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XXe SIÈCLE
Un roman
COLETTE
Le Blé en herbe
(257 – 3,20 €)
I. Pourquoi étudier
Le Blé en herbe en Troisième ?
Le Blé en herbe (1923) est un des romans les plus célèbres de Colette
avec la série des Claudine, Chéri, La Maison de Claudine, Sido et Gigi. Il
figure dans les documents d’accompagnement de la classe de Troi-
sième, mais ne bénéficiait pas jusqu’à présent d’une édition à destina-
tion d’un public scolaire. L’étude du roman pourra être menée dans le
cadre d’une liaison Troisième-Seconde. Elle est en relation avec l’objet
d’étude « Un roman ou un recueil de nouvelles du XIXe ou du XXe siècle »
en Troisième et « le récit » en Seconde. Le roman de Colette permet
d’approfondir l’étude du récit par celle d’un topos romanesque : la
scène de rencontre amoureuse.
Les exigences de langue sont élevées dans les textes de Colette. Elles
sont liées à l’emploi d’un vocabulaire complexe et spécialisé et d’un
style recherché. L’importance du dialogue dans Le Blé en herbe permet
aux élèves de se repérer dans le texte et de dépasser ces difficultés. Ces
exigences de langue permettent aisément le décloisonnement en classe
de Troisième. La séquence que nous proposons contient des études sur
les formes du discours rapporté et l’emploi des temps.
Enfin, les thèmes de l’adolescence, de la découverte des sentiments
amoureux et de la sensualité abordés avec beaucoup de nuances par
Colette sont à même d’intéresser des élèves qui ont le même âge que les
héros du récit (quinze et seize ans). Toutefois, on ne saurait réduire le
roman à une littérature pour adolescents. Comme l’indique l’auteur à
propos de son texte : « Je voulais signifier […] que l’amour passion n’a
pas d’âge et que l’amour n’a pas deux espèces de langage… »
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Cette séance vise à faire comprendre aux élèves que les conditions
d’écriture et de publication d’une œuvre sont intimement liées. Les
activités qui suivent ont pour but de familiariser les élèves avec le
texte.
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Séance n° 2 : l ’incipit
Objectif → Étudier un incipit.
Support → De « Tu vas à la pêche, Vinca ? » à « s’arme de tout
ce qui le gêne » (chapitre I).
• La fonction informative
Quelles informations donnent les premiers paragraphes du texte sur les person-
nages et le cadre spatio-temporel ?
Nous connaissons les prénoms des deux héros. Nous avons même le
surnom de la jeune fille (« la pervenche ») qui est une traduction de son
prénom qui en latin désigne cette fleur. Nous connaissons également
l’âge précis des deux protagonistes : Vinca a quinze ans et demi et Phil
seize ans et demi. Nous avons aussi des détails physiques, principale-
ment sur le personnage de Vinca. Elle apparaît comme blonde à che-
veux courts, le teint hâlé, avec un corps mince et juvénile. Elle a les yeux
gris. La métaphore du deuxième paragraphe permet de comprendre
qu’elle a les yeux bleu-gris (« aux yeux couleur de pluie printanière »).
Sa tenue vestimentaire est également décrite de façon détaillée. La des-
cription du jeune homme est plus succincte. On sait seulement qu’il a
une fossette au menton. Le cadre spatial n’est pas précisément défini
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• La fonction incitative
Quelle est la particularité de la réplique initiale ? Quel effet produit-elle sur le
lecteur ?
La réplique n’est accompagnée d’aucun verbe de parole et donc
d’aucun nom ou pronom permettant d’identifier l’identité de l’énon-
ciateur. Cela crée un léger effet de suspense qui ne sera levé qu’une
dizaine de lignes plus loin. Le lecteur découvre les personnages s’immis-
çant directement dans leur dialogue et leurs activités. On parle d’un
début in medias res, qui capte d’emblée l’attention du lecteur.
Commentez les marques de ponctuation qui concluent chacun des trois premiers
paragraphes.
Les deux premiers paragraphes s’achèvent sur des phrases interroga-
tives. Le troisième paragraphe se termine par des points de suspension.
La curiosité du lecteur est ainsi relancée d’un paragraphe à l’autre. Le
style ménage des effets d’attente.
• La fonction générique
Que désigne le « on » dans la phrase : « On savait que sa jupe à carreaux
bleus et verts qui datait de trois ans et laissait voir ses genoux, appartenait à la
crevette et aux crabes » ?
« On » est un pronom personnel indéfini dont l’interprétation en
français est délicate car il peut désigner toutes les personnes de la
conjugaison, de « je » à « ils ». Il provient en effet de la contraction en
latin du mot homo désignant l’homme en général. Dans notre texte, plu-
sieurs hypothèses sont possibles. « On » peut être remplacé par « il »
renvoyant au locuteur de la première réplique, Philippe. L’emploi de
« on » se justifie par le fait que ce locuteur comme nous l’avons indiqué
précédemment n’est pas encore nommé. Ce « on » peut aussi appa-
raître comme un « ils » au pluriel désignant tous les regards portés sur
la jeune femme par les personnages qui l’entourent (« tout le
monde »). Il s’agirait alors d’un constat de notoriété publique. Enfin, de
façon plus intéressante, « on » peut être l’équivalent d’un « nous »
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Séance n° 4 : intertextes
Objectifs → Comparer deux textes.
→ Étudier un topos romanesque.
Supports → Extrait étudié lors de la séance n° 3.
→ Stendhal, Le Rouge et le Noir, chapitre VI, de « Avec
la vivacité » à « si près de lui ».
→ Le Blé en herbe, de « Vinca !, Voyons Vinca ! » à « faisait
comprendre sans détour » (chapitre XVI).
Nous proposons une quatrième séance sur une étude comparée entre
le texte de Colette et la rencontre de Julien Sorel et de Mme de Rénal
dans Le Rouge et le Noir de Stendhal. Les deux scènes sont assez proches.
On pourra demander aux élèves de relever les points communs lors
d’un travail collectif en module. Il s’agira d’attirer leur attention sur les
motifs traditionnels de la rencontre amoureuse, l’importance des
regards, la rougeur et l’embarras. Les deux scènes se ressemblent égale-
ment par la situation particulière des personnages puisque dans le
roman de Stendhal, Mme de Rénal prend Julien pour une jeune fille et
tombe sur lui par hasard. Enfin, la situation d’une femme d’âge mûr et
d’un tout jeune homme se retrouve dans les deux romans. La question
des registres se posera alors, tandis que Stendhal reste dans un registre
sentimental, romantique et pathétique, Colette use volontiers de
l’ironie lucide et parfois même perfide mettant en avant les stratégies
du désir de la Dame en blanc (« livrée à une pensée cachée »).
L’image de la femme amoureuse chez Colette se démarque profondé-
ment de celle imposée dans la tradition romanesque avant elle,
incarnée chez Stendhal par une Mme de Rénal idéalisée et passive.
Colette est non seulement le premier écrivain à porter un authentique
regard de femme sur les hommes, mais aussi, et plus encore, sur les
femmes elles-mêmes. Dans la même perspective, on pourra lire un
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• Le théâtre du désir
Quel est le point de vue dominant dans le texte ?
Comme souvent dans le roman, c’est le point de vue interne qui
domine ici. La scène est perçue à travers les émotions et les sensations
du jeune homme. C’est la première fois qu’il pénètre dans la demeure
de la Dame en blanc.
Montrez que le cadre spatial est propice à l’épanouissement du désir.
Colette passe ici d’un espace ouvert qui est celui de Phil et Vinca à un
espace clos plus intime. La pièce est sombre « une pièce noire, fermée
aux rayons et aux mouches ».
• Sensation et sensualité
Relevez les sensations déployées dans ce texte.
– La vue : les couleurs et les lumières, « les yeux habitués dis-
cernèrent », « brilla », « reflété ».
– Le toucher : « la basse température », « froide », « un verre glacé
toucha sa main », « meuble mou ».
– Le goût : « le goût d’orange acide », « gorgées ».
– L’odorat : « l’odeur de la résine et du géranium », « le parfum ».
– L’ouïe : « il entendit un petit rire démoniaque », « la voix de
Mme Dalleray », « tintant », « le bruit d’éventail ».
Toutes les sensations sont convoquées et déployées dans le texte à tra-
vers de multiples notations. L’éveil à la sensualité est d’abord chez Phil
un éveil des sens.
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• Le rythme du récit
Complétez le tableau ci-dessous.
IX
XIII
XIV
XVI
Textes de Colette
COLETTE, Œuvres, éd. Claude Pichois, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade »,
4 vol., 1984-2001. [L’édition de référence ; textes richement annotés, on pourra
notamment y consulter les nombreuses variantes.]
Biographies
ARGONNE, Paul, Une dame, trois rois et quelques cavaliers, Belfond, 2004. [Il ne faut pas
se fier au titre de cette biographie écrite par un fin connaisseur de l’œuvre et
de la vie de Colette.]
BONAL, Gérard, et RÉMY-BIETH, Michel, Colette intime, Phébus, 2005. [De très nom-
breux documents reproduits en fac-similé ; une façon de découvrir à la source
la vie et l’œuvre de Colette.]
BRUNET, Alain, et PICHOIS, Claude, Colette, Le Livre de Poche. [Prix Goncourt de la
biographie ; biographie de référence.]
Études
DUCREY, Guy, L’ABCdaire Colette, Flammarion, 2000. [Un ouvrage pour découvrir
Colette, sa vie et son œuvre. De nombreuses informations et une introduction
particulièrement éclairante.]
DUPONT, Jacques, Colette, Hachette, 1995. [Une très bonne introduction à l’œuvre
de Colette à destination des étudiants.]
MAGET, Frédéric, Colette. Livret Pédagogique, Le Livre de Poche, 2004. [Ouvrage uni-
quement disponible en bibliothèque ; introduction et séquences pédago-
giques.]
[MAGET, Frédéric, éditeur], COLETTE, Dialogues de bêtes, Gallimard, coll. « Folio clas-
siques du XXe siècle », 2004. [Biographie, introduction et étude à destination du
secondaire.]
Revues
Cahiers Colette, n°s 1-27, PUR, 1978-2004. [Publication annuelle de la Société des
amis de Colette (Mairie de Saint-Sauveur-en-Puisaye) ; nombreux articles et iné-
dits.]
Colette, Textes et documents pour la classe (TDC), CNDP-CRDP, n° 880, 15 septembre
2004. [Articles d’Alain BRUNET, Martine CHARREYRE, Julia KRISTEVA, Frédéric
MAGET, etc. Nombreuses propositions de séquences pédagogiques.]
Frédéric MAGET.