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Paysage
Territoire
Nature
L’habitat rural vernaculaire,
Culture
Patrimoine un patrimoine
Être humain dans notre paysage
Société
Développement durable
Éthique
Esthétique
Habitant
Regard
Inspiration
Genius loci
o
n 1 – 2008
Gabriella Battaini-Dragoni
Directrice Générale de l’Education,
de la Culture et du Patrimoine,
de la Jeunesse et du Sport
du Conseil de l’Europe
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G io van n i C asc o n e
P r é s e n t a t i o n
Giovan n i C asc on e
hommes à modifier l’environnement à neuf l’emporte sur l’ancien et s’impose
leur avantage le plus rationnellement pos- dans le paysage environnant, avec un très
sible ; c’est de la structure de l’agriculture fort impact visuel car il ignore les typolo-
que naissent les éléments caractéristiques gies, les structures et les techniques de
du paysage. construction locales. Le scénario qui en
Divers facteurs déterminent la forme des résulte est répétitif : d’immenses han-
bâtiments : limites imposées par les res- gars préfabriqués dominent les ruines de
sources locales, productivité de la ferme vieilles fermes historiques. Les nouveaux
elle-même et constructions exigées par bâtiments incarnent une architecture née
le système de cultures. L’agencement avec l’industrialisation, internationale et
dépend de considérations environne- sans frontières, qui fait en général peu de
mentales et sociales, dont le souci de cas des caractéristiques locales.
sécurité.
Les matériaux, formes et volumes récur- Les bâtiments traditionnels ruraux sont à
rents, toujours liés aux conditions loca- la fois la cause et la conséquence d’un pay-
les, définissent des styles d’architecture sage donné. Le paysage agricole n’a rien
spécifiques qui deviennent représentatifs d’un paysage naturel : créé par l’homme,
du lieu. il reflète l’évolution des politiques en
matière d’agriculture. Afin d’abaisser les
S’agissant du climat, la structure cher- coûts de production, on modifie radica-
che à tirer le meilleur parti possible des lement les limites des champs, boulever-
conditions atmosphériques locales ; par sant un paysage qui se fait de plus en plus
exemple, les façades orientées au sud simplifié.
sont grandes, avec de larges galeries, tan- Les prairies et les marécages sont suppri-
dis que les murs orientés au nord sont més ; l’augmentation de la taille des par-
plus épais. celles nécessite d’immenses mouvements
Il n’est pas rare que des fermes construi- de terre. Les haies et les alignements végé-
tes il y a plus de mille ans aient été réno- taux sont détruits. Les bâtiments ruraux
vées et adaptées au cours des siècles pour traditionnels sont tout ce qui reste d’un
répondre à l’évolution des pratiques agri- paysage désormais appauvri.
coles ; une anomalie, si on les compare Ainsi, la réhabilitation ne devrait pas por-
à d’autres bâtiments utilitaires dont la ter que sur les bâtiments, mais aussi sur
durée de vie coïncide avec l’activité qui les éléments végétaux, et s’accompagner
les a engendrés. de l’idée d’une agriculture durable et res-
Si la communauté internationale s’inté- pectueuse, clairement à l’encontre de
resse aujourd’hui au patrimoine rural, l’économie de la démesure qui constitue Ferme en Sicile, Etna en arrière-plan
c’est à cause de son état général de déla- la tendance actuelle.
brement, dont les causes sont à la fois Le patrimoine rural englobe bâtiments
économiques, sociales et culturelles. et paysage, et sa sauvegarde suppose La réhabilitation des bâtiments anciens
Le système de production, autrefois de porter une attention particulière aux et leur réutilisation à des fins contempo-
fondé sur une rotation complexe des changements nécessaires pour valoriser raines passent par une évaluation appro-
cultures, repose maintenant sur une les caractéristiques locales. Cela demande fondie des points suivants :
monoculture qui laisse les champs à nu une approche commune (agriculteurs, – le potentiel réel de réutilisation des
pendant plus de sept mois. Le choix de responsables politiques, etc.) qui est très structures dans le nouveau contexte
la monoculture ou d’une rotation simpli- difficile à mettre en œuvre. agricole. Les solutions proposées doi-
fiée – tous les deux ans – a rendu inutiles vent découler d’une étude attentive de
les granges et les étables, et plus per- Tout bâtiment rural ayant conservé son l’organisation de l’exploitation, de sa
sonne n’a l’usage des vieux bâtiments de identité traditionnelle fait partie d’un production et de ses débouchés ;
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P r é s e n t a t i o n
– la gestion des biens, qui devrait garantir les existantes et à encourager leur réno- vaux de rénovation et leur acceptation
des normes d’entretien satisfaisantes vation à travers des soutiens financiers de la part de la population locale ;
après la réhabilitation. et/ou des allègements fiscaux appro- – donner des orientations pour réduire
L’entretien nécessaire dépend de l’usage priés. au maximum l’impact des différents
qui est fait du bâtiment : une série de Il est donc nécessaire de : réseaux d’alimentation sur les bâti-
fonctions compatibles avec le fonction- – mener une analyse détaillée de l’état ments traditionnels ;
nement de l’exploitation devraient être des bâtiments ruraux dans une même – décider des interventions nécessaires
identifiées afin de rendre la réhabilitation zone, pour pouvoir mettre au point des pour améliorer le micropaysage autour
viable. Une liste des priorités devrait être directives cohérentes concernant leur du bâtiment ;
définie, commençant par les fonctions réhabilitation ; – mettre en place, pour chaque zone géo-
graphique, un inventaire des matériaux
de construction nécessaires et disponi-
Fran c o S an giorgi
Vieille chapelle près d’une ferme dans la campagne Les bâtiments ruraux sont indéniable-
ment des témoins directs de l’activité
humaine en un lieu donné et si nous les
F r an co Sangiorgi
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El l e n Van Ol st
L ’ h a b i t a t r u r a l v e r n a c u l a
Ferme,
Hardenberg,
Overijssel
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El l e n Van Ol st
Représentation schématique de fermes au début
Au sein de l’extraordinaire diversité des bétail restera cependant la même : la tête du XIXe siècle
types de fermes traditionnels aux Pays- tournée vers la nef centrale.
Bas, on peut distinguer quelques familles
de bâtiments liés par des caractéristiques Loin du développement précoce du sud- remplie par les récoltes, tandis que l’es-
communes ou par une évolution histori- est du pays, les fermes du groupe septen- pace de travail et les étables se trouvent
que similaire. Les deux grandes traditions trional (de type dit « frison ») sont long- sur les bas-côtés. Les fermes du nord pré-
de construction sont celle du nord-ouest et temps restées plutôt petites et étroites. sentent un autre trait typique : la position
celle du sud-est. Autrefois, la plupart des Ici, on entrepose les récoltes à l’extérieur du bétail et la configuration des étables.
bâtiments du pays entraient dans l’une de la ferme, à l’air libre ou dans des gran- Dans ces régions, on a coutume d’atta-
ou l’autre de ces catégories. ges séparées, et le bâtiment principal ne cher les vaches par deux, tête tournée
Le groupe du sud-est (type dit générale- comprend que la pièce à vivre, l’étable vers le mur extérieur, entre des cloisons
ment de la « ferme-halle ») se développe et un petit espace de travail. Ce type de de bois. Les fosses à bétail ne sont pas en
au cours du Moyen Âge tardif à partir d’un bâtiment est généralement connu sous usage. Toutes les stalles sont de plain-pied
type de bâtiment antérieur, plus petit et le nom de fries langhuis (« maison longue ou même légèrement surélevées, un canal
plus primitif, qui ne comprenait qu’une frisonne »). d’évacuation du fumier courant derrière
pièce à vivre et une étable. La ferme-halle Pour les régions septentrionales, la chaque rangée. On estime généralement
qui en est issue, beaucoup plus vaste, réu- seconde moitié du XVIe siècle et tout le que ce type d’étable plus hygiénique a
nit pour la première fois dans les mêmes XVIIe sont une période de prospérité et d’abord été l’apanage des provinces du
murs le logement, l’étable et les lieux de d’essor économique. Les villes offrent un nord-ouest, où la production laitière a tou-
travail et de stockage. Les plus anciens débouché de plus en plus grand aux pro- jours été l’une des principales sources de
vestiges connus de ce type de ferme duits agricoles et notamment aux produits revenus.
remontent au XIVe siècle. Sa charpente laitiers, entraînant des transformations
caractéristique, probablement mise au majeures dans l’agriculture et un énorme Au fil du temps, un grand nombre de
point au cours du XVIe siècle, se com- effort de drainage de polders. Il faut donc types de fermes différents et de varian-
pose d’une série de structures appelées des bâtiments agricoles nouveaux, plus tes locales se sont développés au sein de
« poutres d’ancrage ». L’entrait (poutre efficaces et surtout, beaucoup plus grands. ces deux grandes traditions. À la fin du
maîtresse horizontale, sur laquelle repo- À la même époque, des pièces de bois XIXe siècle, les diverses pratiques et spé-
sent les solives du plancher du grenier), beaucoup plus longues que celles que peu- cialisations agricoles, l’apparition de nou-
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Pere Vall and the Provincial Government of Catalonia
L ’ h a b i t a t r u r a l v e r n a c u l a i r
La vallée du Llobregat, située au centre- secteur. Ce plan concerne une bande de de patrimoine contenant l’inventaire, le
nord de la Catalogne, devint un axe indus- territoire d’une longueur de 29 km, avec diagnostic et les mesures de protection
triel de premier ordre pendant la seconde une section de vallée d’environ 2 km, des bâtiments et des espaces libres pour
moitié du XIXe siècle. À cette époque-là, qui va du fleuve aux plateaux latéraux et chaque unité d’exécution ; 2) Les plans
une myriade de « colònies » furent créées englobe 9 communes et une population d’amélioration urbaine, qui comprennent
en quelques années, comme par géné- totale d’environ 20 000 personnes, toutes la délimitation de la croissance résiden-
ration spontanée. Ces cités ouvrières résidant dans les cités. tielle de chaque cité ; 3) La définition de
constituent l’un des ensembles les plus Les objectifs du Plan directeur sont les sui- la « voie civique », qui doit regrouper les
denses et les plus intéressants de l’Eu- vants : 1) Adapter le standard de qualité 18 cités pour garantir l’efficacité et la
rope de la première industrialisation. du parc résidentiel actuel et des services cohérence de l’ensemble. Ces mesures
L’évolution de l’industrie, en particulier urbains des cités à celui des communes ; seront accompagnées d’un plan straté-
au cours du XXe siècle, et l’émergence du 2) Consolider les cités comme quartiers gique visant à développer le tourisme et
secteur tertiaire transformèrent les cités d’un système urbain doté d’une person- l’activité de production de qualité. Le défi
en centres résidentiels. Même si la plupart nalité propre ; 3) Préserver la valeur patri- à relever par le gouvernement autonome
d’entre elles ne sont plus liées à l’activité moniale de la vallée du Llobregat en le de Catalogne, les communes, les proprié-
manufacturière qui est à leur origine, elles qualifiant de paysage culturel de premier taires et les résidents consiste à faire de
conservent une grande valeur historique ordre sur la base de son passé industriel et la vallée du Llobregat un exemple de res-
et culturelle. de l’interrelation particulière entre l’éco- pect du patrimoine culturel dans le cadre
système fluvial et son utilisation pour changeant d’un bassin fluvial au service
Conscient de la valeur des 18 cités la production d’énergie ; 4) Garantir le des êtres humains.
industrielles de la vallée du Llobregat, le consensus institutionnel et la participa-
gouvernement autonome de Catalogne tion publique en incorporant des formu- Joan Ganyet i Solé
Directeur général
(Generalitat de Catalunya), la région les de gestion commune des éléments les d’architecture et paysage
espagnole la plus industrialisée qui est plus importants, tels que les canaux et Département de la politique
frontalière avec la France et longe la les barrages, les espaces de pêche et de territoriale et des travaux publics
Méditerranée, a approuvé un Plan direc- loisirs, les itinéraires touristiques et les Generalitat de la Catalogne
teur urbanistique afin de préserver la bâtiments. Avda Josep Tarradellas 2
08029 Barcelone,
valeur patrimoniale de ces cités et de Les instruments d’exécution prévus dans Espagne
dynamiser l’activité socio-économique du le Plan directeur sont : 1) Les catalogues joan.ganyet@gencat.net
P er e Va ll and th e P r o vi nc i al Go v er n m en t o f Catalonia
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Victoria Momeva- Altiparmakovska
e e t l e p a y s a g e e n E u r o p e
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Magal i Po n s
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Un récent rapport du Conseil économique locaux qui ont créé le bâti rural vernacu- communauté soucieuse non seulement
et social4 permet de dresser un état des laire français se sont disloquées quand de le préserver et de le transmettre, mais
lieux du bâti lié plus spécifiquement aux elles n’ont pas disparues. La « nouvelle capable d’y puiser une source d’inspira-
activités agricoles. Sur 11 millions de bâti- ruralité » où le local est désormais intégré tion pour de nouvelles créations.
ments à usage agricole identifiés en 1966, au global est encore en gestation. C’est de
on estime ainsi aujourd’hui à 6 millions sa capacité à trouver un nouvel équilibre Brigitte Sabattini
Centre Camille Jullian d’Archéologie
le nombre de bâtiments qui restent. La entre respect du legs du passé et adapta- méditerranéenne et africaine
moitié appartiendrait à des agriculteurs, tion que dépend l’avenir du patrimoine Université de Provence, Maison
l’autre moitié ayant été acquise par des rural vernaculaire. Par habitude ou par méditerranéenne des Sciences de l’homme
particuliers. Sur ceux appartenant aux aspiration, les habitants des campagnes Rue du château de l’horloge, 5
agriculteurs, 1,5 million ont conservé françaises partagent déjà une conception Aix-en-Provence, France
bsabattini@aol.com
l’usage qu’ils avaient en 1966 ; en effet, la commune, celle d’un mode de vie rythmé
plupart des maisons sont encore habitées par le temps cyclique de la nature. Ils leur
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par l’exploitant. Les autres, 1,5 million, restent à édifier avec le temps une per- Mallé, Marie-Pascale, 1983. « L’inventaire de l’ar-
chitecture rurale dans les Hautes-Alpes », Le monde
ont changé d’usage ; ils sont vacants ou ception commune de leur environnement alpin et rhodanien, no 4, p. 10.
tombent peu à peu en ruine. Parmi ceux spatial. Dans la recomposition en cours 2
Un rapport de l’INSEE (La structuration de l’espace
rural : une approche par les bassins de vie. Rapport
qui ont été repris par des particuliers, 1,5 des territoires ruraux, un des principaux de l’INSEE (avec la participation de IFEN, INRA,
million auraient été reconvertis en rési- enjeux est moins la cohabitation de diffé- SCEES) pour la DATAR, juillet 2003) propose de pren-
dences secondaires ou principales, en rents groupes sociaux aux intérêts parfois dre en compte un référentiel rural restreint compre-
nant les bassins de vie dont le pôle est une commune
commerces ou autres, l’autre moitié serait antagonistes que l’émergence d’un vou- ou une unité urbaine de moins de 30 000 habitants
en attente d’usage ou de reconversion. loir vivre ensemble un espace dans toutes en 1999 et un bassin rural élargi qui y ajoute la péri-
Dans ce constat d’ensemble, il n’est pas ses dimensions, y compris productives. phérie des 171 autres bassins de vie dont le pôle est
une unité urbaine comptant plus de 30 000 habi-
tenu compte des fortes disparités régio- De simple décor en patchwork dont les tants. Aux 429 000 km2 (79 % du territoire) du réfé-
nales. Dans les zones péri-urbaines qui morceaux disparates s’assemblent par rentiel rural restreint s’ajoute ainsi 82 000 km2 du
référentiel complémentaire soit 94 % du territoire
sont en fait les plus touchées par le nou- couture, le paysage rural redeviendra alors français regroupant 25 765 000 habitants (44 % de
veau dynamisme démographique, la réu- ce tissu dont la trame et la chaîne s’en- la population 1999).
3 Hervieu Bertrand et Viard Jean, La campagne et
tilisation fréquente pose des problèmes tremêlent savamment ou cette mosaïque
l’archipel paysan, dans Chevallier Denis (dir.), Vives
de coût et de respect du bâti ancien ainsi dont les tesselles bien ajustées se fondent campagnes. Le patrimoine rural, projet de société,
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Frantisek Petrovic
L ’ h a b i t a t r u r a l v e r n a c u l a
Village
Mala Lehota
Pavl in a Misik o va
de l’archevêché de Prague. La légende
retient surtout son refus de trahir auprès
du roi Wenceslas les confessions de la
reine Sophie, qui lui valut la mort. Le
roi le fit jeter dans la Moldau depuis
le pont Charles, à Prague. Son effigie
s’élève aujourd’hui en maints endroits ;
il est patron des avocats, protecteur des
ponts et des cours d’eau et symbole de
la discrétion, de la fiabilité et du cou-
rage.
Sa personnalité a inspiré la rencontre
internationale de peintres « Sanctus
Ioannes Nepomucenna Medioeuropeansis »
(1999-2004) et l’exposition itinérante
P avlina Misikova
Bord d’un croisement de route, Slovaquie
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Gheorghe Patrascu
L ’ h a b i t a t r u r a l v e r n a c u l a
Maison
de commerce,
Sud de la
Transylvanie
Le patrimoine vernaculaire
en Roumanie
L’architecture vernaculaire en Europe population d’une communauté donnée,
Ern e st Ve l l a
présente certes bon nombre de caracté- lié à l’inconscient ou à « l’enfant » qui som-
ristiques lui conférant une certaine unité, meille en chaque adulte.
expression de traditions héritées de cultu- L’étude de la culture rurale peut être
res anciennes qui se sont mutuellement une manière fascinante d’exhumer des
influencées au fil du temps, avec des traits ressources culturelles toujours enfouies
distinctifs pour chaque grand domaine au sein d’une communauté ou d’un peu-
culturel. Mais elle n’en comporte pas ple. L’architecture vernaculaire comme
moins de multiples spécificités régionales manifestation directe et matérielle
ou locales, en particulier dans les territoi- d’une culture donnée occupe une place
res qui ont été isolés pour des raisons reli- essentielle dans cette approche. Dans la
gieuses, culturelles ou géographiques. Roumanie rurale, elle donne à voir les
Presque partout en Roumanie, l’architec- idéaux spatiaux cachés des communau- Cabane en pierre avec corral
ture vernaculaire est l’expression d’une tés et contribue à créer ce que Lucian
culture profondément enracinée, qui se Blaga1 appelle une « matrice stylisti-
manifeste en particulier dans les campa- que » et un « horizon spatio-temporel »
gnes, en raison de la tradition résolument de sa population, tout en transmettant Architecture vernaculaire rurale
rurale qui caractérisait la civilisation rou- fidèlement, dans le même temps, les du paysage maltais
maine jusqu’à l’avènement de l’époque objectifs et idéaux originaux de la com-
moderne. On situe généralement l’âge munauté. L’architecture vernaculaire, en L’aridité et le manque d’arbres de la
d’or de l’architecture vernaculaire dans particulier son architecture rurale, aide campagne maltaise ont obligé l’homme
les Carpates dans la période allant de la la Roumanie à préserver ses traditions. à s’adapter à elle. L’architecture vernacu-
seconde moitié du XVIIIe siècle à la fin Dans un contexte géographique et histo- laire en témoigne abondamment.
du XIXe. rique « propice » qui l’a protégée du poids
L’élément archaïque a toujours été présent écrasant d’influences extérieures, elle a Champs, cultures en terrasses
comme expression d’une culture mineure permis de sauvegarder jusqu’à présent et murs en moellons
aux caractéristiques intemporelles. Il est des formes d’expression stylistique très Le Nord et l’Ouest de Malte sont couverts
le produit de l’état d’esprit spontané de la fortes. en grande partie par des collines karsti-
La force et la spécificité de la culture ques. Dans les régions pauvres en globigé-
rurale roumaine viennent aussi du carac- rines se trouvent de nombreuses carrières
G h eo r ghe P atrascu
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G h e o r gh e Pat r asc u
brûlante actualité. Dans les circonstan-
ces d’aujourd’hui, qui mettent cette rela-
de postes de garde aux bergers, de ber- tion à mal sans guère de perspectives
geries et d’entrepôts. Mais à ce jour, les d’amélioration, il serait bon de tirer les
universitaires continuent de s’interroger enseignements qui s’imposent de notre
sur l’origine de ces structures. civilisation rurale. Ses structures, notam- Four et cheminée, Nord-Est de la Roumanie
ment architecturales, n’ont jamais été en
Ruchers conflit avec la nature ; elles respectent
La collecte du miel constituait également ses règles et ménagent ses ressources. ture vernaculaire et lui donner toute sa
une activité importante, de l’île, notam- L’expérience accumulée au fil des ans place, mais il faudra aussi veiller à mettre
ment dans les zones dépourvues de ter- dans l’architecture rurale nous offre à ce dûment en œuvre le Schéma de déve-
res arables. On distingue trois types de jour encore de singulières leçons concer- loppement de l’espace communautaire
ruchers, appelés « mġiebah̄ » (singulier nant la logique des structures, leur inté- (SDEC), la Convention du paysage, les
« miġbh
¯ a »), selon qu’ils sont taillés dans la gration dans la nature, leur fonctionnalité Principes directeurs pour le développe-
roche, construits à l’aide de pierres dres- et leur esthétique. ment territorial durable du continent
sées ou nichés dans un mur en moellons. Aujourd’hui, l’architecture rurale tra- européen de la CEMAT et les autres ins-
Les deux premiers types sont en forme verse une période marquée par d’inten- truments juridiques européens.
de L, la porte occupant toute la façade ses changements et la perte des valeurs
avant du dispositif. Celle-ci est percée traditionnelles, parce qu’elle disparaît Gheorghe Patrascu
Directeur général
pour offrir un passage aux abeilles. Les physiquement, phénomène naturel et Direction générale de l’aménagement
ruches étaient fabriquées à partir de jar- acceptable jusqu’à un certain point, mais du territoire et de l’urbanisme
res en terre appelées « qollol » et placées aussi, parce qu’elle est altérée par l’intro- et de la politique du logement
à l’intérieur du rucher. duction non maîtrisée d’éléments prove- Ministère des Transports,
nant d’autres cultures ou d’une architec- de la Construction et du Tourisme
Calea Serban Voda, no 66, Apt. 8, Secteur 4,
Corrals ture qui se veut « créative » (souvent d’un Bucarest, Roumanie
Les corrals, « ċikken », consistaient en un goût douteux). patrascu@mt.ro, patrascu@b.astral.ro
espace extérieur ceint d’un haut mur en Cette perversion du bon goût d’antan du
1 Lucian Blaga, poète et philosophe roumain (1895-
moellons. Les bergers y parquaient leurs paysan bâtisseur ne saurait être repro-
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© Crown copyright. All rights reserved. English Heritage 100019088. 2004
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Carte montrant
Nouvelles approches des fermes
historiques au Royaume-Uni
la répartition
des granges
en Angleterre
avant 1750
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P o i n t s d e v u e
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Pe t e r Ep in at j e ff
Pe t e r Ep in at j e ff
tage de la charpente. Le recours aux pièces
d’assemblage traditionnelles en bois exige
une description plus précise des diverses
opérations manuelles requises. Pour les
bâtiments historiques en bois, les temps
d’exécution des tâches ont été définis à
partir de propositions et projets allemands
et suisses (Gerner, 2002). L’importance des
coûts de main-d’œuvre exige un suivi pré-
cis des chantiers et un strict respect des
devis estimatifs, lesquels doivent être véri-
fiés fréquemment.
Maison et grange du XVIIIe siècle Schéma de maison et grange du XVIIIe siècle
Conclusion
Nos bâtiments à charpente en bois dont
– la pulvérisation de matériaux abrasifs tion. Cette technique ne peut pas être utili- certains sont vieux de cinq siècles ne pour-
comme la poudre de verre permettra sée sans couches pare-vapeur en hiver. Les ront être conservés à long terme qu’à la
de décoller les anciennes couches de couches traditionnelles de torchis et silicate faveur de mesures de réorganisation et de
couleur sans endommager la surface de calcium (coefficient K = 0,7 W/m2K) construction qui correspondent aux appli-
en bois. posent de moindres problèmes de conden- cations actuelles.
sation du fait de la diffusion capillaire du L’inventaire complet des bâtiments ne
Murs silicate de calcium. Une maçonnerie en doit pas relever de la seule conservation
Depuis 400 ans, les bâtiments à charpente argile léger avec une isolation à base de muséale.
sont recouverts de plâtre pour imiter les silicate de calcium est la solution la plus Les mesures de rénovation exigent égale-
maisons en pierre ou offrir une meilleure avantageuse en termes de condensation ment d’autres connaissances concernant :
protection contre les incendies. Ainsi la et de coefficient K (0,6 W/m2K). – le site où se trouve le bâtiment ;
charpente plâtrée peut-elle représenter Plâtrage intérieur – les caractéristiques régionales ;
aussi un élément historique du bâtiment. Le plâtre argileux est fort utile pour les – les mesures spécifiques – physiques, de
De précédentes rénovations ont parfois constructions en terre glaise. L’enduit statique et de construction – indispensa-
conduit à transformer la charpente par à la chaux est plus résistant et doit être bles à la réalisation d’un projet donné.
l’ajout de fenêtres et de portes. appliqué sur des couches spéciales telles Or, nous manquons de constructeurs et
Remplissage des murs, que natte de joncs ou grille métallique. La d’artisans compétents. Il faut à présent que
superposition et isolation conception des murs intérieurs doit per- les élèves des nouveaux centres de forma-
Argile et pieux sont les éléments de mettre d’offrir une résistance au vent pour tion en Allemagne et en Italie puissent se
construction ayant reçu l’approbation éviter la pénétration de l’eau de pluie. familiariser aux techniques traditionnelles
technique. Les fissures ou pièces endom- Plâtrage et revêtement extérieur et approfondir leur connaissance des maté-
magées doivent être réparées avec de Les couches d’enduit ne doivent pas recou- riaux spécifiques. Dans les écoles d’architec-
l’argile et des matériaux de remplissage vrir le bois de la charpente, pour éviter que ture également, il faut commencer à réflé-
légers, minéraux ou végétaux. En amélio- l’eau de pluie ne s’infiltre dans les fissures chir à de nouvelles tâches. La préparation
rant l’isolation, il faut veiller à prévenir la sans pouvoir s’évaporer. L’enduit doit être détaillée des projets de réorganisation et de
condensation centrale et la condensation étalé uniformément, de manière à éviter modernisation, la prise en compte des coûts
sur la surface interne des murs. l’apparition sur le bois de creux qui sont de dans la planification, la transcription sans
Isolation intérieure véritables « pièges à humidité » domma- délai des résultats de la recherche dans la
Tous les matériaux d’isolation et de rem- geables au bois et à l’enduit. Ce dernier doit pratique et la gestion rigoureuse de la main-
plissage doivent être homogènes. Ils doi- être appliqué à même le bois ou, si néces- d’œuvre permettront à l’avenir de réduire
vent permettre le transport de l’humidité saire, par projection ou pulvérisation. Il les dépenses qu’il nous faut engager pour
vers l’intérieur et l’extérieur par diffusion et convient d’utiliser du mortier hydraulique, restaurer notre patrimoine bâti rural.
capillarité. Laine minérale et pare-vapeur et non du ciment. Les couches d’enduit
s’opposeront au passage de l’humidité, ce doivent permettre la diffusion, sans être Peter Epinatjeff
Université de Hohenheim, Institut d’ingénierie
qui permettra de recueillir de l’eau. Les absorbantes pour autant. Il faut utiliser de agricole, D-70593 Stuttgart,
couches d’air à l’intérieur du mur pro- préférence un revêtement de silicate. Allemagne
duiront le même effet. L’eau recueillie ne Planches extérieures epi@uni-hohenheim.de
sèchera pas depuis l’intérieur. Une charpente à pignon exposée à des
Les matériaux isolants contenant du silicate pluies battantes a besoin d’être abritée.
Pe t er E pi n at je f f
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Mar in a Ku l e sh o va
P o i n t s d e v u e
Village
Kimzha,
région
Arkhangelsk
Caractéristiques de l’habitat vernaculaire
dans la culture russe
En tant que lieu ordinaire de vie et d’ac- d’un fleuve. La disposition des maisons gent les champs et découpent les terres
tivité de l’homme, l’habitat vernaculaire tient compte de l’exposition au soleil, de arables en parcelles au tracé régulier et
peut être associé à la maison, à la zone la configuration du terrain, du régime des géométrique. Les populations s’établis-
de peuplement et en définitive, à la loca- vents, de l’aménagement de l’espace sent sur les flancs des vallées et dans les
lité. Là où l’homme imprime la marque alentour, l’ensemble de ces facteurs bassins d’érosion. Les maisons sont faites
de sa culture particulière et de telle ou de bois, de pierre et d’argile. Les cours
telle tradition le paysage « apprivoisé » intègrent de multiples dépendances, for-
Marin a Ku l e sh o va
peut être qualifié de culturel. Sous l’angle mant un « ensemble » particulier avec
historique et en termes de patrimoine, la maison principale, souvent couverte
ce paysage est porteur de valeurs témoi- d’un toit en argile et de plâtre blanc sur
gnant des conceptions du monde de les murs. Les cours sont dotées de fours
divers groupes ethniques et sociaux. On supplémentaires permettant de cuisiner
s’accorde généralement à considérer dehors en été. Les couleurs dominantes
que la forme et les fonctions du paysage sont le blanc et le bleu clair. Les rues sont
participent des relations et interactions d’ordinaire assez larges et bordées d’ar-
avec la nature. Ce qui peut conduire soit bres des deux côtés ; les villages sont, le
à une transformation totale de l’environ- plus souvent, dûment structurés.
nement naturel, soit, au contraire, à son Les habitants du sud de la Russie aiment
entière préservation grâce à de pieux aussi décorer les maisons – linteaux
efforts pour le garder intact. Chaque sculptés, volets peints, cheminées et gout-
élément du paysage acquiert, dans ce tières ouvrées, arêtes de toit ornées – et
Vieille serrure de maison,
processus, le contexte culturel approprié. région de Chelaybinsk ces éléments sont tous présents aussi
Un paysage « apprivoisé », porteur de bien sur les édifices publics que sur les
sens, est toujours culturel. Tout naturel- maisons d’habitation. Dans la forma-
lement, l’élément clef d’un tel paysage concourant à la beauté et à l’harmonie tion d’une zone de peuplement, l’église
est la maison, un type d’habitat dont le du village typique de la Russie septentrio- a toujours été l’élément déterminant de
style et la construction savent s’adapter nale. C’est là, dans ces villages entourés la structuration du lieu, entourée de la
à l’environnement naturel. La Russie, qui de champs et de prés, s’étirant le long place où se déroulent la vie publique et
présente sur son immense territoire les des routes, nichés dans des clairières, l’activité commerciale. La modification
conditions naturelles les plus diverses, délimités par des haies et des buissons, des frontières méridionales de la Russie
de la toundra arctique aux steppes ari- que le paysan passe la quasi-totalité de au fil de l’histoire a fait de cette région
des, offre maints exemples de ces modes sa vie, la famille tirant ses revenus des une zone de contacts, qui n’ont pas tou-
d’adaptation. travaux agricoles et d’activités annexes. jours été amicaux envers les voisins,
Dans le nord de la Russie d’Europe, la C’est dans les régions où la pêche et la
rudesse du climat, les forêts sans fin, chasse de mammifères marins offrent
l’immensité des marais, les innombra- d’importants compléments de revenus
bles lacs, fleuves et rivières ont engendré que va naître la culture des Pomors, peu-
une architecture en bois, exportée par la plade russe, attachée aux côtes septen-
suite en Sibérie, puis, encore au-delà, en trionales et perpétuant la tradition de la
amont des grands affluents. Ce sont les navigation en mer. Les Pomors quittaient
villages des hautes terres ou des rives leur plaisant village niché dans la forêt
escarpées des cours d’eau, avec leurs pour descendre des mois durant les fleu-
maisons massives, dont l’intérieur et les ves du nord ; ils construisaient sur leur
dépendances sont rassemblés sous un chemin vers les régions côtières où ils
même toit, de manière à éviter d’inutiles allaient pêcher et chasser, les cabanes
expositions au froid et au vent en hiver. adaptées à leurs besoins, « marquant »
L’architecture vernaculaire russe a tou- ainsi le paysage d’éléments culturels
jours intégré des éléments décoratifs – spécifiques.
riches sculptures en bois sur les linteaux
et le toit (« tours », « ailes », accolades), En Russie méridionale, les rythmes, cou-
parfois aussi sur le porche et la cage d’es- leurs et formes de l’habitat sont tout à fait
calier. Dans certaines régions, des pein- autres. Dans les steppes ou à la lisière des
tures viennent agrémenter le « podzor » forêts et des steppes, les espaces s’éti-
(intérieur de l’avancée du toit), les portes, rent et les habitations se cachent dans
les volets. Au centre de la zone de peuple- l’ombre des jardins. Ici, ce ne sont pas les
ment s’élève généralement une église ou forêts, mais les champs qui s’étendent
une chapelle, toujours à un endroit clé, à perte de vue. Les forêts se trouvent à
en un point dominant, soit sur une haute proximité des vallées fluviales ou dans
colline, soit au centre d’un amphithéâ- les régions qui ne se prêtent pas à l’agri-
tre naturel, par exemple à l’embouchure culture. De multiples bois et haies protè-
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Mar in a Ku l e sh o va
loin s’en faut ! Le groupe de population
constitué par les Cosaques – qui a émi-
gré par la suite dans les monts Oural et
au-delà – a amplifié la mobilisation pour
la défense de l’identité culturelle et des
modes d’acculturation du paysage. Dans
le sud et dans certaines régions du centre
de la Russie, les cours fermées par de
hauts portails aveugles en vertu du prin-
cipe « ma maison est ma citadelle » sont
encore très répandues, alors que dans
le nord du pays, l’absence de clôture est
plus fréquente.
Le centre de la Russie a aussi ses habitats
spécifiques. Les populations s’établis-
sent de préférence sur les hauteurs des
rives – non inondables – des cours d’eau Maison privée à Kyshtym, région Chelaybinsk
et des lacs. C’est ici la région des forêts,
mais les champs et les prairies couvrent
également de vastes territoires, trans- la maison est généralement en pierre un contexte social donnés, à un moment
formant le paysage en une gigantesque ou en bois. Contrairement à la maison particulier de l’histoire. Lors de change-
mosaïque d’écosystèmes. Plantations traditionnelle du nord, elle est peinte et, ments civilisationnels marqués, le pro-
d’arbre et cultures clôturées sont carac- en règle générale, les dépendances sont cessus d’adaptation peut échouer, entraî-
téristiques de cette région. Aux siècles soit dispersées, soit regroupées sous un nant la perte irrémédiable de nombreux
précédents, la noblesse y possédait de toit léger. En termes de décoration, les éléments de l’habitat vernaculaire. Par
grands domaines avec parcs et dépen- linteaux sculptés sont réputés pour leur conséquent, l’élaboration de méthodes
dances dont certains, transformés par la élégance. La façade est habituellement et d’outils pour définir, évaluer et pré-
suite en musées littéraires sont, à ce jour, ornée d’une « palissadnik », un parterre- server ces éléments est de la plus haute
bien préservés. Une majorité de poètes clôturé de plantes cultivées et sauvages. importance.
et écrivains russes en effet, sont nés, Autre caractéristique, la présence, à Signalons à ce propos que l’Institut russe
ou ont vécu dans de vastes domaines proximité des villages, de forêts pasto- de recherche pour la préservation du
qu’ils ont eu à cœur de décrire dans leurs rales. Ce sont d’ordinaire des boulaies, patrimoine culturel et naturel a engagé
œuvres. Dans l’habitat rural traditionnel, puisque les Russes cultivent et chérissent l’adaptation du Guide européen d’obser-
le bouleau. Dans le centre de la Russie, vation du patrimoine rural qu’a élaboré
les palissades sont basses et permettent la Conférence européenne des ministres
M ar i n a K ul esh o v a
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S t e l l a Ago st in i
P o i n t s d e v u e
Maison
de ferme
dans le centre
de l’Italie
S t e l l a Ago st in i
paysage se compose de fermes d’exploi-
tation mixte dans les zones de monta-
gne, de châtaigneraies, de prairies et de
pâturages. Les fermes sont dispersées ou
regroupées dans des villages comptant
de 300 à 1000 habitants.
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Italie
Dans les plaines de Vénétie, les bâtiments fortification, en fonction des conditions sont la résultante d’une architecture
ruraux ne présentent pas de caractéristi- climatiques et des matériaux présents internationale née de l’industrialisation,
ques notables, sauf dans le sud de la pro- dans la région, en particulier, le tuf (roche qui ignore les frontières autant que la
vince de Padoue dont la maison typique volcanique). couleur locale.
est la « casone », reconnaissable à son toit A Matera, en Basilicate, on en trouve L’arrivée de nouveaux pays dans l’Union
bas et pointu. Ce modèle d’habitat rural quelques exemples, dont les « sassi », des européenne et la mondialisation du mar-
très simple date de la première moitié habitations troglodytes creusées dans ché des produits agricoles et alimentaires
du XVe siècle, lorsque l’assèchement de les flancs de la montagne, qui forment portent en eux le risque d’une mon-
vastes étendues marécageuses nécessita un ensemble complexe avec les églises dialisation de l’identité des peuples,
un important afflux de main-d’œuvre. rupestres, les réservoirs d’eau situés le gommant le patrimoine culturel et les
Il fut alors créé un fonds pour aider les long des pâtures et les masserie forti- identités distinctes des pays et de leurs
nouveaux venus à bâtir leur maison et les fiées. Aux XIXe et XXe siècles, les « sassi » populations. La diversité culturelle mon-
inciter ainsi à rester sur place. étaient essentiellement habitées par des diale s’en ressentirait profondément.
personnes extrêmement pauvres, qui y Les bâtiments ruraux constituent indé-
Les paysages sous l’influence vivaient dans des conditions d’hygiène niablement des témoignages immédiats
citadine des métairies déplorables. de l’activité humaine. Les laisser tomber
Dans le centre de l’Italie, la pratique de en ruines, c’est perdre à tout jamais des
l’agriculture et de l’élevage extensif s’est Les paysages monochromes pans entiers de notre passé.
inscrite des années durant dans le cadre de la mobilité
de grands domaines. Il s’agissait prin- Longtemps en ruines, les « sassi » ont Un patrimoine durable
cipalement d’exploitations familiales, été inscrites au patrimoine mondial de Les liens entre champs cultivés et bâti-
mais le métayage était également très l’UNESCO et restaurées en tant que cen- ments de ferme sont d’importants mar-
répandu. Le système reposait sur une tre culturel et touristique. queurs de la spécificité locale et concou-
polyculture associant cultures herbagè- Cela étant, les principaux types de fer- rent ainsi à la formation du sentiment
res, arboriculture et élevage. Le villa- mes restent les mêmes aujourd’hui. Tant identitaire des communautés locales.
geois possédait la terre et les murs de sa qu’elles existeront, ces fermes témoigne- Leur transformation et la vitesse d’évolu-
maison, et les fermes ressemblaient aux ront de la grande diversité régionale des tion des techniques agricoles en général
habitations urbaines selon le bon vouloir modes d’exploitation, des types d’habi- posent de véritables défis à l’Europe et
de leur propriétaire. tation, des méthodes de million et demi au reste du monde.
L’habitation typique des métayers est de fermes à l’abandon, rejoignant ainsi Ce n’est pas en recréant le décor du
l’« italico ». C’est une haute bâtisse de une tendance qui s’observe également passé, incompatible avec les exigen-
forme rectangulaire surmontée d’un au-delà des frontières du pays et de l’Eu- ces de production d’aujourd’hui, que
toit en bâtière ; soit la partie habitée se rope. l’on remédiera à la perte d’identité des
trouve directement au-dessus des dépen- La campagne couvre 85 % du continent sites qu’engendre la mondialisation.
dances (accessible par un escalier exté- européen. On considère dorénavant Une « agriculture durable » s’accompa-
rieur) soit elle en est séparée. la riche diversité des paysages ruraux gne nécessairement de possibilités de
comme la valeur fondamentale de ce développement. Par agriculture durable,
Les paysages fortifiés du Sud patrimoine, chaque fois que la structure il faut entendre ici, une agriculture sou-
Au sud de l’Italie centrale, les domaines des nouveaux bâtiments agricoles est cieuse de préserver l’identité du terroir
agricoles ont longtemps occupé une manifestement inspirée des modèles tout en assurant un avenir au secteur,
place prépondérante dans le paysage. industriels. et résolue à améliorer la qualité de vie
Le système reposait sur une hiérarchie Alors qu’autrefois, les matériaux et la et les conditions de travail des agricul-
rigoureuse : le propriétaire, le régisseur, main-d’œuvre étaient d’origine locale, teurs, pour les aligner sur les évolutions
le fermier, les ouvriers agricoles. Ce type exclusivement, et leur utilisation définie sociales actuelles.
d’exploitation agricole (« masseria ») était par la tradition, aujourd’hui, les nouvelles
conçu de manière à être indépendant technologies et techniques de construc-
St el la Ag o sti n i
et autosuffisant. La structure rappelle tion ont introduit des éléments et des sty-
celle des « corti » du Nord. Elle peut être les totalement étrangers au milieu local.
simple ou complexe selon le nombre de Dans les fermes actuelles, les bâtiments
bâtiments qui la composent. agricoles traditionnels – étables, écuries,
Plus on descend vers le Sud, plus les bâti- granges, dépendances et remises – ont
ments de ferme revêtent une apparence été remplacés par des préfabriqués en
Points de vue
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Garantir la durabilité exige dès lors de lieu. Le paysage, le milieu, la terre et Forum UNESCO – université et patri-
commencer par cerner les liens entre les hommes forment un tout. Examiner moine. C’est une question qui exige une
l’agriculture, les hommes et la terre qui le patrimoine rural vernaculaire, c’est attention immédiate, compte tenu du vif
font l’identité du lieu et forment la base examiner ce tout : comprendre les rela- intérêt qu’elle suscite auprès du grand
du « patrimoine rural vernaculaire ». tions, apprécier l’authenticité des sites public, comme en témoigne la ratifica-
Jusqu’à présent, la communauté inter- et habitats agricoles sous tous les angles tion de la Convention européenne du
nationale s’est intéressée essentielle- et réfléchir au moyen de la préserver. paysage.
ment au « patrimoine vernaculaire » en C’est aussi élaborer des directives et des
tant que mode de construction partagé politiques foncières visant à promou- Stella Agostini
Institut d’ingénierie agraire
par la communauté pour apporter des voir le développement d’un nouveau Université d’études de Milan (I)
réponses efficaces aux contraintes fonc- patrimoine rural vernaculaire, à même Via Celoria 2
tionnelles, sociales et environnementa- de conserver le « génie du lieu » dans 20133 Milano,
les (Charte du patrimoine bâti vernacu- l’aménagement futur de l’espace rural. Italie
laire adoptée en octobre 1999). Ajouter Tels sont les objectifs des travaux sur stella.agostini@unimi.it
« rural » à la définition, c’est enrichir le le patrimoine rural vernaculaire que
concept pour reconnaître les influen- mène l’Institut d’ingénierie agricole de
ces de l’agriculture sur l’identité d’un l’Université de Milan au sein du Réseau
Le Projet de coopération transnationale du Réseau des paysages fermiers des îles européennes
Les îles sont les grandes oubliées de la ment les murs traditionnels, et souvent Le projet est coordonné par le
politique européenne du paysage. Elle uniques, faits de pierre et de tourbe, les Hampshire and Isle of Wight Wildlife
a pourtant de profondes répercussions enclos et abris à bétail, ou encore les Trust et cofinancé par Leader, l’une des
sur leurs communautés rurales, leur vestiges historiques et archéologiques. quatre initiatives financées par les fonds
environnement et leur biodiversité. Les loisirs à la ferme et les gîtes ruraux structurels de l’UE, conçue pour aider
Le réseau des paysages fermiers des tendent à constituer une importante les acteurs du monde rural à prendre
îles européennes créé en 2005 établit source de revenus pour les agriculteurs la mesure des possibilités offertes à
un partenariat entre des îles qui s’em- et s’avèrent extrêmement utiles pour longue échéance par leurs régions res-
ploient ensemble à appeler l’attention promouvoir le rapport entre les paysa- pectives.
sur les problèmes qui les préoccupent, ges et la faune et la flore sauvages – par
en examinant les incidences des inves- exemple à travers la restauration ou la Graham Drucker
EIFL Coordinateur de projet, Hampshire
tissements agricoles de l’UE sur la bio- conversion de bâtiments de fermes and Isle of Wight Wildlife Trust, Forest
diversité et les paysages insulaires. Les inusités. Le tourisme joue un rôle éco- Office, Parkhurst Forest, Newport,
activités du réseau consistent principale- nomique clef dans la plupart des îles du Isle of Wight, PO30 5UL,
ment à promouvoir les composantes de réseau. Sa contribution pourrait être des United Kingdom
ces paysages, comme l’architecture des plus précieuses pour la sauvegarde des drucker@btopenworld.com.
www.islandfarming.net
fermes locales et le bâti rural, notam- fermes vernaculaires dans l’avenir.
Gr a ha m Dr uc k er
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Jo rge To m asi
aux apports des migrations massives de
la période républicaine, l’influence ver-
naculaire européenne s’est fait sentir à
différents moments historiques. A cha-
que fois, cependant, les contributions
européennes sont venues s’ajouter aux
traditions locales, générant de nouvelles
expressions.
valeurs de leur lieu d’origine. Beaucoup plupart des nouveaux résidents choisi- Argentine
de ces communautés d’immigrés étaient rent le milieu urbain, où ils contribuè- jorgetomasi@hotmail.com
déterminées à préserver ces valeurs rent par leurs traditions et leurs valeurs
tandis que d’autres intégraient les spé- à créer de nouveaux langages dans
cificités locales, générant de nouvelles l’architecture populaire, en intégrant
réponses spécifiques. les nouveaux matériaux industriels qui
arrivaient également dans les ports.
La plupart des groupes d’immigrés
cherchaient à maintenir les structures Toutes ces interactions firent apparaître
productives de leur lieu d’origine. Dans de nouvelles traditions vernaculaires.
certains cas, ils y étaient aidées par Les influences européennes, unies aux
la similitude des nouvelles terres. Ils valeurs locales, apportèrent de nouvel-
contribuèrent aussi à l’architecture liée les réponses originales aux besoins qui
à leur activité productive. Certains grou- se faisaient jour.
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Val dir Zwe t sc h
A i l l e u r s d a n s l e m o n d e
Témoignage
de la migration
italienne,
Campinas,
Brésil Paysage rural dans le Sud-Est du Brésil :
la région métropolitaine de Campinas
construites pour faciliter l’écoulement de sionnement en eau de la région métro-
activité agro-industrielle (production de cette Zone de protection environnemen- ginelle dans la ville de Campinas, dont 60 % dans
cette zone de protection.
sucre, d’alcool et d’agrumes, notamment) tale. Son riche bassin hydrographique, en
des zones environnantes. Avec son mil- particulier, est essentiel pour l’approvi-
lion d’habitants, Campinas est la princi-
pale agglomération de la région métropo-
Val di r Zw e tsch
litaine et un pôle d’attraction majeur qui
rayonne sur les villes voisines.
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A i l l e u r s d a n s l e m o n d e
N at ion al In st it u t e o f C u l t u re , Pé ro u
Rue Contumaza
Nat i o na l In st i tu te o f C u lt u r e, Pé rou
La transformation de Lima débuta au de cannes et de boue), cannes broyées, ont fait place à des halls couverts de
XIXe siècle à la suite des deux révolu- bois et plâtre pour les décors des faça- verrières.
tions européennes, « l’industrielle et la des. Du plâtre était aussi utilisé pour les Plusieurs styles peuvent être identifiés,
scientifique », qui modifièrent complè- murs intérieurs et extérieurs. Seul du dont l’Art Nouveau (1910-1915) et le
tement les modes de vie. fer préfabriqué était importé d’Europe, style Floral italien (1916-1919). A comp-
La rénovation de la ville comporta la principalement de France, pour la réa- ter de 1920, la loi imposa de construire
réalisation de travaux publics (éclairage lisation des balcons, rampes d’escalier, tous les bâtiments dans le nouveau style
public, tramway, nouvelles avenues grilles des portes et fenêtres. C’est le colonial. Certains éléments des façades
en béton et en asphalte, eau potable cas des maisons des rues Contumazá, révèlent l’influence du style palazzo ita-
et assainissement) et l’utilisation de Lino Cornejo et Pachitea. Ces rues font lien (1924-1928).
Ailleurs dans le monde
Lima, 1925
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Adr ian V. Liz ar e s
A i l l e u r s d a n s l e m o n d e
Façade
de la maison
de Balai
ni Tana Dicang,
Philippines,
XVIIIe siècle
Arquitectura Mestiza dans les Philippines
espagnoles de l’époque coloniale
L’arrivée de l’expédition de Miguel de ville et les autres bâtiments insti- dur qui pousse dans ces îles. Les murs
López de Legazpi en 1571 signifia la tutionnels et civils d’importance. Ces du niveau inférieur étaient ponctués de
naissance d’une Manille espagnole sur édifices furent en outre bâtis selon de grandes baies cintrées et de portes sou-
les rives du Pasig. Les conquérants nouvelles méthodes architecturales qui vent dotées de belles grilles en fer forgé
entreprirent d’ériger fortifications et se répandirent jusque dans les demeures (plateria) ; pour les vitrages des fenêtres
églises et commencèrent à construire des ilustrados, ou « citoyens éclairés », à châssis en bois, on utilisait des carreaux
des habitations dans le style typique de les représentants de l’élite locale qui translucides en capiz (coquillage) en lieu
la région Pacifique-Asie du Sud-Est : une s’étaient enrichis et avaient reçu une et place du verre vénitien importé, plus
maison sur pilotis réalisée entièrement éducation en Europe. onéreux.
en bois, bambou et chaume, matériaux Une nouvelle architecture était née, On accédait à l’étage par un élégant
très abondants dans ces régions. Mais dite arquitectura mestiza (« architecture escalier de bois sculpté, l’escalera. Lieu
au vu des risques d’incendie inhérents métisse ») en raison de l’emploi simul- de la résidence principale, c’était l’en-
à ce type de constructions, il fut décidé, tané de la pierre et du bois. La popula- droit le plus sophistiqué de la maison où
en vertu d’une ordonnance de 1573 du tion locale qualifiait ces constructions étaient déployées toutes les fioritures de
roi Philippe II, d’en revoir la structure de bahay ng kastila (maison de Castille) la vie européenne. Les pans de bois de
en remplaçant les composants par des ou bahay na bato at kahoy (maison de cet étage supérieur, ornés de bas-reliefs,
matériaux ignifuges et en modifiant tota- pierre et de bois). Des similitudes avec pouvaient s’ouvrir sur quatre-vingt-dix
lement les normes de construction. Vers l’architecture vernaculaire du nord de pour cent de l’espace mural, garantissant
le milieu des années 1580, à la suite de la la péninsule Ibérique peuvent d’ailleurs ainsi la ventilation dans ce climat tropical
découverte de dépôts de tuf volcanique être notées, notamment dans le pragma- chaud et humide. Toute l’enceinte était
(connu localement sous le nom d’adobe) tisme de la conception. Comme le caserio composée de fenêtres centrales coulis-
à San Pedro de Makati, au nord de la basque ou le pazo de Galice, ces maisons santes (ventanas) sur châssis de bois,
ville, le père jésuite et ingénieur Antonio se caractérisent par l’emploi de la pierre avec des vitres en capiz, couplées à des
Sedeno forma des maîtres d’œuvre phi- au rez-de-chaussée et du bois à l’étage. persiennes (persianas) que l’on pouvait
lippins à l’exploitation de la carrière et Le rez-de-chaussée n’était pas utilisé à ouvrir ou fermer à volonté (pour protéger
à la taille de la pierre. Encouragés dans des fins d’habitation, mais servait au la fenêtre du soleil tout en permettant
leurs efforts par Domingo Salazar, le pre- stockage ou au bétail, tandis que l’étage à l’air de passer). Sous ces fenêtres se
mier évêque de Manille, ils se lancèrent était le principal lieu de vie. Par compa- trouvaient des ventanillas con baran-
dans la construction du quartier fortifié raison, ces espaces étaient utilisés aux dillas (petites fenêtres à balustrades) et,
d’Intramuros, cœur de Manille, jadis mêmes fins dans la modeste bahay kubo au-dessus, des callados (réseau de fenê-
considéré comme « l’Europe de l’Asie ». traditionnelle, simple case de bambou tres ajourées), de manière à favoriser
et de paille. Le plus remarquable dans la au maximum le passage de l’air dans la
Manille fut construite sur le plan typi- bahay na bato at kahoy est que la struc- maison. L’ensemble de la structure était
que des colonies du Nouveau Monde : la ture de base reproduit exactement celle coiffé d’un toit de tejas (tuiles d’argile
trame en damier des rues est organisée des constructions philippines tradition- cuite) de style espagnol. Tous ces détails
autour d’une grande place centrale, la nelles : il s’agit toujours d’une maison sur garantissaient le confort des habitants
plaza mayor, présidée par la cathédrale pilotis, mais désormais les piliers de bois tout au long de l’année.
et le presbytère attenant, ou convento. du niveau inférieur sont entourés d’un La création de ce type d’architecture
De part et d’autre s’alignent le palais du mur de pierres, le tout étant surmonté met en évidence une volonté délibérée
gouverneur général, le tribunal, l’hôtel d’un étage à pans de bois. d’absorber les techniques européennes.
Cette architecture métisse, fortement Le résultat fut cependant une fusion
influencée par l’Europe, devint la est-ouest de styles, fruit de l’apport de
A dr i a n V. Li z ar e s
vitrine des modes de vie européens du la culture locale, des autres influences
XVIIe siècle au début du XXe siècle. Elle étrangères et du climat tropical, qui
se développa non seulement à Manille, donna naissance à une véritable architec-
mais aussi dans toutes les îles. Le zaguán, ture philippine, sans pareil au monde.
au rez-de-chaussée, était pavé de piedra
china (granite) ou de baldosas (carreaux) Malheureusement, très peu des maisons
décorées. L’ensemble était entouré de ancestrales existant encore à Manille
murs d’adobe (tuf volcanique) ou de sont bien entretenues.
ladrillo (briques d’argile cuite) d’au moins
un mètre d’épaisseur. La maçonnerie Vincent Pinpin
Architecte
était liée par de l’argamasa, un mortier de 16 D Muñoz Avenue, Carmel
chaux et d’eau complété par des coquilla- 5 Subd, T.Sora
ges écrasés, des coraux ou même de la Uezon City 1116,
mélasse et des blancs d’œuf. Ces ingré- Philippines
dients étaient censés rendre la structure vbparch@yahoo.com
plus solide et résistante. Les piliers, ou
Salle de Balai ni Tana Dicang (Clan Lizares) haligue, dégagés et indépendants des
murs, étaient taillés dans un bois très
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Le rôle des organi sation s internationales
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Le rôle des organi sation s internationales
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Le rôle des organi sation s internationales
paraît aussi dans les principes et direc- vernaculaire repose fondamentalement bien culturel », Continuité (Québec, Canada), no 110,
tives de la Charte sur le patrimoine bâti sur la pérennité des modes de construc- automne 2006, pp. 20-22.
5 L’auteur souhaite remercier Rhona Goodspeed
vernaculaire. L’objectif recherché n’est tion et du savoir-faire traditionnels. La (Canada), Kirsti Kovanen, (Finlande) et Monique
pas de faire appliquer une doctrine rigide charte recommande que ce savoir-faire Trépanier (Canada) pour leur concours.
en matière de conservation qui, à long soit conservé, enregistré et transmis
terme, ne pourrait qu’aboutir à la perte aux nouvelles générations d’artisans et
de ce type de patrimoine. Les principes de bâtisseurs par l’éducation et la for-
de la charte reposent au contraire sur mation.
l’engagement et le soutien de la collecti-
vité et défendent l’utilisation et l’entre- Le propos des auteurs de la Charte du
tien continuels de ce patrimoine. D’une patrimoine bâti vernaculaire n’a jamais
certaine façon, de tels principes cadrent été de rédiger une déclaration doctrinale.
avec le concept de « patine culturelle » Leur approche pragmatique repose sur
décrit par Kingston Wm.Heath, car ils le fait qu’il serait impossible d’appliquer
permettent aux habitants de façonner et des norme de conservation rigides pour
modifier leur milieu bâti en fonction de préserver les caractéristiques essentiel-
leurs besoins3. Au lieu d’être normatifs, les d’un paysage culturel en évolution.
les principes de conservation de la charte En effet, comme l’a souligné le profes-
M ar c de C ar af f e
M a r c de C ar a f f e
M a r c de C ar a f f e
M a r c de C ar a f f e
Village de Dagnjia, Chine Maison en République Dominicaine L’île d’Orléans, Québec, Canada Village Coptic près de Louxor, Egypte
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Conseil de l’Europe
Direction de la Culture et du Patrimoine
culturel et naturel
Division du patrimoine culturel, du paysage
et de l’aménagement du territoire
F-67075 Strasbourg cedex
http ://www.coe.int/futuropa
Le Conseil de l’Europe est une organisation
intergouvernementale créée en 1949. Son but est de travailler
à l’établissement d’une Europe unie, fondée sur la liberté,
la démocratie, les droits de l’homme et la primauté du droit.
L’Organisation compte aujourd’hui 47 Etats membres.
Elle constitue ainsi une plate-forme privilégiée
de coopération internationale dans de nombreux domaines,
tels que l’aménagement du territoire, le paysage
et le patrimoine naturel et culturel.
La revue du Conseil de l’Europe « Futuropa » (anciennement
Naturopa), publiée depuis 1968, a pour but de mieux sensibiliser
les citoyens européens et les décideurs à l’importance du
développement territorial durable du Continent européen.
De 1968 à 2000, la revue a eu pour objectif de promouvoir
la conservation de la nature et la gestion durable des ressources
naturelles et de développer une approche pluridisciplinaire
des questions environnementales.
Depuis 2001, la revue a élargi sa thématique au paysage
et au patrimoine culturel dans une perspective de développement
territorial durable afin d’améliorer la qualité de vie.
La revue est publiée dans les deux langues officielles du Conseil
de l’Europe : l’anglais et le français.
Pour recevoir Futuropa ou obtenir de plus amples informations
sur le Conseil de l’Europe, veuillez consulter
http ://www.coe.int/futuropa.
Prochain numéro : Paysage et coopération transfrontalière
ISSN 1998-1430