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Eléments fondamentaux de droit administratif

Jacques Bouvier
Secrétaire communal Avril 2011
Schaerbeek

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« Eléments fondamentaux
de droit administratif »

Première partie : Généralités


Deuxième partie : Les actes de l’administration
Troisième partie : Les agents de l’administration
Quatrième partie : Les biens de l’administration
Cinquième partie : Le Contrôle et la responsabilité de
l’administration

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Table des matières

Première partie : Généralités


I. Caractéristiques

A. Définition
B. Développements
1. Le droit administratif est une branche du droit public interne
2. Le droit administratif contient des règles juridiques spéciales
3. Le droit administratif règle l’organisation et l’activité des autorités,
collèges et services chargés de pourvoir à la satisfaction des intérêts
publics ainsi que la manière de mettre fin aux litiges suscités par cette
activité.

II. Sources
Section 1 Droit positif
1. La Constitution
2. Règes de droit international
- traités internationaux
- droit communautaire dérivé
3. Les normes législatives
- les lois ordinaires et spéciales
- les lois cadres
- les lois d’habilitation
- les lois programmes
- les lois purement formelles
4. Les mesures réglementaires
- les arrêtés royaux et arrêtés des Communautés et Régions
- les arrêtés ministériels
- les arrêtés et règlements provinciaux, communaux et intracommunaux
- les règlements des organes de gestion des services publics
5. Les circulaires
Section 2 Principes généraux
1. Notions, origine et place dans la hiérarchie
2. Enumération des principes généraux :
a) Principe d’égalité
b) Permanence de l’action des pouvoirs publics
c) Principe de non rétroactivité des actes administratifs
d) Respect de ses propres règlements (Patere legem quam ipse fecisti)
e) Principe du contradictoire (audi alteram partem)
f) Principe de l’impartialité
g) Principe du non bis in idem
h) Comparaison des titres émérites des candidats en présence
i) Principe de bonne administration

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III. Organisation de l’administration
A. Analyse des concepts
1. Les personnes morales de droit public
2. Les autorités administratives
3. Les services publics
4. Le contrat public
B. Description de l’organisation
1. Généralités
2. Collectivités publiques
a) collectivités centrales
- L’Etat
- Les Communautés et les Régions
- Commission communautaire commune et Commission
communautaire française
b) collectives locales
- Les provinces
- Les communes
- Les Commissions communautaires française et flamande
3. Les organismes publics
a) Enumération
- Les établissements publics
- Les associations de droit public
- Les groupements professionnels de droit public
- Les organismes publics consultatifs
b) cadre légal
- Loi du 16 mars 1954 relative au contrôle de certains organismes
d’intérêts publics
- Loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises
publiques et économiques

Deuxième partie : Les actes de l’administration


I. Acte administratif unilatéral
A. Généralités
1. Acte réglementaire
2. Acte individuel
B. Conditions de validité
1. Validité externe
1. compétences
2. respect des formes
2. Validité interne
1. L’objet
2. Les motifs
3. Le but

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C. La police administrative
1. Généralités
a) la police administrative générale
b) les polices administratives spéciales
2. Concours de police administrative
3. Sanctions administratives : substituts de sanctions pénales
D. Existence de l’acte administratif
1. Entrée en vigueur
2. Disparition
1. Retrait des actes administratifs
2. Abrogation
3. Arrivée de l’échéance

II. Contrats de l’administration


A. Généralités
B. Régime juridique
1. En ce qui concerne le droit applicable
2. En ce qui concerne le juge compétent

Troisième partie : Les agents de l’administration


I. Les principes généraux de la fonction publique

II. Les statuts administratifs


A. Statut
B. Admissibilité
C. Les droits et devoirs
1. Les devoirs
2. Les droits
D. Recrutement et stage
1. Le recrutement
2. Le stage
E. Carrière et évaluation
1. La carrière
2. L’évaluation
F. Le régime disciplinaire
G. Les positions administratives
H. Terme de la carrière

III. Le statut pécuniaire

IV. Le statut syndical

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Quatrième partie : Les biens de l’administration
I. Domanialités
A. Domaine public
1. Définition
2. Contenu
3. Caractéristiques
a) affectation
b) indisponibilité juridique
4. Utilisations privatives
- Les autorisations domaniales
• le permis de stationnement
• les autorisations et permissions de voirie
- Les concessions domaniales
B. Domaine privé

II. Expropriations
A. Eléments substantiels
1. Lois d’expropriation
- lois générales
- lois particulières
2. Nécessité d’une autorité publique
3. Finalité de l’utilité publique de l’expropriation
4. Juste et préalable indemnité
B. Procédure
1. Phase administrative
2. Phase judiciaire
- procédure ordinaire
- procédure d’extrême urgence
C. Contrôle et sanctions

III. Les réquisitions


A .Définition
B. Classification
1. Les réquisitions militaires
2. Les réquisitions civiles

IV. Les servitudes d’utilité publique


A. Définition
B. Indemnisation

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Cinquième partie : Le contrôle et la responsabilité de
l’administration
Le Contrôle
A. Contrôle préventif
I Procédures contradictoires
1. L’enquête publique
2. Consultation populaire
3. Audition préalable

II Motivation des actes administratifs


1.Généralités
2.Champ d’application
a) l’autorité administrative
b) l’acte administratif unilatéral de portée individuelle
3. Contenu de la motivation
a) Motif de droit et de fait
b) Motif par référence
c) Motivation adéquate
4. Les exceptions

III Publicité de l’administration


1. Genèse : information en matière environnementale
2. Principes constitutionnels
3. Loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration
a) Champ d’application :
- Autorité administrative
- Documents administratifs
- Documents à caractère personnel
b) Publicité active
c) Publicité passive :
- Principe
- Exceptions :
● obligatoires
▪ relatives
▪ absolues
● facultatives
- Rétribution
- Contrôle
● Commission d’accès aux documents administratifs
● Conseil d’Etat
d) Cumul de législations
4. Le médiateur

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B. Contrôle administratif

I Contrôle hiérarchique

II Contrôle de tutelle
1. Principes
2. Tutelle générale et tutelle spéciale
3. Organisation et exercice

III Recours administratifs


1. Recours inorganisé
2. Recours organisé

C. Contrôle juridictionnel
I Contentieux éclaté
1. Contentieux constitutionnel
2. Contentieux judiciaire
3. Contentieux administratif

II Juridictions de l’ordre judiciaire


1. Organisation générale
2. Compétence générale : droit subjectif
3. Compétences particulières
a) Contrat de travail
b) Fiscalité
c) La sécurité sociale
d) Expropriation pour cause d’utilité publique

III Juridictions administratives spéciales


A. Généralités
1. Organisation
2. Caractéristiques
B. Enumération exemplative
1. La Cour des Comptes
2. La députation permanente du Conseil Provincial
3. Juridictions ordinales et professionnelles
4. Conseil de la concurrence
5. La Commission pour l’aide aux victimes d’actes intentionnels de violence
6. La Commission spéciale pour l’indemnisation de détention préventive

IV Le Conseil d’Etat
A. Organisation générale
B. La section de législation
C. La section d’administration
1. Compétence d’avis
2. Compétence juridictionnelle
► le contentieux de l’indemnité
► le contentieux de pleine juridiction
► le contentieux de cassation

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► le contentieux d’annulation
D. Contentieux d’annulation
1. Conditions de recevabilité
2. Eléments de procédure

La responsabilité
A. Généralités
1. Responsabilité comme forme de contrôle
2. Responsabilité pénale
2. Responsabilité civile
B. Responsabilité pénale
1. L’infraction
2. L’imputation
a) personne physique
b) personne morale
- de droit privé
- de droit public

C. Responsabilité civile
1. Responsabilité de l’Etat
a) fonction législative
b) fonction judiciaire
c) fonction exécutive
2. Responsabilité de l’administration
a) historique
b) responsabilité sans faute,
c) organe et préposés
3. Responsabilité des agents
a) généralité
b) champ d’application
c) immunité personnelle

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Première partie : Généralités

I. Caractéristiques

A. Définition

Le droit administratif est : « la branche de droit public interne qui comprend les règles juridiques
spéciales relatives à l’organisation et à l’activité des autorités, collèges et services chargés de pourvoir à la
satisfaction des intérêts publics ainsi qu’à la manière de mettre fin aux litiges suscités par cette
activité ».

Il s’agit là d’une définition classique donnée par le Professeur Léon Moureau et reprise
notamment par J. Dembour (Droit administratif, Liège, Faculté de Droit, 1978).

B. Développements

1. Le droit administratif est une branche du droit public interne.


Traditionnellement, le droit public interne se compose, d’une part, du droit
constitutionnel et, d’autre part, du droit administratif.
Le droit constitutionnel règle notamment la répartition des compétences entre les
différents pouvoirs qui régissent notre royaume.
Le droit administratif arrête les règles qui permettent l’exécution au quotidien des
décisions prises par les organes à ce habilités par la constitution ou par les lois
portées en vertu de la constitution.
Ainsi, le droit public interne va être appelé non seulement à régler l’organisation
interne des différents pouvoirs publics (en ce compris le pouvoir judiciaire et le
pouvoir législatif) mais également à gérer les relations entre les pouvoirs publics et
plus spécialement les pouvoirs exécutifs avec le citoyen.

2. Le droit administratif contient des règles juridiques spéciales.


Le droit administratif constitue un droit du déséquilibre dans la mesure où il doit
avant tout rester le garant de ce que l’administration puisse prévaloir là où l’intérêt
général doit l’emporter sur l’intérêt privé.
Cette ambition de l’administration justifiera certaines prérogatives dites de
puissance publique comme elle l’astreindra à certaines servitudes dites de service
public.
Par ailleurs, les règles qui vont fonder l’action de l’administration devront lui
permettre de s’adapter continuellement au rôle que l’Etat s’assignera dans la
société.
En conséquence, les règles juridiques spéciales qui constituent le droit administratif
sont destinées :
- à permettre l’adaptabilité permanente de l’administration.
Cela expliquera que le droit administratif est un droit très peu codifié et
essentiellement doctrinal et jurisprudentiel.
Il est, pour reprendre l’expression du premier Président du Conseil d’Etat
Robert Andersen, un droit « fugace et expérimental ».

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Cette caractéristique va évidemment poser des problèmes d’accès à
l’information surtout pour le citoyen ordinaire.
- à garantir les prérogatives de puissance publique.
La puissance publique va obtenir des privilèges exorbitants par rapport au
citoyen ordinaire comme le droit unilatéral d’édicter des règles juridiques et
de se donner un titre exécutoire qu’elle pourra, le cas échéant, exécuter
d’office.
Le droit de s’opposer à toute exécution forcée sur certains biens dont elle
est propriétaire.
On peut également citer le droit d’expropriation, de réquisition ou le droit
de lever l’impôt.
- à garantir la suprématie de l’intérêt général
Certaines servitudes de la puissance publique telle que la sujétion au seul
intérêt général entraînent une série de contraintes plus formelles comme
celles que peuvent imposer les autorités de contrôle (tutelle administrative),
les règles de comptabilité publique, les règles relatives à la passation des
marchés publics, à la motivation des actes administratifs, à la transparence
administrative, à l’emploi des langues etc.
L’on doit également relever que l’administration n’aura d’autres pouvoirs
que ceux qui lui sont attribués par la loi.
Plus que tout citoyen, elle doit donc respecter ce principe de légalité. (article 33
C)
Le respect de la légalité sera donc le maître mot du contrôle que vont
exercer les autorités administratives ou judiciaires sur l’administration.
Le principe de légalité est évidemment, et plus encore que la sujétion à
l’intérêt général, le refuge du citoyen contre l’arbitraire de l’administration.
La légalité doit s’entendre ici de l’ensemble des règles légales que
l’administration doit respecter dans son propre fonctionnement et donc
non seulement les règles du droit administratif et du droit constitutionnel
mais aussi celles du droit civil, du droit pénal, du droit social, du droit
commercial, du droit fiscal etc. (Article 159 C)
Le respect de la légalité de son action impose également évidemment à
l’administration de respecter la hiérarchie des diverses normes légales.

3. Le droit administratif règle l’organisation et l’activité des autorités, collèges et services chargés de
pourvoir à la satisfaction des intérêts publics ainsi que la manière de mettre fin aux litiges suscités
par cette activité.
Cette dernière phrase résume à elle seule le contenu qui doit nécessairement
recouvrir un cours de droit administratif.
D’abord, l’organisation de l’administration suppose une description du paysage
institutionnel et va donc se situer aux confins du droit constitutionnel et du droit
administratif.
Ensuite, l’action de l’administration dans la réalisation du bien public qui passe par
l’adoption de décisions unilatérales ou contractuelles et requiert la mise à
disposition de moyens humains et matériels.
Enfin, mettre fin aux litiges suscités par l’activité de l’administration, c’est bien
évidemment en assurer un contrôle soit d’office, soit sur plainte tant par des
autorités administratives que par des autorités juridictionnelles.
On n’oubliera pas non plus, à cette occasion, que les litiges issus de l’administration
peuvent évidemment mettre en cause la responsabilité de celle-ci.

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II Sources
Section 1 : Droit positif

Il y a lieu d’entendre par droit positif l’ensemble des textes écrits et publiés.

1. La Constitution
La Constitution contient les règles les plus essentielles quant au fonctionnement des
organes publics constituant l’Administration au sens large consacrant à la fois ses
prérogatives (expropriations, impôts …), ses sujétions (libertés fondamentales) et ses
contrôles (administratif et judiciaire).
A cet égard, la Constitution définit les règles permettant de sanctionner non
seulement les décisions et règlements administratifs mais aussi les normes législatives.

2. Règles de droit international


- traités internationaux
L’article 167 de la Constitution règle le pouvoir de conclure les traités
internationaux.
Il ne produira cependant ses effets dans l’ordre juridique interne qu’après avoir
été revêtu de l’assentiment parlementaire.

- droit communautaire dérivé


Il s’agit des règlements, directives et décisions de l’Union européenne adoptés
par ses organes.
Les règlements sont directement applicables alors que les directives ne seront
obligatoires qu’en ce qui concerne leurs objectifs.
Les décisions, quant à elles, seront obligatoires pour les destinataires qu’elles
désignent.

3. Les normes législatives


Dans notre état « fragmenté » (article 1 C), il convient de rappeler que le pouvoir
législatif est partagé entre l’Etat, les Communautés et les Régions.
Formellement, le pouvoir d’adopter des lois appartient à l’Etat, celui d’adopter des
décrets appartient aux Communautés et aux Régions sauf la Région de Bruxelles-
Capitale qui exercera ses compétences législatives au moyen d’ordonnances, raison
pour laquelle il est préférable de parler de « normes législatives » plutôt que de
« lois ». Cependant, la théorie classique continue à privilégier le vocable « lois » pour

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distinguer celles-ci entre elles. Ces distinctions vaudront dans une certaine mesure
également pour les décrets et les ordonnances.
L’on distingue :

a) lois ordinaires et spéciales


En application du principe de légalité que nous avons examiné tout à l’heure, il
est certain que les lois ordinaires et spéciales vont constituer l’essentiel des
sources en matière de droit administratif.
Elles sont destinées à réglementer de façon générale et impersonnelle des
questions d’intérêt général et ne nécessitent pour s’appliquer que des « arrêtés de
pure exécution ».
En ce sens et par définition, la loi est destinée avant toute chose à produire des
normes. Elle sera dite ordinaire quand elle est adoptée à la majorité absolue des
suffrages dans l’assemblée législative concernée (article 53 C).
La loi sera dite « spéciale » quand elle est adoptée conformément aux exigences
de l’article 4 de la constitution. Prévue à l’origine pour la fixation de la frontière
linguistique elle concerne aujourd’hui les lois de réformes institutionnelles.
Cette majorité spéciale exige que la majorité des membres de chaque groupe
linguistique soit réunie, ainsi qu’une double majorité pour ce qui est des
suffrages exprimés, à savoir une majorité de votes positifs dans chaque groupe
linguistique et une majorité des deux tiers de votes positifs pour l’ensemble de
l’assemblée.
Cette distinction ne préjudicie pas au fait que certaines lois nécessitent
également une majorité spéciale en dehors de l’hypothèse visée à l’article 4 de la
constitution. Il s’agit de la majorité qualifiée des deux tiers, nécessaire
notamment pour la révision de la constitution (articles 195 et 198 C) ou pour la
nomination du successeur du Roi (articles 86 et 87 C). Cette majorité exige un
quorum de présence de deux tiers des membres de l’assemblée et une majorité
des deux tiers des suffrages ex primés.

b) les lois cadres


Selon la jurisprudence du Conseil d’état, les lois cadres sont des « lois qui
recouvrent un domaine déterminé de l’action des pouvoirs publics en général et qui, après avoir
chaque fois fixé les lignes de force des divers éléments de la réglementation, confèrent au Roi
un pouvoir relativement étendu ». 1
Le Roi exécutera alors cette mission conformément à l’article 108 de la
constitution. La loi cadre est destinée à alléger la tâche du législateur dans des
domaines relativement techniques où il n’est pas évident d’obtenir des
consensus politiques. Le fait qu’il s’agisse d’une loi cadre est révélé par
l’intention du législateur telle qu’elle ressort des travaux parlementaires. La
technique de loi cadre est transposable pour les régions et les communautés, où
l’on parlera de « décrets cadres » ou « ordonnances cadres ».

c) les lois d’habilitation


Conformément à l’article 105 de la constitution, le législateur peut attribuer au
Roi des compétences plus larges que celles qu’il détient de l’article 108. Selon la
jurisprudence du conseil d’état, les lois de pouvoirs spéciaux se caractérisent
par « l’attribution dans un nombre important de domaines, d’un pouvoir réglementaire au

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Roi qui, dans l’exercice de ce pouvoir, est autorisé à compléter et à modifier des lois et dispose
à cet égard d’un pouvoir discrétionnaire étendu ».
Cela « équivaut à offrir au Roi la possibilité de fixer en lieu et place du législateur les lignes
de force qui régissent la politique gouvernementale ».
L’on retiendra que l’attribution de pouvoirs spéciaux ne peut être consentie que
pour une période limitée en raison de circonstances exceptionnelles, étant
entendu que dans certains cas ces arrêtés de pouvoirs spéciaux devront être
soumis à une confirmation par le législateur. Les arrêtés pris en exécution de
ces lois seront appelés « arrêtés de pouvoirs spéciaux » ou également « arrêtés
numérotés » du fait que, étant pris à des dates généralement fort rapprochées,
on les numérote pour les distinguer. S’ils ne sont pas ratifiés par le législateur,
ces arrêtés garderont une valeur d’arrêté royal même s’ils peuvent modifier ou
compléter des lois, étant entendu qu’il ne pourrait ultérieurement leur être
apporté de changement que par la loi.
Les lois de pouvoirs spéciaux constituent évidemment un risque de dérive pour
l’exercice des pouvoirs démocratiques mais il convient de relever qu’ils ont été
très peu utilisés en Belgique.

d) les lois programmes


Pour reprendre l’expression du premier président du conseil d’état Robert
Andersen, les lois programmes sont « des ensembles hétéroclites de dispositions
législatives relatives aux matières les plus diverses et qui n’ont aucun point commun entre
elles, si ce n’est de concourir à la réalisation des objectifs de la politique économique du
gouvernement ». Ces lois sont aussi appelées « lois fourre-tout » ou « lois-
mammouths ». La caractéristique de cette technique législative est qu’elle nuit
particulièrement à la clarté des textes législatifs, ce qui n’en facilite ni la lecture
ni la compréhension. La même technique peut cependant être également
utilisée par les entités fédérées qui ne s’en privent pas.

e) les lois purement formelles


La doctrine distingue bien souvent la loi formelle et la loi matérielle. Quand on
parle de loi formelle, on fait essentiellement référence à la procédure formelle
qui aboutit au vote d’une loi. Par contre, dans son sens matériel, la loi désigne
le texte qui a un contenu, contenu qui est destiné à modifier l’ordonnancement
juridique par l’établissement de nouvelles normes. Par nature, la loi aura un
contenu matériel. Il arrive cependant que ce ne soit pas le cas. On parle dans ce
cas de loi purement formelle. Ainsi, n’auront pas de contenu normatif les lois
budgétaires, les loi des comptes, les naturalisations, le contingent de l’armée, les
lois relatives aux opérations domaniales, la liste civile, etc. Certains y classent
aussi les lois portant assentiment des traités.

4. Les mesures réglementaires


a. Les arrêtés royaux et arrêtés des Communautés et Régions
Il appartiendra tant au Roi qu’au gouvernement des Communautés et des
Régions, sur base de textes qui ont la même intensité de force obligatoire,
d’adopter les mesures complémentaires destinées à assurer l’exécution des lois
et ce pour reprendre la formule employée par la Cour de Cassation : « sans
étendre ou restreindre la portée des lois, de dégager du principe de celles-ci et de leurs économies

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générales les conséquences qui en dérivent naturellement, d’après l’esprit qui a présidé à leur
conception et les fins qu’elles poursuivent ».

b. Les arrêtés ministériels


Même si le pouvoir d’exécution incombe au Roi et aux Gouvernements
régionaux et communautaires, ceux-ci peuvent déléguer à des Ministres
individuellement le pouvoir de déterminer certaines mesures d’exécution d’une
réglementation préalablement établie.
On retiendra également que les Ministres tirent de leur pouvoir hiérarchique le
droit d’édicter des règlements d’organisation et de fonctionnement de leur
département.

c. Les arrêtés et règlements provinciaux communaux et intracommunaux


La compétence de prendre ces arrêtés et règlements provient essentiellement
des lois, décrets et ordonnances organiques des pouvoirs locaux..
On sait qu’en la matière, et en dehors des pouvoirs de police, la situation
pourrait être fort différente de région à région depuis la régionalisation de la loi
communale.
En ce qui concerne les organes intracommunaux, visés à l’article 41 de la
Constitution, l’on retiendra qu’ils peuvent se voir déléguer des compétences
d’intérêt communal en ce compris réglementaires par les organes communaux.

d. Les règlements des organes de gestion des services publics


L’octroi d’un pouvoir réglementaire aux organes de gestion d’un service public
est une compétence très contestée.
Il est cependant généralement admis que le pouvoir exécutif peut déléguer aux
organes de gestion des services publics les compétences réglementaires
accessoires dans les limites encore plus étroites que celles reconnues aux
Ministres.
On leur reconnaît également la compétence de placer leur personnel en
situation statutaire et de fixer leurs statuts.

5. Les circulaires
Par nature, une circulaire n’a pas de portée réglementaire en ce sens qu’elle ne peut
pas contenir de règle de droit nouvelle.
L’on retrouve parmi les circulaires des textes qui sont soit destinés à simplement
commenter une législation ou une réglementation, soit qui ont une valeur purement
indicative destinée, par exemple, à indiquer quelle sera la ligne de conduite de
l’autorité.
Dans ces deux cas, il s’agira de documents dont la portée n’est pas contraignante en
soi.
Ainsi, quand l’autorité de tutelle indique par circulaire les principes qu’elle entend
suivre dans l’examen des décisions des autorités locales, elle ne sera pas dispensée
pour autant d’examiner au cas par cas les décisions en question.
Le Conseil d’Etat considère qu’une circulaire est réglementaire lorsque :
1) elle ajoute quelque chose à la loi ;
2) elle formule des règles générales et abstraites ;
3) elle revêt d’après la manière dont elle est rédigée un caractère impératif aux yeux
de ses auteurs ;
4) elle a comme auteur une autorité qui dispose de la compétence réglementaire
pour la matière traitée ;

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5) elle est adressée aux personnes ou aux services chargés d’aider l’autorité
normative dans l’application de la loi.
Généralement, ce genre de document sera sanctionné pour incompétence de l’auteur
ou vice de forme.

Section 2 : Principes généraux

« L’inflation législative est réglementaire, le caractère inachevé et très souvent


inexpérimental de la règle de droit, l’indétermination volontaire des concepts se
traduisant par un recours systématique aux standards juridiques et « aux
clauses générales » sont autant de facteurs explicatifs du rôle croissant que le
juge est, nolens volens, à mener à jouer dans la société contemporaine à
l’invitation même du législateur … mais lorsque dans un Etat, l’autorité
constituante est volontairement équivoque, l’autorité législative
systématiquement défaillante, l’autorité gouvernementale perpétuellement
hésitante, ce n’est pas le juge à lui seul qui peut redresser la situation ». 2

1. Notions, origine et place dans la hiérarchie


Comme on l’a vu plus haut, le droit administratif a ceci de particulier qu’il est très peu
codifié.
Il se trouvera, dès lors, des circonstances que la loi ne rencontre pas ou que le
législateur ou le gouvernement a traité imparfaitement en laissant subsister des lacunes,
des incohérences ou des incertitudes.
Il faut alors que l’administration puisse pourvoir à ces carences tout en veillant à la
cohérence et l’unité.
L’administration pourra évidemment se référer à la doctrine et à la jurisprudence mais
tant les commentateurs que les juges sont eux-mêmes confrontés à cette « faiblesse »
plus particulièrement sensible en droit administratif.
Pour assurer la cohérence et à défaut de texte clair, il conviendra de faire appel aux
principe dont le fondement pourra se trouver dans la volonté plus ou moins explicite
du constituant, du législateur ou de l’autorité réglementaire : il s’agit de ce que l’on
appelle les principes généraux de droit.
Il s’agit d’une règle de droit non écrite dégagée soit d’une ou plusieurs règles écrites,
soit de l’économie générale du système juridique ou de la volonté implicite du
constituant, du législateur ou de l’autorité réglementaire.
Ainsi, c’est de manière tout à fait explicite que l’égalité devant la loi est consacrée par
les articles 10 et 11 de la Constitution.
Ainsi également, le juge a pu déduire de l’existence en droit positif d’un statut pour les
agents de l’Etat pour y référer en cas de statut incomplet.

2
Cité par R. Andersen in « Crise du juge et contentieux administratif en droit belge » Paris LGDJ – Bruxelles
Story Scientia - 1990 p. 107 et suivantes

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Au-delà de l’expression explicite ou implicite contenue dans le droit positif, certains
principes généraux vont être reconnus comme tels parce qu’ils sont « présupposés de toute
organisation politique » suivant l’expression du Professeur Leroy 3 (par exemple principe
de la permanence de l’Etat).
Enfin, il ne faudra pas négliger les principes généraux qui proviennent tout simplement
des règles élémentaires de bon sens (par exemple principe qui impose à
l’administration d’avoir une connaissance exacte des situations qu’elle est appelée à
régler avant de prendre une décision).
En ce qui concerne sa place dans la hiérarchie des normes, le principe général de droit,
qui ne s’applique en principe qu’à titre subsidiaire, se situera à une place équivalente à
celle de la norme écrite à laquelle on peut le rattacher. A défaut de rattachement à telle
règle écrite, le principe aura une valeur moindre, voire de simple usage.

2. Enumération des principes généraux :

a) Principe d’égalité
On peut dire que le principe d’égalité est sans doute la matrice de la plupart des
principes généraux qui orientent l’action de l’administration.
Ce principe, qui est contenu explicitement dans la Constitution, est non seulement
un principe général mais plus encore un concept fondamental en droit.
Le principe d’égalité est inscrit au fronton de la révolution française de 1789 et s’est
retrouvé tout naturellement dans la Constitution belge.
Il s’est affiné à fur et mesure de l’évolution de nos institutions jusqu’à trouver un
protecteur particulier dans le chef de la Cour Constitutionnelle en application de
l’article 142, 2ème de la Constitution.
C’est en matière fiscale que la Cour de Cassation, dès l’origine, et le Conseil d’Etat,
dès sa création, ont rendu les arrêts les plus remarquables en la matière.
Il fut d’abord affirmé que la règle d’égalité n’empêche pas les traitements différents
étant entendu que tous ceux qui se trouvent dans la même situation doivent être
traités de la même manière.
Ensuite, la jurisprudence imposa que le critère de distinction entre les catégories
soit un critère objectif ne permettant pas l’arbitraire.
Enfin, la jurisprudence consacra l’idée que ce critère objectif puisse se justifier en
fonction du but poursuivi.
C’est sur cette base, alimentée également par des arrêts de la Cour européenne des
Droits de l’Homme, que la Cour d’Arbitrage va procéder, dès sa création, à l’ultime
affinement en décrétant dans son arrêt n° 21/89 du 13 juillet 1989 : « les règles
constitutionnelles de l’égalité des Belges, de la non discrimination n’excluent pas qu’une différence
de traitement soit établie selon certaines catégories de personnes pour autant que le critère de
différenciation soit susceptible de justification objective et raisonnable.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier par rapport au but et aux effets de la mesure
considérée : le principe d’égalité est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport
raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ».
Plus tard, la Cour Constitutionnelle affirmera même que « les mêmes règles s’opposent
par ailleurs à ce que soient traité de manière identique, sans qu’apparaisse une justification

3
Michel Leroy – Les règlements et leurs juges p. 65

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raisonnable, les catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure
considérée, sont essentiellement différentes ». 4

b) Permanence de l’action des pouvoirs publics


Il s’agit d’un principe considéré comme un présupposé à toute organisation
politique.
Sa traduction la plus connue se retrouve dans les lois de la continuité du service
public ainsi que celles du changement.
C’est également sur cette base que la Cour de Cassation a consacré la théorie du
fonctionnaire de fait.

c) Principe de non rétroactivité des actes administratifs


Il s’agit d’un principe qui s’appuie sur une disposition de droit positif à savoir
l’article 2 du code civil.
Selon ce principe, un acte administratif ne peut pas sortir d’effet juridique avant
que son existence ne soit établie.
Par « existence », il faut entendre ici soit sa publication s’il s’agit d’un acte
réglementaire, soit sa notification s’il s’agit d’un acte individuel.
Le respect des droits acquis ou le principe de l’intangibilité des effets juridiques des
actes individuels se justifie par ce principe de non rétroactivité.
L’autorité ne peut ni retirer ni abroger une décision constitutive de droit.
On soulèvera cependant que ce principe de non rétroactivité n’est pas un principe
absolu.
D’abord, le législateur peut l’autoriser sous le contrôle de la Cour Constitutionnelle
dans le champ de ses compétences.
Par ailleurs, certains mécanismes de contrôle de l’action administrative, telle que la
tutelle d’annulation, rétroagissent à la date de l’adoption d’un acte.
Il est évident également que la rétroactivité pourra être acceptée pour couvrir une
situation qui a régulièrement existé dans le passé (suspension préventive en matière
disciplinaire) ou parce qu’elle ne cause aucun grief.
On retiendra comme dernier tempérament important que la loi du changement
permet à l’autorité de modifier pour l’avenir des situations acquises pour autant
évidement que l’autorité le justifie par des considérations d’intérêt général et que
l’objectif poursuivi soit un objectif admissible.

d) Respect de ses propres règlements (Patere legem quam ipse fecisti)


Ce principe découle du principe de légalité.
Il signifie que l’autorité administrative est tenue de respecter les règlements qu’elle
a elle-même édictés.
Pour s’appliquer le principe impose donc qu’il s’agisse de deux actes de nature
différente : un acte individuel qui dérogerait à un acte réglementaire, tous les deux
émanant de la même autorité.

e) Principe du contradictoire (audi alteram partem)


Le principe du contradictoire relève plus généralement d’une règle de bonne
administration et d’équitable procédure.
Il s’agit de permettre à toute personne vis-à-vis de laquelle l’administration
s’apprête à prendre une décision en fonction de son comportement alors même

4
C.A. n° 51/98 du 20 mai 1998, 80/92 du 30 juin 1999 et 124/99 du 25 novembre 1999

18
que cette mesure est susceptible de porter gravement atteinte à ses droits et
intérêts, d’être entendue.
Ce principe se retrouve bien entendu dans le respect du droit de la défense en
matière disciplinaire qui est généralement légalement prescrit.
Le principe n’impose pas nécessairement que ce soit l’autorité qui va prendre la
décision qui entende.
En cas de silence de la loi, il suffit que l’administré ait été mis en mesure de
pouvoir se défendre.

f) Principe de l’impartialité
Ce principe impose que l’autorité offre les apparences de l’impartialité (impartialité
objective) et qu’elle soit effectivement impartiale (impartialité subjective).
La loi peut prévoir des cas où la partialité est présumée en adoptant, par exemple,
des causes d’incompatibilité.
Par ailleurs, et sans que la loi le prescrive clairement, le principe impose également
l’interdiction du cumul de certaines fonctions comme, en matière disciplinaire, le
cumul de fonction d’instruction du dossier et de participation au délibéré.

g) Principe du non bis in idem


Ce principe interdit à l’administration de prendre à l’égard de l’administré plusieurs
décisions défavorables pour un même comportement.
Ce principe a connu de grands développements tant en matière fiscale qu’en
matière disciplinaire.

h) Comparaison des titres et mérites des candidats en présence


Il s’agit d’un principe qui en matière de nomination à des emplois publics provient
directement de l’application de l’article 10, alinéa 2 de la Constitution.
C’est en appliquant ce principe que l’autorité pourra d’ailleurs motiver
formellement valablement sa décision.
Des applications similaires de ce principe peuvent être également trouvés en
matière de comparaison d’offres dans le cadre des marchés publics.

i) Principe de bonne administration et équitable procédure


Le principe de bonne administration apparaît rapidement comme concept
générique dans lequel on va retrouver plusieurs principes généraux de droit
administratif qui ont déjà été cités tel que le principe du contradictoire.
Il n’en reste pas moins que ce principe de bonne administration trouve une
consécration particulière dans la jurisprudence (balance des intérêts en présence,
choix raisonnable, principe de proportionnalité, respect de la sécurité juridique et
de la confiance légitime).
Il s’agit ici essentiellement de faire contrepoids au pouvoir discrétionnaire utilisé
abusivement par l’administration.
Ce principe fait singulièrement penser au principe de comportement de « bon père de
famille » plus généralement utilisé en droit civil.

III Organisation de l’administration


A. Analyse des concepts

19
1. Les personnes morales de droit public
« Au sein de l’Etat, l’action politique ou administrative s’exerce au nom et pour le compte de
personnes morales derrières lesquelles s’effacent des détenteurs physiques du pouvoir » 5.
Les détenteurs de droit de puissance public sont donc exclusivement des personnes
morales de droit public et non des personnes physiques.
Il convient de relever que même une personne morale de droit privé peut être
chargée d’un service public et être baptisée ainsi « personne morale de droit
public ». A la différence cependant d’une personne de droit public pur, la personne
morale de droit privée n’aura pas été créée uniquement à cette fin.
Bien évidemment, ces personnes morales agissent au travers d’organes afin de
satisfaire les intérêts spécifiques qui leur sont confiés, organes qui disposent à cette
fin d’un patrimoine propre et des moyens financiers et humains nécessaires.
Une personne morale de droit public ne peut être créée qu’en vertu de la
Constitution ou des normes législatives arrêtées par l’autorité fédérale, régionale ou
communautaire.
Comme les personnes morales de droit privé, les personnes morales de droit public
sont créées pour « échapper à la précarité des personnes humaines ». 6
Par rapport aux personnes morales de droit privé, les personnes morales de droit
public se caractérisent par le fait qu’elles sont « créées par les pouvoirs publics et maîtrisées
par eux en vue de gérer des intérêts publics et qu’elles disposent à cette fin de prérogatives de
puissance publique et sont soumises aux sujétions correspondantes ». 7

2. Les autorités administratives


La notion d’autorité administrative a reçu une consécration législative dans les lois
coordonnées du 12 janvier 1973 sur le Conseil d’Etat, lois qui accordent à la
section d’administration de la haute juridiction administrative le pouvoir d’annuler
les actes des « autorités administratives ». (art.14, par.1)
Le concept d’autorité administrative a donc été affiné à fur et mesure de la
jurisprudence du Conseil d’Etat d’abord mais aussi de la Cour de Cassation.
D’après cette dernière, l’autorité administrative est l’institution qui est créée ou
agréée par les pouvoirs publics fédéraux, les pouvoirs publics des Communautés et
des Régions, des Provinces et des Communes et qui est chargée d’un service public
et qui ne fait pas partie des pouvoirs législatifs ou judiciaires et cela dans la mesure
où son fonctionnement est déterminé et contrôlé par les pouvoirs publics et où elle
peut prendre des décisions obligatoires à l’égard de tiers.
Nous reviendrons sur cette définition quand nous aborderons le contrôle
juridictionnel de l’administration.

3. Les services publics


Pour la Cour d’Arbitrage, « les universités de l’Etat sont organiquement des services de droit
public » et « les universités libres sont des personnes morales de droit privé qui assument une
fonction de service public ». 8

5
Y. Lejeune « L’organisation de l’autorité politique in Guide de droit immobilier » Bruxelles Story Scientia
Tome IV 1.1.1.-1
6
J. Rivero in Droit administratif – Précis - Paris Dalloz – 1990 p. 52
7
Y. Lejeune – Op. cit. 7.1.1.-3
8
C.A. Arrêt n° 82 :95 du 14 décembre 1995

20
Le service public reçoit donc une double définition suivant que l’on met l’accent
sur l’organisme lui-même (critère organique) ou sur son activité (critère
fonctionnel).
Dans les faits, l’on reconnaîtra le service public organique sur base de certains
critères tels que :
- son origine (création par les pouvoirs publics);
- haute direction des gouvernants impliquant une pleine maîtrise sur l’organisation,
la mission et le fonctionnement du service ;
- missions d’intérêt général ;
- prérogative de droit public (pouvoir d’expropriation, de taxation, de monopole
…) ;
En ce qui concerne le service public fonctionnel, il sera considéré comme tel dès le
moment où il est créé pour pourvoir à un besoin social réputé d’intérêt public et
qui peut à cette fin imposer des décisions unilatérales.
Les services publics seront généralement soumis au contrôle des pouvoirs publics
(concession, agrément …).

4. Le contrat public
La nature juridique du lien qui va unir le service public et l’usager a largement
évolué au fil du temps.
A l’origine, les juridictions de l’ordre judiciaire considéraient qu’il s’agissait d’un
lien de nature contractuel relevant purement du droit privé.
Dès sa création cependant, le Conseil d’Etat a considéré que l’usager du service
public se trouve dans une situation légale et réglementaire puisque ses droits et ses
obligations sont déterminés par un acte unilatéral émanant de l’autorité publique, à
savoir le règlement de service, lequel peut être modifié unilatéralement par
l’administration. 9
Il a fallu attendre la fin des années 1980 pour que les juridictions de l’ordre
judiciaire se rangent à cette opinion. 10
Cette situation réglementaire qui permet à l’autorité d’agir d’une manière unilatérale
reçoit cependant une atténuation par le développement du concept de « service
universel ».

B. Description de l’organisation

1. Généralités
Pour cerner l’organisation administrative, l’on peut se limiter à relever
l’existence, d’une part, des collectivités publiques et, d’autre part, des organismes
publics.
La collectivité publique est un groupement de personnes physiques sur base
généralement d’un territoire.
Au sein de ces collectivités publiques, l’on distingue les collectivités publiques
centrales (dites parfois supérieures) et les collectivités locales (dites parfois
subordonnées).
La distinction fondamentale entre ces deux types de collectivité est que la
première échappe par nature et en principe à tout contrôle d’une autorité
publique supérieure.
Ces collectivités sont l’Etat, les Communautés française, flamande et
germanophone ; les Régions wallonne, flamande et de Bruxelles-Capitale ; la
9
C.E.
10
C.A. Bxl du 12 septembre 1989 – arrêt j.l.m.b ; 1989 p. 1306 et suivantes

21
Commission communautaire commune et la Commission communautaire
française de Bruxelles-Capitale du moins lorsque que cette dernière exerce des
compétences de la Communauté française.
Les collectivités publiques locales sont les 10 provinces et les 589 communes.
Ces collectivités locales jouissent d’une personnalité propre et d’une réelle
autonomie consacrée par la Constitution sans préjudice du contrôle que peut
exercer l’autorité centrale dans le cadre de la décentralisation territoriale au
moyen de la tutelle administrative.
Les organismes publics, quant à eux, sont des institutions détachées de
l’administration de l’Etat, d’une Communauté, d’une Région ou d’une
collectivité publique locale, le plus souvent dotées de la personnalité morale,
jouissant d’une plus ou moins grande autonomie et chargées, sous le contrôle
d’une collectivité publique, de la gestion de certains intérêts spécifiques.
Il s’agit du mécanisme de la décentralisation par services.
Par définition, un organisme public est une personne publique subordonnée
dès lors que nécessairement l’acte créateur implique un contrôle de l’autorité à
la base de cette création.

2. Collectivités publiques

a) collectivités centrales
- L’Etat
L’Etat est la « personne de droit public par excellence » 11 ne fut-ce que parce
que les principaux organes ainsi que leurs fonctions essentielles sont réglés par
notre pacte fondamental à savoir la Constitution.
Les « services publics fédéraux » constituent un ensemble d’agents publics
organisés et hiérarchisés sous la direction d’un ministre.
Les actes qu’ils accomplissent sont, par la théorie de la transparence, les actes
de l’Etat fédéral lui-même.
Ils seront néanmoins répartis en entités juridiques distinctes avec un budget
propre et un cadre propre.

- Les Communautés et les Régions


A la suite des réformes institutionnelles, la Belgique compte actuellement trois
Communautés (Communauté française, Communauté flamande et
Communauté germanophone) et trois Régions (Région wallonne, Région
flamande et Région de Bruxelles-Capitale).
Chacune de ces personnes publiques possède sa personnalité morale propre.
Cependant la Région flamande et la Communauté flamande se sont dotées des
mêmes organes.
Par ailleurs, même si elle a été tardivement dotée d’une personnalité juridique
propre également, la Région de Bruxelles-Capitale peut, au travers de ses
organes, adopter des normes qui sont soumises à un régime juridique
particulier.
Au même titre que le gouvernement fédéral, les gouvernements régionaux et
communautaires disposent en propre d’une administration.
11
Y. Lejeune Ops. Cit VII 1.1.12

22
- Commission communautaire commune et Commission communautaire française.
Comme dit plus haut, les collectivités publiques sont généralement
compétentes pour un territoire.
L’apparition de matières dites « personnalisables » déroge à cette règle dans la
mesure où les pouvoirs publics qui seront appelés à gérer ces matières gèreront
plus des matières qu’un territoire.
Dès lors, les Communautés se révèleront impuissantes à gérer des matières qui,
dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale, peuvent difficilement être
rattachées à l’une ou l’autre Communauté étant ouvertes à tous les habitants de
Bruxelles.
Il s’agit des institutions bruxelloises de santé publique ou d’aide aux personnes
comme les CPAS.
La compétence en cette matière a donc été dévolue à la « Commission
communautaire commune » revêtue de la personnalité morale et dotée d’un organe
délibérant, de l’assemblée réunie (composée de tous les membres du Conseil
régional bruxellois) et d’un exécutif, le collège réuni (composé des membres du
gouvernement régional).
A cela s’ajoute le fait qu’en application de l’article 138 de la Constitution, la
Communauté française a délégué une partie de l’exercice de ses compétences à
la Région wallonne et donc, en ce qui Bruxelles, à la Commission communautaire
française.
Dans le cadre de cette délégation de compétence, la Commission
communautaire française va donc jouir d’un pouvoir législatif identique à celui
de la Communauté.

b) collectivités locales
- Les provinces
L’existence des provinces est consacrée par les articles 41 et 162 de la
Constitution.
A l’origine l’ensemble du territoire belge était divisé en provinces (9
provinces) avec une province commune à ce qui allait devenir les Régions
wallonne, flamande et bruxelloise à savoir la province du Brabant.
La province du Brabant a été scindée en une province du Brabant wallon et
une province du Brabant flamand.
Le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale ne fait plus l’objet d’une
subdivision en provinces.
Il n’en reste pas moins que, même dépourvu des organes classiques
provinciaux (conseil provincial et députation permanente), le territoire de la
Région de Bruxelles-Capitale reste administré par un représentant de l’Etat
qui a titre de gouverneur.

- Les communes
Il est symptomatique de constater que notre charte fondamentale s’est
bornée à prendre acte de la présence des communes qui préexistaient à
l’Etat belge.
La Constitution va cependant garantir un certain nombre de principes que
l’on devra retrouver dans la législation organique des institutions
communales confiant ainsi au législateur le soin de régler le
fonctionnement de l’institution.

23
Il est à relever que, comme pour les provinces d’ailleurs, cette compétence
a été transférée aux Régions moyennant exceptions et ce depuis la réforme
des institutions intervenue le 13 juillet 2001. 12
Comme pour la province, l’octroi aux institutions communales d’une
personnalité morale découle implicitement de son organisation et
l’attribution de compétences à ses organes.

- Les Commissions communautaires française et flamande


Il s’agit de deux institutions publiques subordonnées aux Communautés et
compétentes sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale.
Sauf ce qui a été plus haut pour la Commission communautaire française,
ces personnes publiques interviennent par voie de règlements.

3. Les organismes publics

a) énumération
- Les établissements publics
Ces organismes sont issus du mécanisme de la fondation qui consiste
en l’affectation d’un patrimoine à un organisme public personnalisé en
vue de gérer les intérêts publics.
L’établissement public est un « organisme public personnalisé qui jouit de
l’autonomie organique et technique et est doté d’organes de gestion, parmi lesquels ne
figure pas le ministre chef du département dont dépend l’établissement ; créé
unilatéralement par une ou plusieurs personnes de droit public qui jouent à son
égard le rôle de fondatrices, il reçoit la personnalité morale d’un ou de plusieurs
législateurs ». 13
Il est caractéristique de relever qu’il n’y a pas de statut type pour les
établissements publics.
Ces statuts seront arrêtés par les lois, décrets ou ordonnances qui les
créeront.
Une série d’établissements de ce type on été créés par l’Etat, les
Régions ou les Communautés dans le cadre provincial ou communal.
La collectivité territoriale centrale peut lier ces établissements aux
collectivités locales.
On peut penser à cet égard notamment aux CPAS ou aux agences
locales pour l’emploi.
Certains auteurs y classent aussi les zones pluricommunales de police.
Il semble également incontestable de pouvoir y ajouter la régie
communale autonome qui jouit de la personnalité juridique autonome
et est chargée spécialement par le conseil communal de gérer certaines
matières sous sa propre autorité.

- Les associations de droit public


Il arrive à une ou plusieurs personnes publiques de s’associer entre
elles, voire de joindre à cette association des personnes privées.

12
Loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles modifiée par la loi du 13 juillet 2001 –art. 6, parag.1er
VIII
13
Y. Lejeune Op. cit.VII 1.1.1-23

24
L’association qui en découlera relèvera soit du droit public, soit du
droit privé suivant que la prépondérance des pouvoirs publics y est ou
non prépondérante.
Pareille association revêtira des formes juridiques diverses plus
fréquemment empruntées au droit privé.
Dans le cadre de ces associations, il convient d’évoquer les
intercommunales.
On sait que celles-ci seront pures ou mixtes suivant qu’elles s’associent
ou non à des personnes morales de droit privé.
L’on sait que la faculté pour les communes de s’associer est
expressément reconnue par l’article 162, alinéa 3, de la Constitution.
La détermination des conditions et du mode d’association relève de la
compétence des Régions.

- Les groupements professionnels de droit public


Ces groupements sont créés par la loi et concernent les ordres
professionnels (ordre des médecins, ordre des avocats, ordre des
architectes) et les instituts professionnels (instituts des réviseurs
d’entreprise, des experts comptables et des conseils fiscaux …).
Ils constituent des personnes de droit public et associent
obligatoirement tous ceux qui exercent les professions visées.
Leurs compétences s’exercent essentiellement dans le contrôle du
respect des conditions fixées par la loi pour l’exercice de la profession
ainsi que dans l’adoption de règles déontologiques et dans l’exercice
d’un pouvoir disciplinaire.
Bien qu’ils aient un caractère de droit public, ces groupements ont une
autonomie très étendue et s’apparentent à des collectivités publiques
non territoriales.

- Les organismes publics consultatifs


Le législateur a créé certains organismes publics consultatifs en matière
économique et sociale en les dotant d’une autonomie organique,
patrimoniale et budgétaire.
Il s’agit principalement d’organismes destinés à rendre des avis aux
pouvoirs législatif et exécutif.
On peut citer le conseil central de l’économie, le conseil supérieur des
classes moyennes, le conseil national du travail etc.

b) cadre légal
- Loi du 16 mars 1954 relative au contrôle de certains organismes
d’intérêts publics
La plupart des régies personnalisées, des établissements publics et des
sociétés de droit public sont soumises aux règles de contrôle
administratif, financier et budgétaire prévues par la loi du 16 mars 1954.
C’est dans cette loi que l’on retrouvera un classement des organismes
publics en 4 catégories :
• catégorie A : régies personnalisées

25
• catégorie B : établissements ou associations chargés de missions
diverses sur le plan culturel ou économique
• catégorie C : organismes à caractère financier
• catégorie D : organismes de sécurité sociale

- Loi du 21 mars 1991 portant réforme de certaines entreprises


publiques et économiques.
Les organismes d’intérêts publics nationaux exerçant des activités
industrielles et commerciales, et pour lesquelles une autonomie accrue
de gestion s’est avérée nécessaire en raison de leur insertion dans un
marché concurrentiel, ont été soumis à une loi particulière.
Il convenait d’améliorer l’efficacité dans des activités exercées en
concurrence avec le secteur privé tout en préservant les missions
relevant du service public.
La loi en question fixe un cadre général qui prévoit essentiellement
l’adoption « d’un contrat de gestion à conclure entre chaque organisme et l’Etat
visant à déterminer clairement les limites à l’autonomie de gestion ».
Dans les limites de ce contrat de gestion, les entreprises jouiront d’une
totale autonomie en ce qui concerne, par exemple, les choix à opérer
des services offerts, des tarifs pratiqués ….
Au niveau fédéral, la loi s’applique notamment à Belgacom, la Poste, la
SNCB, Belgocontrôle et BIAC.
Il convient de relever que le concept a été exporté au niveau des
Communautés puisque notamment le décret du 14 juillet 1997 portant
statut de la radio télévision belge de la Communauté française érige cet
institut en entreprise publique autonome à caractère culturel.

26
Deuxième partie : Les actes de l’administration

I. Acte administratif unilatéral

A. Généralités
L’acte administratif unilatéral est avant toute chose un acte juridique c'est-à-dire
un acte qui produit des effets de droit.
Il ne se distingue pas fondamentalement à cet égard du contrat de droit privé.
Ce qui fait sa singularité, c’est qu’il n’a besoin de l’accord de personne pour
exister : la volonté seule de l’Administration suffit à elle-même.
Contrairement au contrat qui implique par définition l’existence de deux
volontés au minimum, l’acte administratif unilatéral, comme le mot l’indique,
n’implique que la volonté de l’administration.
Dans la plupart des cas, il nécessite néanmoins l’adhésion de la personne morale
ou physique à laquelle il s’adresse.
L’acte administratif unilatéral est également présumé légal.
C’est à ce titre que l’administration va bénéficier des privilèges du préalable et de
l’exécution forcée.
L’acte unilatéral sera réglementaire ou individuel.
1. Acte réglementaire
« L’acte réglementaire a pour objet de pourvoir, par des dispositions générales et abstraites,
à l’établissement de normes ou de règles de conduite pour le présent et pour l’avenir.
Il vise de manière impersonnelle un nombre indéterminé de situations définies selon des
critères objectifs.
A la différence des décisions individuelles, il n’épuise pas ses effets par son application ». 14
Le concept est visé explicitement à l’article 3, paragraphe 1er des lois
coordonnées sur le Conseil d’Etat.
En effet, les projets d’arrêtés réglementaires doivent en principe être soumis
à l’avis motivé de la section de législation.
Il faut souligner cependant qu’un certain nombre d’arrêtés incontestablement
réglementaires ne doivent pas être soumis à l’avis de la section de législation.
Tel est le cas des arrêtés qui ne formulent aucune règle de droit (arrêté fixant
les barèmes de rémunération, arrêté fixant les cadres d’une administration
etc.).
Il n’en reste pas moins que ces arrêtés restent des actes administratifs
susceptibles d’un recours devant le Conseil d’Etat.
Le pouvoir d’adopter des règlements est classiquement attribué au niveau des
collectivités centrales au Roi, aux gouvernements et aux ministres.
Au niveau des collectivités locales, ce pouvoir est généralement attribué aux
conseils, qu’il s’agisse du conseil provincial ou du conseil communal.
Il arrive qu’un pouvoir réglementaire soit reconnu à certains fonctionnaires
ce qui peut se justifier par des nécessités purement pratiques.
Ce qui est certain, c’est qu’une fois que ce pouvoir réglementaire a été
attribué à un organe bien précis, il ne peut en aucun cas être délégué.
Il est évident que la force juridique des actes réglementaires dépendra
essentiellement de leur forme ou de leur auteur.

14
PB. p. 94

27
Un acte réglementaire sous forme d’arrêté royal, d’arrêté d’un gouvernement
régional ou communautaire a la même force obligatoire.
Il l’emporte sur des arrêtés ministériels qui priment sur les règlements
provinciaux et communaux.
L’entrée en vigueur d’un acte réglementaire est subordonnée généralement à
sa publication selon les règles en vigueur pour chaque organe concerné.

2. Acte individuel
Comme son nom l’indique, l’acte individuel a, par définition, comme
destinataire des personnes déterminées à propos de situations concrètes.
Si le nombre de destinataires est multiple, il n’en reste pas moins que l’acte
réglementaire peut rester individuel.
Ainsi, en sera-t-il d’un arrêté d’insalubrité concernant un immeuble adressé à
l’ensemble des propriétaires ou des copropriétaires.
Il n’est, enfin, pas impossible qu’un acte individuel constitue en même temps
un acte réglementaire ou que, sous le couvert d’un acte individuel, l’on
découvre un acte réglementaire. 15
On l’a dit, un acte individuel par définition s’épuise dès qu’il est pris sans
pour autant évidement disparaître.
Ainsi, en va-t-il de la nomination d’un fonctionnaire qui sort ses effets tout
au long de la carrière de l’agent.
Il s’agit chaque fois d’actes administratifs dont « l’effet instantané est de
déclencher l’application durable d’un régime juridique prédéterminé ». 16
L’initiative pour l’élaboration d’un acte réglementaire appartient
exclusivement à l’administration.
Par contre, l’acte administratif individuel peut être accompli sur demande, sur
réclamation ou sur déclaration.
Il peut même nécessiter un acte de volonté de la part de son bénéficiaire.
Il est évident que pour exister, l’acte individuel devra être notifié aux
personnes qu’il concerne.
Il est évident que l’acte administratif individuel occupe la place la moins
élevée de la hiérarchie des normes et doit donc respecter toutes les normes
qui lui sont supérieures et, plus particulièrement, le règlement sur base duquel
l’autorité qui prend cet acte individuel.

B. Conditions de validité
Un acte administratif doit être conforme à la loi au sens large et l’analyse de
cette conformité va s’apprécier en regard de cinq éléments touchant d’une part,
à la légalité externe et, d’autre part, à la légalité interne.
La légalité externe concerne essentiellement la compétence de l’auteur de l’acte
et le respect des formes et des conditions de procédure.
La légalité interne concerne l’objet de l’acte, les motifs de fait et de droit sur
lesquels il repose et sa finalité.

15
PB. exemple p. 97
16
M. Leroay ops. cit p. 24

28
1. Validité externe

1. Compétences
Il est un grand principe consacré par la Constitution : tous les pouvoirs sont
d’attribution (art. 33 C).
Cela signifie que les autorités administratives ne peuvent avoir d’autres
pouvoirs que ceux que les lois leur confèrent.
L’incompétence peut être de trois ordres :
• soit l’auteur est incompétent par rapport à l’objet de la décision. On parlera
alors d’incompétence matérielle ou incompétence « ratione materiae » ;
• soit l’auteur de l’acte est incompétent en regard du moment où l’acte est
pris. On parlera alors d’incompétence temporelle ou d’incompétence
« ratione temporis ». Cette dernière incompétence pose le problème des délais
imposés à l’autorité pour décider étant entendu qu’il conviendra de
déterminer, sur base de la loi, s’il s’agit de délai d’ordre ou de délai de
rigueur. Le délai de rigueur est impératif tandis que le délai d’ordre ne
contraint pas sous réserve du respect du délai raisonnable ;
• soit l’autorité doit être compétente en regard de l’endroit où la décision doit
produire ses effets. On parle alors de compétence territoriale ou « ratione
loci ».
L’absence attributive de compétence n’empêche pas nécessairement une
autorité publique d’agir : il peut exister des compétences spontanées sur
base :
• soit du principe du parallélisme des compétences ;
• soit du principe de la continuité des services publics notamment par l’application
de la théorie du fonctionnaire de fait ou fonctionnaire putatif ;
• le principe du pouvoir hiérarchique.
La question est de savoir si l’autorité qui a reçu compétence peut la déléguer.
On a vu plus haut que pareille délégation ne peut en aucun cas porter sur des
actes réglementaires.
Elle peut effectivement se justifier pour des actes individuels dès lors que le
volume des affaires administratives à traiter est tel que l’autorité appelée à
décider est dans l’impossibilité matérielle d’exercer son pouvoir.
Cette délégation peut être soit consentie au titulaire d’une fonction, soit à une
personne désignée.
De même, la délégation peut être accordée sans réserve ou avec la réserve
fondamentale de conserver le pouvoir de décider soi-même.
Il importe, en outre, de souligner que la délégation de signature ne se confond pas
avec la délégation de pouvoir.
On voit cependant mal comment une délégation de pouvoir pourrait
s’envisager sans la délégation de la signature.
Il est vrai que la délégation de signature est, a priori, une simple opération
matérielle.
Enfin, il convient de distinguer l’habilitation à déléguer une compétence et l’acte de
délégation lui-même.
Si l’habilitation ne doit pas nécessairement être expressément prévue par les
textes, l’acte de déléguer doit, au contraire, être pris et, le cas échéant, publié.

29
2. Respect des formes
Un acte administratif nécessite bien souvent l’accomplissement d’une série de
formalités avant même qu’il ne soit adopté de même que des règles de forme
pour sa présentation extérieure.
Généralement, les règles qui imposent ces formalités proviennent d’une série
de textes ou des principes généraux de droit administratif eux-mêmes.
L’incidence de l’inobservation d’une règle de forme dépend de son caractère.
L’on parle de « forme prescrite à peine de nullité » qui n’existe que si le texte qui la
prévoit la qualifie expressément ainsi.
Il s’agit de cas relativement rares.
L’on parlera également de « forme substantielle ».
Il s’agira de formalités qui revêtent un caractère essentiel.
Bien souvent, les textes ne prévoient pas explicitement pareille caractéristique.
Elles seront reconnues comme telles par la jurisprudence qui distingue
généralement suivant que la formalité est prévue dans l’intérêt de l’administré
ou de l’ordre public.
Dans ces deux cas la sanction sera l’annulation.
Par contre, si la formalité est prévue dans l’intérêt exclusif de l’administration,
son oubli ne sera pas nécessairement sanctionné.
En ce qui concerne les procédures préalables à l’adoption d’un acte, on peut
distinguer les procédures consultatives, d’une part, et les procédures contradictoires,
d’autre part.
Les procédures consultatives ne peuvent être imposées que par un texte.
Elles déboucheront soit sur un avis, soit sur une proposition.
L’avis pourra être soit obligatoire, soit facultatif.
L’avis obligatoire sera simplement consultatif ou liera l’autorité (avis
conforme).
De même, les propositions peuvent être soit facultatives, soit obligatoires.
Les effets de la proposition ne varient guère de celles de l’avis.
En ce qui concerne les procédures contradictoires, il faut distinguer les
procédures contradictoires publiques ou les procédures contradictoires
individuelles.
Dans les deux cas, la procédure a pour objet de soumettre à la critique les
projets de décision.
L’objectif est de réduire les risques d’erreurs d’appréciation.
Dans un cas comme dans l’autre, les procédures contradictoires doivent être
effectives c’est-à-dire être organisées en telle sorte qu’elles permettent au
contradicteur de pouvoir intervenir en connaissance de cause.
Il s’agira de respecter des délais, de mettre à disposition des dossiers complets,
de donner toute explication utile etc.

2. Validité interne
1. L’objet
L’objet d’un acte est constitué par son contenu.
L’acte a un contenu dans la mesure où il apporte une modification à
l’ordonnancement juridique.
L’objet constitue un élément fondamental de l’acte car il permet de
déterminer l’autorité compétente, les formes à respecter et les motifs aptes à
le justifier.
En réalité, l’objet permet dans les faits de mieux qualifier l’acte de
l’administration et d’en vérifier donc la légalité.

30
2. Les motifs
Un acte sans motif ne peut exister sauf à relever de l’arbitraire le plus absolu.
Quelle que soit la marche de manœuvre dont dispose l’autorité, il est certain
qu’elle ne peut agir sans un motif permettant de justifier l’acte qu’elle pose.
Il y a lieu de faire la distinction entre les motifs de droit et les motifs de fait.
Les motifs de droit sont le fondement juridique dans lequel l’autorité trouve
sa légitimité.
Les motifs de fait entraîneront la nullité de l’acte s’il se base sur des faits
matériellement inexacts, mal qualifiés en droit ou inaptes à justifier la
décision prise.

3. Le but
On a déjà vu que l’action de l’administration ne pouvait poursuivre que la
satisfaction de l’intérêt général.
Même si le texte légal fondant l’autorité administrative à agir n’est pas
explicite à cet égard, il n’en reste pas moins que l’intérêt général doit
apparaître comme la finalité de l’acte.
L’acte administratif sera vicié si l’autorité administrative utilise son pouvoir
dans un autre but que celui qui lui est assigné.
Il s’agit du vice de détournement de pouvoir.
Il ne convient pas de confondre le détournement de pouvoir du
détournement de procédure qui n’est qu’un vice de forme.
Un détournement de procédure peut constituer une voie illégale pour
atteindre un but légal.
Il convient également de souligner qu’il n’y a de détournement de pouvoir
que si l’existence d’un but illicite est le seul objectif visé par l’acte.
Etablir un détournement de pouvoir dans le chef de l’administration implique
donc l’analyse de l’arrière pensée de l’auteur de l’acte.
Ne peut en être saisi que l’assemblée générale de la section d’administration
du Conseil d’Etat qui n’a retenu ce vice qu’à sept reprises jusqu’à ce jour et
chaque fois à l’occasion de contentieux mettant en cause des administrations
communales.

C. La police administrative
1. Généralités
Le domaine de la police administrative constitue un champ privilégié de
l’action administrative et ce tant au niveau réglementaire qu’au niveau
individuel.
Plus que les autres prérogatives de l’action administrative, la police
administrative est appelée à faire prévaloir les exigences de l’ordre public en
limitant, le cas échéant, les droits et libertés des individus.
L’on sait que la police administrative se distingue de la police judiciaire en
ce que la police administrative est essentiellement préventive, la police
judiciaire étant répressive.
Par nature, la police administrative implique le pouvoir d’adopter des
règlements et de prendre des mesures individuelles en application de ceux-
ci.
Il s’agira soit d’interdictions, soit d’injonctions, soit d’autorisations.

31
La mesure de police, plus que toute autre, devra respecter une due
proportion entre les impératifs d’ordre public qu’elle poursuit et l’exercice
des libertés consacrées notamment par la Constitution.
L’on distingue au niveau des polices administratives : la police administrative
générale et les polices administratives spéciales.

a) La police administrative générale


La police administrative générale comprend les pouvoirs reconnus aux
autorités administratives pour assurer le maintien de l’ordre public
général.
Par ordre public général, il y a lieu d’entendre d’abord un ordre public
matériel qui s’oppose à un ordre public moral.
Ce dernier ne sera susceptible d’être réglementé par des mesures de
police administrative que dans des cas excessivement limités,
explicitement prévus par la loi ou au cas où le désordre moral risque de
s’extérioriser et de dégénérer en désordre matériel.
Les autorités compétentes pour prendre les mesures de police
administrative générale sont, outre le Roi pour l’ensemble du territoire
national, les autorités administratives territoriales locales à savoir les
autorités provinciales et les autorités communales.

b) Les polices administratives spéciales


Les polices administratives spéciales comprennent l’ensemble des
pouvoirs reconnus aux autorités administratives par des textes
spécifiques dans le but de sauvegarder des aspects limités de l’ordre
public.
On relève que le champ d’application des polices administratives
spéciales a eu tendance à se multiplier ces 30 dernières années et, plus
spécialement, dans les domaines économiques et environnementaux.

2. Concours de police administrative


On a vu que les pouvoirs de police administrative générale
appartenaient à diverses autorités.
Compte tenu de ce que ces autorités différent essentiellement par leur
compétence territoriale, ces mesures ne peuvent normalement pas se
contredire mais simplement se compléter en ce qui concerne le
territoire concerné.
En cas de contrariété, la mesure prise par l’autorité à compétence
territoriale plus générale l’emportera.
Il se peut également qu’une mesure de police générale et qu’une mesure
de police spéciale puissent entrer en concours.

Trois hypothèses sont à retenir :


- le législateur a créé une police administrative spéciale à laquelle il a
attribué explicitement ou implicitement un monopole d’action ;
- le législateur a exprimé son intention de permettre la
complémentarité des polices spéciales et générales ;
- Dans les autres cas, la contrariété devra se résoudre en application
des deux principes suivants : les mesures spéciales dérogent aux
mesures générales et l’exception est de stricte interprétation.

32
Enfin, il se peut que des mesures de police spéciales s’appliquent sur un
même objet.
En ce cas, la mise en œuvre de ces polices administratives spéciales sera
réglée par les principes d’indépendance et de cumul des diverses polices.
Ainsi donc, l’activité envisagée devra satisfaire aux exigences posées par les
diverses autorités de police administrative spéciale.

3. Les sanctions administratives


Le concept de « sanction administrative » n’est pas neuf.
Cela fait fort longtemps que l’administration a reçu une compétence
punitive liée soit à son pouvoir hiérarchique, soit à son pouvoir régulateur.
Confinée d’abord aux matières fiscales et sociales, elle s’est déplacée vers
les différents domaines de la vie économique et, sous l’effet de la
régionalisation, vers des secteurs nouveaux touchant par exemple à la
protection de l’environnement.
Pour le Conseil d’Etat, la sanction administrative « consiste en une mesure
désavantageuse, d’ordre moral ou matériel, prononcée à l’égard d’une personne physique
ou morale, dont l’objet premier est d’exprimer officiellement la réprobation de l’autorité à
l’égard d’un comportement que cette personne a eu et qu’elle juge répréhensible ». 17
Cependant, la sanction administrative a connu une « évolution législative vers un
mode punitif administratif » dont la première illustration sera à trouver dans la
loi du 21/12/98 relative à la sécurité lors des matchs de football dite « loi
football ».
Ainsi donc la sanction administrative s’impose comme mesure destinée à
sanctionner des citoyens plus ou moins ordinaires qui se rendent
coupables de comportements dérangeants.
L’amende administrative communale sera une copie servile de ce régime.
Comment expliquer autrement que, contrairement aux autres sanctions
administratives communales, l’amende sera prononcée par un fonctionnaire
et non par le collège des bourgmestre et échevins et qu’elle fait l’objet d’un
« appel » devant le Tribunal de Police et non d’un « recours » devant le
Conseil d’Etat ?
Sommes-nous toujours en présence d’une simple mesure prise par
l’administration avec ses règles et son organisation propre dont l’existence
d’une ligne hiérarchique ?
Or, dès l’entame du processus législatif qui a abouti à la création des
sanctions administratives communales, le Conseil d’Etat a considéré
que « le caractère pénal, au sens de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits
de l’homme et des libertés fondamentales (des sanctions administratives) énumérées à
l’article 119bis§2 en projet, ne paraît pas contestable dès lors qu’elles poursuivent un but
essentiellement répressif et qu’elles sont susceptibles de s’adresser au public en général ».
Cependant, dans son arrêt 18/95 du 2/3/95, la Cour Constitutionnelle a
considéré que le fait de qualifier une amende administrative de peine au
sens de l’article 6 susvisé n’entraîne pas ipso facto qu’elle soit de nature
pénale au sens de la loi belge.
La Cour Européenne des Droits de l’Homme, elle-même, tolère que
l’action répressive de l’administration ne respecte pas toutes les garanties
qui s’imposent au juge pénal moyennant contrôle ultérieur par un organe
judiciaire de pleine juridiction.
17
Cité par Dimitri Yernault dans « Les sanctions administratives communales et le principe de contradiction
devant l’administration et le juge » APT T1-2002 p.45

33
En droit strict, l’amende administrative reste donc bien un acte
administratif même si il emprunte de nombreux éléments à la fonction de
juger.

D. Existence de l’acte administratif


1. Entrée en vigueur
Il ne convient pas de confondre l’existence d’un acte administratif et son
entrée en vigueur.
Il existe dès qu’il a été adopté.
Dès ce moment, il a force exécutoire en telle sorte que des mesures
peuvent être prises en vue de son application.
Son entrée en vigueur, par contre, est subordonnée à sa publication s’il
s’agit d’un règlement ou à sa notification s’il s’agit d’un acte individuel.
Cette publicité rendra l’acte administratif opposable aux tiers : il acquiert
ainsi non plus seulement une force exécutoire mais également une force
obligatoire.
Comme on l’a vu plus haut, l’acte administratif ne peut normalement pas
rétroagir.

2. Disparition
1. Retrait des actes administratifs
En retirant un acte administratif, l’autorité le fait disparaître avec effet
rétroactif ce qui constitue un tempérament sensible au principe de non
rétroactivité.
Le retrait ne pourra donc admis que dans des cas limités :
- ils sont admis sans limite pour les actes non créateurs de droit, réguliers ou
irréguliers ;
- le retrait est interdit pour les actes créateurs de droit réguliers sauf si le
législateur le prévoit ou si le bénéficiaire renonce à ses droits ;
- les actes créateurs de droit irréguliers ne peuvent être retirés :
• que dans le délai de 60 jours permettant le recours en annulation au
Conseil d’Etat ou si un recours est introduit jusqu’à la clôture des
débats ;
• à tout moment si une disposition législative au sens large le permet ou
s’ils ont été obtenus par fraude ou s’ils sont entachés d’une illégalité
telle qu’ils doivent être tenus pour nuls et non avenus.

2. Abrogation
Contrairement au retrait, l’abrogation d’un acte n’entraîne sa disparition
que pour l’avenir.
S’il ne peut y avoir d’abrogation par désuétude, l’on admet cependant
l’existence d’abrogation implicite notamment par l’existence d’un acte
contraire au premier.
Le motif légal de l’abrogation doit être généralement trouvé dans la loi du
changement évoquée plus haut.
L’abrogation sera permise dans les mêmes conditions que le retrait en telle
sorte qu’il convient également de faire une distinction entre l’acte non
créateur de droit et l’acte créateur de droit et, dans ce dernier cas, distinguer
suivant que l’acte est régulier ou irrégulier.

34
L’abrogation pourra concerner certains actes tels que des autorisations au
cas où le bénéficiaire ne respecte pas les conditions imposées ou en cas de
changement de circonstance.
Dans le langage courant, l’on parle erronément de retrait d’autorisation.

3. Arrivée de l’échéance
Il arrive qu’un acte administratif soit lié d’une manière ou d’une autre à
certaines échéances.
Ainsi en sera-t-il des actes administratifs pris pour une période déterminée.
D’autres actes seront liés à la survenance d’une condition résolutoire ou du
non accomplissement d’une condition suspensive.
Ces conditions peuvent d’ailleurs être prévues par la loi (tutelle
d’approbation).

II. Contrats de l’administration

A. Généralités
Les autorités publiques peuvent parfaitement recourir aux techniques
contractuelles et agir en la matière comme les particuliers.
Il convient, cependant, de faire une distinction fondamentale entre les
conventions usuelles de droit privé consenties par l’autorité administrative et
les conventions à caractère administratif.
Il est certain que l’administration peut avoir recours à toutes les conventions
usuelles de droit privé tant pour la gestion de son patrimoine propre que pour
la gestion des services publics.
Ainsi est-elle parfaitement habilitée à vendre ou louer ses biens.
Par ailleurs, il arrive que certains impératifs liés à l’exercice de la puissance
publique devront primer les règles de droit privé qui ne pourront être
considérées que d’application supplétive. Il s’agit alors de conventions à
caractère administratif.
L’on peut citer les contrats entre pouvoirs publics ; les concessions
domaniales ; les concessions de service public ; les contrats de gestion ; les
contrats d’emprunts publics ; les contrats économiques ; les marchés publics de
travaux, de fourniture et de service.

B. Régime juridique
1. En ce qui concerne le droit applicable
Les contrats passés par l’administration au sens strict sont régis exclusivement
par le code civil qui constitue le droit commun des contrats.
Ces contrats sont en principe conclus entre parties égales.
Par contre, les contrats administratifs sont soumis à des régimes dérogatoires et
régis par des dispositions spéciales de droit administratif.
En ce cas, l’administration est généralement dans une position favorable parce
qu’elle agit en vue de protéger et de promouvoir l’intérêt général.
Dans ce déséquilibre, l’administration pourra effectivement imposer la
résiliation ou la modification unilatérale du contrat auquel cependant le
cocontractant pourra répondre en demandant réparation sur base de théories
comme celle de l’imprévision, des sujétions imprévues et du fait du prince.

35
2. En ce qui concerne le juge compétent
Par nature, s’agissant dans les deux cas de contrat, le contentieux échappe au
Conseil d’Etat pour être soumis exclusivement aux Cours et Tribunaux de
l’ordre judiciaire dès lors qu’il relève de la protection des droits subjectifs
(article 144 de la Constitution).
Il y a, cependant, lieu de relever que le Conseil d’Etat reste compétent pour
connaître la légalité des actes administratifs unilatéraux qui sont à la base du
contrat et qui sont dits détachables de ceux-ci.
Un problème pratique se pose dès lors que l’annulation éventuelle d’actes
détachables au contrat n’empêche pas la validité du contrat proprement dit en
telle sorte que le jour où le Conseil d’Etat se prononce sur l’acte détachable, le
contrat a déjà été exécuté.
Une réponse partielle à cette problématique a été donnée par l’octroi au
Conseil d’Etat d’une compétence de suspension des actes administratifs.

36
Troisième partie : Les agents de l’administration

I. Les principes généraux de la fonction publique

Sous le concept de fonction publique, on vise tous les agents chargés de l’exécution des
décisions prises par les organes politiques auxquels la loi, au sens large, attribue ce
pouvoir.
Ces agents constituent l’administration au sens usuel du terme.
Notamment sous l’influence de la régionalisation, l’administration a subi un véritable
éclatement.
Il était donc indispensable d’inscrire dans un texte à portée normative des principes de
base à respecter par le plus grand nombre possible d’administrations publiques.
Il existait, bien entendu, un statut des agents de l’Etat appelé statut Camu du nom de
son concepteur, statut fixé par un arrêté royal du 2 octobre 1937.
Ce statut n’était cependant pas applicable comme tel aux agents qui allaient constituer
les futures administrations régionales et communautaires.
La question se posait de savoir quel organe pouvait adopter un texte comprenant les
principes généraux en matière de fonction publique qui serait applicable au-delà des
administrations de l’Etat au sens strict.
La réponse doit être trouvée dans l’article 87, § 4, de la loi spéciale du 8 août 1980 de
réformes institutionnelles attribuant au Roi le pouvoir d’identifier dans le statut des
agents de l’Etat les principes généraux de la fonction publique.
Les principes généraux ont donc été fixés par un arrêté royal du 22 décembre 2000.
Le texte les rend applicables aux administrations de l’Etat, des Communautés et des
Régions ainsi qu’aux personnes de droit public qui en dépendent.
Il s’agit donc pour toutes ces administrations d’un cadre strict qu’elles doivent
respecter sous le contrôle éventuel des tribunaux dont la Cour d’Arbitrage.
Il est donc vrai que ces principes généraux ont une portée limitée dans la mesure où ils
ne s’appliquent effectivement pas à toutes les administrations publiques existant en
Belgique.
Cependant, les administrations non visées par l’arrêté royal sont libres d’adopter ces
principes ou de s’y référer.
Par ailleurs, et comme nous l’avons vu en cas de silence du statut du personnel
appartenant à une personne publique, il pourra être fait référence en cas de litige aux
règles fixant le statut des agents de l’Etat et donc, a fortiori, aux principes généraux.
Il ne faut cependant pas pour autant les confondre avec les principes généraux de droit
administratif même si, comme on le verra, plusieurs des principes généraux de la
fonction publique sont directement inspirés des principes généraux administratifs que
l’on a examinés plus haut.
Ces principes généraux s’articulent essentiellement autour du statut administratif et du
statut pécuniaire des agents.

37
II. Le statut administratif

A. Statut
Est qualifié d’agent de service public toute personne occupée à titre définitif dans
une des administrations visées par l’arrêté royal dont question.
Par son serment, l’agent accepte l’acte unilatéral de nomination et s’engage à
certains devoirs notamment de respecter l’Etat de droit et le principe de légalité.
La situation juridique de l’agent est contenue dans un statut.
Cet engagement sous statut est la règle à laquelle l’arrêté royal ne prévoit que
quelques exceptions :
1) la nécessité de répondre à des besoins exceptionnels et temporaires en
personnel ;
2) le remplacement d’agents en cas d’absence totale ou partielle ;
3) l’accomplissement de tâches auxiliaires ou spécifiques ;
4) l’exécution de tâches exigeant des connaissances particulières ou une expérience
large de haut niveau.
Une exception supplémentaire est ouverte pour les personnes morales de droit
public qui dépendent de l’Etat, des Communautés et des Régions lorsqu’elles
entrent en concurrence avec d’autres opérateurs publics.

B. Admissibilité
Selon les principes généraux de la fonction publique, pour être nommé en qualité
d’agent d’une administration, il faut être d’une conduite répondant aux exigences
de la fonction, jouir des droits civils et politiques, satisfaire aux lois sur la milice et
être médicalement apte.
La condition de nationalité n’est pas reprise dans l’arrêté royal pour la simple et
bonne raison que cette condition de nomination demeure toujours requise par
l’article 10, alinéa 2 de la Constitution.
C’est d’ailleurs pour cela que, quoiqu’il n’en fasse pas une condition, l’arrêté royal
prévoit que l’agent qui ne satisfait plus à la condition de nationalité, perd d’office sa
qualité d’agent.
L’on sait cependant que l’exigence portant sur la possession de nationalité belge est
contraire à l’article 39 du traité du 25 mars 1957 instituant la communauté
européenne.
Il est, en effet, acquis au niveau de la Cour de justice européenne que le principe de
la libre circulation des travailleurs impose que toutes les fonctions soient ouvertes à
tous les citoyens de la communauté européenne.
La seule exception admise par la Cour concerne les emplois qui comportent une
participation à l’exercice de la puissance publique.

C. Les droits et devoirs


1. Les devoirs
Comme dit plus haut, par sa prestation de serment l’agent s’engage à respecter
certains devoirs dont le plus important est le respect de l’Etat de droit et de la
légalité.
Les devoirs énumérés par ailleurs par l’arrêté royal au titre de principe général
portent sur l’obligation de remplir la fonction avec loyauté, conscience et intégrité
sous l’autorité de supérieurs hiérarchiques.
L’arrêté ajoute que les agents ont le devoir de se comporter vis-à-vis des usagers
avec compréhension et sans discrimination.

38
Il appartient aux agents de se tenir informés des évolutions dans les matières dont
ils sont chargés, ce qui implique, le cas échéant, un devoir de formation.
Certains devoirs s’imposent aux agents même en dehors de l’exercice de leur
fonction.
Ainsi, ne peuvent-ils pas adopter des comportements qui puissent ébranler la
confiance du public dans le service.
Enfin, plus classiquement, les agents ne peuvent solliciter, exiger ou accepter
directement ou par personne interposée, même en dehors de leur fonction mais en
raison de celle-ci, des dons, gratifications ou avantages quelconques.

2. Les droits
Les agents disposent de la liberté d’expression, du droit à l’information, du droit à
la formation et du droit à consulter leur dossier personnel.
La liberté d’expression s’inscrit, bien évidemment, dans le prolongement de l’article
19 de la Constitution et en porte la liberté de manifester ses opinions.
Ce droit de manifester ses opinions, même à propos des faits dont ils ont
connaissance à l’occasion de leur fonction, se voit tempéré malgré tout par un
certain devoir de discrétion.
Ainsi, il n’y aura point de liberté d’expression dès lors que les faits touchent à la
sécurité nationale, à la protection de l’ordre public, aux intérêts financiers de
l’autorité, à la prévention et à la répression de faits litigieux, au secret médical, aux
droits et libertés du citoyen dont le droit au respect de la vie privée.
Ces limites au droit d’expression ne peuvent pas porter préjudice aux devoirs de
transparence et de publicité voulus par l’article 32 de la Constitution et ses lois
d’application.
Cet article 32 de la Constitution trouve d’ailleurs un prolongement tout naturel
dans le droit qu’ont les agents à obtenir copie de leur dossier personnel.

D. Recrutement et stage
1. Le recrutement
Une large autonomie de fonctionnement est laissée à chaque entité fédérée en ce
qui concerne les conditions générales à remplir pour être recruté en qualité d’agent.
Néanmoins, le recrutement d’un agent sera subordonné à la condition que
l’intéressé soit porteur du diplôme ou du certificat en rapport avec le niveau de
l’emploi à conférer étant entendu qu’il peut être dérogé à cette condition par
décision motivée en cas de pénurie sur le marché du travail.
Les procédures de sélection en cas de vacance d’emploi doivent être effectuées sur
base d’un système objectif offrant toutes les garanties en ce qui concerne l’égalité
de traitement, l’interdiction d’arbitraire, l’indépendance et l’impartialité.
La déclaration des emplois vacants doit faire l’objet d’une publication au Moniteur
belge et, en tout cas, en ce qui concerne les administrations fédérales, régionales et
communautaires, le recrutement est confié au Selor en application de l’article 87, §
2, de la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980.

2. Le stage
Le stage n’est pas imposé au titre de principe général de la fonction publique étant
bien entendu que dès le moment où la personne publique le prévoit, elle ne peut en
dispenser le stagiaire qui, en cas de licenciement au cours ou au terme du stage,
bénéficiera d’un préavis de trois mois.

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Bien que n’étant pas des agents au sens de l’arrêté royal, les stagiaires restent
soumis à certaines règles contenues dans celui-ci parmi lesquels les droits et
devoirs, le régime disciplinaire et le statut pécuniaire.

E. Carrière et évaluation
1. La carrière
De nouveau, l’arrêté royal confie à chaque entité fédérée une large autonomie en ce
qui concerne l’organisation de la carrière et son développement.
L’arrêté royal impose cependant que les conditions ainsi arrêtées doivent être
soumises à publicité et transparence afin de permettre à chacun de connaître les
possibilités de développement de sa carrière.
Quant aux emplois vacants, ils sont en principe conférés par recrutement ou par
promotion.
L’arrêté royal n’impose pas l’existence de promotions à carrière plane ou de régime
de mandat qui reçoivent une définition précise :
- les promotions de carrière plane constituent des nominations successives dans
des emplois supérieurs au sein d’un même niveau ;
- le mandat ne peut être utilisé que pour des fonctions de « management ».
Il est toujours temporaire et ne peut donner lieu à nomination définitive.

2. L’évaluation
Chaque entité fédérée est invitée à fixer les règles et les procédures d’évaluation de
ses agents.
Le principe impose qu’un recours suspensif soit prévu en cas de désaccord de
l’agent.

F. Le régime disciplinaire
Les principes généraux de la fonction publique mettent en œuvre des règles
permettant en même temps à l’administration de réagir aux manquements et à
l’agent de pouvoir garantir ses droits. Ces règles contiennent l’énumération
limitative des peines disciplinaires, le déroulement de la procédure disciplinaire, la
sanction elle-même et la prescription.
Les faits qui constituent une faute disciplinaire ne sont qualifiés que par la mention
de « manquement aux devoirs ».
Les définitions laissent évidement un large pouvoir d’appréciation à l’autorité mais
qui peut sur ce point se voir sanctionner par le Conseil d’Etat.
La procédure, quant à elle, est largement inspirée du principe du contradictoire.
Par ailleurs, les principes rappellent l’application de l’adage « non bis in idem » et ne
permettent pas qu’une pluralité de griefs puisse donner lieu à plusieurs procédures
et entraîner plusieurs peines.
Il est remarquable de constater que les principes généraux ne contiennent pas la
règle prévue dans le statut des agents de l’Etat selon laquelle l’action disciplinaire
est suspendue dans l’attente du dénouement de l’action pénale.
Cette disposition contenue dans le statut des agents de l’Etat est une exception au
principe non écrit suivant lequel « le pénal ne tient pas le disciplinaire en état ».
Le fait que cet effet paralysant de l’action disciplinaire par l’action pénale ne soit
pas repris dans les principes généraux confirme que le statut des agents de l’Etat
constitue bien une exception et que les autres organismes publics ne sont pas tenus
de l’adopter.

40
L’arrêté royal prévoit que l’agent puisse être suspendu de ses fonctions par mesure
d’ordre sans intention de punir, conjointement ou non avec une action pénale ou
disciplinaire.

G. Les positions administratives


L’arrêté royal ne détermine pas les positions administratives mais impose à chaque
personne publique concernée de les fixer.
L’arrêté royal prévoit cependant certains droits minimaux touchant à la durée des
congés annuels, à la protection de la maternité et à l’éloignement du service pour
cause de maladie, aux recours pour les contestations nées de l’absence du travail.
En outre, l’arrêté fixe à 38 heures semaine la durée maximale du temps de travail.
Enfin, il fait interdiction de sanctionner toute « cessation concertée du travail » si
ce n’est par la privation du traitement pour les périodes de travail non accomplies.

H. Terme de la carrière
La qualité d’agent se conserve normalement jusqu’à l’âge de la pension qu’elle soit
volontaire ou obligatoire.
L’on relève que la suppression d’un emploi ne peut donner lieu à la perte de qualité
d’agent ou au licenciement.
L’agent perd sa qualité d’office et sans préavis lorsque :
- sa nomination est irrégulière ;
- il cesse de remplir une des conditions d’admissibilité ;
- il abandonne son poste sans motif valable et reste absent pendant plus de 10
jours ;
- il doit cesser ses fonctions en application des lois civiles ou pénales ;
- il est déchu d’office ou révoqué.
L’arrêté royal prévoit également le licenciement pour inaptitude professionnelle
définitivement constatée ce qui est une suite logique de l’introduction d’un système
d’évaluation.
Enfin, il est évident que la qualité d’agent se perd par la démission volontaire de
l’agent.

III. Le statut pécuniaire


Le statut pécuniaire comprend l’ensemble des règles relatives à la fixation du
traitement.
Cela va de la détermination des échelles de traitement aux modalités de paiement
en passant par la détermination de la classe d’âge, la carrière barémique et
l’imputation éventuelle des services antérieurs.
Au sens large le statut pécuniaire vise aussi le statut social qui comprend les règles
qui touchent à la sécurité sociale des agents et dans lequel le régime des pensions
occupe une place de choix.
Y figure également le régime de l’assurance maladie, de l’assurance chômage et des
allocations familiales.
Au même titre que le statut administratif, le traitement et tous ses accessoires sont
fixés unilatéralement par l’autorité et ne font pas l’objet de tractations.
Les principes posés par l’arrêté royal veulent que si chaque entité fédérée détermine
le statut pécuniaire de son personnel en fonction du niveau, de la nature des tâches
dévolues et compétences requises, il n’en reste pas moins que :

41
- dans chaque niveau, les échelles de traitement doivent être fixées en fonction
de la nature des tâches et des compétences avec pour chaque échelle un
traitement minimum et un traitement maximum fixé par arrêté royal après avis
des autorités concernées ;
- les montants sont liés aux fluctuations de l’indice des prix à la consommation ;
- tout agent a au moins droit au revenu minimum garanti, au pécule de vacances
et à l’allocation de fin d’année ;
- en cas de sujétion particulière, tout agent a droit à diverses primes ou
allocations.
Il est à remarquer que ces différents principes s’appliquent tant aux agents
statutaires qu’aux agents sous contrat.

IV. Le statut syndical

En application de l’article 87, paragraphe 5 de la loi spéciale du 8 août 1980 de


réformes institutionnelles, l’autorité fédérale est compétente pour fixer le statut
syndical des agents des Communautés, des Régions et des personnes morales de
droit public qui en dépendent en ce compris le personnel enseignant.
Le statut syndical de la fonction publique organise essentiellement un régime de
consultation qui, tout en étant obligatoire, ne doit pas déboucher sur un avis liant
l’autorité.
Le Conseil d’Etat a considéré que les différentes formes de consultation syndicale
constituent un frein au jeu normal de la loi du changement, et ne peuvent pas faire
l’objet d’une interprétation extensive.
Le statut syndical est essentiellement organisé par la loi du 19 décembre 1974
organisant les relations entre les autorités publiques et les syndicats, les agents
relevant de ces autorités ainsi que par l’arrêté royal d’exécution du 28 septembre
1984 instituant un régime de relations collectives dans la majorité des services
publics du pays.
Le champ d’application de cette loi est excessivement large puisqu’il vise non
seulement les services de l’Etat mais aussi les personnes morales de droit public qui
en dépendent, les services des gouvernements communautaires et régionaux et les
personnes morales de droit public qui en dépendent ainsi que les administrations
locales.
Les agents visés sont tous les membres du personnel, qu’ils soient définitifs,
stagiaires, temporaires, contractuels à l’exception des chômeurs mis au travail.
Le statut syndical distingue la négociation et la concertation essentiellement en
fonction de l’objet en cause.
Ainsi, la négociation amène les délégations des autorités et des organisations
syndicales à rechercher ensemble, par un dialogue approfondi, des solutions
acceptables pour chacune d’entre-elles et qui débouche idéalement sur un
protocole d’accord.
Celui-ci sera limité aux questions importantes concernant le statut du personnel au
sens large et à l’organisation du travail.
La concertation, par ailleurs, associe les organisations représentatives des
travailleurs à l’adoption de mesures moins importantes que celles qui ont trait à la
négociation.
La concertation se clôture par un avis qui ne lie pas l’autorité.

42
En ce qui concerne les services publics qui n’entrent pas dans le champ
d’application de la loi du 19 décembre 1974, la situation va de l’absence totale de
statut syndical (magistrats, agents de la sûreté de l’Etat, corps enseignant des
universités des Communautés) jusqu’à un statut syndical propre (personnel des
Chambres et de la Cour des Comptes etc.) en passant par l’adoption de
conventions collectives du secteur privé (par exemple institution publique de
crédits) ou d’un statut syndical comparable à celui que la loi du 19 décembre 1974
(personnel des services de police, RTBF …).

43
Quatrième partie : Les biens de l’administration
I. Domanialité

A. Domaine public
1. Définition
On l’habitude de dire que font partie du domaine public les biens qui sont
spécialement affectés à l’usage du public ou aménagés en vue d’assurer la
réalisation d’un but de service public.
En réalité, pareille définition donne une fausse idée du critère d’appartenance
tel qu’il est arrêté par la Cour de Cassation et qui est nettement plus restrictif.
Selon la Cour de Cassation, font partie du domaine public :
- les biens qui y sont affectés expressément par une loi (article 538 à
541 du code civil) ;
- les biens qui servent indistinctement à l’usage de tous étant entendu
qu’une simple destination d’utilité publique ne suffit pas et qu’il faut
une affectation réelle.
Il convient de relever que cette jurisprudence de la Cour de Cassation assez
restrictive est largement critiquée en doctrine.
Il est vrai qu’à s’en tenir au critère retenu par la Cour de Cassation, des
immeubles tels que les hôtels de ville, les écoles, les palais de justice ou les
bâtiments ministériels n’entreraient pas dans l’affection de domaines publics.
La doctrine privilégie dès lors une définition plus large donnée par le
Professeur Waline : « fait partie du domaine public tout bien qui appartient à une
personne de droit public et qui, soit par sa structure, soit par son importance historique ou
scientifique, est nécessaire à un service public ou à la satisfaction d’un besoin public et ne
saurait être remplacé par aucun autre dans ce rôle ». 18
Cette définition est importante dans la mesure où notamment elle relève que
ne peuvent faire l’objet d’un domaine public que les biens qui appartiennent
au patrimoine de la personne publique.
Il n’est pas exclu, par exemple, qu’un bâtiment privé soit affecté à une
utilisation publique mais il est exclu qu’il puisse être de ce fait incorporé au
domaine public.

2. Contenu
Au départ de la jurisprudence de la Cour de Cassation, on peut conclure :
- que les domaines publics immobiliers comprennent :
• les cimetières ;
• les églises et les statues qui, scellées dans la pierre, y sont
placées à perpétuelle demeure ;
• les immeubles affectés aux bibliothèques et aux musées ;
• les centres culturels et autres maisons de la culture ;
• les bourses de commerce, les halles, les marchés
couverts ;

18
Waline in Droit administratif – 1957 p. 817

44
• les chauffoirs, les salles de nuit dépendant de
l’administration dans la mesure où tout le monde peut
entrer sans avoir à justifier sa présence ;
• les immeubles dotés d’un caractère décoratif, historique,
artistique et les constructions destinées à conserver la
mémoire d’un grand homme (statues).
- que les domaines publics mobiliers comprennent :
• les objets de collection et de musée et des bibliothèques
publiques réunis par les pouvoirs publics si les objets sont
mis à la disposition du public pour leur instruction
intellectuelle, artistique etc. ;
• les documents d’archives.
- que les domaines maritimes ou fluviaux comprennent :
• les étangs salés ;
• les rivages de la mer ;
• les ports, les havres et les rades ;
• les fleuves et les rivières navigables.
- que les voies de communication, et leurs dépendances dépendent
du domaine public pour autant qu’elles appartiennent à une
personne publique et qu’elles ont reçues une destination
publique ;
- que le domaine public miliaire comprend les ouvrages de défense
ainsi que des immeubles qui, tout en ne constituant pas de pareils
ouvrages, sont cependant affectés au service l’armée.

3. Caractéristiques
a) Affectation
L’affectation est une condition indispensable à l’incorporation d’un bien
dans le domaine public.
Elle se réalise soit naturellement, soit par une décision de l’autorité
compétente.
La désaffectation ou la sortie d’un bien du domaine public ne peut, de
même, se réaliser que par suite d’évènements naturels ou par l’effet d’une
décision unilatérale de l’autorité administrative.

b) Indisponibilité juridique
Les biens affectés au domaine public sont considérés comme hors
commerce et inaliénables.
Ils sont imprescriptibles c’est-à-dire qu’ils ne sont pas susceptibles d’être
acquis par une possession prolongée même si cette possession est de
bonne foi.
Enfin, les biens du domaine public sont insaisissables c’est-à-dire qu’ils
ne peuvent pas faire l’objet de voie d’exécution forcée.
A l’origine et sur base de la loi de continuité des services publics,
l’insaisissabilité touchait autant les biens du domaine public que les biens
du domaine privé.
Il s’agissait en quelque sorte d’un privilège d’immunité d’exécution
reconnu aux personnes morales de droit public.

45
Retenons qu’aujourd’hui, l’insaisissabilité des biens du domaine privé des
pouvoirs publics est largement contestée en doctrine et par la
jurisprudence.

4. Utilisations privatives
Le principe qui veut qu’un bien du domaine public ne soit affecté qu’à
l’usage collectif souffre deux exceptions importantes : les autorisations et
les concessions domaniales.
- Les autorisations domaniales
Il s’agit d’actes administratifs unilatéraux par lesquels l’administration
octroie à une personne physique ou morale publique ou privée
l’autorisation d’occuper à titre exclusif une parcelle du domaine
public moyennant, le cas échéant, paiement d’une redevance.
Il y a lieu de distinguer parmi les autorisations domaniales :
• le permis de stationnement qui consiste à occuper à titre
privatif et temporaire une portion du domaine public sans
ancrage au sol ;
• les autorisations et permissions de voirie qui vont avoir un
caractère permanent permettant en plus la modification
de l’assiette de la portion attribuée.
L’on admet que les autorisations domaniales, actes unilatéraux,
peuvent être abrogées (retirées) tout aussi unilatéralement.
Il n’en reste pas moins que pareille décision ne peut être arbitraire et
doit être motivée par exemple du fait de l’incompatibilité avec la
destination d’utilité publique du bien.

- Les concessions domaniales


Il ne s’agit plus ici d’actes unilatéraux mais bien de contrats
administratifs par lesquels l’autorité publique octroie une occupation
privative et précaire d’une parcelle du domaine public à un
concessionnaire moyennant paiement d’une redevance.
La concession fait donc naître au profit du concessionnaire un droit
de créance personnel et incessible bien que toujours précaire.

B. Domaine privé
Le domaine privé est un concept de droit public qui se définit par défaut.
Font partie du domaine privé tous les biens qui appartiennent à la personne
publique et qui ne sont pas affectés au domaine public.
Il n’est pas possible de faire une liste de ces biens qu’ils soient immobiliers ou
mobiliers.
Ces biens sont évidemment dans le commerce et, par voie de conséquence,
peuvent être aliénés, loués ou grevés de droits réels au profit de tiers, de même
qu’ils peuvent aussi se prescrire à la suite d’une possession prolongée.
L’on relèvera cependant qu’en application de l’article 537 du code civil, ces
biens ne pourront être aliénés ou administrés que dans des formes particulières.
Ainsi :
- il existe des modes d’acquisitions de propriétés particulières telles que
l’expropriation pour utilité publique, les réquisitions civiles et militaires,
l’acquisition par l’Etat de successions en déshérence… ;

46
- la vente d’un bien du domaine privé requiert en principe un minimum de
publicité voire une procédure d’adjudication publique ;
- l’administration bénéficie d’un régime fiscal dérogatoire comme l’exonération
du précompte immobilier sur le revenu cadastral de certains biens immobiliers
dans la mesure où ils ne seraient pas productifs.

II. Les expropriations

A. Eléments substantiels
1. Lois d’expropriation
Le siège du pouvoir d’expropriation se trouve dans l’article 16 de la
Constitution ainsi rédigé : « nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité
publique, dans les cas et de la manière établie par la loi et moyennant une juste et préalable
indemnité. »
La première condition pour s’assurer de la légalité d’une expropriation est donc
que celle-ci soit conforme à la loi précise qui les autorise.
Les lois d’expropriation sont soit générales, soit particulières :
- lois générales :
Il s’agit essentiellement de la loi du 17 avril 1835 sur l’expropriation pour cause
d’utilité publique complétée par la loi du 27 mai 1870 portant simplification des
formalités administratives en matière d’expropriation pour cause d’utilité
publique et de la loi du 26 juillet 1962 relative à la procédure d’extrême urgence
en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique.
On parle de lois générales dans la mesure où :
● elles habilitent le pouvoir législatif et le Roi à autoriser des expropriations
dans tous les « cas » qui leur appartient de déterminer eux-mêmes ;
● l’expropriation est un pouvoir réservé à tous les pouvoirs publics ;
● elles contiennent essentiellement des règles relatives à la phase judiciaire de
l’expropriation ;

- lois particulières :
Il est impossible de faire un relevé exhaustif des lois particulières qui autorisent
tous les pouvoirs publics et notamment tous les organismes issus de la
décentralisation par services telles les intercommunales à agir comme autorité
expropriante.
Par ailleurs, il est évident qu’aujourd’hui la « loi » visée à l’article 16 de la
Constitution doit être entendue dans son sens le plus large puisque les lois
spéciales de réformes institutionnelles ont habilité les pouvoirs législatifs des
Communautés et des Régions à fixer, par décret, les cas et les modalités des
expropriations à poursuivre par leur gouvernement respectif.

2. Nécessité d’une autorité publique


En application de l’article 16, la loi doit aussi déterminer les autorités publiques
habilitées à exproprier.
Il y a les cas simples où la décision d’exproprier est reconnue aux pouvoirs
publics en fonction des lois générales et, en l’occurrence, à l’Etat, aux
Communautés, aux Régions, aux Provinces et aux Communes et, par ailleurs,
aux organismes par des lois particulières c’est-à-dire aux régies, aux
établissements publics et aux associations de droit public.

47
C’est à ces pouvoirs qu’il appartiendra d’identifier les biens et les personnes
visées par l’opération.
Il arrive, cependant, que des lois particulières autorisent un concessionnaire de
service public, voire un simple particulier, à procéder à une expropriation.
En cette matière, ces personnes doivent être considérées comme « quasi
publiques » dans la mesure où elles n’agissent que pour compte de l’autorité
qu’elles représentent.
On peut encore rencontrer le cas où le pouvoir exécutif va procéder à des
expropriations pour compte de personnes privées dont le but et les activités
sont reconnues comme étant d’utilité publique.

3. Finalité de l’utilité publique de l’expropriation


L’article 16 de la Constitution est clair : l’expropriation ne peut se justifier « que
pour cause d’utilité publique ».
Il est évident que la notion d’utilité publique a évolué au fil du temps.
Il s’agit cependant que non seulement la motivation d’expropriation fasse bien
apparaître cette notion d’utilité publique mais également que l’objectif ainsi
justifié soit concrètement réalisé.
Conçue traditionnellement comme étant un moyen d’accroître le domaine
public, la notion d’utilité publique est devenue, au fil du temps, un moyen
d’aménager le territoire de façon plus rationnelle en fonction d’objectifs socio-
économiques.
Il ne convient donc pas de confondre la notion d’utilité publique avec celle
d’usage public étant bien entendu qu’elle est, par ailleurs, plus restrictive que
celle d’intérêt public ou d’intérêt général.

4. Juste et préalable indemnité


L’article 16 de la Constitution est clair : la notion d’expropriation de propriété
privée ne peut s’envisager « que moyennant une juste et préalable indemnité ».
- Préalable : Les procédures prévues par le législateur doivent nécessairement
prévoir que l’indemnité versée au propriétaire doit, en tout état de cause, être
consignée avant l’envoi en possession de l’autorité même si le transfert de
propriété n’a lieu que plus tard.
- Juste : Le caractère juste de l’indemnité entraîne que celle-ci sera plus
« indemnitaire » que « économique ».
En réalité, l’indemnité d’expropriation ne sera pas le prix de la vente qui
généralement correspond à la valeur économique du bien, à sa « valeur
marchande ».
Au-delà de cette « valeur marchande », l’indemnité devra représenter les
dommages et intérêts destinés à réparer le préjudicie causé à l’exproprié.
Ainsi, l’indemnité comprendra :
● la valeur vénale réelle du bien ;
● les frais fiscaux et les frais de notaire ;
● la dépréciation des parties restantes en cas d’expropriation partielle ;
● le trouble de jouissance ou d’exploitation ;
● la valeur de convenance ;
● la valeur de notoriété
● la conséquence des aléas monétaires et du marché immobilier.

48
B. Procédure
1. Phase administrative
La phase administrative va déboucher sur l’acte d’autorisation d’exproprier.
Cet acte d’autorisation va viser les biens essentiellement.
Il se distingue de l’acte de poursuite de l’expropriation qui visera des personnes et
va relever essentiellement de la phase judiciaire.
Il se distinguera également de « l’acte de réalisation d’expropriation » que constitue
le jugement et couvrira la phase d’exécution proprement dite.
La phase administrative débute par l’élaboration d’un projet d’expropriation
permettant d’obtenir l’autorisation de poursuivre celle-ci.
Cette phase impliquera la publicité à donner au plan d’expropriation et, le cas
échéant, à l’enquête publique.
Ce plan d’expropriation sera soumis à l’autorité chargée d’autoriser la poursuite de
l’expropriation c’est-à-dire le Roi ou le Gouvernement communautaire ou
régionale compétent.
Cet acte prendra généralement la forme d’un arrêté royal ou d’un arrêté du
gouvernement.
La phase administrative se terminera par les premiers contacts avec l’exproprié en
vue de tenter de clôturer l’expropriation par un accord amiable.
Si cet accord aboutit, l’expropriation se traduira par une convention de droit privé
qui n’équivaudra évidement pas à un jugement d’expropriation.

2. Phase judiciaire :
- Procédure ordinaire
Cette procédure est fixée par la loi du 17 avril 1835 susvisée et n’est plus que très
rarement utilisée bien qu’elle contienne des principes qu’il ne convient pas
d’ignorer :
a) saisine du Tribunal de Première Instance par l’autorité expropriante par laquelle
sont ainsi assignés les propriétaires ou usufruitiers de l’immeuble ;
b) avertissement par le propriétaire de cette assignation à tout tiers titulaire de droit
réel ou de droit personnel sur le bien visé ;
c) jugement déclaratif portant notamment sur :
● la régularité des formalités administratives ;
● la désignation d’experts ;
● le transfert de propriété
d) jugement liquidatif déterminant le montant des indemnités ;
e) consignation des indemnités ;
f) envoi en possession.

- Procédure d’extrême urgence


Nonobstant le fait que les délais de la procédure ordinaire dès la clôture d’une
expropriation en 150 jours, le législateur a estimé utile de prévoir une procédure
d’extrême urgence au cas où « la prise de possession immédiate d’un ou de plusieurs
immeubles est indispensable pour cause d’utilité publique »
Les différentes étapes prévues par la procédure ordinaire restent d’application.
Elles vont s’en distinguer essentiellement par le fait que la procédure d’extrême
urgence va se dérouler devant le juge de Paix et que celui-ci se voit assigner des
délais de rigueur nettement plus courts.

49
C. Contrôle et sanctions
- Contrôle
Le contrôle de la légalité de la procédure pose la délicate question de la répartition
des compétences entre les tribunaux de l’ordre judiciaire et le Conseil d’Etat.
La compétence de principe des tribunaux judiciaires ne souffre cependant que de
deux exceptions au profit de la compétence du Conseil d’Etat :
● recours en annulation d’un arrêté d’expropriation avant la phase judiciaire de
l’expropriation ;
● recours d’un tiers qui ne serait ni le propriétaire de l’immeuble visé, ni le titulaire
d’un droit réel ou d’un droit de créance sur lesdits immeubles.
Il est, en tout état de cause, évident que le contrôle juridictionnel ne pourra porter
que sur les actes du pouvoir exécutif.

Ce contrôle portera donc :


● sur la légalité externe et sur la légalité interne des actes administratifs, qu’ils
soient actes d’autorisation ou actes d’expropriation ;
● sur la notion d’utilité publique à l’occasion de laquelle le juge sera amené à
contrôler si l’exécutif est bien resté dans les limites de son pouvoir d’appréciation
ou s’il n’a pas à cette occasion détourné le pouvoir que la loi lui a donné ;
● sur la notion d’urgence étant entendu que le juge pourrait contester
l’expropriation au motif que l’urgence n’est pas suffisamment motivée, ou que cette
motivation est périmée parce qu’un trop grand laps de temps s’est écoulé entre le
moment où l’arrêté a été pris et où la procédure est effectivement entamée, ou que
l’arrêté révèle un détournement de pouvoir.

- Sanctions
La sanction essentielle prévue par les lois d’expropriation est la rétrocession.
Il s’agit, en réalité, de la sanction qui pourrait être prononcée, à la demande des
anciens propriétaires ou de leurs ayant droit, dès lors que l’utilité publique justifiant
l’expropriation n’aurait pas été satisfaite dans les faits.
On relève que certaines lois d’expropriation particulière prévoient l’exclusion
formelle de toute possibilité de rétrocession.

III. Les réquisitions

A. Définition
La réquisition est « l’opération de puissance publique par laquelle, aux conditions fixées par les
lois et les règlements d’exécution, une autorité administrative ou militaire impose d’autorité à une
personne physique ou morale, de droit privé ou de droit public l’accomplissement de prestations
dans un but d’intérêt général. ». 19
La réquisition, contrairement à l’expropriation, requiert plus que la simple utilité
publique, c’est le « salut public » qui doit exiger le recours à ce procédé.
Bien entendu, la réquisition doit donner lieu à indemnité, cependant celle-ci ne
devra être ni juste, ni préalable au sens de l’article 16 de la Constitution.

19
Dalloz – répertoire de Droit public et de droit administratif – tome II - 1959 v° réquisitions par G. Pequignot

50
B. Classification
1. Les réquisitions militaires
Les réquisitions militaires sont sans doute les réquisitions les plus connues mais en
même temps les plus désuètes.
Elles sont régies par la loi du 13 mai 1927 sur les réquisitions et par un arrêté royal
du 3 mai 1939.
Elles peuvent avoir lieu tant en temps de guerre qu’en temps de paix.
L’autorité disposant du droit de réquisition est le ministre de la Défense nationale
qui adressera ses ordres au collège des bourgmestre et échevins qui sera amené à
répartir la réquisition et en assurer le recouvrement complet.
On notera également que, suivant l’article 591 du code judiciaire, le juge de Paix est
compétent pour connaître les contestations en la matière.

2. Les réquisitions civiles


L’objectif de la réquisition civile est d’éviter que le fonctionnement de la vie de la
nation dans l’un ou l’autre de ses aspects fondamentaux puisse être mis en péril.
Ces réquisitions se retrouvent dans une série de lois disparates.
On retiendra deux exemples en matière communale :
● l’article 135, §2, 5ème de la nouvelle loi communale qui permet au bourgmestre de
réquisitionner des personnes en vue de « prévenir par des précautions convenables et, de
faire cesser par la distribution des secours nécessaires, les accidents et fléaux calamiteux tels que les
incendies, les épidémies et les épizooties » .
● l’article 134 bis de la nouvelle loi communale qui attribue au bourgmestre le droit
de requérir tout immeuble abandonné de plus de six mois pour le mettre à
disposition de personnes sans abri moyennant juste dédommagement au
propriétaire.

IV. Les servitudes d’utilité publique

A. Définition
L’article 637 du code civil définit la servitude comme étant une « charge imposée sur
un héritage pour l’utilité et l’usage d’un héritage appartenant à un autre propriétaire ».
Il s’agit évidement ici des servitudes légales d’utilité publique et non point des
servitudes relevant du droit privé qui se caractérise par l’existence d’un fonds
dominant et d’un fonds servant.
Ici la servitude se justifie essentiellement par l’existence d’un intérêt général que
l’intérêt particulier doit servir.
L’exemple le plus flagrant en la matière est la servitude d’ancrage sur les façades de
dispositifs destinés à soutenir les câbles électriques. 20
La servitude n’emporte évidement pas la suppression du droit de propriété.
Elle ne fait qu’apporter des restrictions à l’usage et à la jouissance des propriétés.
Le principe d’une servitude d’utilité publique doit être établi par la loi qui en arrête,
le cas échéant, les grands principes en confiant pour le surplus à l’autorité
administrative le soin de déterminer les conditions générales ou individuelles à
respecter.

20
Loi du 10 mars 1925 sur les distributions d’énergie électrique – art. 14

51
B. Indemnisation
Puisqu’il n’y a ni transfert de patrimoine, ni privation définitive de tout droit, une
simple restriction à la jouissance d’un droit, le principe est celui de la non
indemnisation des servitudes légales d’utilité publique.
Il se peut, cependant, que le législateur considère lui-même que la restriction de la
jouissance dépasse ce qui est raisonnablement admissible et prévoit un régime
d’indemnité.
Si la loi ne prévoit rien et qu’un préjudice exceptionnel provienne de la servitude, le
seul recours prévu par la loi est le recours au contentieux de l’indemnité devant le
Conseil d’Etat.

52
Cinquième partie : Le contrôle et la responsabilité de
l’administration
Le contrôle
A. Contrôle préventif

I Procédures contradictoires
1. L’enquête publique
L’enquête publique est évidemment le mécanisme le plus ancien par lequel la
population est invitée à participer à l’élaboration d’un acte administratif.
On le retrouve déjà dans les procédures ordinaires d’expropriation telles qu’elles
étaient réglées par la loi du 17 avril 1835.
Aujourd’hui, les enquêtes publiques, au sens strict, sont essentiellement prévues en
matière d’urbanisme et d’environnement.
L’enquête publique a, en règle générale, un caractère obligatoire et est prévue à peine
de nullité.
Cette enquête publique doit pouvoir permettre au citoyen d’être complètement et
valablement informé.
La réglementation peut indiquer, par exemple, qu’elle ne puisse se tenir pendant des
périodes de vacances et, qu’en outre, elle doit durer un certain temps.
De surcroît, l’enquête publique débouche généralement sur un droit pour le citoyen
de pouvoir consulter le dossier relatif à l’objet de l’enquête.

2. Consultation populaire
La consultation populaire est un thème particulièrement polémique en Belgique.
Finalement, le principe en a été consacré par l’article 41, alinéa 2 de la Constitution
selon lequel : « les matières d’intérêt communal ou provincial peuvent faire l’objet d’une
consultation populaire dans la commune ou la province concernée.
La loi règle les modalités et l’organisation de la consultation populaire ».
Contrairement à la volonté de certains, la consultation populaire qui n’est pas
qualifiée de referendum ne peut porter que sur des matières d’intérêt communal ou
provincial.
La question d’étendre cette possibilité de consultation populaire au niveau de l’Etat
et des entités fédérées fait l’objet de beaucoup de débats encore actuellement.
En ce qui concerne les communes et les provinces, ces mécanismes ont été intégrés
dans les lois organiques.
Au niveau communal, il fait l’objet du titre 15 de la nouvelle loi communale tel qu’il
est toujours d’application aujourd’hui en région bruxelloise.
Retenons en ce qui nous concerne :
- que la consultation peut être lancée soit à l’initiative du conseil communal, soit à
l’initiative d’un certain nombre d’habitants de la commune ;
- que la consultation ne peut porter que sur certaines des matières visées dans la loi
communale. Cependant la référence à l’article 117, qui précise que le conseil règle
tout ce qui est d’intérêt communal, permet une large application de ce principe ;
- que la demande d’organisation d’une consultation populaire doit répondre à une
procédure assez stricte qui lie l’autorité communale;

53
- que l’organisation même de la consultation fait l’objet également de règles strictes
tant en ce qui concerne la liste des personnes à interroger, que la manière dont la
consultation devra être organisée concrètement, que de l’information à assurer (voir
également l’arrêté royal d’exécution du 10 avril 1995) ;
- que la loi consacre le caractère facultatif de la participation à la consultation;
Par nature, les résultats de la consultation populaire ne lient pas les autorités
communales.

3. Audition préalable
Le principe de l’audition préalable avant toute décision à portée individuelle ne fait
pas l’objet d’une disposition générale écrite.
On la trouve cependant de manière explicite dans de nombreuses législations dont,
bien évidement, la législation en matière disciplinaire.
Même en ce cas, il n’est pas nécessairement précisé si l’audition doit être effectuée
par l’autorité qui décide comme, par exemple, en matière juridictionnelle.
En dehors du prescrit légal, la jurisprudence a donné au principe « audi alteram
partem » une application extensive applicable à de multiples hypothèses.
Cette absence de réglementation précise entraîne un certain flou dans l’application du
principe.
Retenons en tout cas que, dès lors que l’autorité va devoir prononcer une mesure
administrative qui affectera négativement un citoyen, notamment eu égard à son
comportement, la jurisprudence impose d’une manière générale l’audition préalable
dans la mesure où elle exigera que le citoyen ait au moins été mis dans la possibilité
d’exprimer son point de vue.

II Motivation des actes administratifs


1.Généralités
« Si on prend la peine d’expliquer à l’homme le pourquoi et le comment de ce qui lui est imposé, sa
liberté et sa raison entreront en jeu ; elles sont, pour l’action, des auxiliaires plus féconds que la
hargne, la semi hébétude née et de la contemplation d’un imprimé rédigé dans une langue
apparemment étrangère … » 21.
On s’accorde à dire aujourd’hui que la motivation de l’acte administratif apporte des
avantages à tous les acteurs à commencer par l’administration elle-même qui est ainsi
forcée à s’interroger sur les fondements mêmes de la décision qu’elle prend.
Par ailleurs, il est évident que la motivation présente des avantages pour le citoyen et
aussi pour l’autorité de contrôle.
Il ne faut cependant pas confondre les motifs et la motivation qui n’est que
l’expression formelle des premiers.
La loi du 29 juillet 1991 a consacré l’obligation de motiver formellement certains
actes administratifs.

2. Champ d’application
a) L’autorité administrative
L’article 2 de la loi rend cette motivation obligatoire pour les actes des autorités
administratives au sens « de l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat ».

21
J. Rivero « à propos des métamorphoses de l’administration » cité par Philippe Bouvier dans « Eléments de
droit administratif » p.205

54
Ce renvoi aux lois coordonnées sur le Conseil d’Etat reste ambigu puisque la
disposition en question ne définit pas non plus d’une manière claire le concept
« d’autorité administrative » qui évolue en réalité au fil de la jurisprudence du Conseil
d’Etat.
Il y a, cependant, lieu de citer un arrêt de la Cour de Cassation qui a définit la
notion. 22
Aujourd’hui retenons que sont considérées comme autorités administratives : les
autorités de l’Etat, des Communautés, des Régions, des pouvoirs locaux, des
administrations issues de la décentralisation par service, des personnes privées dans
la mesure où elles sont chargées, d’une part, d’une mission de service public et,
d’autre part, de l’exercice d’une parcelle de la puissance publique.

b) L’acte administratif unilatéral de portée individuelle


La notion d’acte administratif est également définie par les lois coordonnées sur le
Conseil d’Etat.
Cependant, la loi du 29 juillet 1991 donne une définition plus limitée des actes
devant être motivés.
Il s’agit de : « l’acte administratif unilatéral de portée individuelle émanant d’une autorité
administrative et qui a pour but de produire des effets juridiques à l’égard d’un ou de plusieurs
administrés ou d’une autre autorité administrative ».
Il est donc clair que la loi ne vise que des actes qui produisent des effets juridiques :
il s’agit donc bien d’un acte juridique et non pas d’un simple acte matériel.
Ne doit être motivé que l’acte unilatéral et donc pas le contrat administratif.
Plus important : seul l’acte individuel, à l’exclusion donc de l’acte réglementaire,
devra faire l’objet d’une motivation.
Le législateur a considéré que l’acte réglementaire qui par ailleurs, comme on l’a vu,
n’est pas toujours considéré comme un acte juridique par le Conseil d’Etat
comportait déjà suffisamment de garanties lors de son élaboration que pour ne pas
devoir faire l’objet de pareille formalité supplémentaire.
Il reste que la frontière entre l’acte réglementaire et l’acte individuel n’est pas
toujours aisée à déterminer.
L’on sait que l’acte réglementaire se caractérise par sa permanence et par sa
vocation à être appliqué dans un nombre indéterminé de cas.
Il est cependant des actes mixtes tel le permis de lotir que revêt à la fois un
caractère réglementaire et individuel.
Les décisions contentieuses administratives échappent à la loi du 29 juillet 1991 dans la
mesure où, par ailleurs, elles doivent être motivées en application de l’article 149 de
la Constitution.
En ce qui concerne les décisions implicites, on a pu prétendre qu’elles empêchaient à
ce point l’application de la motivation formelle qu’elles devaient être considérées
comme définitivement illégales.
Ce serait évidement oublier que l’article 14, §3 des lois coordonnées sur le Conseil
d’Etat consacrent l’existence des décisions implicites contre lesquelles des recours
peuvent être introduits.
Il faut donc plus simplement considérer que l’acte implicite échappe par nature à
l’obligation d’une motivation.
La décision verbale échappe également à l’obligation de motivation dans la mesure où
il sera par définition difficile de rapporter l’existence ou non de cette motivation.
Plus délicat reste le problème de la décision prise au scrutin secret.

22
Cassation 14 février 1987 et Cassation 10 septembre 1999

55
L’on a pu considérer qu’une décision prise au scrutin secret était suffisamment
motivée par l’indication du résultat du vote sans qu’il soit nécessaire de chercher à
identifier les mobiles des différentes personnes qui participent à la décision.
Sous la pression du Conseil d’Etat, il est aujourd’hui considéré que le vote au
scrutin secret ne s’oppose nullement à l’exigence de la motivation formelle des
actes administratifs.
Il faut, en effet, se souvenir que la motivation n’est que la mise en forme des motifs
et qu’il est évidemment exclu que l’administration puisse prendre des décisions qui
n’auraient aucun motif.
En cas de doute sur les motifs, rien n’empêche de soumettre au vote de l’autorité
une délibération ultérieure contenant la motivation.
Le vote sur cette motivation devrait également intervenir au scrutin secret.

3. Contenu de la motivation
L’article 3 de la loi du 29 juillet 1991 est clair :
« La motivation exigée consiste en l’indication, dans l’acte, des considérations de droit et de fait
servant de fondement à la décision. Elle doit être adéquate. »
a) Motif de droit et de fait
La distinction est relativement aisée à faire : les motifs de droit sont les règles
auxquelles l’autorité se réfère et qui servent de base à la décision et les motifs
de fait sont les considérations précises et concrètes amenant l’autorité à
prendre la décision.
b) Motif par référence
Il arrive que la décision de l’autorité administrative soit le résultat de tout un
processus et qu’il soit difficile dans la décision elle-même de reprendre
l’ensemble des éléments qui se retrouvent tout naturellement dans le dossier.
Il est certain que rien n’interdit au juge de se référer à ce qui se trouve dans le
dossier qui serait ainsi visé simplement dans l’acte.
Par ailleurs, il arrive que la décision se réfère à un avis ou une proposition.
Cette référence ne viole par l’obligation de motivation formelle pour autant que
ces avis ou propositions soient annexés à la décision et qu’ils soient bien
évidemment eux-mêmes motivés.
Il est évident, également, que si l’autorité s’écarte des avis ou propositions, cela
doit être aussi motivé spécifiquement.
c) Motivation adéquate
Le législateur a utilisé un terme qui lui-même n’est pas le plus précis.
Tenons simplement pour acquis que la motivation doit être claire, précise,
concrète et exacte.
Aller au-delà, c’est bien entendu passer la frontière qui sépare le contrôle de
légalité externe et le contrôle de légalité interne.

4. Les exceptions
Le législateur a estimé que, dans certains cas, l’obligation de motiver pouvait ne pas
être appliqué.
Il s’agit essentiellement des cas où les motifs concernent la sécurité extérieure de
l’Etat et l’ordre public.
De même, le respect de la vie privée tel que consacré par l’article 8 de la Convention
européenne des Droits de l’Homme et l’article 22 de la Constitution justifie
également de faire exception à ladite obligation.
Le respect du secret professionnel peut aussi justifier, dans certains cas, une
exception au principe de la motivation.

56
En tout état de cause, les exceptions doivent rester de stricte interprétation en telle
sorte que l’autorité administrative ne peut pas se retrancher derrière elles uniquement
dans le but d’échapper à l’obligation de motivation.
Par contre, l’article 5 de la loi du 29 juillet 1991 précise bien : « L’urgence n’a pas pour
effet de dispenser l’autorité administrative de la motivation formelle de ses actes ».
Enfin et malgré le principe selon lequel les lois spéciales dérogent aux lois générales,
le législateur fédéral a estimé que des lois particulières ne peuvent s’écarter de
l’obligation formelle de motivation sauf à la rendre plus contraignante.

III Publicité de l’administration


1. Genèse : information en matière environnementale
L’accès au dossier administratif et la transparence de ceux-ci permettent aussi un
contrôle de l’administration par le citoyen.
Cette publicité est restée longtemps en marge des préoccupations du législateur.
Il est caractéristique de constater qu’elle s’est imposée au départ d’une directive
européenne (directive 90/313/CEE du 7 juin 1990 concernant la liberté d’accès à
l’information dans les domaines de l’environnement).
En réalité, cette directive avait été précédée par une résolution adoptée par le
conseil des Ministres de l’Europe le 28 septembre 1977 invitant les gouvernements
à consacrer le droit du citoyen à avoir accès au dossier administratif.
La directive de 1990 a servi d’accélérateur à l’éclosion d’une véritable révolution de
la culture administrative qui sous prétexte de secret ou de confidentialité
développait une autarcie qui excluait par principe le citoyen.

2. Principes constitutionnels (art.32).


La Constitution ne vise, il est vrai, que la publicité passive c’est-à-dire que celle qui
vient en réponse à une démarche personnelle du citoyen.
Par contre, elle est très libérale dans la mesure où elle n’exige pas que le citoyen
doive justifier d’un intérêt quelconque pour pouvoir consulter ou se faire
communiquer des documents souhaités.
En plus, le gouvernement a voulu donner une définition très large au terme de
documents administratifs accessibles.
Il s’agit de « toute information, sous quelle que forme que ce soit, dont les autorités disposent,
toutes les informations disponibles, quel que soit le support : documents écrits, enregistrements
sonores et visuels, y compris les données reprises dans le traitement automatisé de l’information, les
rapports, les études, même de commissions consultatives non officielles, certains comptes-rendus de
procès-verbaux, les statistiques, les directives administratives, les circulaires, les contrats et licences,
les registres bancaires publics, les cahiers d’examen, les films, les photos dont disposent une
autorité ».
L’article 32 de la Constitution énonce un principe général qui ne peut être modalisé
que par la loi, le décret ou l’ordonnance.
Compte tenu de l’importance présumée de l’intervention des différents législateurs,
le constituant a reporté l’entrée en vigueur de la disposition au 1er janvier 1995.
Les législateurs sont effectivement intervenus tant au niveau fédéral qu’au niveau
des Régions et des Communautés.
Au niveau fédéral, le législateur a adopté la loi du 11 avril 1994 relative à la
publicité de l’administration et, plus tard, la loi du 12 novembre 1997 relative au
même sujet mais d’application dans les provinces et les communes qui avaient
échappé au champ d’application de la première loi.

57
Ces deux lois furent complétées par la suite par une loi du 26 juin 2000 qui assura
leur conformité à la directive 90/313/CEE du 7 juin 1990 susvisée.
Nous nous bornerons à examiner cette loi du 11 avril 1994 qui est la première à
être intervenue et qui a eu pour objectif de traduire tant les recommandations
européennes que l’article 32 de la Constitution et apporté ainsi « un véritable
tremblement de terre du point de vue de la culture administrative existante » comme on peut le
lire dans ses travaux préparatoires.

3. Loi du 11 avril 1994 relative à la publicité de l’administration


a) Champ d’application :
- Autorité administrative
Le champ de la loi du 11 avril 1994 est double : d’une part, il ne concerne que
les autorités administratives fédérales mais, d’autre part, il vise toutes les
autres autorités administratives du pays dans la mesure où cette loi exclut la
publicité pour des motifs tels que la protection de la vie privée ou le maintien
de l’ordre public.
Dans ce dernier cas, les autorités visées sont celles dont il est question à
l’article 14 des lois coordonnées sur le Conseil d’Etat.

- Documents administratifs
Le terme est pris dans son sens le plus large.
Il s’agit de toute information sur quel que support que ce soit dont une
autorité administrative dispose.
A l’instar de ce qui était prévu dans la Constitution, les documents visés sont
tant les documents définitifs que les documents préparatoires.
En outre, on sait que l’objectif de la loi est de permettre aux personnes qui
envisagent d’introduire une action en justice de prendre connaissance du
dossier au préalable.
Le dossier administratif doit donc s’entendre de la manière dont il s’entend
dans le cadre des recours introduits auprès du Conseil d’Etat c’est-à-dire qu’il
doit comporter normalement l’ensemble des documents qui ont été recueillis
au cours de la préparation de l’acte administratif attaqué outre tous les
documents dont l’établissement est requis par les lois et règlements.

- Documents à caractère personnel


Dans l’esprit de l’article 32 de la Constitution, nul n’a besoin à justifier d’un
intérêt pour pouvoir consulter un document administratif.
Le législateur a cependant fait une exception en cette matière en ce qui
concerne les documents personnels.
Par document à caractère personnel, il faut entendre tout document
administratif qui comporte une appréciation ou un jugement de valeur relatif
à une personne physique nommément désignée ou aisément identifiable.

b) Publicité active
On l’a vu précédemment, l’article 32 de la Constitution ne vise que la publicité
passive c’est-à-dire la possibilité pour le citoyen de consulter des dossiers.
Le législateur a voulu aller plus loin et imposer aux autorités fédérales un certain
nombre d’initiatives à prendre en vue d’assurer l’information.
Il s’agit d’abord de la création d’un service d’information fédéral.

58
Il s’agit également de l’obligation pour chaque administration de tenir à
disposition du public un guide décrivant ses compétences et l’organisation de son
fonctionnement.
Il s’agit aussi d’indiquer sur toute correspondance les coordonnées de l’agent chargé
du dossier.
Enfin, les actes administratifs concernés doivent mentionner l’indication des voies
de recours éventuelles, les instances compétentes pour en connaître ainsi que les
formes et délais à respecter, faute de quoi le délai de prescription pour introduire
le recours ne commence pas à courir.

c) Publicité passive :
- Principe
Le droit d’accès aux documents administratifs implique l’existence de trois
droits différents :
1) un droit de regard, c’est-à-dire le droit de prendre connaissance de tout
document administratif ;
2) un droit d’explication c’est-à-dire le droit d’obtenir des explications
complémentaires ;
3) un droit de communication c’est-à-dire le droit de recevoir
communication des documents sous forme de copies et moyennant éventuelle
rétribution.
Ce qui est nouveau par rapport à l’article 32 de la Constitution est le droit
d’explication.

- Exceptions :
● obligatoires
On parle d’exceptions obligatoires dans la mesure où ces exceptions vont
s’appliquer à l’ensemble des administrations du pays puisqu’elles portent sur
des compétences relevant de l’autorité fédérale.
Ces exceptions obligatoires seront soit relatives, soit absolues.

▪ relatives
Une série de cas entraîneront des exceptions dites relatives dans la mesure
où il appartiendra à l’autorité administrative d’opérer chaque fois une
balance des intérêts en présence c’est-à-dire de vérifier si l’intérêt de la
publicité ne l’emporte pas sur une des exceptions énumérées.
Il s’agit de la sécurité de la population ; de la liberté des droits
fondamentaux des administrés ; des relations internationales fédérales de la
Belgique ; de l’ordre public, la sûreté ou la défense nationale ; de la
recherche ou la poursuite faits punissables ; d’un intérêt économique ou
financier fédéral, la monnaie ou le crédit publics, des informations
d’entreprise ou de fabrication ; de l’identité d’une personne ayant
communiqué une information à titre confidentiel.
Dans chacun de ces cas, le fonctionnaire pourrait facilement se prévaloir
de son devoir de discrétion tel qu’il est contenu dans les principes généraux
de la fonction publique.
Il devra, cependant, en outre, mettre en balance le droit constitutionnel du
citoyen et l’intérêt qu’a l’administration au devoir de discrétion de l’agent.
Cela étant, il est évidemment dommage que le législateur n’ait pas plus
clairement réglé l’articulation entre ce devoir de discrétion et ce droit à la

59
publicité bien que l’on sait que le premier dérive d’un arrêté royal
hiérarchiquement subordonné à la loi.

▪ absolues
Il existe trois cas où le législateur a considéré que les autorités
administratives ne pouvaient avoir d’autre choix que de refuser une
demande d’accès aux documents administratifs.
Il s’agit des cas où la demande d’accès porte :
1) sur la protection de la vie privée sauf accord préalable et écrit de la
personne concernée ;
2) sur une obligation de secret instauré par la loi ;
3) sur le secret de délibération du gouvernement fédéral et des autorités
responsables du pouvoir exécutif fédéral ou auquel une autorité fédérale est
associée.

● facultatives
Les exceptions facultatives ne concernent que les autorités administratives
fédérales.
Comme le nom l’indique, les exceptions donnent à l’autorité administrative
le pouvoir de refuser l’accès aux documents administratifs.
Sont ainsi visées les demandes relatives à :
1) un document inachevé ou incomplet dont la divulgation peut être source
de méprise,
2) une opinion communiquée librement et à titre confidentiel à l’autorité ;
3) les demandes manifestement abusives ou dont la formulation est
manifestement trop vague.
- La rétribution
Selon, l’article 12 de la loi : « la réception d’une copie d’un document administratif
peut être soumise au paiement d’une rétribution dont le montant est fixé par le Roi ».
La volonté du législateur était que la rétribution reste raisonnable et ne
puisse pas faire obstacle au bon fonctionnement de la publicité.
Il est exact que, sous l’empire de l’article 32 de la Constitution, certaines
autorités administratives avaient cru pouvoir trouver dans la fixation d’une
redevance élevée, la possibilité de limiter l’accès aux documents
administratifs.
Cette matière est réglée, du moins en ce qui concerne l’exécution de la loi
du 11 avril 1994 par un arrêté royal du 30 août 1996 (MB du 20 septembre
1996).
Il reste curieux que, contrairement à ce qui est indiqué à l’article 3 de la loi
pour la publicité active, l’article 12 ne limite pas la rétribution au prix
coûtant.

- Contrôle
La bonne exécution de la loi est assurée par un contrôle confié, d’une part,
à la Commission d’accès aux documents administratifs et, d’autre part, au
Conseil d’Etat.

● commission d’accès aux documents administratifs


Cette commission est essentiellement une commission consultative qui, sur
demande d’un citoyen, peut remettre un avis sur la régularité du refus
d’accès au document administratif que lui aurait opposé une administration.

60
La commission communique alors son avis non seulement à l’administré
mais également à l’autorité et ce dans les 30 jours de la réception de la
demande.
Au terme de ce délai, l’autorité administrative doit statuer et reconsidérer
la demande.
Sa décision doit intervenir dans les 15 jours, délai au terme duquel la
demande en reconsidération sera rejetée tacitement.

● Conseil d’Etat
La décision prise sur reconsidération ou le rejet présumé peut évidement
faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’Etat bien qu’il s’agisse d’un
recours spécifique visé par la loi du 11 avril 1994.
Il ne s’agira évidemment pas de demander l’annulation de la décision prise
sur base des documents dont l’accès a été refusé.

d) Cumul de législation
« la présente loi ne préjudicie pas aux dispositions législatives qui prévoie une publicité plus
étendue de l’administration. » (art.13).
On l’a vu, les différentes composantes de l’Etat tirent de l’article 32 de la
Constitution le droit de réglementer la publicité de l’administration dans le
champ de leurs compétences.
Cela a, bien évidement, entraîné une prolifération de textes qui peuvent varier
non seulement dans leur champ d’application mais également et surtout dans la
définition de ce que sont les documents administratifs et dans le mode de
formulation des exceptions.
La disposition de l’article 13 ne peut évidement pas être interprété par rapport
aux normes législatives prises par les autres niveaux de pouvoir.
Elle ne peut s’envisager que pour les normes arrêtées par l’autorité fédérale qui
organiserait un régime de publicité moins étendu.
L’application de cette règle a cependant connu déjà quelques difficultés
d’application.

4. Le médiateur
Le médiateur tire son origine de l’institution suédoise de l’Ombudsman (1809).
Il s’agissait essentiellement de permettre au Parlement de contrôler l’administration
parallèlement au monopole royal.
Au fil du temps, cette institution s’est étendue à beaucoup de pays européens.
En Belgique, il a fallu attendre les années 90 pour que l’on retrouve ce mode de
règlement de contentieux administratif au sein des institutions belges.
Le plus significatif est la loi du 22 mars 1995 qui institue des médiateurs fédéraux.
Le médiateur répond généralement à trois critères essentiels :
1) son statut est fixé par un texte adopté par une assemblée législative qui le
nomme et le révoque ;
2) il agit à la demande de l’autorité législative ou sur plainte des administrés qui
justifient un intérêt ;
3) il se prononce en équité, jouit d’un large pouvoir d’investigation, ne dispose
d’aucun pouvoir de décision mais bien d’une « magistrature d’influence ».
L’institution s’est étendue aux institutions communales.
A défaut d’une définition de la mission du médiateur communal par la loi, son
statut variera de commune à commune étant entendu que seul le conseil communal

61
pourra en déterminer le statut dans les limites de la loi organique qui peut varier de
région à région.

B. Contrôle administratif

I Contrôle hiérarchique
Le contrôle hiérarchique est lié au mécanisme de déconcentration administrative :
système d’organisation dans lequel le pouvoir de décision est attribué par délégation
ou subdélégation à des agents publics hiérarchiquement subordonnés.
Par définition, le supérieur hiérarchique, une fois qu’il est défini comme tel, exerce
un contrôle d’office sur l’activité administrative de l’agent subordonné jusqu’à et y
compris pouvoir se substituer à lui.
A cet égard, l’autorité supérieure peut agir sans texte et selon les moyens de son
choix sans être tenue par quelle que conditions de forme ou de délai que ce soit.
L’on peut cependant rencontrer des cas où l’exercice de ce contrôle hiérarchique est
réglé par un texte à portée législative ou réglementaire.

II Contrôle de tutelle
1. Principes
Contrairement au contrôle hiérarchique, le contrôle de tutelle est lié au mécanisme
institutionnel de décentralisation administrative : système d’organisation selon lequel
un pouvoir de décision est confié à des représentants et agents d’une personne
publique autre que l’Etat, les Communautés ou les Régions.
Dans ce régime, l’autonomie est la règle et le contrôle l’exception.
Ainsi, le contrôle n’existera que pour autant qu’il soit prévu par la loi au sens large et
les mécanismes de contrôle seront d’une interprétation restrictive.
Le principe de ce système de contrôle est inscrit à l’article 162 de la Constitution en
ce qui concerne les communes et les provinces.
Sa finalité est exclusivement de vérifier la conformité des décisions des autorités
décentralisées :
- à la loi (tutelle de légalité) ;
- à l’intérêt général (tutelle d’opportunité).
Il est évident qu’à côté de ce régime constitutionnel obligatoire pour les communes
et les provinces, la loi au sens large peut organiser des mises sous tutelle d’autres
organismes.
Il s’agit en général de mécanismes où la part ne sera pas toujours facile à faire entre le
strict contrôle hiérarchique, le contrôle de tutelle voire le contrôle de l’emploi de
fonds financiers.

2. Tutelle générale et tutelle spéciale


Il s’agit de la distinction la plus fondamentale entre les modes de tutelle.
La tutelle est dite générale quand elle est appelée à s’exercer à l’égard de n’importe quel
acte administratif émanant d’une autorité administrative décentralisée.
La tutelle est dite spéciale quand elle porte sur les seuls actes visés par la loi ou le
décret.

62
Quand elle est générale, la tutelle sera facultative dans la mesure où l’autorité de tutelle
ne devra pas nécessairement la mettre en oeuvre et a posteriori dans la mesure où elle
portera sur des décisions déjà prises et qui sortent déjà leurs effets.
Il s’agit, essentiellement, des tutelles de suspension et d’annulation.
En ce qui concerne la tutelle spéciale, elle sera obligatoire en ce sens que l’autorité
devra se prononcer, et préventive dans la mesure où la décision ne pourra être prise
(autorisation) ou sortir ses effets (approbation) qu’après que l’autorité de tutelle se soit
prononcée.
La tutelle spéciale sera dite supplétive ou coercitive quand, sans être obligatoire, elle
aboutit à ce que l’autorité de tutelle se substitue à l’autorité décentralisée (tutelle de
substitution d’action ou de décision).
On retiendra, également, que la tutelle de substitution, ne pourrait, au regard des
principes, porter que sur le contrôle de la légalité et non pas sur le contrôle de la
conformité à l’intérêt général.
La doctrine considère, en effet, qu’il s’agit du mode de tutelle le plus préjudiciable au
principe d’autonomie en telle sorte qu’il ne peut se justifier qu’au regard de la légalité.
Il se peut que des cas de tutelle générale et de tutelle spéciale puissent s’exercer en
concours sur un même acte.
Il faudra évidement se référer à la volonté du législateur pour faire primer l’une sur
l’autre ou, en cas de silence, faire valoir le principe selon lequel le particulier (tutelle
spéciale) déroge au général (tutelle générale).
On peut, également, invoquer le caractère subsidiaire et facultatif de la tutelle générale.

3. Organisation et exercice de la tutelle


L’article 162, alinéa 3 de la Constitution permet de confier aux Communautés et aux
Régions l’organisation et l’exercice de la tutelle administrative.
En exécution de cette disposition, l’article 7 de la loi spéciale de réforme
institutionnelle de 1980 stipule : « […] Les Régions sont compétentes en ce qui concerne
l’organisation et l’exercice de la tutelle administrative sur les provinces, les agglomérations et les
fédérations de communes, les communes et les organes territoriaux intracommunaux visés à l’article 41
de la Constitution.
L’alinéa 1er ne préjudicie pas à la compétence de l’autorité fédérale et des Communautés d’organiser et
d’exercer elle-même une tutelle administrative spécifique dans les matières qui relèvent de leurs
compétences. »
Cette organisation de la tutelle, issue des réformes institutionnelles, aboutit à une
nouvelle distinction entre ce qui sera appelé tutelle ordinaire et tutelle spécifique.
A l’origine, n’était considérée comme tutelle ordinaire que la tutelle organisée par la loi
communale.
Sous l’influence de la jurisprudence du Conseil d’Etat, son champ d’application s’est
cependant élargi.
Par ailleurs, l’autorité régionale, tuteur ordinaire, peut intervenir également comme
autorité de tutelle spécifique dans la mesure où elle règlerait le contrôle d’activité des
autorités décentralisées ayant des compétences particulières telles que, par exemple, les
compétences en matière d’urbanisme.
Par ailleurs, les différents organes législatifs issus de l’Etat fédéral, des Régions et des
Communautés peuvent exercer en concours leur tutelle sur les activités d’un même
organisme.
Ainsi, en matière de fonctionnement des zones de police, les Régions conservent leur
capacité à exercer des formes de tutelle générale alors que la compétence de l’autorité
fédérale d’arrêter des règles de fonctionnement des organes de police et d’en assurer le
contrôle est largement reconnue.

63
Cela ne manque évidement pas de créer certains troubles de compétence en telle sorte
que le législateur spécial s’est senti lui-même obligé de prévoir qu’aucune tutelle ne
peut être exercée sur les mesures disciplinaires prononcées à l’égard de policiers en
exécution de la loi du 13 mai 1999 portant le statut disciplinaire du personnel des
services de police.

III Recours administratifs

1. Recours inorganisé
Le recours gracieux au sens large est un droit reconnu à tout citoyen et procède de la
même nature que le droit de pétition consacré par l’article 28 de la Constitution.
Ces procédures consacrent, en fait, l’initiative spontanée et informelle de tout citoyen
de recourir soit à l’auteur de l’acte, soit à son autorité hiérarchique, soit à son autorité
de contrôle pour tenter de faire retirer, de faire annuler, de faire corriger ou de faire
réformer une décision contestée.
Par nature, ces recours gracieux ne font l’objet d’aucun texte et ne sont donc soumis à
aucune formalité.
Il conviendra, cependant, d’être attentif à ce que l’autorité saisie du recours puisse
intervenir dans les délais prévus le cas échéant par la loi.
De même, ces recours gracieux ne sont pas de nature à suspendre ou à interrompre le
délai pour agir en annulation devant le Conseil d’Etat.

2. Recours organisé
De multiples textes instituent des recours administratifs internes soit auprès de l’auteur
de la décision, soit auprès du supérieur hiérarchique, soit auprès de l’autorité de tutelle.
Par ailleurs, des recours sont parfois organisés auprès d’organes spécialement créés à
l’occasion.
Il est certain que, contrairement au recours gracieux, le recours organisé doit
généralement répondre à un certain nombre de conditions de fond et de forme que
l’autorité elle-même est obligée de respecter pour se prononcer.
Enfin, le citoyen devra, quant à lui, prouver qu’il a utilisé cette voie de recours avant de
saisir, par exemple, le Conseil d’Etat.
C’est d’ailleurs la décision prise sur recours qui devra faire l’objet de la requête en
annulation et non la décision initiale.

C. Contrôle juridictionnel

I Contentieux éclaté
La protection juridictionnelle des droits des citoyens s’articule essentiellement autour
de trois organisations contentieuses portant la première sur le contentieux
constitutionnel, la seconde sur le contentieux judiciaire et la troisième sur le
contentieux administratif.
1. Contentieux constitutionnel
Les réformes institutionnelles ont eu pour conséquence de répartir les compétences
antérieurement exercées uniquement par le pouvoir fédéral entre plusieurs autorités
titulaires de pouvoirs équivalents.

64
Il s’agit de l’autorité fédérale mais également des autorités communautaires et
régionales.
Le risque existait que ces compétences puissent entrer en conflit.
Des mécanismes spécifiques ont été mis en place pour éviter ces conflits ou pour les
régler.
L’article 142 de la Constitution a spécifiquement habilité la Cour d’Arbitrage à régler
les conflits visés à l’article 141 de la Constitution à savoir les conflits entre la loi, le
décret et les règles visées à l’article 134 ainsi qu’entre les décrets et entre les règles
visées à l’article 134.
Par la suite, le constituant a élargi les compétences de la Cour d’Arbitrage à la
violation par une loi, un décret ou une règle visée à l’article 134, les articles 10, 11 et
24 de la Constitution.
Enfin, plus récemment, la Constitution a étendu les compétences de la Cour
d’Arbitrage à la violation par une loi, un décret ou une règle visée à l’article 134 des
articles de la Constitution que la loi détermine.
En exécution de cette dernière modification, la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la
Cour d’Arbitrage a été modifiée en 2003 et précise à présent que la Cour d’Arbitrage
statue par voie d’arrêt sur les recours en annulation en tout ou en partie d’une loi,
d’un décret ou d’une règle visée à l’article 134 de la Constitution pour cause de
violation :
1) des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour
déterminer les compétences respectives de l’Etat, des Communautés et des
Régions ;
2) des articles du titre 2 « des Belges et de leurs droits et des articles 170, 172 et 191 de la
Constitution ».
La Cour d’Arbitrage devient ainsi véritablement une autorité de contrôle, de
conformité des normes législatives à la Constitution et c’est pourquoi en mai 2007 la
Constitution a été modifiée en telle sorte qu’aujourd’hui la Cour d’Arbitrage est
baptisée Cour Constitutionnelle.
2. Contentieux judiciaire
L’article 144 de la Constitution confie aux tribunaux judiciaires les contestations qui
ont pour objet les droits civils.
Il s’agit d’une compétence qualifiée d’exclusive par la Constitution.
Par contre, l’article 145 de la Charte fondamentale ne confie aux tribunaux judiciaires
les contestations portant sur des droits politiques que pour autant que ces
contestations n’aient pas été confiées par la loi à une autre juridiction.
En tout cas, donc, un recours qui tend à protéger un droit subjectif civil à l’égard
d’une autorité administrative relève de la compétence exclusive des tribunaux
judiciaires.
Les notions de droit civil et de droit politique ne sont définies dans aucun texte.
L’on s’accorde cependant à dire :
- que les droits civils sont les droits relatifs à la personne ou à son patrimoine ;
- que les droits politiques sont les droits relatifs à la participation au gouvernement
de la citée, à la jouissance des services et avantages procurés par la puissance
publique.
Il est certain que la ligne de partage entre les deux sera difficile à faire et, par voie de
conséquence, la ligne de partage entre les juridictions de l’ordre judiciaire et les
juridictions de l’ordre administratif peut poser problème.
En réalité, il s’agira essentiellement de définir les champs de compétence respectifs non
pas des juridictions administratives spéciales et des juridictions judiciaires mais bien de
la juridiction administrative à compétence générale que constitue le Conseil d’Etat et

65
les juridictions de l’ordre judiciaire fonctionnant sous l’autorité ultime de la Cour de
Cassation.
Il se peut, en effet, que le contentieux dit objectif, confié à la compétence générale du
Conseil d’Etat, ait des conséquences à ce point importantes sur le contentieux des
droits subjectifs confiés aux tribunaux de l’ordre judiciaire que pour que l’on considère
que le Conseil d’Etat est incompétent.
Comme on le verra plus loin, le Conseil d’Etat est une juridiction de création plus
récente que la Cour de Cassation.
C’est donc à la Cour de Cassation qu’il est revenu de préciser dans sa jurisprudence les
limites des contentieux respectifs.
Pour ce faire, elle a très tôt fait appel au concept de « l’objet véritable du recours ».
Ainsi est-il classiquement admis, par la jurisprudence, que portent sur les droits
subjectifs les recours introduits contre des actes administratifs relatifs aux traitements
ou pensions des fonctionnaires ; aux contrats de travaux de fournitures et de
services etc.

3. Contentieux administratif
Le contentieux administratif a, dès l’origine, tenté de mettre en place des mécanismes
destinés à résoudre les litiges entre l’administration et les particuliers.
Il convient à la fois de protéger les personnes contre l’arbitraire des détenteurs de
l’autorité et de ménager à l’administration des moyens d’action efficaces.
L’on peut constater que dans les différents pays voisins, l’organisation du contentieux
administratif va varier de la création de juridictions spécifiques distinctes des tribunaux
de l’ordre judiciaire à une absence totale de distinction en telle sorte que ce type de
contentieux relève du droit commun.
En Belgique, le choix fait par le constituant de 1831 a témoigné d’une grande confiance
au pouvoir judiciaire en lui accordant une quasi exclusivité.
A l’origine, il n’est pas question d’un Conseil d’Etat avec une compétence
juridictionnelle générale en matière administrative.
Cela ne surprend pas dès lors que le Conseil d’Etat tant français qu’hollandais n’avait
pas laissé de souvenir impérissable aux révolutionnaires belges.
On constate cependant que, dès l’origine, le constituant réserve la possibilité de créer
des juridictions distinctes des juridictions judiciaires pour protéger des droits
politiques.
Dès 1832, une proposition de création d’un Conseil d’Etat ou Conseil administratif
avec compétence d’avis en matière législative est déjà déposée.
Ce projet n’a jamais été abandonné et s’est même développé en même temps que la
frilosité du pouvoir judiciaire à condamner les administrations et ce sous prétexte du
respect du principe de la séparation des pouvoirs.
Cette frilosité fût singulièrement abandonnée lorsque le 5 novembre 1920 la Cour de
Cassation rend son célèbre arrêt «Flandria» 23.
L’histoire retiendra que cet arrêt est rendu alors même que le gouvernement venait de
déposer un projet de création du Conseil d’Etat.
Même si le pouvoir judiciaire s’était ainsi arrogé compétence de pouvoir juger de la
responsabilité des pouvoirs publics, il n’en restait pas moins que l’annulation
proprement dite des décisions des autorités administratives ne pouvait être prononcée.
Avant la seconde guerre mondiale, un projet fut adopté par le Sénat octroyant au
Conseil d’Etat le pouvoir d’annuler des actes illégaux.
C’est sur cette base que fut créé le Conseil d’Etat par la loi du 23 décembre 1946 et
installé finalement le 9 octobre 1948.
23
Cassation 5 novembre 1920 – 1ère partie - p. 192

66
Le contentieux administratif recevait ainsi une autorité juridictionnelle à compétence
générale.
Celle-ci ne sera cependant reconnue par la Constitution qu’en 1993 (art. 160).
Dès la création du Conseil d’Etat, le contentieux administratif s’est développé pour
prendre aujourd’hui une extension d’autant plus considérable que les pouvoirs publics
sont eux-mêmes amenés à intervenir de plus en plus dans la vie économique et sociale.
Il convient également de souligner qu’à côté du Conseil d’Etat, autorité juridictionnelle
à compétence générale, le législateur a créé une multitude de juridictions
administratives à compétence spéciale sur base de l’art. 161 C.

II Juridictions de l’ordre judiciaire

1. Organisation générale

Cour de Cassation
la plus haute instance
judiciaire du pays

Cours d’Assises Cours d’appel


5 Cours d’Appel Cours du Travail
1 par province
Bruxelles, Mons, Liège,
+ 1 à Bruxelles Charleroi, Gand, Anvers

Tribunal correctionnel Tribunal de la Tribunal civil Tribunaux de


Tribunaux de Travail
de 1ère instance Jeunesse de 1ère instance Commerce
1 par arrondissement
1 par arrondissement de 1ère instance 1 par arrondissement 1 par arrondissement
judiciaire
judiciaire 1 par arrondissement judiciaire judiciaire
judiciaire

Tribunaux de police Justice de Paix


1 par canton judiciaire 1 par canton judiciaire

67
2. Compétence générale : droit subjectif
Comme on l’a vu plus haut, la compétence générale des juridictions de l’ordre judiciaire
se rattache à la protection des droits subjectifs mais aussi des droits politiques sauf les
exceptions établies par la loi.
Il est important, également, de relever que quand une juridiction de l’ordre judiciaire
met en cause un acte administratif dans le cadre d’un contentieux portant sur des droits
subjectifs, il ne lui appartiendra en aucune manière d’annuler cet acte administratif.
La Constitution ne donne au pouvoir judiciaire qu’une seule compétence : « les Cours et
Tribunaux n’appliqueront les arrêtés et règlements généraux, provinciaux et locaux que pour autant
qu’ils seront conformes aux lois » (art. 159).
Par contre, ayant constaté l’illégalité d’un acte, le tribunal de l’ordre judiciaire peut
condamner l’auteur de l’acte à réparer le préjudice que cette illégalité aurait entraînée.
Cette compétence distingue fondamentalement les juridictions de l’ordre judiciaire du
Conseil d’Etat.

3. Compétences particulières
a) Contrat de travail
Seules les juridictions du travail sont compétentes pour connaître de
l’interprétation, de l’exécution ou de la dissolution des contrats de travail conclus
entre un agent et une personne morale de droit public. 24 Ainsi donc, le Conseil
d’Etat ne pourrait connaître d’un litige entre une autorité publique et un agent dès
lors qu’il ressort du dossier que les deux parties sont liées par un contrat de travail,
ce qui n’apparaît pas toujours à évidence.
b) Fiscalité
Les contestations relatives à l’application d’une loi d’impôt relèvent des juridictions
de l’ordre judiciaire. 25
La précision est d’importance puisque la fiscalité est reconnue comme étant un
droit politique qui aurait donc pu être confié à une autre instance que l’instance
judiciaire.
On rappellera que l’action à introduire devant le Tribunal de première Instance ne
sera recevable que pour autant que le recours organisé préalable ait été intenté. 26
Il s’agit notamment des recours organisés devant le collège des bourgmestre et
échevins.
c) La sécurité sociale
Les articles 579 à 583 du code judiciaire confient aux juridictions du travail
l’ensemble du contentieux touchant aux droits des salariés en matière de sécurité
sociale.
Il s’agit à nouveau de droits politiques pour lesquels la compétence des tribunaux
judiciaires est donc ainsi confirmée.
Il s’agit aussi surtout d’une clarification des compétences puisque ainsi toutes ces
contestations qui, auparavant relevaient de juridictions administratives diverses,
relèvent dorénavant des juridictions du travail.
d) Expropriation pour cause d’utilité publique
Une large compétence est reconnue en la matière aux juridictions de l’ordre
judiciaire étant entendu que le Conseil d’Etat conserve sa compétence générale tant
que la procédure d’expropriation elle-même n’a pas débuté.

24
Art. 578, 1ère du code judiciaire
25
Art. 569, alinéa 1 et 617 du code judiciaire
26
Art. 85 undecies – code judiciaire

68
III Juridictions administratives spéciales
A. Généralités
1. Organisation
La matière se caractérise par une très grande disparité des juridictions administratives à
compétence spéciale.
Leur nombre s’élève à plus de 250 et, pire, elles ont été créées au hasard des besoins un
peu comme si le législateur, chaque fois qu’il estimait devoir charger une autorité
particulière de gérer une activité déterminée, avait en même temps estimé
indispensable d’en assurer un contrôle par une juridiction administrative.
Elles peuvent être classées en trois catégories :
- les juridictions dont les jugements sont susceptibles d’être déférés à une juridiction
de l’ordre judiciaire ;
- les juridictions dont les décisions relèvent de la compétence du Conseil d’Etat
comme juge d’appel ;
- les juridictions dont les décisions relèvent de la compétence du Conseil d’Etat
comme juge de cassation.
Pour simplifier, dans cette dernière catégorie, il convient également de distinguer les
cas où le législateur a clairement confié la compétence au Conseil d’Etat et les cas où il
est resté muet et où la jurisprudence tant de la Cour de Cassation que du Conseil d’Etat
s’accorde à reconnaître une compétence générale de cassation du Conseil d’Etat.

2. Caractéristiques
La juridiction administrative se caractérisera par trois traits spécifiques :
- leur création suppose l’intervention du législateur au sens large ;
- leur décision doit être motivée ;
- leur décision est revêtue de l’autorité de la chose jugée.
Déterminer si on a affaire à une juridiction administrative ou une autorité
administrative, c’est s’interroger sur certains critères organiques (impartialité et
indépendance des juges) ; sur certains critères formels (procédures rigoureuses,
contradictions des débats, publicité des audiences, obligation de statuer) et sur certains
critères matériels (compétence de trancher des contestations).

B. Enumération exemplative
1- La Cour des Comptes, instituée par l’article 180 de la Constitution en qualité
d’organe collatéral du Parlement, exerce une mission juridictionnelle dès lors qu’elle est
appelée à se prononcer sur la gestion d’un comptable public.

2. La députation permanente du Conseil Provincial


La députation permanente exerce également des compétences juridictionnelles
notamment en matière électorale.
En la matière, des textes précis arrêtent la procédure.
A Bruxelles, ces compétences juridictionnelles sont exercées par un collège
juridictionnel spécialement institué à cet effet. 27

3. Juridictions ordinales et professionnelles

27
art. 83 quinquies, § 2 de la loi spéciale du 12 janvier 1989 relative aux institutions
bruxelloises.

69
Lorsqu’ils sont appelés à sanctionner les manquements disciplinaires de leurs membres,
les ordres professionnels (médecins, pharmaciens, architectes, avocats, vétérinaires)
accomplissent une mission juridictionnelle.
Les organisations professionnelles (instituts des réviseurs d’entreprises, des experts
comptables, des conseils fiscaux, des juristes d’entreprises) statuent également comme
organe juridictionnel quand elles siègent en commission de discipline.

4. Conseil de la concurrence
L’organisme créé par la loi du 5 août 1991 sur la protection de la concurrence
économique statue comme juridiction administrative quand il se prononce sur le
caractère admissible ou non de pratiques restrictives de concurrence ou encore de
concentration d’entreprises.

5. La Commission pour l’aide aux victimes d’actes intentionnels de violence.


Quand cette commission se prononce sur l’octroi d’une aide financière à une victime,
elle agit comme autorité juridictionnelle.

6. La Commission spéciale pour l’indemnisation de détentions préventives


Cette commission statue en appel de la décision du Ministre de la Justice relative à une
compensation pécuniaire réclamée par des citoyens demeurés en détention préventive.

IV Le Conseil d’Etat

A. Organisation générale
Comme on le verra, le Conseil d’Etat est composé d’une section de législation et d’une
section d’administration.
Le Conseil d’Etat comprend dans son ensemble :
- un 1er président, un président ; 12 présidents de chambre et 28 conseillers d’Etat que
l’on appelle les membres du Conseil d’Etat ;
- un auditeur général, un auditeur général-adjoint, 12 premiers auditeurs chefs de
section et 56 premiers auditeurs et auditeurs-adjoints que l’on appelle l’auditorat ;
- deux premiers référendaires chefs de sections et 12 premiers référendaires et
référendaires adjoints que l’on appelle le bureau de coordination.
Le Conseil d’Etat est composé de 15 chambres qui comprennent chacune trois
membres.
On ajoutera dix assesseurs rattachés à la section de législation choisis pour un terme de
cinq ans renouvelable parmi les professeurs d’université, les avocats et les hauts
fonctionnaires.

B. La section de législation
Au travers de cette section, le Conseil d’Etat exerce exclusivement une mission
consultative en répondant au souci du constituant de garantir le respect de l’état de
droit et la qualité légistique et formelle des textes.
La loi détermine les cas dans lesquels la section de législation peut ou doit être
consultée.
Il s’agit d’une formalité substantielle quand elle est obligatoirement prévue.

70
C. La section d’administration
1. compétence d’avis
Il s’agit d’une compétence relativement marginale du Conseil d’Etat dans la mesure où
l’avis demandé ne peut porter que sur une question purement administrative, non
litigieuse et la demande doit être précise.

2. compétence juridictionnelle
► le contentieux de l’indemnité
La section d’administration peut décider en équité de faire droit à des demandes
d’indemnité relatives à la réparation d’un dommage exceptionnel moral ou matériel
causé par une autorité administrative et ce pour autant qu’il n’existe pas une
juridiction compétente.
Le fait qu’il ne peut exister d’autres juridictions compétentes empêche que
l’autorité administrative en question puisse être responsable au sens des
dispositions du code civil auquel cas elle relève de la compétence des tribunaux
judiciaires. 28
► le contentieux de pleine juridiction
Dans pareil cas, le Conseil d’Etat ne se limite pas à annuler une décision mais en
prend une nouvelle qui se substitue à la première.
Les cas dans lesquels le Conseil d’Etat dispose de pareille compétence sont
limitativement énumérés aux articles 16 et 16bis des lois coordonnées sur le
Conseil d’Etat.
► le contentieux de cassation
Le Conseil d’Etat peut statuer en tant que juridiction de cassation contre les
décisions contentieuses administratives prises par des juridictions administratives
spéciales.
Comme on l’a vu, cette compétence de cassation est ou non prévue par un texte.
► le contentieux d’annulation
Le Conseil d’Etat peut annuler des actes unilatéraux pris par les autorités
administratives dans l’exercice de l’administration active.
Il s’agit évidement de la compétence la plus importante du Conseil d’Etat sur
laquelle il convient de s’attarder un peu.

D. Contentieux d’annulation
1. Conditions de recevabilité
- l’acte attaqué : il doit s’agir d’un acte administratif unilatéral émanant d’une autorité
administrative et produisant des effets qui sont de nature à faire grief ;
- l’intérêt à agir : la décision attaquée doit être susceptible de faire grief au requérant.
Cet intérêt doit être personnel ou fonctionnel, direct, certain, légitime et actuel.

2. Eléments de procédure : glossaire


- la procédure est écrite, inquisitoire et contradictoire ;
- la procédure commence par l’introduction d’une requête, se poursuit avec l’échange
de mémoire en réponse, mémoire en réplique et dernier mémoire et nécessite également un
rapport d’auditeur ;
- le Conseil d’Etat peut être saisi par des référés administratifs en urgence ou même en
extrême urgence ;
- dans certaines conditions, le Conseil d’Etat peut prononcer des astreintes ;
- le Conseil d’Etat peut être amené à poser des questions préjudicielles ;

28
Art. 1382 et suivant

71
- il existe un pourvoi en cassation contre les arrêts du Conseil d’Etat.

La responsabilité
A. Généralités
1. Responsabilité comme forme de contrôle
Le concept de responsabilité est intimement lié à celui de faute puisque la recherche
de celle-ci implique un droit de regard suffisant que pour constater et sanctionner la
faute et en réparer les conséquences.
Cette mission appartient largement au pouvoir judiciaire même si on ne peut sous-
estimer l’importance des autorités administratives de contrôle qu’il s’agisse des
autorités hiérarchiques ou de tutelle.
La faute vise toute erreur de comportement qu’il y ait faute grave ou simple
négligence.
Elle peut être sanctionnée tant sur le plan civil que sur le plan pénal.
Dans certaines circonstances, l’administration peut se voir condamner à indemniser
alors même qu’elle n’aurait commis aucune faute.
Une première distinction à clarifier est celle entre les concepts de responsabilité
pénale et de responsabilité civile.

2. Responsabilité pénale
Les fautes pénales ne sont évidement pas toutes de même importance.
Le code pénal les classifie en contraventions, délits et crimes.
C’est l’occasion de rappeler qu’en matière pénale, plus que dans toutes autres
matières, le législateur doit garantir le principe de la liberté individuelle en telle sorte
que « nul ne peut être poursuivi que dans les cas prévus par la loi et dans la forme qu’elle prescrit. »
(art. 12 C) étant entendu qu’il ne peut donc y avoir de « faute pénale » sans loi.
Par ailleurs, l’infraction pénale au sens large ne peut traditionnellement mettre en
cause que des individus clairement déterminés même si cela n’empêche pas la
participation de plusieurs personnes au même crime ou délit.
Cette individualisation des infractions justifie l’existence de concepts tels que « causes
d’excuse », « causes de justification » ou « circonstances atténuantes ».
Outre les diverses infractions prévues par le code pénal, d’autres lois, décrets ou
ordonnances peuvent également prévoir des sanctions de nature pénale par rapport
aux obligations qu’elles imposent.
L’interventionnisme de plus en plus important des pouvoirs publics et l’inflation
législative qui l’accompagne a multiplié à cet égard les possibilités de sanctions et de
poursuites pénales.
La législation sociale en est un bel exemple avec d’ailleurs la création de l’auditorat du
travail plus spécialement chargé de poursuivre et de requérir en matière d’infraction à
ladite législation.
Comme on le verra plus loin, le principe même de l’individualisation des sanctions et
des peines a reçu une exception importante par l’instauration du principe de la
responsabilité pénale des personnes morales. 29

3. Responsabilité civile
A l’instar de la responsabilité pénale, la responsabilité civile impliquera en principe
l’existence d’une faute.

29
Art. 5 du code pénal inséré par la loi du 4 mai 1999, modifié par la loi du 26 avril 2002.

72
Cependant si la responsabilité pénale implique une faute commise par rapport à une
interdiction légale bien précise, la responsabilité civile peut être engagée d’une
manière beaucoup plus large dans la mesure où l’essentiel de la matière se trouve être
une disposition générale contenue dans le code civil à savoir l’article 1382 stipulant :
« tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il
est arrivé à le réparer ».
Par l’action de ses agents, l’administration va voir sa responsabilité civile pouvoir être
engagée sur cette base.
L’on verra même qu’il ne sera pas indispensable d’identifier une personne physique
responsable d’une faute, au sens de l’article 1382 du code civil, pour pouvoir engager
la responsabilité de l’administration dès lors que la simple abstention d’agir peut
entraîner la responsabilité.
Il convient d’ores et déjà également de signaler que la responsabilité de
l’administration pourra être engagée automatiquement sur base de dispositions
spécifiques qui prévoient une présomption de fautes en certains cas.
Ainsi, plus spécialement en ce qui nous concerne, l’on sait que l’article 1384 du code
civil prévoit que les instituteurs sont responsables du dommage causé par leurs élèves
pendant le temps qu’ils sont sous leur surveillance sauf à eux de prouver qu’ils n’ont
pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité.
Cette responsabilité des instituteurs engagera bien évidement l’administration qui les
emploie.
En outre, l’article 1386 crée une présomption de responsabilité dans le chef d’un
propriétaire de bâtiment en ruine suite à un défaut d’entretien ou à un vice de
construction.
C’est aussi l’occasion de rappeler que pour engager la responsabilité, la simple
négligence ou la simple imprudence peut suffire comme le prévoit l’article 1383 du
code civil.

B. Responsabilité pénale

1. L’infraction
La responsabilité pénale s’appuie sur l’existence d’une infraction ou plus précisément
d’un comportement infractionnel.
L’on sait que le code pénal prévoit un certain nombre d’interdictions qui, quand elles
sont enfreintes, constituent des infractions.
Si le code pénal impose généralement l’intention de commettre l’infraction comme
élément constitutif de celle-ci, un certain nombre de comportements infractionnels
peuvent être qualifiés de non intentionnels alors même qu’ils sont susceptibles de
donner lieu à des poursuites pénales.
Si, en ce qui concerne les infractions intentionnelles, l’on peut déduire que l’auteur a
accompli l’acte délictueux en pleine connaissance de cause, il ne s’agit évidemment
pas de la même hypothèse en ce qui concerne les infractions non intentionnelles.
Les infractions non intentionnelles seront soit des « infractions d’imprudence » ou
des « infractions réglementaires ».
L’infraction d’imprudence est basée sur la simple faute en telle sorte que l’auteur se
rend coupable par exemple de coups et de blessures involontaires ou d’homicide du
simple fait de son action irréfléchie (code pénal – article 418/420).
A côté de ces infractions d’imprudence qui sont classiques, il existe de plus en plus
d’infractions non intentionnelles dites « réglementaires ».
Nous l’avons déjà vu, l’interventionnisme croissant des pouvoirs publics
s’accompagne d’une inflation législative au sens large c’est-à-dire aussi réglementaire.

73
De plus en plus de textes de droit positif viennent réglementer la vie quotidienne et
assortissent leurs prescriptions de sanctions de type pénal.
Ces réglementations sont généralement plus fréquentes en droit social, économique,
fiscal ou urbanistique.

2. L’imputation

a) personne physique
Il n’existe pas en droit belge de responsabilité pénale du fait d’autrui
contrairement à ce qui existe en matière de responsabilité civile.
Dès lors que la peine doit être prononcée à l’égard d’une personne physique, la
responsabilité d’une infraction pénale doit également pouvoir être imputée à une
personne physique.
La jurisprudence belge a consacré le principe de droit selon lequel seule une
personne physique est susceptible de commettre une infraction pénale à
l’exclusion des personnes morales.
Ce principe de droit s’appuie essentiellement sur le fait qu’une personne morale
ne peut avoir d’autres objectifs que les buts qu’elle s’est donnée et qui, par
définition, ne peuvent pas constituer des infractions à la loi pénale.
Par ailleurs, une personne morale n’ayant ni volonté ni conscience individuelle ne
peut en aucun cas se voir reprocher des faits intentionnels de même qu’elle ne
peut se voir sanctionner pénalement.

b) personne morale
- de droit privé
Cette jurisprudence réservant l’imputabilité de faute pénale aux seules
personnes physiques a rencontré de plus en plus de critiques en telle sorte
que le législateur a établi des principes permettant de retenir la responsabilité
pénale de personnes morales.
La loi du 4 mai 1999 a inséré un nouvel article 5 dans le code pénal selon
lequel : « toute personne morale est pénalement responsable des infractions qui sont
intrinsèquement liées à la réalisation de son objet ou à la défense de ses intérêts, ou de celles
dont les faits concrets démontrent qu’elles ont été commises pour son compte. »
L’on constate donc d’emblée que la responsabilité pénale de la personne
morale ne pourra jouer que pour autant que l’infraction soit intrinsèquement
liée à la réalisation de l’objet social de la personne morale.
Cela signifie qu’il appartiendra au juge de rechercher au travers des statuts si
l’infraction commise l’a été à l’occasion de la réalisation de l’objet social.
Ce n’est que dans l’affirmative que la responsabilité pénale de la personne
morale sera retenue.
Il est évident également que l’élément intentionnel sera déterminant dans la
recherche de l’existence d’une responsabilité pénale dans le chef de la
personne morale.
Autrement dit, le juge devra vérifier si la personne morale n’est pas plus
victime que bénéficiaire des faits délictueux.
Il s’agit là d’une délimitation importante à la responsabilité pénale des
personnes morales.
Une autre limitation est contenue dans l’alinéa 2 du même article 5 du code
pénal qui prescrit : « lorsque la responsabilité de la personne morale est engagée
exclusivement en raison de l’intervention d’une personne physique identifiée, seule la
personne qui a commis la faute la plus grave peut être condamnée.

74
Si la personne physique identifiée a commis la faute sciemment et volontairement, elle peut
être condamnée en même temps que la personne morale responsable ».
Cet article 5 contient donc une règle de responsabilité alternative qui peut
exonérer la responsabilité pénale de la personne morale.
Il appartiendra au juge à estimer la gravité de la faute commise par la
personne physique au service de la personne morale.
Il est bien entendu que tant la personne morale que la personne physique
peuvent être poursuivies mais seule la personne qui a commis la faute la plus
grave sera condamnée.
Dans cette responsabilité alternative, l’alinéa 2 contient une règle de cumul de
responsabilité pour autant que la personne physique ait « sciemment et
volontairement » commis la faute.
Cette évaluation est évidement d’autant plus difficile qu’elle peut s’appliquer
aussi bien aux infractions intentionnelles qu’aux infractions non
intentionnelles. 30
Dans la pratique, la fonction exercée par la personne physique au sein de la
personne morale sera le critère le plus régulièrement retenu.
Le juge examine aussi dans les faits si la personne physique pouvait ou non
ignorer les faits et ses conséquences.

- de droit public
L’article 5 du code pénal est également applicable aux personnes morales de
droit public à l’exception cependant de l’Etat fédéral, des Régions, des
Communautés, des communes, des zones de police pluricommunales, des
CPAS, des provinces … c’est-à-dire de toutes les collectivités publiques qui
disposent d’un organe élu démocratiquement.
L’explication en est que ces personnes morales de droit public n’ont pas un
objet social aussi clairement défini que les autres puisqu’elles sont chargées
globalement de servir « l’intérêt général » et que, par définition, la faute
pénale ne peut être conforme à pareil objet social.
Cette discrimination pouvait cependant poser question par rapport au
principe d’égalité devant la loi et la Cour d’Arbitrage a eu l’occasion de
rencontrer cette problématique dans son arrêt n° 128/2002 du 10/07/02: « le
législateur a pu raisonnablement redouter, s’il rendait ces personnes morales pénalement
responsables, d’étendre une responsabilité pénale collective à des situations où elle comporte
plus d’inconvénients que d’avantages, notamment en suscitant des plaintes dont l’objectif
réel serait de mener par la voie pénale, des combats qui doivent se traiter par la voie
politique ».
En conséquence, la Cour estime que le législateur a procédé à une distinction
justifiée en la matière.
Il convient, cependant, de souligner que le législateur a prévu, dans la
nouvelle loi communale, mécanismes de garantie visant à soulager les
mandataires locaux dont la responsabilité serait mise en cause.
Il s’agit des dispositifs prévus à l’article 271bis, 271ter de la nouvelle loi
communale.
Il s’agit essentiellement de permettre aux mandataires locaux de pouvoir
appeler la commune en garantie des conséquences civiles de condamnations
pénales.

30
Cass. 4 mars 2003 R.W. 2003/2004 p. 1022

75
C. Responsabilité civile

1. Responsabilité de l’Etat
a) responsabilité de l’Etat législateur
Il est communément admis que les dommages causés par l’application d’une loi,
d’un décret ou d’une ordonnance ne sont pas de nature à engager la
responsabilité des pouvoirs publics.
C’est cependant ignorer une jurisprudence relativement récente de la Cour de
justice des Communautés européennes qui estime que la violation d’une règle
communautaire par un état membre ouvre un droit à réparation pourvu que la
règle communautaire violée ait pour effet de conférer des droits aux particuliers,
que la violation de droit communautaire soit évidente et qu’il existe évidement un
lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi.
La doctrine s’accorde de plus en plus à considérer, sur cette base, que le juge
puisse se déclarer compétent pour connaître d’une action en responsabilité de
l’Etat qui dans sa fonction législative violerait les règles de droit international
doté d’effet direct ou même la Constitution.
Une jurisprudence en ce sens commence à se faire jour.

b) responsabilité de l’Etat juge


Un juge ou un officier du ministère public qui, dans l’exercice de ses fonctions,
commettrait une faute engage l’Etat et la responsabilité de l’Etat dans la
réparation du préjudice lié à cette faute.
Ni la séparation des pouvoirs, ni l’indépendance du pouvoir judiciaire, ni
l’autorité de la chose jugée ne font obstacle à pareille responsabilité.
La réparation, cependant, ne pourra être ordonnée que si la décision litigieuse a
été supprimée par une nouvelle décision passée en force de chose jugée.
De surcroît, il faudra établir que le magistrat a violé une norme selon laquelle il
devait soit s’abstenir, soit agir de manière déterminée.
En ce qui concerne l’erreur qui serait commise dans l’interprétation ou
l’application d’une norme, elle ne sera considérée fautive que si elle consiste en
une erreur de conduite que n’aurait pas commise le magistrat normalement
soigneux et prudent placé dans les mêmes conditions.

c) responsabilité de l’Etat gouvernement


La responsabilité du pouvoir exécutif, symbole classique de l’administration, est
déjà plus ancienne.
Aujourd’hui nul ne peut nier que la faute de l’administration, voire du
gouvernement lui-même, dans l’accomplissement d’un acte ou dans l’abstention
d’agir peut être déduite d’une méconnaissance d’une disposition légale
particulière mais aussi d’un principe général de droit comme par exemple
l’obligation générale de prudence et de diligence.
La responsabilité de l’autorité administrative sera engagée non seulement par des
actes individuels mais peut l’être également à l’occasion de l’exercice du pouvoir
réglementaire voire même du non exercice de ce dernier.
Ces principes ont été dégagés au terme d’un long processus dont il convient de
retracer les grandes étapes.

76
2. Responsabilité de l’administration

a) historique
Pendant près d’un siècle, la Cour de Cassation a considéré, à quelques exceptions
près, que les juridictions de l’ordre judiciaire n’étaient pas compétentes pour
sanctionner l’erreur de l’administration dans la mesure où cela aboutissait à
contrôler le pouvoir exécutif.
Une subtile distinction était opérée entre l’administration agissant en tant que
pouvoir public et l’administration agissant en tant que personne privée.
Dans cette seconde hypothèse, la responsabilité de l’Etat pouvait être engagée
étant entendu que les plaignants ne disposaient pas de voies de recours en
réparation du préjudice subi.
Par son arrêt « La Flandria » du 5 novembre 1920, la Cour de Cassation
abandonne définitivement la distinction entre l’activité publique et l’activité
privée et pose le principe qu’en égard aux dispositions constitutionnelles, le
pouvoir judiciaire est compétent pour ordonner la réparation du préjudice causé
par la faute d’une personne morale de droit public.
La Cour de Cassation pose également le principe que, dans l’exercice de son
action, l’administration est soumise aux règles fixées par les articles 1382 et
suivants du code civil consacrant la responsabilité générale civile.
Dans un premier temps, la jurisprudence excluait encore toute responsabilité de
l’administration si celle-ci disposait d’un pouvoir d’appréciation.
Il n’en est plus rien aujourd’hui puisqu’il est admis que l’administration est tenue
de répondre devant le juge du judiciaire de sa négligence ou de son imprudence
et plus généralement que toute décision entachée d’excès de pouvoir est
génératrice de responsabilité lorsqu’un lien est établi entre l’illégalité de la
décision et du dommage.

b) responsabilité sans faute


Une évolution remarquable relativement récente a eu pour conséquence que le
juge a considéré que la responsabilité de l’administration pouvait être engagée
même en l’absence de toute faute dès lors que l’équilibre entre les droits
respectifs des propriétaires est rompu par exemple par l’exécution de travaux
publics.
Il est ainsi fait application à l’administration des conséquences de la théorie des
troubles de voisinage prévue à l’article 544 du code civil.
Le juge se déclarera compétent non seulement pour condamner l’administration
au paiement de dommages et intérêts mais aussi pour ordonner la réparation en
nature du préjudice causé par elle et, enfin, pour lui prescrire les mesures visant à
mettre fin à l’illégalité dommageable.
Par ailleurs, l’on retiendra également que les règles de responsabilité civiles
générales, prévoyant notamment la présomption de responsabilité même en cas
d’absence de fautes telles qu’elles sont prévues par les articles 1382 et suivants,
sont retenues à charge de l’administration.

c) organes v/ préposés
Il est évident que la faute de l’administration suppose une action ou une
négligence d’un agent, personne physique.
Il ne peut donc s’agir que d’une responsabilité pour des actes d’autrui.

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Dès l’origine, il est apparu essentiel de déterminer le critère sur base duquel la
responsabilité publique pourra être engagée.
C’est de cette réflexion que naquit la théorie de l’organe en vertu de laquelle l’acte
administratif engagera directement la responsabilité de l’autorité publique lorsque
la personne physique, à l’origine de la mise en cause de la responsabilité, a agi en
qualité d’organe et pour autant en l’espèce qu’elle ait agi dans les limites de ses
fonctions.
En pareil cas, la faute de l’agent sera considérée comme étant celle de l’autorité
elle-même.
Ce sera alors à l’autorité de prouver que l’agent n’a pas agi dans les limites de ses
fonctions, qu’il ne s’agissait pas d’un acte qu’il devait ou pouvait poser pour se
voir exonérer de sa responsabilité.
En revanche, si l’auteur de l’acte préjudiciable est considéré comme un préposé,
la responsabilité de l’autorité publique pour des faits commis par lui pendant le
service est indirecte.
Il suffira cependant que l’acte ait été posé à l’occasion de l’exercice des fonctions
de l’agent pour que la responsabilité de l’administration soit engagée.
Il s’agit du jeu normal des responsabilités basées, d’une part, sur l’article 1382 du
code civil (organe) et, d’autre part, sur l’article 1384, alinéa 3 du code civil
(préposé).
La distinction entre l’agent organe et l’agent préposé n’a jamais été précisée dans
la loi et a été affinée au fil du temps par la doctrine et la jurisprudence.
Ainsi, les agents d’une administration seront considérés comme « organes » de
celle-ci lorsqu’ils disposent en raison de l’autorité dont ils sont revêtus du
pouvoir de prendre des décisions juridiques pour le compte de la personne
publique.
D’une manière assez caricaturale, on a dès lors considéré que l’agent nommé
sous statut devait être considéré comme « organe » et l’agent sous contrat comme
« préposé ».
Cette double distinction « organe-préposé » et « statut- contrat » a eu l’avantage
de mettre en évidence l’inadéquation de ces théories au regard du principe
d’égalité.
Il faut en effet savoir, que la conséquence théorique de la théorie de l’organe est
de créer une totale identité, par transparence, entre l’agent, personne physique, et
l’administration, personne morale.
Ainsi, le juge pénal sera amené à considérer qu’une administration directement
responsable du fait de son organe n’a pas à répondre devant lui des conséquences
civiles de la faute de l’agent, puisque ce serait consacrer le fait que
l’administration, personne morale, a commis l’infraction.
En revanche, le juge pénal acceptera de tenir l’administration pour civilement
responsable des actes de son agent préposé qui a agi pour son compte.
L’organe poursuivi devant le juge pénal se retrouvera donc seul devant celui-ci là
où le préposé aura l’avantage de pouvoir appeler son employeur à la cause en tant
que civilement responsable.
Cette différence de traitement est critiquée.
Cette critique en rencontre une autre dès lors que, contrairement aux agents
contractuels qui bénéficient des dispositions de l’article 18 de la loi du 3 juillet
1978, les agents sous statut doivent répondre vis-à-vis de leur employeur non
seulement de leurs fautes lourdes ou de leurs fautes légères habituelles mais aussi
d’une faute légère purement occasionnelle ayant causé un préjudice à des tiers.

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Cette différence de traitement entre les agents statutaires et les agents
contractuels a été jugée discriminatoire par la Cour d’Arbitrage.
Ces discriminations ont amené le législateur à intervenir.

3. Responsabilité des agents


a) Généralité
Le législateur a voulu supprimer les critiques touchant à l’inégalité des agents au
service d’une personne publique suivant qu’ils étaient statutaires ou contractuels.
Comme dit plus haut, cette inégalité provenait :
1) de la différence entre le régime instauré pour les agents sous contrat et les agents
sous statut ;
2) de la différence entre organe et préposé.
Le législateur a donc voulu mettre fin à ces inégalités en adoptant la loi du 10
février 2003 relative à la responsabilité des et pour les membres du personnel au
service des personnes publiques.
Il s’agit de régler tant la responsabilité civile et personnelle des agents travaillant au
service des autorités publiques que la responsabilité des personnes publiques
appelées à répondre des fautes de leurs agents.

b) Champ d’application
● La loi fixe un régime de responsabilité civile pour l’ensemble de la fonction
publique et ce à tous les niveaux : régional, communautaire, fédéral ou local.
Seul le législateur fédéral est compétent pour agir ainsi ayant la compétence pour
régler la problématique de la responsabilité.
Il reste que les législateurs particuliers peuvent éventuellement compléter ce régime
principal de même que les organes compétents statutairement en ce qui concerne
les autres personnes morales de droit public.
Ainsi, en ce qui concerne les agents communaux, il appartiendra au conseil
communal, le cas échéant, de prévoir une assurance en responsabilité pour ses
agents étant entendu que l’autorité régionale pourrait réglementer la matière pour
l’ensemble des communes de la région.
● La loi vise les membres du personnel « au service » des personnes publiques.
En utilisant l’expression « au service », le législateur souhaite supprimer la
distinction faite entre le personnel d’exécution et le personnel dirigeant, distinction
qui est à l’origine du régime discriminatoire entre les organes et les préposés.
Il reste que le lien de subordination entre le membre du personnel et l’autorité
publique reste indispensable.
Ainsi donc la loi ne s’appliquera pas aux représentants indépendants de l’autorité
tels que les mandataires politiques.
Ces derniers restent donc des organes au sens de l’article 1382 du code civil.
La question pourra se poser des fonctionnaires qui siègeraient comme
administrateurs d’un organisme public.
La réponse sera à trouver dans le lien qu’il y a entre sa qualité de fonctionnaire et sa
mission au sein de l’organisme public.
● La loi vise les membres du personnel au service « des personnes publiques ».
L’expression « personnes publiques » a été préférée à des expressions telles que
« personnes morales de droit public » ou « autorités administratives » vu la volonté
du législateur d’inclure dans la loi les agents statutaires travaillant au service
d’organismes ayant emprunté une forme juridique de droit privé.

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La volonté est donc très claire d’élargir au maximum la portée de la loi ce qui peut
se comprendre dans la mesure où l’intention du législateur était de donner un
régime de responsabilité identique à l’ensemble des travailleurs qu’ils appartiennent
au secteur privé ou au secteur public.
● La loi vise l’agent public « dans l’exercice de ses fonctions ».
Le législateur a curieusement utilisé une autre expression que celle contenue dans la
loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail alors même qu’il souhaitait
rapprocher les régimes de responsabilité.
En effet, l’article 18 de la loi du 3 juillet 1978 vise le personnel « dans l’exécution de
son travail » ce qui, notamment, exclut les dommages causés sur le chemin du
travail.
On peut penser a priori que le législateur a ainsi donné la possibilité d’étendre plus
largement l’immunité et donc l’intervention potentielle de l’employeur.
Il appartiendra au juge de confirmer ou non cette conséquence de l’utilisation de
deux expressions différentes.

c) Immunité personnelle
● La loi restreint très clairement la mise en cause de la responsabilité personnelle
d’un agent des services publics.
Selon l’article 2 de la loi du 10 février 2003 ceux-ci n’ont plus à répondre que de
leur dol, de leurs fautes lourdes et de leurs fautes légères lorsque celles-ci
présentent un caractère habituel plutôt qu’accidentel.
Le régime devient donc identique à celui consacré par la loi sur les contrats de
travail.
● La loi prévoit la mise en cause de l’employeur.
On se rappelle qu’une des discriminations à laquelle il convenait de mettre fin était
l’impossibilité pour l’agent ou pour les victimes d’appeler la personne publique en
garantie d’une condamnation à la réparation d’un préjudice dans le cadre d’une
action intentée devant le tribunal pénal au cas où l’agent public était considéré
comme organe.
Conformément à l’article 4 de la loi du 10 février 2003, il sera permis à la personne
publique d’intervenir volontairement devant la juridiction répressive lorsque la
responsabilité d’un agent statutaire est mise en cause de même que les victimes
pourront exiger forcer cette intervention par le biais d’une constitution de partie
civile.
Cette possibilité entraîne d’ailleurs l’obligation pour l’agent d’informer la personne
publique s’il fait l’objet d’une action en dommages et intérêts que ce soit devant la
juridiction civile ou devant la juridiction pénale.

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