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Geste Insult
Geste Insult
Abstract
It is the title of Leroy-Gourhan's work in this inverted order that will lead our path: insults are not limited to screams or vocatives -
they are very often expressed by gestures, whether or not thèse are accompanied by words. The recent example of the
"anarchist- entarteur" who targeted the French politician Chevènement clearly shows the link between an act and an
interpretation by its victim. Thus, insults are not necessarily some abuse or a swearword; they may be a punctual act. Such an
act further supposes in an enunciative analysis the recognition of the central role of the enunciator in action interprétation. This
is evidenced by a corpus based on Sobrino's Spanish-French grammar as well as Argentinean, Brazilian, Spanish and French
data. This study concentrâtes on the notions of injunction, exclamation and onomatopoeia, which belong to the borders of the
structured systems studied by grammars.
Fisher Sophie. L'insulte : la parole et le geste. In: Langue française, n°144, 2004. Les insultes : approches sémantiques et
pragmatiques. pp. 49-58;
doi : https://doi.org/10.3406/lfr.2004.6807
https://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_2004_num_144_1_6807
Cette notion reçoit trois définitions selon les trois versions du Sobrino, où
elles sont données en français, puisque c'est bien de grammaires pour des
francophones qui apprendraient l'espagnol qu'il s'agit (les soulignements sont
les nôtres) * :
Les Interjections sont des Particules qui s'entremettent dans le discours, pour marquer
les passions de l'âme. Mais comme elles sont peu importantes dans la Grammaire, je ne
m'arrête point à les expliquer. (Sobrino 1752 : 198)
Les Interjections sont des Particules qui sont employées dans le discours, pour marquer
les passions de l'âme... » (Sobrino 1801 : 182)
Vinterjection est un mot dont on se sert pour exprimer un sentiment de l'âme, comme
la joie, la douleur, etc., ou pour réveiller l'attention. (Sobrino 1881 : 181)
Ces définitions sont suivies d'une liste des différentes interjections (pp. 181-3).
Dès à présent, nous pouvons voir les différences entre les textes. Les
deux premières versions emploient Particules pour caractériser
l'interjection, ce qui grammaticalement la met au rang de l'article, si on considère ce
dernier comme l'articulation nécessaire de termes porteurs de sens. Par
ailleurs, ces deux versions parlent des passions de l'âme, le troisième des
sentiments. La transformation de la passion en sentiment n'est pas un simple
problème de style. Une indication allant dans ce sens est donnée au début
des deux premières définitions puisqu'il s'agit de particules qui
s'entremettent ou qui sont employées dans le discours : l'on passe de l'involontaire au
choisi. Et, ici, le point de vue énonciatif est fondamental car il suppose ce
que, à la suite de Culioli, nous appellerons le « haut degré », ou l'aspect
phatique au sens de Jakobson. Ces définitions peuvent être comparées avec
la troisième qui part de l'usage et le recentre sur le sujet énonciateur. De
Y interjection/interpellation, on aboutit à Y interjection/expression du moi. On
passe d'une société d'ancien régime, une société policée, à une société
individualiste, centrée sur le sujet. On le voit aussi dans la manière d'envisager
1. Je remercie Irène Tamba de ses remarques à propos des formes plurielle ou générique de
l'article dans les citations ci-dessus.
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L'insulte : la parole et le geste
II faut dire qu'il fait une comparaison de ce mot, algo, dont la diction est en partie
composée ; & son contraire, qui est nada. (...) or il rapporte ledit nada au péché, ou
vice, qui est à bon droit dit rien : & par algo, il entend la vertu : voulant inférer que
hijo dalgo, signifie fils de la vertu.
Une autre analyse est en outre présentée :
[...] qui a bien de l'apparence, mais elle est fort ancienne <...> hidalgo seroit composé
de trois dictions, qui sont hijo de Godo ;fils du Goth & cela à cause que les Goths ont
été les premiers Chrétiens en Espagne, & par succession étant les vieux & plus anciens,
ils sont tenus pour les plus nobles, à la différence des nouveaux convertis, tellement que
par corruption de ces trois dictions se seroit formé hidalgo, comme qui diroit hijo
dalgo. (p 101)
Par rapport à ces deux éditions, celle de 1881 ne comporte plus comme
exemples des mots ou des expressions comme celles que nous avons vues (hidalgo,
hideputa, etc.). Car nous sommes dans la modernidad (1881 : 181) : l'interjection
est presque une onomatopée qui suppose peu de mots articulés utilisables en
d'autres contextes. D'où le fait qu'elle se réalise comme un cri :
De l'Interjection
L'interjection est un mot dont on se sert pour exprimer un sentiment de l'âme, comme
la joie, la douleur, et., ou pour réveiller l'attention.
Les interjections les plus usitées en espagnol sont ; ah, ay, chito, ea, ha, he, 6, ola, ta,
tate, to et vaya.
Ce qui nous renvoie aux définitions de certaines grammaires françaises
comme celle de Condillac ou de Desttut de Tracy, car ceux-ci, en tant qu'idéo-
logistes, établissent un rapport nécessaire entre l'idée et le signe la représentant
- lequel, parce qu'il s'agit du propre de l'homme - est un son articulé, un cri,
un mot ou une séquence. Condillac, dans sa Grammaire (1750), écrit au
Chapitre XXV:
Des interjections
Les interjections, ou ces accens que nous avons vu être communs au langage d'action &
à celui des sons articulés, sont des expressions rapides, équivalentes quelquesfois à des
phrases entières. Elles n'ont point de place marquée, & elles n'en sont que plus
expressives ; soit qu'elles commencent un discours, soit qu'elles le terminent, soit qu'elles
l'interrompent, il semble qu'elles échappent toujours au moment de produire leur effet.
Aux accents naturels du langage d'action, les langues ont ajouté des mots tels que hélas !
ciel ! Dieu ! La grammaire n'a rien à remarquer sur ces espèces de mots : c'est au
sentiment à les proférer à propos. (Condillac 1750 : 295 ; voir aussi Bertrand 2002)
Si nous avons pris comme point de départ la lecture grammairienne d'une
interjection violente, c'est que l'insertion de ce type d'expressions dans un
contexte énonciatif échappe ainsi à la systématique des grammairiens pour
rejoindre cet entre-deux qu'est le langage d'action pour les sensualistes. Voyons
comment cette théorie du langage d'action peut départager l'injure et l'insulte.
2. L'INJURE ET L'INSULTE
Les exemples pris dans ces vieilles grammaires espagnoles nous ont donc
permis de voir la difficulté qu'il y a à marquer la différence entre l'insulte et
l'admiration, ce que nous ne retrouvons pas dans les grammaires françaises.
Quoique la spécificité de la construction espagnole permette de comparer une
expression de type N de N (hijo de puta, fils de pute), avec une autre formation
comportant la réduction du Nom : hijo—> hi- + soit un indéfini : algo, soit un
autre Nom précédé par de : hi-rf-algo // hijo de puta, la transformation du sens
allant de l'insulte à l'admiration ne peut relever que de la contextualisation et
de la fonction phatique. Les structures non quantitatives étudiées par Milner
(1978) construisent un rapport de type qualitatif dont le genre est réglé par le
nom subséquent : un espèce d'idiot / une. espèce d'idiote oubliant, comme il le
remarque, qu'espèce est féminin (1978 : 93). Faisant un pas de plus, en effaçant
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L'insulte : la parole et le geste
Comme l'écrivent les auteurs de El arte de! insulto (Luque et alii 1997 : 19) :
« L'insulte arrive même à devenir un éloge ou une marque d'admiration : /£/
muy hijo de puta, que bien juega alfûtbol /, dont la traduction Comme il joue au
foot, le salaud ou Le fils de pute, comme il joue aufoot ! montre qu'actuellement,
en français, l'expression comportant N de N ne va pas de soi, même si en
postposition cela semble plus vraisemblable : Comme il joue aufoot, le/ce fils de
pute ! ».
Mais si l'insulte peut cesser de l'être et devenir admiration, la différence
entre l'injure et l'insulte persiste. La première franchissant un pas social, car
l'injurié est habilité à s'abriter sous la loi et à attaquer son injurieur, tandis que
la seconde renvoie à la remarque de Condillac, « c'est au sentiment à les
proférer à propos », ce sentiment appartenant - me semble-t-il - à ce qui se
trouve à la base du langage selon les idéologistes, l'expression d'une
représentation phatique.
Les travaux concernant ces expressions en Espagne signalent la grande
différence entre l'injure, le juron et le blasphème, car les deux derniers
relevaient des tribunaux religieux et le premier de la justice citoyenne. L'enjeu
légal est attesté par la séquence Manos violentas, palabras vedadas (Mains
violentes et mots interdits) sur lesquels se fonde la législation médiévale en
Castille et Léon, comme le rappelle le titre de Madero (1992).
Prenons l'étymologie de insultare : il viendrait de in- introductif intensif et
saltare. Comme l'écrit Devoto (1979) : « la valeur morale de sauter dessus, c'est-
à-dire insulter est d'époque Cicéronienne ». Selon le Robert, insulte aurait, de
1380 jusqu'au XVIIe siècle, le sens d'« attaque » (insuit) et le premier sens
serait : « acte ou parole qui vise à outrager ou constitue un outrage ». Quant à
injure (1174, lat. iniuria, injustice, tort), c'est une injustice, un traitement
contraire au jus, au droit. Par ailleurs, d'autres acceptions du terme tendent à
les confondre : « Cour (XIII) : Attaque, calomnie, insolence, insulte, invective,
sottise » et en droit : « toute expression outrageante qui ne renferme
l'imputation d'aucun fait ». L'insulte serait donc un acte de langage au sens strict. Il est
ponctuel et apparaît comme l'irruption de la passion, de l'excès, en situation
verbale. Il implique, comme l'injonction, une co-énonciation, et même
lorsqu'on s'auto-insulte, il est rare de ne pas s'adresser à soi-même en
deuxième ou troisième personne. Que t'es con ! en est un exemple courant,
mais dire : je suis con ! est pour le moins insolite (ce point a été développé dans
Fisher (1989), aussi n'y reviendrons-nous pas). Ainsi, lorsque Goffman parle
du self-talk, il montre bien qu'il s'agit d'interpellations difficiles à traiter dans
le cadre linguistique traditionnel : même les listes qu'il donne relèvent du
face-à-face et du contexte social.
Deux exemples pour finir. L'un est la célèbre parodie d'insulte qu'improvisa,
nous dit-on, le docteur Johnson : « Votre épouse, monsieur, sous prétexte
qu'elle travaille dans un lupanar, vend des tissus de contrebande ». L'autre est
la plus magnifique injure que je connaisse. Injure d'autant plus remarquable
qu'elle constitue l'unique tentative de littérature de son auteur : « Les dieux ne
consentirent pas que Santos Chocano déshonorât le gibet en y mourant. Il resta
vivant, après avoir lassé l'infamie ». Déshonorer le gibet, lasser l'infamie. À
force d'abstractions de cette qualité, l'injure que Vargas Vila décharge à bout
portant perd tout contact avec la victime et la laisse indemne, irréelle, reléguée
au deuxième plan et peut-être immortelle. (1933 : 446)
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L'insulte : la parole et le geste
2. Isidoro Blaisten, « Balada del boludo », Antologîa personal, Ed. desde la gente, s/d : « Balada
del boludo : - Tienes razôn, marna / dijo el boludo. / Y se bebiô una rosa / - No seré mas boludo
/.Y bajô del viento / - Seré asruto y zahorî / Y dio vuelta una estrella para abajo / Y se metiô en
el subte. / Y quedaron las gaviotas en el rîo. / [...] / Entonces, / Vino un alegre y le dijo ; /
Boludo alegre. / Vino un pobre y le dijo ; / Pobre boludo. / Vino un triste y le dijo ; / Triste
boludo. / Vino un pastor protestante y le dijo ; / Reverendo boludo. / Vino un cura catôlico y le
dijo ; / Sacrosanto boludo. / Vino un rabino judîo y le dijo ; / Tudfo boludo. / Vino su madré y le
dijo ; / Hijo. no seas boludo. / Vino una mujer de ojos azules y le dijo ; / Te quiero. » Je tiens à
rendre hommage à cet écrivain récemment disparu.
3. DE LA PAROLE AU GESTE
Si nous pensons aux graffitti qui ornaient les murs romains et pompéiens
(Petrucci 1980/1986), ce sont bien des manières de dire qu'ils incarnent. Courts,
comme les mots qu'ils représentent, figurés aussi, comme ceux que nous
retrouvons dans les toilettes des lieux publics. On en trouve de même dans
certaines images médiévales destinées non seulement à être des exempla mais
aussi à créer la peur du châtiment.
Insultes et injonctions, mots dessinés pour être lus, comme les insultes du
Capitaine Haddock dans Tintin, qui sont autant d'énoncés encadrés, écrits en
termes très souvent symboliques - donc incompréhensibles - avec des
caractères empruntés à d'autres systèmes d'écriture et qui tous cachent en quelque
sorte l'horreur du dit.
Dans la très belle exposition sur le Geste Kôngo du Musée Dapper (2002), on
a présenté, non pas des images - représentation bidimensionnelle classique -
mais des sculptures qui agissent dans la société. Par exemple, la représentation
d'un homme, la main gauche sur la hanche, pour décharger à terre le mal, et
la droite sur la tête, refermée, pouvant tenir ou non un objet pour capter les
bons effluves, bouche ouverte et langue dehors. Si elle n'est pas lue dans sa
société, elle peut très bien être interprétée comme la représentation d'un être
maléfique selon la lecture des Kôngo des Amériques. En effet,
[. . .] l'art figuratif est, à son origine, directement lié au langage et beaucoup plus
près de l'écriture au sens le plus large que de l'œuvre d'art. Il est transposition
symbolique et non calque de la réalité, c'est-à-dire qu'il y a entre le tracé dans
lequel on admet de voir un bison et le bison lui-même la distance qui existe
entre le mot et l'outil. Pour le signe comme pour le mot, l'abstrait correspond à
une adaptation progressive du dispositif moteur d'expression à des
sollicitations cérébrales de plus en plus nuancées [...]. (Leroi-Gourhan 1964 : 266)
4. EN GUISE DE CONCLUSIONS...
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L'insulte : la parole et le geste
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