Vous êtes sur la page 1sur 19

Ohadata D-12-82

Le pacte commissoire :
Une innovation importante du nouvel Acte uniforme sur les
Sûretés
par
Alain FENEON
Avocat au Barreau de Paris,

Chargé de cours à l’Université de Paris l (Panthéon Sorbonne)

PENANT n° 877 – Octobre / Décembre 2011, page 429.

L’introduction en droit OHADA du pacte commissoire a constitué à l’évidence, l’une des


innovations majeures du nouvel Acte uniforme sur les Sûretés, entré en vigueur dans
l’ensemble des Etats membres de l’espace OHADA, le 15 mai 2011.

Cette nouvelle construction contractuelle, accessoire du mode de sûreté, a en effet pour


finalité, le transfert direct de la propriété du meuble ou de l’immeuble au créancier, et ce
pour le paiement de sa créance ; tout comme une dation en paiement, il permet au débiteur de
voir s’éteindre à la fois, sa dette et la sûreté qui la garantit.

Treize ans après l’entrée en vigueur de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés, ce
texte inspiré du droit français avait révélé ses limites.1

Aussi convenait-il d’entreprendre un diagnostic précis de l’application de l’Acte du 11 avril


1997, d’en identifier les lacunes (heureusement peu nombreuses), et de l’enrichir d’une
expertise nouvelle afin d’atteindre l’objectif des Etats membres de l’OHADA, à savoir créer
un environnement juridique sécurisé qui stimule l’investissement et rende attractif le marché
de l’espace communautaire.2

En ce qui concerne plus particulièrement les sûretés mobilières et immobilières, il y avait lieu
de rendre leur régime juridique plus pertinent, notamment par la mise en place d’une assiette
plus large des garanties, mais aussi, en facilitant leur mise en œuvre par l’introduction de
dispositions à caractère contractuel, tel le pacte commissoire.

Encore convenait-il aussi de traiter la question délicate du transfert de propriété, avec pour
finalité d’échapper à l’aléa judiciaire et aux multiples inconvénients des procédures de saisie
mobilière ou immobilière devant les juridictions africaines.


Rédigé avec la collaboration d’Olga Anasside, Avocat stagiaire au Barreau de Cotonou.
1
F. Anoukaha, Le droit des Sûretés dans l’Acte uniforme OHADA, Presses universitaires d’Afrique, 1998,
p. 35, et voir aussi F. Anoukaha, A. Cissé-Niang, M. Foli, J. Issa-Sayegh, I. Yankhoba Ndiaye et M. Samb,
OHADA, Sûretés, Bruylant, coll. « Droit uniforme africain », 2002.
2
Cabinets Lovells et Clifford Chance, Professeur P. Crocq, Professeur Issa-Sayegh, etc. ; sur cette question voir
aussi J. Lefilleur, « Comment améliorer l’accès au financement pour les PME d’Afrique subsaharienne ? »,
Rev. Afrique contemporaine, 2008/3, n° 227.
*
**

Certes, l’impayé n’est pas un phénomène nouveau dans le monde des affaires ; il est tout aussi
vieux que le commerce.

Cependant, la multiplication des impayés sur le marché africain a atteint un niveau très
important qu’il convenait de réduire.

Si pour se prémunir contre le risque d’insolvabilité et d’impécuniosité de son débiteur, le


créancier exigeait généralement, à la conclusion du contrat, la mise en place de garanties
conventionnelles ou légales – les sûretés –, plus d’efficacité devait être donnée à la mise en
œuvre de ces garanties, pour pouvoir assurer à terme, l’exécution de l’obligation principale du
débiteur.

C’est à ce besoin que répond le pacte commissoire permettant au créancier de devenir


propriétaire du bien donné en garantie, en cas d’inexécution de l’obligation principale par le
débiteur.

*
**

Rappelons que traditionnellement, sous l’empire de l’Acte uniforme sur les Sûretés de 1997,
le nantissement était réalisé par voie de saisie mobilière et l’hypothèque par adjudication
judiciaire à la suite de la saisie de l’immeuble.3

La réforme des sûretés autorise désormais, l’attribution au créancier, tant du meuble que de
l’immeuble, pour le paiement de sa créance, et ce au titre du pacte commissoire.

Certes, l’introduction en France du pacte commissoire par l’ordonnance du 23 mars 2006


réformant le droit des sûretés4 n’avait pas manqué de susciter de nombreuses critiques de la
part de la doctrine.5

A l’époque, les difficultés de procéder à l’évaluation objective de l’immeuble, la faculté pour


les banques de faciliter la désignation de l’expert de leur choix, ainsi que le risque de
collusion frauduleuse entre cet expert et le créancier, figuraient parmi les principales
objections soulevées.6

Aussi, convenait-il que les auteurs de la réforme du droit OHADA des sûretés y répondent par
des dispositions appropriées et surtout, apportent à la pratique une alternative aux
procédures de saisie, dont la longueur, le coût et l’inefficacité étaient régulièrement dénoncés
par les opérateurs économiques.

3
V. Apollinaire de Saba, OHADA, La protection du créancier dans la procédure simplifiée de recouvrement
des créances civiles et commerciales.
4
Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux
sûretés, J.O. 24 mars 2006, pp. 4467 et s.
5
P. Delebecque, Le régime des hypothèques in Commentaire de l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux
sûretés, JCP éd. G. 2006, suppl. n° 20, 1 n° 23 et s.
6
J.-M. Hocquart, Le pacte commissoire, une fausse bonne idée ? in Réformer l’hypothèque, Droit &
Patrimoine, novembre 2005, comm. 142, pp. 80 et s.
Désormais, si l’attribution judiciaire donne au créancier le droit de demander au juge que le
bien lui demeure en paiement, le pacte commissoire aboutit à ce même résultat, sans le
recours au juge, mais du seul fait de la volonté des parties contenue dans la convention.

L’intérêt d’une réflexion sur le pacte commissoire réside donc dans sa finalité et dans l’impact
que cette stipulation contractuelle peut avoir sur l’efficacité et l’effectivité de la réalisation de
la sûreté consentie et plus généralement, sur le recouvrement efficace de la créance.

L’étude du pacte commissoire s’articule en l’analyse de son régime juridique (I), puis de ses
conditions de mise en œuvre (II).

I - LE REGIME JURIDIQUE DU PACTE COMMISSOIRE


Le Professeur Gérard Cornu définit le pacte commissoire comme « la convention (...) par
laquelle le créancier se fait consentir le droit de s’approprier de lui-même (sans avoir à le
demander au juge) la chose mise en gage, faute de paiement à l’échéance ».7

Cette définition introduit un élément qui mérite de retenir l’attention : l’attribution du bien
sans en référer à un juge. Il s’agit à l’évidence, d’une spécificité du pacte commissoire par
rapport aux autres modes d’extinction d’une créance, lorsque le débiteur ne s’exécute pas
volontairement.

Il apparaît ainsi que le pacte commissoire constitue une situation contractuelle, par laquelle
les parties règlent les modalités de réalisation de la sûreté consentie en garantie de l’exécution
d’une obligation principale contractuelle, et ce sans le recours au juge.

Ce n’est donc pas une sûreté en tant que telle, mais l’accessoire conventionnel d’une
sûreté.

Par référence au droit français, il peut être rappelé que le Code civil, dans le titre portant sur
les sûretés réelles, dispose en son article 2348, alinéa 1er : « Il peut être convenu, lors de la
constitution du gage postérieurement, qu’à défaut d’exécution de l’obligation garantie le
créancier deviendra propriétaire du bien gagé. »

Si cette définition renvoie à une notion identique à celle prévue par le législateur OHADA,
elle a en revanche le mérite de préciser que, la stipulation peut intervenir au moment de la
constitution de la garantie, ou postérieurement ; précisions que le droit OHADA n’apporte
pas, alors qu’à l’évidence la question de l’application du texte nouveau aux contrats en cours
ne manquera pas de poser.

Le pacte commissoire prévu par l’Acte uniforme révisé sur les sûretés n’a d’existence
juridique valable que pour autant que les parties en ont convenu (A) dans les cas et conditions
prévus par cet Acte uniforme (B).

I.1 - Nature juridique du pacte commissoire


Il résulte des dispositions de l’Acte uniforme révisé sur les sûretés que, le législateur pose
deux exigences cumulatives pour la validité d’un pacte commissoire : il doit s’agir d’une
stipulation contractuelle (a) qui porte sur les modalités de réalisation d’une sûreté (b).

7
Vocabulaire juridique, G. Cornu, Association H. Capitant, 7e éd., PUF, 2005, 8e éd., 2007.
a) Le caractère contractuel du pacte commissoire
La consécration du pacte commissoire dans l’Acte uniforme révisé sur les sûretés pourrait
faussement laisser penser que cette disposition est une nouvelle sûreté admise par le
législateur OHADA ; il n’en est rien.

En effet, à l’article 104, alinéa 3 de l’Acte uniforme révisé, le législateur précise que, « si le
bien gagé est une somme d’argent ou un bien dont la valeur fait l’objet d’une cotation
officielle, les parties peuvent convenir que (…) ».

L’article 134, alinéa 2 dispose pour sa part que, « si l’échéance de la créance garantie est
antérieure à l’échéance de la créance nantie, le créancier peut se faire attribuer, par la
juridiction compétente ou dans les conditions prévues par la convention, la créance nantie
ainsi que tous les droits qui s’y rattachent ... ».

L’article 144 énonce par ailleurs que, « le nantissement des droits d’associés et des valeurs
mobilières confère au créancier (...) un droit de réalisation qu’il exerce conformément aux
dispositions des articles 104 et 105 du présent Acte uniforme ... ».

Dans les mêmes termes, l’article 161 indique que, « le nantissement des droits de propriété
intellectuelle confère aux créanciers (...) un droit de réalisation qu’ils exercent conformément
aux dispositions des articles 104 et 105 du présent Acte uniforme ... ».

Enfin, le nouvel acte révisé poursuit en prévoyant à l’article 199, alinéa 1, qu’« à condition
que le constituant soit une personne morale ou une personne physique dûment immatriculée
au Registre du Commerce et du Crédit Immobilier et que l’immeuble hypothéqué ne soit pas à
usage d’habitation, il peut être convenu dans la convention d’hypothèque que le créancier
deviendra propriétaire de l’immeuble hypothéqué ».

Il apparaît de ces différentes dispositions que, le pacte commissoire doit résulter d’une
expression ou d’un accord formel de volonté entre les parties ; cette référence donne à
cette disposition, toute la force mais aussi, les limites d’une situation contractuelle.

Le pacte ne peut exister du seul fait qu’il soit contenu dans la loi, telles que le sont les sûretés.
Il faut que les parties le retiennent dans le cadre de leur convention et que cette référence
s’inscrive dans les limites fixées par le législateur.

S’interrogeant sur la nature juridique de cette stipulation contractuelle, certains auteurs ont
considéré que le pacte commissoire, en raison de ce qu’il permet aux créanciers de se faire
payer par l’attribution d’un bien mis en garantie (ainsi pour le créancier hypothécaire d’être
payé en nature par le transfert de propriété de l’immeuble), constitue une dation en paiement,
c’est-à-dire un acte translatif à titre onéreux.8

Un autre auteur estime toutefois que, « le pacte commissoire n’est pas à proprement parler,
une dation en paiement, mais une convention prévoyant une dation en paiement ».9

C’est la réalisation du pacte commissoire qui vaut dation en paiement au profit du


débiteur.

8
Voir en ce sens notamment P. Delebecque, Le régime des hypothèques, JCP éd. G. 2006, suppl. au n° 20, I
n° 23 et s.
9
F. Bicheron, La dation en paiement, Ed. Panthéon Assas, 2006 n° 288.
D’autres encore, estiment qu’il est possible de considérer le pacte commissoire comme une
« cession définitive à terme sous la condition de défaillance du débiteur (...), un mode de
réalisation de la sûreté déclenché par la défaillance du débiteur ».10

La question de la qualification du pacte commissoire comme une dation en paiement est


encore très discutée.

C’est ainsi qu’un autre auteur considère encore que « ce n’est pas le paiement en nature qui
est le critère de la dation en paiement, mais le changement de nature de la prestation du
débiteur »,11 pour conclure que le pacte commissoire ne peut être assimilé à une dation en
paiement.

Cette controverse doctrinale n’est toujours pas tranchée.

En tout état de cause, le pacte commissoire constitue fondamentalement la convention par


laquelle le constituant s’engage irrévocablement à transférer la propriété des biens mis en
garantie au jour de l’exigibilité de la dette, parce que le débiteur n’est pas en mesure de la
payer.

Contrairement au Code civil français, qui précise que la convention peut intervenir au
moment de la constitution de la garantie ou postérieurement, le législateur OHADA est resté
silencieux sur ce point, ce qui ne manque pas à s’interroger sur l’application de l’Acte
nouveau aux contrats en cours.

La solution de la jurisprudence française me paraît transposable en droit OHADA, en ce


qu’elle considère que la clause est valable, même si elle intervient postérieurement à la
convention de garantie à titre d’avenant à des contrats antérieurs à l’entrée en vigueur du
nouveau texte.

C’est ainsi notamment que, par un arrêt du 5 octobre 2004,12 la chambre commerciale de la
Cour de cassation a pu considérer que les dispositions de l’article 2078 du Code civil ne
faisaient pas obstacle à ce que postérieurement à la constitution du gage, le débiteur demande
au créancier gagiste de procéder pour son compte, à la vente de la chose donnée en gage.

Il est certes plus aisé d’introduire une clause portant pacte commissoire, lors de la constitution
de la garantie plutôt qu’ultérieurement, mais cette possibilité n’est pas exclue, dès lors que les
conditions de constitution du pacte commissoire ne sont pas réunies.

Si les parties sont libres de contracter et de mettre dans leur convention toutes les stipulations
propres à garantir leurs intérêts, tant que l’ordre public n’est pas mis en cause,13 le pacte
commissoire n’est valable pour sa part que s’il se rapporte à son objet.

b) Le caractère accessoire du pacte commissoire

10
P. Malaurie, L. Aynès, P. Crocq, Droit civil. Les sûretés, 3e éd. Defrénois, 2008, n° 687.
11
D. Léoty, La nature juridique de la dation en paiement. La dation en paiement, paiement pathologique, RTD
Civ., 1975, p. 29.
12
Cass., 5 octobre 2004, pourvoi n° 0100863, BNP c/ X., Bull. civ., 2004, IV, n° 176, p. 199.
13
Ainsi, la prohibition de la clause de voie parée vient rappeler que les textes régissant les procédures civiles
d’exécution relèvent de l’ordre public, dans l’intérêt de tous, créanciers et débiteurs : A. Leborgne, Voies
d’exécution et procédures de distribution, Dalloz, 2009, 1e éd., n° 4.
La stipulation relative à un pacte commissoire ne peut exister et produire d’effets juridiques
que si elle intervient dans le cadre fixé par la loi, et se trouve notamment liée aux modalités de
réalisation d’une sûreté dont elle est l’accessoire.

Des dispositions ci-dessus citées, on a notamment relevé que la stipulation commissoire visait
à prévoir que « la propriété du bien gagé serait attribuée au créancier gagiste (...) », ou que
« le créancier peut se faire attribuer dans les conditions prévues par la convention la créance
nantie ainsi que tous les droits qui s’y rattachent (...) », ou encore : « il peut être convenu
dans la convention d’hypothèque que le créancier deviendra propriétaire de l’immeuble
hypothéqué ».

Il se dégage de toutes ces expressions que, la convention tend à réaliser la sûreté lorsque cette
dernière est mise en œuvre.

Dès lors, le pacte commissoire apparaît comme un pacte de volonté qui porte sur la façon dont
les parties entendent, le cas échéant, réaliser la garantie consentie.

La conséquence en est que le pacte commissoire ne peut valablement exister que


concomitamment ou postérieurement à la constitution de la sûreté.

Le législateur, ainsi que nous l’avons déjà relevé, a fait l’option de la déjuridicisation des
procédures d’exécution, rendant ainsi presque facultatif le recours au juge.

Or, la réalisation d’une sûreté suppose la défaillance du débiteur et l’absence d’exécution


volontaire de l’obligation principale.

Pour rendre plus efficace son choix et plus effective la réalisation de la sûreté, le législateur
OHADA a admis le pacte commissoire, dont la philosophie semble parfaitement intégrée à
cette vision et confère désormais à la réalisation des sûretés, une plus grande célérité, tout en
l’éloignant de l’aléa judiciaire.

Il n’est plus besoin de saisir une juridiction pour faire constater le transfert de propriété du
bien gagé ; ce transfert pouvant résulter de la seule convention des parties.

Le pacte commissoire offre donc au créancier, un espace de liberté lui permettant de ne pas
recourir aux mesures d’exécution forcée telles que prévues jusque-là par le législateur.

I.2 - Domaine du pacte commissoire


Il est remarquable de constater que le législateur OHADA, non seulement a prévu la
possibilité de contracter un pacte commissoire à titre accessoire à une sûreté consentie sur un
bien mobilier (a), mais également sur un bien immobilier (b).

a) Les sûretés mobilières


Il convient de rappeler que désormais, le gage est l’expression consacrée par l’Acte uniforme
révisé pour désigner la sûreté réelle mobilière portant sur des meubles corporels ; le
nantissement étant la désignation retenue lorsque le bien objet de la garantie est un meuble
incorporel, tel que le fonds de commerce par exemple.

Le pacte commissoire peut être stipulé dans le cadre d’une sûreté portant aussi bien sur des
meubles corporels (1) que sur des meubles incorporels (2).
1.- Les meubles corporels concernés par le pacte commissoire
Par plusieurs dispositions, le législateur OHADA précise les meubles pouvant faire l’objet
d’un pacte commissoire.

Ainsi, l’article 104, alinéa 3 énonce que, « si le bien gagé est une somme d’argent ou un bien
dont la valeur fait l’objet d’une cotation officielle, les parties peuvent convenir que la
propriété du bien gagé sera attribuée au créancier gagiste en cas de défaut de paiement. Il en
va de même pour les autres meubles corporels lorsque le débiteur de la dette garantie est un
débiteur professionnel... ».

On peut déduire de cette disposition que, le pacte commissoire est autorisé en matière de
gage.

Contrairement au législateur français, qui opère une distinction entre le gage civil et le gage
commercial, le législateur OHADA procède différemment, en plaçant les critères de
distinction sur le caractère déterminé ou non de la valeur du bien gagé.

Ainsi, lorsque le bien gagé est une somme d’argent ou un bien dont la valeur fait l’objet d’une
cotation officielle, les parties peuvent convenir d’un pacte commissoire.

Si le bien gagé est un autre meuble corporel dont la valeur n’est plus dans ce cas,
incontestablement déterminée ou indéterminable, ce bien ne peut alors être gagé que lorsque
le débiteur de la dette garantie est un débiteur professionnel.

En d’autres termes, le législateur OHADA a entendu protéger par cette disposition, le débiteur
non professionnel, sauf lorsque la valorisation du bien gagé ne souffre d’aucune difficulté ; la
somme d’argent étant ici entendue comme des numéraires, c’est-à-dire des billets de banque
ou des pièces de monnaie qui sont des meubles corporels.

Rappelons également qu’au sens de l’article 3 de l’Acte uniforme sur les Sûretés, « est
considéré comme débiteur professionnel au sens du présent Acte uniforme, tout débiteur dont
la dette est née dans l’exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l’une de
ses activités professionnelles, même si celle-ci n’est pas principale ».

S’agissant enfin du débiteur professionnel, il faut également retenir que seule la sûreté
constituée sur les biens meubles corporels, à l’exception des meubles incorporels, peut faire
l’objet d’un pacte commissoire.

En effet, l’article 78 contenu dans la section portant sur le nantissement de fonds de


commerce a expressément prévu que, « les créanciers inscrits bénéficient (...) d’un droit de
réalisation qu’ils exercent conformément aux dispositions de l’article 104 alinéa 1er du
présent Acte uniforme ».

2.- Les meubles incorporels susceptibles d’être concernés par le pacte commissoire
Il apparaît de l’alinéa 2 de l’article 134 que, « si l’échéance de la créance garantie est
antérieure à l’échéance de la créance nantie, le créancier peut se faire attribuer, par la
juridiction compétente ou dans les conditions prévues par la convention, la créance nantie
ainsi que tous les droits qui s’y rattachent ... ».

Par ailleurs, l’article 136 de l’Acte uniforme nous enseigne que les règles régissant le
nantissement de créance sont applicables au nantissement de compte bancaire.
Il convient de rappeler que la créance est le droit personnel en vertu duquel le créancier peut
exiger du débiteur, la prestation d’une obligation de faire, de ne pas faire ou de donner, et plus
généralement, le paiement d’une somme d’argent.

Lorsque le nantissement porte sur un compte bancaire, la créance nantie s’entend du solde
créditeur, provisoire ou définitif au jour de la réalisation de la sûreté, sous réserve de la
régularisation des opérations en cours, selon les modalités prévues par l’Acte uniforme
portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution en
matière de saisie-attribution des créances pratiquée entre les mains d’un établissement de
crédit.14

Les articles 144 et 161 de l’Acte uniforme nouveau précisent que le nantissement des droits
d’associés et des valeurs mobilières, d’une part, et celui des droits de propriété intellectuelle,
d’autre part, confèrent un droit de réalisation conformément aux dispositions des articles 104
et 105.

Faut-il le rappeler, les valeurs mobilières sont définies comme des titres financiers qui
confèrent des droits identiques par catégorie ; ce sont les titres de capital, les titres de créances
et les parts ou actions des organismes de placement collectif.15 Les valeurs mobilières sont de
plus en plus dématérialisées et ne donnent plus lieu à une création sur papier ; une simple
inscription en compte en tient lieu.

Les droits de la propriété intellectuelle, au sens de l’Acte uniforme sur les Sûretés, pourraient
être définis comme les œuvres de l’esprit existants ou futurs telles que les brevets d’invention,
les marques de fabrique et de commerce, les dessins et modèles.16

Il s’induit que les parties peuvent, à l’occasion d’une relation d’affaires, convenir de la
constitution de la garantie portant sur ces biens et stipuler que le créancier de l’obligation
deviendra propriétaire des droits y attachés, lorsque le débiteur sera défaillant dans
l’exécution de l’obligation principale.

Outre les biens mobiliers, le législateur OHADA a consacré le pacte commissoire en matière
immobilière.

b) Les sûretés immobilières


Contrairement aux meubles corporels pour lesquels le législateur a offert la possibilité de
stipuler le pacte commissoire relativement à plusieurs meubles, seule l’hypothèque a été prise
en compte, s’agissant des sûretés réelles immobilières.

L’admission du pacte commissoire en matière immobilière avait en France, lors de la


publication de l’ordonnance du 23 mars 2006, suscité de nombreuses critiques.17

14
Voir article 137 AUS.
15
Dictionnaire permanent du droit des affaires, Ed. Législatives, p. 4500, n° 2 ; mise à jour le 5 avril 2011.
16
V. art. 156 AUS adopté le 15 décembre 2010.
17
P. Delebecque, Le régime des hypothèques, in Commentaires de l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux
sûretés, JCP, éd. G, 2006, suppl. au n° 20.1, pp. 29 s. ; V. cependant P. Malaurie, L. Aynès et P. Crocq, Les
sûretés, Defrénois, 2008, 3e éd., n° 86 ; P. Dupichot, Le pouvoir des volontés individuelles en droit des
sûretés, LGDJ, 2005, n° 740 et s.
Selon un auteur, la consécration légale du pacte commissoire en matière immobilière venait
surtout renouveler la conception de l’hypothèque, puisque le créancier se voyait accorder un
droit en pleine propriété sur l’objet de sa garantie : l’hypothèque n’était donc plus seulement
un « droit à la valeur du bien », selon cette analyse ; elle devenait un droit à la propriété,
même si ce droit restait « conditionnel ».18

En dépit de cette controverse, le législateur OHADA a accueilli le pacte commissoire en


matière immobilière dans le droit de l’espace communautaire ; celui-ci peut désormais être
stipulé à l’occasion d’une hypothèque conventionnelle, si les conditions relatives à la
personne du constituant (a) et celles relatives à l’immeuble (b) sont cumulativement remplies.

1.- Les conditions tenant au constituant


A la différence de l’hypothèque conventionnelle traditionnelle, qui peut être stipulée par tout
débiteur et quel que soit l’usage auquel l’immeuble mis en garantie est destiné, l’hypothèque
conventionnelle assortie d’une stipulation de pacte commissoire n’est valable que si elle
intervient dans les conditions restrictives prévues par la loi.

Sur un plan purement théorique, une partie de la doctrine a toujours considéré que le pacte
commissoire était contraire à l’essence même de l’hypothèque, qui confère un droit à la valeur
de l’immeuble, consistant en un droit de préférence sur le prix de vente de l’immeuble.19

L’article 199 de l’Acte uniforme portant organisation des sûretés précise désormais qu’« à
condition que le constituant soit une personne morale ou une personne physique dûment
immatriculée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier et que l’immeuble hypothéqué
ne soit pas à usage d’habitation, il peut être convenu dans la convention d’hypothèque que le
créancier deviendra propriétaire de l’immeuble hypothéqué ».

La première condition posée par cette disposition est que le pacte commissoire n’est
envisageable que si le constituant est soit une personne morale, soit une personne physique
dûment immatriculée au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier. Cette règle est
impérative, c’est-à-dire d’ordre public, et les parties ne peuvent y déroger par des
conventions particulières. Il ne s’agit donc pas d’une disposition aménagée dans le seul intérêt
des parties, de sorte qu’elles ont la possibilité d’y renoncer. La violation de cette condition
rendrait illicite la convention stipulant le pacte commissoire.

Il faut également préciser que l’hypothèque ne peut être consentie que par celui qui est
titulaire d’un droit réel immobilier sur l’immeuble.

Cette condition, quant à la qualité du constituant, n’est pas expressément précisée, mais elle se
déduit d’une règle générale en droit des sûretés.

Outre cette exigence, l’article 199 énonce une seconde condition tenant cette fois-ci à
l’exploitation de l’immeuble.

2.- La condition tenant à l’immeuble


L’article 199 a expressément indiqué par ailleurs, qu’« à condition que le constituant soit une
personne morale ou une personne physique dûment immatriculée au registre du commerce et

18
C. Mouly, JCL. Code civil, art. 2114 à 2117, Hypothèque, caractères, effets, n° 63.
19
P. Simler et P. Delebecque, Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, Dalloz, 5e éd., 2009, n° 479.
du crédit mobilier et que l’immeuble hypothéqué ne soit pas à usage d’habitation, il peut
être convenu dans la convention d’hypothèque que le créancier deviendra propriétaire de
l’immeuble hypothéqué ».

La condition posée selon laquelle l’immeuble ne doit pas servir à usage d’habitation apparaît
à l’évidence équivoque ; elle peut être source de plusieurs interprétations et ne permet
certainement pas d’appréhender pleinement l’esprit du législateur.

En effet, il peut se poser la question de savoir si la référence faite à cet usage concerne
exclusivement le constituant ou, au contraire, tout autre occupant.

En d’autres termes, est-ce qu’un immeuble du débiteur ne lui servant pas d’habitation à titre
personnel, mais mis en bail à usage d’habitation peut faire l’objet d’une telle stipulation ?

Qu’en est-il d’un immeuble à usage d’habitation future, mais non encore habité (question
intéressant particulièrement les promoteurs) ?

Quel sera le sort réservé aux locataires du débiteur, dans l’hypothèse où celui-ci n’habiterait
pas l’immeuble concerné par le pacte commissoire ?

Ces interrogations n’ont donc pas qu’un intérêt théorique.

Pour sa part, le droit français a clairement apporté une solution à ces questions : l’article 2459
du Code civil disposant qu’« il peut être convenu dans la convention d’hypothèque que le
créancier deviendra propriétaire de l’immeuble hypothéqué. Toutefois, cette clause est sans
effet sur l’immeuble qui constitue la résidence principale du débiteur ».

Ce texte a donc l’avantage d’être précis, en visant exclusivement le débiteur et sa résidence


principale.

Tel n’est pas le cas de l’article 199 de l’Acte uniforme révisé.

Dans le seul état du texte et en l’absence de toute interprétation jurisprudentielle, on doit


actuellement en déduire que, l’immeuble visé est exclusivement celui servant d’habitation au
débiteur ou au constituant, de sorte que les autres immeubles leur appartenant, quel que soit
l’usage auquel ils sont destinés, doivent pouvoir faire l’objet de la stipulation. Ce
raisonnement s’induit également des termes de l’article 198, qui prévoit expressément que
l’attribution judiciaire de l’immeuble n’est pas ouverte, si l’immeuble constitue la résidence
principale du débiteur.

Cette solution n’est cependant pas très satisfaisante, dès lors que l’institution du pacte
commissoire vise à permettre le transfert de propriété du bien offert en garantie par son
propriétaire.

II - CONDITIONS ET EFFETS DE LA MISE EN ŒUVRE DU PACTE


COMMISSOIRE
La volonté affichée du législateur OHADA était de créer un environnement juridique sécurisé,
afin de rendre attrayant pour les investisseurs, le marché africain. Cet objectif suppose la
mobilité du crédit. Or, cette mobilité n’est envisageable que, si le créancier – le plus souvent
prêteur de deniers – peut obtenir le remboursement de son prêt dans les termes du plan
d’amortissement et, en cas de difficultés, dispose de mesures d’exécution forcée efficaces.
Mais, face au constat de la difficulté de poursuivre avec célérité et efficacité les procédures
judiciaires devant les juridictions compétentes et du gel quasi systématique des procédures
d’exécution forcée qui en sont la suite, le législateur a choisi l’option de redonner plus
d’efficacité à l’expression de la volonté des parties.

La mise en œuvre du pacte commissoire suppose le défaut d’exécution de l’obligation


principale ; et le caractère certain liquide et exigible de la créance (II.1).

Ces effets conduisent au transfert automatique de la propriété du bien (II.2).

II.1 - Conditions de mise en œuvre du pacte commissoire


a) La défaillance du débiteur
Le pacte commissoire, nous l’avons indiqué plus haut, est une stipulation qui vise à régler la
modalité de réalisation de la sûreté offerte en garantie de la bonne exécution d’une obligation
principale. La levée d’option du créancier suppose dès lors, le défaut d’exécution de
l’obligation principale (a), qui devra être dûment constatée par les soins du créancier (b).

l.- Le défaut d’exécution de l’obligation principale


Aux termes de l’article 104 de l’Acte uniforme ci-dessus visé, nous avons relevé : « Si le bien
gagé est une somme d’argent ou un bien dont la valeur fait l’objet d’une cotation officielle,
les parties peuvent convenir que la propriété du bien gagé sera attribuée au créancier
gagiste en cas de défaut de paiement. Il en va de même pour les autres meubles corporels
lorsque le débiteur de la dette garantie est un débiteur professionnel. »

Il s’induit des dispositions de cet article que, c’est le défaut de paiement qui peut déclencher
la mise en œuvre de la clause ayant prévu une attribution de la propriété de la chose gagée au
profit du créancier gagiste.

Bien que le législateur n’ait pas porté cette précision dans le corps de l’article 199, il n’en
demeure pas moins que cette condition est implicite.

En tout état de cause, l’article 104 peut être considéré comme fixant le principe en la matière :
la réalisation du pacte commissoire, qu’il intervienne dans le cadre d’une sûreté mobilière ou
immobilière, est subordonnée à la condition impérative du défaut de paiement de l’obligation
principale par le débiteur.

A cet égard, la doctrine nous enseigne que « la défaillance du débiteur semble être une
composante essentielle du pacte commissoire. Il ne s’agit pas alors d’une condition, au sens
où l’on l’entend habituellement, c’est-à-dire d’une modalité de l’obligation, mais d’un
élément constitutif du pacte commissoire qui, [...], suppose une dette à éteindre ».20 Comme il
n’est pas possible d’ériger en condition un élément nécessaire à la naissance d’une
convention, la défaillance du débiteur doit se concevoir comme une véritable exigence
légale.21

20
R. Le Guidec, Rép. civ. Dalloz, v°, Dation en paiement, n° 11.
21
P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, Les obligations, 3e éd., Defrénois, 2007, n° 1225-1226 ;
v. également, M. Latina, Essai sur la condition en droit des contrats, LGDJ, 2009, n° 139 s., spécialement
n° 169.
La défaillance du débiteur exigée par la loi afin que le pacte commissoire puisse déployer ses
effets se comprend d’autant mieux que le transfert de propriété, que réalise une expropriation
à titre privé, ne peut se justifier que de manière exceptionnelle.

Le pacte commissoire s’analyse en une stipulation contractuelle qui jouit de la force


obligatoire des conventions entre les parties dès sa conclusion, mais qui ne devient parfaite
qu’au moment de la défaillance du débiteur. C’est donc à compter de cette défaillance que le
pacte est susceptible de produire ses effets essentiels. Autrement dit, la défaillance du débiteur
doit être comprise comme une exigence posée par la loi pour permettre au pacte commissoire
de produire ses effets, et notamment, d’opérer le transfert de propriété au profit du créancier.22

Il convient toutefois d’observer que la mise en œuvre du pacte commissoire n’est pas
automatique ; il appartient au créancier de lever l’option par la signification d’une mise en
demeure mentionnant sa volonté de voir transférer la propriété à son profit, à l’échéance du
délai imparti.

2.- La constatation du défaut d’exécution de l’obligation principale


En matière immobilière, l’article 199 du nouvel Acte uniforme pose pour règle, le défaut
d’exécution de l’obligation principale, qui doit faire l’objet d’une mise en demeure par acte
extrajudiciaire.

Ce n’est qu’à l’issue d’un délai de 30 jours suivant cette mise en demeure, demeurée sans
effet, que le créancier peut faire constater à son profit, le transfert de propriété. Ce transfert
obéissant naturellement à la loi applicable dans chaque Etat partie.

On peut cependant, regretter l’absence de dispositions similaires en matière de sûreté


mobilière. C’est ainsi par exemple, qu’en matière de gage, si le créancier gagiste muni d’un
titre exécutoire peut faire procéder à la vente forcée de la chose gagée 8 jours après une
sommation faite au débiteur (art. 104, al. 1), ou demander à la juridiction compétente que le
bien gagé lui soit attribué en paiement jusqu’à due concurrence du solde de ses créances
(art. 104, al. 2), aucune formalité ni délai n’est requis, s’agissant de l’attribution
conventionnelle du bien gagé (art. 104, al. 3).

Pour autant, nous considérons que les parties et principalement le créancier poursuivant, ne
doivent pas considérer cette omission comme une dispense d’accomplir cette formalité.

En effet, la preuve de la défaillance du débiteur est essentielle pour le créancier, car seule
cette défaillance avérée peut déclencher la mise en œuvre du pacte commissoire.

Devant le silence de la loi, on doit considérer que la mise en œuvre du pacte commissoire, qui
s’analyse comme une réalisation conventionnelle de la sûreté offerte en garantie d’une
obligation, s’apparente à une mesure d’exécution forcée.

Il s’induit que la condition de droit commun telle que posée par l’article 104 de l’AUS peut
dès lors, recevoir application, le créancier devant respecter un délai de 8 jours après la
délivrance d’une sommation par acte extrajudiciaire au débiteur, pour procéder au transfert de
propriété.

22
V. Jurisclasseur civil, fasc. 20, art. 2458 à 2460, Privilèges et Hypothèques, mis à jour au 10 juin 2009.
Pour sa part, la doctrine retient qu’« en principe, sauf volonté contraire des parties, le moment
du transfert de propriété sera celui de l’inexécution avérée du débiteur ; celui de l’échéance
sans effet d’une mise en demeure, puisqu’en principe, la déchéance du terme ne constitue pas
le débiteur en faute ».23

Cependant, s’agissant d’une convention, rien n’interdit aux parties d’aménager dans le
contrat, une clause permettant de constater différemment la défaillance du débiteur. La
réalisation du pacte commissoire peut ainsi résulter d’une mise en demeure restée sans suite
au terme d’un délai plus important (15 jours ou 1 mois).

Le constat de cette défaillance peut également résulter de l’échec d’une procédure de


médiation au préalable.

Il faut également regretter l’absence de toute précision quant aux mentions devant figurer
dans l’acte extrajudiciaire de mise en demeure.

Il peut sembler important en effet, que cet acte contienne la mention, en caractères apparents,
que le créancier entend lever l’option prévue par le pacte commissoire et que faute pour le
débiteur de s’exécuter dans le délai imparti, le créancier deviendra de plein droit propriétaire
du bien mis en gage, nanti ou hypothéqué.

La pratique nous enseigne en effet que, bien souvent, le débiteur et parfois même le créancier
ne disposent plus, au moment de cette mise en demeure, de toutes les informations relatives
au contrat qu’ils ont signé parfois plusieurs années auparavant.

Cette précision nous apparaît nécessaire en raison des conséquences de la levée d’option de
transfert de propriété par le créancier.

Il convient que le débiteur ou, à défaut, le constituant aient bien conscience que leur inaction
leur fera perdre la propriété du bien mis en garantie.

Cette précaution éviterait également au créancier, des contestations fondées sur le fait que le
débiteur a pu ignorer les conséquences de la mise en demeure qui lui a été notifiée.

Il convient enfin de regretter, s’agissant des biens mobiliers, l’absence de précisions quant aux
modalités du transfert du bien.

Si le rédacteur de l’Acte uniforme a bien précisé que, concernant les immeubles, la


contestation du transfert se faisait dans les formes requises dans l’Etat partie, on peut regretter
qu’il n’ait pas apporté cette précision s’agissant des biens mobiliers.

Là encore, cette omission peut être regrettable et engendrer des abus et des contestations qui
videraient le pacte commissoire de sa finalité.

b) Les conditions tenant à la créance


Parfaite entre les parties dès la conclusion du contrat, la mise en œuvre de la garantie
accessoire à l’obligation principale suppose qu’à son échéance, la créance soit certaine et
liquide (a) et exigible (b).

23
L. Aynès, Le nouveau droit du gage, in Sûretés mobilières : du nouveau, Droit & patrimoine, n° 161, juillet-
août 2007, pp. 48 et s.
1.- Le caractère certain et liquide de la créance
La créance est certaine lorsque son existence est incontestable et actuelle.

Ces caractères supposent que les parties ne contestent pas l’existence de la créance sur son
principe et qu’à la date où le paiement est réclamé, la créance existe déjà ou existe toujours.

Ainsi, les créances éteintes comme les créances futures pour lesquelles les parties n’ont
envisagé aucune exigibilité anticipée n’ont pas ce caractère certain.

La créance doit être également liquide.

La créance est liquide ou réputée liquide, non seulement lorsqu’elle a été évaluée en argent,
mais aussi lorsque « le titre qui la constate contient tous les éléments concernant son
évaluation ».24

Les indications figurant dans le titre doivent permettre de procéder sans difficulté à son
évaluation (indication du taux et de la période de remboursement du prêt, indication de la date
d’échéance ou de la révision d’un contrat, etc.).

L’acte constatant l’obligation doit, par les précisions qu’il contient, fournir tous les éléments
permettant de déterminer le montant exact de la créance.

2.- Le caractère exigible de la créance


La levée d’option du créancier et par voie de conséquence, la réalisation du pacte
commissoire ne sont envisageables que, si le créancier demeure impayé à l’échéance, et ce
malgré la mise en demeure qu’il a signifiée au débiteur.

Ceci suppose donc qu’à terme échu, le débiteur soit dans l’incapacité de payer sa dette.

La créance est exigible lorsque le créancier est en droit de solliciter le paiement immédiat,
sans que le débiteur puisse invoquer un délai ou une condition susceptible de repousser ou
d’empêcher l’exécution.

Les créances assorties d’un terme suspensif, non encore arrivées à terme, seront donc
écartées. Il est logique en effet que, le pacte commissoire puisse être utilisé à l’encontre d’un
débiteur dont on ne peut rien exiger dans le moment présent.25

En effet, ce qui n’est pas arrivé à terme n’est pas encore dû.

Ainsi, le pacte commissoire ne peut déployer ses effets que, si la créance est demeurée
impayée et que le débiteur ne la paie au terme et dans le délai convenu.

24
Cass. civ., 10 décembre 1998, Juris-data, n° 98-004934 ; Cass., 2e civ., 22 mars 2001, Bull. civ. II. N° 61 ; D.
2001, p. 1219 ; JCP 2001.IV. 1924 ; Droit et procédure, 2001, p. 318, notes Putman ; Cass. com., 15 octobre
2002, Juris-data, n° 2002-016042 ; Cass., 1ère civ., 13 novembre 2002, Bull. civ. I, n° 262 ; Cass., 2e civ.,
8 juillet 2004, Bull. civ. II, n° 399 ; Procédures 2004, comm. n° 258. Obs. R. Perrot (dans un cas où une
sentence arbitrale avait simplement « plafonné » le montant de la créance). - Toutefois, V. Cass., 2e civ.,
21 mars 2002, D. 2002, IR, p. 1325 (au sujet d’une indemnité mensuelle d’occupation fixée dans un jugement
d’expulsion).
25
J.-Ch. Boulay, Réflexions sur la notion d’exigibilité de la créance, RTD com., 1990, pp. 339 s.
Il convient cependant de rappeler qu’une stipulation portant sur le pacte commissoire
n’implique aucune restriction aux droits du débiteur quant au bien mis en garantie.

Le pacte commissoire oblige définitivement le propriétaire du bien à en transférer la propriété


au créancier, mais à condition que la créance soit impayée à l’échéance convenue et que le
créancier soit légitimement en droit d’en exiger le paiement.

c) L’évaluation du bien donné en garantie


Le pacte commissoire apporte certes une solution novatrice pour pallier les difficultés tenant à
la lenteur et aux aléas des procédures judiciaires ; encore convient-il de régler, dans les
meilleures conditions, les modalités d’évaluation du bien donné en garantie, afin de comparer
cette évaluation au montant de la créance au jour de son impayé.

Il ne peut en effet, y avoir de la part du créancier bénéficiant d’un pacte commissoire,


d’enrichissement sans cause au profit de son débiteur.

Pour pallier cette difficulté, l’Acte uniforme distingue selon que le bien gagé soit une somme
d’argent ou un bien dont la valeur fait l’objet d’une cotation officielle, auquel cas les parties
peuvent convenir que la propriété du bien gagé sera attribuée au créancier gagiste, sans autre
évaluation (art. 104, al. 3) ; dans les autres cas, le bien gagé devra être estimé au jour du
transfert, par un expert désigné à l’amiable ou judiciairement, toute clause contraire étant
réputée non écrite.

L’article 105 de l’AUS précise en outre « qu’en cas d’attribution judiciaire ou


conventionnelle, lorsque la valeur du bien excède le montant qui lui est dû, le créancier
gagiste doit consigner une somme égale à la différence, s’il existe d’autres créanciers
bénéficiant du gage sur le même bien ou à défaut, verser cette somme au constituant. Toute
clause contraire est réputée non écrite ».

Une procédure similaire est prévue en matière immobilière.

L’article 200, alinéa 2 dispose que, « si la valeur de l’immeuble excède le montant de la


créance garantie, le créancier doit au constituant une somme égale à la différence ... ».

S’il existe d’autres créances hypothécaires, il doit la concilier.

Là encore, toute clause contraire est réputée non écrite.

Rappelons qu’une solution identique a été retenue par le droit français.

L’article 2348, aliéna 2 relatif aux gages des meubles corporels et l’article 2460 relatif aux
hypothèques renvoient également à une évaluation par expertise amiable ou judiciaire.

Si ces solutions, correctes en droit, offrent plus de garantie pour la protection du débiteur, on
peut néanmoins craindre que ce dernier ne cherche à user de cette expertise pour retarder la
réalisation du pacte commissoire.

Encore convient-il de relever que, tant en matière mobilière qu’en matière immobilière, le
texte précise seulement que le bien meuble ou le bien immeuble doit être estimé par un expert,
sans pour autant préciser que cette expertise est préalable ou postérieure au transfert de
propriété.
Dès lors, rien ne paraît s’opposer, tout au moins en matière mobilière, à ce que le créancier
fasse constater le transfert de propriété avant même son évaluation amiable ou judiciaire, ce
qui le mettra ainsi à l’abri de toutes disparitions ou dissipations du bien gagé.

Il en est différemment en matière immobilière, et ce pour une raison pratique : la législation


des Etats parties exigeant en tout état de cause, pour procéder à une inscription de transfert de
propriété, la mention d’un prix de transfert qui servira d’assiette aux droits de mutation ; ce
prix de transfert ne pouvant être obtenu que par la voie de l’évaluation prévue à l’article 200
de l’AUS.

Là encore, les parties, et principalement le créancier, devront faire preuve d’anticipation dans
la rédaction du pacte commissoire, en désignant à l’avance le tiers évaluateur ou en fixant les
règles permettant de le désigner, et en précisant les conditions de conservation du bien
pendant le temps de la procédure de transfert et l’évaluation.

II.2 - Les effets de la mise en œuvre du pacte commissoire


a) Le transfert de la propriété
Le pacte commissoire opère de manière automatique, sans nécessiter d’expression de la
volonté du créancier.

Il permet le transfert de l’immeuble en pleine propriété au créancier, par le seul effet de la


défaillance du débiteur.

En principe, sauf volonté différente des parties, le moment du transfert sera celui de
« l’inexécution avérée du débiteur, celui de l’échéance sans effet d’une mise en demeure
puisqu’en principe la seule échéance du terme ne constitue pas le débiteur en faute ».26

Cependant, rien ne s’oppose là encore, à ce que le créancier se réserve le choix, par une clause
du pacte commissoire, entre l’adjudication sur saisie et l’attribution conventionnelle.

Il y a lieu toutefois, d’observer que l’Acte uniforme n’envisage pas la question de la mise en
œuvre du pacte commissoire et de l’attribution judiciaire, en cas de concours de plusieurs
créanciers inscrits sur le même immeuble.

Il ne précise pas non plus si l’attribution de la propriété de l’immeuble en paiement peut être
demandée par n’importe quel créancier hypothécaire, ou si elle est réservée aux créanciers
inscrits de premier rang.

L’Acte uniforme envisage seulement l’hypothèse où, l’immeuble est attribué au créancier
pour une valeur supérieure au montant de sa créance.

Cependant, il est incontestable qu’en matière immobilière, les créanciers hypothécaires et


privilégiés conservent leurs droits de suite, en dépit de l’aliénation de l’immeuble en cas
d’exécution du pacte commissoire, de son attribution aux créanciers qui bénéficiaient de cette
convention.

26
L. Aynes, Le nouveau droit du gage, in Sûretés mobilières : du nouveau, Droit & patrimoine, n° 161, juillet-
août 2007, p. 48.
b) Les effets sur le droit du débiteur de disposer du bien
Il convient tout d’abord, d’observer que la stipulation d’un pacte commissoire ne fait pas
obstacle à ce que le débiteur affecte l’immeuble hypothéqué à un autre créancier hypothécaire
de rang inférieur.

Le propriétaire de l’immeuble hypothéqué conserve-t-il, nonobstant la stipulation d’un pacte


commissoire, la faculté de disposer de cet immeuble ?

Il ne saurait, à notre avis, être privé de son droit à disposition par la conclusion d’un pacte
commissoire : cette privation constituerait une atteinte aux prérogatives habituellement
reconnues au constituant de l’hypothèque, qui doit conserver par principe le droit de jouir et
de disposer de l’immeuble, tant qu’il ne porte pas atteinte à sa valeur.27

C’est ainsi que la doctrine considère le débiteur qui a consenti un pacte commissoire n’est pas
assimilable au promettant d’une promesse unilatérale de vente tenu d’une obligation de ne pas
faire.28

En revanche, dès lors qu’il est établi que la créance garantie n’a pas été honorée, le créancier
hypothécaire doit légitimement pouvoir demander l’attribution de l’immeuble, en application
de la convention des parties.

Dans une telle situation où la défaillance est avérée, le pacte devra limiter le droit de disposer
du propriétaire, qui ne peut priver le créancier hypothécaire de l’attribution de l’immeuble en
vendant celui-ci à un tiers.

Encore faut-il alors que, le pacte commissoire soit opposable au tiers, ce qui pose la question
de sa publicité et renvoie là encore, notamment en cette matière, au droit interne des Etats
parties.

c) L’opposabilité du pacte commissoire en présence d’une procédure collective


Le jugement qui prononce le redressement judiciaire ou la liquidation des biens produit ses
effets à compter de sa date, y compris à l’égard des tiers et avant qu’il n’ait été procédé à sa
publicité (art. 52 de l’AUPC).

Dès lors, le jugement ouvrant la procédure emporte de plein droit interdiction de payer toute
créance née antérieurement à ce jugement, à l’exception du paiement par compensation des
dettes connexes (voir notamment art. 68, 102, 109 de l’AUPC).

Ce jugement d’ouverture fait-il également obstacle à l’exécution du pacte commissoire conclu


par le créancier hypothécaire antérieurement à la décision prononçant son redressement
judiciaire ou la liquidation des biens ?

On peut craindre pour l’intérêt du pacte commissoire, qu’une réponse positive soit à apporter
à cette question.

La décision d’ouverture place en effet tous les créanciers sur un pied d’égalité en ce qui
concerne leur paiement, qu’ils soient créanciers chirographaires ou créanciers privilégiés : la
décision d’ouverture suspend ou interdit toutes les poursuites individuelles tendant à faire

27
P. Simler et P. De1ebecque, Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, Dalloz, 5e éd., 2009.
28
P. Delebecque, Le régime des hypothèques, op.cit., n° 17.
reconnaître les droits et les créances ainsi que toutes les voies d’exécution tendant à en obtenir
le paiement, qu’il s’agisse de créanciers composant la masse sur les meubles ou les
immeubles du débiteur (art. 75 de l’AUPC).

Le notaire devra donc exercer son devoir de conseil envers le constituant de l’hypothèque et
l’informer précisément des conséquences de la clause.

Par ailleurs, il conviendra que le notaire vérifie, au cas où la nomination d’expert serait
convenue dès la conclusion du pacte commissoire, que les conditions de son intervention ne
soient manifestement pas contraires à l’exigence d’impartialité.29

Le notaire devra prendre part à la mise en œuvre du pacte commissoire et notamment, vérifier
si les conditions d’exécution de celui-ci sont réunies.

Il devra s’assurer que l’expertise se déroule dans des conditions satisfaisantes.

Il devra enfin, établir l’acte de réalisation du pacte commissoire par lequel le transfert de la
propriété de l’immeuble interviendra au profit du créancier.

Cet acte sera rédigé comme une vente immobilière traditionnelle, comprenant les clauses
usuelles de ce type d’acte et nécessitant les vérifications habituelles et la purge des différents
droits de préemption ou d’hypothèque.

Il est évident que, s’agissant d’une institution nouvelle, le notaire devra particulièrement
veiller au respect de ces dispositions, pour ne pas engager sa responsabilité professionnelle.

Le débiteur de bonne ou de mauvaise foi peut soulever des incidents.

CONCLUSION
En effet, il est apparu à l’évidence que, la réalisation judiciaire des sûretés se heurtait
jusqu’alors à de nombreux obstacles procéduraux que les débiteurs multipliaient à dessein,
dans le seul but de retarder le paiement de leur dette.

Or, dans sa nouvelle vision du droit des affaires en Afrique, le législateur a fait le choix de la
déjuridicisation des procédures et rendu l’intervention du juge, éventuelle, la réduisant même
à ne statuer que sur les incidents.

Ce choix se justifie par le besoin d’impulser une plus grande célérité au dénouement des
relations d’affaires, en contournant la lenteur de la machine judiciaire.

Tous les opérateurs économiques ne pourront que s’en féliciter, car chacun sait que toute
entrave portée au recouvrement des créances est aussi une entrave portée au crédit.

Par cette disposition innovante, l’attractivité de l’OHADA se trouve très fortement renforcée.

Un titre exécutoire n’est donc plus requis pour se faire attribuer un bien mobilier nanti ou
gagé, dès lors que les parties en ont convenu lors de la constitution de la sûreté ou
ultérieurement.

29
Voir sur ce point en ce qui concerne le droit français : S. Becqué-Ickowicz, Les réformes de l’hypothèque, in
Evolution des sûretés réelles : regards croisés, Université - Notariat, LITEC, 2007, p. 84.
Cette importante réforme constitue à l’évidence, un atout supplémentaire démontrant la
modernité mais aussi l’attractivité du droit OHADA, ce dont tous les opérateurs économiques
se féliciteront.

__________

Vous aimerez peut-être aussi