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(SOUDAN FRANÇAIS)
1. Une analyse de la notion de personne chez les Dogons fait l'objet du chap. 2
du travail de Mme DIETERLEN, Les Ames des Dogons (Travaux et Mémoires de
l'Institut d'Ethnologie de l'Université de Paris, t. XL, 1941.)
2. On pourrait dire qu'il est le sosie du corps.
Toujours entier là où il est, intégral, il n'imprègne ni ne s'im-
prègne. Même dans ses rapports étroits avec son support (support
formé d'un corps et d'un nyama) il reste libre et détaché comme un
pilote peut l'être de sa machine.
En effet, le kikinu say est volonté et guide de l'action ; c'est
lui qui est responsable des actes et des états qu'il détermine.
Le kikinu say, principe d'action, gouverne une force, nyama,
principe mythique impersonnel que l'on pourrait appeler principe
vital.
Énergie en instance, inconsciente, le nyama tend à faire persé-
vérer dans son être le support auquel il est affecté. Il est susceptible
d'usure, de diminution, d'augmentation ; il peut être affecté de
qualités diverses ; il peut se transmettre par contact ou à distance1.
En ce qui concerne l'homme2, il est situé dans le sang pendant
la vie3.
Alors que le kikinu say est unique et personnel, le nyama dans
un être donné, est un composé'; il est une somme de nyama divers
s'amalgamant pour former la personnalité. L'origine de ces forces
multiples et la chronologie de leur apparition dans l'individu sont
examinées ci-après,
Une première manifestation de cette force est saisissable au
moment de la conception ; une parcelle du nyama du père se sépare
de lui pour constituer le noyau initial concourant à la formation du
fœtus. Une autre force vient, au cours de la grossesse, s'ajouter à la
première ; celle d'un ancêtre en ligne paternelle dont le kikinu say
délègue une partie du nyama qui l'accompagne à l enfant qui va
naître4.
Dès avant sa naissance donc, un être humain possède un nyama
1. Cette définition est valable pour le nyama conçu en tant que principe,
essence matière du « moi )J. C'est là son
aspect théorique. En réalité, il n 'appa-
raît que sous la forme du « moi » lui-même, c'est-à-dire plus exactement sous celle
d'une série de composantes provenant de sources et de supports divers dans
lesquels cette force est répartie.
2. Nous n'exposons pas ici le cas des animaux, des végétaux, des choses,
1
I. Aspects du nyama.
a) Aspect biologique. — Il est la force qui fait persévérer l'indi-
vidu dans son être physique. Cette force, sans cesse active subit des
transformations constantes parallèles à celles de la cellule. Elle
reçoit, depuis la conception jusqu'à la mort des apports de même
nature qu'elle, par des voies biologiques entre autres (aliments).
La croissance réelle et apparente d'un être humain (comme d'un
animal ou d'un végétal) a pour cause ces additions successives et
ininterrompues de force. La santé s'explique par le plus ou moins
bon fonctionnement de cette économie. Alors qu'à l'accroissement
du nyama correspond l'équilibre physique, à toute déperdition
quantitative ou qualitative (pour cause d'impureté), correspond
un inconvénient physique (maladie, blessure, maladresse).
Alors que le kikinu say, malgré son caractère de double du corps,
est de nature intellectuelle, le nyama, bien qu'informe, est de nature
essentiellement matérielle.
b) Aspect religieux — Il apparaît dans la propriété que possède
le nyama de revêtir les qualités de pureté ou d'impureté. Commettre
une faute religieuse affecte d'impureté le nyama dont l'individu est
pourvu et le met, en principe, en danger de mort. Pratiquement, le
coupable subit un inconvénient moral et matériel grave qui pro-
voque la désagrégation de son moi. Rompre un interdit, c'est par
définition contrevenir à l'ordre établi dans le monde par les puis
sances surnaturelles, donc commettre une faute religieuse. C'est le
nyama qui, dans l'acte religieux de la rupture d'interdit reçoit le
contre-coup de cet acte1 et en supporte la conséquence religieuse qui
est l'impureté. Bien que volonté de l'action et maîtresse du nyama
l'âme n'est atteinte en aucune façon dans sa nature (elle peut l'être
dans ses relations)2. Ceci tient sans doute à ce qu'étant l'action, le
nyama est seul à pénétrer dans celle-ci.
c) Aspect social.
— La composition même du nyama affecté à
chacun le fait apparaître clairement : l'individu appartient à la
société actuelle par son père, récente par son nani (ancêtre), histo-
rique par ses ancêtres, et mythique par les puissances surnaturelles
(qui sont des ancêtres mythiques).
Les parcelles provenant de ces divers éléments sociaux forment
bien finalement un amalgame homogène ; mais l'origine de chacune
d'elle se retrouve cependant au cours de la vie du support. En effet
chaque partie de nyama, pendant toute la vie, constitue comme le
témoin de chaque individu ou groupe qui l'a octroyé. Il est comme
le garant qui obligera son support à respecter vis-à-vis de l'individu
ou du groupe donateur toutes les règles religieuses imposées par
la coutume.
De plus, bien loin d'agir d'une manière autonome, cette parcelle
de nyama, ce témoin, ce garant apparaît comme constamment lié
à celui ou ceux qui l'ont octroyé : en cas de transgression par le
nouveau support des règles relatives à l'ancien, la parcelle de
nyama, sur l'ordre de ce dernier, devient exécutrice des châtiments
attachés à la faute.
Le nyama d'un individu est donc soumis à la fois à la volonté
(kikinu say) de son support et à celle de tous les individus ou
groupes dont les nyama ont contribué à sa formation.
1. Nous entendons par acte religieux tout acte établissant un rapport entre
une puissance surnaturelle (dieu, génie, ancêtre, etc.) et les hommes. Mais il est
possible que la question se pose tout autrement : étant donné l'aspect action du
nyama on peut se demander ou bien si tout acte n'est pas religieux par essence
ou bien si tous les actes religieux ne rentrent pas dans une catégorie générale
de phénomènes techniques dont l'effet commun serait de déterminer un mouve-
ment de nyama. Cf. à ce sujet M. GRIAULE, Remarques sur le mécanisme du sacrifice
dogon (Journal de la Société des Africanistes, Paris, t. X, 1940). Une étude sur
le Sacrifice chez les Dogons du même auteur est actuellement en préparation.
2. Elle peut l'être dans son action en ce sens que la conduite de cette dernière
dépend dans une grande mesure de la qualité du nyama qu'elle dirige.
d) Aspect psychologique. — On arrive à se faire une idée du sen-
timent du moi chez les Dogons au travers de certaines institutions :
ordre de préséances dans la consommation des denrées sacrificielles,
déclamation des devises par exemple. Ces institutions sont à la fois
des manifestations des divers éléments de lq personnalité et un
moyen d'agir sur elles. Crier une devise (tige) revient à exprimer la
personnalité du bénéficiaire comme à augmenter son nyama selon
un processus que nous n'avons pas à analyser ici1. Cette aug-
mentation est sentie par l'individu comme une exaltation. Du fait
que la formule est employée par les autres et reconnue, admise,
assimilée par l'intéressé, il s'établit une identité entre l'image que
se fait l'intéressé de lui-même et celle que les autres se font de lui.
SECRÉTAIRE DE LA RÉDACTION :
Dr J. DELAY
H. PIÉRON.
— Les univers des animaux
à côté de l'univers de l'homme... i
J. PRZYIVUSKI. — Le langage, la langue et la parole 29
P. MASSON-OURSEI,. — Imagination, idéation 39
M. CHASTAING.
— Phénoménologie du sermenl i. 47
G. Brevet. La musique, architecture temporelle 69
—
M. J. STOFFEI^S. — La réaction dite de colère chez les nouveau-nés 92
COMITÉ DE RÉDACTION
MM. B. BOURDON, L. FEBVRE, M. FOUCAULT
D. LAGACHE, CH. LALO, H. LAUGIER, G.-H. LUQUET, A. OMBREDANE,
H. PIÉRON, M. PRADINES, ET. RABAUD, H. WALLON
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L'Année Psychologique
L'Année Psychologique, fondée par HENRI BEAUNIS et ALFRED BINET en 1894. est
actuellement publiée par HENRI PIËRON, professeur au Collège de France, directeur du
laboratoire de Psychologie physiologique à la Sorbonne. Elle paraît une fois chaque année,
composée de mémoires originaux, de notes et revues bibliographiques relatant les travaux
psychologiques les plus intéressants de l'année.
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