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Chap 02 Chimie
Chap 02 Chimie
La chimie du lait
Les principaux constituants du lait sont l’eau, la matière grasse, les protéines, le lactose
(sucre du lait) et les minéraux (sels). Le lait contient également des traces d’autres
substances, telles que des pigments, des enzymes, des vitamines, des phospholipides
(substances avec propriétés lipoïdes), et des gaz.
Le résidu qui reste une fois l’eau et les gaz éliminés est appelé matière sèche ou
teneur en matière sèche totale du lait.
Le lait est un produit très complexe. Pour décrire les différents constituants du lait
et comment ils sont affectés par les différents stades du traitement dans la laiterie,
l’utilisation de la terminologie chimique s’impose. Ce chapitre sur la chimie du lait
commence par conséquent par un bref rappel de certains concepts chimiques de
base.
Les ions
Un atome peut perdre ou gagner un ou plusieurs électrons. Un tel atome n’est plus
neutre électriquement. On l’appelle ion. Si l’ion contient plus d’électrons que de
protons, il est chargé négativement, mais s’il a perdu un ou plusieurs électrons, il est
Electron chargé positivement.
Les ions positifs et négatifs sont toujours présents en même temps; par exemple,
Fig. 2.1 Le noyau de l’atome est dans les solutions, sous la forme de cations (charge positive) et d’anions (charge
constitué de protons et de neutrons.
négative) ou, dans les solides, sous la forme de sels. Le sel de table est constitué
Les électrons tournent autour du
d’ions sodium (Na) et chlore (Cl) et a la formule NaCl (chlorure de sodium).
noyau.
Les molécules
Les atomes du même élément ou d’éléments différents peuvent se combiner en
unités plus grandes appelées molécules. Les molécules peuvent ensuite former des
Diamètre 1 substances solides, par exemple le fer (Fe) ou le silice (SiO2), des liquides, par
Noyau exemple l’eau (H2O), ou des gaz, par exemple l’hydrogène (H2). Si la molécule est
atomique constituée principalement de plusieurs atomes de carbone, d’hydrogène et d’azote,
on dit que le composé formé est organique, c’est-à-dire, produit à partir de cellules
organiques. L’acide lactique (C3H6O3) est un
exemple. Cette formule signifie que la
molécule est constituée de 3 atomes de C2H5OH
carbone, 6 atomes d’hydrogène et 3 atomes Formule moléculaire
d’oxygène.
H H
H C C O
H H H
O Formule développée
H 2O H H
Formule moléculaire Formule développée
H O H
Electron O
C C
Diamètre 10 000
H
Fig. 2.2 Le noyau est si petit par H H H
rapport à l’ensemble de l’atome que s’il H H
avait la taille d’une balle de tennis, la
couche externe d’électrons serait à Fig. 2.3 Trois façons de symboliser Fig. 2.4 Trois façons de symboliser
325 m du centre. une molécule d’eau. une molécule d’alcool éthylique.
Tableau 2.1
Etat physico-chimique du lait de vache.
Composition Emulsion de Solution/ Solution
moyenne type huile suspension vraie
% dans l’eau colloïdale
Humidité 87,0
Matière grasse 4,0 X
Protéines 3,5 X
Lactose 4,7 X
Cendres 0,8 X
Définitions
Emulsion : suspension de gouttelettes d’un liquide dans un autre. Le lait est une
émulsion de type huile dans l’eau, le beurre une émulsion de type eau dans l’huile.
Le liquide finement divisé s’appelle la phase dispersée; l’autre phase est la phase
continue.
Solution colloïdale : lorsque la matière existe dans un état de division intermédiaire Fig. 2.5 Lorsque le lait et la crème
entre la solution vraie (le sucre dans l’eau, par exemple) et la suspension (la craie tournent en beurre, il se produit une
dans l’eau), on dit qu’il s’agit d’une solution colloïdale ou d’une suspension colloïdale. inversion de phase de l’émulsion huile
Les caractéristiques types d’un colloïde sont : dans l’eau en émulsion eau dans
• ses particules de petite taille l’huile.
• sa charge électrique et
• l’affinité de ses particules pour les molécules d’eau.
Dans le lait, les protéines du sérum de fromagerie sont dans une solution
colloïdale, et la caséine dans une suspension colloïdale.
Des substances, telles que les sels, déstabilisent les systèmes colloïdaux en
changeant la fixation de l’eau et en réduisant de ce fait la solubilité des protéines. Des
facteurs tels que la chaleur provoquent le déplissement des protéines du sérum de
fromagerie et une augmentation de l’interaction entre les protéines, ou l’alcool qui
peut agir en déshydratant les particules.
Tableau 2.2
Tailles relatives des particules dans le lait.
Taille (mm) Type de particules
–2 –3
10 à 10 Globules gras
10 –4 à 10 –5 Caséine-phosphates de calcium
10 –5 à 10 –6 Protéines du sérum de fromagerie
10 –6 à 10 –7 Lactose, sels et autres substances dans des
solutions vraies
Réf. : A Dictionary of Dairying par J.G. Davis
Fig. 2.6 Protéines du lait, vues au
microscope électronique.
pH
L’acidité d’une solution dépend de sa concentration en ions hydronium. Elle varie
cependant beaucoup d’une solution à l’autre. Le symbole pH désigne la concentration
en ions hydronium. Mathématiquement, le pH est défini comme étant le logarithme
négatif de base 10 de la concentration en ions hydronium exprimée en molarité, c’est-
OH - OH -
à-dire pH = - log [H+].
H+ Cela donne la règle suivante à 25°C :
OH - OH -
Fig. 2.9 Solution
alcaline avec pH H+ OH - H+
supérieur à 7. pH > 7 – solution alcaline
pH = 7 – solution neutre
pH < 7 – solution acide
Neutralisation
H+
Lorsque l’on mélange un acide à un alcali, les ions hydronium et hydroxyde
OH - H+
réagissent entre eux pour former de l’eau. Si l’on mélange l’acide et l’alcali dans
H+ H+ certaines proportions, le mélange résultant est neutre, sans excès ni des ions
Fig. 2.10 Solution hydronium ni des ions hydroxyde, et avec pH de 7. Cette opération s’appelle une
OH - H+ OH - acide avec pH neutralisation, et la formule chimique
inférieur à 7.
La diffusion
Les particules présentes dans une solution, ions, molécules ou colloïdes, sont
influencées par les forces qui les conduisent à migrer (se diffuser) des zones à forte
concentration vers les zones à faible concentration. Le processus de diffusion se
poursuit jusqu’à l’homogénéité complète de la solution et l’égalisation générale de la
concentration.
{
figure 2.12 est un exemple typique du phénomène d’osmose. Les Eau
tubes en U sont divisés en deux compartiments par une membrane
semi-perméable. La branche gauche est remplie d’eau, la branche a
droite d’une solution sucrée dont les molécules ne peuvent pas
traverser la membrane. Les molécules d’eau traversent alors la
membrane pour se diffuser dans la solution sucrée et se diluer en une
concentration inférieure. Ce processus s’appelle l’osmose.
La solution sucrée augmente de volume lorsqu’elle est diluée. Le
niveau de la solution s’élève (figure 2.12) et la pression hydrostatique Membrane Phase 1 Membrane Phase 2
(a) de la solution sur la membrane devient supérieure à celle de l’eau semi-perméable semi-perméable
de l’autre côté. Dans cet état de déséquilibre, les molécules d’eau Fig. 2.12 Les molécules du sucre sont trop grandes
commencent à revenir en arrière par diffusion dans le sens opposé, pour se diffuser à travers la membrane semi-perméa-
sous l’influence de la pression hydrostatique supérieure dans la ble. Seules les molécules d’eau, qui sont petites,
solution. Lorsque la diffusion de l’eau est égale dans les deux peuvent se diffuser pour égaliser la concentration. “a”
directions, le système est en équilibre. est la pression osmotique de la solution.
Si la pression hydrostatique est appliquée au départ à la solution
Piston Contre-pression
sucrée, il est possible de réduire l’absorption d’eau à travers la
supérieure à “a”
membrane. La pression hydrostatique nécessaire pour éviter
l’égalisation de la concentration par diffusion de l’eau dans la solution
{
sucrée s’appelle la pression osmostique de la solution.
L’osmose inverse a
Si l’on applique à la solution sucrée une pression supérieure à la
pression osmostique, on peut forcer les molécules d’eau à se diffuser
de la solution vers l’eau, et augmenter ainsi la concentration de la
solution. Le processus présenté dans la figure 2.13, utilisé à l’échelle
industrielle pour concentrer les solutions, est appelé osmose inverse. Phase 1 Phase 2
Fig. 2.13 Si l’on applique à la solution sucrée une
La dialyse pression supérieure à la pression osmotique, les
La dialyse est une technique qui utilise la différence de concentration molécules d’eau se diffusent et la concentration de la
comme force motrice pour séparer les grosses particules des petites solution augmente.
dans une solution, par exemple, les protéines des sels. La solution à Eau Protéine
traiter est placée sur un côté d’une membrane, et un solvant (de l’eau)
de l’autre côté. La membrane possède des pores d’un diamètre
suffisant pour laisser passer les petites molécules de sel, mais
insuffisant pour laisser passer les molécules de protéines (figure Sel
2.14).
La vitesse de diffusion varie en fonction de la différence de
concentration, si bien qu’il est possible d’accélérer la dialyse en
changeant fréquemment le solvant de l’autre côté de la membrane.
Membrane perméable
Tableau 2.3
Composition quantitative du lait
Constituants principaux Limites des variations Valeur moyenne
Tableau 2.4
GLYCEROL
ACIDE GRAS
Principaux acides gras dans la matière grasse du lait
ACIDE GRAS
Acide gras % de la teneur Point de fusion Nombre d’atomes
totale en acides gras °C H C O
ACIDE GRAS
Saturés
Acide butyrique 3,0 – 4,5 –7,9 8 4 2 Liquide à
Acide caproïque 1,3 – 2,2 –1,5 12 6 2 température
Acide caprylique 0,8 – 2,5 +16,5 16 8 2 ambiante ACIDE
GLYCEROL
BUTYRIQUE
Doubles liaisons
Fig. 2.20 Formule moléculaire et développée de l’acide stéarique et oléique. Formule développée de l’acide oléique
°C
Cristallisation de la
matière grasse %
70
60
50
40
Refroidis-
30
sement
20
Réaction exothermique*
10
Les aminoacides
Les aminoacides (figure 2.24) sont les “briques” qui constituent la protéine; ils se
distinguent par la présence simultanée, dans la molécule, d’un groupe amino (NH2)
et d’un groupe carboxyle (COOH). Les protéines se forment à partir d’un type
spécifique d’aminoacides, les α-aminoacides, c’est-à-dire ceux qui ont à la fois un
groupe amino et un groupe carboxyle liés au même atome carbone,
l’α-carbone.
Les aminoacides appartiennent à un groupe de composés chimiques qui peuvent
émettre des ions hydronium dans les solutions alcalines et les absorber dans les
solutions acides. Ces composés s’appellent les ampholytes. Les aminoacides
peuvent apparaître :
1 chargés négativement dans les solutions alcalines
2 neutres avec charges + et - égales
3 chargés positivement dans les solutions acides
Les protéines sont construites à partir de 20 aminoacides environ,
dont 18 se trouvent dans les protéines du lait.
Point important concernant l’alimentation, huit (neuf pour les
enfants) de ces 20 aminoacides ne peuvent pas être synthétisés
par l’organisme humain. Comme ils sont nécessaires au maintien
d’un bon métabolisme, ils doivent être fourni par la nourriture. Ces
Aminoacide
aminoacides s’appellent les aminoacides essentiels; ils sont tous
présents dans la protéine du lait.
Le type et l’ordre des aminoacides dans la molécule protéique déterminent la
nature de la protéine. Tout changement dans les aminoacides affectant le type ou la
place dans la chaîne moléculaire peut donner une protéine aux propriétés différentes.
Comme le nombre possible de combinaisons des 18 aminoacides dans une chaîne
contenant 100 à 200 aminoacides est quasiment infini, le nombre de protéines aux NH2 COOH
propriétés différentes est également quasiment infini. La figure 2.24 présente un
modèle d’aminoacide. Les aminoacides se caractérisent par le fait qu’ils contiennent
à la fois un groupe amino légèrement basique (-NH2) et un groupe carboxyle Aminoacide Groupe carboxyle
légèrement acide (-COOH). Ces groupes sont reliés à une chaîne latérale (R).
Fig. 2.23 Modèle d’une molécule
Si la chaîne latérale est polaire, les propriétés hydrophiles du groupe basique et protéique (chaîne d’aminoacides des
du groupe acide, en plus de la chaîne latérale polaire, dominent généralement et groupes amino et carboxyle).
l’ensemble de l’aminoacide attire l’eau et s’y dissout rapidement. Comme cet
aminoacide attire l’eau, on dit qu’il est hydrophile.
OH–
+
H
+
H
Fig. 2.26 Molécules protéiques avec Fig. 2.27 Molécules protéiques Fig. 2.28 PMolécules protéiques
pH ≈ 4,7, le point isoélectrique. avec pH ≈ 1 avec pH ≈ 14
Au pH normal du lait (pH ≈ 6,6), une molécule protéique a une charge résultante
négative (figure 2.25). Comme les charges de même polarité se repoussent, les
molécules protéiques restent séparées.
Si l’on ajoute des ions hydrogène (figure 2.26), ils sont adsorbés par les molécules
protéiques. A un pH où la charge positive de la protéine est égale à la charge
négative, c’est-à-dire où le nombre de groupes NH3+ et COO- est égal sur les chaînes
latérales, la charge nette totale de la protéine est nulle. Les molécules protéiques ne
se repoussent plus mais les charges positives d’une molécule s’enchaînent aux
charges négatives des molécules voisines, et de gros agrégats protéiques se
forment. La protéine se précipite alors à partir de la solution. Le pH auquel cela se
produit est le point isoélectrique de la protéine.
En présence d’un excès d’ions hydrogène, les molécules acquièrent une charge
résultante positive (figure 2.27). Elles se repoussent donc de nouveau et, par suite,
restent en solution.
Si, en revanche, on ajoute une solution fortement alcaline (NaOH), toutes les
protéines acquièrent des charges négatives et se dissolvent.
Tableau 2.5
Concentration des protéines dans le lait
Concentration % du total
dans le lait protéine
g/kg en poids (P/P)
Caséine
αs1-caséine*) 10,0 30,6
αs2-caséine*) 2,6 8,0
β-caséine**) 10,1 30,8
κ-caséine 3,3 10,1
Totalcaséine 26,0 79,5
Protéines du sérum
α-lactalbumine 1,2 3,7
β-lactoglobuline 3,2 9,8
Albumine du sérum sanguin 0,4 1,2
Immunoglobulines 0,7 2,1
Divers (y compris
protéose-peptone) 0,8 2,4
Total protéines du sérum 6,3 19,3
Protéines membranaires
des globules gras 0,4 1,2
Total protéine 32,7 100
La précipitation de la caséine
Une propriété caractéristique de la caséine est sa capacité à précipiter. Du fait de la
nature complexe des molécules caséiques, et de celle des micelles formées à partir 0,5
celles-ci, la précipitation peut être causée par de nombreux agents différents. Il
convient de remarquer qu’il existe une grande différence entre les conditions
optimales de précipitation de la caséine sous la forme micellaire et non micellaire, par
exemple comme caséinate sodique. La description suivante concerne principalement
la précipitation de la caséine micellaire.
Hydratation Neutralisation
Diminution de la Augmentation de
taille des particules la taille des particules
Dissociation Dissociation du Ca à partir
partielle en ions du complexe micellaire
Stabilisation Déstabilisation
pH
Déshydratation Hydratation
Augmentation de la Diminution de la taille
taille des particules des particules
Déstabilisation Stabilisation
Fig. 2.32 Trois stades simplifiés de l’action, sur la caséine, d’un acide et d’un
alcali, respectivement.
α-lactalbumine
Cette protéine peut être considérée comme la protéine type du sérum. On la trouve
dans le lait de tous les mammifères; elle joue un rôle important dans la synthèse du
lactose dans le pis.
β-lactoglobuline
Cette protéine se trouve exclusivement chez les ongulés; chez la vache, c’est la
37
35 –SH
31
29
–SH –SH
Lorsque les protéines sont dénaturées, leur activité biologique cesse. Fig. 2.33 Partie d’une protéine de
Les enzymes, une classe de protéines dont le rôle est de catalyser certaines sérum dans son état initial (gauche) et
réactions, perdent cette capacité une fois dénaturées. La raison est que certaines dans son état dénaturé (droite).
liaisons dans la molécule sont brisées, ce qui change la structure de la protéine.
Après une dénaturation limitée, les protéines peuvent parfois reprendre leur état
initial et voir leurs fonctions biologiques restaurées.
Mais souvent la dénaturation est irréversible. Les protéines d’un œuf dur, par
exemple, ne peuvent pas reprendre leur état initial.
Lait Effet-
tampon
Les enzymes du lait
Les enzymes sont un groupe de protéines produites par les organismes vivants. Ils
important
ont la propriété de déclencher des réactions chimiques et d’affecter le cours et la
vitesse de ces réactions. Les enzymes le font sans être eux-même affectés; c’est
pourquoi on les appelle parfois biocatalyseurs. La figure 2.36 présente le
fonctionnement d’un enzyme.
Addition d’alcali L’action des enzymes est spécifique; chaque type d’enzyme ne catalyse qu’un
Fig. 2.35 Si l’on ajoute un alcali au lait, seul type de réaction.
le pH changement très lentement; il se Deux facteurs qui influencent fortement l’action enzymatique sont la température
produit un effet-tampon considérable et le pH. En règle générale, les enzymes sont très actifs dans une plage de
dans le lait. température optimale, entre 25 et 50°C. Leur activité baisse dès que cette plage
optimale est dépassée, et cesse tout à fait entre 50 et 120°C. A ces températures,
les enzymes sont plus ou moins complètement dénaturés (inactivés). La température
d’inactivation varie d’un type d’enzyme à l’autre, un fait qui a été largement utilisé
pour déterminer le degré de pasteurisation du lait. Les enzymes ont également leur
plage pH optimale; certains sont plus actifs dans les solutions acides, d’autres dans
un environnement alcalin.
Les enzymes du lait proviennent soit du pis de la vache soit des bactéries. Les
premiers sont les constituants normaux du lait; on les appelle enzymes originaux. Les
Fig. 2.36 Un enzyme donné scinde derniers, les enzymes bactériens, varient en type et en abondance suivant la nature
uniquement certaines molécules et et la taille de la population bactérienne. Plusieurs des enzymes du lait sont utilisés
seulement sur certaines liaisons. pour le contrôle de la qualité. Parmi les plus importants, citons la peroxydase, la
catalase, la phosphatase et la lipase.
La peroxydase
La peroxydase transfère l’oxygène du peroxyde d’hydrogène (H2O2) vers d’autres
L’enzyme s’adapte en un point substances facilement oxygénables. Ces enzymes sont inactivés si l’on chauffe le lait
particulier de la chaîne moléculaire, à 80°C pendant quelques secondes, un fait que l’on peut utiliser pour prouver la
où il affaiblit la liaison. présence ou l’absence de peroxydase dans le lait et par conséquent vérifier si l’on
a atteint ou non une température de pasteurisation supérieure à 80°C. Ce contrôle
est appelé épreuve à la peroxydase de Storch.
La catalase
La catalase scinde le peroxyde d’hydrogène en eau et en oxygène libre. En calculant
la quantité d’oxygène que l’enzyme peut libérer dans le lait, il est possible d’évaluer
la teneur en catalase du lait et d’apprendre si le lait provient d’un pis sain ou malade.
Le lait d’un pis malade a une forte teneur en catalase, alors que le lait frais d’un pis
Scission de la molécule. A présent, sain n’en contient qu’une quantité insignifiante. Il existe cependant beaucoup de
l’enzyme est libre d’attaquer une autre
molécule et de la scinder de la même
manière.
La phosphatase
La phosphatase a la propriété de pouvoir scinder certains esters phosphoriques en
acide phosphorique et alcools correspondants. Il est possible de détecter la présence
de phosphatase dans le lait en ajoutant un ester phosphorique et un réactif qui vire
en présence d’alcool libéré. Un changement de couleur révèle que le lait
contient de la phosphatase. Comme la phosphatase est détruite par la
pasteurisation ordinaire (72°C pendant 15 à 20 secondes), on peut
l’utiliser dans le test à la phosphatase pour déterminer si la Acide gras libre
pasteurisation a bien été atteinte. Le test systématique utilisée dans
Glycérol
les laiteries s’appelle le test à la phosphatase selon Scharer.
Il est préférable d’effectuer le test à la phosphatase immédiatement
après le traitement thermique. Dans le cas contraire, il faut refroidir Acide gras libre
le lait à une température inférieure à +5°C et l’y maintenir jusqu’à
l’analyse. L’analyse doit être effectuée le jour même, sinon il peut se
produire un phénomène appelé réactivation; il s’agit de la réactivation
d’un enzyme inactivé, qui donne un résultat positif au test. La crème
est particulièrement sensible à cet égard. Acide gras libre
La lipase
La lipase décompose la matière grasse en glycérol et acides gras Fig. 2.37 Représentation schématique
libres. Un excès d’acides gras libres dans le lait et les produits laitiers de la décomposition de la matière
donne un goût rance. Dans la plupart des cas, l’effet de cet enzyme semble très limité, grasse par l’enzyme lipase.
mais le lait de certaines vaches peut présenter une forte activité lipasique. La quantité
de lipase dans le lait est supposée augmenter vers la fin du cycle de lactation. Dans
une large mesure, la lipase est inactivée par la pasteurisation, mais il faut des
températures plus élevées pour une totale inactivation. Beaucoup de micro-organismes
produisent de la lipase. Cela peut être la cause de nombreux problèmes car cet
enzyme est très résistant à la chaleur.
Le lactose
Le lactose est un sucre présent uniquement dans le lait; il appartient au groupe de
composés chimiques organiques appelés glucides.
Les glucides représentent la source d’énergie la plus importante de notre
alimentation. Le pain et les pommes de terre, par exemple, sont riches en glucides Saccharose Lactose
et offrent un réservoir de nourriture. Ils se décomposent en composés à haute valeur
énergétique, qui peuvent participer à toutes les réactions biochimiques, dans
lesquelles ils fournissent l’énergie nécessaire. Les glucides apportent également la
matière pour la synthèse de certains composés chimiques importants dans le corps.
On les trouve dans les muscles et le foie sous la forme de glycogène.
Le glycogène est un exemple de glucide à poids moléculaire élevé. Citons
également l’amidon et la cellulose. Ces glucides composés, appelés polysaccharides,
ont des molécules géantes constituées de nombreuses molécules du glucose. Dans
le glycogène et l’amidon, les globules sont souvent ramifiés, alors que dans la
cellulose, ils ont l’apparence de longues chaînes droites. Fructose Glucose Galactose
La figure 2.38 présente des disaccharides, c’est-à-dire des glucides composés de
deux types de molécule du sucre. Les molécules du saccharose (sucre de canne Fig. 2.38 Le lactose et le saccharose
ordinaire ou sucre de betterave) sont constituées de deux sucres simples se décomposent en galactose, glucose
(monosaccharides) : le fructose et le glucose. Le lactose (sucre du lait) est un et fructose.
disaccharide, dont la molécule contient les monosaccharides glucose et galactose.
Le tableau 2.3 montre que la teneur en lactose du lait varie entre 3,6 et 5,5%. La
figure 2.39 montre ce qui se produit lorsque les bactéries lactiques attaquent le
lactose. Ces bactéries contiennent un enzyme appelé lactase, qui attaque le lactose
en décomposant ses molécules en glucose et galactose. Les autres enzymes des
bactéries lactiques attaquent ensuite le glucose et le galactose, qui sont ensuite
convertis principalement en acide lactique par le biais de réactions intermédiaires
compliquées. Les enzymes qui interviennent dans ces réactions agissent dans un
Glucose
Galactose Les vitamines du lait
Fig. 2.39 Décomposition du lactose par Les vitamines sont des substances organiques que l’on rencontre dans de très
action enzymatique et formation de faibles concentrations chez les animaux et dans les végétaux. Elles sont essentielles
l’acide lactique. aux processus vitaux élémentaires. Bien que généralement très complexe, la
composition chimique des vitamines est maintenant connue. Les différentes vitamines
sont désignées par des lettres majuscules suivies parfois de chiffres en indice : A, B1,
B2, par exemple.
Le lait contient de nombreuses vitamines. Parmi les plus connues, citons les
vitamines A, B1, B2, C et D. Les vitamines A et D sont solubles dans les graisses, ou
solvants des matières grasses, alors les autres sont solubles dans l’eau.
Le tableau 2.6 indique les différentes vitamines dans un litre de lait de consommation
et les besoins quotidiens en vitamines d’un adulte. Le tableau montre que le lait est
une source riche en vitamines. Le manque de vitamines (avitaminose) peut entraîner
des carences (tableau 2.7).
Tableau 2.6
Vitamines du lait et besoins quotidiens
Quantité dans Besoin quotidien
1 litre de d’un adulte
Vitamine lait (mg) mg
A 0,2 – 2 1 – 2
B1 0,4 1 – 2
B2 1,7 2 – 4
C 5 – 20 30 – 100
D 0,002 0,01
Tableau 2.7
Carences en vitamines et maladies correspondantes
La lipolyse
La décomposition de la matière grasse en glycérol et acides gras s’appelle la lipolyse.
La matière grasse lipolysée a un goût et une odeur rance, causés par la présence
d’acides gras libres de faible poids moléculaire (acide butyrique et acide caproïque).
La lipolyse est provoquée par l’action des lipases et favorisée par des températures
de stockage élevées. Mais la lipase ne peut agir que si les globules ont été
endommagés de façon à exposer la matière grasse. Ensuite seulement, la lipase
peut attaquer les molécules de graisse et les hydrolyser. Au cours des traitements en
laiterie, les globules gras ont souvent l’occasion d’être endommagés, par exemple,
par le pompage, le brassage et la pulvérisation. Il est par conséquent recommandé
d’éviter d’agiter inutilement le lait non pasteurisé, car cela risque de généraliser
l’action de la lipase et de libérer des acides gras, qui donnent un goût rance au lait.
Pour éviter à la lipase de dégrader la matière grasse, il faut l’inactiver par la
pasteurisation haute température, qui détruit complètement les enzymes d’origine.
Les enzymes bactériens sont plus résistants. Même le traitement UHT ne peut les
détruire complètement. (UHT : Ultra-Haute Température; c’est-à-dire jusqu’à 135-
150°C ou plus pendant quelques secondes.)
temp. (°C)
0 70 75 80
La matière grasse
Moyenne de certaines expériences Il a été démontré (Thomé & coll., Milchwissenschaft, 13, 115, 1958) que le phénomène
pratiques de “bouchon de crème” se produit dès 74°C (figure 2.40) lorsque le lait est pasteurisé
Essais en pasteurisateur de laboratoire
entre 70 et 80°C pendant 15 secondes. Différentes théories ont été étudiées, mais
Fig. 2.40 Formation d’un bouchon de il semble que la matière grasse libre libérée cimente les globules gras lorsqu’ils
crème en fonction de la température de entrent en collision. L’homogénéisation est recommandée car elle évite la formation
pasteurisation. Echelle de 0 (pas du bouchon de crème.
d’effet) à 4 (bouchon de crème solide).
Toute la pasteurisation fut de courte
durée (environ 15 s).
Réf. : Thomé & coll.
Les protéines
On a observé que la principale protéine, la caséine, ne peut pas être
Membrane
dénaturée par la chaleur dans les plages normales du pH et de teneur en endommagée.
sel et protéines. La lipolyse de la
Par contre, les protéines du sérum de fromagerie, en particulier la matière grasse
β-lactoglobuline, qui constitue environ 50% des protéine du sérum libère des acides
de fromagerie, sont relativement sensibles à la chaleur. La gras.
dénaturation commence à 65°C et elle presque totale lorsque l’on
chauffe les protéines à 90°C pendant 5 minutes.
La dénaturation par la chaleur des protéines du sérum du lait
est une réaction irréversible. Les protéines, enroulées au hasard,
s’ouvrent, et la β-lactoglobuline en particulier, se lie à la fraction
κ-caséine par des ponts de soufre. La figure 2.42 présente la
transformation globale.
Le blocage d’une grande proportion de la κ-caséine interfère
avec l’aptitude à l’emprésurage du lait, car la présure que l’on
Fig. 2.41 Lorsque la membrane des
utilise dans la fabrication du fromage facilite la scission des globules gras est endommagée, la
micelles caséiques aux emplacements de la κ-caséine. Plus la température de lipolyse peut libérer les acides gras.
pasteurisation est élevée pour un même temps de séjour, plus le coagulum devient
mou; c’est un phénomène indésirable dans la fabrication du fromage à pâte pressée
et demi-pressée. C’est pourquoi il ne faut pas pasteuriser le lait destiné à la
fabrication du fromage, et de toute manière pas à des températures telles que 72°C
pendant 15 à 20 secondes.
Dans le lait destiné aux produits laitiers de culture (yogourt, etc.), la dénaturation
des protéines du sérum de fromagerie et l’interaction avec la caséine obtenue à 90-
95°C pendant 3 à 5 minutes contribuent à améliorer la qualité en réduisant la
synérèse et en obtenant une meilleure viscosité.
Le lait chauffé à 75°C pendant 20 à 60 secondes commence à sentir et à avoir un
goût de “cuit”. Cela est dû à la libération de composés sulfureux de la
β-globuline et d’autres protéines sulfurées.
Dénaturée
(β-lactoglobuline)
Micelles caséiques –
–S
–S
Protéines du sérum du lait –SH Ponts de
(β-lactoglobuline) soufre
–
–SH
–SH –SH
κ-caséine
–SH
–SH
–SH
–SH
–SH
Fig. 2.42 Pendant la dénaturation, la κ-caséine
adhère à la β-lactoglobuline.
Les enzymes
Les enzymes peuvent être inactivés par le chauffage. La température d’inactivation
varie en fonction du type d’enzyme.
Le lactose
Le lactose subit des modifications plus rapidement dans le lait qu’à l’état sec. Aux
températures supérieures à 100°C, une réaction se produit entre le lactose et la
protéine, qui donne une couleur brunâtre. La série de réactions qui se produisent
Aux températures supérieures à entre les groupes amino de résidus aminoacides et les groupes aldéhydes des
100°C, une réaction se produit entre glucides du lait est appelée réaction de Maillard ou réaction de brunissement. Elles
le lactose et les protéines, qui donne ont pour effet de brunir le produit, de modifier le goût et de réduire la valeur
une couleur brunâtre. nutritionnelle, notamment la lysine, l’un des aminoacides essentiels.
Il semble possible de distinguer le lait pasteurisé, le lait UHT et le lait stérilisé par
leur teneur en lactulose. Le lactulose est un épimère du lactose, formé dans le lait
chauffé (Adachi, 1958). On pense qu’il est formé par les groupes amino libres de la
caséine (Adachi & Patton, 1961; Richard & Chandrasekhara, 1960). Martinez Castro
& Olano, 1982, et Geier & Klostermeyer, 1983, ont démontré que le lait pasteurisé,
le lait UHT et le lait stérilisé contiennent différents taux de lactulose : la teneur en
lactulose augmente en même temps que l’intensité du traitement thermique.
Les vitamines
La vitamine C est la plus sensible à la chaleur, surtout en présence d’air et de certains
métaux. Il est possible cependant d’utiliser un échangeur de chaleur à plaques pour
réaliser la pasteurisation en perdant très peu de vitamine C. Les autres vitamines
subissent peu de dommages voire pas du tout avec un chauffage modéré.
Les minéraux
De tous les minéraux du lait, seul le très important hydroxyphosphate de calcium
dans les micelles caséiques est affecté par le chauffage. Lorsqu’elle est chauffée à
plus de 75°C, cette substance perd de l’eau et forme de l’orthophosphate de calcium
insoluble, qui altère les propriétés du lait pour la fabrication du fromage. Il convient
par conséquent de choisir judicieusement la température du traitement.
La densité
La densité du lait de vache varie généralement entre 1,028 et 1,038 g/cm3 selon la
composition.
On peut calculer la densité du lait à 15,5°C en utilisant la formule suivante:
100
d 15,5°C = g/cm3
F MSD
+ + eau
0,93 1,608
F = % matière grasse
MSD = % matière sèche dégraissée
% eau = 100 – F – MSD
100
d 15,5°C = = 1,0306 g/cm3
3,2 8,5
+ + (100 – 3,2 – 8,5)
0,93 1,608
La pression osmotique
La pression osmotique dépend du nombre de molécules ou particules, et non du
poids du soluté. Ainsi, 100 molécules de taille 10 auront 10 fois la pression osmotique
de 10 molécules de taille 100.
Il s’ensuit que pour un poids donné, plus les molécules sont petites, plus la
pression osmotique est élevée.
Tableau 2.8
Pression osmotique dans le lait
Constituant Poids Conc. Pression D % de la pres-
moléculaire normale osmotique °C sion osmotique
% bar totale
Lactose 342 4,7 3,03 0,25 46
Chlorures, NaCl 58,5 ≈ 0,1 1,33 0,11 19
Autres sels, etc. – – 2,42 0,20 35
Total 6,78 0,560 100
Le lait est formé à partir du sang, les deux étant séparés par une membrane
perméable. De ce fait, ils ont la même pression osmotique; autrement dit, le lait est
isotonique avec le sang. La pression osmotique du sang est remarquablement
constante, même si la composition peut varier pour ce qui est des pigments, des
protéines, etc. Les mêmes conditions s’appliquent au lait, la pression osmotique
totale étant constituée comme indiqué dans le tableau 2.8.
Le point de congélation
Le point de congélation du lait est le seul paramètre fiable pour vérifier un mouillage.
Le point de solidification du lait de vache, mesuré individuellement, est compris entre
-0,54 et -0,59°C.
Dans ce contexte, il convient également de mentionner que lorsque le lait est
exposé au traitement haute température (traitement UHT ou stérilisation), la
précipitation de certains phosphates provoque l’augmentation du point de congélation.
La pression interne ou osmotique détermine également la différence de point de
congélation entre la solution et le solvant (eau), si bien que l’abaissement du point
de congélation (D dans le tableau 2.8) sert à évaluer cette pression osmotique.
Lorsque la composition du lait se modifie pour des raisons physiologiques ou
pathologiques (pour cause, par exemple, de lactation tardive et de mastite), le lait est
dit anormal, mais la pression osmotique et, partant, le point de solidification, restent
constants. Le changement le plus caractéristique est la baisse de la teneur en lactose
et l’augmentation de la teneur en chlorure.
L’acidité
L’acidité d’une solution dépend de sa concentration en ions hydronium [H+]. Lorsque
les concentrations en ions [H+] et [OH–] (hydroxyle) sont égales, la solution est dite
neutre. Dans une solution neutre, le nombre de [H+] par litre de la solution est de
1:10 000 000 g ou 10–7.
Le pH représente la concentration en ions hydronium d’une solution; il est
possible de la déterminer mathématiquement comme étant le logarithme négatif de
la concentration en ions hydronium [H+].
pH = – log [H+]
Appliqué à l’exemple ci-dessus, le pH est = - log 10–7 = 7
qui est la valeur type d’une solution neutre. Lorsque [H+] est 1:100 000 g/l ou
Exemple :
1,7 ml de N/10 NaOH sont nécessaires pour titrer un échantillon de 10 ml de lait.
Autrement dit, il faudrait 10 x 1,7 = 17 ml pour 100 ml. L’acidité du lait est par
conséquent de 17°Th.
% composition en poids
12
10 Colostrum
Le premier lait qu’une vache produit après la mise-bas s’appelle le colostrum. Il est
8 très différent du lait normal dans sa composition et ses propriétés. Une caractéristique
très distinctive du colostrum est sa forte teneur en protéines de sérum de fromagerie:
6 environ 11%, contr e environ 0,65% dans le lait nor mal, ainsi qu’illustré dans la figure
Lactose 2.44. Cela a pour effet de coaguler le colostrum lorsqu’il est chauffé. Les
4
immunoglobulines (lg G, dominantes dans le colostrum) représentent une proportion
Matière grasse
relativement importante des protéines du sérum de fromagerie. Elles protègent le
Caséine veau de l’infection jusqu’à l’édification complète de son système immunitaire. Le
2 Protéine du sérum de fromagerie colostrum a une couleur jaune brunâtre, une odeur particulière et un goût plutôt salé.
Sa teneur en catalase et peroxydase est élevée. Quatre à cinq jours après la mise-
Cendres
0
0 1 2 3 4 5 6 7
bas, la vache commence à produire du lait de composition normale, que l’on peut
Jours après vêlage mélanger à d’autres laits.
Fig. 2.44 Modifications dans la
composition du lait de vache après
vêlage.