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Chapitre 2

La chimie du lait
Les principaux constituants du lait sont l’eau, la matière grasse, les protéines, le lactose
(sucre du lait) et les minéraux (sels). Le lait contient également des traces d’autres
substances, telles que des pigments, des enzymes, des vitamines, des phospholipides
(substances avec propriétés lipoïdes), et des gaz.

Le résidu qui reste une fois l’eau et les gaz éliminés est appelé matière sèche ou
teneur en matière sèche totale du lait.
Le lait est un produit très complexe. Pour décrire les différents constituants du lait
et comment ils sont affectés par les différents stades du traitement dans la laiterie,
l’utilisation de la terminologie chimique s’impose. Ce chapitre sur la chimie du lait
commence par conséquent par un bref rappel de certains concepts chimiques de
base.

Manuel de transformation du lait/Chapitre 2 13


Les concepts chimiques de
base
Les atomes
Symboles chimiques de plusieurs L’atome est la plus petite brique de toute matière dans la nature; il est indivisible
éléments courants, présents dans la chimiquement. On appelle élément une substance dans laquelle tous les atomes
matière organique : sont de même type. Il existe plus de 100 éléments connus à ce jour. On trouve, par
C Carbone N Azote exemple, l’oxygène, le carbone, le cuivre, l’hydrogène et le fer. Cependant, la plupart
Cl Chlore Na Sodium des substances que l’on rencontre dans la nature sont composées de plusieurs
H Hydrogène O Oxygène éléments différents. L’air, par exemple, est un mélange d’oxygène, d’azote, de
I Iode P Phosphore dioxyde de carbone et de gaz rares, alors que l’eau est un composé chimique des
K Potassium S Soufre éléments hydrogène et oxygène.
Le noyau de l’atome est constitué de protons et de neutrons (figure 2.1). Les
protons portent une charge unitaire positive, alors que les neutrons sont neutres
électriquement. Les électrons, qui tournent autour du noyau, portent une charge
négative égale et opposée à la charge unitaire des protons.
Un atome contient un nombre égal de protons et d’électrons avec un nombre égal
de charges positives et négatives. L’atome est par conséquent neutre électriquement.
Un atome est de très petite taille (figure 2.2) : il y a autant d’atomes dans une petite
Neutron pièce de cuivre qu’il y a de secondes dans un milliard de millions d’années ! Même
Proton
ainsi, un atome est constitué principalement de vide. Si nous donnons au diamètre
du noyau une valeur de 1, le diamètre de l’ensemble de l’atome est d’environ 10000.

Les ions
Un atome peut perdre ou gagner un ou plusieurs électrons. Un tel atome n’est plus
neutre électriquement. On l’appelle ion. Si l’ion contient plus d’électrons que de
protons, il est chargé négativement, mais s’il a perdu un ou plusieurs électrons, il est
Electron chargé positivement.
Les ions positifs et négatifs sont toujours présents en même temps; par exemple,
Fig. 2.1 Le noyau de l’atome est dans les solutions, sous la forme de cations (charge positive) et d’anions (charge
constitué de protons et de neutrons.
négative) ou, dans les solides, sous la forme de sels. Le sel de table est constitué
Les électrons tournent autour du
d’ions sodium (Na) et chlore (Cl) et a la formule NaCl (chlorure de sodium).
noyau.

Les molécules
Les atomes du même élément ou d’éléments différents peuvent se combiner en
unités plus grandes appelées molécules. Les molécules peuvent ensuite former des
Diamètre 1 substances solides, par exemple le fer (Fe) ou le silice (SiO2), des liquides, par
Noyau exemple l’eau (H2O), ou des gaz, par exemple l’hydrogène (H2). Si la molécule est
atomique constituée principalement de plusieurs atomes de carbone, d’hydrogène et d’azote,
on dit que le composé formé est organique, c’est-à-dire, produit à partir de cellules
organiques. L’acide lactique (C3H6O3) est un
exemple. Cette formule signifie que la
molécule est constituée de 3 atomes de C2H5OH
carbone, 6 atomes d’hydrogène et 3 atomes Formule moléculaire
d’oxygène.
H H
H C C O
H H H
O Formule développée
H 2O H H
Formule moléculaire Formule développée
H O H
Electron O
C C
Diamètre 10 000
H
Fig. 2.2 Le noyau est si petit par H H H
rapport à l’ensemble de l’atome que s’il H H
avait la taille d’une balle de tennis, la
couche externe d’électrons serait à Fig. 2.3 Trois façons de symboliser Fig. 2.4 Trois façons de symboliser
325 m du centre. une molécule d’eau. une molécule d’alcool éthylique.

14 Manuel de transformation du lait/Chapitre 2


Le nombre d’atomes d’une molécule peut varier considérablement. Certaines
molécules sont composées de deux atomes liés, d’autres de centaines d’atomes. Les composés organiques
contiennent principalement du
carbone, de l’oxygène et de
Les propriétés physico-chimiques l’hydrogène.
Les composés inorganiques
de base du lait de vache contiennent principalement d’autres
atomes.
Le lait de vache est constitué d’environ 87 % d’eau et de 13 % de substance sèche.
La substance sèche est en suspension ou dissoute dans l’eau. Selon le type de
solides, il existe différents systèmes de distribution en phase aqueuse.

Tableau 2.1
Etat physico-chimique du lait de vache.
Composition Emulsion de Solution/ Solution
moyenne type huile suspension vraie
% dans l’eau colloïdale
Humidité 87,0
Matière grasse 4,0 X
Protéines 3,5 X
Lactose 4,7 X
Cendres 0,8 X

Définitions
Emulsion : suspension de gouttelettes d’un liquide dans un autre. Le lait est une
émulsion de type huile dans l’eau, le beurre une émulsion de type eau dans l’huile.
Le liquide finement divisé s’appelle la phase dispersée; l’autre phase est la phase
continue.
Solution colloïdale : lorsque la matière existe dans un état de division intermédiaire Fig. 2.5 Lorsque le lait et la crème
entre la solution vraie (le sucre dans l’eau, par exemple) et la suspension (la craie tournent en beurre, il se produit une
dans l’eau), on dit qu’il s’agit d’une solution colloïdale ou d’une suspension colloïdale. inversion de phase de l’émulsion huile
Les caractéristiques types d’un colloïde sont : dans l’eau en émulsion eau dans
• ses particules de petite taille l’huile.
• sa charge électrique et
• l’affinité de ses particules pour les molécules d’eau.

Dans le lait, les protéines du sérum de fromagerie sont dans une solution
colloïdale, et la caséine dans une suspension colloïdale.

Des substances, telles que les sels, déstabilisent les systèmes colloïdaux en
changeant la fixation de l’eau et en réduisant de ce fait la solubilité des protéines. Des
facteurs tels que la chaleur provoquent le déplissement des protéines du sérum de
fromagerie et une augmentation de l’interaction entre les protéines, ou l’alcool qui
peut agir en déshydratant les particules.

Tableau 2.2
Tailles relatives des particules dans le lait.
Taille (mm) Type de particules
–2 –3
10 à 10 Globules gras
10 –4 à 10 –5 Caséine-phosphates de calcium
10 –5 à 10 –6 Protéines du sérum de fromagerie
10 –6 à 10 –7 Lactose, sels et autres substances dans des
solutions vraies
Réf. : A Dictionary of Dairying par J.G. Davis
Fig. 2.6 Protéines du lait, vues au
microscope électronique.

Manuel de transformation du lait/Chapitre 2 15


Solutions vraies : la matière qui, une fois mélangée à l’eau ou d’autres liquides, forme
des solutions vraies, se divise en :
• solutions non ioniques. Lorsque le lactose est dissous dans l’eau, aucun
Na + Cl - changement important ne se produit dans la structure moléculaire du lactose.
Cl - • solutions ioniques. Lorsque le sel de table est dissous dans l’eau, les cations (Na+)
Na + et les anions (Cl–) se dispersent dans l’eau pour former une électrolyte.
Cl -
Na +
L’acidité des solutions
Lorsque l’on mélange de l’acide (par exemple, de l’acide chlorhydrique, HCl) à de
Fig. 2.7 Solution ionique.
l’eau, il libère des ions hydrogène (protons) avec charge positive (H+), qui s’attachent
rapidement aux molécules d’eau pour former des ions hydronium (H3O+).
Lorsque l’on ajoute une base (oxyde métallique ou hydroxyde) à de l’eau, elle
forme une solution basique ou alcaline. Lorsque la base se dissout, elle libère des
ions hydroxyde (OH–).
• Une solution est dite neutre si elle contient un nombre égal d’ions hydroxyde et
H+ OH- H+
hydronium (figure 2.8).
OH- OH- • Une solution est dite alcaline si elle contient plus d’ions hydroxyde que d’ions
Fig. 2.8 Solution hydronium (figure 2.9).
H+ OH- H+ neutre avec pH 7. • Une solution est dite acide si elle contient plus d’ions hydronium que d’ions
hydroxyde (figure 2.10).

pH
L’acidité d’une solution dépend de sa concentration en ions hydronium. Elle varie
cependant beaucoup d’une solution à l’autre. Le symbole pH désigne la concentration
en ions hydronium. Mathématiquement, le pH est défini comme étant le logarithme
négatif de base 10 de la concentration en ions hydronium exprimée en molarité, c’est-
OH - OH -
à-dire pH = - log [H+].
H+ Cela donne la règle suivante à 25°C :
OH - OH -
Fig. 2.9 Solution
alcaline avec pH H+ OH - H+
supérieur à 7. pH > 7 – solution alcaline
pH = 7 – solution neutre
pH < 7 – solution acide

Neutralisation
H+
Lorsque l’on mélange un acide à un alcali, les ions hydronium et hydroxyde
OH - H+
réagissent entre eux pour former de l’eau. Si l’on mélange l’acide et l’alcali dans
H+ H+ certaines proportions, le mélange résultant est neutre, sans excès ni des ions
Fig. 2.10 Solution hydronium ni des ions hydroxyde, et avec pH de 7. Cette opération s’appelle une
OH - H+ OH - acide avec pH neutralisation, et la formule chimique
inférieur à 7.

H3O+ + OH– donne H2O + H2O

La neutralisation entraîne la formation d’un sel. Lorsque l’on mélange l’acide


chlorhydrique (HCl) à l’hydroxyde de sodium (NaOH), les deux réagissent pour
former du chlorure de sodium (NaCl) et de l’eau (H2O). Les sels de l’acide
chlorhydrique sont appelés chlorures, et les autres sels sont nommés de façon
similaire, d’après les acides à partir desquels ils se sont formés : l’acide citrique forme
les citrates, l’acide nitrique les nitrates, etc.

La diffusion
Les particules présentes dans une solution, ions, molécules ou colloïdes, sont
influencées par les forces qui les conduisent à migrer (se diffuser) des zones à forte
concentration vers les zones à faible concentration. Le processus de diffusion se
poursuit jusqu’à l’homogénéité complète de la solution et l’égalisation générale de la
concentration.

16 Manuel de transformation du lait/Chapitre 2


Molécules
de sucre
Le sucre qui se dissout dans une tasse de café est un exemple de
diffusion. Il se dissout rapidement dans la boisson chaude, et les Eau
molécules de sucre se diffusent jusqu’à ce qu’elles soient réparties
uniformément dans la boisson.
La vitesse de diffusion dépend de la vitesse des particules qui, à
leur tour, dépend de la température, de la taille des particules et de
la différence de concentration entre les différentes parties de la
solution.
La figure 2.11 présente le principe du processus de diffusion. Une
membrane perméable divise un tube en U en deux compartiments. Membrane Phase 1 Membrane Phase 2
On remplit d’eau la branche gauche, et la branche droite d’une perméable perméable
solution sucrée dont les molécules peuvent traverser la membrane. Fig. 2.11 Les molécules de sucre se diffusent à
Après un certain temps, par le biais de la diffusion, la concentration travers la membrane perméable et les molécules
s’égalise sur les deux côtés de la membrane. d’eau dans la direction opposée, égalisant ainsi la
concentration de la solution.
L’osmose
L’osmose est le terme utilisé pour décrire le flux spontané de l’eau
Molécules
pure dans une solution aqueuse, ou d’une solution moins concentrée de sucre
vers une solution plus concentrée, séparée par une membrane. La

{
figure 2.12 est un exemple typique du phénomène d’osmose. Les Eau
tubes en U sont divisés en deux compartiments par une membrane
semi-perméable. La branche gauche est remplie d’eau, la branche a
droite d’une solution sucrée dont les molécules ne peuvent pas
traverser la membrane. Les molécules d’eau traversent alors la
membrane pour se diffuser dans la solution sucrée et se diluer en une
concentration inférieure. Ce processus s’appelle l’osmose.
La solution sucrée augmente de volume lorsqu’elle est diluée. Le
niveau de la solution s’élève (figure 2.12) et la pression hydrostatique Membrane Phase 1 Membrane Phase 2
(a) de la solution sur la membrane devient supérieure à celle de l’eau semi-perméable semi-perméable
de l’autre côté. Dans cet état de déséquilibre, les molécules d’eau Fig. 2.12 Les molécules du sucre sont trop grandes
commencent à revenir en arrière par diffusion dans le sens opposé, pour se diffuser à travers la membrane semi-perméa-
sous l’influence de la pression hydrostatique supérieure dans la ble. Seules les molécules d’eau, qui sont petites,
solution. Lorsque la diffusion de l’eau est égale dans les deux peuvent se diffuser pour égaliser la concentration. “a”
directions, le système est en équilibre. est la pression osmotique de la solution.
Si la pression hydrostatique est appliquée au départ à la solution
Piston Contre-pression
sucrée, il est possible de réduire l’absorption d’eau à travers la
supérieure à “a”
membrane. La pression hydrostatique nécessaire pour éviter
l’égalisation de la concentration par diffusion de l’eau dans la solution

{
sucrée s’appelle la pression osmostique de la solution.

L’osmose inverse a
Si l’on applique à la solution sucrée une pression supérieure à la
pression osmostique, on peut forcer les molécules d’eau à se diffuser
de la solution vers l’eau, et augmenter ainsi la concentration de la
solution. Le processus présenté dans la figure 2.13, utilisé à l’échelle
industrielle pour concentrer les solutions, est appelé osmose inverse. Phase 1 Phase 2
Fig. 2.13 Si l’on applique à la solution sucrée une
La dialyse pression supérieure à la pression osmotique, les
La dialyse est une technique qui utilise la différence de concentration molécules d’eau se diffusent et la concentration de la
comme force motrice pour séparer les grosses particules des petites solution augmente.
dans une solution, par exemple, les protéines des sels. La solution à Eau Protéine
traiter est placée sur un côté d’une membrane, et un solvant (de l’eau)
de l’autre côté. La membrane possède des pores d’un diamètre
suffisant pour laisser passer les petites molécules de sel, mais
insuffisant pour laisser passer les molécules de protéines (figure Sel
2.14).
La vitesse de diffusion varie en fonction de la différence de
concentration, si bien qu’il est possible d’accélérer la dialyse en
changeant fréquemment le solvant de l’autre côté de la membrane.
Membrane perméable

Fig. 2.14 La dilution de la solution sur


un côté de la membrane concentre les
grosses molécules alors que les petites
molécules la traversent.

Manuel de transformation du lait/Chapitre 2 17


La composition du lait de vache
Les quantités des différents constituants principaux du lait peuvent varier
considérablement d’une race à l’autre et d’un individu à l’autre d’une même race.
C’est pourquoi nous n’avons indiqué que les valeurs limites des variations. Les
chiffres du tableau 2.3 sont simplement des exemples.
En plus du terme matières sèches totales du lait, le terme matière sèche
dégraissée est utilisé pour décrire la composition du lait. La matière sèche dégraissée
est égale à la teneur en matière sèche totale moins la teneur en matière grasse. La
teneur moyenne en matière sèche dégraissée, selon le tableau 2.3, est par
Globule gras conséquent de 13 - 3,9 = 9,1%. Le pH du lait normal est compris généralement entre
Lait écrémé 6,5 et 6,7, avec 6,6 comme valeur la plus courante. Cette valeur s’applique à une
température de mesure de 25°C.

Tableau 2.3
Composition quantitative du lait
Constituants principaux Limites des variations Valeur moyenne

Fig. 2.15 Regard sur le lait. Eau 85,5 – 89,5 87,5


Matières sèches totales 10,5 – 14,5 13,0
Matière grasse 2,5 – 6,0 3,9
Protéines 2,9 – 5,0 3,4
Lactose 3,6 – 5,5 4,8
Minéraux 0,6 – 0,9 0,8
Couche de crème

La matière grasse du lait


Le lait et la crème sont des exemples d’émulsions gras-en-eau (ou huile-en-eau). La
matière grasse du lait existe sous la forme de petits globules ou de petites
Lait écrémé
gouttelettes dispersés dans le lactosérum (figure 2.15). Leur diamètre est compris
entre 0,1 et 20 µm (1 µm = 0,001 mm). La taille moyenne est de 3 à 4 µm, et il y a
quelque 15 milliards de globules par millilitre.
L’émulsion est stabilisée par une très fine membrane de 5 à 10 nm d’épaisseur
Fig. 2.16 Lait laissé reposé pendant un (1 nm = 10-9 m) qui entoure les globules et a une composition complexe.
certain temps dans un récipient; la La matière grasse du lait se compose de triglycérides (les composants dominants),
matière grasse monte et forme une de diglycérides et monoglycérides, d’acides gras, de stérols, de caroténoïdes (la
couche de crème à la surface. couleur jaune de la matière grasse), de vitamines (A, D, E et K), et tous les autres,
les oligo-éléments, sont des constituants mineurs. La figure 2.17 présente un globule
gras du lait.
La membrane est constituée de phospholipides, de lipoprotéines, de cérébrosides,
de protéines, d’acides nucléiques, d’enzymes et d’oligo-éléments (métaux) et d’eau.
Il convient de remarquer que la composition et l’épaisseur de la membrane ne sont
pas constantes car les composants sont échangés constamment avec le lactosérum
Triglycérides environnant.
Diglycérides Comme les globules gras ne sont pas seulement les plus grandes particules du
Acides gras lait mais également les plus légères (densité de 0,93 g/cm3 à 15,5°C), ils ont
Stérols tendance à remonter à la surface lorsque l’on laisse le lait reposer dans un
Caroténoïdes récipient pendant un certain temps (figure 2.16).
Vitamines : A, D, E, K La vitesse de la montée suit la Loi de Stokes, mais du fait de la petite taille
des globules gras, le crémage est un processus lent. Cependant, il est possible
Phospholipides d’accélérer la séparation de la crème en agrégeant les globules gras au moyen
Lipoprotéines d’une protéine appelée agglutinine. Ces agrégats montent plus rapidement que
Glycérides les globules gras individuels. Le chauffage ou le traitement mécanique permet
Cérébrosides de briser facilement ces agrégats. L’agglutinine est dénaturée à des combinaisons
Protéines
Acides nucléiques temps/température, telles que 65°C/10min. ou 75 °C/2 min.
Enzymes
Métaux La structure chimique de la matière grasse du lait
Eau La matière grasse du lait est liquide lorsque le lait sort du pis à 37°C. Cela signifie
que les globules gras peuvent changer facilement de forme lorsqu’ils subissent un
traitement mécanique modéré, tel que le pompage et le transfert par canalisation,
Fig. 2.17 Composition de la matière sans qu’ils soient libérés de leur membrane.
grasse du lait. Taille : 0,1 à 20 µm. Tous les corps gras appartiennent à un groupe de substances chimiques
Taille moyenne : 3 à 4 µm. appelées esters, qui sont des composés d’alcools et d’acides. La matière grasse du

18 Manuel de transformation du lait/Chapitre 2


lait est un mélange de différents esters d’acides gras appelés triglycérides, Corps gras solide,
qui sont composés d’un alcool appelé glycérol, et de divers acides gras. cristallisé avec
Les acides gras constituent environ 90% de la matière grasse du lait. différents points
Une molécule d’acide gras est constituée d’une chaîne hydrocarbonée de fusion
et d’un groupe carboxyle (formule RCOOH). Dans les acides gras saturés,
les atomes de carbone sont reliés par des liaisons simples, alors que dans
les acides gras insaturés, il existe une ou plusieurs doubles liaisons dans
la chaîne hydrocarbonée. Chaque molécule de glycérol peut se lier à trois Corps gras
molécules d’acide gras, et comme il n’est pas nécessaire que les trois soit liquide
de même type, le nombre de glycérides différents dans le lait est
extrêmement grand.
Le tableau 2.4 énumère les acides gras les plus importants dans les
triglycérides de la matière grasse du lait.
La matière grasse du lait est caractérisée par la présence de quantités
relativement importantes d’acide butyrique et caproïque. Fig. 2.18 Vue en coupe d’un globule
gras.

Tableau 2.4

GLYCEROL
ACIDE GRAS
Principaux acides gras dans la matière grasse du lait
ACIDE GRAS
Acide gras % de la teneur Point de fusion Nombre d’atomes
totale en acides gras °C H C O
ACIDE GRAS
Saturés
Acide butyrique 3,0 – 4,5 –7,9 8 4 2 Liquide à
Acide caproïque 1,3 – 2,2 –1,5 12 6 2 température
Acide caprylique 0,8 – 2,5 +16,5 16 8 2 ambiante ACIDE

GLYCEROL
BUTYRIQUE

Acide caprique 1,8 – 3,8 +31,4 20 10 2 ACIDE


Acide laurique 2,0 – 5,0 +43,6 24 12 2 Solide à BUTYRIQUE

Acide myristique 7,0 – 11,0 +53,8 28 14 2 température


ACIDE
Acide palmitique 25,0 – 29,0 +62,6 32 16 2 ambiante BUTYRIQUE

Acide stéarique 7,0 – 3,0 +69,3 36 18 2

Insaturés GLYCEROL ACIDE


Acide oléique 30,0 – 40,0 +14,0 34 18 2 Liquide à BUTYRIQUE
Acide linoléique 2,0 – 3,0 – 5,0 32 18 2 température ACIDE
Acide linolénique jusqu’à 1,0 – 5,0 30 18 2 ambiante STEARIQUE
Acide arachidonique jusqu’à 1,0 –49,5 32 20 2
ACIDE
OLEIQUE

Fig. 2.19 La matière grasse du lait est


Le point de fusion de la matière grasse un mélange de différents acides gras et
D’après le tableau 2.4, les quatre acides gras les plus abondants dans le lait sont de glycérol.
l’acide myristique, l’acide palmitique, l’acide stéarique et l’acide oléique.
Les trois premiers sont solides et le dernier est liquide à température ambiante.
Comme l’indiquent les chiffres du tableau, la quantité relative des différents acides CH3(CH2)16COOH
gras peut varier considérablement. Cette variation affecte la fermeté de la matière
grasse. La matière grasse avec forte teneur en acides gras à point de fusion élevé, Formule moléculaire de l’acide stéarique
tels que l’acide palmitique, sera ferme; par contre, la matière grasse avec forte teneur
en acide oléique à point de fusion peu élevé attendrit le beurre. HHHHHHHHHHHHHHHH O
| | | | | | | | | | | | | | | |
La détermination de la quantité de chacun des acides gras est purement une H3C-C-C-C-C-C-C-C-C-C-C-C-C-C-C-C-C-C
question d’intérêt scientifique. Pour des raisons pratiques, la détermination d’une ou | | | | | | | | | | | | | | | |
HHHHHHHHHHHHHHHH OH
plusieurs constantes ou indices suffit à connaître les informations liées à la composition
Formule développée de l’acide stéarique
de la matière grasse.
CH3(CH2)7CH=CH(CH2)7COOH
L’indice d’iode
Les acides gras avec le même nombre d’atomes C et H mais avec différents nombres Formule moléculaire de l’acide oléique
de liaisons simples et doubles ont des caractéristiques complètement différentes. La
méthode la plus importante et la plus largement utilisée pour indiquer leurs HHHHHHHH HHHHHHHH
| | | | | | | | | | | | | | | | O
caractéristiques spécifiques consiste à mesurer l’indice d’iode (IV) de la matière H3C-C-C-C-C-C-C-C-C=C-C-C-C-C-C-C-C-C
grasse. L’indice d’iode indique le pourcentage d’iode que la matière grasse peut lier. | | | | | | | | | | | | | |
HHHHHHH HHHHHHH OH

Doubles liaisons
Fig. 2.20 Formule moléculaire et développée de l’acide stéarique et oléique. Formule développée de l’acide oléique

Manuel de transformation du lait/Chapitre 2 19


L’iode est fixée par les doubles liaisons des acides gras insaturés. Comme l’acide
La matière grasse à forte teneur en oléique est de loin le plus abondant des acides gras insaturés, qui sont liquides à
acides gras à point de fusion élevé température ambiante, l’indice d’iode est souvent le moyen utilisé pour évaluer la
est ferme. teneur en acide oléique et, par conséquent, la fermeté de la matière grasse.
L’indice d’iode de la matière grasse du lait varie généralement entre 24 et 46. Les
La matière grasse à forte teneur en
variations dépendent de la nourriture des vaches. Il est par conséquent possible
acides gras à point de fusion peu
d’influencer la consistance de la matière grasse du lait en donnant aux vaches des
élevé est molle.
aliments appropriés. Pour obtenir un lait de consistance optimale, l’indice d’iode doit
être compris entre 32 et 37.
La figure 2.21 présente un exemple de variation de l’indice d’iode du lait au cours
d’une année (Suède).
IV
L’indice de réfraction
39 La répartition des différents acides gras dans la matière grasse affecte également la
37
façon dont elle réfracte la lumière. A partir de là, il est courant de déterminer l’indice
de réfraction de la matière grasse pour calculer l’indice d’iode. C’est une méthode
35 rapide pour évaluer la fermeté de la matière grasse. En général, l’indice de réfraction
33 varie entre 40 et 46.
31
Nuclear Magnetic Resonance (NMR)
29 Au lieu d’analyser l’indice de réfraction ou l’indice d’iode, il est possible d’utiliser la
RMN pulsée pour déterminer le rapport matière grasse saturée sur matière grasse
J F M A M J J A S O N D
insaturée. On peut utiliser un facteur de conversion pour convertir, si besoin est, la
Mois
valeur RMN en indice d’iode correspondant.
Fig. 2.21 Indice d’iode à différents
moments de l’année. L’indice d’iode Il est également possible d’utiliser la méthode RMN pour trouver le degré de
permet d’évaluer directement la teneur cristallisation de la matière grasse en fonction du temps de cristallisation. Des essais,
en acide oléique de la matière grasse. effectués au laboratoire du Syndicat suédois de la laiterie (SMR) de Malmö, en
Suède, entre 1979 et 1981, montrent que la cristallisation de la matière grasse dure
longtemps dans une crème à 40% refroidie de 60 à 5 °C. Le temps de cristallisation
nécessaire fut d’au moins 2 heures, au bout duquel la proportion de matière grasse
cristallisée représentait 65% du total.
On remarqua également que seuls 15 à 20% de la matière grasse furent
cristallisés 2 minutes après que la température ait descendu à 5°C. La valeur RMN
de la matière grasse du lait varie en principe entre 30 et 41.

La cristallisation de la matière grasse


Au cours du processus de cristallisation, les globules gras sont très sensibles; ils se
brisent, s’ouvrent, même avec un traitement mécaniquement modéré.

°C
Cristallisation de la
matière grasse %

70

60

50

40
Refroidis-
30
sement
20
Réaction exothermique*
10

Fig. 2.22 La cristallisation de la matière 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 120 min


grasse du lait est une réaction
exothermique, ce qui signifie que la
réaction chimique s’accompagne d’un
dégagement de chaleur. La courbe de
cristallisation a été obtenue à partir * Réaction exothermique : réaction chimique qui s’accompagne d’un
d’une analyse faite en utilisant la RMN. dégagement de chaleur (chaleur de la fusion)

20 Manuel de transformation du lait/Chapitre 2


Les études au microscope électronique ont montré que la matière grasse se
cristallise par couches monomoléculaires (figure 2.22). En même temps se produit
un fractionnement, si bien que les triglycérides au point de fusion le plus élevé
forment les couches extérieures. Comme la matière grasse cristallisée a un volume
spécifique inférieure à celui de la matière grasse liquide, des tensions ont lieu à
l’intérieur des globules, qui les rendent particulièrement instables et sensibles à la
rupture pendant la période de cristallisation. Le résultat est que la matière grasse est
libérée dans le lactosérum, ce qui provoque la formation de gros morceaux là où la
matière grasse libre agglomère les globules non brisés (le même phénomène qui se
produit dans la production du beurre). La cristallisation de la matière grasse génère
une chaleur de fusion, qui augmente quelque peu la température (la crème à 40%
refroidie de 60 à 7 ou 8°C s’échauffent de 3 à 4°C pendant la cristallisation).
Il est important de garder à l’esprit cette propriété importante de la matière grasse
du lait dans la production de crème pour des fins diverses.

Les protéines du lait


Les protéines sont une partie essentielle de notre régime alimentaire. Les protéines
que nous mangeons se divisent en composés plus simples dans le système digestif
et dans le foie. Ces composés sont ensuite acheminés vers les cellules de notre
corps, qui les utilise comme “matériau” pour construire ses propres protéines. La
majeure partie des réactions chimiques qui se produisent dans l’organisme sont
contrôlées par des protéines actives appelées enzymes.
Les protéines sont des molécules géantes constituées d’unités plus petites,
appelées aminoacides (figure 2.23). Une molécule protéique est composée d’une ou
plusieurs chaînes d’aminoacides, liées ensemble, où les aminoacides sont organisés
dans un ordre particulier. Une molécule protéique contient généralement environ 100
à 200 aminoacides liés, mais certaines en ont moins ou beaucoup plus.

Les aminoacides
Les aminoacides (figure 2.24) sont les “briques” qui constituent la protéine; ils se
distinguent par la présence simultanée, dans la molécule, d’un groupe amino (NH2)
et d’un groupe carboxyle (COOH). Les protéines se forment à partir d’un type
spécifique d’aminoacides, les α-aminoacides, c’est-à-dire ceux qui ont à la fois un
groupe amino et un groupe carboxyle liés au même atome carbone,
l’α-carbone.
Les aminoacides appartiennent à un groupe de composés chimiques qui peuvent
émettre des ions hydronium dans les solutions alcalines et les absorber dans les
solutions acides. Ces composés s’appellent les ampholytes. Les aminoacides
peuvent apparaître :
1 chargés négativement dans les solutions alcalines
2 neutres avec charges + et - égales
3 chargés positivement dans les solutions acides
Les protéines sont construites à partir de 20 aminoacides environ,
dont 18 se trouvent dans les protéines du lait.
Point important concernant l’alimentation, huit (neuf pour les
enfants) de ces 20 aminoacides ne peuvent pas être synthétisés
par l’organisme humain. Comme ils sont nécessaires au maintien
d’un bon métabolisme, ils doivent être fourni par la nourriture. Ces
Aminoacide
aminoacides s’appellent les aminoacides essentiels; ils sont tous
présents dans la protéine du lait.
Le type et l’ordre des aminoacides dans la molécule protéique déterminent la
nature de la protéine. Tout changement dans les aminoacides affectant le type ou la
place dans la chaîne moléculaire peut donner une protéine aux propriétés différentes.
Comme le nombre possible de combinaisons des 18 aminoacides dans une chaîne
contenant 100 à 200 aminoacides est quasiment infini, le nombre de protéines aux NH2 COOH
propriétés différentes est également quasiment infini. La figure 2.24 présente un
modèle d’aminoacide. Les aminoacides se caractérisent par le fait qu’ils contiennent
à la fois un groupe amino légèrement basique (-NH2) et un groupe carboxyle Aminoacide Groupe carboxyle
légèrement acide (-COOH). Ces groupes sont reliés à une chaîne latérale (R).
Fig. 2.23 Modèle d’une molécule
Si la chaîne latérale est polaire, les propriétés hydrophiles du groupe basique et protéique (chaîne d’aminoacides des
du groupe acide, en plus de la chaîne latérale polaire, dominent généralement et groupes amino et carboxyle).
l’ensemble de l’aminoacide attire l’eau et s’y dissout rapidement. Comme cet
aminoacide attire l’eau, on dit qu’il est hydrophile.

Manuel de transformation du lait/Chapitre 2 21


Si, en revanche, la chaîne latérale est une chaîne hydrocarbonée qui ne contient
pas de radicaux hydrophiles, les propriétés de la chaîne hydrocarbonée dominent.
H O Une chaîne hydrocarbonée longue repousse l’eau et rend l’aminoacide moins
soluble à l’eau ou moins compatible avec celle-ci. Comme cet aminoacide repousse
l’eau, on dit qu’il est hydrophobe.
R C C Si la chaîne hydrocarbonée contient certains radicaux tels que des groupes
hydroxyle (-OH) ou amino (-NH2), ses propriétés hydrophobes se modifient pour
devenir davantage hydrophiles. Si les aminoacides hydrophobes prédominent dans
NH2 OH une partie d’une molécule protéique, cette partie aura des propriétés hydrophobes.
Par analogie, une agrégation d’aminoacides hydrophiles dans une autre partie de la
molécule conférera des propriétés hydrophiles à cette partie. Par conséquent, une
Fig. 2.24 Structure d’un aminoacide molécule protéique peut être hydrophobe, hydrophile, intermédiaire ou localement
générique. “R” dans la figure signifie
hydrophobe et hydrophile.
qu’il s’agit d’une matière organique liée
Certaines protéines du lait présentent de très grandes différences au sein des
à l’atome carbone central.
molécules pour ce qui est de la compatibilité avec l’eau, et certaines propriétés très
importantes des protéines dépendent de ces différences.
Les groupes hydroxyle dans la chaîne de certains aminoacides de la caséine
peuvent être estérifiés par l’acide phosphorique. Ces groupes permettent à la
caséine de lier les ions calcium ou l’hydroxyphosphate de calcium colloïdal pour
former des ponts résistants entre les molécules et au sein de celles-ci.

L’état électrique des protéines du lait


Les chaînes latérales de certains aminoacides dans les protéines du lait porte une
charge électrique qui dépend du pH du lait. Lorsque l’on modifie le pH du lait en
ajoutant un acide ou une base, la répartition de la charge des protéines change
Fig. 2.25 Une molécule protéique avec également. Les figures 2.25 à 2.28 présentent l’état électrique des protéines du lait
pH = 6,6 a une charge résultante et les propriétés qui en résultent.
négative.

OH–
+
H
+
H

Fig. 2.26 Molécules protéiques avec Fig. 2.27 Molécules protéiques Fig. 2.28 PMolécules protéiques
pH ≈ 4,7, le point isoélectrique. avec pH ≈ 1 avec pH ≈ 14

Au pH normal du lait (pH ≈ 6,6), une molécule protéique a une charge résultante
négative (figure 2.25). Comme les charges de même polarité se repoussent, les
molécules protéiques restent séparées.
Si l’on ajoute des ions hydrogène (figure 2.26), ils sont adsorbés par les molécules
protéiques. A un pH où la charge positive de la protéine est égale à la charge
négative, c’est-à-dire où le nombre de groupes NH3+ et COO- est égal sur les chaînes
latérales, la charge nette totale de la protéine est nulle. Les molécules protéiques ne
se repoussent plus mais les charges positives d’une molécule s’enchaînent aux
charges négatives des molécules voisines, et de gros agrégats protéiques se
forment. La protéine se précipite alors à partir de la solution. Le pH auquel cela se
produit est le point isoélectrique de la protéine.
En présence d’un excès d’ions hydrogène, les molécules acquièrent une charge
résultante positive (figure 2.27). Elles se repoussent donc de nouveau et, par suite,
restent en solution.
Si, en revanche, on ajoute une solution fortement alcaline (NaOH), toutes les
protéines acquièrent des charges négatives et se dissolvent.

Les classes de protéines du lait


Le lait contient des centaines de types de protéines, la plupart en infimes quantités.
Il est possible de classer les protéines de différentes façons, selon leurs propriétés
chimiques ou physiques et leurs fonctions biologiques. L’ancienne méthode de
regroupement des protéines de lait en caséine, albumine et globuline a été remplacée
par un système de classification plus approprié. Le tableau 2.5 présente une liste

22 Manuel de transformation du lait/Chapitre 2


abrégée de protéines du lait, classées selon un système moderne. Pour simplifier,
les groupes de protéines mineurs ont été exclus.
Le terme “protéine lactosérique” est souvent utilisé pour désigner à la fois la
“protéine du sérum de fromagerie” et la “protéine du lactosérum” (ou “protéine du
sérum du lait”). A la différence de la protéine du lactosérum, la protéine du sérum de
fromagerie contient également des fragments de molécules caséiques. Certaines
des protéines du lactosérum sont également présentes dans des concentrations
moins importantes que dans le lait cru. Cela est dû à la dénaturation par la chaleur

Tableau 2.5
Concentration des protéines dans le lait
Concentration % du total
dans le lait protéine
g/kg en poids (P/P)
Caséine
αs1-caséine*) 10,0 30,6
αs2-caséine*) 2,6 8,0
β-caséine**) 10,1 30,8
κ-caséine 3,3 10,1
Totalcaséine 26,0 79,5
Protéines du sérum
α-lactalbumine 1,2 3,7
β-lactoglobuline 3,2 9,8
Albumine du sérum sanguin 0,4 1,2
Immunoglobulines 0,7 2,1
Divers (y compris
protéose-peptone) 0,8 2,4
Total protéines du sérum 6,3 19,3
Protéines membranaires
des globules gras 0,4 1,2
Total protéine 32,7 100

*) appelée dorénavant αs-caséine


**) Y compris γ-caséine
Réf : Walstra & Jennis

au cours de la pasteurisation du lait avant la fabrication du fromage. Les trois


principaux groupes de protéines du lait se distinguent par leur comportement et leur
forme d’existence très différents. Il est facile de précipiter les caséines du lait de Molécules de κ-caséine
différentes manières, alors que les protéines du sérum restent généralement en
Chaînes
solution. Comme leur nom l’indique, les protéines membranaires des globules gras
saillantes
adhèrent à la surface des globules gras, et s’en libèrent seulement par action
mécanique, c’est-à-dire par le barattage de la crème en beurre.
Groupe PO4
La caséine
Caséine est le nom de groupe de la classe dominante des protéines du lait. Les
caséines forment facilement des polymères contenant des molécules de type
identique ou différent. En raison de l’abondance des groupes ionisables et des
parties hydrophobes et hydrophiles de la molécule caséique, les polymères
moléculaires formés par les caséines sont très spéciaux. Ils sont constitués de
milliers de molécules individuelles et forment une solution colloïdale, qui donne au
lait écrémé sa teinte bleue blanchâtre. Ces complexes moléculaires s’appellent des
micelles caséiques. Comme ces micelles ne font que 0,4 microns, elles ne sont
visibles qu’au microscope électronique. Noyau hydrophobe
Fig. 2.29 Structure d’une sub-micelle
caséique.

Manuel de transformation du lait/Chapitre 2 23


Les micelles caséiques
Les trois sous-groupes de caséines, αs-caséine, β-caséine et κ-caséine, sont tous
hétérogènes et constitués de 2 à 8 variantes génétiques. Les variantes génétiques
d’une protéine diffèrent l’une de l’autre uniquement par quelques aminoacides. Les
trois sous-groupes ont en commun le fait qu’un ou deux aminoacides contenant des
groupes hydroxy sont estérifiés en acide phosphorique. L’acide phosphorique lie le
calcium et le magnésium et certains des sels complexes pour former les liaisons
entre les molécules et au sein de celles-ci.
Les micelles caséiques (figure 2.30) sont constituées d’un complexe
de sub-micelles (figure 2.29) de 10 à 15 nm de diamètre (1 nanomètre
= 10-9 m). La teneur en α-, β- et κ-caséine est répartie de façon
hétérogène dans les différentes micelles.
Les sels calciques d’αs-caséine et de β-caséine sont quasi
insolubles dans l’eau, alors que les sels calciques de
κ-caséine sont facilement solubles. En raison de la
localisation dominante de la κ-caséine à la surface des
micelles, la solubilité du κ-caséinate calcique l’emporte
sur l’insolubilité des deux autres caséines dans les
micelles, et l’ensemble de la micelle est soluble
sous la forme de colloïde. (Advanced Dairy
chemistry. Vol. 1 Proteins. P.F. Fox).
Selon Rollema (1992), une combinaison des
modèles de Slattery & Evard (1973), Schmidt (1982) et
Wastra (1990) fournit (1993) la meilleure illustration
disponible de l’édification des micelles caséiques et de
leur stabilisation.
Le phosphate de calcium et les interactions hydrophobes
entre les sub-micelles sont responsables de l’intégrité des
micelles caséiques. Les parties C-terminales hydrophiles de
κ-caséine contenant un groupe glucide se projettent vers
l’extérieur des micelles complexes, ce qui leur donne un aspect
“chevelu” mais, ce qui est important, c’est qu’elles stabilisent les
micelles.
Ce phénomène est dû essentiellement à la forte charge négative des glucides.
Sub-micelle La taille d’une micelle dépend beaucoup de la teneur en ions calcium (Ca++). Si
le calcium vient à quitter la micelle, par dialyse par exemple, la micelle se désintègre
en sub-micelles. Une micelle de taille moyenne comprend environ 400 à 500 sub-
Chaîne micelles, liées ensemble ainsi qu’indiqué précédemment.
saillante Si l’extrémité C-terminale hydrophile de la κ-caséine sur la surface des micelles
est scindée, par exemple, par la présure, les micelles perdent leur solubilité et
commencent à s’agréger pour former le caillé de caséine. Il existe dans une micelle
Phosphate de intacte un surplus de charges négatives; c’est pourquoi elles se repoussent. Les
calcium molécules d’eau que retiennent les parties hydrophiles de κ-caséine constituent une
partie importante de cet équilibre. Si l’on supprime les parties hydrophiles, l’eau se
κ-caséine met à quitter la structure, ce qui donne aux forces d’attraction la liberté d’agir. De
nouvelles liaisons se forment, l’une de type salé, où le calcium est actif, l’autre de type
Interactions hydrophobe. Ensuite, ces liaisons améliorent l’expulsion de l’eau et la structure finit
hydrophobes par s’effondrer en un caillé dense.
(groupes PO4) Une basse température a des conséquences défavorables sur les micelles, car
Fig. 2.30 Edification et stabilisation des les chaînes de β-caséine commencent à se dissocier, et l’hydroxyphosphate de
micelles caséiques. calcium quitte la structure micellaire, où il existait sous forme colloïdale, et entre en
Réf. : A digest of models, par Slattery et Evard (1973), solution. L’explication de ce phénomène réside dans le fait que la
Schmidt (1982) et Walstra (1990), d’après Rollema (1992),
Rollema H.S. (1992) Casein Association and Micelle
β-caséine est la caséine la plus hydrophobe et que les interactions hydrophobes
Formation p 63 à 111, Elsevier Science Publication Ltd. s’affaiblissent lorsque la température baisse. Du fait de ces changements, le lait se
prête moins à la fabrication du fromage, car le temps d’emprésurage est plus long et
le caillé plus mou.
La β-caséine est également plus facilement hydrolysée par les différentes
protéases du lait après avoir quitté la micelle. L’hydrolyse de la β-caséine en
γ-caséine et protéoses-peptones se traduit par une baisse de la production de
fromage car les fractions protéose-peptone sont perdues dans le sérum de fromagerie.
La décomposition de la β-caséine peut également entraîner la formation de peptides
amers, responsables des problèmes de goût atypique dans le fromage.

24 Manuel de transformation du lait/Chapitre 2


La courbe dans la figure 2.31 présente la quantité approximative (en %) de %
β-caséine quittant une micelle à +5°C pendant une période de stockage de 20 heures. 1,0
Dans ce contexte, il est intéressant de noter également que lorsque le lait cru ou
le lait pasteurisé refroidi est chauffé jusqu’à 62/65°C pendant environ 20 secondes,
la β-caséine et l’hydroxyphosphate de calcium reviennent à la micelle, restaurant
ainsi, au moins partiellement, les propriétés initiales du lait.

La précipitation de la caséine
Une propriété caractéristique de la caséine est sa capacité à précipiter. Du fait de la
nature complexe des molécules caséiques, et de celle des micelles formées à partir 0,5
celles-ci, la précipitation peut être causée par de nombreux agents différents. Il
convient de remarquer qu’il existe une grande différence entre les conditions
optimales de précipitation de la caséine sous la forme micellaire et non micellaire, par
exemple comme caséinate sodique. La description suivante concerne principalement
la précipitation de la caséine micellaire.

La précipitation par l’acide


Le pH baisse si l’on ajoute un acide au lait ou si l’on laisse des bactéries acidogènes
se développer dans le lait. Cela change l’environnement des micelles caséiques de 0 10 20 h
deux façons. La figure 2.32 présente le cours des événements. D’abord,
Fig. 2.31 β-caséine dans le lactosérum
l’hydroxyphosphate calcique colloïdal, présent dans la micelle caséique, se dissout
à +5°C.
et forme du calcium ionisé, qui pénètre dans la structure de la micelle et crée de fortes Réf. : Dr. B. Lindquist (1980), Arla Stockholm, Suède.
liaisons calciques internes. Ensuite, le pH de la solution s’approche des points
isoélectriques des différentes espèces de caséines.
Les deux méthodes d’action amorcent une modification au sein des micelles : cela
commence par le développement des micelles par agrégation, et se termine par un
coagulum plus ou moins dense. Selon la valeur finale du pH, ce coagulum contient
soit de la caséine sous la forme de sel caséique soit de la caséine dans son état
isoélectrique, soit les deux.
Les points isoélectriques des composants caséiques dépendent des ions d’autres
natures, présents dans la solution. Les valeurs théoriques, valides dans certaines
conditions, sont pH 5,1 à 5,3. Dans les solutions salines, similaires à la condition du Remarque : si l’on ajoute un grand
lait, la précipitation optimale est comprise dans une plage pH 4,5 à 4,9. Un pH de 4,7 excès d’acide à un coagulum donné,
la caséine se redissout, formant un
sel avec l’acide. Si l’on utilise de
l’acide chlorhydrique, la solution
Point contiendra du chlorhydrate de
isoélectrique caséine dissocié partiellement en
Sels caséiques Caséinates ions.
(exemple : chlorure de caséine) (exemple : caséinate sodique)

Hydratation Neutralisation
Diminution de la Augmentation de
taille des particules la taille des particules
Dissociation Dissociation du Ca à partir
partielle en ions du complexe micellaire
Stabilisation Déstabilisation
pH

0 4 4.6 5 7 pH du lait normal : 6,5 à 6,7


14

Déshydratation Hydratation
Augmentation de la Diminution de la taille
taille des particules des particules
Déstabilisation Stabilisation

Solubilité la plus faible


Précipitation
Caséine isoélectrique

Fig. 2.32 Trois stades simplifiés de l’action, sur la caséine, d’un acide et d’un
alcali, respectivement.

est une valeur pratique de la précipitation de la caséine du lait.


Si l’on ajoute un grand excès d’hydroxyde de sodium à la caséine isoélectrique
précipitée, la caséine redissoute est convertie en caséinate sodique, partiellement
dissocié en ions. Le pH des produits laitiers de culture est généralement compris

Manuel de transformation du lait/Chapitre 2 25


entre 3,9 et 4,5, c’est-à-dire sur le côté acide des points isoélectriques. Lorsque l’on
fabrique de la caséine à partir du lait écrémé en ajoutant de l’acide sulfurique ou
chlorhydrique, le pH choisi généralement est de 4,6.

La précipitation par les enzymes


La chaîne d’aminoacides qui forme la molécule de κ-caséine est constituée de 169
aminoacides. D’un point de vue enzymatique, la liaison entre l’aminoacide 105
(phénylalanine) et 106 (méthionine) est facilement accessible par beaucoup d’enzymes
protéolitiques.
Certains enzymes protéolytiques attaquent cette liaison et scindent la chaîne.
L’extrémité amino soluble contient les aminoacides 106 à 169, qui sont dominés par
les aminoacides polaires et les glucides, ce qui donne à cette séquence des
propriétés hydrophiles. Cette partie de la molécule de κ-caséine s’appelle le
glycomacro-peptide; il est libéré dans le sérum de fromagerie pendant la fabrication
du fromage.
La partie restante de la κ-caséine, constituée des aminoacides 1 à 105, est
insoluble et reste dans le caillé avec la αs-caséine et la β-caséine. Cette partie
s’appelle la para-κ-caséine. On disait autrefois que tout le caillé était composé de
para-caséine.
La formation du caillé est due à la soudaine suppression des macropeptides
hydrophiles et du déséquilibre des forces intermoléculaires que cela entraîne. Les
liaisons entre les parties hydrophobes commencent à se développer et sont
renforcées par les liaisons calciques qui se développent à mesure que les molécules
d’eau dans les micelles quittent la structure. Ce processus est appelé couramment
phase d’agglutination et synérèse.
La scission de la liaison 105-106 dans la molécule de κ-caséine est souvent
appelée phase primaire de l’emprésurage. La phase de coagulation et de synérèse
est appelée phase secondaire. L’emprésurage comprend également une phase
Il existe deux méthodes pour faire tertiaire, où la présure attaque les composants caséiques de manière plus générale.
floculer et coaguler les particules Cela se produit au cours de l’affinage du fromage.
de caséinate: la précipitation par La durée des trois phases dépend principalement du pH et de la température. De
acide et la précipitation par enzymes surcroît, la phase secondaire est affectée fortement par la concentration en ions
calcium et la condition des micelles, à savoir, l’absence ou la présence de protéines
dénaturées du lactosérum sur leur surface.

Les protéines du sérum


Si l’on supprime la caséine du lait écrémé par une méthode de précipitation, en
ajoutant, par exemple, un acide minéral, il reste dans la solution un groupe de
protéines appelées protéines du lactosérum.
Tant qu’elles ne sont pas dénaturées par la chaleur, elles ne se précipitent pas à
leurs points isoélectriques. Mais elles se précipitent sous l’effet de polyélectrolytes
tels que la carboxyméthyl cellulose. Les procédés techniques de récupération des
protéines du sérum font souvent appel à de telles substances ou à une combinaison
de chaleur et d’ajustement du pH.
Lorsque l’on chauffe le lait, certaines des protéines du sérum de fromagerie se
dénaturent et forment des complexes avec la caséine, ce qui réduit l’attaquabilité de
la caséine par la présure et son aptitude à lier le calcium. En raison du nombre réduit
de ponts de caséine entre les molécules caséiques et au sein de celles-ci, le caillé
du lait chauffé à haute température ne libère pas de sérum de fromagerie comme le
fait le caillé ordinaire du fromage.
Les protéines du sérum en général, et l’α-lactalbumine en particulier, ont des
Les protéines du sérum sont : valeurs nutritionnelles très élevées. Leur composition en aminoacides est très
proche de ce qui est considéré comme un optimum biologique. Les dérivés des
l’α-lactalbumine protéines du sérum de fromagerie sont très largement utilisés dans l’industrie
la β-lactoglobuline alimentaire.

α-lactalbumine
Cette protéine peut être considérée comme la protéine type du sérum. On la trouve
dans le lait de tous les mammifères; elle joue un rôle important dans la synthèse du
lactose dans le pis.

β-lactoglobuline
Cette protéine se trouve exclusivement chez les ongulés; chez la vache, c’est la

26 Manuel de transformation du lait/Chapitre 2


principale protéine du sérum. Si l’on chauffe le lait à plus de 60°C, la dénaturation
démarre aux endroits où la réactivité du soufre-aminoacide de β-lactoglobuline joue
un rôle important. Des ponts de soufre commencent à se former entre les molécules
de β-lactoglobuline, entre une molécule de β-lactoglobuline et une molécule de
κ-caséine, et entre la β-lactoglobuline et l’α-lactalbumine. Aux températures élevées,
les composés sulfureux, tels que l’hydrogène sulfuré, sont libérés progressivement.
Ces composés sulfureux sont responsables du goût de cuit du lait traité thermiquement.

Les immunoglobulines et protéines mineures associées


Ce groupe de protéines est extrêmement hétérogène et peu de ses membres ont été
étudiés en détail. Dans le futur, beaucoup de substances importantes seront
probablement isolées sur une échelle commerciale dans le lactosérum ou le sérum
de fromagerie. La lactoferrine et la lactoperoxydase sont des substances
potentiellement utilisables dans l’industrie pharmaceutique et alimentaire; il existe
maintenant un procédé de type commercial qui permet de les isoler du sérum. Le
Docteur H. Burling et coll. du service de recherche & développement du Syndicat
suédois de la laiterie (SMR) à Malmö, Suède, a mis au point une méthode pour isoler
ces substances.

Les protéines membranaires


Les protéines membranaires sont un groupe de protéines formant une couche de
protection à la périphérie des globules gras, qui stabilise l’émulsion. Certaines
peuvent avoir une consistance molle et gélatineuse, d’autres plutôt ferme et dure.
Certains protéines, appelées lipoprotéines, contiennent des résidus lipidiques. Les
lipides et les aminoacides hydrophobes de ces protéines orientent les parties
hydrophobes des molécules en direction de la surface de matière grasse, alors que
les parties moins hydrophobes sont orientées vers l’eau.
Les protéines membranaires faiblement hydrophobes attaquent ces couches
protéiques de la même manière, formant un gradient d’hydrophobie qui part de la
surface de matière grasse en direction de l’eau.
Le gradient d’hydrophobie dans une telle membrane la rend idéale pour l’adsorption
des molécules de tous les degrés d’hydrophobie. Les phospholipides et les enzymes
lipolytiques en particulier sont adsorbés au sein de la structure membranaire. Il ne
se produit aucune réactions entre les enzymes et leur substrat tant que la structure
est intacte, mais dès que la structure est détruite, les enzymes ont l’occasion de
trouver leur substrat et de démarrer des réactions.
Un exemple de réaction enzymatique est la libération lipolytique d’acides gras si
l’on a pompé le lait à froid au moyen d’une pompe défectueuse, ou si l’on n’a pas
pasteurisé le lait immédiatement après une homogénéisation à froid. Les acides gras
et certains autres produits de cette réaction enzymatique donnent un goût rance au
produit.

Les protéines dénaturées


Tant que les protéines restent dans un environnement avec température et
pH dans leurs limites de tolérance, celles-ci conservent leurs
IV

fonctions biologiques. Mais si on les chauffe à des 39

37

35 –SH

températures dépassant un maximum donné, leur 33

31

29
–SH –SH

structure se modifie. On dit alors qu’elles sont J F M A M J J A S O N D


Month

dénaturées (figure 2.33). La même chose se produit


si les protéines sont exposées aux acides ou aux
bases, aux rayonnements ou à une agitation Amino acid

violente. Les protéines sont dénaturées et perdent Fig. 7 Model of


molecule
amino
part
and
acid
of a
model
protein
of an

leur solubilité initiale.


Amino
group Carboxyl group

Lorsque les protéines sont dénaturées, leur activité biologique cesse. Fig. 2.33 Partie d’une protéine de
Les enzymes, une classe de protéines dont le rôle est de catalyser certaines sérum dans son état initial (gauche) et
réactions, perdent cette capacité une fois dénaturées. La raison est que certaines dans son état dénaturé (droite).
liaisons dans la molécule sont brisées, ce qui change la structure de la protéine.
Après une dénaturation limitée, les protéines peuvent parfois reprendre leur état
initial et voir leurs fonctions biologiques restaurées.
Mais souvent la dénaturation est irréversible. Les protéines d’un œuf dur, par
exemple, ne peuvent pas reprendre leur état initial.

Manuel de transformation du lait/Chapitre 2 27


pH
Le lait est une solution tampon
Le lait contient un grand nombre de substances qui peuvent agir comme acides
faibles ou comme bases faibles, par exemple, l’acide lactique, l’acide citrique et
l’acide phosphorique et leur sels respectifs : les lactates, les citrates et les phosphates.
Pas d’effet- En chimie, un tel système est appelé solution tampon car, dans certaines limites, le
tampon pH reste constant lorsque l’on ajoute des acides ou des bases. Cet effet peut
s’expliquer par les qualités caractéristiques des protéines.
Lorsque l’on acidifie le lait, on ajoute en même temps un grand nombre d’ions
hydrogène (H+). Ces ions se lient presque tous aux groupes amino de la chaîne
Acide
latérale des aminoacides, formant ainsi les ions NH3+. Ainsi, le pH est à peine affecté,
car l’augmentation de la concentration en ions hydrogène libres est très faible.
Lorsque l’on ajoute une base au lait, les ions hydrogène (H+) dans les groupes
Addition d’alcali COOH des chaînes latérales sont libérés, et forment un groupe COO-. De ce fait, le
Fig. 2.34 Si l’on ajoute un alcali à l’acide, pH reste plus ou moins constant. Plus on ajoute de base, plus il y a d’ions hydrogène
le pH de la solution augmente immédia- libérés.
tement; il n’y a pas d’effet-tampon. Les autres constituants du lait ont également cette capacité de lier ou de libérer
des ions; c’est pourquoi le pH change très lentement lorsque l’on ajoute des acides
ou des bases.
Presque tout le pouvoir tampon est utilisé dans un lait qui s’est acidifié du fait d’un
pH
stockage prolongé à haute température. Dans ce cas, il suffit d’ajouter seulement une
petite quantité d’acide pour modifier le pH.

Lait Effet-
tampon
Les enzymes du lait
Les enzymes sont un groupe de protéines produites par les organismes vivants. Ils
important
ont la propriété de déclencher des réactions chimiques et d’affecter le cours et la
vitesse de ces réactions. Les enzymes le font sans être eux-même affectés; c’est
pourquoi on les appelle parfois biocatalyseurs. La figure 2.36 présente le
fonctionnement d’un enzyme.
Addition d’alcali L’action des enzymes est spécifique; chaque type d’enzyme ne catalyse qu’un
Fig. 2.35 Si l’on ajoute un alcali au lait, seul type de réaction.
le pH changement très lentement; il se Deux facteurs qui influencent fortement l’action enzymatique sont la température
produit un effet-tampon considérable et le pH. En règle générale, les enzymes sont très actifs dans une plage de
dans le lait. température optimale, entre 25 et 50°C. Leur activité baisse dès que cette plage
optimale est dépassée, et cesse tout à fait entre 50 et 120°C. A ces températures,
les enzymes sont plus ou moins complètement dénaturés (inactivés). La température
d’inactivation varie d’un type d’enzyme à l’autre, un fait qui a été largement utilisé
pour déterminer le degré de pasteurisation du lait. Les enzymes ont également leur
plage pH optimale; certains sont plus actifs dans les solutions acides, d’autres dans
un environnement alcalin.
Les enzymes du lait proviennent soit du pis de la vache soit des bactéries. Les
premiers sont les constituants normaux du lait; on les appelle enzymes originaux. Les
Fig. 2.36 Un enzyme donné scinde derniers, les enzymes bactériens, varient en type et en abondance suivant la nature
uniquement certaines molécules et et la taille de la population bactérienne. Plusieurs des enzymes du lait sont utilisés
seulement sur certaines liaisons. pour le contrôle de la qualité. Parmi les plus importants, citons la peroxydase, la
catalase, la phosphatase et la lipase.

La peroxydase
La peroxydase transfère l’oxygène du peroxyde d’hydrogène (H2O2) vers d’autres
L’enzyme s’adapte en un point substances facilement oxygénables. Ces enzymes sont inactivés si l’on chauffe le lait
particulier de la chaîne moléculaire, à 80°C pendant quelques secondes, un fait que l’on peut utiliser pour prouver la
où il affaiblit la liaison. présence ou l’absence de peroxydase dans le lait et par conséquent vérifier si l’on
a atteint ou non une température de pasteurisation supérieure à 80°C. Ce contrôle
est appelé épreuve à la peroxydase de Storch.

La catalase
La catalase scinde le peroxyde d’hydrogène en eau et en oxygène libre. En calculant
la quantité d’oxygène que l’enzyme peut libérer dans le lait, il est possible d’évaluer
la teneur en catalase du lait et d’apprendre si le lait provient d’un pis sain ou malade.
Le lait d’un pis malade a une forte teneur en catalase, alors que le lait frais d’un pis
Scission de la molécule. A présent, sain n’en contient qu’une quantité insignifiante. Il existe cependant beaucoup de
l’enzyme est libre d’attaquer une autre
molécule et de la scinder de la même
manière.

28 Manuel de transformation du lait/Chapitre 2


bactéries qui produisent le même type d’enzyme. La catalase est détruite si l’on
chauffe le lait à 75°C pendant 60 secondes.

La phosphatase
La phosphatase a la propriété de pouvoir scinder certains esters phosphoriques en
acide phosphorique et alcools correspondants. Il est possible de détecter la présence
de phosphatase dans le lait en ajoutant un ester phosphorique et un réactif qui vire
en présence d’alcool libéré. Un changement de couleur révèle que le lait
contient de la phosphatase. Comme la phosphatase est détruite par la
pasteurisation ordinaire (72°C pendant 15 à 20 secondes), on peut
l’utiliser dans le test à la phosphatase pour déterminer si la Acide gras libre
pasteurisation a bien été atteinte. Le test systématique utilisée dans

Glycérol
les laiteries s’appelle le test à la phosphatase selon Scharer.
Il est préférable d’effectuer le test à la phosphatase immédiatement
après le traitement thermique. Dans le cas contraire, il faut refroidir Acide gras libre
le lait à une température inférieure à +5°C et l’y maintenir jusqu’à
l’analyse. L’analyse doit être effectuée le jour même, sinon il peut se
produire un phénomène appelé réactivation; il s’agit de la réactivation
d’un enzyme inactivé, qui donne un résultat positif au test. La crème
est particulièrement sensible à cet égard. Acide gras libre

La lipase
La lipase décompose la matière grasse en glycérol et acides gras Fig. 2.37 Représentation schématique
libres. Un excès d’acides gras libres dans le lait et les produits laitiers de la décomposition de la matière
donne un goût rance. Dans la plupart des cas, l’effet de cet enzyme semble très limité, grasse par l’enzyme lipase.
mais le lait de certaines vaches peut présenter une forte activité lipasique. La quantité
de lipase dans le lait est supposée augmenter vers la fin du cycle de lactation. Dans
une large mesure, la lipase est inactivée par la pasteurisation, mais il faut des
températures plus élevées pour une totale inactivation. Beaucoup de micro-organismes
produisent de la lipase. Cela peut être la cause de nombreux problèmes car cet
enzyme est très résistant à la chaleur.

Le lactose
Le lactose est un sucre présent uniquement dans le lait; il appartient au groupe de
composés chimiques organiques appelés glucides.
Les glucides représentent la source d’énergie la plus importante de notre
alimentation. Le pain et les pommes de terre, par exemple, sont riches en glucides Saccharose Lactose
et offrent un réservoir de nourriture. Ils se décomposent en composés à haute valeur
énergétique, qui peuvent participer à toutes les réactions biochimiques, dans
lesquelles ils fournissent l’énergie nécessaire. Les glucides apportent également la
matière pour la synthèse de certains composés chimiques importants dans le corps.
On les trouve dans les muscles et le foie sous la forme de glycogène.
Le glycogène est un exemple de glucide à poids moléculaire élevé. Citons
également l’amidon et la cellulose. Ces glucides composés, appelés polysaccharides,
ont des molécules géantes constituées de nombreuses molécules du glucose. Dans
le glycogène et l’amidon, les globules sont souvent ramifiés, alors que dans la
cellulose, ils ont l’apparence de longues chaînes droites. Fructose Glucose Galactose
La figure 2.38 présente des disaccharides, c’est-à-dire des glucides composés de
deux types de molécule du sucre. Les molécules du saccharose (sucre de canne Fig. 2.38 Le lactose et le saccharose
ordinaire ou sucre de betterave) sont constituées de deux sucres simples se décomposent en galactose, glucose
(monosaccharides) : le fructose et le glucose. Le lactose (sucre du lait) est un et fructose.
disaccharide, dont la molécule contient les monosaccharides glucose et galactose.
Le tableau 2.3 montre que la teneur en lactose du lait varie entre 3,6 et 5,5%. La
figure 2.39 montre ce qui se produit lorsque les bactéries lactiques attaquent le
lactose. Ces bactéries contiennent un enzyme appelé lactase, qui attaque le lactose
en décomposant ses molécules en glucose et galactose. Les autres enzymes des
bactéries lactiques attaquent ensuite le glucose et le galactose, qui sont ensuite
convertis principalement en acide lactique par le biais de réactions intermédiaires
compliquées. Les enzymes qui interviennent dans ces réactions agissent dans un

Manuel de transformation du lait/Chapitre 2 29


Enzyme lactase certain ordre. C’est ce qui se produit lorsque le lait devient sûr; le lactose se
de la bactérie transforme en acide lactique par fermentation. D’autres micro-organismes dans le
lactique lait génèrent d’autres produits.
Lorsque l’on chauffe le lait à une haute température et qu’on l’y maintient, il brunit
et acquiert un goût de caramel. Ce processus s’appelle la caramélisation; c’est le
résultat d’une réaction chimique entre le lactose et les protéines appelée réaction de
Lactose Glucose Galactose Maillard.
Le lactose est soluble dans l’eau et se présente comme solution moléculaire dans
le lait. Dans la fabrication du fromage, la plupart du lactose reste dissout dans le
sérum de fromagerie. L’évaporation du sérum de fromagerie dans la fabrication du
Enzymes bactériens fromage augmente encore la concentration. Le lactose n’est pas aussi sucré que
d’autres sucres; il est environ 30 % moins sucré que le sucre de canne, par exemple.
Acide lactique

Glucose
Galactose Les vitamines du lait
Fig. 2.39 Décomposition du lactose par Les vitamines sont des substances organiques que l’on rencontre dans de très
action enzymatique et formation de faibles concentrations chez les animaux et dans les végétaux. Elles sont essentielles
l’acide lactique. aux processus vitaux élémentaires. Bien que généralement très complexe, la
composition chimique des vitamines est maintenant connue. Les différentes vitamines
sont désignées par des lettres majuscules suivies parfois de chiffres en indice : A, B1,
B2, par exemple.
Le lait contient de nombreuses vitamines. Parmi les plus connues, citons les
vitamines A, B1, B2, C et D. Les vitamines A et D sont solubles dans les graisses, ou
solvants des matières grasses, alors les autres sont solubles dans l’eau.
Le tableau 2.6 indique les différentes vitamines dans un litre de lait de consommation
et les besoins quotidiens en vitamines d’un adulte. Le tableau montre que le lait est
une source riche en vitamines. Le manque de vitamines (avitaminose) peut entraîner
des carences (tableau 2.7).

Tableau 2.6
Vitamines du lait et besoins quotidiens
Quantité dans Besoin quotidien
1 litre de d’un adulte
Vitamine lait (mg) mg
A 0,2 – 2 1 – 2
B1 0,4 1 – 2
B2 1,7 2 – 4
C 5 – 20 30 – 100
D 0,002 0,01

Tableau 2.7
Carences en vitamines et maladies correspondantes

Carence en vitamine A Baisse de l’acuité visuelle dans la


pénombre, diminution de la résistance
aux maladies infectieuses
Carence en vitamine B1 Arrêt de croissance prématuré
Carence en vitamine B2 Perte d’appétit, indigestion
Carence en vitamine C Fatigue, pyorrhée, prédisposition à
l’infection (scorbut)
Carence en vitamine D Déformation du squelette (rachitisme)

30 Manuel de transformation du lait/Chapitre 2


Les minéraux et les sels du lait
Le lait contient un certain nombre de minéraux. Leur concentration totale est
inférieure à 1%. Les sels minéraux se rencontrent en solution dans le lactosérum ou
dans les composés caséiques. Les sels les plus importants sont les sels du calcium,
sodium, potassium et magnésium. Ils se présentent sous la forme de phosphates,
chlorures, citrates et caséinates. Les sels de potassium et de calcium sont les plus
abondants dans le lait ordinaire. Leur quantité respective n’est pas constante. Vers
la fin de la lactation, et surtout dans le cas de maladie du pis, la teneur en chlorure
de sodium augmente et donne au lait un goût salé, tandis que la quantité des autres
sels diminue en conséquence.

Les autres constituants du lait


Le lait contient toujours des cellules somatiques (globules blancs ou leucocytes).
Leur taux est faible dans le lait d’un pis sain, mais augmente si le pis est malade,
généralement dans les mêmes proportions que la sévérité de la maladie. Le taux de
cellules somatiques dans le lait des animaux sains est généralement inférieur à
200000 cellules/ml, mais il peut y en avoir jusqu’à 400000/ml.
Le lait contient des gaz, quelque 5 à 6 % par volume dans le lait frais du pis, mais
à l’arrivée à la laiterie, la teneur en gaz peut atteindre 10% par volume. Les gaz sont
constitués essentiellement de dioxyde de carbone, d’azote et d’oxygène. Ils existent
dans le lait dans trois états :
1 dissous dans le lait
2 liés et non séparables du lait
3 dispersés dans le lait
Les gaz dispersés et dissous représentent un sérieux problème dans le traitement
du lait. En effet, lorsque le lait contient trop de gaz, il est susceptible de d’encrasser
sur les surfaces de chauffe.

Les modifications dans le lait


et ses constituants
Les modifications au cours du stockage
La matière grasse et les protéines du lait peuvent subir des modifications chimiques
pendant le stockage. Ces modifications sont normalement de deux types : l’oxydation
et la lipolyse. Les produits de réaction résultants peuvent introduire des goûts
atypiques, principalement dans le lait et le beurre.

L’oxydation de la matière grasse


L’oxydation de la matière grasse donne un goût de métal, et celle du beurre un goût
huileux de suif. L’oxydation intervient aux doubles liaisons des acides gras insaturés,
celles de la lécithine étant les plus exposées aux attaques. La présence des sels On estime généralement que les
ferrique et cuivrique accélère le démarrage de l’oxydation et le développement du molécules d’oxygène en singlets
goût de métal, de même que la présence d’oxygène dissous et l’exposition à la (1O2) peuvent oxyder un groupe
lumière, en particulier à la lumière directe du soleil ou celle des tubes fluorescents. CH- directement, tout en déplaçant
Il est possible de contrebalancer partiellement l’oxydation de la matière grasse au la double liaison et en formant un
moyen de micro-organismes, en pasteurisant le lait à une température supérieure à hydroperoxyde selon la formule :
80°C ou en ajoutant des antioxydants (agents de
réduction), tels que le DGA (dodécylgallate). Le taux
maximum de DGA est de 0,00005%. Les micro- 1
O2 + – CH = CH – CH2– ——> – CHOOH – CH = CH –
organismes, tels que les bactéries lactiques,
consument l’oxygène et ont un effet réducteur. Le
goût atypique dû à l’oxydation risque davantage de se produire aux basses
températures, car ces bactéries sont alors moins actives. La solubilité de l’oxygène
dans le lait est également plus élevée aux basses températures. La pasteurisation
haute température est utile, car des composés réducteurs, groupes (SH-), se forment
lorsque le lait est chauffé.
Le goût atypique de métal dû à l’oxydation est plus fréquent en hiver qu’en été.
Cela résulte généralement de la faible température ambiante et en partie des
différences dans le régime des vaches. L’alimentation en été est plus riche en
vitamines A et C, qui augmentent la quantité de substances réductrices dans le lait.

Manuel de transformation du lait/Chapitre 2 31


En présence d’ions métalliques légers et/ou lourds, les acides gras se décomposent
par paliers en aldéhydes et cétones, ce qui donne des goûts atypiques de type
rancidité due à l’oxydation dans les produits laitiers gras.
Le déroulement, très simplifié, de l’oxydation (auto-oxydation, en réalité) des
acides gras insaturés que nous venons de décrire est extrait de “Dairy Chemistry and
Physics” par P. Walstra et R. Jennis.

L’oxydation des protéines


Lorsqu’il est exposé à la lumière, l’aminoacide méthionine se dégrade en méthional
avec une participation compliquée de riboflavine (vitamine B2) et d’acide ascorbique
(vitamine C). Le méthional, ou 3-mercapto-méthylpropionaldéhyde, est le principal
contributeur à ce goût particulier, appelé goût de lumière.
Comme la méthionine n’existe pas sous cette forme comme tel dans le lait mais
comme l’un des composants des protéines du lait, la fragmentation des protéines doit
se produire à l’occasion du développement du goût atypique.
Les facteurs associés au développement du goût de lumière sont :
• l’intensité de la lumière (solaire et/ou artificielle, en particulier des tubes
fluorescents).
• la durée d’exposition.
• certaines propriétés du lait : le lait homogénéisé s’est révélé plus sensible que le
lait non homogénéisé.
• la nature de l’emballage : les emballages opaques, tels que le plastique et le
papier assure une bonne protection dans les conditions normales. Voir également
le chapitre 8 concernant le maintien de la qualité du lait pasteurisé.

La lipolyse
La décomposition de la matière grasse en glycérol et acides gras s’appelle la lipolyse.
La matière grasse lipolysée a un goût et une odeur rance, causés par la présence
d’acides gras libres de faible poids moléculaire (acide butyrique et acide caproïque).
La lipolyse est provoquée par l’action des lipases et favorisée par des températures
de stockage élevées. Mais la lipase ne peut agir que si les globules ont été
endommagés de façon à exposer la matière grasse. Ensuite seulement, la lipase
peut attaquer les molécules de graisse et les hydrolyser. Au cours des traitements en
laiterie, les globules gras ont souvent l’occasion d’être endommagés, par exemple,
par le pompage, le brassage et la pulvérisation. Il est par conséquent recommandé
d’éviter d’agiter inutilement le lait non pasteurisé, car cela risque de généraliser
l’action de la lipase et de libérer des acides gras, qui donnent un goût rance au lait.
Pour éviter à la lipase de dégrader la matière grasse, il faut l’inactiver par la
pasteurisation haute température, qui détruit complètement les enzymes d’origine.
Les enzymes bactériens sont plus résistants. Même le traitement UHT ne peut les
détruire complètement. (UHT : Ultra-Haute Température; c’est-à-dire jusqu’à 135-
150°C ou plus pendant quelques secondes.)

Les effets du traitement thermique


Le traitement thermique effectué à la laiterie permet de tuer les micro-organismes
bouchon de crème
pathogènes qui pourraient se trouver dans le lait. Le traitement thermique provoque
4
également des modifications dans les constituants du lait. Plus la température est
élevée et la durée de l’exposition prolongée, plus grandes sont les modifications.
3
Dans certaines limites, il est possible d’équilibrer mutuellement la durée et la
température. Un chauffage très court avec une haute température peut avoir le même
2 effet qu’une exposition longue avec une température moins élevée. C’est pourquoi
le traitement thermique doit toujours prendre en compte les facteurs temps et
1 température.

temp. (°C)
0 70 75 80
La matière grasse
Moyenne de certaines expériences Il a été démontré (Thomé & coll., Milchwissenschaft, 13, 115, 1958) que le phénomène
pratiques de “bouchon de crème” se produit dès 74°C (figure 2.40) lorsque le lait est pasteurisé
Essais en pasteurisateur de laboratoire
entre 70 et 80°C pendant 15 secondes. Différentes théories ont été étudiées, mais
Fig. 2.40 Formation d’un bouchon de il semble que la matière grasse libre libérée cimente les globules gras lorsqu’ils
crème en fonction de la température de entrent en collision. L’homogénéisation est recommandée car elle évite la formation
pasteurisation. Echelle de 0 (pas du bouchon de crème.
d’effet) à 4 (bouchon de crème solide).
Toute la pasteurisation fut de courte
durée (environ 15 s).
Réf. : Thomé & coll.

32 Manuel de transformation du lait/Chapitre 2


A. Fink et H.G. Kessler (Milchwissenschaft 40, 6-7, 1985) ont démontré que la
matière grasse libre s’échappe des globules dans la crème à 30% de matière grasse,
qu’elle soit homogénéisée ou non, lorsqu’elle est chauffée à une température
comprise entre 105 et 135°C. On pense que cela est dû à la déstabilisation de la
membrane des globules, qui accroît la perméabilité; ensuite, la matière grasse libre
agît comme un ciment entre les globules gras qui se collent, et produisent des
agrégats stables.
Au-dessus de 135°C, les protéines déposées sur la membrane du globule gras
Membrane intacte.
forment un réseau qui densifie la membrane et la rend moins perméable.
Pas de lipolyse.
L’homogénéisation en aval du stérilisateur est par conséquent recommandée dans
le traitement UHT des produits à forte teneur en matière grasse.

Les protéines
On a observé que la principale protéine, la caséine, ne peut pas être
Membrane
dénaturée par la chaleur dans les plages normales du pH et de teneur en endommagée.
sel et protéines. La lipolyse de la
Par contre, les protéines du sérum de fromagerie, en particulier la matière grasse
β-lactoglobuline, qui constitue environ 50% des protéine du sérum libère des acides
de fromagerie, sont relativement sensibles à la chaleur. La gras.
dénaturation commence à 65°C et elle presque totale lorsque l’on
chauffe les protéines à 90°C pendant 5 minutes.
La dénaturation par la chaleur des protéines du sérum du lait
est une réaction irréversible. Les protéines, enroulées au hasard,
s’ouvrent, et la β-lactoglobuline en particulier, se lie à la fraction
κ-caséine par des ponts de soufre. La figure 2.42 présente la
transformation globale.
Le blocage d’une grande proportion de la κ-caséine interfère
avec l’aptitude à l’emprésurage du lait, car la présure que l’on
Fig. 2.41 Lorsque la membrane des
utilise dans la fabrication du fromage facilite la scission des globules gras est endommagée, la
micelles caséiques aux emplacements de la κ-caséine. Plus la température de lipolyse peut libérer les acides gras.
pasteurisation est élevée pour un même temps de séjour, plus le coagulum devient
mou; c’est un phénomène indésirable dans la fabrication du fromage à pâte pressée
et demi-pressée. C’est pourquoi il ne faut pas pasteuriser le lait destiné à la
fabrication du fromage, et de toute manière pas à des températures telles que 72°C
pendant 15 à 20 secondes.
Dans le lait destiné aux produits laitiers de culture (yogourt, etc.), la dénaturation
des protéines du sérum de fromagerie et l’interaction avec la caséine obtenue à 90-
95°C pendant 3 à 5 minutes contribuent à améliorer la qualité en réduisant la
synérèse et en obtenant une meilleure viscosité.
Le lait chauffé à 75°C pendant 20 à 60 secondes commence à sentir et à avoir un
goût de “cuit”. Cela est dû à la libération de composés sulfureux de la
β-globuline et d’autres protéines sulfurées.
Dénaturée
(β-lactoglobuline)
Micelles caséiques –
–S
–S
Protéines du sérum du lait –SH Ponts de
(β-lactoglobuline) soufre


–SH
–SH –SH
κ-caséine

–SH
–SH
–SH
–SH

–SH
Fig. 2.42 Pendant la dénaturation, la κ-caséine
adhère à la β-lactoglobuline.

Les enzymes
Les enzymes peuvent être inactivés par le chauffage. La température d’inactivation
varie en fonction du type d’enzyme.

Manuel de transformation du lait/Chapitre 2 33


Souvent citées de nos jours parmi la flore de dégradation du lait cru refroidi et des
produits laitiers traités thermiquement, certaines bactéries, de l’espèce Pseudomonas,
ont des enzymes lipolytiques et protéolytiques extrêmement résistants à la chaleur.
Seule une fraction de leur activité est inhibée par la pasteurisation ou le traitement
UHT du lait.

Le lactose
Le lactose subit des modifications plus rapidement dans le lait qu’à l’état sec. Aux
températures supérieures à 100°C, une réaction se produit entre le lactose et la
protéine, qui donne une couleur brunâtre. La série de réactions qui se produisent
Aux températures supérieures à entre les groupes amino de résidus aminoacides et les groupes aldéhydes des
100°C, une réaction se produit entre glucides du lait est appelée réaction de Maillard ou réaction de brunissement. Elles
le lactose et les protéines, qui donne ont pour effet de brunir le produit, de modifier le goût et de réduire la valeur
une couleur brunâtre. nutritionnelle, notamment la lysine, l’un des aminoacides essentiels.
Il semble possible de distinguer le lait pasteurisé, le lait UHT et le lait stérilisé par
leur teneur en lactulose. Le lactulose est un épimère du lactose, formé dans le lait
chauffé (Adachi, 1958). On pense qu’il est formé par les groupes amino libres de la
caséine (Adachi & Patton, 1961; Richard & Chandrasekhara, 1960). Martinez Castro
& Olano, 1982, et Geier & Klostermeyer, 1983, ont démontré que le lait pasteurisé,
le lait UHT et le lait stérilisé contiennent différents taux de lactulose : la teneur en
lactulose augmente en même temps que l’intensité du traitement thermique.

Les vitamines
La vitamine C est la plus sensible à la chaleur, surtout en présence d’air et de certains
métaux. Il est possible cependant d’utiliser un échangeur de chaleur à plaques pour
réaliser la pasteurisation en perdant très peu de vitamine C. Les autres vitamines
subissent peu de dommages voire pas du tout avec un chauffage modéré.

Les minéraux
De tous les minéraux du lait, seul le très important hydroxyphosphate de calcium
dans les micelles caséiques est affecté par le chauffage. Lorsqu’elle est chauffée à
plus de 75°C, cette substance perd de l’eau et forme de l’orthophosphate de calcium
insoluble, qui altère les propriétés du lait pour la fabrication du fromage. Il convient
par conséquent de choisir judicieusement la température du traitement.

Les propriétés physiques du lait


L’apparence
L’opacité du lait est due à sa teneur en particules suspendues de matière grasse, de
protéines et de certains minéraux. La couleur varie du blanc au jaune en fonction de
la coloration (teneur en carotène) de la matière grasse. Le lait écrémé est plus
transparent, avec une teinte légèrement bleutée.

La densité
La densité du lait de vache varie généralement entre 1,028 et 1,038 g/cm3 selon la
composition.
On peut calculer la densité du lait à 15,5°C en utilisant la formule suivante:

100
d 15,5°C = g/cm3
F MSD
+ + eau
0,93 1,608

F = % matière grasse
MSD = % matière sèche dégraissée
% eau = 100 – F – MSD

34 Manuel de transformation du lait/Chapitre 2


Exemple : lait de 3,2% de matière grasse et 8,5% MSD

100
d 15,5°C = = 1,0306 g/cm3
3,2 8,5
+ + (100 – 3,2 – 8,5)
0,93 1,608

La pression osmotique
La pression osmotique dépend du nombre de molécules ou particules, et non du
poids du soluté. Ainsi, 100 molécules de taille 10 auront 10 fois la pression osmotique
de 10 molécules de taille 100.
Il s’ensuit que pour un poids donné, plus les molécules sont petites, plus la
pression osmotique est élevée.

Tableau 2.8
Pression osmotique dans le lait
Constituant Poids Conc. Pression D % de la pres-
moléculaire normale osmotique °C sion osmotique
% bar totale
Lactose 342 4,7 3,03 0,25 46
Chlorures, NaCl 58,5 ≈ 0,1 1,33 0,11 19
Autres sels, etc. – – 2,42 0,20 35
Total 6,78 0,560 100

Réf. : A Dictionary of Dairying, J.G. Davis.

Le lait est formé à partir du sang, les deux étant séparés par une membrane
perméable. De ce fait, ils ont la même pression osmotique; autrement dit, le lait est
isotonique avec le sang. La pression osmotique du sang est remarquablement
constante, même si la composition peut varier pour ce qui est des pigments, des
protéines, etc. Les mêmes conditions s’appliquent au lait, la pression osmotique
totale étant constituée comme indiqué dans le tableau 2.8.

Le point de congélation
Le point de congélation du lait est le seul paramètre fiable pour vérifier un mouillage.
Le point de solidification du lait de vache, mesuré individuellement, est compris entre
-0,54 et -0,59°C.
Dans ce contexte, il convient également de mentionner que lorsque le lait est
exposé au traitement haute température (traitement UHT ou stérilisation), la
précipitation de certains phosphates provoque l’augmentation du point de congélation.
La pression interne ou osmotique détermine également la différence de point de
congélation entre la solution et le solvant (eau), si bien que l’abaissement du point
de congélation (D dans le tableau 2.8) sert à évaluer cette pression osmotique.
Lorsque la composition du lait se modifie pour des raisons physiologiques ou
pathologiques (pour cause, par exemple, de lactation tardive et de mastite), le lait est
dit anormal, mais la pression osmotique et, partant, le point de solidification, restent
constants. Le changement le plus caractéristique est la baisse de la teneur en lactose
et l’augmentation de la teneur en chlorure.

L’acidité
L’acidité d’une solution dépend de sa concentration en ions hydronium [H+]. Lorsque
les concentrations en ions [H+] et [OH–] (hydroxyle) sont égales, la solution est dite
neutre. Dans une solution neutre, le nombre de [H+] par litre de la solution est de
1:10 000 000 g ou 10–7.
Le pH représente la concentration en ions hydronium d’une solution; il est
possible de la déterminer mathématiquement comme étant le logarithme négatif de
la concentration en ions hydronium [H+].
pH = – log [H+]
Appliqué à l’exemple ci-dessus, le pH est = - log 10–7 = 7
qui est la valeur type d’une solution neutre. Lorsque [H+] est 1:100 000 g/l ou

Manuel de transformation du lait/Chapitre 2 35


Solution 10–6, le pH est de 6 et la solution acide. Ainsi, plus l’exposant est faible, plus l’acidité
d’hydroxyde de est élevée.
sodium (NaOH) La valeur du pH d’une solution ou d’un produit représente l’acidité réelle
(courante). Le lait normal est une solution légèrement acide, avec un pH compris
entre 6,5 et 6,7, la valeur la plus courante étant 6,6. La température de mesure est
d’environ 25°C. Pour vérifier le pH, on utilise un pH-mètre (ou indicateur de pH).
Concentration N/10
(0,1 N). La quantité de
N/10 NaOH ajoutée L’acidité titrable
est indiquée par Il est également possible d’exprimer l’acidité en acidité titrable. L’acidité titrable
l’échantillon incolore, du lait est la quantité de solution d’ions hydroxyl (OH-) d’une concentration
qui vire au rouge. donnée, nécessaire pour augmenter le pH d’une quantité donnée de lait à un pH
d’environ 8,4, c’est-à-dire le pH auquel l’indicateur incolore utilisé habituellement
(la phénolphtaléine) vire au rose. Le but de l’épreuve à la phénolphtaléine est
de trouver la quantité d’alcali nécessaire au pH pour passer de 6,6 à 8,4.
Echantillon de lait Si le lait devient sûr à cause d’une activité bactérienne, il faut augmenter la
de 10 ml quantité d’alcali requise, et ainsi, l’acidité (ou valeur du titrage) du lait augmente.
Eau distillée de 20 ml Il est possible d’exprimer l’acidité titrable en utilisant différentes valeurs, qui
5 gouttes de phé- mesurent toutes la concentration en hydroxyde de sodium (NaOH) nécessaire
nolphtaléine (5 %) au moment du titrage.
°SH = degrés Soxhlet Henkel. La valeur °SH est obtenue en titrant 100 ml de lait
Fig. 2.43 Mesure de l’acidité en degrés avec N/4 NaOH, en utilisant de la phénolphtaléine comme indicateur. Le lait
Thörner (°Th). normal donne une valeur de 7°SH environ. Cette méthode est utilisée principalement
en Europe centrale.
°Th = degrés Thörner. La valeur °TH est obtenue en titrant 100 ml de lait, dilués
avec 2 parties d’eau distillée, avec N/10 NaOH, en utilisant de la phénolphtaléine
comme indicateur. Le lait normal donne une valeur d’environ 17°Th. Cette méthode
est utilisée principalement en Suède et dans la CEI.
Tableau 2.9 °D = degrés Dornic. Cette valeur est obtenue en titrant 100 ml de lait avec N/9
L’acidité s’exprime souvent de NaOH, en utilisant de la phénolphtaléine comme indicateur. Le lait normal donne une
valeur de 15°D environ. Cette méthode est utilisée principalement aux Pays-Bas et
l’une des façons suivantes en France.
% l.a. = taux d’acide lactique. La valeur % a.l. est obtenue en divisant par 100 la
°SH °Th °D % l.a. valeur de °D. Cette méthode est utilisée couramment au R.U., aux USA, au Canada
1 2,5 2,25 0,0225 et en Nouvelle-Zélande.
0,4 1 0,9 0,009 Le tableau 2.9 présente les différentes expressions de l’acidité titrable. La figure
4/9 10/9 1 0,01 2.43 présente un graphique de l’acidité mesurée en degrés Thörner.

Exemple :
1,7 ml de N/10 NaOH sont nécessaires pour titrer un échantillon de 10 ml de lait.
Autrement dit, il faudrait 10 x 1,7 = 17 ml pour 100 ml. L’acidité du lait est par
conséquent de 17°Th.

% composition en poids
12

10 Colostrum
Le premier lait qu’une vache produit après la mise-bas s’appelle le colostrum. Il est
8 très différent du lait normal dans sa composition et ses propriétés. Une caractéristique
très distinctive du colostrum est sa forte teneur en protéines de sérum de fromagerie:
6 environ 11%, contr e environ 0,65% dans le lait nor mal, ainsi qu’illustré dans la figure
Lactose 2.44. Cela a pour effet de coaguler le colostrum lorsqu’il est chauffé. Les
4
immunoglobulines (lg G, dominantes dans le colostrum) représentent une proportion
Matière grasse
relativement importante des protéines du sérum de fromagerie. Elles protègent le
Caséine veau de l’infection jusqu’à l’édification complète de son système immunitaire. Le
2 Protéine du sérum de fromagerie colostrum a une couleur jaune brunâtre, une odeur particulière et un goût plutôt salé.
Sa teneur en catalase et peroxydase est élevée. Quatre à cinq jours après la mise-
Cendres
0
0 1 2 3 4 5 6 7
bas, la vache commence à produire du lait de composition normale, que l’on peut
Jours après vêlage mélanger à d’autres laits.
Fig. 2.44 Modifications dans la
composition du lait de vache après
vêlage.

36 Manuel de transformation du lait/Chapitre 2

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