux programmes d’édu- aux consommateurs poten-

opportunités en matière finan- lité civile obligatoire). Il arrive cation du public (Dror et al, tiels ou à une clientèle édu-

cière, faire des choix raison- en pratique que, des per- 2012). Il y a aussi des cam- quée).

nés, en toute connaissance sonnes ayant souscrit à une pagnes d’éducation financière Cependant elle a l’inconvé-

de cause, savoir où trouver assurance demandent à récu- au cours desquels les forma- nient d’être une option de

une assistance financière, pérer leur prime au cas où teurs peuvent faire com- court terme car elle privilégie

prendre d’autres initiatives aucun paiement n’aurait lieu, prendre au marché cible com- les bénéfices immédiats au

efficaces pour améliorer leur car leur argent aurait plutôt ment fonctionne l’assurance, détriment d'un résultat à plus

bien-être financier. Cette édu- été gaspillé. ce qu’elle peut et ne peut pas long terme. Elle donne

cation tient à la fois aux conte- Le concept fondamental de faire (Churchill, 2007). Le d’ailleurs naissance à un pro-

nus et aux mécanismes de sa l'assurance – dépenser de mécénat d’entreprise consti- blème structurel de fracture

transmission. l'argent en échange d'un paie- tue aussi un canal à travers sociale et de saturation du

Le contenu des pro- ment incertain couvrant un l’éducation financière qui peut marché, qui à son tour entraî-

grammes d’éducation peut événement hypothétique – être effective. ne la sous-tarification.

porter sur l’éducation financiè- n'est par conséquent pas En apportant un soutien L’une des questions clé de

re de base (l’impact du plan- simple (Platteau et al., 2017), financier ou matériel sans la conception des pro-

ning familial sur la résilience d’où l’importance de l’éduca- contrepartie directe aux activi- grammes d’assurance inclusi-

financière du ménage, la ges- tion des consommateurs et tés comme l’agriculture ou ve est la relation entre la taille

tion du budget familial, la ges- consommateurs potentiels sur une activité d’intérêt général de l’opération (en termes

tion du patrimoine, les notions son fonctionnement. Les (la culture, le sport, l’environ- d’adhésion) et sa viabilité

d’épargne et de crédit, l’infla- efforts d’éducation vont donc nement, la recherche, l’aide financière.

tion), des connaissances sur au-delà de la vente et s’éten- humanitaire, etc.), les assu- Les unités de microassu-

la gestion des risques qui dent au champ de création reurs peuvent passer certains rance et d’assurance inclusive

pèsent sur le ménage (com- d’une culture assurancielle et messages qui améliorent leur doivent être proches de leur

ment identifier les vulnérabili- financière (Churchill, 2007). présence sociétale vis-à-vis base de clients, car la popula-

tés du ménage, prévenir les de la population. tion rurale ou les personnes à

maladies, maîtriser les Concernant les méca- faible revenu n'ont ni les

risques sur les activités). nismes de transmission de 3.3. Combattre l’exclusion moyens ni la possibilité de se

Concernant l’assurance l’éducation financière, dans financière géographique déplacer de leur lieu de rési-

notamment, comme l’évoque les zones rurales, l’on peut se dence aux centres de ser-

De Malleray (2017), contraire- servir de l’aide d’un sage du Les compagnies d’assuran- vices en permanence. L’offre

ment à d’autres village ou d’un responsable ce ainsi que leurs réseaux de faite par le canal de certains

produits tels que de communauté pour faire distribution sont implantées agrégateurs (notamment les

les enseignes de passer les messages adé- dans des zones à très forte établissements de microfinan-

luxe, l’habillement, quats. Les échanges avec agglomération constituant des ce – EMF et les banques) est

l’agroalimentaire, ces personnes-ressources grands pôles d’activités éco- très avantageuse en termes

le sport, qui invi- permettent d’avoir des infor- nomiques, en excluant les de gestion des défaillances du
L’ASSURE UR
tent le consomma- mations sur la compatibilité petites villes et les zones marché (sélection adverse,

teur à se projeter des produits offerts avec la rurales dont ils présument ne risque moral et coûts de tran-
AF RICAIN
dans un univers culture. pas remplir les conditions de saction).

désirable où il est Cette formule d’approche rentabilité et d’assurabilité. Les EMF ont l’avantage
N° 1 21
en pleine forme, est aussi appropriée du fait de Par conséquent, les habitants d’avoir un portefeuille de
SE PT
élégant et entouré l’existence d’une pléiade de des zones rurales ne se client large, et d’avoir des
20 2 3
d’objets de valeur, langues. L’on peut également voient pas seulement refuser informations sur les flux finan-

les assureurs faire recours aux outils d’édu- l'accès aux services, mais ciers de leurs clients. Mais

n’ont d’autre choix cation ludiques (Churchill et aussi aux connaissances sur relevons que les plus pauvres
P A GE
que d’inviter leurs McCord, 2012), ou encore ce qui est disponible et sur des pauvres n’ont pas accès
16
clients à envisager donner une place de choix à comment les utiliser aux EMF. Et c’est leur inclu-

le pire. Le quoti- l’éducation financière dans (Prahalad, 2005). Et même sion financière qui est la plus

dien des des programmes scolaires dans les grandes villes, très difficile.

conseillers en primaire et secondaires, car à peu d’entreprises et de per- Churchill et McCord (2012)

assurance tourne cet âge, les jeunes sont sonnes souscrivent à une révèlent que d’après l’expé-

autour des sujets confrontés à la gestion de leur assurance du fait d’un rience, toute organisation

tels que la mala- premier budget et il est indis- manque de culture et d’infor- effectuant déjà des transac-
ETUDES
tions avec les plus démunis, pement ne disposent pas suf- Régulation et de Dévelop- tique.

et qui jouit de leur confiance, fisamment de ressources et pement de l’Assurance en La carence d’instruments

peut constituer un canal de d’infrastructures pour garantir Inde (Insurance Regulatory financiers fait que les produits

distribution potentiel. La distri- la prévoyance sociale pour and Developement Autority – d’épargne des banques et

bution des produits d’assuran- tous. Séparément, ni le gou- IRDAI Act). A travers cette loi, des assureurs ne soient pas

ce inclusive et de microassu- vernement, ni les assureurs le gouvernement indien a mis incitatifs pour les ménages et

rance utilise à cet effet des privés n'ont réussi à garantir l’accent sur des contraintes entreprises locales ou les

canaux modestes. Ces une assurance inclusive et réglementaires pour faire de multinationales qui veulent

canaux doivent tenir compte une protection sociale à large l’assurance un instrument rentabilisés leurs patrimoines

des coûts de distribution, et impact. financier accessible. Le pre- financiers. Il y a donc en per-

de ce fait, doivent privilégier la D’où la nécessité d’une mier document juridique, qui manence un risque de fuites

souscription de groupes qui coordination marché-institu- date de 2002, intitulé « de capitaux qui sont indispen-

fait appel aux agrégateurs. Il tions publiques pour corriger Obligations of Insurers to sables au développement.

s’agit en pratique des EMF, cet échec. L’expérience de la Rural and Social Sectors » Jouissant d’énormes réserves

des coopératives et des GIC, CIMA montre que l’offre d’as- exige des assureurs privés la techniques, les assureurs pla-

des ONG, des entreprises de surance fournie par les forces vente d’un certain pourcenta- cent plus de la moitié de ces

pompes funèbres, l’e-insuran- du marché uniquement ne ge de contrats d’assurance à fonds dans les comptes de

ce, la bancassurance, des peut aboutir à une offre socia- des clients ruraux et sociaux, dépôt à terme auprès des

églises, des organismes lement optimale. Il y a d’une selon des quotas évolutifs. banques secondaires ou dans

publiques et parapublics, des part le problème de l'offre Une politique fiscale préféren- les obligations d’Etats, alors

entreprises de télécommuni- d’assurance dans les zones tielle est aussi cruciale pour que les banques sont répu-

cation, etc. rurales et périphériques, et alléger la charge fiscale des tées être surliquides dans la

d’autre part celui de souscrip- primes ou alors exempter CIMA.

3.4. Synergie entre acteurs tion des branches non géné- d’impôt certains produits. Pour remédier à cette

du marché : le partenariat riques n’ayant pas suffisam- Dans le cadre de la CIMA, défaillance des marchés de

public-privé ment de statistiques histo- nous recommandons la mise capitaux, les autorités poli-

riques de sinistralité acces- en place d’une fiscalité har- tiques doivent prendre des

Par essence, l’objectif de sibles à la réassurance inter- monisée spécifique aux assu- mesures fortes comme l’obli-

l’assurance inclusive est nationale (les risques agri- rances (par type de produits). gation d’admission à la cote

double. Tout d’abord, il s’agit coles par exemple). Une Notons que, lorsqu’elle est de toutes les entreprises

de donner un engagement action coordonnée entre l’Etat incitative, la politique fiscale ayant un capital seuil (par

social profitant aux clients et le marché est donc une contribue à réduire la fraude exemple de FCFA 5 millions) :

quel que soit leur niveau de condition préalable pour aug- en assurance. Les réassu- petites et moyennes entre-

vie. Ensuite, il faut associer à menter la densité d’assuran- reurs, quant à eux, doivent prises, entreprises de ser-

cela un engagement financier ce. rendre disponibles des pro- vices privées, publiques et

de rentabilité des sociétés. grammes de réassurance parapubliques, ainsi que sou-

Sur le long terme, ces deux Les gouvernements pour pour des lignes de couverture mettre à toutes les entreprises

objectifs ne se contredisent leur part, définissent les poli- des risques de microassuran- financières à être cotées en

pas car bénéficier à toutes les tiques nationales d’assurance ce et apporter leur soutien bourse dans leur première

parties prenantes est la seule inclusive et soutiennent la aux assureurs au niveau de opération de création. La

solution commerciale viable. demande à travers le cofinan- l’assistance technique, la for- demande d’agréments des

À court terme cependant, des cement des primes (subven- mation ou le soutien lors de la institutions du secteur finan-

tensions peuvent apparaître tionnement) et via la sensibili- phase de développement des cier doit être conditionnée par

(McKee et al., 2011). En com- sation. Aux Philippines par produits. l’admission en

binant la dimension de l’éco- exemple, le gouvernement bourse. Cela va

nomie de marché propre à sponsorise tous les ans un « 3.5. Rendre les marchés rendre les mar-

l’assurance conventionnelle – mois de la microassurance » financiers plus dynamiques chés financiers

qui est tournée vers la réalisa- (Churchill et McCord, 2012). davantage pro-

tion du profit – à la dimension Par ailleurs, l’intervention Il n’y a pas de marché d’as- fonds et plus
L’ASSUREUR
protection sociale – propre à gouvernementale stimule la surance rentable sans mar- attrayant en

l’Etat – les programmes d’as- confiance et maintient la fidé- ché financier. L’assurance termes de renta-
AFRICAIN
surance inclusive sont sus- lité des clients ex post la transforme le capital dormant bilité de l’épargne

ceptibles de supporter les souscription. en capital disponible. publique. La


N° 1 21
faibles bénéfices à court A travers des mesures L’assurance est un investis- Banque Inter-
SE PT
terme, voire même les pertes, réglementaires, les autorités seur institutionnel qui peut nationale des
20 2 3
pour un développement publiques peuvent également contribuer significativement à Règlements (cité

durable du marché. améliorer la perception et la la croissance économique, à par Hugon, 2007)

Cependant, comme le sou- demande d’assurance. Par travers la levée de l’épargne estime que 40 %
P A GE
ligne Churchill (2009), les per- exemple, le leader mondial publique en plus de son rôle de l’épargne afri-
17
sonnes pauvres ou exclues actuel de l’innovation en de transféreur de risques ou caine est repla-

ne peuvent pas se permettre microassurance (l’Inde), a d’organisme de mutualisation. cée dans des cir-

de cotiser auprès d’orga- envoyé un signal fort au mar- Cette levée de l’épargne loca- cuits extérieurs à

nismes de sécurité sociale ché et à la population avec le endogène réduit le recours l’Afrique et ne

d’une part, et les gouverne- l’entrée en vigueur de la loi de à l’endettement extérieur qui favorise pas le

ments des pays en dévelop- 1999 sur l’Autorité de accentue la dépendance poli- développement
ETUDES
des productions nationales à La démocratisation de l’as- Financière – AFI, 2018). tiques doivent créer des

cause du déficit de dyna- surance, en tant que service Les objectifs finals ou inter- organes autonomes et leur

mique des marchés finan- public, demande la définition médiaires doivent être quanti- assigner le mandat de défini-

ciers. des stratégies nationales de fiés et comptabilisés dans le tion et d’application de la poli-

finance inclusive. Cette défini- temps (par exemple, atteindre tique d’inclusion financière. À

tion se fait à travers un docu- un taux de pénétration de 5 % l’échelle internationale, dans

3.6. Définir et conduire ment de stratégie comportant ou une densité d’assurance la pratique, la plupart des

la politique de finance des définitions opération- par habitant au moins égale à pays ayant défini des straté-

inclusive nelles des concepts d’assu- la densité moyenne de gies nationales d’inclusion

rance inclusive et de microas- l’Afrique dans deux ans). financière et assurancielles

Au lieu de bénéficier de la surance, des objectifs finals et Quant aux indicateurs ou ont procédé, soit à un dia-

dynamique et la rentabilité intermédiaires, ainsi que de baromètres, ils doivent fournir gnostic approfondi du secteur

des marchés financiers étran- bons baromètres, non seule- un renseignement sur la financier avant d’élaborer la

gers en transférant l’épargne ment sur les dimensions d’ac- valeur de la couverture d’as- stratégie, soit un diagnostic

nationale à l’extérieur, les cessibilité et d’utilisation de surance pour les clients (par approfondi à travers une série

autorités monétaires de la l’assurance, mais aussi sur la exemple, par le taux de sinis- d’études sur l’offre, la deman-

zone CIMA doivent créer la qualité de service (l’Initiative tralité, le taux de renouvelle- de et la réglementation de

rentabilité de leurs marchés Accès à l’Assurance – A2ii et ment des contrats). Par l’assurance (A2ii et AIF,

financiers. l’Alliance pour l’Inclusion ailleurs, les autorités poli- 2018).

L
’assurance inclusive est en personnellement utilisable (bonne mesures de développement du

première ligne des moyens éducation financière des bénéfi- marché. Il s’agit en priorité de

rationnels de lutte contre les ciaires, jargon des produits simpli- convertir les pauvres en consom-

pertes agréées au niveau macroé- fié) et socialement utile (améliora- mateurs grâce à l’usage des nou-
CONCLUSION

conomique, à travers la prévention tion continue du bien-être individuel velles technologies, la recherche-

des risques pour protéger les popu- et collectif). Les attentes en matière développement, l’éducation citoyen-

lations ainsi que leurs patrimoines de politique d’inclusion financière ne à la résilience aux risques. Sans

contre des coups et des coûts inat- occupent une place importante prétendre que l’assurance inclusive

tendus suite à la survenue d'événe- dans les stratégies de développe- constitue une solution miracle à

ments adverses et malencontreux. ment et il va sans dire que les ques- l’ensemble des problèmes de déve-

Pour qu’elle joue efficacement tions que pose l’assurance inclusive loppement auxquels font face les

son rôle de mutualisation de risques ne sont pas nouvelles. pays de la CIMA, mais si l’on étend

dans la CIMA, l’assurance doit être Démocratiser l’assurance dans la le taux de couverture de l’assuran-

fonctionnelle, et pour qu’elle soit CIMA nécessite d’intenses efforts ce, cela améliorerait la productivité

fonctionnelle, elle doit être inclusive, de coordination des politiques et un et la résilience de la population qui

c’est-à-dire économiquement partenariat public-privé, qui doivent serait davantage prudence et bien

accessible à tous (prix abordable), agir de manière intelligente sur des informée à la gestion des risques.

*Macro Economic Development

Ph. D student & Spécialist in Risk management & insurance supervision

1- Les personnes à faible revenu sont classées comme celles qui gagnent soit moins de USD 2 par jour en parité

de pouvoir d’achat, soit la moitié de la moyenne du revenu annuel par habitant du pays considéré dans les pays en

développement (Benicourt, 2001 ; Radermacher et al., 2006).

2- Les femmes, les enfants, les agriculteurs, les personnes handicapées, la population rurale, les petites et

moyennes entreprises et les travailleurs de l’économie informelle, font partie des groupes socioéconomiques moins

bien servis par les services financiers.


L’ASSUREUR

3- La CIMA regroupe les Etats suivants : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Centrafrique, Comores, République du
AFRICAIN
Congo, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée Bissau, Guinée Equatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad et le Togo. Les

Comores n’ont pas encore ratifié le traité et la Guinée Conakry a bénéficié d’un statut d’observateur en 1998 et en
N°1 2 1
1999.
S E PT

2 02 3 4- Voir les statistiques de la Swiss Re Swiss Re Institute (sigma-explorer.com)

5- Nous avons converti les cotisations d’assurance exprimées en USA en FCFA au cours de 1 USD = XAF

P AGE 623,9268 le 15/10/2023 20h30 minutes.

18
6- L’usage du taux de pénétration d’assurance ne produit pas nécessairement le même résultat que celui de la den-

sité d’assurance. Le numérateur restant le même (primes émises nettes d’annulations), le diviseur (PIB ou taille de

la population) peut changer la conclusion. Par exemple, le Gabon dispose d’une forte densité d’assurance par habi-

tant, mais elle a un faible taux de pénétration. Ce résultat est similaire à celui de l’Afrique du Sud, qui est classé

29e mondial sur la densité d’assurance par habitant (USD 1080), et deuxième mondial en taux de pénétration d’as-

surance (14 %).


SOCIETE DE GESTION ET
D’INTERMEDIATION: LA SA2IF
OPERATIONTIONNELLE SUR LE
MARCHE FINANCIER DE L’UEMOA

Arrivée tout nouvellement sur le marché financier de

l’UEMOA, la Société Africaine d’Ingénierie et

d’Intermédiation Financières en abrégée SA2IF est une

société anonyme de droit burkinabè avec un capital de

1 000 000 000 F CFA.

Animée par une volonté ferme, d’opérer en toute

efficacité avec des conditions plus souples et

accessibles, elle se positionne comme un acteur de

référence en matière d’innovation dans

l’accompagnement des investisseurs sur le marché

financier régional. Ainsi la société est engagée dans le

processus d’acquisitions de l’agrément du module de la

bourse en lignes et les moyens des transactions

électroniques.

Outre les investisseurs institutionnels, les cibles de la

nouvelle SA2IF sont les Petites et Moyennes

Entreprises (PME), les particuliers et acteurs du

développement. Par ailleurs, des accords de

partenariat sont noués avec des banques de l’espace

UEMOA et des Fonds d’investissement en vue

d’accompagner efficacement les PME sur le marché

financier régional.

La SA2IF offres plusieurs produits que sont la levée de

fonds ; conseil et formation ; garanties de financement

; portefeuille de Titres en compte géré ; ingénierie

financière ; courtage et négociation.

Pays africains où SA2IF intervient

La société dispose d’une liaison spécialisée avec la

BCEAO pour participer directement aux opérations

d’adjudication sur le marché de Titres Publics de

l’UEMOA. Aussi, elle bénéficiera très prochainement

d’une liaison avec la Society for Worldwide Interbank

Financial Telecommunication (SWIFT) et le Dépositaire

Centrale/Banque de Règlement (DC/BR) qui facilite les


BP 459 Ouaga Kossyam 10010
transactions financières et les transferts d’argent pour
+226 75 20 01 01 / +226 64 36 99 99
les banques du monde entier.
clients@sa2if.com
www.sa2if.com
ETUDES
Références bibliographiques

Association Internationale des Contrôleurs d’Assurance (AICA) & Dror, I., Dalal, A. & Matul, M. (2012). Pratiques émergentes en matière

Groupe consultatif d’assistance aux plus pauvres (CGAP). (2007). d’éducation des consommateurs à la gestion des risques et à l’assurance.

Questions sur la réglementation et le contrôle de la microassurance. In Protéger les plus démunis : Guide de la micro-assurance, Volume II,

publ. sous la dir. de Craig Churchill et Michal Matul, 324-340. Organisation

Benicourt, E. (2001). La pauvreté selon le PNUD et la Banque mondiale. internationale du Travail, Genève, en association avec la Fondation

Études rurales, 159-160, https://doi.org/ 10.4000/ etudesrurales.68 Munich Re, Munich.

Chow, Q., Min Ng, J. Biese, K. & McCord, M. J. (2019). Technology in Hugon, P. (2007). Rentabilité du secteur bancaire et défaillances du finan-

microinsurance: How new developments affect the work of actuaries. cement du développement : le cas de la CEMAC. Revue Tiers Monde, 192,

Society of Actuaries. 771-788. https://doi.org/10.3917/rtm.192.0771

Churchill, C. & McCord, M., J. (2012). Tendances actuelles en micro- Initiative Accès à l’Assurance (A2II) & Alliance pour l’Inclusion

assurance. In Protéger les plus démunis : Guide de la micro-assurance, Financière (AIF). (2018). Assurance inclusive : la pièce manquante de

Volume II, publ. sous la dir. de Craig Churchill et Michal Matul, 8-44. nombreuses stratégies nationales d’inclusion financière.

Organisation internationale du Travail, Genève, en association avec la

Fondation Munich Re, Munich. Institut pour l’Education Financière du Public. Qu'est-ce que l'édu-

cation financière ? La finance pour tous. https://www.lafinancepour-

Churchill, C. & Reinhard, D. (2012). Introduction. In Protéger les plus tous.com/IMG/pdf/wikipedia.pdf

démunis : Guide de la micro-assurance, Volume II, publ. sous la dir. de

Craig Churchill et Michal Matul, 1-7. Organisation internationale du Travail, Levine, R. (1997). Financial development and economic growth: Views

Genève, en association avec la Fondation Munich Re, Munich. and agenda. Journal of Economic Literature, 35(2), 688–726.

http://www.jstor.org/stable/2729790

Churchill, C. (2002). Trying to understand the demand for microinsurance.

Journal of International Development, 14(3), 381–387. MAPFRE Economics. (2020). Financial inclusion in insurance. Madrid,

https://doi.org/10.1002/jid.882 MAPFRE Economics. https://www.mapfre.com/media/economic-resear-

ch/2020/mapfre-economics-inclusion-financiera-11-06-2020-ENU.pdf

Churchill, C. (2007). Insuring the low-income market: Challenges and

solutions for commercial insurers. The Geneva Papers on Risk and McKee, K., Lahaye E. & Koning, A. (2011). Finance responsable : de la

Insurance. Issues and Practice, 32(3), 401–412. http://www.jstor.org/ théorie à la pratique. Washington, .C.CGAP

stable/41952949 https://www.mfw4a.org/sites/default/files/resources/Finance%20respon-

sable%20de%20la%20th%C3%A9orie%20%C3%A0%20la%20pratique.pdf

Churchill, Craig. (2009). Qu’est–ce que l’assurance pour les pauvres? In

Protéger les plus démunis : Guide de la micro-assurance Volume I, publ. Platteau, J., P., De Bock, O. & Gelade, W. (2017). The Demand for

sous la dir. de Craig Churchill, 12-26. Organisation internationale du Microinsurance : A literature review. World Development, Volume 94, 139-

Travail, Genève, en association avec la Fondation Munich Re, Munich. 156. https://doi.org/10.1016/j.worlddev.2017.01.010

De Malleray, P. (2017). Le marketing dans l'assurance : le tournant du digi- Radermacher, R., McGowan, H. & Dercon, S. (2012). Quel est l’impact

tal. Revue d'économie financière, 126, 145-168. de la micro-assurance ? In Protéger les plus démunis : Guide de la micro-

https://doi.org/10.3917/ecofi.126.0145 assurance, Volume II, publ. sous la dir. de Craig Churchill et Michal Matul,

67-92. Organisation internationale du Travail, Genève, en association avec

Demirgüç-Kunt, A., Klapper, L., Singer, D. & Ansar, S. (2022). The la Fondation Munich Re, Munich.

Global Findex Database 2021 : Financial inclusion, digital payments, and

resilience in the age of COVID-19. Washington, DC : World Bank. Ziguélé, Martin. (2008). Comment renforcer les compagnies d’assurances

https://doi.org/10.1596/978-1-4648-1897-4 africaines de la zone CIMA. Analyses sectorielles, note pour CAPafrique.

L’assurance inclusive

sous l’angle actuariel


Le «Risk Book» de l’AAI
L’ASSUREUR
Sur les 9 milliards d'habitants sur la planète, environ 4 mil-
AFRICAIN
liards pourraient bénéficier d'initiatives d'assurance inclusive.

N° 1 21
Un grand nombre de personnes n'ont dans la zone CIMA a du mal à démarrer
SE PT
donc pas accès à l'assurance, alors contrairement aux marchés dans les
20 2 3
que si elles y avaient accès, elles pour- pays subsahariens anglophones où de

raient améliorer leur vie en utilisant des nombreuses compagnies d'assurance

produits d'assurance formels acces- offrent l’assurance inclusive avec suc-


P A GE
sibles à tous, non seulement pour récu- cès. Ces preneurs de risque ont dû
21
pérer les pertes subies en cas d'événe- apprendre à comprendre les diffé-

ments défavorables, mais aussi pour rences inhérentes entre les disposi-

se donner la confiance nécessaire pour tions de l'assurance inclusive et celles

prendre des risques afin de faire pro- de l'assurance traditionnelle (ou clas-

gresser leur croissance économique. sique). Cet article expliquera plus en

Le marché de l'assurance inclusive détail les différences entre les deux. Renata DE LEERS*
ETUDES
Le chapitre du « Risk Book mentaire au sens large, et les abordable pour le client et social et économique. Il est

» (en Fr : Livre sur les membres de la profession durable pour le prestataire, également vrai que tous les

risques) de l'Association actuarielle. qui permet aux clients finan- types d'assurance ne fournis-

Actuarielle Internationale Le chapitre sur l'assurance cièrement non desservis ou sent pas seulement une cou-

(AAI) consacré à l'assurance inclusive du Risk Book, mal desservis d'utiliser des verture de protection contre

inclusive présente une intro- publié en 2021 (voir IAA services financiers formels les risques défavorables,

duction de haut niveau à l'as- 2021), présente l'assurance plutôt que les options infor- mais aussi la confiance

surance inclusive et explique inclusive. melles existantes. nécessaire pour entre-

en quoi ce type d'assurance Nous vous en présentons Les produits d'assurance prendre des activités com-

diffère de l'assurance tradi- quelques points saillants et accessibles à tous compren- merciales plus risquées,

tionnelle (aussi appelée « vous encourageons à le lire nent tous les produits d'assu- jouant à la fois un rôle positif

classique »), telle qu'elle est par vous-même. L'intégralité rance destinés aux marchés d'incitation sociale et écono-

généralement enseignée du Risk Book est également non desservis ou mal desser- mique et fournissant une

dans les programmes acadé- disponible sur le site de l'AAI. vis. Ces marchés sont géné- sécurité dans des circons-

miques en actuariat ou en Qu'est-ce que l'assurance ralement des marchés d'as- tances défavorables. Ces

assurances. inclusive telle que définie surance dans les pays en aides sont particulièrement

dans le « Risk Book » ? développement (du point de précieuses pour les per-

Le « Risk Book » de l'AAI Le chapitre du Risk Book vue de l'assurance), mais ne sonnes au-dessus du seuil

définit l'assurance inclusive sont pas limités à ces pays. de pauvreté, car un seul évé-

L'AAI (Association Actua- comme des produits d'assu- La micro-assurance est un nement défavorable risque

rielle Internationale) est l'or- rance permettant aux adultes sous-ensemble de l'assuran- de les faire basculer définiti-

ganisme mondial représen- d'avoir un accès effectif aux ce inclusive qui se concentre vement sous le seuil de pau-

tant la profession actuarielle. produits d'assurance et sur les populations à faibles vreté.

Son « Risk Book » présente d'épargne proposés par les revenus. Le paysage de l'assurance

des sujets actuariels acces- assureurs par l'intermédiaire Il est bien établi qu'un inclusive évolue rapidement.

sible à un large public com- de prestataires formels. meilleur accès à des services Des études mondiales

prenant les utilisateurs de L'accès effectif est expliqué financiers accessibles à tous, récentes (MIN 2020, MIN

services actuariels, les étu- comme l'implication d'une y compris l'assurance, contri- 2021 et MIN 2022) renforcent

diants en actuariat, la com- prestation de services effica- bue à réduire la pauvreté et à ce point, comme l'illustre le

munauté d’affaires et régle- ce et responsable, à un coût améliorer le développement diagramme ci-dessous.

L'importance accrue

des lignes de produits

d'assurance santé (*)

en 2020 reflète la

réponse rapide du

secteur de l'assurance

inclusive aux besoins

de ses clients pendant

la pandémie de

COVID-19. La capaci-

té d'adaptation et de

réponse aux besoins

des clients est une

marque de fabrique de

nombreux fournis-

seurs d'assurance

inclusive.

(*) le produit santé


L’ASSURE UR
est un produit qui

indemnise un montant
AF RICAIN
journalier pour chaque

nuitée hospitalisée
N° 1 21 MicroInsurance Network 2020, MIN 2021 et MIN 2022 sur base des informations collec-
tenant compte d’une
SE PT tées dans les enquêtes – les réponses des interviewees sont volontaires )
franchise
20 2 3

Différences entre l'assurance inclusive et l'assurance traditionnelle

P A GE À un niveau élevé, la chaîne de valeur de l'assurance accepte le risque financier en échange du paiement de

22 comporte trois rôles clés : la prime d'assurance.

• Partenaire de distribution : Tout acteur jouant un rôle • Prestataire de services techniques (PST) : Il fournit

dans la distribution de l'assurance. Il peut y avoir plu- des services techniques à un partenaire de distribution,

sieurs partenaires de distribution qui travaillent à un assureur ou à toute autre partie de la chaîne de

ensemble ou successivement pour distribuer l'assuran- valeur de l'assurance. Il peut s'agir de services actua-

ce au client. riels, de services technologiques et de données, de ser-

• Assureur ou porteur de risque : Toute partie qui vices de développement international ou de connais-
ETUDES
sances spécifiques à Diagramme 1 : La chaîne de valeur de l'assurance traditionnelle
un pays ou à un mar-

ché sur la manière

d'atteindre un type de

consommateur.

Les PST sont sou-

vent le "ciment" qui

maintient les relations

entre les multiples par-

tenaires d'une initiati-

ve d'assurance inclu-

sive.

Les illustrations sui-

vantes résument les

différences significa-

tives entre l'assurance

traditionnelle et l'assu-

rance inclusive.

Comme ces chaînes

de valeur sont indica-

tives, il y aura des

variations dans la pra-

tique reflétant les

conditions locales. Les

différences et les

changements dans

l'importance des diffé-

rents acteurs sont mis (Livre des risques

en évidence par les de l'assurance

inclusive 2021)
flèches du diagramme

2. (Ci-dessous)

L
es PST jouent générale- nantes sont souvent impli- en œuvre efficace de l'assu- nels bien développés comme

ment un rôle beaucoup quées dans la mise en œuvre rance inclusive. l'Afrique du Sud, un certain

plus important dans l'as- d'aspects clés de l'assurance nombre de conditions préa-

surance inclusive que dans inclusive, et certaines d'entre Conditions actuarielles lables sont généralement pré-

l'assurance traditionnelle, elles (comme les opérateurs préalables sumées :

apportant à l'assurance inclu- de téléphonie mobile) peu-

sive de l’expertise et de l’ex- vent être extérieures au sec- D'un point de vue actuariel, • Une offre abondante d'ac-

périence que les assureurs et teur de l'assurance. Ceci dif- les différences notées ci-des- tuaires, l'existence d'une for-

les distributeurs plus tradi- férencie l'assurance inclusive sus reflètent le contexte du mation actuarielle et l'existen-

tionnels n'ont pas forcément. de l'assurance traditionnelle travail actuariel. Sur les mar- ce de normes profession-

De multiples parties pre- et complique souvent la mise chés d'assurance tradition- nelles solides ;

Diagramme 2 : La chaîne de valeur de l'assurance inclusive

L’ ASSUREUR

AFRICAIN

N °1 2 1

S EPT

2 02 3

PA GE

23

Livre des risques de l'assurance inclusive 2021


ETUDES
• La disponibilité de don- • Les systèmes de collecte Underserved » publié par conscients des différences

nées pertinentes, opportunes et d'analyse des données ACTEX Publications, entre les produits d'assuran-

et appropriées ; sont précaires ; Winsted, CT, 2015. ce traditionnels et inclusifs,

• La compréhension de l'as- Il existe un risque que les en tenant compte de l’envi-

• L’accès à des systèmes surance par les clients peut outils et approches actuariels ronnement socio-écono-

permettant la collecte et être limitée, en particulier standard ne soient pas adap- mique et du profit des

l'analyse de données par les pour ceux qui souscrivent tés aux marchés de l'assu- besoins de clients n’ayant

prestataires, le secteur et au pour la première fois une rance inclusive, et que leur pas accès à l’assurance tradi-

niveau national ; et assurance ; application conduise à des tionnelle.

• La confiance dans l'assu- résultats inattendus, tels que Le défi pour la profession

• Un cadre réglementaire rance peut faire défaut ; et des primes ou un traitement actuarielle est de savoir com-

raisonnablement bien déve- • Il se peut qu'il n'y ait pas des sinistres inappropriés. ment prendre les connais-

loppé et flexible, et compris de réglementation adaptée à Pour plus d'informations sances actuarielles tradition-

par les acteurs du marché. l'assurance inclusive ou, à sur le chapitre du Livre des nelles et les transférer dans

l'inverse, que la réglementa- risques consacré à l'assuran- un environnement où les

Dans de nombreux autres tion existante constitue un ce inclusive, vous pouvez conditions préalables tradi-

marchés de l'assurance inclu- obstacle à l'assurance inclu- consulter le chapitre lui- tionnellement attendues,

sive, la réalité est sans doute sive. même (voir IAA 2021) ou actuarielles et plus générales,

différente et les conditions Ces questions sont exami- assister à deux webinaires, ne sont pas remplies. Les

préalables ne sont souvent nées plus en détail dans organisés en février 2023, au actuaires devront donc faire

pas remplies : l’analyse intitulée ‘Addressing cours desquels l'AAI se preuve de souplesse, d’inno-

the Gap in Actuarial Services penche sur les conclusions vation et de résilience. Ils

• L'offre d'actuaires quali- in Inclusive Insurance de ce chapitre (Voir devront être capables d'appli-

fiés peut être limitée ou Markets', de l’Association https://www.youtube.com/wat quer des principes sous-

inexistante. Il en va de même Actuarielle Internationale, ch?v=l_j2bK-AdEI et jacents, par opposition aux

pour d'autres compétences 2014. (Voir https://www.youtube.com/wat pratiques traditionnelles stan-

en matière d'assurance inclu- https://www.actuaries.org/iaa/ ch?v=YTr3n7wPVS). dardisées et "classiques"

sive ; IAA/Publications/Papers/Incl Dans le monde entier, il souvent caractérisées par

usive_Insurance/IAA/Publicat existe un grand besoin de des notes techniques sta-

• Les données peuvent ne ions/Inclusive_Insurance.asp produits d'assurance inclu- tiques depuis plusieurs

pas être disponibles ou diffici- x?hkey=20718186-6e51- sifs. décennies. Ce défi est ampli-

lement collectables (ce qui 457d-abde-cb1f7181a865I). La profession actuarielle fié par la nécessité de refléter

pourrait, par exemple, entraî- Quelques exemples de la peut jouer un rôle important le contexte actuel et futur de

ner l'absence de tables de manière dont ces questions dans la fourniture efficiente, chaque pays.

mortalité et de morbidité pourraient être abordées sont efficace et durable de ces

adaptées aux communautés donnés dans le livre « produits. Pour y parvenir, les *Déléguée Générale,

Actuaires du Monde,
visées par l’assurance inclu- Actuaries in Microinsurance : actuaires qualifiés et les ana-
Association Loi 1901
sive) ; Managing Risk for the lystes actuariels doivent être
(www.actuairesdumonde.org

Références

Blacker 2015 : Blacker, J. (éditeur), Actuaries in Microinsurance : Managing Risk for the Underserved, ACTEX

Publications, Winsted, CT, 2015.

AAI 2023, "Webinaire de l'AAI : Le chapitre du livre sur le risque d'assurance inclusif, Sessions 1 et 2', Voir

https://www.youtube.com/watch?v=l_j2bK-AdEI et https://www.youtube.com/watch?v=YTr3n7wPVS

AAI 2021, "Inclusive Insurance", chapitre du Risk Book, Association Actuarielle Internationale, 2021. Voir

https://www.actuaries.org/IAA/Documents/Publications/RiskBook/IAARiskBook_InclusiveInsurance_2021-12.pdf.

AAI 2017, "Assessing Risk and Proportionate Actuarial Services in Inclusive Insurance Markets - An Educational
L’ASSURE UR
Paper and Toolkit", Association Actuarielle Internationale, 2018. Voir

https://www.actuaries.org/iaa/IAA/Publications/Papers/Inclusive_Insurance/IAA/Publications/Inclusive_Insurance.a
AF RICAIN
spx?hkey=20718186-6e51-457d-abde-cb1f7181a865.

IAA 2014, 'Addressing the Gap in Actuarial Services in Inclusive Insurance Markets', Association Actuarielle
N° 1 21
Internationale, 2014. Voir

SE PT https://www.actuaries.org/iaa/IAA/Publications/Papers/Inclusive_Insurance/IAA/Publications/Inclusive_Insurance.a

20 2 3 spx?hkey=20718186-6e51-457d-abde-cb1f7181a865.

MIN 2020, "The Landscape of Microinsurance 2020", Micro Insurance Network 2020. Voir https://microinsuran-

cenetwork.org/resources/resource-13621

MIN 2021, "The Landscape of Microinsurance 2021", Micro Insurance Network 2021. Voir https://www.ada-
P A GE
microfinance.org/sites/default/files/inline-files/Landscape%20of%20Microinsurance%202021_Report.pdf.
24
MIN 2022, "The Landscape of Microinsurance 2022", Micro Insurance Network 2022. Voir https://microinsuran-

cenetwork.org/resources/the-landscape-of-microinsurance-2022

Adapté par Renata DE LEERS, Déléguée Générale d’Actuaires du Monde et membre du Forum virtuel sur l'as-

surance inclusive de l'AAI, de l'article original rédigé par Jules Gribble et publié sur la plateforme Actuaries Digital

le 23 mars 2023.
ETUDES
L’instauration de nouvelles assurances
obligatoires dans l’espace CIMA
Le choix d’instituer des assu- ce, les assurances obligatoires

rances obligatoires n’est pas, en mettent à l’épreuve les capacités

principe, guidé par l’objectif d’ac- de contrôle des personnes assu-

croître la rentabilité des opérations jetties, de gestion et de rétention

d’assurance. Il s’agit, avant tout, de risques. Partant, le bien-fondé

de recourir aux capacités des des assurances obligatoires ne

(ré)assureurs, en tant que porteurs peut occulter la nécessité de

de risques, pour répondre à des sérieusement (re)penser leur opé-

besoins socio-économiques de rationnalisation, à peine de se brû-

sécurité, face à des risques qui ler les ailes. Comme souvent, le

peuvent dépasser les capacités de diable se cache dans les détails… Dessanin Ewèdew Thierry

AWESSO*
la solidarité collective. À l’éviden-

Les premiers résultats de rer et d’assurer. À proprement d’assurance desdits profes- entre la CIMA et la Conférence

l’étude commanditée par la parler, l’assurance obligatoire sionnels concerne aussi les interafricaine de la prévoyance

Conférence interafricaine des suppose la souscription d’un véhicules utilisés dans le cadre sociale (CIPRES) sur la ques-

marchés d’assurances (CIMA) contrat ayant pour objet l’octroi de leur activité. À titre compa- tion.

sur les assurances obliga- de la garantie exigée par le ratif, en République En attendant les résultats

toires, présentés lors de la législateur. Il conviendra donc Démocratique du Congo finaux de l’étude sur les assu-

47ème Assemblée Générale d’écarter les assurances obli- (RDC), le Code des assu- rances obligatoires dans l’es-

de la Fédération des Sociétés gatoires conventionnelles rances de 2015 mentionne six pace CIMA, la présente

d’Assurances de Droit National résultant de la force obligatoire assurances de dommages réflexion se propose d’étudier

Africaines (FANAF), en février des contrats. À titre d’illustra- obligatoires : l’assurance res- l’utilité (I) et la complexité (II)

2023, à Kinshasa, vont dans le tion, l’assujettissement à la ponsabilité civile des proprié- de l’instauration de « nouvelles

sens de la proposition de la souscription d’une assurance taires de véhicules terrestres à » assurances obligatoires dans

création de nouvelles assu- de responsabilité civile auto- moteur ; l’assurance responsa- l’espace CIMA.

rances obligatoires dans les mobile est une assurance obli- bilité civile des transporteurs

États-membres de la CIMA. Il gatoire. En revanche, on est aériens ; l’assurance respon- I. L’utilité de l’instauration

convient de préciser que ces en présence d’une garantie sabilité civile des transporteurs des assurances obligatoires

assurances ne sont pas toutes obligatoire lorsque, par le seul maritimes, fluviaux et lacustres

aussi « nouvelles », dans la effet de la loi, une garantie ou des voies de navigation L’assurance obligatoire est

mesure où certaines existent spécifique est automatique- intérieures ; l’assurance des un moyen efficace de garantir

déjà. En réalité, dans l’espace ment incluse dans un contrat risques de construction ; l’as- le transfert de risques impor-

CIMA, les assurances obliga- d’assurance déjà existant. La surance incendie ; l’assurance tants, mettant souvent à mal

toires peuvent être classées souscription de ce dernier des facultés à l’importation. les principes de mutualisation,

en deux catégories. La premiè- n’est pas ici obligatoire Dans les États-membres de au marché assurantiel (A). Par

re est celle des assurances (Kullmann, 2014, p. 95). la CIMA, les deux types d’as- ailleurs, en for-

rendues obligatoires par le Le législateur CIMA a ainsi surances obligatoires les plus çant la mutualisa-

législateur CIMA. La seconde rendu obligatoire l’assurance répandues, édictées par le tion, impliquant

est celle des assurances obli- des véhicules terrestres à législateur national, sont rela- notamment les

gatoires émanant des législa- moteur et de leurs remorques tives aux risques de construc- capacités éta-

teurs nationaux. Ces dernières et semi-remorques, l’assuran- tion (assurance tous risques tiques, l’assuran-

peuvent aussi résulter d’enga- ce des facultés à l’importation chantier et RC décennale) et à ce obligatoire
L’ASSUREUR
gements internationaux des (dans la mesure où les législa- l’exercice de professions régle- améliorerait l’as-

États. Il faut noter que l’étude tions nationales le prévoient) mentées. surabilité des AFRICAIN

commanditée doit faire le bilan et l’assurance des agents Il ressort des états généraux risques couverts

de la mise en œuvre des assu- généraux, courtiers et autres de la FANAF de mars 2018, à (B). N° 1 21
rances obligatoires de la CIMA intermédiaires d’assurance et Abidjan, que l’instauration de
SE PT
et déterminer les conditions de capitalisation (Assi-Esso, nouvelles assurances obliga- A. Le transfert
20 2 3
dans lesquelles de nouvelles Issa-Sayegh et Lohoues-Oble, toires devrait rester à la discré- de risques

assurances obligatoires 2002, p. 336). De manière plus tion de chaque État-membre importants

seraient introduites par ses subtile, on peut aussi relever qui pourra définir l’étendue des au marché
P A GE
États-membres. l’assurance responsabilité civi- garanties, ainsi que les méca- assurantiel

Avant d’aller plus loin, il le des professionnels de la nismes de contrôle. Il faut éga- Lorsque l’on se 25

convient d’emblée de distin- réparation, de la vente et du lement souligner que l’assu- demande pour-

guer les assurances obliga- contrôle de l’automobile dont rance santé obligatoire, qui ne quoi il faut des

toires des garanties obliga- la responsabilité n’est pas cou- fait pas l’objet de la présente assurances obli-

toires. Les premières, au verte par l’assurance de leurs analyse, y a été également gatoires, il

centre de la présente analyse, clients. Prévue à l’article 201 abordée, avec un accent parti- convient de rap-

crées une obligation de s’assu- du Code CIMA, l’obligation culier pour la collaboration peler que l’assu-
ETUDES
rance se construit sur deux de la personne assujettie qui nologiques, 54 755 décès et des risques qui n’induiraient

grands piliers du « contrat est principalement visée afin de 419 256 personnes touchées pas de pertes substantielles et

social » : la solidarité et la res- faciliter l’indemnisation d’éven- ont été dénombrés en Afrique dont la couverture serait ren-

ponsabilité. Tout d’abord, l’obli- tuelles victimes. En somme, (CRED, 2020, 2019). table. Au-delà de la capacité à

gation d’assurance met en l’assurance obligatoire de la L’importance financière, et évaluer les risques, qui peut

œuvre les obligations que la responsabilité permet – au tra- humaine, des risques à couvrir être mise à mal face à des

société incorpore dans les vers du rétablissement de peut justifier le manque d’appé- risques insuffisamment

droits et des devoirs sociaux. l’équilibre économique entre un tence des (ré)assureurs de connus, l’importance des

Ensuite, cette obligation est un acteur porteur de risques et l’espace CIMA qui ne vou- risques dépend aussi de la

mécanisme essentiel de régu- une potentielle victime – la pré- draient pas s’exposer à des possibilité de constituer une

lation des activités dans la servation de l’efficacité de risques pour lesquels la mutua- collectivité d’assurés permet-

société. Partant, « l’obligation l’obligation générale de réparer lisation reste encore très faible. tant de diluer le risque. Cette

est le signe de la reconnais- le dommage que l’on cause Plus singulièrement, le faible dernière doit être suffisamment

sance de l’assurance et de sa injustement à autrui (Foussat, taux de pénétration de l’assu- importante et diversifiée, pour

fonction sociale. Elle marque 2002, p. 842‑843). rance dans la zone CIMA, faire jouer la loi des grands

l’âge de la société assurantielle En fonction de leurs finalités autour de 0,9 % en 2019, ne nombres et le théorème central

et rappelle que la fonction que indemnitaires, les assurances permet pas d’envisager une limite qui sont au cœur de la

nous donnons à l’assurance, obligatoires vont de la protec- mutualisation suffisamment mutualisation (Charpentier,

dans nos sociétés, est incom- tion des personnes à celle des homogène et diversifiée pour 2011, p. 112‑113). L’aversion

parable » (Ewald, 1992, p. biens. Il s’agit de garantir la compenser les éventuelles au risque conduit alors, en l’ab-

77‑78). protection de victimes face à pertes. Partant, l’opération sence d’obligation d’assurer, à

D’un point de vue écono- d’importants risques de dom- d’assurance ne serait pas éco- ne pas proposer la couverture

mique, deux arguments peu- mages. À ce propos, certains nomiquement rentable et expo- de risques pour lesquels la

vent être avancés en faveur de risques sont identifiés comme serait les assureurs au désé- mutualisation est insuffisante.

l’assurance obligatoire. Le pre- étant non convenablement quilibre financier. On comprend Si de telles offres existaient,

mier s’appuie sur le fait que les

agents économiques n’agi-

raient pas spontanément de

manière optimale. Cela résulte-

rait, entre autres, de leur mau-

vaise perception des risques

auxquels ils sont exposés. Le

second argument est fondé sur

les attentes des agents écono-

miques quant aux mécanismes

de transferts de solidarité orga-

nisés par l’État. Escomptant un

transfert de solidarité, ils refu-

seront donc de s’assurer pour

un risque couvert par l’interven-

tion probable de la société. De

ce fait, la solution pour l’État,

pour ne pas devenir « indemni-


Certains risques sont identifiés comme étant non convenablement couverts dans la zone CIMA : les
sateur universel », est de
incendies de marché … (Photo archives)
contraindre à l’assurance

(Gollier et Rochet, 1992, p. couverts dans la zone CIMA : donc que sans obligation de elles pourraient même s’avérer

48‑49). les incendies de marché et des s’assurer, ou d’assurer, la créa- inaccessibles en

Il faut rappeler que la sous- établissements recevant du tion d’une mutualité suffisante raison de leurs

cription d’une assurance est à public, les risques (locatifs) en peut être difficilement conce- coûts prohibitifs et

l’origine une démarche pure- matière d’habitation, les vable. L’assurance obligatoire des conditions de

ment égoïste, dans laquelle, risques de constructions et les renforce ainsi l’assurabilité des g a r a n t i e .

notamment en assurance de risques de catastrophes dites risques transférés au marché L’assureur qui doit
L’ASSUREUR
responsabilité, la victime «naturelles ». assurantiel. composer avec

potentielle n’est pas directe- Sur ce dernier point, selon l’inversion du cycle
AFRICAIN
ment prise en compte. Elle le Swiss Re, en 2019, l’écart en B. La garantie de production ne

sera, le plus souvent, au matière de couverture assuran- de l’assurabilité des peut que prendre
N° 1 21
moment du sinistre et de l’in- tielle desdites catastrophes risques transférés des précautions

demnisation, quand il s’agira, était de plus de quatre milliards qui éloignent aussi SE PT

entre autres, de sauvegarder de dollars en Afrique (Swiss Re L’assurabilité technique est les porteurs de 20 2 3
l’image du responsable. Avec Institute, 2020, p. 30). On peut souvent mise à mal par la bons risques. Sur

l’obligation d’assurance, on aussi adjoindre comme poten- connaissance et l’importance ce point, il faut

passerait alors d’une finalité tielle assurance obligatoire, des risques transférés aux souligner que
P A GE
économique à une finalité l’assurance des activités à assureurs (Mayaux, 2002, p. l’obligation d’assu-
27
sociale, voire socio-écono- risques pour l’environnement et 766). Si l’on s’attarde ici sur rance, qui s’impo-

mique. Il est davantage ques- la santé humaine. En effet, l’importance des risques, se aux bons et aux

tion de protéger certaines caté- selon le Centre for Research comme obstacle à l’assurance, mauvais risques,

gorie de personnes ou encore on the Epidemiology of elle renvoie à la capacité finan- réduit les risques

de servir l’intérêt général. C’est Disasters (CRED), de 2000 à cière à porter un risque donné. de sélection adver-

la préservation de la solvabilité 2019, 1690 catastrophes tech- La préférence irait donc vers se, étant donné
ETUDES
que seules les personnes qui obligatoires, particulièrement 215). périodique, si elles posent des

se savent les plus exposées les personnes à faible revenu, Les institutions profession- règles de garantie déconnec-

souscriraient volontairement. on pourrait envisager, sous nelles, organisant les condi- tées du droit positif, non seule-

En revanche, le contrôle de réserve de préserver l’aléa tions d’exercice de certaines ment, elles s’avèreront ineffi-

l’aléa moral peut en sortir fragi- moral, de subventionner la professions et activités, caces, mais aussi dange-

lisé si les conditions de garan- souscription d’assurance. devraient être également sou- reuses car elles créeraient une

tie ne sont pas suffisamment Toutefois, si ces personnes mises à l’institution légale de illusion de sécurité.

incitatives. représentent la masse la plus l’obligation d’assurance Les garanties obligatoires

Il faut souligner que l’assu- importante des assujetties, le (Kullmann, 2014, p. 101‑102). doivent être soigneusement

rance obligatoire affecte trois choix d’une assurance obliga- En effet, en l’absence de fon- définies au regard de la poli-

points essentiels de la relation toire doit être repensé car le dement légal, le justiciable tique exprimée par l’obligation

contractuelle entre assureur- niveau escompté de mutuali- pourra toujours soulever l’illé- d’assurance. Cela se fait

souscripteur, qui est en princi- sation pourrait être sérieuse- galité de l’obligation d’assuran- notamment par le biais de

pe libre. Tout d’abord, les par- ment mis à mal par l’absence ce dont le non-respect veut clauses-types, que lesdits

ties sont privées du droit de ne d’assurance. Cette dernière être sanctionné. Dans ces contrats sont réputés contenir,

pas contracter. Ensuite, le droit constatation est un rappel du conditions, le but visé par permettant d’atteindre l’objectif

pour l’assureur de choisir son fait que l’instauration d’une l’obligation d’assurance, ne recherché. À titre d’exemple, le

cocontractant demeure théori- assurance obligatoire est un pourra pas être atteint. Code congolais des assu-

quement difficile car il peut se processus complexe qui recèle Le régime des assurances rances prévoit, en son article

voir imposer un assuré. Enfin, bien de difficultés. obligatoires repose sur au 239, que toute assurance obli-

la libre détermination du conte- moins quatre éléments fonda- gatoire de dommages com-

nu du contrat est réglementée II. La complexité mentaux : la détermination des prend l’édiction de clauses-

puisque chaque assurance de l’instauration des risques assurés, la fixation de types, la définition de l’étendue

obligatoire concerne un risque, assurances obligatoires la prime, le règlement des de la garantie, le cadre de tari-

en principe, précisément défini sinistres, les contrôles et sanc- fication et le taux de commis-

(Kullmann, 2014, p. 98). Par Mal pensée, l’instauration tions (Lambert-Faivre, 1997, p. sionnement des intermédiaires

ailleurs, le rôle de l’État aux d’une assurance obligatoire 553). En réalité, l’obligation d’assurance.

côtés des assureurs prend ici peut être source de difficultés d’assurance est l’archétype de Ainsi, lorsque le but recher-

tout son sens. Ses capacités non seulement pour les assu- l’atteinte à la liberté contrac- ché est l’indemnisation des

«illimitées » peuvent être jetties, mais également pour tuelle. Tout d’abord, le droit de victimes de dommages corpo-

mises à contribution pour amé- les potentielles bénéficiaires. ne pas contracter est neutrali- rels, il est possible de limiter

liorer les capacités du marché De ce fait, la définition minu- sé puisque la souscription obli- l’obligation d’assurance à cette

assurantiel. La participation de tieuse des régimes d’assuran- gatoire résulte d’une décision seule garantie. En outre, les

l’État, en tant que « réassu- ce obligatoire est essentielle des pouvoirs publics (Favre exclusions autorisées doivent

reur» en dernière ligne, sera (A). En dehors de ce prére- Rochex et Courtieu, 2000, p. être strictement délimitées

vitale face à des risques pou- quis, il faut aussi veiller à pré- 38). pour sauvegarder la finalité de

vant mettre à mal les capacités server la pérennité du fonction- Ensuite, dans la mesure où l’assurance et le montant des

de réassurance. nement desdits régimes (B). « l’obligation d’assurance s’en- garanties doit être à la mesure

À titre d’illustration, le cas de tend de l’obligation de s’assu- des risques considérés.

l’Algérie, qui a instauré en A. La définition rer, et non de celle de délivrer S’agissant des primes, il fau-

2003 l’assurance obligatoire des régimes d’assurance l’assurance », le droit de choi- drait éviter que leur fixation soit

des catastrophes naturelles, obligatoire sir son cocontractant demeure totalement laissée à la discré-

est assez typique. Le législa- théoriquement libre. Dans les tion des assureurs. Le risque

teur a prévu que la garantie de Soulignons d’entrée que faits toutefois, l’assureur peut est que l’absence d’encadre-

l’État peut être accordée à un seul le législateur est habilité à se voir imposer un assuré par ment conduise les assujetties,

ou plusieurs réas- déterminer le domaine des une autorité comme le Bureau en raison de prix excessifs, à

sureurs nationaux assurances obligatoires. central de tarification (BCT) renoncer à la souscription de

pour pratiquer les Néanmoins, la loi peut se (Durry, 1992, 2002). Enfin, le l’assurance requise. Il faut

opérations de contenter de poser le principe droit de déterminer librement relever que si l’État fait le choix

réassurance des de l’assurance obligatoire dans le contenu du contrat est très d’instaurer une « solidarité

risques de catas- une matière et déléguer à un restreint puisque chaque assu- subsidiante » (Dubuisson,

L’ASSURE UR trophes naturelles. règlement d’exécution le soin rance et garantie obligatoires 2010, p. 107), c’est-à-dire un

La Compagnie d’en préciser les conditions de concerne un risque défini par transfert des bons vers les

AF RICAIN centrale de réas- garantie et d’application. En le texte qui les fonde mauvais risques, dans la col-

surance bénéficie droit comparé, le juge français (Kullmann, 2014, p. 98). lectivité des assurés ; cela

N° 1 21 ainsi de cette a aussi admis qu’une autorité S’agissant des risques assu- peut conduire à interdire à l’as-

garantie à travers administrative peut créer une rés, il faut relever que les obli- sureur de segmenter là où il
SE PT
une convention obligation d’assurance, gations d’assurance ne seront l’aurait naturellement fait. Par
20 2 3
par laquelle l’État lorsque le législateur lui a que des « coquilles vides » au conséquent, les risques

intervient en cas confié le soin de fixer les cas où leur contenu n’est pas seraient tarifiés sans tenir

de dépassement conditions d’exercice d’une nettement précisé. Si les obli- compte de leur réel prix actua-
P A GE
de ses capacités profession ou d’une activité, gations d’assurance ne riel.
28
d’indemnisation. À même sans mention expresse concernent que des risques Concernant le règlement des

une échelle infé- d’une quelconque assurance. marginaux, si elles autorisent sinistres, il faut rappeler que

rieure, pour garan- Toutefois, la nature de la pro- toutes les exclusions conven- l’indemnisation de certains

tir que toutes les fession ou de l’activité doit exi- tionnelles de risques, si elles sinistres est l’objectif qui déter-

personnes assu- ger une telle assurance (CE, ne fixent aucune garantie mini- mine l’édiction d’assurance

jetties souscrivent Sect. de l’intérieur, avis du 24 male, ou fixent des garanties obligatoire. Dans cette pers-

aux assurances février 1994, RGAT 1995, p. dérisoires sans réévaluation pective, il est possible d’instau-
ETUDES
rer une limitation des exclu- sureur ne s’exécute pas, il du BCTR s’étendent aux obli- instaurée par la CIMA. S’il en

sions de risques, voire rendre encourt le retrait de son agré- gations d’assurance déjà ins- est ainsi, de deux choses l’une:

certaines exclusions licites ment administratif et des sanc- taurées, ou qui le seront, par le soit la CRCA reste compétente

inopposables aux victimes. Il tions administratives. Il législateur CIMA. pour les obligations d’assuran-

en est ainsi de l’inopposabilité convient de souligner que le Concernant les BCT automo- ce de la CIMA et le BCTR n’in-

aux victimes d’accidents de la BCT n’a compétence pour agir biles, on peut considérer que tervient que pour les obliga-

route de l’exclusion de garantie que lorsque cela a été expres- toutes les dispositions natio- tions d’assurances d’origine

pour défaut de permis. sément prévu. En droit congo- nales instituant lesdits bureaux nationale ; soit les compé-

Cependant, certaines excep- lais, par exemple, sur les six sont abrogées par l’entrée en tences de la CRCA, reconnues

tions demeurent opposables assurances de dommages obli- vigueur du Code CIMA. aux BCT, sont transférées au

aux victimes, à l’instar de la gatoires prévues par le Code Cependant, si l’on considère BCTR, qui officiera pour les

nullité du contrat pour fausses des assurances, la saisine de que la mise en place des BCT obligations d’assurances natio-

déclarations intentionnelles, la la Commission de tarification nationaux n’est pas contraire nales et régionales.

suspension du contrat pour n’est expressément prévue au Code CIMA, leur survivance Quoi qu’il en soit, l’instaura-

non-paiement de la prime, ou qu’en matière d’assurance pourrait être admise. Ceci d’au- tion d’un BCTR, pour les assu-

encore l’absence de souscrip- automobile et de construction tant plus que le Code CIMA ne rances obligatoires édictées au

tion de l’assurance obligatoire. (articles 178 et 209 du Code leur substitue pas expressé- sein des États-membres, inter-

Dans ces situations, seule l’in- des assurances). ment de BCTR. Néanmoins, il roge. En effet, l’étude en cours

tervention d’un fonds de garan- À ce propos, les résultats faut relever, aux termes de l’ar- et les résolutions des états

tie permettrait de respecter la provisoires de l’étude de la ticle 302 du Code CIMA, que la généraux de la FANAF de mars

finalité de l’assurance obligatoi- CIMA sur les assurances obli- Commission régionale de 2018 gravent dans le marbre le

re inexistante ou qui ne peut

être mobilisée. Enfin, puisqu’il

n’existe pas d’obligations sans

sanctions, les obligations d’as-

surance devraient être assor-

ties de modalités de contrôle et

de sanctions administratives,

disciplinaires, civiles, voire

pénales. L’assurance obligatoi-

re procédant de l’ordre public,

des sanctions sont naturelle-

ment prévues par des lois tant

générales que spéciales. Afin

de garantir l’impact réel des

assurances obligatoires, il est

nécessaire de veiller à la

pérennité des régimes insti-


… et des établissements recevant du public, les risques (locatifs) en matière d’habitation, les risques de
tués, à travers des garde-fous
constructions (effondrement) et les risques de catastrophes dites « naturelles ». (Photo archives)
permettant d’en assurer le

fonctionnement. gatoires prévoit également la contrôle des assurances fait que les États-membres gar-

création d’un Bureau Central (CRCA) « peut imposer l’usage dent la latitude d’instaurer les

B. La garantie de Tarification Régional de clauses types de contrats et assurances obligatoires propo-

du fonctionnement des (BCTR). Il n’est pas précisé si fixer les montants maximaux et sées. Partant, ces derniers

régimes d’assurance cet organe aura seulement minimaux des tarifications ». Si devraient être ceux qui organi-

compétence pour les « nou- ces attributions se rapprochent sent les moyens

Nous relevions l’importance velles » assurances obliga- de celles des BCT, peuvent- de contrôle et de

d’un organe administratif toires, instaurées par les légis- elles y être totalement assimi- sanction, dont fait

garantissant la mise en œuvre lations nationales, ou si ses lées ? Il est permis d’en douter, partie le BCT. Sauf

des obligations d’assurance. compétences s’étendront éga- surtout que les conditions d’ap- à considérer, entre

Ayant rang d’autorité adminis- lement aux assurances obliga- plication de ces compétences autres, que l’initia-

trative indépendante (Moreau, toires instaurées par le législa- en matière d’assurance obliga- tive de proposition
L’ASSUREUR
1990), cet organe, générale- teur CIMA. Il faut ici rappeler toire ne sont pas précisément des assurances

ment dénommé Bureau central que le législateur CIMA n’a pas définies. D’ailleurs, les résul- obligatoires par la AFRICAIN
de tarification (BCT), ou créé de BCT, y compris pour tats provisoires de l’étude sur CIMA lui donne

Commission de tarification en l’assurance automobile obliga- l’assurance obligatoire suggè- compétence pour
N° 1 21
RDC, intervient lorsqu’un assu- toire. Toutefois, certains États rent de rattacher le BCTR à la instaurer un
SE PT
jetti à l’obligation d’assurance avaient mis en place des BCT CRCA pour « mutualiser les BCTR, ou qu’il est

rencontre des difficultés à s’as- en matière d’assurance auto- coûts de gestion ». On peut un désir d’harmo- 20 2 3

surer, voire un refus. Ce refus mobile avant l’adoption du dès lors inférer que ces diffé- nisation des pra-

d’assurer n’est pas toujours Code CIMA en 1992. Il s’agit, rents organes n’ont donc pas, tiques – sur des

explicite. Il résulte souvent du par exemple, du Cameroun, du ou n’auront pas, vocation à questions qui relè- P A GE

silence gardé par l’assureur ou Congo-Brazzaville et du Togo avoir les mêmes compétences. vent, rappelons-le, 29
de la soumission de la couver- qui ont créé un BCT en insti- La question reste donc ouverte; des législateurs

ture à des conditions non pré- tuant l’assurance automobile sauf si la CRCA se reconnaît nationaux, qui

vues par les textes fondant obligatoire, respectivement en compétente, au vu de ses attri- n’ont pas attendu

l’obligation d’assurance. Après 1965, 1970 et 1987. À ce titre, butions générales, pour inter- le législateur CIMA

décision du BCT, sur saisine de il serait logiquement envisa- venir en cas de refus de déli- pour édicter des

la personne assujettie, si l’as- geable que les compétences vrer une assurance obligatoire assurances obliga-
ETUDES
toires – , le « transfert de com- appliquer des régimes d’assu- d’un assureur. Il s’agit d’un élé- ment des victimes d’accidents

pétences » à la CIMA peut se rances obligatoires qui n’exis- ment fondamental qui doit ras- de circulation, qui auraient dû

révéler problématique. La diffi- tent pas, ou qui le sont sous surer les personnes assujetties bénéficier de ce système de

culté pourrait demeurer même d’autres formes, dans leur à l’obligation d’assurance. En solidarité. La question se pose

si ce choix est optionnel. propre corpus législatif. effet, les assurés ont souvent alors de savoir si la CIMA ne

Tout aussi problématique, Enfin, il faut souligner l’impor- été trop déçus par le sort qui a devrait pas reprendre la main

sera l’organisation des recours tance des fonds de garanties, été le leur, face non seulement sur ce sujet épineux.

contre les décisions du BCTR. ce que relève aussi l’étude sur à des assureurs indélicats, qui Somme toute, l’instauration

Sur ce point, l’organisation des les assurances obligatoires. Il peinent à honorer leurs enga- de nouvelles assurances obli-

BCT automobiles prévoyait la faudrait au moins deux types gements (Dié Kouénéyé, 2018, gatoires dans les États-

possibilité pour le Commissaire de fonds : le premier est desti- p. 198), mais aussi face aux membres de la CIMA répond à

du gouvernement de demander né à se substituer aux tiers en faillites d’assureurs, malgré des besoins de sécurité, de

qu’il soit de nouveau statué, si cas d’absence, ou de défaillan- l’évolution des contrôles pru- protection de la société, voire

la décision prise lui paraît criti- ce, de l’assurance obligatoire ; dentiels de la CRCA (Ngbwa, de solidarité. Cependant, elles

quable. Le fonctionnement du le second doit se substituer aux 2014). ne produiront l’effet escompté

BCTR devra donc prendre en assureurs pour pallier leur Pour le premier fonds, il que si des garanties substan-

compte les spécificités natio- défaillance. Soulignons que convient de rappeler que le tielles sont imposées, leur

nales, sauf à tout refonder. Par l’étude de la CIMA ne semble législateur CIMA a instauré la souscription contrôlée et sanc-

ailleurs, les décisions d’un BCT pas donner une vocation régio- création d’un Fonds de tionnée. Par ailleurs, l’impossi-

sont susceptibles d’un recours nale aux deux types de fonds Garantie Automobile (FGA) au bilité de les mobiliser, du fait de

pour excès de pouvoir devant de substitution sus-évoqués niveau de chaque État- l’assureur ou de l’assuré, doit

le juge administratif. (fonds se substituant au tiers et membre. Ce fonds, prévue à être comblée par des fonds de

Il se posera alors la question celui se substituant aux assu- l’article 600 du Code CIMA, garantie. Pour finir, avant de se

de l’absence, en zone CIMA, reurs). prend en charge, lorsque le lancer dans la création d’autres

d’un organe juridictionnel À l’évidence, l’établissement responsable des dommages assurances obligatoires, il

supranational stricto sensu, ce du second fonds ne devrait pas demeure inconnu ou n’est pas serait quand même temps –

que la doctrine assurantielle dépendre de l’instauration d’as- assuré, les indemnités dues pour tous les États-membres

appelle de ses vœux (Bekada surances obligatoires, dans la aux victimes de dommages de la CIMA – de faire un «

Etoundi, 2020). Si l’on insère, mesure où il vise à garantir que corporels ou à leurs ayants grand ménage » dans leurs

sans aménagements, le BCTR les engagements des assu- droit. Vingt-deux ans après son obligations d’assurance pour

dans le système institutionnel reurs seront toujours tenus. Un instauration en 2001, l’applica- s’assurer non seulement de

actuel de la CIMA, c’est le tel fonds de garantie des assu- tion de l’obligation de mise en leur adaptation, mais aussi du

Conseil des ministres des rés – qui fait défaut au niveau place du FGA n’a pas progres- fait que les assujetties – assu-

assurances qui devrait être de la CIMA, même pour les sé. reurs et souscripteurs obligés –

l’unique instance de recours. assurances obligatoires – est La mise en conformité des jouent leur partition.

En procédant ainsi, on deman- censé intervenir en cas de États-membres de la CIMA se

derait à certains États de faire défaillance liée à l’insolvabilité fait encore attendre, au détri- *Doctorant en Droit privé

NOTES

ASSI-ESSO A.-M., ISSA-SAYEGH J., LOHOUES-OBLE J., FAVRE ROCHEX A., COURTIEU G., 2000, Le droit des assu-

2002, CIMA. Droit des assurances, JURISCOPE-AUF, rances obligatoires, Paris, LGDJ, 350 p.

Bruxelles, Bruylant.

FOUSSAT B., 2002, « La solidarité et les assurances obliga-

BEKADA ETOUNDI C.N., 2020, « Réflexion sur l’institution toires », RGDA, 3, p. 831‑840.

d’une Cour commune de justice des assurances dans la CIMA

», Lexbase Afrique-Ohada, 39, p. 34‑47. GOLLIER C., ROCHET J.-C., 1992, « Les économistes face à

l’assurance obligatoire : un débat contradictoire », Risques, 12,

CHARPENTIER A., 2011, « La loi des grands nombres et le p. 47‑52.

théorème central comme limite de l’assurabilité », Risques, 86,

p. 111‑116. KULLMANN J., 2014, « Introduction. Les assurances et garan-

ties obligatoires », dans Traité de droit des assurances. Tome 3,

CRED, 2019, « Disasters in Africa: 20 Year Review (2000-2019) Le contrat d’assurance, 2e édition, Paris, LGDJ.

», CRED Crunch, 56.


L’ASSUREUR
LAMBERT-FAIVRE Y., 1997, « Les assurances obligatoires »,

AFRICAIN CRED, 2020, « Technological disasters », CRED Crunch, 60. dans Encyclopédie de l’assurance, Paris, Economica, p.

541‑556.

DIE KOUENEYE H., 2018, L’inexécution du contrat d’assurance


N° 12 1
dans les États africains membres de la CIMA : étude à partir du MAYAUX L., 2002, « Le risque assurable », dans Traité de droit

S E PT cas camerounais, Thèse en Droit privé, Montpellier et Dschang. des assurances. Tome 3, Le contrat d’assurance, Paris, LGDJ,

20 23 p. 766‑809.

DUBUISSON B., 2010, « Solidarité, segmentation et discrimina-

tion en assurances. Nouveau débat, nouvelles questions », MOREAU J., 1990, « Les autorités administratives indépen-
P AG E
dans Mélanges en l’honneur du professeur Jean Bigot, Paris, dantes dans le domaine des assurances », RGAT, 1, p. 11‑23.
30
LGDJ, p. 105‑123.

NGBWA J.-C., 2014, « L’expérience d’un régulateur multinatio-

DURRY G., 1992, « Le bureau central de tarification », Risques, nal de l’assurance : la CIMA », Revue d’économie financière,

12, p. 89‑96. 116, p. 261‑278.

DURRY G., 2002, « La solidarité et le Bureau Central de SWISS RE INSTITUTE, 2020, « Natural catastrophes in times

Tarification », RGDA, 3, p. 846‑853. of economic accumulation and climate change », Sigma, 2, p.

EWALD F., 1992, « Politiques de l’assurance obligatoire », 31.

Risques, 12, p. 59‑78.


Le leader panafricain
des services financiers

Sanlam est un groupe panafricain de services


financiers diversifiés, coté à Johannesburg, en
Namibie et au A2X. De même, les filiales du Groupe
au Maroc et au Kenya sont respectivement cotées à
la Bourse de Casablanca et à la Bourse de Nairobi
(NSE).

Le Groupe Sanlam opère dans 38 pays à travers


plus de 200 filiales. Il est présent dans 28 pays
és e a u c
d’Afrique et opère aussi en Inde, en Malaisie et au Un r on
ti
Royaume-Uni.

ne
ntal
Fondé en 1918 en tant que compagnie

u
d’Assurance-Vie, Sanlam est aujourd’hui le

n iq u e
plus grand groupe de services financiers
non bancaires en Afrique, grâce à sa
stratégie de diversification produits.

A travers ses différents pôles d’activités, le


Groupe propose des solutions financières
globales et adaptées aux besoins des
clients particuliers, professionnels et
entreprises, sur tous les segments de marché.

Sanlam Emerging Markets est le pôle d’activités


chargé du développement des services financiers
du Groupe, hors Afrique du Sud. Son réseau
continental unique lui permet d’offrir son expertise
ainsi qu’une large gamme de produits financiers
qui inclue l’Assurance-Vie & Non-Vie, le crédit aux
particuliers, la santé, la Bancassurance, la gestion
d’actifs et les produits spécialisés.

sanlampanafrica

Ne
New S
Sa
San
Sanl
Sanla
Sanlam I
In
Ins
Inse
Inser
Insert
Inserti
Insertio
Insertion
Insertion.
Insertion.i
Insertion.in
Insertion.ind
Insertion.indd
Insertion.indd 1
1 18/05/2023
18
18/05/202
18/05/20
18/05/2
18/05/
18/05
18/0
18/ 1
16
16:
16:2
16:24
16:24

Vous aimerez peut-être aussi