Vous êtes sur la page 1sur 17

G3/400-65346-132 à 148 Page 132 Mardi, 28.

mars 2006 3:38 15

XXe SIÈCLE

Un roman

COLETTE
Le Blé en herbe
(257 – 3,20 €)

I. Pourquoi étudier
Le Blé en herbe en Troisième ?

Le Blé en herbe (1923) est un des romans les plus célèbres de Colette
avec la série des Claudine, Chéri, La Maison de Claudine, Sido et Gigi. Il
figure dans les documents d’accompagnement de la classe de Troi-
sième, mais ne bénéficiait pas jusqu’à présent d’une édition à destina-
tion d’un public scolaire. L’étude du roman pourra être menée dans le
cadre d’une liaison Troisième-Seconde. Elle est en relation avec l’objet
d’étude « Un roman ou un recueil de nouvelles du XIXe ou du XXe siècle »
en Troisième et « le récit » en Seconde. Le roman de Colette permet
d’approfondir l’étude du récit par celle d’un topos romanesque : la
scène de rencontre amoureuse.
Les exigences de langue sont élevées dans les textes de Colette. Elles
sont liées à l’emploi d’un vocabulaire complexe et spécialisé et d’un
style recherché. L’importance du dialogue dans Le Blé en herbe permet
aux élèves de se repérer dans le texte et de dépasser ces difficultés. Ces
exigences de langue permettent aisément le décloisonnement en classe
de Troisième. La séquence que nous proposons contient des études sur
les formes du discours rapporté et l’emploi des temps.
Enfin, les thèmes de l’adolescence, de la découverte des sentiments
amoureux et de la sensualité abordés avec beaucoup de nuances par
Colette sont à même d’intéresser des élèves qui ont le même âge que les
héros du récit (quinze et seize ans). Toutefois, on ne saurait réduire le
roman à une littérature pour adolescents. Comme l’indique l’auteur à
propos de son texte : « Je voulais signifier […] que l’amour passion n’a
pas d’âge et que l’amour n’a pas deux espèces de langage… »
G3/400-65346-132 à 148 Page 133 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

LE BLÉ EN HERBE 133

II. Tableau synoptique de la séquence

Séances Supports Objectifs


L’ensemble du texte Étudier la composition du
1
texte
Incipit, de « Tu vas à la pêche, Vinca ? » à « s’arme de Étudier un incipit
2
tout ce qui le gêne » (chapitre I)
Rencontre avec la Dame en blanc. De « Hep ! Petit ! » à Étudier un topos roma-
3 « quand Vinca accourut » (chapitre IV) nesque : la scène de ren-
contre amoureuse
– Extrait précédent du Blé en herbe et Stendhal, Le Rouge – Comparer deux textes
et le Noir, chapitre VI, de « Avec la vivacité » à « avec un – Étudier un topos roma-
4 jeune homme si près de lui ». nesque
– Extrait du Blé en herbe, de « Vinca ! Voyons, Vinca ! » à
« faisait comprendre sans détour » (chapitre XVI)
De « Il entra » à « qui ôtait à Philippe tout son sang- Cerner une des spécificités
5 froid » (chapitre VIII) du style de Colette : une
écriture de la sensation
6 – Documentaire, Un siècle d’écrivains consacré à Colette – Découvrir la biographie de
(1995), réal. J. Trefouel, scénario et texte G. Bonal Colette
et – Le Blé en herbe, passim – Découvrir les sources bio-
graphiques du Blé en herbe
7 – Exploiter la prise de notes
De « Je te dis de te taire » à « je me marierai » (cha- – Comparer deux textes
8 pitre III) et de « Vinca ! Voyons, Vinca ! » à « faisait com- – Étudier le dialogue dans
prendre sans détour » (chapitre XVI) un récit
Le Blé en herbe, passim Étudier le temps dans Le Blé
9
en herbe
Excipit, de « Il dormit peu » à « Je ne lui aurai donné que Étudier un excipit roma-
10
cela… que cela… » nesque

III. Déroulement de la séquence

Séance n° 1 : le texte en herbe…


Objectif → Étudier la composition du texte.
Support → L’ensemble du texte.

Cette séance vise à faire comprendre aux élèves que les conditions
d’écriture et de publication d’une œuvre sont intimement liées. Les
activités qui suivent ont pour but de familiariser les élèves avec le
texte.
G3/400-65346-132 à 148 Page 134 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

134 UN ROMAN DU XXe SIÈCLE

Combien de pages compte chaque chapitre ? Que constatez-vous ?


Les quinze premiers chapitres sont de taille réduite et comportent à
peu près le même nombre de pages. Comparativement, le chapitre XVI,
beaucoup plus long, paraît très disproportionné.
En vous reportant aux informations fournies par l’introduction de cette édi-
tion, expliquez cette composition.
Le texte a d’abord paru dans le quotidien Le Matin du 29 juillet 1922
au 31 mars 1923 en quinze livraisons, qui correspondent aux quinze pre-
miers chapitres. Depuis 1911, Colette écrit pour le quotidien de nom-
breux articles et des textes courts dans la rubrique des « Contes des
mille et un matins », qu’elle a dirigée et où elle sélectionne pour les lec-
teurs des nouvelles contemporaines. Femme de lettres, habituée aux
exigences de la presse, Colette calibre son texte de façon à respecter les
contraintes éditoriales. Il s’agit pour un journaliste de fournir de façon
régulière un nombre précis de feuillets, qui correspondent à un nombre
de lignes fixé par avance en fonction de la maquette du journal, c’est-à-
dire de la mise en pages. Au bout de la quinzième livraison, la rédaction
du journal décide d’interrompre la publication. Le chapitre XVI paraît
en volume chez Flammarion l’année suivante. Il a donc un statut diffé-
rent. Il est en majeure partie écrit d’une seule traite sans contraintes
extérieures.
Qu’est-ce qui dans les chapitres XIV et XV pourrait expliquer que la direction du
journal Le Matin ait souhaité interrompre la publication ?
Le dernier paragraphe du chapitre XIV est particulièrement explicite
sur la relation charnelle unissant Phil et Mme Dalleray. En 1922, la
rédaction peut craindre que les lecteurs du Matin, plutôt conservateurs,
soient offusqués par des descriptions plus explicites encore. La fin du
chapitre XV laisse d’ailleurs présager une relation physique entre Phil et
Vinca.
Les quinze premiers chapitres avaient paru dans Le Matin avec un titre. En
vous appuyant sur votre lecture du texte, rendez à chaque chapitre son titre
original : L’Antre, La Quémandeuse, La Crevette, Sérénité, Les Ombres, Vinca,
En attendant, La Comparaison, Pardon, Faiblesse, Nocturne, Les Chardons,
Drames, La Soumission, Daphnis.
Le choix de titres hétéroclites et la fragmentation des chapitres bri-
sent la linéarité du récit. On pouvait s’attendre à ce qu’un roman publié
en feuilletons ménage des effets de suspense et de retournement créant
des liens et des effets d’attente entre les différents chapitres. Cette tech-
nique, bien connue des feuilletonistes dès le XIXe siècle, permet de main-
tenir l’intérêt du lecteur. Colette semble s’éloigner de cette stratégie tra-
ditionnelle. Sans doute est-ce là un effet de la méfiance affichée par
l’écrivain pour les romans construits selon un plan préétabli. Elle dit
G3/400-65346-132 à 148 Page 135 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

LE BLÉ EN HERBE 135

écrire sans trame initiale. La composition du Blé en herbe nous porte à la


croire.
Malgré la fragmentation apparente du roman, qu’est-ce qui permet de main-
tenir une linéarité du récit ?
On insistera sur le retour des personnages, leur nombre restreint et le
choix d’un cadre spatial et temporel unique.

Séance n° 2 : l ’incipit
Objectif → Étudier un incipit.
Support → De « Tu vas à la pêche, Vinca ? » à « s’arme de tout
ce qui le gêne » (chapitre I).

Le terme incipit vient du verbe latin « incipere » signifiant « com-


mencer ». Il désigne initialement les premières lignes d’un texte et, par
extension, le début d’un texte narratif. L’incipit est un moment impor-
tant du récit. Ses fonctions sont bien définies. Il a pour but de fournir
au lecteur les informations nécessaires à la compréhension du récit
(fonction informative), de lui donner envie de poursuivre sa lecture
(fonction incitative) et d’inscrire l’ouvrage à venir dans un genre, un
registre et un style correspondants aux attentes du lecteur (fonction
générique). Nous mettrons en valeur ces différentes fonctions dans
l’étude du début du Blé en herbe. Pour étudier cet incipit, nous suivrons
les différentes fonctions.

• La fonction informative
Quelles informations donnent les premiers paragraphes du texte sur les person-
nages et le cadre spatio-temporel ?
Nous connaissons les prénoms des deux héros. Nous avons même le
surnom de la jeune fille (« la pervenche ») qui est une traduction de son
prénom qui en latin désigne cette fleur. Nous connaissons également
l’âge précis des deux protagonistes : Vinca a quinze ans et demi et Phil
seize ans et demi. Nous avons aussi des détails physiques, principale-
ment sur le personnage de Vinca. Elle apparaît comme blonde à che-
veux courts, le teint hâlé, avec un corps mince et juvénile. Elle a les yeux
gris. La métaphore du deuxième paragraphe permet de comprendre
qu’elle a les yeux bleu-gris (« aux yeux couleur de pluie printanière »).
Sa tenue vestimentaire est également décrite de façon détaillée. La des-
cription du jeune homme est plus succincte. On sait seulement qu’il a
une fossette au menton. Le cadre spatial n’est pas précisément défini
G3/400-65346-132 à 148 Page 136 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

136 UN ROMAN DU XXe SIÈCLE

par un nom de lieu. On ne trouve aucune indication toponymique, mais


le bord de mer est nettement identifiable à travers un champ lexical bien
représenté et composé des mots : « pêche », « espadrille », « crevettes et
crabes », « havenets », « rochers », « hâle », « eau », « dune », etc. Enfin,
le cadre temporel reste flou même si l’évocation des « dernières
vacances » dans le troisième paragraphe ou de « l’an passé » dans le qua-
trième paragraphe permet de situer le récit dans le temps.

• La fonction incitative
Quelle est la particularité de la réplique initiale ? Quel effet produit-elle sur le
lecteur ?
La réplique n’est accompagnée d’aucun verbe de parole et donc
d’aucun nom ou pronom permettant d’identifier l’identité de l’énon-
ciateur. Cela crée un léger effet de suspense qui ne sera levé qu’une
dizaine de lignes plus loin. Le lecteur découvre les personnages s’immis-
çant directement dans leur dialogue et leurs activités. On parle d’un
début in medias res, qui capte d’emblée l’attention du lecteur.
Commentez les marques de ponctuation qui concluent chacun des trois premiers
paragraphes.
Les deux premiers paragraphes s’achèvent sur des phrases interroga-
tives. Le troisième paragraphe se termine par des points de suspension.
La curiosité du lecteur est ainsi relancée d’un paragraphe à l’autre. Le
style ménage des effets d’attente.

• La fonction générique
Que désigne le « on » dans la phrase : « On savait que sa jupe à carreaux
bleus et verts qui datait de trois ans et laissait voir ses genoux, appartenait à la
crevette et aux crabes » ?
« On » est un pronom personnel indéfini dont l’interprétation en
français est délicate car il peut désigner toutes les personnes de la
conjugaison, de « je » à « ils ». Il provient en effet de la contraction en
latin du mot homo désignant l’homme en général. Dans notre texte, plu-
sieurs hypothèses sont possibles. « On » peut être remplacé par « il »
renvoyant au locuteur de la première réplique, Philippe. L’emploi de
« on » se justifie par le fait que ce locuteur comme nous l’avons indiqué
précédemment n’est pas encore nommé. Ce « on » peut aussi appa-
raître comme un « ils » au pluriel désignant tous les regards portés sur
la jeune femme par les personnages qui l’entourent (« tout le
monde »). Il s’agirait alors d’un constat de notoriété publique. Enfin, de
façon plus intéressante, « on » peut être l’équivalent d’un « nous »
G3/400-65346-132 à 148 Page 137 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

LE BLÉ EN HERBE 137

incluant le narrateur et au moins quelqu’un d’autre (narrateur + Phil ou


narrateur + lecteur). Il y a ici une forme de complicité entre le narrateur
et son lecteur ou son personnage. Nous en retrouvons la trace dans
l’emploi de la phrase interrogative en fin de deuxième paragraphe.
Commentez l’emploi des temps dans le troisième paragraphe.
Le récit est mené au passé. On relève dans le début du texte les temps
traditionnels du récit (passé simple et imparfait). On retrouve ces temps
au début du troisième paragraphe, mais un passé composé surgit (« a-
t-elle fini de grandir ? »), suivi d’une série de présents de l’indicatif. On
passe des temps du récit aux temps du discours. L’emploi des temps du
discours, associé à des marques d’oralité (phrase interrogative et
phrases courtes) suggèrent que nous sommes ici dans les pensées de
Phil et que nous lisons ce qu’il se dit à lui-même. Il s’agirait alors d’un
monologue intérieur. Il pourrait aussi s’agir d’une forme particulière de
discours indirect libre. L’absence de signes de ponctuation et de verbes
introductifs de parole est caractéristique de cette forme de discours rap-
porté. Toutefois, le passage au discours indirect libre ne nécessitait pas
le passage au présent.
Cette séance offre l’occasion d’une séance de langue sur les formes
du discours rapporté dans le récit et tout particulièrement sur le dis-
cours rapporté indirect libre qui pose tant problème aux élèves. Le pro-
fesseur terminera la séance en concluant que les indécisions quant au
statut du narrateur ainsi que le privilège accordé au point de vue interne
sont caractéristiques du roman psychologique.

Séance n° 3 : première rencontre


Objectif → Étudier un topos romanesque : la scène de rencontre
amoureuse.
Support → De « Hep ! petit ! » à « quand Vinca accourut » (chapitre IV).

La séance n° 3 permet de faire comprendre aux élèves les enjeux de


la lecture méthodique à travers l’étude d’une scène type de la litté-
rature : la rencontre amoureuse.

• Le surgissement d’un personnage dans le récit


Montrez comment l’arrivée de la Dame en blanc est marquée par un effet de
surprise.
Comme dans l’incipit, notre extrait commence par une réplique de
personnage sans verbe de parole et sans nom ou pronom indiquant
G3/400-65346-132 à 148 Page 138 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

138 UN ROMAN DU XXe SIÈCLE

l’identité du locuteur. Le personnage reste anonyme et semble surgir de


nulle part. Il est désigné par un déterminant indéfini (« une dame »).
La perception qu’en a le personnage de Phil est indirecte puisqu’il est
obligé de se retourner pour lui faire face. La Dame en blanc est dési-
gnée d’abord par la métonymie « la voix ». Le verbe « l’éveilla » montre
qu’elle surprend Phil en pénétrant directement dans son univers. Les
phrases exclamatives et le choix de phrases nominales dans la première
réplique participent à la brutalité de cette entrée en matière.
Dans une scène de rencontre amoureuse, le lecteur s’attend à trouver la descrip-
tion de l’objet du désir. Que savons-nous de la femme qui surgit devant Phil ?
La description est très limitée. Le personnage est surtout caractérisé
par ses vêtements associés systématiquement à la couleur blanche. Elle
est dès lors désignée par les périphrases « la Dame en blanc » ou « la
Dame blanche ». Cela donne au personnage un aspect fantomatique et
lui confère presque le statut d’une apparition étrange. Le personnage
conserve donc un certain mystère.

• Un personnage incongru et une rencontre improbable


Montrez que le personnage apparaît comme décalé par rapport au contexte
spatial.
Le personnage est perdu et demande son chemin. Sa tenue vestimen-
taire semble peu appropriée au lieu puisqu’elle porte des talons pour
marcher dans les dunes. De plus, elle ne semble pas être une habituée
du lieu puisqu’elle ne maîtrise pas le vocabulaire local, ignorant ce
qu’est le goémon.
Montrez que les portraits de Phil et de la Dame en blanc se construisent en
opposition.
Les deux personnages apparaissent comme très différents, leur ren-
contre paraît donc improbable. La désignation de Phil par le terme
« petit » indique sa jeunesse, ironiquement corrigée par le terme très
inapproprié de « monsieur ». Le ton autoritaire de la Dame en blanc et
le fait que Philippe rougit imposent des rapports de domination entre
les deux personnages. La Dame en blanc apparaît « virile » (« manière
virile » et ambiguïté de « comme un homme ») alors que Phil réagit
comme une jeune fille (« paralysé par une de ses crises de féminité »).
Les rapports homme-femme sont inversés. L’âge et l’expérience, tout
semble opposer les personnages.
Comment se termine le dialogue ?
L’arrivée de Vinca vient interrompre la rencontre entre Phil et la
Dame blanche. Elle était déjà présente dans le dialogue puisque Phil y
G3/400-65346-132 à 148 Page 139 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

LE BLÉ EN HERBE 139

fait maladroitement référence. La Dame en blanc interroge plus habile-


ment Phil au sujet de cette rivale potentielle et non sans une certaine
ironie. Cette scène de rencontre crée ainsi un triangle amoureux et une
double opposition, et relance l’intrigue. Le triangle amoureux avait déjà
été au cœur du roman Chéri (1920) où le couple Léa et Chéri était mis
en danger par l’arrivée de la jeune Edmée. Ce thème demeurera une
constante de l’œuvre de Colette avec des variations intéressantes,
notamment dans La Chatte (1933) où le rôle de la rivale est assumé par
un animal domestique.

Séance n° 4 : intertextes
Objectifs → Comparer deux textes.
→ Étudier un topos romanesque.
Supports → Extrait étudié lors de la séance n° 3.
→ Stendhal, Le Rouge et le Noir, chapitre VI, de « Avec
la vivacité » à « si près de lui ».
→ Le Blé en herbe, de « Vinca !, Voyons Vinca ! » à « faisait
comprendre sans détour » (chapitre XVI).

Nous proposons une quatrième séance sur une étude comparée entre
le texte de Colette et la rencontre de Julien Sorel et de Mme de Rénal
dans Le Rouge et le Noir de Stendhal. Les deux scènes sont assez proches.
On pourra demander aux élèves de relever les points communs lors
d’un travail collectif en module. Il s’agira d’attirer leur attention sur les
motifs traditionnels de la rencontre amoureuse, l’importance des
regards, la rougeur et l’embarras. Les deux scènes se ressemblent égale-
ment par la situation particulière des personnages puisque dans le
roman de Stendhal, Mme de Rénal prend Julien pour une jeune fille et
tombe sur lui par hasard. Enfin, la situation d’une femme d’âge mûr et
d’un tout jeune homme se retrouve dans les deux romans. La question
des registres se posera alors, tandis que Stendhal reste dans un registre
sentimental, romantique et pathétique, Colette use volontiers de
l’ironie lucide et parfois même perfide mettant en avant les stratégies
du désir de la Dame en blanc (« livrée à une pensée cachée »).
L’image de la femme amoureuse chez Colette se démarque profondé-
ment de celle imposée dans la tradition romanesque avant elle,
incarnée chez Stendhal par une Mme de Rénal idéalisée et passive.
Colette est non seulement le premier écrivain à porter un authentique
regard de femme sur les hommes, mais aussi, et plus encore, sur les
femmes elles-mêmes. Dans la même perspective, on pourra lire un
G3/400-65346-132 à 148 Page 140 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

140 UN ROMAN DU XXe SIÈCLE

autre passage du Blé en herbe, celui qui sera étudié lors de la


séance n° 8, de « Vinca ! Voyons, Vinca ! à « faisait comprendre sans
détour », chapitre XVI.

Séance n° 5 : une écriture de la sensation


Objectif → Cerner une des spécificités du style de Colette.
Support → De « Il entra » à « qui ôtait à Philippe tout son sang-froid »
(chapitre VIII).

Cette séance vise à mieux cerner une des caractéristiques du style de


Colette : une écriture de la sensation.

• Le théâtre du désir
Quel est le point de vue dominant dans le texte ?
Comme souvent dans le roman, c’est le point de vue interne qui
domine ici. La scène est perçue à travers les émotions et les sensations
du jeune homme. C’est la première fois qu’il pénètre dans la demeure
de la Dame en blanc.
Montrez que le cadre spatial est propice à l’épanouissement du désir.
Colette passe ici d’un espace ouvert qui est celui de Phil et Vinca à un
espace clos plus intime. La pièce est sombre « une pièce noire, fermée
aux rayons et aux mouches ».

• Sensation et sensualité
Relevez les sensations déployées dans ce texte.
– La vue : les couleurs et les lumières, « les yeux habitués dis-
cernèrent », « brilla », « reflété ».
– Le toucher : « la basse température », « froide », « un verre glacé
toucha sa main », « meuble mou ».
– Le goût : « le goût d’orange acide », « gorgées ».
– L’odorat : « l’odeur de la résine et du géranium », « le parfum ».
– L’ouïe : « il entendit un petit rire démoniaque », « la voix de
Mme Dalleray », « tintant », « le bruit d’éventail ».
Toutes les sensations sont convoquées et déployées dans le texte à tra-
vers de multiples notations. L’éveil à la sensualité est d’abord chez Phil
un éveil des sens.
G3/400-65346-132 à 148 Page 141 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

LE BLÉ EN HERBE 141

• « L’inquiétante étrangeté du désir »


Quelle atmosphère se dégage de la description de la pièce ?
L’espace est marqué d’une sensualité qui inquiète le personnage (« il
faillit pleurer d’angoisse »). L’expression oxymorique « somptueux
cauchemar » qui caractérise la sensation de Phil à la fin du texte révèle
l’ambiguïté d’un désir sensuel marqué par la culpabilité.
Une lecture symbolique est possible puisque le premier paragraphe
s’ouvre sur la chute du personnage et évoque « un rire démoniaque ».
La chute physique est peut-être une chute morale révélatrice des inquié-
tudes du jeune adolescent confronté à son désir. Mme Dalleray joue ici
le rôle de la tentatrice. Le rapt amoureux est suggéré par la dernière
phrase du passage et peut-être par le perroquet qui n’est pas sans rap-
peler les romans de pirates. La Dame en blanc évoque les dieux païens
de l’Antiquité assouvissant leur désir sans contrainte morale. La « fumée
verticale d’un parfum qui brûlait » donne une dimension mystique à
cette scène. Philippe apparaît presque ici comme la victime. Cette
atmosphère inquiétante est peut-être liée à un sentiment de culpabilité
de l’écrivain qui entretient une liaison avec son jeune beau-fils.

Séances n°s 6 et 7 : un roman à clés ?


Objectif → Découvrir et exploiter la biographie de Colette.
Supports → Jacques Trefouel et Gérard Bonal, Colette. Un siècle d’écrivains,
1995.
→ Le Blé en herbe, passim.

Les séances qui suivent permettent de faire travailler aux élèves la


prise de notes, d’introduire la biographie de Colette et de montrer que
Le Blé en herbe est aussi un roman à clés qui pose la question de la genèse
de l’œuvre.
Dans un premier temps, nous proposons de visionner avec les élèves
le documentaire Un siècle d’écrivains consacré à Colette, réalisé par
Jacques Trefouel et écrit par Gérard Bonal (disponible au CNDP). La
classe aura comme consigne de prendre des notes. On donnera aux
élèves en fin de séance un questionnaire destiné à exploiter leur prise
de notes. Ce dernier leur permettra de vérifier la qualité de leur prise de
notes.
À partir des réponses au questionnaire, on amènera les élèves à cons-
tater les parallèles entre la vie de l’auteur et les éléments du récit. On
G3/400-65346-132 à 148 Page 142 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

142 UN ROMAN DU XXe SIÈCLE

complétera ces éléments puis on introduira la notion de roman à clés et


on se posera la question de la genèse de l’œuvre.
Quel lieu réel a inspiré le cadre spatial du Blé en herbe ?
La plupart des chapitres qui composent Le Blé en herbe ont été écrits en
Bretagne à Rozven, où Colette possédait une villa au bord de la mer. La
description des paysages dans le roman doit beaucoup à la connaissance
qu’en avait Colette. Les quelques indications toponymiques fournies
dans le roman permettent de situer l’action entre Saint-Malo et Cancale,
là même où se trouvait la villa de l’écrivain. Par ailleurs, le nom de la
Dame en blanc (Mme Dalleray) est inspiré du nom d’une rue à Paris
(rue d’Alleray dans le XVe arrondissement) où habitait Hélène Picard,
poétesse amie de Colette, qui séjournait fréquemment à Rozven et qui
hébergea un temps Bertrand de Jouvenel, fils du second mari de Colette,
qui inspira le personnage de Phil.
Qui a inspiré le personnage de Phil ?
Le personnage de Phil est sans aucun doute inspiré de Bertrand de
Jouvenel, fils d’Henry de Jouvenel et, en 1922, beau-fils de Colette.
Henry de Jouvenel est le second époux de Colette. Elle l’épousa en
1912. Ils eurent ensemble une fille, Colette de Jouvenel (1913-1981).
Bertrand de Jouvenel (1903-1987) était né d’un précédent mariage. Sa
mère, Claire Boas, le confia à Colette et le jeune homme séjourna fré-
quemment à Rozven dès l’été 1920. Colette y devint sa confidente et sa
conseillère. L’amour de Bertrand de Jouvenel à cette époque pour une
jeune fille, Pamela Paramythioti, inspira sans doute à Colette le couple
Phil et Vinca.
Quel(s) autre(s) personnage(s) peut-on considérer comme des personnages à clés ?
Durant la période 1921-1922, Colette passa du rôle de confidente à
celui d’initiatrice et devient la maîtresse de son beau-fils. On peut voir
dans le personnage de Mme Dalleray et sa relation avec Phil un écho de
la relation que Colette entretint avec Bertrand de Jouvenel, qui avait à
l’époque dix-sept ans. On ne saurait toutefois assimiler complètement la
Dame en blanc à l’écrivain. Le personnage est un des nombreux miroirs
que l’écrivain se tend à travers la fiction, une façon de se contempler et
de se construire. Le procédé est constant dans l’œuvre depuis Claudine
à l’école (1900), qui évoque son enfance à Saint-Sauveur-en-Puisaye,
devenu Montigny dans le roman, jusqu’au Fanal bleu (1949), où Colette
note son quotidien dans son appartement du Palais-Royal, en passant
par La Vagabonde (1910), qui s’inspire de la carrière de mime de l’écri-
vain et où le thème du miroir prend un relief particulier : « Moi… En
pensant ce mot-là, j’ai regardé involontairement le miroir. C’est pour-
tant bien moi qui suis là. »
G3/400-65346-132 à 148 Page 143 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

LE BLÉ EN HERBE 143

Séance n° 7 : Vinca, de la soumission à la révolte


Objectifs → Comparer deux textes.
→ Étudier le dialogue dans un récit.
Support → De « Je te dis de te taire » à « je me marierai » (chapitre III)
et de « Vinca ! Voyons, Vinca ! » à « ce que Vinca comprenait
et faisait comprendre sans détour » (chapitre XVI).

On proposera dans cette séance une étude comparée de deux textes,


qui permettra d’éclairer l’importance du personnage de Vinca et de
marquer l’évolution de ses relations avec Phil au cours du roman. Ces
deux textes offrent également l’occasion de revenir sur la technique du
dialogue et sur son importance dans l’œuvre de Colette.
Quel est le point commun entre ces deux extraits ?
Les deux extraits sont majoritairement des passages dialogués. Ils pré-
sentent deux scènes de dispute entre Phil et Vinca. Ces disputes sont
fréquentes dans le roman et sont annoncées dès l’incipit : « L’an passé
déjà ils échangeaient des répliques aigres, des horions sournois. »
Quelle est l’origine du désaccord entre les personnages dans chacun des dia-
logues ?
Dans les deux textes, les personnages s’opposent violemment. Dans le
premier dialogue, Phil et Vinca développent deux visions antagonistes
de l’avenir. Alors que Vinca accepte avec résignation le destin fixé par
ses parents, Phil se révolte avec une impatience tout adolescente. Dans
le second dialogue, la jalousie est à l’origine d’une dispute violente.
Comparez les deux textes. Comment le personnage de Vinca évolue-t-il ?
Alors que dans le premier texte Vinca semblait soumise et à l’autorité
de sa famille et à l’autorité de Phil, dans le second texte, elle se révolte
et domine son camarade. Les rapports de force sont donc inversés. Alors
que Phil reprochait à Vinca dans le premier texte sa soumission, c’est au
tour de Vinca, dans le second extrait d’attaquer et de dénoncer la passi-
vité de Phil. Elle insiste sur ses « pâmoisons » continuelles et le met face
à son manque de virilité. Elle le provoque dans le but de le faire réagir.
Elle marque ainsi son changement de statut. Les propos enfantins
(« maman a dit », « mon bachot ») du premier texte font place à des
propos de femme (« Toi qui m’as trompée, […] toi qui m’as délaissée
pour une autre femme », « tu n’as ni honte ni bon sens ni pitié »). Vinca
n’est plus la jeune fille rougissante, docile et esclave de ses parents mais
une femme capable de violence. Une femme sûre d’elle, « à l’aise dans
sa fureur féminine ».
G3/400-65346-132 à 148 Page 144 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

144 UN ROMAN DU XXe SIÈCLE

Dans la seconde scène, comment s’exprime la violence dans les répliques de


Vinca ? Quels sont les procédés d’écriture utilisés ?
La violence chez Vinca s’exprime de deux façons. Elle est verbale et
physique. On assiste dans la scène à une montée de la violence qui se
construit progressivement. Il y a gradation. Tout d’abord, Vinca tente de
se contenir en parlant peu et en ne répondant pas à Phil. Puis elle
s’emporte comme le montre l’emploi récurrent de phrases exclamatives
et injonctives associées à des interrogations rhétoriques. Les nom-
breuses répétitions dans le passage, tout comme les interjections
« hein » réitérées marquent l’emballement et l’énervement de Vinca. La
violence culmine dans le dernier paragraphe avec le coup de poing
final.

Séance n° 8 : le temps dans Le Blé en herbe


Objectif → Étudier le rythme du récit et le thème du temps
dans le roman.
Support → L’ensemble du texte.

• Le rythme du récit
Complétez le tableau ci-dessous.

Chapitres Notations de temps Nombre de pages


III

IX

XIII

XIV

XVI

Le récit ne raconte pas chaque événement. Le narrateur peut être amené à


passer sous silence certaines actions soit pour « alléger » l’écriture soit pour créer
un effet particulier. Ce procédé s’appelle une ellipse narrative. À l’aide du tableau
ci-dessus, relevez et commentez les ellipses de la narration.
G3/400-65346-132 à 148 Page 145 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

LE BLÉ EN HERBE 145

• Le Blé en herbe ou le temps de l’adolescence


La suite de la séance se présente sous la forme d’une leçon.
Le thème du temps est au cœur du récit. Le Blé en herbe est d’abord le
roman de l’adolescence, temps transitoire entre l’enfance et l’âge
adulte. Colette avait d’ailleurs initialement songé à intituler son texte Le
Seuil. Le titre Le Blé en herbe provient de l’expression courante évoquant
de façon métaphorique la jeunesse ou l’immaturité. Le blé en herbe est
en effet le blé encore vert qui n’est pas assez mûr pour être moissonné.
LE TEMPS ENLISÉ
Le thème du temps se manifeste de différentes façons dans le texte. Il
y a d’abord le temps cyclique des vacances qui reviennent chaque
année, temps de l’enracinement dans l’habitude, et le temps des saisons
lié à la nature indifférente. Ce temps répétitif s’oppose aux bouleverse-
ments psychologiques et physiques qui marquent les personnages dès
l’incipit. Ces bouleversements constituent la trame du récit. Ils sont saisis
sur l’instant en une succession de chapitres (I-XV) qui fonctionnent
comme autant de scènes ou d’instantanés d’une vie adolescente. La
composition du récit rend compte des hésitations psychologiques de cet
âge qui vit au jour le jour. Le moindre événement, par exemple la visite
d’un ami de la famille (voir chapitre II), peut prendre une dimension
inattendue et marquer profondément la perception que les jeunes gens
ont du monde.
ÉCHAPPER AU TEMPS
Phil semble prisonnier de l’instant, incapable de se projeter dans
l’avenir à la différence de Vinca et de la Dame en blanc. L’une accepte
docilement l’avenir qu’on lui propose et l’autre s’appuie sur son expé-
rience passée pour décider de sa vie. Phil au contraire s’enlise dans le
présent et tente d’échapper à ce qui l’attend en arrêtant le temps par
des évanouissements répétés et incontrôlés. Ces pertes de conscience
constituent un temps suspendu, de véritables trous noirs. La tentation
du suicide apparaît comme un ultime moyen d’échapper au temps. Le
thème de la mort traverse le texte : « Les amants de seize ans […] ne
font place à la mort dans leurs desseins que s’ils la décernent comme
une récompense ou l’exploitent comme un dénouement de fortune,
parce qu’ils n’en ont pas trouvé d’autre » (chapitre VI).
L’IMPATIENCE
Le personnage se sent dans un entre-deux, un seuil pour reprendre
le titre initial. Il angoisse à l’idée d’attendre cinq ans l’âge de sa maturité
civile. L’adolescence apparaît comme un temps d’attente insuppor-
G3/400-65346-132 à 148 Page 146 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

146 UN ROMAN DU XXe SIÈCLE

table entre l’insouciance de l’enfance et la liberté supposée de l’âge


d’homme. Phil émet parfois le souhait de retourner en arrière. Au
chapitre XVI, il exprime des regrets : « Quand j’étais petit, se dit Phi-
lippe, le buisson d’ajoncs ne penchait pas vers la plage. La mer a mangé
tout ça – un mètre au moins – pendant que je grandissais… » Lorsqu’il
ne regrette pas son enfance, le personnage fait preuve d’impatience.
Nous nous reporterons au texte du chapitre III que nous avons déjà
étudié. On peut citer : « Je crève, entends-tu, je crève à l’idée que je n’ai
que seize ans ! » et un peu plus loin « je déteste ce moment de ma vie !
Pourquoi est-ce que je ne peux pas tout de suite avoir vingt-cinq ans ? »
(chapitre III).

Séance n° 9 : « L’amour de Phil-et-Vinca »


Objectif → Étudier un excipit.
Support → De « Il dormit peu » à « Je ne lui aurai donné que cela…
que cela… »

Notre texte a un statut particulier. En effet, il a été écrit dans la conti-


nuité du chapitre XVI. Il est séparé du dernier chapitre par un saut de
page, dans l’édition originale, et n’est pourtant pas numéroté. Cela lui
confère presque le statut d’un épilogue. Nous nous proposons de faire
étudier aux élèves les fonctions de l’excipit.
La fonction principale de l’excipit est de clore le récit de façon satisfai-
sante pour le lecteur, c’est-à-dire en achevant les intrigues développées
précédemment et en faisant le bilan de l’évolution des personnages et
de l’action.
Cette fin vous paraît-elle surprenante ? Justifiez votre réponse à l’aide d’élé-
ments du texte.
La fin renvoie au chapitre initial puisqu’elle présente encore un tête-
à-tête entre Phil et Vinca. Cet ultime chapitre rappelle aussi par le motif
du balcon et de la fenêtre la scène où Phil au chapitre XI rentre tardive-
ment de chez Mme Dalleray après avoir passé une partie de la nuit en sa
compagnie. Ces phénomènes d’échos annoncent la clôture, d’autant
que la scène présente le réveil des deux adolescents après leur première
nuit d’amour. C’est donc un chapitre attendu qui fait le bilan de ce que
Phil nomme lui-même « l’amour de Phil-et-Vinca ». L’intrigue senti-
mentale est donc résolue. L’épisode de la Dame en blanc a servi de cata-
lyseur à la relation amoureuse entre les deux adolescents. Toutefois, si la
fin du récit comble les attentes du lecteur en matière d’intrigue senti-
G3/400-65346-132 à 148 Page 147 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

LE BLÉ EN HERBE 147

mentale, le personnage de Phil exprime malgré tout une forme d’insa-


tisfaction.
Le texte signale « il ne s’arrêta qu’à sa déception ». À votre avis, pourquoi Phil
est-il déçu ?
L’apparition de Vinca à la fenêtre de sa chambre après leur nuit
d’amour peut laisser présager que la jeune femme tout comme Phil
aura été marquée par cette expérience. Phil d’ailleurs s’attend à ce
changement chez sa camarade et se prépare même à ce qu’il va lui dire.
Mais contre toute attente et à la surprise du personnage, la jeune fille ne
modifie en rien ses habitudes. Son image ne change pas. Elle se com-
porte comme si rien ne s’était passé. La nuit d’amour ne transforme pas
profondément sa camarade : « Ni grand bien ni grand mal… la voilà
indemne… » L’orgueil masculin de Phil est mis à mal. La restrictive
finale « que cela… que cela… » montre son peu d’influence sur le
monde qui l’entoure. Malgré sa double initiation, le personnage
demeure angoissé. C’est une leçon de vanité pour le personnage, qui
contemple « sa propre petitesse, sa chute, sa bénignité ».
À l’issue de cette séance de clôture, on fera noter aux élèves que
Colette choisit d’achever son récit sur le monologue intérieur de Phil,
ici très clairement identifié par des guillemets, contrairement à ce qui se
passait dans l’incipit. Il apparaît donc clairement que Phil est le person-
nage principal de ce récit où Vinca et Mme Dalleray ne sont que comme
des opposants ou des adjuvants du personnage masculin. Nous propo-
sons donc une brève étude stylistique de ce passage en monologue inté-
rieur afin d’insister sur le lyrisme qui le caractérise.
Dans l’avant-dernier paragraphe, de « Ô toi que j’appelais » à « jusqu’à
aujourd’hui », à qui s’adresse Phil en pensée et pourquoi ?
Déçu par l’attitude de Vinca, Phil se retourne vers son initiatrice, la
Dame en blanc, pour la questionner et lui adresser des reproches. Cela
montre le désarroi du personnage et donne un aspect pathétique à cette
fin.
Quel registre identifiez-vous ici ?
À part le registre pathétique précédemment noté, c’est le registre
lyrique qui domine ici. Il est introduit par l’interjection lyrique « ô toi ».
Il est marqué par la domination de la première personne du singulier et
par l’emploi de registre de langue élevé (« l’orgueil des donateurs ») et
l’emploi de questions rhétoriques.
G3/400-65346-132 à 148 Page 148 Mardi, 28. mars 2006 3:38 15

148 UN ROMAN DU XXe SIÈCLE

IV. Orientations bibliographiques

Textes de Colette
COLETTE, Œuvres, éd. Claude Pichois, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade »,
4 vol., 1984-2001. [L’édition de référence ; textes richement annotés, on pourra
notamment y consulter les nombreuses variantes.]
Biographies
ARGONNE, Paul, Une dame, trois rois et quelques cavaliers, Belfond, 2004. [Il ne faut pas
se fier au titre de cette biographie écrite par un fin connaisseur de l’œuvre et
de la vie de Colette.]
BONAL, Gérard, et RÉMY-BIETH, Michel, Colette intime, Phébus, 2005. [De très nom-
breux documents reproduits en fac-similé ; une façon de découvrir à la source
la vie et l’œuvre de Colette.]
BRUNET, Alain, et PICHOIS, Claude, Colette, Le Livre de Poche. [Prix Goncourt de la
biographie ; biographie de référence.]
Études
DUCREY, Guy, L’ABCdaire Colette, Flammarion, 2000. [Un ouvrage pour découvrir
Colette, sa vie et son œuvre. De nombreuses informations et une introduction
particulièrement éclairante.]
DUPONT, Jacques, Colette, Hachette, 1995. [Une très bonne introduction à l’œuvre
de Colette à destination des étudiants.]
MAGET, Frédéric, Colette. Livret Pédagogique, Le Livre de Poche, 2004. [Ouvrage uni-
quement disponible en bibliothèque ; introduction et séquences pédago-
giques.]
[MAGET, Frédéric, éditeur], COLETTE, Dialogues de bêtes, Gallimard, coll. « Folio clas-
siques du XXe siècle », 2004. [Biographie, introduction et étude à destination du
secondaire.]
Revues
Cahiers Colette, n°s 1-27, PUR, 1978-2004. [Publication annuelle de la Société des
amis de Colette (Mairie de Saint-Sauveur-en-Puisaye) ; nombreux articles et iné-
dits.]
Colette, Textes et documents pour la classe (TDC), CNDP-CRDP, n° 880, 15 septembre
2004. [Articles d’Alain BRUNET, Martine CHARREYRE, Julia KRISTEVA, Frédéric
MAGET, etc. Nombreuses propositions de séquences pédagogiques.]

Frédéric MAGET.

Vous aimerez peut-être aussi