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UNE ÉCRITURE
CRITIQUE
Jacques Deguy
Editeur : Presses universitaires du Septentrion
Lieu d’édition : Villeneuve d'Ascq
Année d’édition : 2010
NOTE DE L’AUTEUR TEXTE NOTES
NOTE DE L’AUTEUR
« Sartre contre de Gaulle : le fil de la plume », Nord’, n° 14 (« De Gaulle écrivain/de Gaulle
et les écrivains »), décembre 1989, p. 89-101.
C’est tout ou rien ; tout : le roi Charles XI. Rien : le retour à cette
Quatrième dont personne ne veut plus18.
Non ce n’est pas notre soutien que le général nous demande, c’est
notre obéissance, sans plus. Et pourquoi donc lui obéiriez-vous ? Il
y a cent cinquante ans que la France est adulte. Qu’a-t-elle besoin
d’un père ? Prenez garde, nous aurons tôt fait de retomber dans
les niaiseries de l’enfance ; les adultes n’y sont que trop portés21.
*
29Dernier épisode spectaculaire de la querelle entre un prix
Nobel et un général-Président : l’affaire du tribunal Russel en
1967. Depuis la Tribune des Temps Modernes, Sartre semble
avoir gardé le goût des procès médiatiques. En novembre
1966 quelques intellectuels décident de juger les États-Unis
pour leur action au Vietnam, sous le chef d’inculpation de
crimes de guerre. Sartre écrit au Président de la République
pour demander l’autorisation de tenir la seconde session de
ce tribunal à Paris. Lettre officielle articulée sur un point de
droit concernant un membre yougoslave du Tribunal, sans
réflexion de fond sur l’esprit du projet et ses finalités. De
Gaulle répond par retour du courrier : c’est le premier
échange direct (et épistolaire) entre les deux champions :
28 Charles de Gaulle, lettre du 19 avril 1967, publiée dans Le
Monde du 25 avril 1967 et reprise dans (...)
Ce n’est pas à vous que j’apprendrai que toute justice, dans son
principe comme dans son exécution, n’appartient qu’à l’État. Sans
mettre en cause les mobiles qui inspirent lord Russel et ses amis, il
me faut constater qu’ils ne sont investis d’aucun pouvoir ni chargé
d’aucun mandat international, et qu’ils ne sauraient donc
accomplir aucun acte de justice30.
Tout le gaullisme est là : le chef a ses idées sur le Viêt-Nam, il les
exprime à l’occasion dans des discours – tout en ajoutant qu’il est
incapable, pour le moment, de faire quoi que ce soit d’efficace –
mais il ne veut surtout pas que son point de vue soit populaire,
soutenu par les masses, parce que cela le lierait à elles, ce qui est
la chose dont il a, au fond, le plus horreur 33.
38Le lecteur des textes dont nous avons cité des extraits
jugera de l’étendue et des limites de ce « respect », depuis
l’explosive Tribune des Temps Modernes jusqu’à l’échange
épistolaire de 1967. Nous n’avons pas évoqué, faute de place,
les interviews de Sartre en 1965 à propos de l’élection
présidentielle. On les lira dans Situations
VIII36. Elles
n’apportent rien de bien nouveau à la polémique, et la
critique ne se pare pas de la verve des grands textes
antérieurs. En 1968, Sartre n’épargne pas le régime contesté
par les étudiants. De Gaulle est renvoyé derechef au
XIX siècle, aux modèles de Napoléon III et de Louis-
e
15 Id., p. 96
16 Id., p. 97-98.
17 Id., p. 100.
19 Id., p. 106.
20 Id., p. 107.
21 Id., p. 110-111.
33 Id., p. 51.
34 Ibid.