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II.

Le développement de la microfinance islamique


La microfinance islamique est “confluence de deux industries en croissance rapide :
Microfinance et Finance Islamique” Cette dernière est la synthèse de deux industries en
croissance rapide : la MF et la FI.
Après avoir définir le concept de la microfinance conventionnelle dans la première partie,
alors cette partie s’intéressera plus profondément à traiter la microfinance islamique tout
en se basant sur ces principes, ces produits et même son Etat de lieux.

1) Définitions et principes de la microfinance islamique


a) Définition de la microfinance islamique :
 La microfinance islamique est un nouveau domaine au sein de la finance islamique, où les
banques islamiques fournissent une aide financière aux personnes exclues du système
bancaire. Cette perspective de la microfinance, s'inscrit complètement dans la morale de
l'économie islamique. Le concept de la microfinance islamique est de se conformer aux
principes de l'islam et d'être impliqués dans des projets halal (autorisé par la Sharia). Les
projets doivent être caritatifs ou contribuant au développement de l'économie d'un pays.
 La microfinance islamique est l’offre de services financiers islamiques à une clientèle
vulnérable qui n’as pas accès au système bancaire formel. Ces services financiers sont
souvent le microfinancement à travers les instruments de la finance islamique comme la
Murabaha, le Salam, l’Istisnaa, etc…, et peuvent couvrir d’autres services spécialisés
(microtakaful micro dépôts, micro-épargne, paiement mobiles…)

b)  Principe de la micro finance islamique :


 La finance islamique un système de financement fondé sur la charia. Ses principes sont assis
sur le principe général consistant à assurer le bien-être de la population en interdisant les
pratiques jugées injustes ou assimilées à de l’exploitation.
Sa caractéristique la plus connue est l’interdiction rigoureuse de verser ou de percevoir un
taux de rendement fixe, prédéterminé, sur les opérations financières. Cette proscription de
l’intérêt, reconnue par la majorité des intellectuels islamiques, dérive de deux préceptes
fondamentaux de la charia :

L’argent n’a pas de valeur intrinsèque : l’argent ne peut ajouter de la valeur


que s’il est associé à d’autres ressources pour créer une activité productive. C’est
pourquoi il ne peut être acheté et vendu comme un produit, et que la valeur de
l’argent non adossé à des actifs ne peut pas augmenter avec le temps. Toutes les
opérations financières doivent être liées, directement ou indirectement, à une activité
économique réelle ; elles doivent être adossées à des actifs, et les investissements ne
peuvent porter que sur des actifs tangibles et durables.

Les bailleurs de fonds doivent partager les risques opérationnels : Les


bailleurs de fonds ne sont pas considérés comme des créanciers (auxquels un taux de
rendement prédéterminé est généralement garanti), mais comme des investisseurs (qui
partagent aussi bien les bénéfices que les risques associés à leur investissement). La
finance islamique va toutefois au-delà de l’interdiction de l’intérêt sur les opérations.
Ses autres principes fondamentaux sont les suivants :

Investissement : Les activités jugées incompatibles avec la charia, comme celles


associées à la consommation d’alcool ou de porc, et celles liées aux jeux de hasard et
à la fabrication d’armes de destruction massive, ne peuvent être financées. -Pas
d’exploitation contractuelle : Afin de protéger les deux parties, les contrats doivent
être conclus d’un commun accord et énoncer des conditions précises. Toutes les
parties concernées doivent en outre avoir une connaissance détaillée du produit ou du
service acheté1

c) Composants de la micro finance islamique :


Elle se compose du microcrédit, microtakaful et micro financement participative :
Micro Takaful :
En 1985, le Grand Conseil des Oulémas a déclaré que l’assurance islamique était interdite et a
appelé tous les pays de confession musulmane à créer des coopératives mutuelles dans le
domaine de l’assurance et de la Réassurance.
Extrait de cette déclaration : « l’assurance commerciale est une forme de jeu, puisque l’assuré
paie une prime et ne reçoit aucune compensation ou en reçoit une qui excède largement ce
qu’il a payé » 

La branche la plus connue du contrat d’assurance selon la loi islamique est « le Takaful », qui
veut dire en arabe « se garantir l’un l’autre », sa philosophie est très proche de celle des
1
Hanane Baousous, Taqy-Eddine Remli « La Microfinance Islamique : Un Levier du Développement Durable »
Rapport de PFE, ENCG Agadir, 2017-2018 p : 5
coopératives, mises à part les restrictions de la charia sur l’investissement c’est l’objectif du
système Takaful n’est pas le profit mais l’entraide.
A l’image de l’assurance traditionnelle, la conception et la commercialisation de produits de
micro-assurance obéit à certains principes, qui sont essentiels et s’ils sont appliqués
permettent d’atteindre les objectifs fixés, donc Il semble probable que la micro Takaful attire
de nouveaux clients de l'actuel franchises d'assurance classiques et représente un défi à
l’alternative de l’assurance traditionnelle. 

Le micro financement participatif / micro-épargne :


Le micro financement participatif est un mécanisme qui permet à plusieurs personnes de
participer au financement d'un même projet, il se distingue de la micro finance "classique" car
il donne la possibilité, à toute personne, de choisir la finalité de son épargne, il repose sur le
principe de partage de bénéfices et de pertes ainsi que sur une hypothèse de prise de risque
commerciale par le financier.
Les dépôts des clients sont à considérer comme des investissements dans une institution
financière. L’IMF va investir le dépôt en respectant les principes de l’Islam. Si le produit de
dépôt est sous forme d’un Mudarabha, les pertes et profits sont partagés par le client el
L’IMF. Les dépôts peuvent aussi être organisés sous la forme de Musharaka ou de Takaful

Le micro crédit : 

C’est une alternative au crédit conventionnel basé sur le taux d’intérêt. Sont les crédits basés
sur le commerce ou sur le leasing qui permettent la propriété et/ou l’utilisation de biens et
actifs physiques utiles pour mener une activité productive en remettant le paiement à des
périodes futures.Par exemple : un micro-entrepreneur veut acheter un bien. Il approche une
IMF islamique qui va acheter ce bien à un prix P qui va être connu du client. L’IMF va
revendre le bien au client à un prix P+M où M représentera le profit de la transaction. Le
client va rembourser ce prix en une seule fois ou par tranches dans le futur.2

2) Les modèles de la MFI : les produits


Les instruments de participation à revenu variable : Le partage des
pertes et des profits

2
Hanane Baousous, Taqy-Eddine Remli « La Microfinance Islamique : Un Levier du Développement Durable »
Rapport de PFE, ENCG Agadir, 2017-2018 p : 6-8
-Musharaka :participation de l’IMFI comme associé, décrit la participation au capital d’une
entreprise ou le droit de propriété est proportionnel à la contribution de chaque partie. C’est
un partenariat avec partage des pertes et des profits avec le client. Ce type de financement
peut être utilisé pour les actifs ou le fonds de roulement.

- Moudaraba : participation de l’IMFI comme financier, est un instrument de financement dit


de fiducie2 où une partie tient le rôle de bailleur de fonds et l’autre apporte une expertise en
gestion dans l’exécution du projet. L’institution de la microfinance finance la totalité du projet
comme "partenaire financier silencieux » (IssamZlzein ELMAHI, 2008). La moudaraba peut
être utilisée dans le commerce, de telle sorte que le capital est d’abord lieu est transformé en
marchandises qui sont ensuite revendues(DHAFER SAIDANE, 2011).

Les instruments de financement

- Financement avec bénéfice :La Murabaha :qualifiée de financement avec bénéfice, est le
contrat conforme à la sharia le plus couramment utilisé pour financer des biens constituant le
fonds de roulement. Lorsque le client demande un produit spécifique, l’institution de la
microfinance l’acquiert directement sur le marché et le lui revend avec un coût majoré établi
d’un commun accord avec négociation (moussawama) (DHAFER SAIDANE, 2011).

- Financement gracieux : Qard al Hassan : est un prêt de bienveillance sans intérêts utilisé
pour combler les déficits de financement à court terme généralement adossé à une garantie, il
est conçu pour les gens dans le besoin et qui sert à faire face à des circonstances particulières
(décès, mariage, éducation de l’enfant, études, …)(DHAFER SAIDANE, 2011). Le montant
du principal du prêt est remboursé par l’emprunteur sans intérêt, marge ou participation à
l’activité économique à financer. Qard al Hassan est le seul type de prêt qui existe dans la
finance islamique.

- Financement avant livraison ou production (Salam et Istisnaa) :

 Salam est une avance de paiement contre une livraison future. Elle est souvent
utilisée dans le contexte agricole, permettant aux agriculteurs de financer leur
production en échange d'une prestation future des cultures. Pour que l'opération soit
respectueuse de la sharia, la quantité, la qualité des biens futurs et la date de livraison
effective doivent être explicitement stipulés. Le contrat Salam est comparable à un
contrat à terme dans lequel la livraison est différée alors que le paiement est au
comptant. En microfinance islamique, Salam permet aux petits agriculteurs par
exemple de financer leur production agricole avec la certitude d’être vendue à la
cueillette.
 Istisnaa est un contrat de commande d’une fabrication. Il met en liaison un vendeur
(entrepreneur-fabricant) et un acheteur (investisseur) pour la réalisation d’un bien
moyennant une rémunération payable d’avance. Le vendeur peut soit fabriquer les
produits lui-même, soit l’acheter auprès d’un tiers. Le client final peut payer le prix
de vente soit en une seule fois à la signature du contrat, soit ultérieurement à d’autres
stades du procédé de fabrication. En microfinance islamique, l’Istisnaa peut
encourager les très petites entreprises à produire en étant sure que leur production soit
vendue.

- Financement par crédit-bail (Ijara) : est un contrat de micro-leasing par lequel l’IMFI acquiert
un bien nécessaire à la réalisation d’un projet et le loue à un client pour un montant et une échéance
déterminée (DHAFER SAIDANE, 2011). Les risques restent au sein de l’IMFI, tous les dommages
causés par voie non volontaire ou force majeure du client sont pris en charge par l’IMFI, pour éviter
que le leasing ne puisse être considéré comme une vente camouflée avec intérêt. Les modalités du
contrat sont déterminées à l’avance pour éviter toute spéculation. En microfinance, l’Ijara peut aider
les très petites entreprises et les particuliers à produire de la valeur ajoutée en utilisant du matériel loué
que les clients bénéficiaires ne peuvent pas acquérir par insuffisance de trésorerie.

- Financement par mutualisation (Takaful) : Le Takaful est une assurance mutuelle. Chaque
personne participe à un fond qui est utilisé pour aider le groupe en cas de besoin, par exemple, décès,
pertes agricoles, accidents etc. Les primes payées sont réinvesties pour éviter le mécanisme d’intérêts.

Les produits d'épargne islamique

Ce sont des dépôts investis conformément aux principes islamiques. Un produit d'épargne classique est
une forme de Mudarabha, dans laquelle les épargnants " investissent " leurs dépôts dans les activités
d'une institution financière. Les bénéfices (ou pertes) sont partagés en vertu d'un accord préalable. 3

3) Etat Des Lieux De La Microfinance Islamique

Dans les pays musulmans l'offre de produits de la microfinance islamique est encore très
faible par rapport à celle proposée par le secteur de la microfinance classique, la microfinance
islamique ne représente encore qu’une petite partie de l’ensemble du secteur de la
microfinance.

3
Laila Bennis, « la microfinance islamique : un modèle prometteur de l’inclusion financière » Journal
électronique de recherche juridique, 2019, p :410-412
Selon les résultats de l'enquête conduite par le CGAP, on compte environ 255 fournisseurs de
services financiers qui proposent des produits de microfinance conformes à la charia dans le
monde. Environ 92% de ces fournisseurs sont concentrés dans deux régions : Asie de l'Est et
du Pacifique et le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord, représentant respectivement 64% et
28% de tous les fournisseurs.

On estime qu’environ 1,28 million de clients situés dans 19 pays utilisent les services de
microfinance conformes à la charia. Une majorité de ces clients, soit 82% appartiennent à
trois pays : le Bangladesh avec 445.000 clients, le Soudan avec 426.000 clients et l'Indonésie
avec 181.000 clients.

Toutefois, si on s’attache au portefeuille total de crédits en cours, le classement des pays


diffère : l’Indonésie est première (347 millions de dollars US), suivie par le Liban (132
millions de dollars US) et le Bangladesh (92 millions de dollars US).

Tout comme pour la microfinance conventionnelle, la microfinance islamique concerne


principalement les femmes. Dans l’ensemble, le pourcentage de femmes qui recourent à des
produits de la microfinance islamique (59%) est comparable au pourcentage des femmes qui
recourent à des produits de la microfinance conventionnelle (65,7% à l’échelle mondiale et
65,4% dans le monde arabe). Quant aux produits de la microfinance islamiques proposés aux
pauvres, ils se limitent pour essentiellement à la Murabaha et aux prêts Qard-Hassan.

 La Murabaha est le produit de microfinance islamique le plus répandu (672 000


clients, et un portefeuille d’actifs totalisant quelque 413 millions de dollars).
 Les prêts Qard-Hassan s’inscrivent en deuxième place, après la Murabaha, pour le
nombre de clients qui estimé à 191.000 pour un portefeuille de prêts totalisant 156
millions de dollars.
 Le Salam occupe une troisième place, en nombre de clients (moins de 25.000 clients),
parmi les produits les plus courants de la microfinance islamique, mais se situe à un
niveau très faible en termes de portefeuille d’encours.
 Les mécanismes de partage de pertes et de bénéfices que sont la Musharaka et la
moudaraba ne sont guère proposés par les prestataires de services de microfinance
islamique (moins de 9.500 clients) bien qu’ils soient les plus recommandés par les
spécialistes du droit islamique, qui y voient les contrats financiers les plus
respectueux.
De ce qui précède, il est à noter que les prestataires de la microfinance islamique trouvent des
difficultés à développer une gamme plus large de produits islamique, ce qui témoigne du
recours massif à deux produits de microfinance islamique qui sont la Murabaha et les prêts
Qard-Hassan qui présentent chacun leurs limitations.

Ceci montre que les institutions de la microfinance islamique ont la difficulté d’établir des
modèles économiques viables, surtout pour les produits assortis de coûts d’exploitation élevés
comme les produits de partage des pertes et profits.

A noter aussi que les pauvres ont des besoins financiers très divers et surtout l’accès au
logement. De ce fait, il est plus urgent d’offrir une palette de produits et services innovants et
compatibles avec la charia permettrait à un segment beaucoup plus large de clients de la
microfinance islamique d’accéder à des sources de financement pour le bienêtre social.4

4
Laila Bennis, « la microfinance islamique : un modèle prometteur de l’inclusion financière » Journal
électronique de recherche juridique, 2019, p :412-414

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