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La Découverte | « Hérodote »
régionaux à cet égard. Une étude plus approfondie révèle par ailleurs que les
violences à l’intérieur des partis ne sont absolument pas négligeables relativement
aux conflits plus classiques entre les formations qui se disputent le pouvoir. Dernier
point, enfin, il apparaît que les violences partisanes ne s’arrêtent pas au moment des
élections présidentielles qui se sont tenues en 1999, 2003, 2007, 2011 et 2015.
En général, les périodes électorales sont certes au centre de l’attention
des médias. Les articles de presse, de multiples rapports d’observation et de
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Les violences politiques au Nigeria ne sont pas spécifiques aux régimes civils.
Après l’indépendance, les premiers assassinats politiques eurent lieu avec le coup
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Dans beaucoup d’États, la victoire du PDP a été serrée. Pour maintenir sa domina-
tion sur ces territoires, le parti a par conséquent fait tous les efforts possibles pour
éliminer l’opposition. Les événements consécutifs aux élections de 2003 ont d’ail-
leurs montré que ce parti n’était pas d’humeur à partager le pouvoir dans le cadre
d’élections libres. Les luttes ont également été de plus en plus fortes au sein même du
parti dominant, en raison des ambitions concurrentes des différents leaders et de leurs
partisans [Naanen et Nyyiaana, 2013, p. 124].
Les élections générales comptent pour moins de la moitié des décès liés
à des violences partisanes
4. www.nigeriawatch.org.
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STRUCTURATION RÉGIONALE ET DÉTERMINANTS ETHNORELIGIEUX DE LA VIOLENCE
d’une région à l’autre. Ainsi, les schémas de violence diffèrent nettement entre les
élections générales de 2007 et 2011. Jugées non crédibles par la mission d’obser-
vation de l’Union européenne 5, les élections de 2007 se sont caractérisées par des
affrontements avant le vote à proprement parler. En revanche, les élections de
2011 ont surtout été violentes pendant et après le scrutin, quand la population
a contesté les résultats et le déroulement des opérations de vote [Cohen, 2014].
Au-delà de cette différence, les années d’élections générales sont celles qui
concentrent le plus d’actes mortifères. Pour autant, on recense plus de victimes
en 2008 qu’en 2007, et une partie des décès comptabilisés en 2007 résulte d’inci-
dents qui se sont produits en dehors des élections générales, notamment du fait
d’élections locales qui firent 104 morts à Kano. Entre 2006 et 2014, plus de
2 000 personnes ont été tuées dans des affrontements entre partis politiques. Sur
ce total, moins de 50 % l’ont été pendant les élections générales : 45 % des morts
exactement, à raison de 8 % en 2007 et de 37 % en 2011 [Cohen, 2014].
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les caciques locaux. Au pouvoir à Abuja jusqu’en 2015 et présent dans la plupart
des États de la Fédération, le PDP retient toute l’attention à cet égard. En effet, il est
impliqué dans 86 % des événements et 87 % du total des morts recensés au cours de
violences partisanes. Si on regarde plus précisément les seuls conflits entre partis
politiques, il est même impliqué dans 97 % des décès, contre 44 % pour l’ANPP et
39 % pour le CPC. Or les affrontements avec l’ANPP se concentrent dans certains
États en particulier, à savoir le Bauchi, Kano, Katsina, Kogi, Plateau, Niger et Oyo,
tandis que ceux avec l’AC/ACN se focalisent plutôt sur l’Adamawa, l’Akwa Ibom,
la Benue, le Delta, l’Edo, Ekiti, Kogi, Lagos, Osun, Oyo et le Rivers (voir la carte 2).
Le phénomène inaperçu des violences internes confirme l’ancrage local des partis
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L’étude de la répartition des violences internes au PDP appuie elle aussi l’idée
de l’importance des ancrages politiques régionaux (carte 3). Les affrontements
à l’intérieur du parti se concentrent en l’occurrence dans le Sud, essentiellement
le Delta du Niger, la Bénoué, le Yorubaland et Lagos, régions riches où la compé-
tition pour le contrôle des rentes est particulièrement forte. Le phénomène est
beaucoup moins marqué dans les États à dominante haoussa du Nord, où le PDP
est moins présent.
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Sur l’ensemble des incidents liés à des partis politiques et recensés dans la base
de données de Nigeria Watch, il apparaît alors que quatorze séries d’événements
violents – à peine plus de 5 % du total – pèsent pour plus de 75 % des victimes
enregistrées. Cela n’implique pas nécessairement que les violences entre partis
soient dues à des causes d’ordre ethnique ou religieux. Mais ces facteurs peuvent
se superposer à la compétition politique, ou bien être instrumentalisés de telle
manière qu’ils contribuent à prolonger et propager les conflits sur des territoires
plus larges. Sur la période 2006-2014, l’événement exclusivement politique le plus
mortifère a ainsi causé vingt morts, alors que les quatre cas de violences partisanes
consécutives à des rivalités ethniques et/ou religieuses ont fait chacun plus d’une
centaine de morts, avec un maximum de 540 morts.
Le cas de la collectivité locale de Zangon Kataf dans le sud de l’État de Kaduna
illustre bien le problème. Depuis le début des années 1990 la région a été le théâtre
de sanglants conflits religieux, notamment au moment de l’extension du domaine
d’application de la charia en 2000. C’est dans ce contexte que l’annonce des résul-
tats des élections de 2011 a provoqué des affrontements entre partisans du PDP et du
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Conclusion
En conclusion, il convient de souligner que les violences partisanes au Nigeria
ne se réduisent pas au moment des élections, pas plus que les élections ne permettent
d’appréhender tous les ressorts de la compétition politique. De plus, ces violences ne
se répartissent pas de manière homogène dans le temps et l’espace. Certains États de
la Middle Belt – au centre du pays – ont des taux de surmortalité très élevés du fait
Bibliographie