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Résumé :
Abstract :
INTRODUCTION
Un grand nombre de recherches dans le domaine de la crise s’est focalisé sur la
gestion post crise pour engager de la prévention et ainsi éviter les catastrophes
futures. De cette manière, il paraît possible de minimiser les effets néfastes des
crises en les gérant habilement et en prévenant les suivantes : l’importance des
enjeux explique la focalisation des recherches sur la phase post crise. Sans nier le
fait que les différents courants de pensée -notamment ceux qui considèrent la crise
comme un évènement et ceux qui la considèrent comme un processus- sont
complémentaires, il nous a semblé intéressant d’essayer de lier ce concept à
l’apprentissage organisationnel. En effet, les recherches adoptant cette démarche
sont beaucoup moins nombreuses que les recherches traitant des crises et de
leurs conséquences néfastes sur l’organisation.
Nos travaux visent à mettre en relation crise et apprentissage organisationnel ;
plus particulièrement, nous essayons de comprendre comment une crise peut
permettre à une organisation de créer de nouvelles connaissances, de les diffuser
et de les incorporer. Cela sous-tend l’idée qu’une gestion de crise dans son
ensemble permet à l’organisation un apprentissage spécifique, mais réutilisable.
Pour mener à bien ce travail, nous nous sommes basés sur une revue non
exhaustive de la littérature sur la crise. Après avoir traité de la crise et sa gestion,
en passant par l’interprétation que s’en font les acteurs, nous essayons dans un
second temps de lier la crise à l’apprentissage organisationnel. Pour cela nous
faisons un bref rappel des concepts de création de connaissances et
d’apprentissage organisationnel. Ensuite, nous traitons des impacts des crises sur
l’apprentissage organisationnel et enfin, nous nous intéressons plus
particulièrement à la crise comme levier, mais aussi obstacle à l’apprentissage
organisationnel.
1. LA CRISE ET SA GESTION
La crise est une notion complexe ; c’est pourquoi nous avons décidé d’en étudier
les différentes composantes pour essayer de cerner cette notion avec un maximum
de précision. Nous commencerons par une approche définitionnelle. Pour cela,
nous nous appuierons sur des définitions usuelles qui nous permettront d’aboutir à
une approche orientée sciences de gestion. Dans un deuxième temps, nous
traiterons un point central des crises : leur interprétation. Ainsi, nous pourrons
conclure cette partie sur la gestion de crise.
La définition usuelle du « Robert », indique qu’il s’agit «d’une phase grave dans
l’évolution des choses, des événements, des idées », qui peut être illustrée par
celle du « Larousse », pour lequel la crise est « une phase difficile traversée par un
groupe social ». Ces deux définitions sont générales et ne peuvent pas s’appliquer
aux sciences de gestion sans examiner les différents termes. L’usage du mot
« phase » peut faire référence à chacun des changements et aspects successifs
d’un phénomène en évolution. La crise, d’après cette définition, peut donc
correspondre à une étape particulière d’un phénomène en évolution. Les adjectifs
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semble dépendre du contexte dans lequel elle se situe, ce qui la rend indissociable
des événements extérieurs, c'est pourquoi toute idée d’universalité de la notion de
crise semble irréaliste.
Dans notre cas, la crise est considérée comme un processus global dont les
différentes phases peuvent être étudiées séparément, mais il est essentiel de
conserver une vue d’ensemble de la question. Nous définissons la crise comme un
processus global à faible probabilité et fortes conséquences, pouvant entraîner des
changements organisationnels importants. Ceux-ci peuvent être positifs ou négatifs
en fonction du contexte, mais aussi de la manière de gérer la crise.
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Facticité (p.25) : la crise est, pour le sujet, comme une parenthèse brusquement détachée du
déroulement habituel de son existence, un moment qui est vécu comme une réalité objective,
mais séparé de la réalité objective in L. Combalbert (2005).
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que peu d’intérêt et inversement. Pour exemple, nous pouvons citer les recherches
sur les crises de Three Miles Island (Thornburg, 1988), Bhopal ou encore Seveso
qui ont montré que le manque d’anticipation était désormais considéré comme une
lacune inhérente à l’organisation, mais également que la gestion pendant et post
crise permettait au minimum de limiter les effets néfastes et d’anticiper pour
l’avenir. Ce type de considérations semble être l’une des bases de la gestion de
crise. En amont, il paraît important de savoir repérer les signaux déclencheurs pour
préparer l’organisation et ainsi minimiser les effets néfastes de la crise.
L’interprétation joue un rôle central dans cette étape ; c'est pourquoi il est
nécessaire de changer les mentalités avant l’arrivée de la crise pour faciliter sa
gestion si elle advient. Durant la crise, il apparaît nécessaire de piloter les moyens
qui permettent de la gérer et de limiter ses effets. La gestion post crise permet de
gérer les conséquences de cette dernière en maximisant les effets positifs et
minimisant les effets négatifs. De cette manière, il est possible de capitaliser sur le
processus de crise, qui semble représenter une opportunité d’amélioration de
l’organisation.
Cependant, la crise doit être considérée comme un processus global, il est donc
délicat de situer son début comme sa fin, même si elle peut se décomposer au
minimum en trois phases. Cette décomposition correspond à une aide, mais les
limites ne sont pas clairement définies. En effet, le flot continuel des faits qui la
compose ne permet pas de retracer objectivement l’action initiale autrement qu’en
partant d’une interprétation subjective que s’en donne l’individu.
Les priorités du dirigeant influencent les comportements des individus de manière
positive ou négative, elles sont donc une source importante de prévention et de
gestion de crise. C’est le principe du cercle qui peut devenir vicieux ou vertueux : la
stratégie -mal expliquée- peut devenir une source involontaire de crise en
décourageant les individus. Le dirigeant a donc un rôle central, il doit essayer de
faire évoluer les mentalités des acteurs pour qu’ils agissent convenablement en
période de crise, mais aussi faire en sorte que leur perception de la crise soit
suffisamment réaliste. D’après Weick, la compréhension du processus logique de
la crise peut permettre de prévenir les grosses crises en gérant habilement les
petites crises. C'est pourquoi il paraît nécessaire de développer une
compréhension de la manière d’isoler et de contenir les crises. Ainsi, en
capitalisant sur les petites crises, il paraît possible de minimiser les effets des plus
grosses crises.
En gestion de crise, il paraît donc important de souligner que la plupart des
événements sont prévisibles, voire probables. Les notions de surprise et
d’imprévisibilité concernent plus particulièrement la date à laquelle débuteront les
événements. La gestion de crise peut être vue comme le résultat d’une dynamique
d’interprétation entre les individus et leur environnement qui repose sur des
signaux distinctifs à partir desquels se constitue un cadre interprétatif singulier. La
focalisation et la concentration de la conscience des individus, constitutifs du
processus d’ « enactement », sont ainsi sollicitées.
La gestion des crises nécessite une organisation adaptée qui passe par de la
formalisation mais aussi de la flexibilité. Selon Combalbert (2005), « l’ouverture
d’esprit, la diversité des analyses, la capacité d’adaptation, la remise en question,
l’aptitude à prendre des décisions sont des caractéristiques fondamentales d’une
gestion efficiente », il paraît important d’agir sur les mentalités des acteurs. Il
semble alors dangereux de minimiser les risques et de penser que tout est sous
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contrôle. L’acceptation de la part d’incertitude inhérente à toute activité est une des
bases pour une gestion de crise efficiente qui suppose donc un dosage précis. Il
est nécessaire de formaliser et d’essayer de prévoir. Cependant, il est
indispensable de noter que tout n’est pas prévisible et qu’en cas de crise, il est
important de s’adapter à la situation.
« perte d’équilibre » de l’environnement, dont les crises sont une variable non
négligeable, entraîne un besoin d’apprentissage rapide et efficace. Il semble
judicieux de retourner la situation à son avantage, c’est-à-dire de se servir de
l’environnement instable, plus particulièrement des bouleversements induits par les
crises, pour générer des connaissances. La crise soumet l’organisation à une
situation nouvelle, entraînant un vide organisationnel qui peut être considéré
comme une opportunité porteuse d’apprentissage organisationnel, et ainsi
permettre l’innovation. La crise en générant du stress positif peut entraîner une
prise de conscience, au sein de l’organisation, de l’importance des connaissances.
Les acteurs peuvent se rendre compte de l’importance de considérer la
connaissance comme une ressource centrale. La crise change les mentalités et
crée donc des connaissances ou les valorise. Les individus ont une capacité
limitée à traiter l’information. De plus, ils poursuivent des objectifs conflictuels. La
crise, notamment grâce aux connaissances qu’elle génère, peut garantir une
coopération rationnelle.
La crise est porteuse de destruction ; elle détruit des schémas de pensées et de
comportements et en crée de nouveaux. Cette création de nouvelles
interprétations est assimilable à un apprentissage organisationnel. Dans le même
sens, la crise provoque un effacement brutal des frontières et des repères, qui
laisse un vide permettant la création de connaissances. Les décisions prises lors
des crises ne sont pas programmables ou assimilables à des routines existantes.
Les actions seront nouvelles, soit dans leur contenu, soit dans leur processus.
Elles pourront donc être assimilées à des apprentissages organisationnels. La
crise, en laissant des vides organisationnels dus aux routines qui ne peuvent plus
avoir cours, crée des conditions nouvelles et ouvre le champ à des potentialités de
création et d’innovation plus grandes. Lors d’une crise, une organisation se modifie
et évolue : c’est déjà une forme d’apprentissage. La crise en modifiant
l’organisation et les schémas de pensées des acteurs permet à l’organisation
d’abandonner les connaissances devenues obsolètes et d’apprendre à créer de
nouvelles connaissances. D’après Morin (1994), le bouleversement engendré par
la crise entraîne une mobilisation des éléments de recompositions et de
transformations du système en faillite. Cette mobilisation implique la création ou la
valorisation de connaissances.
D’après Levitt et March (1988) et Cyert et March (1963), l’organisation est vue
comme un système de routines qui se modifie et se transforme au fur et à mesure
que l’organisation acquiert de l’expérience. Cette modification est une forme
d’apprentissage organisationnel.
La crise, considérée comme porteuse d’expérience, voire comme une expérience
organisationnelle à part entière, a un impact sur l’apprentissage organisationnel.
La crise en engendrant un vide organisationnel a donc un impact non négligeable
sur l’apprentissage organisationnel. Cet impact pouvant être positif ou négatif, il
nous semble important d’étudier ces différents aspects.
CONCLUSION
A travers cette revue de la littérature, nous avons mis en évidence le caractère
processuel de la crise. Aussi, nous avons souligné que cette dernière peut avoir un
impact sur l’organisation, que celui-ci soit négatif ou positif. En effet, certains
travaux mettent en avant la crise comme frein à l’apprentissage organisationnel
alors que d’autres la considèrent comme un levier d’apprentissage organisationnel
permettant de diminuer les effets néfastes des crises ou prévenir les crises
ultérieures.
Nous avons donc essayé de montrer l’existence d’apprentissage grâce aux crises,
sans nier le fait qu’elle peut en être un frein. Nous avons également mis en avant
le rôle central joué par le contexte, notamment par les acteurs et leur interprétation
de la situation de crise. Ce sont eux qui peuvent transformer la crise en levier
d’apprentissage ou au contraire en faire un obstacle. Les acteurs étant influencés
par l’organisation à laquelle ils appartiennent, le management a également son
importance.
Les idées clés peuvent donc se résumer ainsi : un management adapté à
l’instabilité de l’environnement est nécessaire pour une gestion de crise qui
impulsera de l’apprentissage organisationnel. La prise en compte des individus et
de leur interprétation dans la gestion de crise peut permettre à l’organisation
d’apprendre. Il n’y a pas de management « miracle » permettant à l’organisation
d’apprendre des crises. L’essentiel est de doser l’importance des situations et les
objectifs recherchés, mais aussi de considérer la crise, sa gestion et
l’apprentissage organisationnel comme des processus.
En amont, il est important de savoir repérer les signaux déclencheurs pour
préparer l’organisation et ainsi minimiser les effets néfastes de la crise. La gestion
post crise permet de gérer les conséquences des crises en maximisant les effets
positifs et minimisant les effets négatifs de la crise. De cette manière, nous
pouvons capitaliser sur le processus de crise, qui représente une opportunité
d’amélioration de l’organisation.
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BIBLIOGRAPHIE