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2021 édition


 LE THÈME

01 Franc o
était-il fasciste ?
par José Javier Esparza

« EN TEMPS DE TROMPERIE UNIVERSELLE, DIRE LA VÉRITÉ


DEVIENT UN ACTE RÉVOLUTIONNAIRE » - GEORGES ORWELL

S ’il y a bien un discours


convenu, au sujet de
Franco, c’est celui-ci : Franco était
ce qu’était le fascisme, ni en quoi
le régime de Franco pouvait s’y
rapporter.
un fasciste. Cela va de soi. Ceux Nous touchons là du doigt un
qui le tiennent ne sauraient aspect de la question qui, pour
probablement vous dire qui était être tout à fait curieux, n’en est
Franco, ce que furent la Guerre pas moins certain  : l’usage de ce
civile de 1936-1939 et ses causes, t e r m e re l è v e l a rg e m e n t d e
ce que furent les quarante années l'irrationalité. Les mots,
de son régime, spécialement s’ils ordinairement, désignent des
sont Français. Sans doute ne choses. Ils ont un sens pour nous,
sauraient-ils davantage dire ce réel ou imaginaire, parce qu’ils

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FRANCO ÉTAIT-IL FASCISTE ?

expriment à la fois l’existence de ces choses et la pensée ou une menace pour leurs libertés. Le policier peut être
que nous en avons. Ainsi ont-ils une valeur et une fasciste, les parents et les enseignants aussi. On parle de
fonction sociale de signes. Ici, cependant, le mot fascisme islamiste et de fascisme libéral. «  La langue  »
fascisme a cette étrange vertu de désigner ce elle-même, disait Barthes « est fasciste ».
qu’ordinairement l’on ne connaît pas, pour exprimer une Le substrat communiste de la notion n’a cependant pas
idée que l’on ne saurait davantage définir. Il est vrai que disparu. Il reste présent dans la réthorique et la mentalité
ce n’est pas le seul mot à la posséder ; il suffit d’évoquer de la gauche, fortement en Espagne, mais aussi partout
celui de démocratie pour s’en convaincre. À croire qu’il ailleurs dans le monde. Même la droite, qui a largement
est souvent plus important, spécialement en démocratie glissé dans le champ de la gauche morale, ne dédaigne
précisément, où l’on aime à se payer de mots, de parler pas de faire usage du terme s’il s’agit de nuire à plus à
que de savoir de quoi l’on parle. droite qu’elle – car le pli est bien pris  : il est acquis par
Le mot fascisme, tout de même, est particulier, et tous que le mot fascisme ne peut pas désigner la gauche.
singulièrement, si l’on peut dire. La contamination est durable et profonde.
Son usage, et le mot lui-même, sont en effet L’application du mot fasciste à un adversaire garde
commandés non par la pensée de ceux qui y recourent, aussi sa fonction politique instrumentale originelle  : le
mais par une pensée étrangère, laquelle a introduit dans décrédibiliser moralement, provoquer une adhésion
leur vocabulaire et leur esprit des référentiels préformés spontanée contre lui, pour le présenter a priori comme un
dont ils ignorent la signification et les fins. La raison en agent du Mal, un ennemi de la démocratie, de la liberté,
est que ce mot a une finalité et une connotation du camp du Bien. Au fond, tous les «  mots policiers  »
résolument idéologiques. Le mot fascisme n’est pas apparus depuis lors – raciste, homophobe, islamophobe,
utilisé pour conduire à la connaissance de quelque chose, plus récemment - ne sont que des mutations génético-
mais pour mobiliser contre quelque chose. sémantiques du mot fascisme, ou des transmutations
Ainsi ce mot a-t-il pris son envol en dehors du champ idéologiques d’un concept qui a prouvé son efficacité
de sa signification, en sorte qu’il désigne finalement meurtrière.
rarement le régime politique mis en place par Mussolini. Même si l’évolution des circonstances historiques a fait
L’usage idéologique du terme a besoin de cette parfois changer cet instrument de mains, ou a multiplié
émancipation historique, parce que pour rendre possibles celles qui l’utilisent, il s’agit toujours de protéger un
les fantasmes sur le fascisme, présenté comme un pouvoir, une vision du monde, un impérialisme
monstre d’extrême-droite, il faut faire oublier sa idéologique, qui peuvent être aujourd’hui ceux de
généalogie réelle, profondément ancrée à gauche, et lobbies «  genristes  », homosexualistes, écologistes,
tout ce que le Duce dut au socialisme révolutionnaire islamo-gauchistes ou animalistes, contre ceux qui sont
dans lequel il a baigné, ainsi que l’a montré Pierre Milza susceptibles de freiner leurs conquêtes, et qu’il faut
dans son ouvrage Mussolini (éd. Fayard). Les fascistes neutraliser et décrédibiliser en les salissant publiquement.
Doriot et Déat, en France, étaient également socialistes. La Guerre d’Espagne a beaucoup servi l’usage
Cet usage idéologique du terme fascisme, détourné de idéologique du terme fasciste au service du communisme
son sens historique, est né dans les officines de international, en mobilisant, notamment, un nombre
désinformation communistes, pour désigner, avec une considérable d’intellectuels français. Franco ayant été le
note insultante, tous les courants qui s’opposaient à seul en Europe, non seulement à freiner mais à écraser le
l’expansion du communisme, en profitant de l’infamie communisme, tandis que celui-ci pouvait établir son
attachée à ce terme pendant et après la seconde guerre univers concentrationnaire dans tant de pays, il ne
mondiale. Qui ne pouvait redouter d’être étiqueté pouvait pas ne pas devenir, pour ses ennemis, le Fasciste
«  fasciste  » après les horreurs et les folies de ce grand par antonomase. Tel il fut présenté pendant cette terrible
massacre ? Le mot fascisme a ainsi constitué un outil de guerre ; tel il demeure en notre temps dans les discours
propagande idéal, parfaitement maîtrisé, qui s’est de la gauche espagnole, comme d’ailleurs dans ceux de
durablement installé dans les psychologies et les la droite moralement acquise à son idéologie.
mémoires, alors même que le communisme, comme José Javier Esparza, historien, journaliste, romancier,
système politique, a pratiquement cessé d’exister. que nous traduisons ici, vient clarifier en cet article cette
Depuis lors, comme tant d’autres, cette notion est question : Franco était-il fasciste ?
devenue folle. Beaucoup réputent « fasciste », désormais, Patrick de Pontonx
tout ce qui représente un pouvoir d’ordre, une violence,

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F ranco ne fut jamais fasciste. Ni lui, ni son régime, pas même aux moments où
les formes extérieures de ce dernier ressemblaient le plus au fascisme. Le
fascisme, au-delà de la rhétorique et de cette tendance abusive - d'origine
communiste - à qualifier de «  fasciste  » tout régime autoritaire de droite, est une
qualification qui correspond à des réalités idéologiques et politiques très concrètes,
dont pratiquement aucune ne se retrouve dans le régime franquiste ou dans la
personne de Franco.
Que signifie «  fascisme  » ? Stanley Payne, dans son Histoire du fascisme (Planeta,
Barcelone, 1995, p.15), utilise des matériaux d'Ernst Nolte, de Giovanni Gentile et de
Juan José Linz et propose une table très complète de ses traits fondamentaux. Il suffit
de les parcourir pour constater à quel point le franquisme ne fut pas un fascisme.

LE FASCISME : UN IDÉALISME VITALISTE ET VOLONTARISTE José Javier Esparza

L e fascisme, d'emblée, se caractérise par son


adhésion à une philosophie idéaliste, vitaliste et
volontariste, qui implique normalement l'intention de
Le fascisme au sens strict dérive de ce concept de
choses. C'est un mouvement profondément moderne,
enraciné dans une vision du monde sans cause divine ni
créer une culture moderne, laïque et auto-déterminée. ordre naturel.
Cela signifie que le fascisme s'abreuve aux courants Y a-t-il quelque chose de semblable dans le régime de
philosophiques de la seconde moitié du XIXe siècle et Franco ? Même pas de loin, pas même dans les
des années suivantes, à savoir la modernité tardive. Face formulations théoriques de la Phalange. En dehors de la
au monde traditionnel, qui plaçait Dieu au centre de philosophie de Ramiro Ledesma et de certaines intuitions
toutes choses, la modernité revendique l'homme comme de Gimenez Caballero - peut-être les seuls noms à
moteur du monde. A partir de ce schéma de pensée sont proprement parler fascistes dans l'environnement du
nées des manières de décrire la réalité qui se sont régime, antérieurs en tout cas à la guerre civile - la
intégrées dans les théories politiques. Le fascisme est doctrine qui a servi de colonne vertébrale au franquisme
l'une d'entre-elles. est aux antipodes du modernisme fasciste.
Idéalisme, vitalisme, volontarisme, dit Payne. Qu'est-ce La vision du monde franquiste est profondément
que cela veut dire ? Plus ou moins ceci : le monde n'est religieuse, chrétienne, traditionnelle. Il en est ainsi même
pas fermé ni ordonné, mais tragiquement ouvert au dans les premiers écrits des théoriciens phalangistes, tels
chaos ; il n'est ordonné que par la force de l'idée, par la qu'Eugenio Montes. Si le style fasciste revendique la
volonté de l'homme qui imprime son sceau sur les volonté tragique face au monde en chaos, le style
choses. Cette volonté appartient à des chefs supérieurs franquiste préfère l'image de l'homme de foi qui ordonne
ou à d'illustres minorités qui trouvent dans l’exercice de le monde au nom de Dieu et de la tradition. Son arrière-
leur pouvoir, de leur volonté (de leur volonté de grand-père n'est pas Hegel, mais Menéndez Pelayo.
puissance) la légitimité de leur action sur l’Histoire.

LE FASCISME : UN ÉTAT AUTORITAIRE ÉTRANGER AUX FORMES TRADITIONNELLES

L e deuxième élément spécifique du fascisme, selon


le tableau de Payne, est la création d'un nouvel État
nationaliste autoritaire, étranger aux modèles ou aux
l'Allemagne d'Hitler sont des États laïcs, sécularisés,
intégralement modernes.
Qu'en est-il du franquisme ? Il en est très éloigné. Le
principes traditionnels. régime du 18 juillet est résolument confessionnel dès le
Ceci est transparent dans les cas italien ou allemand : début, il se place sous le patronage de l'Église et lui
ils sont en effet nationalistes et autoritaires, et dans les accorde des parts non négligeables de pouvoir politique.
deux cas, la rupture avec l'ordre traditionnel est L'État franquiste fut moderne dans son centralisme
explicitement proclamée. L'Italie de Mussolini et autoritaire, mais il fut traditionnel dans la légitimation du

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pouvoir : le Caudillo l'était « par la grâce de Dieu ». hautement réglementée, entre différentes classes, et très
Qu'en était-il d'un point de vue économique ? Le intégrée. C'est le modèle du corporatisme national en
franquisme fut-il fasciste dans ce domaine ? Juste un peu Italie et du national-socialisme en Allemagne. Le modèle
et seulement au début ; puis, à partir des années 1950, théorique du national-syndicalisme, qui constitue la
plus du tout. Le fascisme se caractérise par la création contribution de la Phalange au régime franquiste, devait
d'une nouvelle structure économique nationale suivre des schémas similaires ; ils font l'objet du Fuero du
travail, qui faisait des syndicats verticaux le pilier
économique de l’État.
Mais c'est un fait que le national-syndicalisme n'a
fonctionné que pendant un certain temps et, de surcroît,
de manière incomplète. En 1941, le phalangiste Gerardo
Salvador Merino fut congédié de la direction de
l'organisation syndicale et son exil aux Baléares mit un
point final à l'expérience.
À partir de ce moment-là, le syndicalisme vertical se
transforme en un instrument de pacification des relations
de travail au profit des entreprises et, en fait, certes, sous
le contrôle de l’État. Il est néanmoins vrai que le Fuero
garantira des droits importants aux travailleurs, bien plus
qu'ils n'en avaient jamais eu auparavant en Espagne,
même s’ils seront loin de faire de la base populaire du
régime ce qu'en rêvaient les théoriciens du national-
syndicalisme.
De sorte que, économiquement parlant, le régime
franquiste n'était pas non plus du fascisme. Les mesures
de libéralisation introduites à partir des années 1950
achevèrent de l'éloigner de ce modèle au profit d'une
approche strictement pragmatique.

LE FASCISME : UNE ÉVALUATION POSITIVE DE LA VIOLENCE ET DE LA GUERRE

L e fascisme est également marqué par une


évaluation positive de la violence et de la guerre, ce
qui implique la volonté de recourir effectivement à elles.
campagne des «  Vingt-cinq ans de paix  » en 1964. De
sorte que les ardeurs belliqueuses se sont rapidement
calmées, même si la liturgie militaire s'est maintenue dans
Il n'y a pas de preuve plus évidente que la réalité : tous un certain nombre de manifestations publiques. En cela,
les fascismes sont morts à la guerre, qu'en est-il du le franquisme ne fut pas un fascisme.
franquisme ? Il ne le fut pas davantage en politique étrangère, où le
Le franquisme, bien qu'explicitement soutenu à ses fascisme tend vers l'expansionnisme, alors que Franco,
débuts par Hitler et Mussolini, a fonctionné à l'inverse : il tout au contraire, s'est limité à temporiser avec les uns et
est né d'une guerre (civile) et il est resté éloigné des les autres de la manière la plus pragmatique possible,
champs de bataille, sans autres soubresauts que ceux de avant et après la Seconde Guerre mondiale.
l'Ifni et du Sahara, où n'eut pas lieu de guerre non plus. En matière territoriale, le régime franquiste a respecté
L'intervention armée espagnole dans la Seconde les conditions générales de la décolonisation au Maroc et
Guerre mondiale, celle de la División Azul (contre le en Guinée. Et en matière diplomatique, il a opté pour des
communisme), ne fut pas traitée comme une guerre critères géopolitiques purement objectifs : l'alignement
d'État, mais comme une guerre de parti, c'est-à-dire sur l'orbite de la puissance américaine et l'attente
comme une guerre de volontaires. La rhétorique belliciste patiente aux portes de l'Europe. Pragmatisme, une fois
de l'après-guerre civile s'est rapidement transformée en de plus.
l’image d’un Franco artisan de paix et a conduit à la

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 FRANCO ÉTAIT-IL FASCISTE ?

CONTRE LES LIBÉRAUX ET LES COMMUNISTES

D ans l'argumentaire philosophique et idéologique


sur lequel repose le fascisme, les négations jouent
un rôle très important : anti-libéralisme, anti-
communisme, anti-conservatisme.
Le franquisme eut en commun avec les fascismes ces
ennemis-là : le communisme et le libéralisme, sans aucun
doute. Mais pas tous leurs ennemis, parce que le
fascisme italien et le national-socialisme allemand ont
déclaré également ennemis les conservateurs - de fait, ce
sont des conservateurs qui essayèrent de tuer Hitler à
plusieurs reprises - tandis que Franco trouva toujours son
appui principal dans les milieux conservateurs. Et cela,
précisément, parce que le franquisme ne s'est pas inspiré
des principes fascistes, mais des principes traditionnels.
Le franquisme fut, avec certitude, anticommunisme
depuis sa naissance, le 18 juillet 1936 [alors que le
franquisme, en réalité, n'était pas encore constitué en
tant que tel], jusqu'au testament politique du dictateur, et
ce régime trouva dans le communisme une sorte
d'ennemi perpétuel.
Fut-il également un antilibéralisme ? Oui, sans aucun Le franquisme fut également anti-libéral d'un point de
doute, d'un point de vue philosophique, moral, mais non vue politique, mais avec des nuances : radicalement
pas tant par une inspiration fasciste que par une étranger aux formes de libéralisme démocratique telles
inspiration chrétienne : les arguments du régime contre le qu'elles étaient imposées dans les régimes
libéralisme étaient les mêmes que ceux qui conduisirent parlementaires, il a néanmoins conservé une structure de
Pie IX à le condamner dans le Syllabus de 1867. partage du pouvoir raisonnablement moderne,
spécialement en ce qui
concerne le pouvoir
judiciaire.
Le franquisme n'était
certainement pas un
libéralisme, mais il a suivi
certains usages habituels
dans l'espace politique
occidental, ce qui ne fut
pas le cas, par exemple,
dans l'Allemagne nazie.
Plus ambiguëes encore
furent les relations du
régime franquiste et du
libéralisme sur le plan
économique : étant un
régime doctrinalement a-
libéral, partisan de
l'économie centralisée et
dirigée, sa pratique
gouvernementale était

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plutôt celle d’un capitalisme d’État qui a néanmoins été les Phalanges ont maintenu des milices, mais sous le
de plus en plus libéralisé à partir des années 50. commandement de militaires, tels que Muñoz Grandes.
Mais alors, qu'en est-il des chemises bleues, des Par ailleurs, ces milices, qui disparurent bientôt,
hymnes et du parti unique (1) ? N'est-ce pas le style n'eurent jamais une fonction semblable, même de loin, à
fasciste ? Oui, et le fascisme, en plus d'une idéologie ou celles qui furent attribuées aux SA ou aux SS sous le
d'une doctrine, est précisément un style, comme l'a national-socialisme. Et en ce qui concerne la liturgie
longuement expliqué Armin Mohler (2). Or, toute cette d'Etat, ce n'était pas une liturgie de parti mais,
liturgie, dans les fascismes proprement dits, est fréquemment, une liturgie ecclésiastique, surtout au cours
inséparable d'une tentative de mobilisation des masses, des années dites du « national-catholicisme ».
avec la militarisation des relations politiques qui
l’accompagne, dans le but de créer une milice de parti.
(1) Cette notion de «  parti unique  », dans le franquisme,
Le franquisme, en revanche, a rarement essayé de
doit être nuancée. Cf. ci-dessous : Le Caudillo. NdT.
chercher à mobiliser qui que ce soit, c'est même plutôt
(2) Armin Mohler (1920-2003), écrivain suisse. Auteur
l'inverse. C'est en vain que nous chercherions dans le notamment de La Révolution conservatrice, 1918-1932
franquisme cet air de mobilisation permanente sous (éd. Pardès 1993), il fut notamment le secrétaire d’Ernst
forme de grandes concentrations uniformes, à l'italienne Jünger. NdT.
ou à l'allemande. Pas même dans les liturgies massives (3) Coros y danzas de España fut un mouvement national
« chœurs et danses » [Coros y danzas] (3). fondé en 1939, à la fin de la guerre donc, à l’intérieur de
la section féminine de la FET et des Jons [Juntes
Quant aux relations politiques, en dehors de la
d’Offensive National-Syndicaliste, mouvement qualifié
rhétorique phalangiste (limitée à la structure du
de “fascisme à l’espagnole”, exista entre 1931 et 1934].
Mouvement national), elles n'ont jamais été militarisées ; Son objet était de recueillir et sauvegarder les éléments
elles ont plutôt suivi un modèle hiérarchique de type du folklore espagnol (chants et danses), puis de les faire
ancien régime, loin du ton direct de "camaraderie connaître à l’étranger. Il donna ainsi des spectacles en
verticale" qui caractérise les formes militaires. Quant aux Allemagne pendant la guerre. Ce mouvement disparut
milices du parti, il n'y eut rien de tel : à la fin de la guerre, en 1977. NdT.

LE CAUDILLO

I
l y a un aspect académique du fascisme où la parenté
avec le franquisme est plus claire : la tendance
spécifique vers un type de commandement autoritaire,
contrôle efficace du pouvoirFernando
dictateur.
qui sertSánchez
de contrepoids
Dragó au

Franco, qui fut un dictateur au sens que la science


charismatique et personnel. Le fascisme est inséparable politique donne à ce terme, manqua généralement des
de la figure du leader, Duce, Führer, Caudillo ou quelque éléments de charisme personnel qui caractérisent les
nom qu'on lui donne. Le franquisme est lui aussi grands dirigeants fascistes. Quant sa manière d'exercer le
inséparable de la figure du franquisme. p o u v o i r, e l l e f u t f o r m e l l e m e n t l i m i t é e p a r
Cependant, les fascismes étaient conçus de telle sorte l'institutionnalisation progressive de conseils ayant des
que le mouvement pourrait survivre au chef, il ne fonctions exécutives ou consultatives spécifiques.
s'éteindrait pas avec lui, alors que dans le cas du Caudillo Franco fut un dictateur, oui, mais pas un dictateur
espagnol, au contraire, personne ne pensait à un fasciste.
franquisme après Franco : dès 1947, le dictateur lui-
même organisa les choses en vue d'un changement de Y a-t-il autre chose à ajouter ? Le fascisme implique une
système qui impliquerait le couronnement d'un roi. Ceci déification de l'État. Or Franco n'a jamais voulu faire de
est très peu fasciste. l'État une religion. Le fascisme se fonde sur l'existence
d'un parti unique qui agit comme avant-garde politique
Une autre question cruciale se pose : tous les dirigeants et comme une incarnation du peuple-nation. Cependant,
fascistes sont des dictateurs, mais tous les dictateurs ne le Movimiento résultant de la fusion de la Phalange et
sont pas fascistes et leur style de commandement ne des Requetes n'a jamais bénéficié, même à la première
correspond pas nécessairement aux caractéristiques du époque, d'attributions de ce genre.
fascisme. D'innombrables éléments interviennent ici, de
l'origine de l'investiture dictatoriale au système de Le fascisme est un totalitarisme qui se propose de

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canaliser toutes les manifestations de la vie sociale, alors Parti Populaire » [parti de droite - NdT], fut avec certitude
qu'il a toujours existé, dans l'Espagne franquiste, une une fonctionnaire de l'Organisation Syndicale franquiste.
pluralité (certainement contrôlée) de "voies" différentes, Mais si nous parlons sérieusement, en donnant à
des associations catholiques à l'Armée et au Mouvement, chaque chose le concept qui lui correspond, la réalité est
en passant par la bureaucratie de l'État ou par les ce qu'elle est. Franco ne fut jamais fasciste. Et son régime
corporations économiques, sans parler du pouvoir de fait - dictatorial, autoritaire, certes - n'était pas un régime
de l'Église. fasciste. Il fut autre chose. C'est de ses rangs et de ses

L e fascisme, enfin, en tant que mouvement moderne,


qu'il est, repose sur une culture de mobilisation
absolue et permanente des masses, alors que le
institutions que sont sortis ceux qui allaient bientôt
construire le système démocratique actuel.
José Javier Esparza
Mouvement a rarement cherché à "mobiliser" quelque
masse que ce soit. Bien au contraire, il lui a été reproché
de s'appuyer sur ce que Dionisio Ridruejo (4) appelle "le
(4) Dionisio Ridruejo (1912-1975) fut membre de la
roc immuable de la race ».
Phalange pendant la guerre civile, et responsable de la
Dans la rhétorique de la politique quotidienne, nous propagande dans le camp franquiste. Engagé dans la
continuerons sans doute à entendre que Franco fut «  un División Azul, il reprochera ultérieurement à Franco de ne
nazi et un fasciste  », comme l'a dit l'inégalable Celia pas avoir opté pour le fascisme. Il fut incarcéré et exilé.
Villalobos, laquelle, avant d'être une «  progressiste du

JEUNES REQUETES PARTANT AU COMBAT


Les Requetes étaient les troupes carlistes pendant les guerres carlistes. Constitués comme une milice paramilitaire
dans les années 1910, ils se sont battus aux côtés des troupes de Franco, engageant plus de 60 000 hommes.
Nous aurons l’occasion de reparler d’eux. Leur hymne était celui-ci : « Pour Dieu, pour la Patrie et le Roi ont lutté
nos pères. Pour Dieu, pour la Patrie et le Roi nous lutterons aussi. Nous lutterons toujours ensemble, toujours unis,
pour défendre le drapeau de la Sainte Tradition. Quoi qu’il en coûte, il faut réussir à ce que les bérets rouges
entrent dans Madrid. Pour Dieu, pour la Patrie et pour le Roi ont lutté nos pères. Pour Dieu, pour la Patrie et le Roi
nous lutterons aussi. »

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