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Chimie Organique
2009-2010
Sommaire
1. Les composés carbonés : Généralités ............................................................................... 12
U U
Modification de l’énergie stérique associée à la rotation autour d’une liaison ................ 36
U U
1.9. Quelques notions importantes lorsque nous aborderons les mécanismes réactionnels
U U
............................................................................................................................................ 37
3.6. Réactions des alcènes : additions, oxydation des liaisons C=C et clivage.................. 62
U U
3.13. Protection d’un alcyne terminal : le groupe protecteur Me3Si .................................... 80
U U
Effets des groupements électro-attracteurs sur les valeurs de pKa ................................ 86
U U
d’organolithiens................................................................................................................... 92
U
5.5. Les réactions des halogénoalcanes : substitution électrophile vs élimination ............. 96
U U
Le carbocation................................................................................................................. 99
U U
5.8. Réactions de substitutions nucléophiles en compétition avec les éliminations ......... 109
U U
Synthèse des alcools : méthodes déjà envisagées dans les chapitres précédents ...... 127
U U
Rupture de la liaison R-OH : réaction avec les métaux alcalins ................................... 135
U U
Réaction d’un énol ou d’un ion énolate avec des électrophiles .................................... 200
U U
Hydrolyse des nitriles catalysée par les bases ou les acides ....................................... 206
U U
10.12. Les ions énolates en synthèse : réactions de substitution électrophile ................. 216
U U
Halogénation des aldéhydes et cétones catalysée par les bases ................................. 217
U U
Halogénation des aldéhydes et cétones catalysée par les acides ................................ 218
U U
10.13. Attaque nucléophile sur l’atome de carbone d’une C=O ....................................... 222
U U
Réaction des réactifs de Grignard avec les aldéhydes et cétones ............................... 225
U U
Les réactions des aldéhydes avec les alcools : formation d’hémiacétals et d’acétals .. 228
U U
Vue d’ensemble des complications apparaissant dans les réactions aldol ................... 232
U U
1.1. Introduction
10BU
La formule empirique (ou brute) d’un composé donne la proportion des atomes des
éléments qui se combinent pour former ce composé. Cependant, ce n’est pas
nécessairement la même que la formule moléculaire qui donne le nombre d’atomes des
éléments constitutifs en conformité avec la masse molaire du composé. La relation entre la
formule moléculaire et empirique, peut être illustrée en utilisant l’éthane, dans lequel la
proportion d’atomes de carbones et d’hydrogènes est de 1 : 3. Ce qui signifie que la formule
empirique de l’éthane est (CH3)n. La masse moléculaire relative de l’éthane est 30,
correspondant à deux unités CH3 par molécule – la formule moléculaire est donc C2H6. Dans
le méthane, par contre, la formule empirique est (CH4)n et la formule moléculaire est CH4.
Notons dès à présent que le terme « stéréochimie » désigne la façon de laquelle les
atomes d’une molécule sont arrangés dans l’espace.
Dans ce cadre, il est évident que les modèles « boules et bâtonnets » sont d’une
grande utilité. Malheureusement, il n’est pas toujours possible et/ou pratique, de créer ces
modèles, que ce soit à l’aide de kits de montage ou de logiciels spécialisés.
En chimie organique, l’adoption de quelques conventions permet de facilement
dessiner une structure qui donne des informations quant à la stéréochimie d’une molécule.
Ainsi en voyant le dessin ci-dessous, il est possible de se rendre compte que, dans le
méthane, la structure du carbone est tétraédrique.
H
H HH
Dans ce dessin, l’atome central, le carbone, n’est pas représenté. C’est souvent le
cas et cela permet de simplifier la représentation (nous reviendrons sur ce point
ultérieurement). La liaison indiquée en gras signifie que l’atome d’hydrogène se trouve hors
du plan, du côté du lecteur, alors que la liaison indiquée en pointillée signifie que l’atome
d’hydrogène se trouve hors du plan, mais à l’opposé du lecteur, cette fois. Reprenons
l’exemple du butane, à présent le modèle « boules et bâtonnets » dessiné en haut, à gauche
de cette page sera souvent réduit au schéma suivant :
• Chaque position non spécifiée, dans la chaîne, y compris les fins, est occupée par un
atome de carbone.
• Chaque atome de carbone forme 4 liaisons.
• Tout atome restant, non spécifié, est un atome d’hydrogène.
Le terme aliphatique était initialement utilisé pour décrire les graisses et les
composés reliés, mais il est à présent utilisé pour désigner des hydrocarbones contenant
des chaînes carbonées ouvertes (composés acycliques) ou des composés avec une
structure cyclique, mais possédant des propriétés similaires aux hydrrocarbones à chaînes
ouvertes (ex. : cyclohexane).
Le schéma, ci-dessus, montre deux classes d’hydrocarbones aliphatiques. Un
hydrocarbone saturé ne contient que des liaisons C-C et C-H et n’a pas de groupe
fonctionnel. On appelle également ces composés des alcanes. La formule générale, pour un
alcane acyclique est CnH2n+2, et chaque atome de carbone forme quatre liaisons simples. Un
hydrocarbone insaturé contient au moins une liaison double ou triple, en plus de liaisons C-H
simples. Les composés qui portent une liaison double, s’appellent alcènes et les composés
qui portent une liaison triple, s’appellent alcynes. Les liaisons doubles et triples sont
considérées comme des groupes fonctionnels parce qu’elles ont une réactivité particulière,
dont nous reparlerons ultérieurement.
En dépit du fait que nous ne venons de présenter qu’une poignée de classes de
composés, nous pouvons dès à présent illustrer les géométries communes dans lesquels le
carbone sera trouvé.
Géométrie et hybridation
97B
Notons dès à présent qu’il est courant, dans une formule organique, de représenter
un groupement organique général et que la méthode conventionnelle, pour ce faire, est
d’utiliser la lettre R pour désigner un groupe aliphatique et le « symbole » Ar pour un
groupe aryle (aromatique).
Groupes fonctionnels
98B
OH HO OH HO
Dans une cétone, le groupe fonctionnel est également un carbonyl, mais cette fois,
attaché à deux groupements organiques, lequels peuvent être identiques, ou différents. Les
formules générales d’une cétone sont :
O O
R R' et R R
où R et R’ sont différents de H. L’acétone est un solvant commun en laboratoire et est utilisé
commercialement dans les peintures, les produits nettoyant et comme solvant d’enrobage.
La molécule qui présente à la fois un groupement fonctionnel cétone et alcène est
responsable, quant à lui, de l’odeur des fleurs de magnolia.
O
O
Un acide carboxylique est caractérisé par une fonction –CO2H, les acides
dicarboxyliques possèdent deux fonctions de ce type, etc. L’acide hexan-1,6-dioïque est l’un
des deux précurseurs du Nylon 66, l’autre étant l’hexan-1,6-diamine dont nous parlerons
ultérieurement. Les acides carboxyliques jouent un rôle important dans la nature, par
exemple, l’acide citrique se retrouve dans le citron, tout comme dans d’autres fruits tels que
les airelles.
O O OH O
OH
HO HO OH
O O
HO
Un ester ressemble à un acide carboxylique, mais l’atome d’hydrogène y est
remplacé par un groupement organique : le groupe fonctionnel dans un ester est donc –
CO2R. Beaucoup d’esters ont des odeurs caractéristiques, par exemple le méthyl salycilate
(communément appelé essence de wintergreen) possède un groupement fonctionnel ester
dans lequel un groupement CH3 correspond au groupement R de la formule générale.
O O
HO
H O
Une amine primaire est caractérisée par un groupement –NH2. La méthylamine est
responsable de l’odeur de décomposition du poisson, alors que l’hexan-1,6-diamine,
possède une grande importance commerciale, puisqu’elle intervient, comme nous l’avons
déjà signalé, dans la fabrication du Nylon 66. Les amines secondaires et tertiaires possèdent
les formules générales R2NH et R3N respectivement, les groupements R pouvant être
identiques, ou différents.
NH2
NH2 H2N
Les amides sont d’une importance immense en biologie ; les polypeptides sont des amides
et comprennent, entre autre, les protéines (polypeptides de haute masse moléculaire).
Plusieurs polymères sont des polypeptides comme le Nylon 66 et le kevlar. Des amides de
petite masse moléculaire ont également une importance commerciale, comme le
diethyltoluamide qui est le composant actif de certains insecticides.
O
H
O N N N
H
O
n
Dans les dérivés halogénés, les groupements fonctionnels sont des atomes
d’halogènes (F, Cl, Br ou I). On a beaucoup parlé des halogénoalcanes parce qu’ils
comprennent les CFCs (chlorofluorocarbones). Des composés organiques comprennent les
solvants de laboratoire tels que CH2Cl2 et CHCl3. Le chloroéthène, également appelé
chlorure de vinyle est important, puisqu’il s’agit du précurseur du PVC (chlorure de
polyvinyle). Le DDT, un dérivé du trichloroéthane avec des substituants aromatiques a été
largement utilisé comme insecticide à partir de 1939, jusqu’à ce que l’on se rende compte
que plusieurs insectes y devenaient résistants et qu’il était hautement toxique pour les
poissons. Il est maintenant banni de tout insecticide.
Cl
Cl
Cl
Cl
Cl
Cl
Le groupe fonctionnel dans un chlorure d’acide est le –COCl et contient un
groupement carbonyle (C=O). Ces composés sont très réactifs ; le chlorure d’acétyle est un
réactif de synthèse très utile en laboratoire.
O
Cl
Dans un nitrile, le groupe fonctionnel est -C≡N. L’acétonitrile, CH3CN, est un solvant
de laboratoire très utilisé. Un nitrile d’importance commerciale est par exemple, l’acrylonitrile
qui est un précurseur du polyacrylonitrile, une fibre synthétique.
N
Le groupe fonctionnel nitro est –NO2 ; le nitrométhane est parfois utilisé comme
solvant en laboratoire. Les structures de la méthylamine et du nitrométhane semblent
similaires, mais il faut se rappeler que l’azote obéit à la loi de l’octet. La représentation
correcte de la liaison de valence dans le nitrométhane est représentée par la paire de
résonance suivante :
O O
+ +
N N
O O
Un grand nombre de composés utilisés comme explosifs possèdent un groupement
fonctionnel nitro, comme par exemple, le TNT (trinitrotoluène).
O2N NO2
NO2
Le groupement fonctionnel thiol est –SH, et l’une de leur propriété caractéristique est
l’odeur nauséabonde. Le mécanisme de défense développé par les putois est d’émettre,
sous forme de jet, une mixture à l’odeur fétide qui contient notamment des thiols.
SH SH
Dans un premier temps, nous allons nous attarder sur la nomenclature des chaînes
carbonées droites et branchées. Les noms des molécules dérivées sont basés sur ces
chaînes carbonées qui forment leurs squelettes. Bien qu’il existe une nomenclature
recommandée internationalement (IUPAC), de nombreux noms « triviaux » sont encore
d’usage commun. Des noms tels que acétone et acide acétique sont tellement fermement
ancrés dans le vocabulaire des chimistes qu’il est impossible de les ignorer. Le tableau qui
suit reprend certains de ces noms triviaux :
O O O O O
OH H NH2 Cl
acide acétique acétaldéhyde acétamide acétone chlorure d'acétyle
O O O
OH
H OH H H H NH2 HO
acide formique formaldéhyde formamide éthylène glycol
OH NH2 O
O
monoglyme
O
O O
N
toluène phénol aniline pyridine diglyme
H H N
acétylène acétonitrile
Le nom d’un alcane à chaîne droite indique le nombre d’atomes de C dans la chaîne.
Le tableau, ci-dessous, liste les préfixes qui sont utilisés pour indiquer le nombre de C dans
la chaîne. Ce tableau liste également les préfixes qui sont utilisés pour décrire le nombre de
groupes ou substituants sur des molécules branchées (cfr. suite du cours).
5 Pent- Penta-
6 Hex- Hexa-
7 Hept- Hepta-
8 Oct- Octa-
9 Non- Nona-
10 Déc- Déca-
11 Undéc- Undéca-
12 Dodéc- Dodéca-
13 Tridéc- Tridéca-
14 Tetradéc- Tetradéca-
15 Pentadéc- Pentadéca-
16 Hexadéc- Hexadéca-
17 Heptadéc- Heptadéca-
18 Octadéc- Octadéca-
19 Nonadéc- Nonadéca-
20 Icos- Icosa-
Le nom de la racine d’un alcane branché est dérivé de la plus longue chaîne droite
d’atomes de C qui est présente dans ce composé. Souvenez-vous qu’une chaîne dite
« droite » peut ne pas avoir l’air droite (sur la formule structurale).
La plus longue chaîne est numérotée à partir de l’une de ses extrémités, laquelle est
choisie de sorte que les nombres désignant la position des chaînes latérales soit aussi petits
que possible.
Il est important de noter que l’on écrit un trait d’union entre la numérotation et le nom
du substituant et qu’il n’y a pas d’espace entre le nom du substituant et le nom de la racine
(ex : 2-méthylbutane).
Si plus d’un substituant est présent, leurs noms sont donnés dans l’ordre
alphabétique, chacun avec sa position respective. Les préfixes, di-, tri-, etc. sont utilisés pour
montrer la présence de plus d’un substituant du même type (ex : 2,4-diméthylhexane).
L’ordre alphabétique du groupe alkyle est prioritaire sur celui du préfixe multiplicateur (ex : 4-
éthyl-3,3-diméthyloctane).
Les alcènes
102B
Br F
Cl
F H
(Z)-1-bromo-1,2-difluoroéthène trans-but-2-ène (E)-1-chloro-3-éthyl-4-méthylhept-3-ène
Les alcynes
103B
Dans le cas des alcynes, les mêmes règles que celles décrites pour les alcènes sont
d’application, si ce n’est qu’il n’y a pas d’isomères de géométrie (la géométrie des carbones
hybridés sp étant linéaire).
Nous avons déjà décrit deux types d’isomérisme chez les hydrocarbones :
• les alcènes et les alcynes peuvent présenter des isomères de position puisqu’il peut y
avoir plus d’une position pour la liaison C=C ou C≡C dans la chaîne carbonée, ex. :
hex-1-ène, hex-2-ène et hex-3ène.
• les alcènes (mais pas les alcanes ou alcynes) peuvent posséder des isomères
géométriques, ex. : (E)-but-2-ène et (Z)-but-2-ène.
Ces exemples permettent d’illustrer les deux classes principales d’isomérisme :
l’isomérisme structural et le stéréoismérisme. La figure ci-dessous résume les types
d’isomères exhibés par les composés organiques. Dans cette section, nous considérerons
l’isomérisme structural et nous aborderons le stéréoisomérisme dans la section suivante.
Les alcanes
104B
Les alcanes CH4, C2H6 et C3H8 n’ont pas d’isomères structurels (ce qui peut être
facilement vérifié si vous tracez leur structure). Pour un alcane acyclique CnH2n+2, avec n ≥ 4,
plus d’une formule structurelle peut être tracée et le nombre de possibilités augmente
rapidement avec l’augmentation de n, comme l’illustre la réaction suivante :
L’illustration ci-dessous, tant qu’à elle, montre les isomères structuraux de C6H14. Un
mélange de ces isomères est utilisé comme solvant et est souvent appelé hexanes.
Si on part du butane (qui possède deux isomères structuraux) pour former les butyles
correspondant, quatre isomères peuvent être formés. Ils sont distincts dans leurs noms et
abréviations :
H2
C CH3
butyle (Bu)
C C
H2 H2
H2
C CH3
H3C C
H2
CH3
CH
C CH3
isobutyle (iBu)
CH3 H2
CH
H3C CH3
CH3
2-méthylpropane
C tert-butyle (tBu)
H3C CH3
Un composé qui n’est pas superposable à son image spéculaire (dans un miroir) est
dit chiral. Dans le cadre de la chimie organique, nous parlerons principalement de chiralité
en présence de carbones asymétriques (un atome de carbone avec 4 substituants
différents), mais d’autres éléments ou configurations spatiales peuvent être à l’origine de la
chiralité. Un carbone asymétrique peut également être appelé centre stéréogénique ou
centre chiral. L’objet et son image miroir sont des énantiomères (isomères optiques) et des
stéréoisomères (terme plus général). Les énantiomères d’un composé possèdent les mêmes
propriétés chimiques et ne diffèrent que par leur interaction avec d’autres objets chiraux. Les
mains et les gants sont chiraux : votre main droite est l’image miroir, non superposable de
votre main gauche (idem pour les gants) et une main droite ne peut être glissée que dans un
gant droit (idem pour la main gauche et le gant gauche).
Il y existe quelques tests qui permettent d’évaluer rapidement si une molécule semble
chirale ou non, mais ces tests ne sont pas infaillibles.
• La présence d’un atome de carbone asymétrique est largement utilisée comme test
pour la chiralité. Cependant, on connaît de nombreux composés chiraux qui ne
contiennent pas d’atome de carbone asymétrique. Plus important, il existe plusieurs
composés contenant deux ou plusieurs atomes de carbone asymétriques qui ne sont
pas chiraux.
• La recherche d’un plan de symétrie. Les composés avec un plan de symétrie ne sont
pas chiraux. Cependant, l’inverse n’est pas vrai : certains types de molécules qui ne
possèdent pas de plan de symétrie sont tout de même achirales pour des raisons de
symétrie moléculaire.
Dans le 3-méthylhexane, l’un des atomes de carbone porte un atome d’hydrogène, un
groupement méthyle, un groupement éthyle et un groupement propyle. C’est, dès lors, un
atome de carbone asymétrique. Les deux énantiomères du 3-méthylhexane sont montrés
dans la figure ci-dessous. La figure c montre que l’un des énantiomères ne peut être converti
en l’autre par une simple rotation et confirme que des énantiomères ne sont pas
superposables (prêtez une attention particulière à la perspective.
L’une des façons les plus simples de distinguer des énantiomères consiste à étudier
leur interaction avec la lumière polarisée. La lumière polarisée est une forme de lumière
dans laquelle l’onde électromagnétique se trouve dans un seul plan. Lorsqu’une lumière
polarisée interagit avec une molécule chirale, le plan dans lequel se trouve l’onde de la
lumière polarisée change. En effet, ce plan tourne autour de l’axe de propagation de la
lumière. Une façon adéquate de caractériser un composé chiral est de mesurer la déviation
de ce plan. La rotation, α, peut être mesurée dans un polarimètre.
HO H HO H
H OH HO H
Cela mène à une façon commune de distinguer les énantiomères en précisant le
signe d’[α]D. Les deux énantiomères du glycéraldéhyde sont notés (+)-glycéraldéhyde et (-)-
glycéraldéhyde. Parfois les notations (+) et (-) sont remplacées par les préfixes dextro- et
laevo- (dérivé du latin droite et gauche) et indiquent une rotation de la lumière,
respectivement, dans le sens des aiguilles d’une montre et contraire aux aiguilles d’une
montre. Elles sont souvent abrégées par d et l. Les notations +/- ou d/l se réfèrent à des
F Cl Cl F
3 2 2 3
R S
Dans le diagramme de gauche, la séquence est dans le sens des aiguilles d’une
montre, dans ce cas, l’atome de carbone asymétrique est noté R. Dans le diagramme de
droite, la séquence est dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, dans ce cas,
l’atome de carbone asymétrique est noté S. Ces notations nous indiquent la configuration
absolue d’une molécule. Si le substituant consiste en un groupe d’atomes, par exemple CH3
ou OH, la priorité dépend du nombre atomique de l’atome attaché à l’atome de carbone
asymétrique. Donc OH a une priorité plus élevée que CH3. Si les deux groupements ont le
même premier atome, par exemple CH3 et CO2H, alors les priorités des groupements sont
déterminées en regardant le second atome. Dès lors, CO2H a une plus haute priorité que
CH3. Le glycéraldéhyde illustre le dernier problème de priorité envisageable. Le carbone
asymétrique porte deux substituants liés par un carbone : CH2OH et CHO. Dans chaque cas,
l’atome suivant est O, mais dans CH2OH il y a une liaison C-O et dans CHO, il y a une
liaison C=O. La double liaison est comptée comme deux substituants O et prend donc la
priorité la plus élevée. Donc, pour assigner une configuration absolue aux énantiomères du
glycéraldéhyde, les étapes sont les suivantes :
• identifier l’atome de carbone asymétrique
• trouver le substituant avec la plus faible priorité, dans ce cas-ci, H
• tracer la molécule vue dans l’axe C-H avec H orienté vers l’arrière
• assigner une priorité aux substituants, ici OH > CHO > CH2OH
• assigner la notation R ou S
3
O CH2OH
H
HO H HO CHO
1 2
H OH
S
Nous avons établi antérieurement que la rotation spécifique observée ne donnait pas
d’information sur la configuration absolue. Cela signifie qu’il n’y a pas de relation entre les
notations (+) ou (-) et R ou S. Donc certains composés avec une configuration S sont (+)
alors que d’autres sont (-), par exemple, l’acide (S)-(-)-méthylsuccinique et le (S)-(+)-2-
aminobutanol. Il en est, évidemment, de même pour des composés de configuration R.
Les diastéréoisomères
108B
Nous sommes à présent familiers avec l’idée que si une molécule possède un centre
chiral, il possède une paire particulière de stéréoisomères appelés énantiomères. Si une
molécule possède plus d’un centre chiral, la situation devient plus compliquée et nous
amène à une autre classe de stéréoisomères appelés diastéréoisomères.
Considérons le 3-chloro-3,4-diméthylhexane. Cette molécule contient deux atomes
de carbone asymétriques marqués par des astérisques dans la structure ci-dessous.
* *
Cl
Si on représente cette structure en trois dimensions, on peut dessiner la structure A et son
image miroir B : A et B sont des énantiomères et sont également des stéréoisomères. On
peut tracer d’autres stéréoisomères de cette molécule et ils sont représentés comme les
structures C et D de la figure ci-dessous. C et D sont des énantiomères et des
stéréoisomères. Parce qu’il y a deux atomes de carbone asymétriques dans le 3-chloro-3,4-
diméthylhexane, il y a deux paires d’énantiomères A et B, et C et D. Mais qu’en est-il de la
relation entre les autres paires de stéréoisomères, par exemple entre A et C ? Alors que A et
C ne sont pas superposables, elles ne sont pas non plus des images spéculaires l’une de
l’autre et ce ne sont donc pas des énantiomères. Ces stéréoisomères sont appelés
diastéréoisomères.
SO3-
O H
N H O
O
Des méthodes de séparation plus moderne font intervenir des colonnes de
chromatographie utilisant une phase stationnaire chirale. La phase solide porte une espèce
énantiomériquement pure qui interagit spécifiquement avec l’un des énantiomères d’un
mélange. Une fois séparés, il arrive que certains énantiomères racémisent, c'est-à-dire
évoluent vers un mélange racémique.
La séparation des énantiomères est particulièrement importante dans l’industrie
pharmaceutique. L’exemple le plus connu est celui du Thalidomide, prescrit, dans les années
60, à des femmes enceintes pour lutter contre les nausées. Le Thalidomide était utilisé sous
forme de mélange racémique, mais seul l’un des énantiomères présente des propriétés anti-
nauséeuses. Plus grave, l’autre énantiomère a été à l’origine de nombreuses naissances à
complications. En outre, même si l’énantiomère adéquat avait été spécifiquement administré,
le Thalidomide racémise in vivo et des effets secondaires auraient été à nouveau observés.
De nombreux médicaments sont chiraux, avec un seul énantiomère possédant les propriétés
thérapeutiques désirées ; le second énantiomère peut être inactif pour la thérapie requise,
actif d’une façon différente ou produire des effets secondaires indésirables.
1.8. Conformation
17BU
La rotation autour d’un axe internucléaire d’une liaison simple est habituellement
possible, mais la rotation autour de liaisons multiples est restreinte à cause de la
composante π.
Dans un alcane acyclique, les rotations autour de toutes les liaisons simples de la
molécule peuvent avoir lieu. Dans C2H6, les rotations autour des liaisons C-H n’affectent pas
la forme de la molécule, mais la rotation autour de la liaison C-C altère l’orientation relative
des deux groupements CH3. Ces différents arrangements sont appelés conformères.
Les deux conformères de C2H6 qui représentent les deux positions extrêmes des
groupements CH3 l’un par rapport à l’autre sont représentés en (a) dans la figure ci-dessous.
Entre les conformations décalée et éclipse, il existe un nombre infini de conformations
intermédiaires.
12B
liaison
Lorsqu’une molécule d’éthane est dans une conformation décalée, les interactions
stériques entre les atomes d’H sur des atomes de carbone adjacents sont au minimum. Cela
correspond à un minimum d’énergie stérique. A mesure que la rotation autour de la liaison
C-C a lieu, les interactions stériques augmentent, puisque les atomes d’H deviennent plus
proches l’un de l’autre. L’énergie stérique varie donc avec le degré de rotation en passant
par un maximum lorsque les atomes d’H sont le plus proche l’un de l’autre, comme c’est le
cas dans la conformation éclipsée. Dans une rotation de 360°, la molécule passe par trois
conformations éclipsées identiques et trois conformations décalées identiques.
mécanismes réactionnels
Le clivage de liaisons
15B
Dans un clivage homolytique d’une liaison X-Y, un électron est transféré à chacun
des deux atomes et est représenté par une « demi-flèche ». Ce clivage résulte en la
formation de deux radicaux (espèces neutres, à la couche de valence incomplète Æ très
réactionnelles). Attention que lorsque l’on dessine une flèche indiquant un mouvement
d’électron, comme c’est le cas dans le dessin ci-dessous, il est très important qu’elle soit
placée avec précision, partant toujours d’une paire d’électron, ou d’un électron célibataire.
X Y X +Y
Dans un clivage hétérolytique, les deux électrons sont transférés au même atome et
le transfert est représenté par une « flèche entière ». Un tel clivage provoque habituellement
l’apparition d’ions, mais ce n’est pas toujours le cas.
H + H H
O O +
X Y X
+
+ Y + H
H H
Electrophiles et nucléophiles
16B
Un électrophile est une espèce qui recherche des électrons. Il est attiré par les
centres riches en électrons qui présentent une charge partielle (δ-), ou totale, négative.
Un nucléophile est une espèce qui peut donner des électrons. Il est attiré par les
centres qui présentent une charge partielle (δ+), ou totale, positive.
Nous reviendrons plus en détail sur ces concepts ultérieurement.
cyclohexane cyclopropane
Un cycloalcane substitué avec un seul substituant n’a pas besoin de nombre de
position.
méthylcyclohexane éthylcyclopentane
Lorsque le cycle a plus d’un substituant alkyle, il est nommé de sorte que les
numéros de position soient aussi petits que possible. Si les substituants alkyles sont
différents, c’est l’ordre alphabétique qui détermine quel carbone sera numéroté 1.
La conformation de cycle
17B
Alors qu’il y a habituellement rotation atour des liaisons C-C dans les alcanes
acycliques, une telle rotation est limitée dans un cycloalcane, particulièrement dans les plus
petits. Dans le cyclopropane, il n’y a pas de rotation possible autour des liaisons C-C et le
cycle est contraint à être planaire. Cela impose une conformation éclipsée le long de chaque
liaison C-C. Cette conformation défavorable contribue à ce que le cyclopropane soit un cycle
tendu et que ça réactivité reflète ce fait.
Lorsque la taille du cycle augmente, des rotations partielles autour des liaisons C-C
deviennent possibles. Si les cyclobutane et cyclopentane adoptaient une conformation plane,
les groupements CH2 adjacents seraient éclipsés. Cependant, si une rotation partielle autour
d’une liaison C-C a lieu, le cycle devient non planaire et les contraintes stériques entre
atomes d’hydrogènes sur carbones adjacents diminuent, ce qui diminue également l’énergie
du système (stabilise). Dans le cas du cyclopentane, on parle alors de conformation
« enveloppe », à cause de sa forme qui n’est pas sans rappeler celle d’une enveloppe
ouverte.
Bien qu’il possède un certain degré de flexibilité, le cyclobutane est un cycle tendu.
De plus grands cycles ont de plus grands degrés de flexibilité. La rotation partielle autour des
liaisons C-C dans le cyclohexane résulte en une inversion entre les conformations « chaise »
et « bateau » ; l’énergie du conformère « chaise » étant beaucoup plus faible que celle du
conformère « bateau ». Le cyclohexane est un liquide à 298 K et la forme « chaise » est
favorisée dans un rapport de plus de 104 pour 1. Ceci est du au fait que les interactions
H…H sont plus importantes dans la forme « bateau » que dans la forme « chaise ».
regardant la projection de Newman ci-dessous. Cette projection est vue suivant l’axe de
deux des six liaisons C-C du cyclohexane.
La figure ci-dessous montre les trois conformères des deux isomères du 1,3-
diméthylcyclohexane. De façon similiaire que pour le méthylcyclohexane, le conformère
équatorial, équatorial du 1,3-diméthylcyclohexane est stériquement favorisé.
La tension de cycle
18B
Dans un cycloalcane, chaque atome de carbone forme quatre liaisons et peut être
considéré comme hybridé sp3. L’angle idéal, pour une hybridation sp3 est de 109,5° comme
dans le méthane. Les alcanes acycliques ont des angles de liaisons H-C-C, C-C-C et H-C-H
proches de 109,5°. Pour les cycloalcanes, la situation est un peu différente. L’angle C-C-C
dépend de la taille du cycle. Mais il convient de faire bien attention ! Les représentations des
squelettes carbonés des cycloalcanes donnent souvent l’impression qu’ils sont plats, alors
que ce n’est pas le cas, à l’exception du cyclopropane. Les angles de liaisons dans les
cycloalcanes CnH2n avec 3 ≤ n ≤ 10 sont repris dans le tableau ci-dessous.
Résumé
19B
Cl
O O
Cl O
O O
O
pyréthrine I perméthrine
En général, les valeurs pour un cycloalcane avec un nombre d’atomes de carbone donné
sont supérieures à celles de son correspondant acyclique. Les forces de van der Waals
s’exercent entre les molécules de cycloalcane à l’état solide, mais la tendance au niveau des
températures de fusion n’est pas régulière. Cela peut se discuter en terme de variation de
forme moléculaire et de facilité d’empilement (plus l’empilement est facile, plus les
interactions intermoléculaires sont importantes, plus les températures de fusion sont
élevées).
Finalement, l’effet des substituants est illustré par la table ci-dessous, qui regroupe
les températures d’ébullition de différents isomères du cyclohexane.
Hexane 341,7
2-Méthylpentane 333,3
3-Méthylpentane 336,3
2,3-Diméthylpentane 331,0
2,2-Diméthylbutane 322,7
De ces deux observations, il résulte qu’un alcane liquide, lorsqu’il est mélangé à
l’eau, va former une couche à la surface de cette dernière.
Les alcanes brûlent en présence d’O2 pour donner du CO2 et de l’eau et ces
réactions sont exothermiques.
CH4 + 2 O2 Æ CO2 + 2 H2O
C9H20 + 14 O2 Æ 9 CO2 + 10 H2O
En pratique, la combustion est incomplète et des quantités variables de carbone
élémentaire et d’autres composés carbonés sont formées en plus du CO2. La présence de
carbone élémentaire et de grosses molécules aromatiques provoque l’épaisse fumée qui est
observée lors de la combustion d’hydrocarbones lourds.
Lorsque la quantité d’O2 est limitée (par exemple, lorsque l’on brûle de l’essence
dans une pièce close), la combustion peut mener à la formation de CO. De nombreux
accidents domestiques, liés à un mauvais fonctionnement de chauffage ou à une ventilation
insuffisante, peuvent résulter de cette réaction incomplète.
Les valeurs de variation d’enthalpie standard de combustion peuvent être trouvées
expérimentalement en utilisant une bombe calorimétrique et de là, les variations d’enthalpie
standard de formation peuvent être déduites en utilisant le cycle de Hess (comme nous le
verrons en chimie appliquée). La combustion peut également être utilisée pour déterminer la
formule moléculaire d’un composé comme illustré par l’exercice suivant :
Lorsqu’il est complètement brûlé, un alcane acyclique X donne 211,2 g de CO2 et
97,2 g d’H2O. Suggérez une possible identité pour X. (R : C8H18)
hν
X2 2X
Etape d’amorçage
Les radicaux organiques ont souvent une durée de vie courte. Lorsqu’ils entrent en
collision avec d’autres espèces, des réactions peuvent avoir lieu qui peuvent résulter soit en
une propagation, soit en une terminaison. Si un radical entre en collision avec une espèce
non radicalaire, alors c’est l’étape de propagation qui a lieu, générant un nouveau radical.
X R Y Y +R X
Etape de propagation
Le radical nouvellement généré peut maintenant réagir avec une seconde espèce
pour produire un troisième radical.
Y Y R R +Y Y
Etape de propagation
Finalement, les radicaux peuvent entrer en collision entre eux pour former une
nouvelle espèce lors de l’étape de terminaison (les différentes étapes de terminaison
possibles sont illustrées ci-dessous).
2 X• Æ X2
2 Y• Æ Y2
2 R• Æ R2
Y• + X• Æ X-Y
Y• + R• Æ R-Y
R• + X• Æ R-X
L’ensemble de ces séquences d’évènements se combine pour donner une réaction
en chaîne avec les étapes de propagation qui gardent la chaîne « active ». La concentration
en radicaux dans le milieu réactionnel est faible à tout moment. Donc l’interaction entre un
radical et une espèce non radicalaire (c'est-à-dire la propagation) est de loin plus probable
que la réaction entre deux radicaux (c'est-à-dire la terminaison). Après le processus
d’amorçage, un grand nombre d’étapes de propagation peuvent avoir lieu avant que les
radicaux ne disparaissent en une étape de terminaison. Très souvent la production d’un seul
radical permet la formation de plusieurs milliers de molécules avant que la chaîne ne se
termine.
L’absorption de lumière par le Cl2 provoque une fission homolytique de la liaison Cl-
Cl. C’est ce qui est illustré dans l’étape d’amorçage suivante :
Cl2 Æ 2 Cl•
Des collisions peuvent avoir lieu entre des radicaux Cl• et des molécules de méthane,
et une séquence d’étapes de propagation commence, comme illustré ci-dessous. Dans
chaque étape un radical est consommé et un autre radical est formé.
Cl• + CH4 Æ HCl + CH3•
CH3• + Cl2 Æ CH3Cl + Cl•
Cl• + CH3Cl Æ HCl + •CH2Cl
•CH2Cl + Cl2 Æ CH2Cl2 + Cl•
La terminaison de la chaîne a lieu lorsque deux espèces radicalaires se combinent.
Les équations ci-dessous illustrent quelques-unes des étapes de terminaison possible, mais
d’autres le sont également.
2 Cl• Æ Cl2
Cl• + CH3• Æ CH3Cl
2 CH3• Æ CH3CH3
La première de ces étapes de terminaison illustre la réaction inverse de l’étape
d’amorçage, alors que la deuxième illustre la formation d’un produit désiré. La dernière, par
contre, complique le processus en allongeant la chaîne carbonée. La molécule de C2H6 peut
à son tour subir une chloration par un radical Cl• et la chaîne peut éventuellement s’allonger
à nouveau, ce qui peut produire, au final, des alcanes à longues chaînes. Une réaction
radicalaire est, dès lors, non spécifique.
2-méthylpropane
Pour les chaînes d’alcanes qui possèdent plus de deux atomes de C, une
complication supplémentaire voit le jour lors des réactions radicalaires : un radical peut
attaquer à différents endroits. Illustrons le problème en considérant la chloration du propane
et du 2-méthylpropane. Ces composés contiennent différents types d’atomes de C, comme
le montrent les structures suivantes :
Secondaire
Tertiaire
H CH3
Primaire
+ Cl HCl + C
C
+ Cl HCl +
A cause des stabilités relatives des deux radicaux formés, le mélange final contient
plus de 2-chloropropane que de 1-chloropropane.
HCl + C
+ Cl
HCl + C
Les radicaux alkyles peuvent alors réagir avec Cl2 pour donner du 1-chloro-2-
méthylpropane et du 2-chloro-2-méthylpropane.
+ Cl2 Cl + Cl
C
Cl
C + Cl2 + Cl
Des données expérimentales montrent que le 1-chloro-2-méthylpropane prédomine
sur le 2-chloro-2-méthylpropane (65 % : 35 %) même si le radical intermédiaire formé par
l’arrachement d’un proton du carbone tertiaire est favorisé énergétiquement sur
l’arrachement du proton d’un carbone primaire. Les résultats expérimentaux peuvent
toutefois être expliqués par le fait qu’il y a neuf hydrogènes attachés à un carbone primaire,
pour seulement un atome d’hydrogène attaché à un carbone tertiaire. Ainsi, même si
l’arrachement de l’hydrogène du carbone tertiaire est favorisé énergétiquement et
cinétiquement, il y a statistiquement plus de chance que ce soit un hydrogène d’atome de
carbone primaire qui se fasse arracher. Il y a donc deux facteurs en compétition et la
distribution en produits observée confirme que l’arrachement d’un hydrogène d’un carbone
primaire l’emporte sur la réactivité accrue de l’atome de carbone tertiaire.
hν
Cl2 HCl
Le cyclopropane, en particulier, subit des réactions d’ouverture de cycle qui sont des
additions. Les réactions illustrées ci-dessous sont des exemples d’additions qui mènent à
l’ouverture de l’anneau carboné du cyclopropane et mettent en évidence sa tension de cycle.
Δ, [Ni]
H2
H2SO4 conc. OH
H2 O
Br
HBr
3.1. Généralités
26BU
Rappelons quand dans les alcènes (C=C), les carbones adoptent une géométrie
trigonale plan, ce qui correspond à une hybridation sp2. Dans le cas particulier des allènes
(C=C=C), le carbone central présente une géométrie linéaire, ce qui correspond à une
hybridation sp, comme dans les alcynes. Il est important de noté qu’une liaison double est en
fait constituée d’une liaison σ (identique à celles rencontrées dans les alcanes) et d’une
liaison π ; et qu’une liaison triple est constitué d’une liaison σ et de deux liaisons π. La
distinction entre ces deux types de liaison est importante, puisque :
- Une liaison π, contrairement à une liaison σ ne permet pas de rotation autour de la
liaison.
- Une liaison π est formée d’électrons qui sont beaucoup plus facilement accessibles
que les électrons d’une liaison σ.
- Une liaison π est moins forte qu’une liaison σ.
Ces deux derniers points ont pour conséquence logique, le fait qu’une liaison π est
beaucoup plus réactionnelle qu’une liaison σ. Le premier point, quant à lui, explique que l’on
distingue les isomères E et Z dans le cas des alcènes.
27B
Noms et structures
129B
La formule générale pour un alcène monocyclique non substitué contenant une seule
liaison double est CnH2n-2. Son nom doit indiquer à la fois le nombre de carbones, le fait que
la structure est cyclique et la présence d’une liaison double. En absence de substituant, s’il
n’y a qu’une double liaison, aucune numérotation n’est nécessaire.
cyclohexène cyclobutène
Lorsqu’il y a plus d’une liaison double dans le cycle, des numéros de position sont
nécessaires pour distinguer entre les différents isomères possibles, par exemple le
cyclohexa-1,3-diène et le cyclohexa-1,4-diène. Les deux seules exceptions sont le
cyclobutadiène et le cyclopentadiène, puisque les deux doubles liaisons ne peuvent qu’être
adjacentes l’une de l’autre dans des cycles à 4 et 5 pièces.
cyclohexa-1,3-diène cyclohexa-1,4-diène
cyclobutadiène cyclopentadiène
Lorsque l’on nomme un cycloalcène substitué, la position de la double liaison est
prioritaire sur la position des substituants. Une double liaison occupe donc d’office la position
1, sont ensuite numérotés les éventuelles autres doubles liaisons, puis finalement les
substituants, en s’arrangeant pour que les numéros de position soient aussi petits que
possible.
Cl Cl
3,5-dichlorocyclohexène 5-ethylcyclohexa-1,3-diène
Conformation de cycle
130B
La présence d’une double liaison dans un hydrocarbone cyclique signifie que deux
des atomes de carbones sont dans un environnement planaire. Cela rend les cycloalcènes
moins flexibles que leurs équivalents cycloalcanes. Les figures, ci-dessous illustrent bien la
partie linéaire imposée par la double liaison C=C. La partie du cycle qui possède des atomes
de carbone tétraédriques est décalée, pour éviter que les hydrogènes de carbones adjacents
soient en position éclipsée. Lorsque deux ou plusieurs doubles liaisons sont présentes, la
flexibilité du cycle est encore réduite. La figure ci-dessous, toujours, montre la structure du
En général :
• La conformation du cycle est nécessairement plane à chaque fonction alcène ;
• Des rotations partielles autour des liaisons simples C-C peuvent avoir lieu dans le
cycle (comme pour les cycloalcanes).
Réactions d’élimination
13B
H2SO4 conc.
+ H2O
OH 450K
OH
H2SO4 conc.
+
majoritaire minoritaire
Cyclisation de Diels-Alder
132B
Des cyclohexènes peuvent, par exemple, être synthétisés par cycloadditions [4+2],
lesquelles sont appelées « réactions de Diels-Alder ». La notation [4+2] provient du fait que
la réaction a lieu entre une espèce qui possède 4 électrons π (diène) et une espèce à 2
électrons π (diènophile). Cette réaction est amorcée thermiquement et inclut trois
mouvements simultanés (on parle de réaction « concertée ») de deux électrons suivant le
schéma représenté ci-dessous :
X X
Pour que cette réaction ait lieu facilement, il faut que le diénophile soit pauvre en
électrons, c'est-à-dire qu’il porte un substituant électro-attracteur. Par exemple, X pourrait
être Cl, CN, CH2Cl, CH2OH, CHO, CO2H ou CO2R. Si on se base sur la figure ci-dessus,
pour qu’une cycloaddition [4+2] puisse avoir lieu, il faut également que le diène puisse subir
une rotation autour de la liaison C-C de façon à adopter la conformation correcte pour
permettre la fermeture du cycle.
changement de conformation
OEt
OEt
O OEt O
La réaction des Diels-Alder est utilisée en industrie pour la fabrication d’une famille
d’insecticides extrêmement efficaces dont l’aldrine et son dérivé époxy, la dieldrine. Ils ont
été largement utilisés à partir des années 50s pour contrôler les termites. Revers de la
médaille, ces insecticides ne se dégradent pas dans l’environnement, ce qui constitue le
facteur majeur de leur retrait de la commercialisation dans les années 80s.
Dans cette section, nous allons aborder quelques réactions des alcènes. Dans la
section suivante, nous poursuivrons en discutant le mécanisme d’addition électrophile et
dans la section 3.6, nous continuerons notre vue d’ensemble de la réactivité des alcènes en
utilisant ce que nous viendrons d’apprendre sur les mécanismes pour expliquer la sélectivité
observée de ces réactions.
Comme les alcanes, les alcènes brûlent en présence d’O2 pour donner du CO2 et de
l’H2O.
C4H8 + 6 O2 Æ 4 CO2 + 4 H2O
2 C6H10 + 17 O2 Æ 6 CO2 + 5 H2O
Alors que les alcanes subissent des réactions de substitution (ex. : substitution d’un
hydrogène par un chlore lors de la chloration radicalaire), les alcènes, eux, subissent des
réactions d’addition, donc le schéma général est représenté ci-dessous :
X
+ X Y
Y
Les réactions d’addition peuvent être de nature radicalaire ou électrophile et peuvent
être résumées comme suit : Les réactions d’addition typique des alcènes sont :
• L’addition électrophile
• L’addition radicalaire
• La polymérisation
Hydrogénation
13B
H2, [Pd]
+ Cl2
Cl
Br
+ Br2 Br
Les réactions avec F2 sont extrêmement violentes, alors que celles avec I2 sont
extrêmement lentes quand elles n’échouent pas, toutes deux. La chloration et la bromation
peuvent être réalisée à 298 K ou moins, sans besoin d’irradiation. Cela laisse supposer que
l’addition ne fait pas intervenir de radicaux. Toutefois, si une source de radicaux est
disponible, l’addition a toujours lieu, mais elle peut être complexifiée par la présence de
réactions de substitution radicalaires compétitives.
La décoloration d’une solution aqueuse de Br2 (eau de brome) est communément
utilisée comme test qualitatif de la présence de doubles liaisons C=C. Des mélanges de
produits sont obtenus, comme nous le verrons pour lors de la discussion des réactions des
alcènes avec Br2 et H2O ultérieurement.
Br
Br
+ HBr +
majoritaire
De façon similaire, lorsque HCl réagit avec le 2-méthylpropène, le produit majoritaire
est le 2-chloro-2-méthylpropane. L’atome de chlore préfère donc être attaché à un atome de
carbone tertiaire (plutôt qu’à un atome de carbone primaire) dans le produit.
Cl
Cl
+ HCl +
majoritaire
Cette sélectivité que nous venons d’observer peut être expliquée si nous regardons le
mécanisme d’addition électrophile plus en détail.
Les additions aux alcènes peuvent avoir lieu suivant un mécanisme radicalaire ou
électrophile. Un mécanisme électrophile est favorisé lorsque la réaction est réalisée dans un
solvant polaire, alors que le mécanisme radicalaire requiert un activateur radicalaire.
La double liaison des alcènes possède des électrons π facilement accessibles, ce qui
leur permet d’agir comme nucléophiles, capables de donner des électrons à des espèces qui
en sont demandeuses (électrophiles). Considérons la réaction entre l’éthène et HBr pour
donner du bromoéthane. La molécule de HBr est polaire, la valeur d’électronégativité de H
étant de 2,2 et celle de Br étant de 3,0. Il existe donc une charge partielle positive sur
l’atome d’hydrogène, qui est dès lors attiré par la région riche en électron qu’est la liaison π
de l’éthène, ce qui augmente encore la polarité de la liaison H-Br. La première étape de la
réaction est illustrée ci-dessous. Deux électrons π sont transféré à l’électrophile (H) ce qui
provoque la formation d’une nouvelle liaison C-H σ et le clivage hétérolytique de la liaison H-
Br.
H Br H
H H
+
C + Br
H H
L’atome de carbone qui ne forme pas une nouvelle liaison σ est électron-déficient et
porte donc une charge formelle positive. On appelle cette espèce un carbocation. Le
carbocation est un intermédiaire dans la réaction et est susceptible d’être attaqué par un
H H H
+
C :Br-
H H Br
carbocation secondaire
Nous avons vu dans la section 2.6 que les radicaux tertiaires étaient plus stables que
les radicaux secondaires, eux-mêmes plus stables que les radicaux primaires, eux-mêmes
finalement plus stables que les radicaux méthyliques. Il en va de même pour les
carbocations, ce qui peut se résumé de la façon suivante :
R3C+ > R2HC+ > RH2C+ > H3C+
Dans les deux étapes en compétition de la réaction illustrée plus haut, la formation du
carbocation secondaire est favorisée sur celle du carbocation primaire. L’étape suivante de
la réaction est l’attaque nucléophile du carbocation intermédiaire par l’ion bromure pour
donner le 1-bromopropane et le 2-bromopropane.
+ Br
C :Br-
Br
+
C :Br-
avions donnés à la section 3.4. La réaction est dite « régiosélective » parce que, bien que les
alcènes puissent former deux carbocations et donc deux produits, l’un d’eux est formé
préférentiellement.
Le mécanisme décrit pour l’addition de HBr au propène peut être étendu aux
additions de HX (X = Cl, Br, I ou d’autres groupements porteurs d’une charge partielle
négative) à d’autres alcènes asymétriques. L’observation générale est que l’hydrogène
s’attache au carbone le moins substitué et qu’il y a dès lors formation préférentielle d’un
carbocation tertiaire par rapport à un secondaire ou un primaire ; ou d’un carbocation
secondaire par rapport à un carbocation primaire. C’est ce que l’on appelle couramment une
addition « Markovnikov ».
Addition de X2 (X = Cl ou Br)
138B
A la fois Cl2 et Br2 sont non polaires, mais l’approche du nuage d’électron de la liaison
p d’une C=C est capable d’induire l’apparition d’un dipôle.
Lors de l’étape cinétiquement déterminante de la chloration d’un alcène, les électrons
π de la liaison C=C attaquent un des chlores de Cl2. Cela provoque la formation d’une liaison
C-Cl et la rupture hétérolytique de la liaison Cl-Cl. Cette étape génère du Cl- qui est capable
d’agir comme nucléophile et d’attaquer le carbocation en une étape rapide.
Cl Cl
Cl H H
+
C + Cl
H H
Lorsque l’halogène est Br2, il existe des preuves expérimentales que l’intermédiaire
est un ion bromonium. Le mécanisme, en deux étapes, de la réaction entre Br2 et C2H4 est
représenté ci-dessous.
:Br Br
+
Br
+ Br
ion bromonium
+
Br Br
:Br-
Br
L’une des preuves de l’existence du bromonium est illustrée ci-dessous par la
stéréosélectivité par la réaction de bromation du cyclohexène.
Br
Br
Br2
Br
Br
En effet, cette sélectivité peut s’expliquer facilement par le fait que la formation du
cycle BrC2 bloque l’un des côtés de la liaison C-C et empêche donc l’attaque du nucléophile.
Br- n’a donc pas d’autre choix que d’attaquer le côté opposé de l’anneau BrC2 et lorsque le
cycle s’ouvre dans la seconde étape de la réaction, les deux substituants Br pointent dans
des faces opposées du cyclohexane. Cette addition stéréosélective est appelée addition anti,
c'est-à-dire que les atomes de brome sont sur des côtés opposés de la liaison C-C. Dans on
système cyclique, on peut voir cela clairement. Dans un système acyclique, l’interprétation
des données expérimentales doit tenir compte, en plus, qu’une fois qu’une molécule XY a
été additionnée à une liaison double, le produit peut subir une rotation autour de la liaison C-
C simple nouvellement formée.
Le résultat des additions syn- et anti- peut être représenté en termes de projections
de Newman, comme illustré ci-dessous.
H H
A A
B A A B
HX HX
A B addition syn- addition anti- A B
X B B X
Puisqu’il y a différents substituants sur chaque atome de carbone dans les alcènes,
l’addition de HX crée deux centres carbonés asymétriques dans le produit. Chaque produit
de l’équation ci-dessus consiste en une paire d’énantiomères qui sont illustrés dans la figure
ci-dessous. Les 4 stéréoisomères de cette figure correspondent à deux paires
d’énantiomères et 4 paires de diastéréoisomères.
H OH HO H
CHO CHO
(2R,3S)-thréose (2R,3R)-érythrose
L’attribution de la notation thréo- et érythro- s’effectue comme suit :
• Tracez les projections de Newman des énantiomères du produit d’addition dans une
conformation décalée. Regardez la molécule dans l’axe de la liaison C-C qui était
originellement la liaison C=C de l’alcène.
• Assurez-vous que les groupements H et X du réactif HX sont orientées vers le haut et
vers le bas de la projection de Newman.
• Deux des énantiomères ont des groupements identiques du même côté de la
projection de Newman et ces énantiomères forment une paire thréo-.
• Deux des énantiomères ont des groupements différents du même côté de la
projection de Newman et ces énantiomères forment une paire érythro-.
et clivage
Dans cette section, nous continuons notre survol des réactions des alcènes en
envisageant d’autres réactions d’addition électrophile dans lesquelles on appliquera les
Les alcènes ne réagissent pas directement avec l’eau, mais si les réactifs sont
chauffés en présence d’acide sulfurique concentrée, l’alcène additionne l’eau et est converti
en alcool. Cette réaction est utilisée industriellement pour la production d’éthanol.
[H2SO4], 520 K OH
+ H2O
+ :OH2 H +
H O H OH
+
C
Une stratégie alternative et efficace pour ajouter de l’eau à un alcène est d’utiliser un
acétate de mercure(II), Hg(O2CMe)2. La réaction d’un alcène avec Hg(O2CMe)2 donne un
complexe organométallique qui réagit avec H2O pour donner un composé organomercurique.
Après traitement avec du borohydrure de sodium, cela produit l’alcool désiré. Dans la
réaction suivante, le produit contient un substituant OH attaché à un atome de carbone
secondaire plutôt qu’un primaire.
OH OH
Hg(O2CMe)2, H2O NaBH4
HgO2CMe
Le mercure(II) agit comme un électrophile et est attaqué par la double liaison C=C
riche en électrons. Un intermédiaire cyclique est alors formé, comme l’illustre la première
étape de l’équation ci-dessous. L’H2O nucléophile attaque alors le carbone le plus substitué
de l’intermédiaire, ce qui provoque l’ouverture du cycle. La charge positive réside alors sur
l’atome d’oxygène et un proton est éliminé pour donner le groupement OH.
O
O Hg O
O H2O:
O
+
Hg O
H +
OH O H
HgO2CMe HgO2CMe
(halogénoalcool)
Si Cl2 ou Br2 et de l’eau réagissent ensembles avec un alcène, les réactions se
déroulent comme illustré ci-dessous. Les produits sont des halogénohydrines : un
chlorhydrine dans le premier cas et un bromhydrine dans le second.
OH
Cl2, H2O
Cl
OH
Br2, H2O
Br
Cl
+
C
+ Cl
Cl Cl
+
C Cl + Cl
Si de l’eau est présente, elle entre en compétition avec Cl- durant la seconde étape
de la réaction. L’attaque nucléophile par Cl- sur l’un des deux carbocations de l’équation ci-
dessus conduit à la formation de 1,2-dichloropropane. L’attaque nucléophile par H2O mène
au 1-chloropropan-2-ol comme produit majeur et au 2-chloropropan-1-ol comme produit
mineur. Le mécanisme pour le chemin le plus favorable est illustré ci-dessous.
:OH2
H +
O H OH
+
C Cl Cl Cl
L’oxydation d’un alcène par OsO4 mène à la formation d’un diol vicinal. La partie diol
du nom indique qu’il y a deux groupements OH et vicinal indique que les groupements OH
sont attachés à des atomes de carbone adjacents. La réaction ci-dessous illustre la
conversion de but-1-ène en butane-1,2-diol.
OsO4, H2O
OH
OH
Le mécanisme proposé inclut la formation d’un intermédiaire constitué d’un OsO4
ponté qui est clivé par H2O dans l’étape suivante de la réaction. L’addition des deux
groupements OH est spécifiquement syn, ce qui signifie que les substituants OH sont
additionnés du même côté de la double liaison C=C. Durant la réaction, Os(VIII) est réduit en
Os(VI) et l’alcène est oxydé.
2 H2O, - H2OsO4
O HO OH
O
Os
O O
La conversion d’un alcène non terminal en diol peut également être réalisée en
utilisant du KMnO4 en milieu alcalin, à froid. Il est proposé que l’ion tétraédrique [MnO4]-
O
Une application importante de cette réaction ne consiste pas en l’isolation des
ozonides, mais en leurs produits d’hydrolyse. L’hydrolyse réductrice mène à des aldéhydes
ou des cétones en fonction de la présence de substituants dans l’alcène original. Les
réactions ci-dessous en sont deux exemples. Le diméthylsulfure (Me2S) et la thiourée
(CS(NH2)2) agissent comme des agents réducteurs. Bien que le diméthylesulfure soit
efficace dans ce rôle, il présente le désavantage d’avoir une odeur désagréable.
O O Me2S ou thiourée O O
H
+ H H
O
O
O Me2S ou thiourée O O
O +
H
R R H
H H allyliques
Après l’amorçage, la réaction radicalaire du propène avec Br2 continue avec les
étapes de propagation représentées ci-dessous. Un H allylique est arraché plutôt qu’un H
vinylique.
+ Br HBr + .C
Br
.C + Br2 Br +
Le radical formé dans la première étape ci-dessus est un radical allyle et il est plus
stable que tous les radicaux alkyles dont nous avons discuté à la section 2.6. L’ordre de
stabilité des radicaux est donc :
.C C
En général, plus il est possible de tracer des structures de résonance, plus l’espèce
est stable.
La substitution radicalaire dans les autres alcènes suit le même principe que ce qui
est décrit ci-dessus avec l’arrachement préférentiel d’un atome d’hydrogène allylique. Par
exemple, dans la réaction ci-dessous, la substitution s’effectue spécifiquement sur le site
adjacent à la liaison C=C.
+ Br2 HBr +
Br
Bien que cet arrachement d’hydrogène soit spécifique, l’utilisation de Br2 en tant
qu’agent de bromation mène à un problème : l’addition radicalaire compétitive sur la liaison
C=C. Habituellement, le Br2 est remplacé par un agent de bromation tel que le N-
bromosuccinimide (NBS) en solution dans le CCl4.
O N O
Br
L’amorçage de la réaction requiert l’utilisation d’un radical amorceur tel qu’un
peroxyde organique, souvent avec R = C6H5C(O).
R O
O O
O O
R O
Nous allons illustrer l’addition radicalaire à une liaison C=C en considérant la réaction
entre HBr et le 2-méthylpropène, un alcène asymétrique. Pour favoriser une addition
radicalaire plutôt qu’électrophile, un amorceur radicalaire doit être présent. La photolyse d’un
peroxyde résulte en un clivage homolytique de la liaison O-O et en la formation de radicaux
RO•. L’étape de propagation illustrée ci-dessous produits les radicaux Br• nécessaires à la
réaction avec l’alcène.
R
O
O 2 RO.
R
RO. H Br ROH + Br
Le radical Br• s’additionne alors à la double liaison C=C et deux chemins sont
possibles, comme l’illustre les équations ci-dessous. Le radical le plus stable est le plus
substitué (en encadré). Notons que la réaction de Br• avec l’alcène n’arrache pas un
hydrogène vinylique, mais que l’arrachement compétitif d’un proton allylique peut avoir lieu
(comme nous l’avons vu précédemment). La collision entre le radical alkyle et HBr conduit à
la formation d’un produit bromé. L’étape de terminaison dans la chaîne radicalaire inclut des
réactions entre deux radicaux.
Br
Br
C
Ou
Br
C Br
H Br
C Br Br + Br
Ce qu’il est important de noter, c’est que dans cette étape finale, l’addition radicalaire
d’HBr à un alcène asymétrique mène à un produit dans lequel l’atome de brome est attaché
à l’atome de carbone qui est le moins substitué. C’est le contraire de ce qui se passe avec
l’addition électrophile d’HBr qui conduit à la formation d’un produit dans lequel l’atome de
brome est fixé sur l’atome de carbone qui présente le plus grand nombre de substituants.
Dans les deux cas, la sélectivité du produit est contrôlée par la stabilité de l’intermédiaire et
les différences peuvent être résumées comme suit :
addition électrophile
de HBr dans des conditions
polaires +
Br
C
C Br Br
Un polymère est une macromolécule qui consiste en une répétition d’unités. Les
alcènes peuvent subir une polymérisation, un procédé dans lequel les unités alcènes
(monomères) s’additionnent l’une à l’autre pour donner un polymère. Cette réaction de
polymérisation est très importante d’un point de vue industriel, puisqu’elle permet, entre
autres, la formation du PVC, par exemple.
La polymérisation des alcènes peut avoir lieu suivant trois mécanismes :
• la polymérisation radicalaire
• la polymérisation cationique
• la polymérisation anionique
De ces trois mécanismes, nous ne verrons que le premier.
Polymérisation radicalaire
146B
Illustration au tableau
Lorsqu’un alcène avec 4 atomes de carbone ou plus, est traité avec H+, il peut y avoir
isomérisation par migration de la double liaison le long de la chaîne carbonée. Une base
forte, telle que l’amidure de potassium (KNH2), peut également promouvoir l’isomérisation de
la double liaison. L’acide ou la base agit comme catalyseur. La double liaison C=C se
déplace vers une position plus substituée à l’intérieur de la chaîne carbonée, par exemple, le
but-1-ène s’isomérise en but-2-ène en présence de H+.
[H+]
H H
+
C
H H
faire arracher sous la forme d’un H+ (un hydrogène allylique est donc relativement acide).
Dans la réaction ci-dessous, une base B- arrache un proton du carbone adjacent à la liaison
double C=C. L’intermédiaire est un carbanion.
C
H H H
Le carbanion formé dans l’étape ci-dessus est stabilisé par résonance des structures
contributives (mésomères) illustrées ci-dessous. Cela permet à la liaison π de se délocaliser
sur les trois atomes de carbone. La structure de droite, ci-dessous, représente l’hybride de
résonance de l’anion allylique (représentation alternative à la paire de résonance).
C C -
Le carbanion peut être protoné à deux endroits différents et le produit favorisé est
l’alcène avec le plus grand nombre de substituants attachés à la double liaison C=C. Le
résultat net de l’étape de déprotonation et de reprotonation est la migration de la double
liaison C=C le long de la chaîne carbonée. La source de proton, dans les équations, ci-
dessous, est la base protonée BH ; le catalyseur B- est donc régénéré à la dernière étape du
processus d’isomérisation.
C H B
H B
La réaction d’un alcène avec BH3 conduit à l’addition de la liaison B-H à la double
liaison C=C. Cette réaction est appelée hydroboration.
H
B + 3 B
H H
H
B + H
B
H
H H
Les réactions d’hydroboration peuvent dès lors être utilisées pour former des
composés organoborés du type général RBH2 et R2BH (R = alkyl) et leur réaction avec
d’autres alcènes peut conduire à des organoboranes avec différents substituants alkyles.
L’addition d’un borane à un alcène asymétrique est régiosélective. La régiosélectivité vient
du vient du fait que c’est B et non H, qui est l’électrophile et donc la réaction diffère d’une
addition électrophile d’HCl ou HBr, par exemple. Le mécanisme est résumé dans le schéma
ci-dessous ; la nature électrophilique de BH3 est due à son orbitale atomique 2p vacante qui
peut accepter une paire d’électrons. Notons que dans la première étape de ce schéma, il y a
formation d’un carbocation secondaire préférentiellement à un primaire et donc la règle
habituelle est respectée même si, en fin de compte, on se retrouve avec un produit anti-
Markovnikov.
H
H +
C B
B H
H H H
H
+
C B BH2
H
H
L’importance des organoboranes réside dans leurs applications en synthèse. Par
exemple, leur traitement avec H2O2 oxyde un organoborane en alcool.
OH OH
B + 3 H2O2 3 + B
HO OH
Tournons à présent notre attention sur les alcynes, dans lesquels le groupement
fonctionnel est une liaison triple C≡C. Dans cette section, nous allons étudier une méthode
de préparation des alcynes puis nous envisagerons leur réactivité.
Dans la section 3.3, nous avons vu que l’élimination d’HCl à partir d’un chloroalcane
conduit à un alcène. Si on envisage cette réaction avec un dihalogénure vicinal, l’élimination
d’HX peut avoir lieu deux fois pour donner un alcyne. Une base forte est nécessaire (comme
dans la réaction ci-dessous) pour éliminer H+ et favoriser l’élimination de HX ; nous
étudierons les réactions d’élimination plus en détail dans le chapitre 5.
H Br
Br H
OH- ou NH2-
- 2 HBr
Cette méthode est la stratégie la plus commune pour la synthèse des alcynes.
Dans cette section, nous considèrerons les réactions typiques des alcynes et nous
devrons souvent distinguer un alcyne interne d’un terminal.
R R R H
interne externe
Combustion
150B
Comme les alcanes et les alcènes, les alcynes brûlent en présence d’O2 pour donner
du CO2 et de l’H2O.
2 H-C≡C-H + 5 O2 Æ 4 CO2 + 2 H2O
Hydrogénation
15B
H2 et catalyseur
+
La sélectivité peut être atteinte par un contrôle minutieux des conditions de réaction.
La réaction de H2 avec un alcyne en présence de Pd/BaSO4 produit des isomères Z. Si la
réduction est menée en utilisant du sodium dans du NH3 liquide comme agent de réduction,
les produits sont des isomères E (notons que cette technique ne peut être utilisée sur des
alcynes terminaux pour des raisons que nous verrons ultérieurement). Un moyen sélectif
pour produire des alcènes (plutôt que des alcanes) est d’utiliser le catalyseur de Lindlar. Il
consiste en du palladium métallique supporté sur une surface de CaCO3/PbO qui est traitée
avec Pb(O2CMe)2. De plus, le catalyseur de Lindlar est sélectif pour la production d’alcènes
Z, c'est-à-dire que l’hydrogène subit une addition syn sur la liaison C≡C.
Br2
Br
Br2 Br Br Br
Br Br
Isomère E
favorisé
La réaction d’HX avec un alcyne donne un halogénure vinylique puis un dihalogénure
géminal, ce qui signifie que les deux atomes d’halogène sont attachés sur le même atome
de carbone. Le mécanisme d’addition est donné dans le schéma ci-dessous qui consiste en
la réaction entre le propyne et HCl. Seul le carbocation le plus favorisé est montré pour
chaque addition et cette préférence explique pourquoi le dihalogénure géminal est le produit
prédominant.
H Cl
+
C + Cl
+
C :Cl-
Cl
H Cl +
C + Cl
Cl Cl
Cl
+
C :Cl-
Cl Cl
+
C + Br
H Br H
:Br-
Br
+
C
H H
Dans la section 3.6., nous avons décrit la conversion d’un alcène en alcool en
utilisant Hg(O2CMe)2 suivi par un traitement avec H2O et NaBH4. Cependant, la réaction
entre un alcyne et Hg(O2CMe)2 suivi par un traitement avec H2O conduit à une cétone plutôt
qu’à un alcool. Avant que nous ne discutions de cette réaction plus en détail, nous avons
besoin d’introduire le concept d’équilibre céto-énolique. Lorsqu’un groupement OH est fixé à
une double liaison C=C, l’espèce est instable et conduit à un réarrangement en composé
carbonylé. Le réarrangement inclut un transfert de proton et est appelé tautomérisme céto-
énolique. La partie céto- du nom vient de cétone et énol est la contraction d’alcène et alcool.
Les deux tautomères sont en équilibre et la forme céto- est habituellement favorisée.
R R R R
HO R O R H
Tautomère Tautomère
énol céto-
Considérons à présent la réaction entre un alcyne et Hg(O2CMe)2 suivie par le
traitement avec H2O. La première étape est l’attaque nucléophile par la liaison riche en
électrons C≡C sur le centre Hg(II) pour former un cycle insaturé C2Hg. L’attaque nucléophile
par H2O est suivie par la perte d’un proton, ce qui est illustré dans le schéma ci-dessous et
qui peut être comparé au schéma donné dans la section 3.6.
O
O Hg O
O H2O: O
O H + H
+ O
Hg
HgO2CMe
OH
HgO2CMe
Le produit est un énol et est instable, comme nous l’avons plus haut. Il subit donc une
tautomérie. La liaison C-Hg dans le produit organomercurique est convertie en liaison C-H
par traitement avec de l’acide. Ces deux étapes de la réaction sont illustrées ci-dessous.
H
O H+ O
HgO2CMe HgO2CMe
+ H OH
O + O
H
HgO2CMe HgO2CMe
O
KMnO4, H2O, H+
Les produits d’oxydation des alcynes internes et terminaux par l’ozone sont
analogues à ceux provenant de l’oxydation par [MnO4]-. Comme avec l’oxydation des
alcènes par l’ozone, un agent réducteur est nécessaire pour la seconde étape de la réaction.
Les réducteurs adaptés à la formation d’α-diones comprennent le tétracyanoéthène (TCNE)
comme illustré dans la réaction ci-dessous.
La tendance des valeurs d’électronégativité signifie que la liaison C-H d’un alcyne est
plus polaire que dans un alcène, qui est elle-même plus polaire que dans un alcane. Ces
valeurs permettent également de prédire que l’ion [RC≡C]- devrait être plus stable que
[R2C=CR]- lui-même plus stable que l’ion [R3C]-. C’est effectivement le cas et des valeurs
approximatives de pKa sont listées dans la table ci-dessus. La diminution du pKa (et donc la
croissance correspondante du Ka) montre que l’alcyne terminal est le plus acide de la liste.
Notons que seuls les alcynes terminaux sont acides, puisque les alcynes internes ne
possèdent pas de liaison C-H. Dans la section 3.9, nous avons établi qu’un hydrogène
allylique était relativement acide ; cette acidité particulière résulte de la stabilisation du
carbanion allylique par résonance.
Bien que les réactions décrites ci-dessous mettent en évidence le caractère acide
des alcynes terminaux, il faut toutefois garder en tête qu’il s’agit d’acides extrêmement
faibles ; l’acéthylène est de loin un acide plus faible que H2O. Puisque l’acéthylène est un
acide faible, l’ion [RC≡C]- doit être une base forte.
Les alcynes terminaux réagissent avec l’amidure de potassium ou le sodium
métallique pour donner des sels métalliques alcalins d’acétylures.
+
H + KNH2 C K + NH3
+
H + Na C Na + 1/2 H2
La réaction peut avoir lieu également avec des ions Ag+ et des sels de Cu(I) peuvent
être formés par des réactions similaires.
H + Ag(NH3)2+ C Ag
+
+ NH3 + NH4+
Une utilisation importante des acétylures est la préparation d’alcynes avec une plus
longue chaîne carbonée. La force motrice de la réaction est l’élimination d’un halogénure
d’alcalin. En effet, une quantité significative d’énergie est libéré lorsqu’un sel ionique tel que
NaCl est formé (énergie de réseau cristallin).
+ Cl
C Na
Cette stratégie peut être utilisée pour augmenter la longueur d’une chaîne carbonée,
et la fonction alcyne peut réagir à son tour, en étant, par exemple, réduite, comme dans le
schéma ci-dessous.
KNH2 Br
C
H2, Lindlar
Ce dernier schéma est un des premiers exemples que nous montrions, dans lequel
une suite de réactions se succède pour fournir un schéma de synthèse multi-étapes. Nous
en verrons beaucoup d’autres dans les chapitres à venir, mais également dans les exercices
à la fin de ce chapitre.
Lorsque des alcynes terminaux sont chauffés avec des sels de Cu2+ dans la pyridine,
une réaction de couplage a lieu pour donner un diyne, c'est-à-dire une molécule dans
laquelle il y a deux fonctions C≡C. Les réactions ci-dessous en sont des exemples. C’est une
réaction assez générale avec de nombreuses applications ; il est par exemple, possible de
créer un cycle « hexyne » à partir de diynes terminaux.
Cu++ dans py
2 H
3 Cu++ dans py
Les alcynes terminaux peuvent également être couplés à des halogénures d’aryles
en utilisant la méthode de couplage de Sonogashira. Les conditions en sont une catalyse au
palladium, la présence de CuI et de triéthylamine. Le catalyseur au palladium est
habituellement [PdCl2(PPh3)2] (Ph = phényl).
Pd(0), CuI
Et3N
I + H R R
- HI
Comme nous l’avons vu, le groupe C-H d’un alcyne terminal est relativement réactif
et dans des synthèses multi-étapes, il peut être nécessaire de protéger cette liaison C-H.
C’est un exemple, parmi d’autres, dans lequel un groupement protecteur est introduit
temporairement dans une molécule et est clivé ultérieurement pour restaurer le groupement
fonctionnel d’intérêt, dans une synthèse multi-étapes. Des groupements protecteurs
habituels sont les trialkylsilyles tel que Me3Si (triméthylsilyl, abrégé TMS). La stratégie
générale est d’utiliser un réactif organométallique tel que le nBuLi pour réagir avec la liaison
C-H de l’alcyne terminal. Cela produit un composé organolithien qui réagit directement avec
Cl
Si
BuLi
R H R Li R Si
Une fois que les réactions désirées ont été menées sur le groupement R du produit
du schéma ci-dessus, le composé peut être déprotégé en utilisant une base. Si nous
supposons que R est transformé en un nouveau substituant R’, alors l’équation ci-dessous
représente l’étape de déprotection.
H H
Plus tard, dans les notes, nous décrirons d’autres exemples de protection de
groupements vulnérables dans les synthèses multi-étapes.
4.1. Objectifs
40BU
Dans les chapitres 2 et 3, nous avons discuté des hydrocarbones saturés et insaturés
contenant des liaisons C-C (simples, doubles et triples) et des liaisons C-H. La plupart de
nos discussions étaient basées sur la chimie de molécules contenant des liaisons non
polaires. Dans les prochains chapitres, notre attention va se porter sur des molécules
organiques polaires. L’objectif de ce chapitre 4 est donc de rappeler au lecteur des notions
telles que l’électronégativité, la polarité des liaisons et les moments dipolaires, mais
également d’introduire de nouveaux concepts d’effets inductifs et de champ.
Des différentes échelles d’électronégativité existantes, c’est celle de Pauling qui est
la plus communément utilisée. Les valeurs d’électronégativité importantes pour les
molécules polaires organiques sont reprises dans le tableau ci-dessous.
Famille 14 Famille 15 Famille 16 Famille 17
H : 2,2
C : 2,6 N : 3,0 O : 3,4 F : 4,0
S : 2,6 Cl : 3,2
Br : 3,0
I : 2,7
Les moments dipolaires sont des vecteurs et un moment dipolaire moléculaire est la
résultante des dipôles de chaque liaison, dès lors, la présence d’une liaison polaire ne
signifie pas nécessairement qu’une molécule est polaire. Par exemple, le CCl4 tétraédrique
n’est pas polaire en dépit du fait qu’il possède quatre liaisons polaires C-Cl, parce que ces
dipôles s’annulent globalement.
H H Cl Cl
H Cl
µ = 1,86 D µ = 0,46 D
Les effets de la géométrie moléculaire et des paires libres ne sont pas toujours faciles
à évaluer qualitativement. Dans l’éthanol, par exemple, le moment dipolaire moléculaire
dépend de la résultante des moments dipolaires des liaisons C-O et O-H, et des moments
dipolaires associés aux deux paires libres d’électrons sur l’atome d’O. Le schéma, ci-
dessous, illustre ce problème.
O H
Qualitativement, tout ce que nous pouvons conclure, c’est que la molécule d’éthanol
est polaire et l’extrémité OH de la molécule sera globalement δ- par rapport à la chaîne
alkyle. La direction exacte du moment dipolaire moléculaire ne peut être déterminée sans
avoir recourt au calcul vectoriel.
Il faut toutefois se montrer prudent lorsque l’on tire des conclusions sur l’amplitude et
la direction d’un moment dipolaire moléculaire. Bien que nous puissions utiliser les trois
critères vus ci-dessus pour prédire et rationaliser la polarité ou non d’une molécule, d’autres
facteurs contribuent à l’amplitude du moment dipolaire. Pour illustrer cela, considérons deux
exemples. D’abord, considérons la tendance des valeurs de moments dipolaires pour les
halogénoalcanes suivants, en phase gazeuse :
H F Cl Br I
H H H H H H H H H H
H H H H H
H H F H H F
H H F
Quantifions à présent ces affirmations. Une méthode approximative pour l’estimation
des valeurs d’un moment dipolaire moléculaire est d’estimé les moments dipolaires de
liaison en utilisant les valeurs d’électronégativité, puis de combiner les moments de liaison
pour donner le vecteur résultant. Par exemple :
• pour la liaison C-H, la valeur du moment dipolaire est de 2,6 – 2,2 = 0,4 D, dans le
sens HÆC
• pour la liaison C-F, la valeur du moment dipolaire est de 4,0 – 2,6 = 1,4 D, dans le
sens CÆF
Prenons le cas de CH2F2, on peut déterminer assez aisément le sens du moment
dipolaire moléculaire (celui de la figure ci-dessus). Reste à calculer la valeur du moment
suivant le raisonnement suivant :
• Contribution des liaisons C-F = 2 x (1,4 x cos(54,75)) = 1,6 D
• Contribution des liaisons C-H = 2 x (0,4 x cos(54,75)) = 0,5 D
Elles agissent toutes deux dans le même sens et le moment dipolaire moléculaires
estimé pour CH2F2 est donc de 1,6 + 0,5 = 2,1 D.
Dans le cas de CHF3, on peut estimer le moment dipolaire moléculaire comme suit :
L’angle entre les liaisons C-F et le moment dipolaire moléculaire global est de 180 –
109,5 = 70,5°. La contribution des liaisons C-F est donc de 3 (1,4 x cos(70,5)) = 1,4 D. En ce
qui concerne la contribution de C-H, elle est de 0,4 D, comme nous l’avons déterminé plus
haut.
Ces deux contributions agissent dans le même sens et le moment dipolaire
moléculaire estimé pour CHF3 est donc de 1,4 + 0,4 = 1,8 D.
Il est possible d’estimer de la même façon la valeur du moment dipolaire moléculaire
de CH3F (et on trouve 1,8 D). Bien que les valeurs estimées pour CH3F, CH2F2 et CHF3, à
savoir 1,8 ; 2,1 et 1,8 D, ne correspondent pas aux valeurs expérimentales de 1,86 ; 1,98 et
1,65 D, nous pouvons au moins commencer à comprendre pourquoi les moments dipolaires
moléculaires ne suivent pas simplement l’ordre CHF3 > CH2F2 > CH3F.
La présence d’une liaison polaire C-X peut influencer la chimie d’une molécule
organique de plusieurs façons. Nous allons, ici, nous concentrer sur deux d’entre elles :
• La distribution de charge dans la molécule est altérée et l’atome de carbone auquel X
est attaché devient un centre de réactivité.
• La distribution de charge dans la molécule est altérée et la réactivité, des autres
atomes de C que celui auquel X est attaché, est modifiée.
Le premier point est direct. Si X est δ- et le carbone auquel il est attaché est δ+, alors
l’atome de carbone est très susceptible de subir une attaque par des nucléophiles. Nous
verrons cela en détail dans des chapitres ultérieurs. Le second point concerne des effets à
longue distance dus à la présence d’un atome électronégatif. Considérons le chloroéthane.
Dans la liaison C-Cl, l’atome de chlore électronégatif attire les électrons vers lui, rendant
l’atome de carbone auquel il est attaché partiellement positif. Cependant cet atome peut
L’effet inductif peut être utilisé pour rationaliser partiellement l’accroissement de force
des acides haloacétiques par rapport à l’acide carboxylique parent. Par exemple, les valeurs
de pKa de CH3CO2H et CCl3CO2H sont de 4,77 et 0,70, respectivement. Cela signifie que
l’acide trichloroacétique se dissocie bien plus en solution aqueuse que l’acide acétique.
L’effet inductif plus important du groupement CCl3 que celui du groupement CH3
facilite la perte d’un proton par le groupe fonctionnel CO2H et stabilise l’ion CCl3CO2-. A la
fois dans CH3CO2- et CCl3CO2-, la charge négative est délocalisée sur les deux atomes de
carbones. Cela peut se représenter par la paire de résonance, ou l’hybride de résonance où
X = H ou Cl, ci-dessous. La charge négative est plus stabilisée si X est un électro-attracteur,
par exemple X = Cl, et cette stabilisation de CCl3CO2- encourage la réaction de
déprotonation dans l’équilibre de dissociation.
X X O X X O X X O
-
X O X O X O
L’effet diminue si on augmente le nombre de liaison C-C entre la fonction CO2H et le
substituant électro-attracteur. C’est ce qui est illustré dans le tableau ci-dessous :
L’introduction d’un substituant Cl dans CH3CO2H en décroit significativement la valeur de
pKa, mais les différences entre paires de valeurs de pKa pour CH2Cl(CH2)nCO2H et
CH3(CH2)nCO2H (n = 1, 2 ou 3) sont plus faibles.
O O
4,81 Cl 4,52
OH OH
O O
4,85 4,72
OH Cl OH
5. Les halogénoalcanes
4B
Dans cette section, nous allons donner les bases de la nomenclature organique pour
incorporer les groupes fonctionnels halogénoalcanes. La formule générale pour un
halogénoalcane (ou halogénure d’alkyle) est RX où R est un groupement alkyle et X un
halogène.
Le groupement alkyle dans RX peut avoir une chaîne droite ou branchée. Lorsque
l’on nomme un composé relativement simple, les mêmes règles, que celles décrites dans la
section 1.4., sont d’application, en tenant compte, cette fois que l’on considère la plus longue
chaîne contenant l’atome de carbone sur lequel est attaché l’halogène. Le nom des
halogénoalcanes est formé en ajoutant à la racine alcane un préfixe fluoro-, chloro-, bromo-
ou iodo-. Les composés représentés ci-dessous sont des dérivés bromo du pentane, avec
une chaîne droite. Dans chacun d’eux, la chaîne principale de carbone est numérotée de
façon à ce que le substituant Br ait le numéro de position le plus petit possible.
Br
Br
2-bromopentane 1-bromopentane
Cl
Cl
1-chloro-3-méthylpentane 2-chloro-3-methylpentane 3-chloro-3-méthylpentane 1-chloro-2-éthylbutane
Dans trois des isomères, la chaîne principale contient cinq carbones et le nom est
donc basé sur le pentane. Les substituants sont ordonnés alphabétiquement (ex : 1-chloro-3-
méthylpentane et non 3-méthyl-1-chloropentane). Dans le dernier isomère, la chaîne
principale (choisie pour contenir le carbone sur lequel est attaché Cl) contient quatre
carbones et son nom est donc basé sur le butane.
Br Br
F
1,5-dibromopentane 2,3-difluorohexane
Si des atomes d’halogènes différents sont présents, les préfixes correspondants sont
classés alphabétiquement, par exemple : 1-bromo-2-chlorobutane.
En étudiant la chimie des alcanes et des alcènes, nous avons décrit la formation
d’halogènes dans un bon nombre de réactions et des détails peuvent être obtenus en se
référant aux sections adéquates :
• Réaction de X2 avec les alcanes.
• Formation de dihalogènures vicinaux par addition électrophile de X2 à un alcène.
• Formation d’halogénoalcanes par addition électrophile de HX à un alcène.
• Formation d’halogénoalcanes par addition radicalaire de HX à un alcène.
• Formation de gem-dihalogénures par réaction de HX avec un alcyne.
La première de ces méthodes n’est pas une technique utile pour la formation de
dérivés halogénés spécifiques. Il est difficile de contrôler les réactions de substitutions
radicalaires et des mélanges de produits sont obtenus. L’addition électrophile de X2 (X = Cl
ou Br) donne des dihalogénures vicinaux avec un bon rendement. Les monohalogénures
sont produits par addition de HX (X = Cl, Br ou I) à un alcène et, comme nous l’avons discuté
antérieurement, l’addition est régiosélective avec l’atome de X qui s’attache au carbone le
plus substitué (Markovnikov), comme on peut le voir dans la réaction ci-dessous.
Br
+ HBr + Br
majoritaire
Nous avons également décrit la bromation allylique en utilisant le NBS, une réaction
qui permet la bromation d’un carbone adjacent à une double liaison C=C.
Les réactions entre les alcanes ou les alcènes et F2 sont explosives et donc les
fluoroalcanes sont habituellement préparés en utilisant un agent de fluoration alternatif.
L’équation ci-dessous illustre l’utilisation de HF/SbF5 avec fluoration par échange partiel d’un
halogène.
Cl Cl Cl HF, SbF5 Cl Cl Cl
Cl Cl Cl Cl Cl F
HF, SbF5
F Cl Cl
Cl Cl F
HF, SbF5
F Cl F HF, SbF5 F Cl F
F Cl F Cl Cl F
Un groupement trifluorométhyle (CF3) est présent dans l’antidépresseur Prozac,
commercialisé par Lilley et qui fait partie des produits pharmaceutiques les mieux vendu
dans le monde.
F F
HN
prozac
PBr3, PI3) ou le chlorure de phosphore (V) (PCl5) sont plus utiles. Les réactions ci-dessous
en sont des exemples. Un avantage d’utiliser SOCl2 est que les produits secondaires (HCl et
SO2) sont des gaz, ce qui rend l’isolation du produit organique aisée.
OH Cl
SOCl2
PBr3, reflux
OH Br
Les valeurs d’électronégativité de la section 4.2. montre que chaque liaison C-X (X =
F, Cl, Br, I) est polaire dans le sens Cδ+-X δ-, et nous avons considéré l’influence de ce fait sur
les moments dipolaires moléculaires dans le chapitre 4.
Températures d’ébullition
164B
Les chloro-, bromo- et iodoalcanes liquides sont habituellement plus denses que l’eau
et la densité augmente avec l’augmentation du degré de substitution en halogène. Par
exemple, les densités de CH2Cl2, CHCl3 et CCl4 sont de 1,33 ; 1,48 et 1,59 respectivement.
Les halogénoalcanes liquides sont habituellement non miscibles à l’eau. C’est logique du fait
que l’eau est polaire, mais que les halogénoalcanes tels que CCl4 et CBr4 ne sont pas
polaires. A la fois CHCl3 et CH2Cl2 sont polaire, comme nous l’avons vu au chapitre
précédent. Pourtant, ces deux liquides ne sont pas miscibles à l’eau. Cela peut être attribué
au fait que les interactions dipôle-dipôle entre l’eau et l’halogénoalcane ne compense pas
suffisamment la perte de liaisons hydrogènes entre les molécules d’eau.
Bien que les halogénoalcanes liquides aient été largement utilisés comme solvant de
lavage à sec, il est maintenant établi que certains d’entre eux pouvaient causer des
dommages au foie et que d’autres sont suspectés d’être cancérigènes. Le dichlorométhane
et le trichlorométhane (chloroforme) sont des solvants de laboratoire communs, même si les
risques pour la santé associés aux solvants chlorés, particulièrement CCl4, on conduit à
réduire leur utilisation.
Grignard et d’organolithiens
Les halogénoalcanes permettent habituellement les types généraux de réactions
suivants :
• Substitution nucléophile de X-
• Elimination de HX pour donner un hydrocarbone insaturé
• Formation de réactifs de Grignard
• Formation d’organolithiens
Dans cette section, nous allons étudier l’utilisation des halogénoalcanes pour la
formation de deux types de composés organométalliques : les réactifs de Grignard et les
organolithiens. Plus tard dans le chapitre, nous nous pencherons sur une vue plus détaillée
des réactions de substitution nucléophile et d’élimination.
habituellement préparés in situ, c'est-à-dire que les composés ne sont pas isolés, mais sont
préparés dans des solutions d’éther, comme requis, en travaillant sous atmosphère inerte
(sans oxygène, ni humidité). Alternativement, certains des réactifs de Grignard les plus
utilisés peuvent être achetés de compagnies commerciales. Les solvants habituels pour les
réactifs de Grignard sont le diéthyléther et le tétrahydrofurane (THF) anhydre. Le magnésium
métallique réagit avec une halogénoalcane suivant l’équation ci-dessous et une liaison MG-C
est formée.
O
O ou
R X + Mg R Mg X
La réaction peut être amorcée par ajout de I2 ; il réagit pour donner une surface de
magnésium pour donner une surface propre et hautement réactive. La vitesse à laquelle la
réaction ci-dessus se déroule suit l’ordre RI > RBr > RCl, et les halogénoalcanes primaires,
secondaires et tertiaires réagissent tous avec Mg. Les équations ci-dessous en illustrent
quelques exemples. La méthode peut être étendue aux halogénures d’aryles, par exemple le
chlorobenzène.
Et2O
Br + Mg MgBr
Cl MgCl
Et2O
+ Mg
Nous verrons les utilisations de réactifs de Grignard dans des chapitres ultérieurs, et
leur utilité en synthèse est illustrée dans la figure ci-dessous. Cette figure montre les
réactions entre des réactifs de Grignard et des groupements carbonyles et des donneurs de
proton.
Bien que l’on représente les structures des réactifs de Grignard comme ayant une
coordination de 2 pour le Mg, la formation d’adduits avec des solvants donneurs tels que le
THF ou l’Et2O conduit typiquement à une coordination de 4. Par exemple, EtMgBr cristallise
à partir de solutions dans le diéthyléther comme l’adduit illustré ci-dessous, lequel contient
un Mg approximativement tétraédrique.
Mg
O Br
Les organolithiens
167B
RX + 2 Li Æ RLi + LiX
Un réactif organolithien particulièrement important est le n-butyllithium, nBuLi, qui peut
être synthétisé par la réaction suivante :
Li, pentane
Br Li + LiBr
vs élimination
Le fait que la liaison C-X est polaire dans le sens Cδ+-X δ− signifie que l’atome de
carbone dans un halogénoalcane est susceptible d’être attaqué par des nucléophiles ; le
carbone qui porte une charge partielle positive dans un halogénoalcane agit comme un
électrophile. Deux réactions peuvent avoir lieu lorsqu’un nucléophile attaque :
• Le nucléophile, Nu- peut s’attacher à l’atome de carbone de la liaison C-X et X- part,
ou
• Une base, B, peut arracher un atome d’H de l’atome de carbone adjacent de la
liaison C-X et il y a élimination simultanée de X- pour donner un alcène.
R X + Nu- R Nu + X
H H H
X H
R + B R + BH+ + X
H H H
Dans les sections suivantes, nous étudierons les manières dont l’élimination et la
substitution ont lieu et la compétition qu’il peut y avoir éventuellement lieu entre elles.
Le mécanisme de la SN1
168B
Considérons la réaction de Me3CCl avec H2O qui obéit à une loi de vitesse d’ordre 1.
Pour qu’un mécanisme réactionnel puisse expliquer une loi de vitesse de ce type doit
comprendre une étape cinétiquement limitante faisant intervenir seulement Me3CCl. Le
nucléophile, H2O, doit être impliqué dans une étape rapide. Les étapes du mécanisme SN1
sont illustrées ci-dessous :
Cl
+
C + Cl
H2O:
H + H OH
O
+
C
L’étape lente est le clivage dissociatifs spontané de la liaison C-Cl, c'est-à-dire une
étape unimoléculaire. Un ion chlorure part (Cl- est le groupement partant) et un carbocation
est formé. C’est un intermédiaire réactionnel, qui réagit en une étape rapide avec tout
nucléophile disponible. Dans la réaction ci-dessus, le nucléophile est H2O. Lorsque la liaison
C-O se forme, la charge positive est transférée du carbone vers l’oxygène, et il s’en suit,
rapidement, une perte de H+ pour donner le produit. Il est également, bien entendu possible
que le carbocation soit attaqué par Cl- pour régénérer le matériel de départ.
Le mécanisme de la SN2
169B
Nous venons de montrer qu’il existe deux mécanismes différents suivant lesquels une
substitution nucléophile peut avoir lieu. Des différences observables au niveau des
cinétiques chimiques fournissent quelques indices sur les mécanismes SN1 et SN2. Ces
mécanismes ne sont exclusifs que pour quelques rares molécules, et il y a habituellement
une compétition entre eux et avec l’élimination dont nous discuterons ultérieurement. En plus
des différences au niveau des lois de vitesse, des différences dans la stéréochimie des
produits par rapport au réactif permettent de distinguer les mécanismes SN1 et SN2.
Le 2-bromobutane contient un atome de carbone asymétrique (l’atome sur lequel le
brome est fixé) et lorsqu’un énantiomère optiquement pur subit une substitution nucléophile
avec HO-, la configuration absolue change de (R) en (S) ou de (S) en (R) en partant du
OH-
-HBr
H Br HO H
L’inversion peut être expliquée par le mécanisme SN2 dont nous avons parlé
antérieurement. L’attaque du nucléophile et l’élimination du groupement partant se déroulent
linéairement et lorsque cela arrive, les trois substituants qui sont conservés durant la
réaction sont repoussés. Le processus est représenté ci-dessous, observez ce qui se passe
au niveau de la configuration absolue.
Me Me Me
HO δ− δ− -Br -
C Br HO Br HO
Et Et
H Et H H
Les cinétiques d’une réaction SN1 sont en adéquation avec la formation d’un
carbocation intermédiaire. Un tel intermédiaire contient un centre C+ plan qui peut être
attaqué par le nucléophile par l’une ou l’autre face. Les conséquences stéréochimiques de
cet état de fait peuvent être vues si on considère la réaction de l’halogénoalcane tertiaire
chiral 3-chloro-3-méthylhexane avec l’eau. Si on part de l’énantiomère optique pur (R),
l’équation ci-dessous montre que le produit est un mélange d’énantiomères. La conversion
de (R)-3-chloro-3-méthylhexane en (R)-3-méthylhexan-3-ol se déroule avec rétention de
configuration et celle de (R)-3-chloro-3-méthylhexane en (S)-3-méthylhexan-3-ol avec
inversion de configuration.
Cl OH HO
SN1 ou SN2 ?
17B
Le carbocation
172B
Nous avons parlé des carbocations dans la section 3.5 et décrit la façon dont ils sont
stabilisés par les groupements attracteurs d’électrons. L’ordre général de stabilité des
carbocations ou R est un groupement alkyle est :
R3C+ > R2HC+ > RH2C+ > H3C+
Les carbocations formés par le départ de X- d’un simple halogénoalcane
correspondent à l’une des catégories ci-dessus, mais d’autres types de cations sont formés
si le composé de départ contient d’autres groupements fonctionnels. Deux carbocations, les
cations allyliques et benzyliques, présentent une stabilité particulière. Si le composé
halogéné de départ contient un substituant X attaché à un carbone adjacent à une double
liaison C=C, alors la perte de X- génère un carbocation allylique qui est stabilisé par les
contributions des deux structures de résonance. Alternativement, la stabilisation peut être
représentée en termes de délocalisation de liaison.
X - X- +
C
Lorsque le composé halogéné contient un groupe CH2X attaché à un cycle
benzénique, la perte de X- donne un carbocation benzylique. Nous discuterons de la chimie
du benzène et de ses dérivés ultérieurement, mais nous sommes ici intéressé par la
réactivité du substituant CH2X. La stabilité accrue du carbocation benzylique a pour origine
les contributions de chaque structure de résonance illustrées ci-dessous. Le résultat net en
est que la charge positive est délocalisée sur l’ensemble du cycle.
H H H H
+ +
C C
H H H H
+ +
C C
Les substituants les plus petits possibles sont les hydrogènes et l’attaque nucléophile
du carbone dans CH3X est aisée. Donc le mécanisme SN2 est favorisé pour les halogénures
de méthyle. Similairement, l’attaque par un nucléophile sur l’atome de carbone primaire de
MeCH2Br n’est pas très gênée stériquement et le mécanisme SN2 peut avoir lieu
directement. Il est plus difficile pour le nucléophile d’attaquer un carbone secondaire
Me2CHBr et plus encore d’attaquer un carbone tertiaire Me3CBr. Les halogénoalcanes
secondaires peuvent subir des réactions SN2, mais la réaction est généralement lente à
cause de l’encombrement stérique. Les halogénoalcanes tertiaires ne peuvent subir une
SN2. L’encombrement stérique joue un rôle, mais la vitesse à laquelle un carbocation tertiaire
se forme est tellement rapide que cette étape empêche de toute façon la SN2 d’avoir lieu.
Les deux derniers types d’espèces dont nous avons parlé dans le paragraphe
précédent sont les halogénures allyliques et benzyliques. Nous avons montré comment ils
pouvaient, tous deux subir une SN1. Cependant, tous deux sont des halogénoalcanes
primaires et ils peuvent également subir une SN2. Plus encore, le système π qui est adjacent
au site de l’attaque nucléophile aide à stabiliser l’état de transition.
En résumé :
• Les réactions de SN2 peuvent avoir lieu si l’attaque par un nucléophile sur le carbone
est stériquement possible.
• Les halogénures de méthyle et les halogénoalcanes primaires sont les meilleurs
candidats pour un mécanisme SN2, lequel est encore plus favorisé pour les
halogénures allyliques et benzyliques par délocalisation des électrons π dans l’état de
transition
• Les halogénoalcanes tertiaires ne subissent pas de réaction SN2.
Le nucléophile
174B
La vitesse d’une réaction SN2 montre une dépendance du premier ordre vis-à-vis du
nucléophile. En outre, la vitesse de réaction est affectée par la nature du nucléophile. Toutes
les espèces attaquantes ne sont pas d’aussi bons nucléophiles les unes que les autres. La
constante de vitesse est caractéristique d’une réaction particulière et, si nous considérons
une réaction SN2 avec un substrat halogénoalcane fixé, nous trouvons que k varie avec le
nucléophile. Cette observation est habituellement discutée en termes de nucléophilie du
groupe entrant, toutes les autres conditions (halogénoalcanes, solvant, température) étant
fixées. Malheureusement, la nucléophilie n’est pas facile à définir, mais il est utile, de penser
à un bon nucléophile (dans le cadre de l’attaque d’un halogénoalcane) comme à une espèce
capable de facilement former une liaison avec un Cδ+ qui faisait originellement partie d’une
liaison C-X. Il est également utile de faire une comparaison entre nucléophilie et basicité,
puisqu’il est habituellement établi qu’une bonne base est une espèce qui capture facilement
un H+.
Ce dernier point nécessite quelques explications supplémentaires. Les réactions de
CH3Br avec HO-, CH3CO2- et H2O suivent un mécanisme SN2 et leurs vitesses suivent l’ordre
suivant : HO- > CH3CO2- > H2O. La nucléophilie de ces espèces est donc HO- > CH3CO2- >
H2O. Considérons maintenant l’affinité de chaque nucléophile pour un proton, c'est-à-dire la
basicité de chaque espèce. Cela peut se faire en étudiant les valeurs de pKa de l’acide
conjugué : pKa H2O > pKa CH3CO2H > pKa H3O+, ce qui signifie que H3O+ donne plus
facilement un H+ et que H2O en accepte le moins facilement. Souvenons-nous que si un pKa
est grand, cela, alors le Ka pour l’acide est faible, l’équilibre est déplacé vers la gauche, et A-
est une base relativement forte. Plus le pKa est grand, plus la basicité de A- est importante.
HA ↔ H+ + A- pKa = -log Ka
Donc, les valeurs de pKa de H2O, CH3CO2H et H3O+ montrent que l’ordre de basicité
est HO- > CH3CO2- > H2O, un ordre qui est comparable à celui de leur nucléophilie. En
général, dans une série de nucléophiles qui contiennent le même atome donneur, on peut
utiliser les valeurs de pKa pour se faire une idée approximative des forces relatives des
espèces en tant que nucléophiles.
Lorsque les membres d’une série de nucléophiles contiennent des atomes donneurs
différents (à nouveau en supposant l’halogénoalcane, ainsi que les autres conditions fixés)
alors la tendance dans les valeurs de pKa ne peuvent servir de guide fiable à leur
nucléophilies. Cependant, à partir des données de cinétique, on peut tracer quelques
tendances utiles : les nucléophiles qui appartiennent à même groupe périodique deviennent
plus fort à mesure que l’on descend dans ce groupe. Par exemple, les nucléophilies suivent
habituellement l’ordre :
I- > Br- > Cl-
HS- > HO-
RS- > RO- (R = alkyle)
On peut se faire une vue d’ensemble des points dont nous venons de discuter en
étudiant les vitesses relatives des réactions de différents nucléophiles avec CH3Br (dans un
solvant commune, l’éthanol) ; les vitesses relatives sont exprimées par rapport à l’attaque
par l’eau :
Les termes nucléophiles durs et mous sont souvent utilisés, et l’application de ces
termes est similaire à celle qui est utilisée en chimie de coordination des ligands. Les
nucléophiles durs tendent à posséder un O ou N comme atome attaquant, par exemple HO-
et NH2-, alors que les nucléophiles mous portent des atomes moins électronégatifs qui sont
plus bas dans les groupes périodiques, par exemple RS- et I-. Tant que l’on envisage une
substitution SN2 avec des halogénoalcanes, les nucléophiles mous sont meilleurs que les
durs (il suffit de regarder les vitesses relatives ci-dessus pour en être convaincu). Mais la
situation peut être renversée pour l’attaque d’autres centres, comme nous le verrons
ultérieurement lorsque nous parlerons de l’attaque nucléophile sur des groupements
carbonyles.
En résumé :
Le groupement partant
175B
La nature du groupement partant est important à la fois pour les mécanismes SN1 et
SN2. Dans l’étape cinétiquement déterminante dans les deux mécanismes, la liaison C-X est
brisée et X- part. Dans la substitution nucléophile des halogénoalcanes, le groupement
partant peut être F-, Cl-, Br- ou I-. Le meilleur groupement partant est I-, et le moins bon est F-
: I- > Br- > Cl- > F-
Ces observations peuvent être corrélées avec les valeurs de pKa des acides
conjugués : pKa HF = +3,5, HCl = -7, HBr = -9 et HI = -11. Des valeurs négatives de pKa
signifient des acides forts, et donc Cl-, Br- et I- sont des bases faibles ; les ions sont stables
et sont de bons groupements partant. De l’autre côté, HF est un acide faible et F- est un
mauvais groupement partant.
Dans les prochains chapitres, nous étudierons des réactions de substitution
nucléophile dans lesquelles le groupement partant est autre chose qu’un ion halogénure, et il
est donc intéressant d’introduire d’autres groupements dans notre discussion actuelle. De
pauvres groupements partants comprennent HO-, H2N- et RO- et, comme F- ce sont des
bases conjuguées d’acides faibles. La faible capacité de OH- de partir dans une réaction de
substitution nucléophile faisant intervenir un substrat alcoolique peut être compensée par
protonation du groupement OH. Cela signifie que H2O (un bon groupement partant) est
expulsé plutôt que OH- (un mauvais groupement partant). Nous verrons cette stratégie à
l’œuvre dans les deux prochains chapitres. L’ion tosylate est également un excellent
groupement partant et nous reviendrons sur son utilisation au chapitre 7.
O
S O
O
En résumé :
• Les groupements partant halogénures sont classé I- > Br- > Cl- > F-
• Les fluoroalcanes ne subissent pas de SN2 du fait que F- est un très mauvais
groupement partant.
Le solvant
176B
Le choix d’un solvant adéquat pour les réactions de substitution nucléophile est
important. Dans une réaction de SN1, l’étape cinétiquement limitante inclut la rupture
hétérolytique d’une liaison et un ion polaire accroit la vitesse de formation d’un ion par
stabilisation de l’état intermédiaire. La vitesse de réaction SN1 est donc accrue par
l’utilisation de solvants polaires tels que l’eau et l’éthanol.
Le choix du solvant est également important pour les réactions SN2, mais n’est pas le
même que celui pour les réactions SN1. Alors que la vitesse d’une réaction SN1 est
indépendante du nucléophile, celle d’une réaction SN2 en dépend. Nous devons donc
considérer quel effet aura le solvant sur l’approche du nucléophile vers l’halogénoalcane. Le
nucléophile dans une réaction de SN2 est habituellement un anion (ex. : Cl-, HO-, NC-). Les
anions sont fortement solvatés par les solvants protiques tels que H2O et MeOH. Ces
solvants forment des ponts hydrogènes avec un nucléophile anionique et nuisent
stériquement à son attaque du substrat halogénoalcane. Le nucléophile est stabilisé par
solvatation et cela accroit l’énergie d’activation pour la réaction de substitution.
Les solvants aprotiques polaires comprennent l’acétonitrile, l’acétone, le
diméthylsulfoxyde (DMSO) et le diméthylformamide (DMF). Etant polaires, ce sont de bons
solvants pour d’autres molécules polaires et pour certains composés ioniques. Par contre,
les solvants aprotiques ne contiennent pas d’atomes d’hydrogène attaché aux atomes
électronégatifs et sont incapables de former des liaisons hydrogènes avec le nucléophile. En
conséquence, la vitesse d’une réaction SN2 dans un solvant polaire aprotique excède de
beaucoup celle de la même réaction dans un solvant protique.
O O O
N S
H N
Dans la section 5.5., nous avons établi qu’un halogénoalcane, RX, pouvait subir des
réactions de substitution nucléophile ou d’élimination. Dans la section 5.6., nous avons
discuté des réactions SN1 et SN2, et des préférences pour l’un des mécanismes ou pour
l’autre. Nous avons vu que la situation n’est pas simple, et qu’un nombre important de
facteurs contribuent à la compétition SN1 vs SN2. La situation est encore compliquée par le
fait que l’élimination de HX peut entrer en compétition avec la substitution de X- par un
nucléophile arrivant. Tout comme il y a deux mécanismes de substitution, il y a également
deux mécanismes d’élimination :
• E1 unimoléculaire
• E2 bimoléculaire
Tout d’abord considérons les mécanismes E1 et E2 séparément et considérons
ensuite leur compétition globale avec les réactions SN1 et SN2.
Le mécanisme E1
17B
+
C H
H H :OH-
Que le nucléophile agisse ou non de cette manière (voie E1) plutôt que de s’ajouter
au carbocation (voie SN1) dépend d’un ensemble de facteurs. L’arrachement de H+ est
facilité par une base forte qui soit un faible nucléophile, par exemple l’amidure
+
C
H
H H
:B
En fait, cette réaction d’élimination aura lieu avec une base plus faible que HO-, pour
autant que cette base soit un nucléophile faible.
Les réactions E1 requièrent la formation d’un carbocation et dès lors sont favorisées
pour les halogénoalcanes tertiaires, allyliques et benzyliques. Les halogénoalcanes
secondaires peuvent subir des réactions E1, mais pas les halogénoalcanes primaires à
cause de la faible stabilité relative d’un carbocation primaire. Lorsqu’un choix est possible, la
perte de H+ favorisera la formation de l’alcène le plus substitué comme l’illustre le schéma
suivant :
+
C +
Majoritaire
Donc l’élimination est régiosélective.
Lorsque la dernière étape d’un mécanisme E1 peut conduire à des isomères E ou Z
d’un alcène, il favorisera la formation de l’isomère le moins tendu stériquement, comme par
exemple :
+
C +
Majoritaire
Le mécanisme E2
178B
Pour que ce processus concerté ait lieu, tous les atomes de l’unité H-C-C-X impliqués
dans la formation et la rupture des liaisons doivent se trouver dans le même plan. La
géométrie est périplanaire.
En résumé :
• Les réactions E2 requièrent un arrangement périplanaire de l’unité H-C-C-X
• Lorsqu’un choix est possible, l’élimination favorise la formation de l’alcène le plus
substitué (régiosélectivité)
• Lorsqu’un choix est possible, l’halogénoalcane adopte la conformation la moins
stériquement encombrée et le produit d’élimination reflète ce fait.
les éliminations
Dans cette section nous allons étudier les facteurs qui favorisent l’une ou l’autre des
réactions SN1, SN2, E1 ou E2.
E1 versus SN1
179B
Nous avons déjà vu que la formation d’un carbocation est favorisée par les solvants
protiques. Cela aide à la fois les réactions SN1 et E1, puisque l’étape cinétiquement
déterminante est identique pour les deux. Que le carbocation soit attaqué ou non par le
nucléophile sur son centre C+ pour donner un produit de substitution, ou soit sujet à
l’élimination d’un H+ pour donner un produit d’élimination dépend de la nature du nucléophile.
Si le nucléophile est fortement basique, le mécanisme E1 est préféré. Cependant, même une
base faible peut arracher un proton du carbocation intermédiaire, et dans ce cas, il y a une
compétition entre les mécanismes E1 et SN1 comme dans la réaction ci-dessous. Le ratio
des produits dépend des conditions de réaction et est affecté par la température, ex. à 340 K
et dans l’éthanol, cette réaction donne un mélange 2 : 1 de produits SN1 : E1.
Cl OH
+
Lorsque l’on a considéré les réactions de substitution, nous avons vu que les
halogénoalcanes tertiaires, R3CX, réagissaient suivant une SN1 et non une SN2. Il est
tentant, dès lors, de penser que pour les halogénoalcanes tertiaires, il est seulement
nécessaire de considérer la compétition avec la réaction E1. Mais ce n’est pas le cas. Si une
base forte est utilisée, la voie E2 peut être suivie, par exemple, la réaction ci-dessous produit
un alcène presque exclusivement avec un produit de substitution négligeable.
Br
EtO-
Mécanisme E2
Comme nous l’avons vu plus tôt dans cette section, pour un halogénoalcane tertiaire,
la voie E1 peut être suivie avec une base forte, mais également avec une base faible.
Cependant, la vitesse de la réaction E2 dépend de la concentration et de la force de la base,
elle est donc favorisée à concentration élevée et en présence d’une base forte.
E2 versus SN2
18B
t-BuO-
Br
Halogénures méthyliques
182B
Nous avons étudié une série de réactions de substitutions et d’éliminations dans les
sections précédentes. Nous allons nous focaliser, dans cette dernière section, sur quelques
réactions choisies des halogénoalcanes, qui présentent une importance particulière d’un
point de vue synthétique et biologique.
Les réactions entre des alkoxydes, RO-, et des halogénoalcanes sont utilisées pour
préparer des éthers ; cette méthode porte le nom de « synthèse de Williamson ». Un
exemple en a déjà été donné (avec une élimination compétitive). Pour réduire la probabilité
qu’une E2 ait lieu, on utilise généralement des halogénoalcanes primaires. La synthèse de
Williamson peut être utilisée pour préparer à la fois des éthers symétriques (ROR) et des
éthers asymétriques (ROR’), mais nous en discuterons plus en détail ultérieurement.
La croissance d’une chaîne carbonée par formation d’une liaison C-C est une
stratégie de synthèse importante. Dans la section 3.12, nous avons montré des réactions
entre des anions acétylénures (RC≡C-) et des halogénoalcanes. Le schéma ci-dessous en
montre d’autres exemples.
+
H C Na
+ Na
Br
+
C Na
La capacité des composés RX à réagir avec les nucléophiles signifie que plusieurs
d’entre eux sont de puissants agents alkylants. L’alkylation de composés organiques de
l’ADN est fortement impliquée dans les processus de carcinogenèse et mutagenèse. Les
groupements amines et thiols des résidus acide-aminés des protéines peuvent agir en tant
que nucléophiles et attaquer les halogénoalcanes qui entre en contact avec ces protéines.
L’alkylation résultante de la protéine inhibe ses fonctions naturelles ; en d’autres termes, les
halogénoalcanes présentent des effets toxiques.
6. Les éthers
5B
6.1. Introduction
53BU
Les éthers jouent un rôle majeur en tant que solvant au laboratoire et nous avons
déjà vu quelques exemples de leur utilisation avec les organolithiens et les réactifs de
Grignard. Deux des éthers les plus communs en laboratoire sont le diéthyl éther (éther
acyclique) et le tétrahydrofurane (éther cyclique). Chaque atome d’oxygène porte deux
paires libres, comme le montre les structures suivantes :
O
O
Et2O THF
Notons que ces électrons ne seront pas explicitement illustrés dans les structures ultérieures
de ce chapitre (ni des autres, a priori).
Les éthers couronnes constituent un groupe particulier d’éthers cycliques qui
possèdent des cavités à l’intérieur desquelles, par exemple, des ions métalliques alcalins
peuvent être coordonnés.
Des noms communs sont encore utilisés pour certains éthers et nous en reparlerons
dans la prochaine section. Retenez toutefois, dès à présent que « l’éther de pétrole » n’est
pas un éther du tout mais un mélange d’hydrocarbones. Il s’agit d’un bel exemple d’usage
incorrect du terme « éther ».
Donner un nom aux éthers acycliques n’est pas aussi direct que nommer les types de
composés organiques des chapitres précédents ; il y a plus d’une nomenclature qui est
admise. Il y a deux classes générales éthers acycliques :
- Les éthers symétriques de formule générale R2O (ou ROR) dans lesquels les
groupements R sont identiques.
- Les éthers asymétriques de formule générale ROR’ dans lesquels R et R’ sont
différents.
Un éther acyclique peut être nommé en préfixant le mot « éther » avec les
substituants alkyles ou aryles, par exemple : diéthyl éther ((CH3CH2)2O) ou diméthyl éther
((CH3)2O). Notons que ce nom est écrit en deux mots. Dans un éther asymétrique, les noms
des deux substituants alkyles ou aryles sont placés dans l’ordre alphabétique, par exemple,
éthyl méthyl éther ; notons l’utilisation d’espaces entre les noms constitutifs.
Une nomenclature alternative (également recommandée par la IUPAC) est de
considérer le groupe OR comme un substituant alkoxy. Le composé (CH3)2O peut donc être
nommé méthoxyméthane et le composé (CH3CH2)2O, éthoxyméthane. Pour le cas d’un éther
asymétrique, c’est le groupement le moins lourd qui est considéré comme étant le
substituant alkoxy, le composé CH3OCH2CH3 est donc nommé méthoxyéthane et non
éthoxyméthane. Dans cette nomenclature, il n’y a pas d’espaces entre les noms constitutifs.
La troisième méthode pour nommer les éthers est particulièrement utile lorsque plus
d’un motif –O- est présent dans la molécule, par exemple le composé CH3O(CH2)2OCH3 qui
contient deux fonctions éthers. Un atome d’oxygène dans un éther peut être considéré
comme remplaçant un groupe méthylène isoélectronique dans la chaîne aliphatique parente.
Le nom de l’éther est déduit en préfixant le nom de l’alcane parent avec oxa (pour un atome
d’oxygène), dioxa (pour deux atomes d’oxygène), trioxa (pour trois atomes d’oxygène), etc,
et un indicateur numérique montrant la position de remplacement. Par exemple :
O
2,5-dioxahexane
O
Comme nous l’avons déjà signalé, il existe également un certain nombre de noms
communs d’usage très courant :
Nom commun Nom systématique Structure
Diglyme 2,5,8-trioxanonane O O
O
Triglyme 2,5,8,11- O O
tétraoxadodécane O O
Les noms systématiques des éthers cycliques trouvent leur origine dans l’alcane
cyclique parent, avec un remplacement de CH2 par O, comme nous l’avons décrit ci-dessus
pour les éthers acycliques. Par exemple :
O
O O
cyclononane 1,4,7-trioxacyclononane
Notons que dans le cas d’un éther cyclique à 3 pièces (oxacyclopropane), on parlera
couramment de fonction époxyde. On se souviendra également que l’oxacyclopentane est
régulièrement utilisé en laboratoire sous l’appellation tétrahydrofurane (THF), comme nous
l’avons déjà signalé, ayant pour origine le furane (éther cyclique saturé à 5 pièces) :
O O
THF furane
Finalement, on appelle souvent le 1,4-dioxahexane, tout simplement 1,4-dioxane, voir même
dioxane (sous entendu 1,4). Il est important toutefois de ne pas confondre le dioxane et la
dioxine qui correspond en fait à un groupe de molécules hautement toxiques, dont le TCDD
(2,3,7,8-tétrachlorobenzo-p-dioxine) est sans doute le plus nuisible. Cette dernière
substance provient de la combustion de déchets chlorés. Les dioxine sont liposolubles et
s’accumulent, via la chaîne alimentaire, au niveau de la graisse corporelle. Ces composés
ne sont pas excrétés par le corps et les femmes peuvent transmettre les dioxines à leurs
enfants, d’abord via le placenta, puis via l’allaitement. Les dioxines sont cancérigènes,
affectent le système reproducteur et sont dommageable pour le système immunitaire.
O Cl O Cl
O Cl O Cl
1,4-dioxane TCDD
Les éthers cycliques et acycliques ne sont, évidemment, pas mutuellement exclusifs
comme la structure du pipéronyl butoxyde l’illustre. Ce composé est utilisé commercialement
comme synergiste (substance qui augmente l’efficacité) dans les insecticides basés sur le
pyréthrum ; ce dernier paralyse les insectes, mais en absence de synergiste, les insectes
récupèrent rapidement.
O
O
O O
6.3. Synthèse
5BU
Les éthers symétriques peuvent être préparés à partir d’alcools en les chauffant en
présence d’acide. C’est la méthode qui est utilisée industriellement pour la préparation, par
exemple, d’éther diéthylique. L’acide sulfurique agit comme catalyseur de déshydratation.
H2SO4, chaleur
2 OH O H 2O
Pour que cette méthode soit efficace, les conditions doivent être soigneusement
contrôlées, sinon il y a une compétition potentielle entre cette réaction et la déshydratation
intramoléculaire de l’alcool pour donner un alcène. Nous y reviendrons au prochain chapitre.
Dans la section 5.9., nous avons décrit comment des réactions entre des ions
alkoxydes, RO-, et des halogénoalcanes, RX, pouvaient être utilisées pour préparer des
éthers. Il s’agit de la synthèse de Williamson et elle est largement utilisée pour synthétiser, à
la fois des éthers symétriques et des éthers asymétriques.
RX + RO- Æ ROR + X-
R’X + RO- Æ R’OR + X-
Un ion alkoxyde est un bon nucléophile ET une base forte, les réactions ci-dessus
courent donc le risque d’être parasitées par des réactions d’élimination compétitives. Dans la
section 6.6. nous avons vu que les halogénoalcanes tertiaires (qui tendent à réagir par un
mécanisme SN1) sont plus propices à l’obtention de produits d’élimination et de
réarrangement lorsqu’ils sont attaqués par des nucléophiles. Par contre, lorsqu’un
nucléophile attaque un halogénoalcane primaire, la substitution est généralement
prédominante sur l’élimination. Ces observations doivent être considérées lors du choix des
réactifs pour la préparation d’un éther asymétrique par la synthèse de Williamson. Il y a
toujours deux combinaisons de réactifs possibles pour la formation de R’OR (c'est-à-dire RX
et R’O- ou R’X et RO-) et l’un des chemins réactionnel est habituellement meilleur que l’autre,
en terme de maximalisation du rendement en éther. Dans le schéma ci-dessous, on voit que
la réaction de Me3CCl avec l’ion méthoxyde donne des produits d’élimination et de
réarrangement, alors que la réaction entre le chlorométhane et l’ion tert-butoxyde produit
l’éther avec un bon rendement.
OK
Cl
Bon choix
O
KCl
Cl
OK
Mauvais choix
La réaction du dessous, dans le schéma ci-dessus, souffre de la compétition avec
l’élimination d’HCl pour donner le 2-méthylpropène.
Cl
MeO-
MeOH Cl-
H H
A plus petite échelle, les époxydes peuvent être synthétisés à partir d’halohydrines.
OH
NaOH aqueux concentré
-H2O, -NaCl
Cl
O
La synthèse habituelle d’un époxyde, en laboratoire, s’effectue par la réaction d’un
alcène avec un peracide tel que l’acide perbenzoïque. La réaction ci-dessous montre la
conversion de 2,3-diméthylbut-2-ène en tétraméthyloxacyclopropane ; la stéréochimie a été
incluse dans le produit pour mettre l’emphase sur le changement du carbone sp2 trigonal
plan en carbone sp3 tétraédrique durant la réaction.
HO
O
O
OH
H O
O
O O
O
OH KOH
Cl -HCl
O
Industriellement, une méthode de fabrication du THF consiste en l’hydrogénation
catalytique du furane, lui-même fabriqué à partir de furfural, provenant lui-même de la
déshydratation en milieu acide de polysaccharides contenus dans les cosses d’avoine. Le
schéma ci-dessous résume les dernières étapes de ce procédé.
O [Ni] [Ni], H2
550 K 620 K
O O O
H
Le furane est un bloc de construction de l’un des médicaments le plus vendu dans le
monde, la ritidine (connu, entre autres, sous le nom d’Azantac, produit par GSK), qui est un
antagoniste des récepteurs H2 (antihistaminique) et prescrit comme antiulcéreux.
NO2
S HN
NHMe
NMe2
L’introduction d’un atome d’oxygène dans une chaîne alcane résulte en la présence
d’un faible moment dipolaire comme l’illustre le schéma ci-dessous pour le diéthyl éther.
O
Diméthyl éther 46,07 1,30 248,3
O
THF 72,10 1,75 338,0
O
Diéthyl éther 74,12 1,15 307,6
O
Méthyl propyl éther O 74,12 1,11 312,1
L’importance des éthers en tant que solvants résulte de leur capacité à former des
ponts hydrogènes avec les molécules contenant des atomes d’hydrogène liés à des atomes
électronégatifs et de leur propriétés de coordination. La coordination via l’atome d’oxygène
d’un éther lui permet d’agir comme ligand pour les cations.
L’éther diéthylique est largement utilisé pour l’extraction de composés organiques de
solutions aqueuses. Cependant, l’Et2O n’est pas totalement immiscible à l’eau et une
solution aqueuse saturée contient environ 8 g d’Et2O par 100 cm3. Bien que des ponts
hydrogène ne puissent se former entre des molécules de diéthyl éther, ils peuvent se former
entre des molécules d’eau et d’Et2O, comme l’illustre le schéma suivant :
H
H
O
éthers acycliques subissent un clivage lorsqu’ils sont traités avec HI ou HBr et la réactivité
des éthers cycliques de quatre pièces ou plus est similaire. Les époxydes, par contre,
présentent un comportement réactionnel différent et nous en discuterons donc séparément.
Les éthers, à l’exception des époxydes, sont clivés par traitement avec HI ou HBr
concentré.
ROR + HX Æ ROH + RX
La première étape de cette réaction est la protonation de l’atome d’oxygène, laquelle
est suivie de l’attaque nucléophile par Br- ou I- avec substitution via un mécanisme SN1 ou
SN2. La protonation de départ a pour conséquence que le groupement partant de la réaction
de substitution est ROH (un bon groupement partant) ; sans protonation, c’est l’alkoxyde RO-
(une base forte et un mauvais groupement partant) qui devrait être expulsé. Le choix de HI
ou HBr plutôt que HCl en tant que réactif de clivage résulte de la plus grande nucléophilie de
I- et Br- par rapport à Cl- ; suivant cette logique, de HBr et HI, c’est ce dernier qui est le
meilleur réactif.
H
O O
R R' H R R'
H H
O O R'
R R' R SN1
R' X
R' X
H H
O X O R' X SN2
R R' R
Le produit de la réaction de HX avec un éther asymétrique ROR’ peut être ROH et
R’X (comme illustré dans le schéma ci-dessus), ou R’OH et RX. Des mélanges de produits
sont donc souvent obtenus, mais si R ou R’ est un groupement méthyle, alors la formation
de MeX est généralement favorisée vis-à-vis de celle de MeOH, comme illustré dans
l’exemple suivant :
O HI MeI HO
Dans la section 2.2. nous avons parlé de la tension de cycle des petits cycloalcanes,
en particulier du cyclopropane. L’anneau à trois pièces de l’époxyde est tendu de façon
similaire. Cela confère à l’époxyde une réactivité unique et son importance industrielle
résulte de cette caractéristique. L’ouverture de cycle d’un époxyde se déroule dans des
conditions plus douces que celle des autres éthers cycliques, et elle peut être menée par
traitement avec de l’acide aqueux dilué. La réaction illustrée ci-dessous relève une grande
importance au niveau industriel puisqu’elle permet la production d’éthane-1,2-diol, utilisé
comme antigel dans l’eau de radiateur des véhicules motorisés.
OH
H+ aqueux
O
HO
Le mécanisme de cette réaction inclut la formation d’un oxonium suivi d’une attaque
nucléophile par H2O, comme montré dans le schéma suivant :
H
O O
H
HO
H 2O
O
O H
H
H
HO
OH
La stéréochimie de cette réaction est spécifique. Cela ne peut se remarquer dans la
réaction ci-dessus parce qu’il y a une rotation possible autour de la liaison C-C dans le
produit. Cependant, dans l’exemple illustré ci-dessous où la rotation est restreinte par la
structure cyclique, le produit possède la stéréochimie spécifique illustrée, avec les deux
groupements OH sur des côtés opposés de la liaison C-C. Vous pouvez faire une
comparaison directe entre l’attaque d’H2O sur l’époxyde protoné et l’attaque de Br- sur un ion
bromonium. Une fois formé, le produit diaxial flip immédiatement en produit diéquatorial
stériquement favorisé.
OH
OH
H2O, H+
O =
OH
OH
OH
OH
L’ouverture de cycle d’un époxyde peut également résulté du traitement par une
base, pour autant que cette base soit un nucléophile fort. Le schéma suivant illustre un
exemple d’utilisation du méthoxyde dans le méthanol.
MeO MeO
O
O
MeO MeO
MeO H
MeO
O OH
MeO-, MeOH
OMe
O
OH
alors que lorsqu’un nucléophile attaque un époxyde protoné, il montre une préférence pour
l’atome de carbone le plus substitué :
H+, MeOH
OH OMe
O
OMe OH
Cette différence peut s’expliquer comme suit. Lorsqu’une base approche l’époxyde
elle attaque l’atome de carbone qui est le moins encombré stériquement. Donc l’attaque
s’effectue préférentiellement sur un carbone primaire par rapport à un carbone secondaire
ou tertiaire et l’attaque se fera, de même, préférentiellement sur un carbone secondaire par
rapport à un carbone tertiaire. Dans l’exemple ci-dessus, l’ion méthoxyde a le choix entre un
carbone primaire ou un secondaire. Le mécanisme se déroule suivant une SN2 et le produit
est spécifique. Dans les réactions où l’époxyde est protoné avant l’attaque par un
nucléophile, la charge positive sur l’intermédiaire peut être sur les atomes de carbone de
l’anneau à trois pièces. La stabilité des ions carbénium (carbocations) augmente avec le
degré de substitution, et donc, le produit majoritaire de la réaction d’un nucléophile avec un
époxyde protoné porte le nucléophile attaché au carbone le plus substitué. Cette description
suggère la participation d’un ion carbénium et donc un mécanisme SN1. Cependant, des
preuves expérimentales suggèrent un mécanisme qui est intermédiaire entre une SN1 et une
SN2.
δ+
H
O +
Oδ
H
Charge totale = 1+
H
δ+
Me O
H+
+
Oδ H O OH MeO OH
Me
H
Les époxydes réagissent avec une grande variété de nucléophiles et les réactions
suivantes en sont deux exemples :
R NH
RNH2
O
OH
Br
HBr
O
OH
En dépit de leur réactivité, les époxydes existent dans la nature, par exemple dans
certaines phéromones et dans l’hormone juvénile des insectes JHIII. Ces hormones
conservent l’insecte à l’état de larve avant la métamorphose.
OMe
O
O
H
7. Les alcools
6B
H H R
R R R
H R R
OH
OH
OH
OH
Butan-1-ol Pentan-2-ol Hexan-3-ol Butan-2-ol
Lorsqu’il y a plus d’un groupement OH, le nom doit préciser le nombre et la position
des groupes fonctionnels. Un alcool avec deux groupements OH est un diol, avec trois
groupements, c’est un triol, etc. Deux exemples sont illustrés ci-dessous. Notons que le ‘e’ à
la fin du nom de la racine alcane est conservé, contrairement aux alcools avec un seul
hydroxyle.
OH OH
OH
HO
OH
Ethane-1,2-diol Pentane-2,3,4-triol
Plusieurs alcools portent encore des noms triviaux et certains d’entre eux sont
indiqués dans le tableau suivant :
Nom commun Nom systématique Structure
Ethylène glycol Ethane-1,2-diol OH
HO
Glycérol (glycérine) Propane-1,2,3-triol
HO OH
OH
Tert-butyl alcool 2-méthylpropan-2-ol
OH
Isopropanol Propan-2-ol
OH
Des exemples d’alcools dérivés d’alcanes cycliques contenant un groupement OH
sont indiqués ci-dessous ; les indices de position concordent avec la groupement OH
présentant une priorité supérieure à celle d’un substituant alkyle.
OH
OH OH
OH HO
= OH =
OH OH
cis-cyclohexane-1,4-diol trans-cyclohexane-1,4-diol
précédents
Les alcools ont de nombreuses en synthèse et son souvent préparés comme
composés intermédiaires dans les synthèses multi-étapes. Ils peuvent être synthétisés à
partir d’une grande variété de substances et nous avons déjà décrit plusieurs façons de
préparer des alcools à partir des alcènes, halogénoalcanes et éthers. Un résumé de toutes
ces réactions de synthèse des alcools est illustré ci-dessous.
OH
H+, H2O, chaleur OsO4, H2O
OH
OH
OH OH
OH
Cl2, H2O
Cl B H2O2
3 OH
-B(OH)3
Et Et Et
HO- HO-
-Br- -Br-
H Br HO H H Cl H OH HO H
OH
O HI H+ aqueux
HO
O
-MeI
HO
La réduction des composés carbonyles (par exemple les aldéhydes, les cétones, les
acides carboxyliques et les esters) est une méthode commune de préparation des alcools.
Dans cette section, nous présentons les réactions simplement comme synthèse, nous
reviendrons sur les mécanismes ultérieurement, lorsque nous détaillerons la réactivité des
groupements carbonyles (C=O).
Les équations ci-dessous montrent, respectivement, la réduction d’un aldéhyde en
alcool primaire et d’une cétone en un alcool secondaire. La réduction implique l’addition de
deux atomes d’H qui sont fourni par des réactifs tels que LiAlH4, LiBH4 ou NaBH4.
H H R R
Réduction Réduction
R R H R R H
O OH O OH
O OH
La réduction de l’acide carboxylique peut être conduite en utilisant LiAlH4, mais BH3
est également un réactif utile. Nous avons vu dans la section 3.10. nous avons vu comment
le BH3 accepte une paire d’électrons d’un alcène et transfert, alors, un atome d’H à un
groupe organique. Similairement, le BH3 réduit les acides carboxyliques comme montré dans
l’équation ci-dessous ; le groupement C=O est converti en groupement CH2. En dépit de la
ressemblance structurale entre les acides carboxyliques et les esters, BH3 est un mauvais
réactif de réduction des esters parce que les esters sont de moins bons donneurs que les
acides carboxyliques, comme nous le verrons ultérieurement.
OH H
LiAlH4 ou BH3
R R H
O OH
H
1. RMgX
H R OH
2. H3O+
O
R'
R'
1. RMgX
H R OH
2. H3O+
O
R' R''
R'
1. RMgX
R'' R OH
2. H3O+
O
H3 O +
O MgCl
OH
H H3 O +
MgCl
O OH
H
MgCl
H3 O +
O
OH
O O
H H H H H H
O O O O
H H
Les points d’ébullition de certains alcools sont indiqués dans le tableau ci-dessous.
Les valeurs relativement élevées (par exemple en comparaison avec des alcanes ou éthers
de masse moléculaire similaire) reflètent l’association intermoléculaire des molécules
d’alcool dans le liquide.
Composé Structure Masse Point ébull.
moléc. (K)
Water O 18,02 373,0
H H
Méthanol O 32,04 337,6
H
Ethanol O 46,07 351,3
H
Propan-1-ol O 60,09 370,2
H
Propan-2-ol H 60,09 355,3
O
O
H
2-méthylpropan-2-ol H 74,12 355,4
O
Les alcools de masse moléculaire faible (MeOH, EtOH, PrOH) sont complètement
miscibles avec l’eau grâce à la formation de ponts hydrogène. Les solubilités du butanol,
pentanol, hexanol et heptanol dans l’eau sont significativement plus faibles que celles du
méthanol, éthanol et propanol. Les alcools de masses moléculaires plus élevées sont
essentiellement non miscibles avec l’eau. Cela peut être expliqué par l’accroissement de la
longueur de la chaîne aliphatique de la molécule. Le groupement –OH est hydrophile, alors
que la portion hydrocarbonée de la molécule est hydrophobe. La figure ci-dessous illustre
cela pour l’heptan-1-ol.
Basicité et acidité
198B
L’eau peut agir à la fois comme acide et comme base de Brønsted. De façon
comparable, les alcools peuvent, à la fois, donner un proton (agir comme un acide de
Brønsted) et accepter un proton (agir comme une base de Brønsted). Les alcools
aliphatiques agissent comme des bases et acides faibles. Le pKa du méthanol est de 15,5,
une valeur proche de celle de l’eau ; pour comparaison, le pKa de l’acide acétique
(CH3CO2H) est de 4,77. Donc l’équilibre ci-dessous est déplacé vers la gauche.
H
Nous verrons dans la section 7.4. que la protonation d’un alcool est un moyen
important de d’obtenir un bon groupement partant (c'est-à-dire H2O) dans les réactions de
substitution nucléophile.
Combustion
19B
La combustion d’un alcool donne du CO2 et de l’H2O. L’éthanol brûle avec une
flamme bleue.
C2H5OH + 3 O2 Æ 2 CO2 + 3 H2O
Le méthanol et l’éthanol sont proposés depuis quelques années comme une
alternative écologique aux combustibles fossile, puisqu’il est possible de les obtenir à partir
de la biomasse, c’est pourquoi on leur porte une attention particulière ici (même si tous les
composés organiques peuvent subir une combustion, en fait). Cela dit, tout n’est pas rose
(ou plutôt vert) dans l’utilisation des biocarburants (et il serait sans doute plus intéressant de
rediriger les efforts consentis dans ce domaine vers la fusion nucléaire, conceptuellement
beaucoup plus intéressante).
Dans la section 6.3. nous avons décrit la synthèse d’éthers symétriques à partir
d’alcools par élimination d’eau intermoléculaire, mais les conditions de réaction doivent être
soigneusement contrôlées à cause de l’élimination d’eau intramoléculaire potentielle.
H2SO4, chaleur
2 OH O H 2O
L’élimination intramoléculaire de H2O a lieu lorsqu’un alcool est chauffé avec de
l’acide sulfurique concentré, ou passé sur de l’alumine chaude (Al2O3).
H H
H2SO4 conc., 450 K
OH H2O
H H
L’éthanol (un alcool primaire) est converti en éthène seulement sous des conditions
dures (450 K). Par contre, le 2-méthylbutan-2-ol est déshydraté sous traitement avec l’acide
à 298 K. Dans cette réaction, deux produits sont formés et, comme nous l’avons vu dans la
section 5.7., la perte d’un proton favorise la formation de l’alcène le plus substitué.
OH
H+, 298 K
-H2O
Produit majoritaire Produit minoritaire
H+
OH O
H
-H2O
H
OH2
H
OH2
Les alcools réagissent avec les halogénures de phosphore (III) (PCl3, PBr3, PI3),
phosphore (V) (PCl5) et le chlorure de thionyle (SOCl2) pour les convertir en alcools primaires
ou secondaires. Les réactions des alcools avec les halogénures d’hydrogène fournissent
également des halogénoalcanes.
ROH + HX Æ RX + H2O avec X = Cl, Br et I
La réaction est plus efficace pour les alcools tertiaires, l’ordre de réactivité étant :
R3COH > R2CHOH > RCH2OH
C’est cohérent avec un mécanisme SN1, avec un carbocation intermédiaire. Nous
avons vu, précédemment que l’hyperconjugaison contribue à l’effet de stabilisation par les
groupements alkyles attachés au centre C+, rendant un carbocation tertiaire plus stable
qu’un carbocation secondaire et ce dernier plus stable qu’un carbocation primaire.
Les réactions du sodium et de l’alcool sont souvent utilisées pour détruire l’excès de
sodium, par exemple après que ce métal ait été utilisé comme agent desséchant pour des
solvants hydrocarbonés. Cependant, il y a des risques d’incendie dus à la production de
dihydrogène dans un milieu alcoolique inflammable. Choisir des alcools de masse
moléculaire plus élevée réduit les risques d’incendie, mais si l’alcool est trop encombré, la
réaction est très lente. Le propan-2-ol représente un bon compromis entre sécurité et vitesse
de réaction.
Na 1/2 H2
OH O Na+
Oxydation
203B
Bien que la combustion soit un processus d’oxydation, des oxydations plus utiles,
d’un point de vue synthétique, sont celles qui permettent de convertir les alcools en
composés carbonylés : oxydation en aldéhydes, cétones et acides carboxyliques. Bien que
les alcools primaires, secondaires et tertiaires brûlent pour donner du CO2 et de l’eau, seuls
les alcools primaires et secondaires sont oxydés en composés carbonylés comme le schéma
général suivant le montre :
H HO
H H
Oxydation Oxydation
O O
R OH R
R
R'
R' H
Oxydation
O
R OH
R
R' H
Oxydation
R OH
Alcool tertiaire
Des agents d’oxydation adaptés pour ces réactions sont KMnO4, Na2Cr2O7, K2Cr2O7
et CrO3, tous dans des conditions acides.
OH
Cr
N O O H
Cl
H
OH O
CH2Cl2
Formation d’esters
204B
R' R'
O
R H H O R O H 2O
8. Les amines
7B
groupements alkyles donnent des amines secondaires et tertiaires, comme illustré ci-
dessous, avec des groupements R qui peuvent être identiques ou non.
N N N N
H H R H R H R R
H H R R
NH2 NH2
Les amines primaires dérivées des alcanes sont nommés de façon similaire, toujours
avec le groupement amine qui est prioritaire sur les substituants alkyles.
NH2
NH2
Cyclohexylamine 3,5-diméthylcyclohexylamine
Les amines primaires contenant plus d’un groupement NH2 sont nommés comme
dans l’exemple ci-dessous. Notez que, comme pour les alcools, dans ce cas, il y a rétention
du –e dans la partie alcane du nom.
NH2
H2N
1,2-Ethanediamine
Les amines secondaires et tertiaires peuvent être symétriques ou asymétriques
suivant que les groupements alkyles sont des groupements alkyles identiques ou non. Les
amines secondaires et tertiaires symétriques sont nommées en ajoutant le préfixe di- ou tri-
devant le nom du groupement alkyle, par exemple la diéthylamine et la tributylamine. Dans
une amine secondaire ou tertiaire asymétrique, le nom racine est choisi en trouvant le plus
grand substituant attaché à l’atome d’azote ; les chaînes plus petites sont classées comme
des substituants liés à l’azote. Par exemple, le dernier composé des exemples ci-dessous a
un groupement propyle et deux méthyles attachés au même atome d’azote. Le groupement
propyle est la chaîne parent et les groupements méthyles sont classés comme substituants
de l’atome d’azote. Le composé est nommé N,N-diméthylpropylamine.
H
N
N
N N N
H H H HN NH
3,5,7-Triazanonane 1,4,7-Triazacyclononane
Vous rencontrerez également, peut-être, des sels de tétraalkylammoniums au
laboratoire, particulièrement en synthèse inorganique. Ils contiennent des ions ammonium
quaternaire de formule générale [R4N]+. Leurs noms indiquent les substituants alkyles
attachés à l’atome d’azote central. Par exemple, l’ion tétraéthylammonium Et4N+, l’ion
triéthylammonium Et3NH+, l’ion tétrabutylammonium n
Bu4N+ et l’ion diéthylammonium
Et2NH2+. Ces ions sont utiles pour la synthèse parce que leurs sels sont souvent soluble
dans les solvants organiques tels que CH2Cl2.
8.3. Synthèse
64BU
Br NH3 Br
NH3
Base, p.ex. NaOH
NH2
Bien que cette réaction puisse sembler être une bonne méthode pour la préparation
des amines primaires, elle présente un problème inhérent : l’amine primaire est également
un bon nucléophile et peut attaquer une autre molécule d’halogénoalcane. Cela mène à la
formation d’une amine secondaire.
H2
Br N
Br
NH2
NaOH
H
N
La réaction ne s’arrête pas encore à cette étape. L’amine secondaire peut également
agir comme nucléophile et réagir à son tour avec un halogénoalcane pour donner une amine
tertiaire. La poursuite de la réaction donnera un ion ammonium quaternaire.
Br NH
Br
H NaOH
N
Br N
Br
Plutôt que d’utiliser NH3 ou une amine pour introduire un groupement amine, une
méthode alternative consiste à utiliser le phthalimide de potassium dans une réaction
appelée synthèse de Gabriel. Cette méthode conduite spécifiquement à l’obtention d’une
amine primaire. Le phthalimide de potassium est un sel d’imide et réagit avec les
halogénoalcanes pour donner un dérivé alkylé de l’imide.
O O
Br -KBr
K N N
O O
NH2NH2
(hydrazine)
HN
NH2
HN
Les amines primaires peuvent être préparées par réduction de nitriles en utilisant de
l’hydrure d’aluminium lithium comme agent de réduction. L’atome de carbone qui était sur le
groupement fonctionnel cyano devient une partie de la chaine aliphatique dans l’amine ; cela
LiAlH4 NH2
CN
Comme l’ion cyanure est un bon nucléophile, la réaction de réduction peut être
couplée à une substitution nucléophile d’un halogénure par le cyanure pour donner une
synthèse en deux étape d’une amine à partir d’un halogénoalcane. La réaction ci-dessous
illustre la transformation du bromoéthane en propylamine.
Br NC CN LiAlH4
NH2
La réduction des nitriles produit seulement des amines primaires. Cela inclut la
formation de groupements NH2 attachés à des atomes de C terminaux ou en milieu de
chaîne.
LiAlH4
CN
NH2
Les amines primaires dans lesquelles le groupement NH2 est attaché à l’atome de
carbone terminal d’une chaîne aliphatique peuvent être préparées par amination réductive
d’aldéhydes. L’agent d’amination est l’ammoniac et l’un des agents de réduction utilisé à
échelle commerciale est le dihydrogène en présence d’un catalyseur au nickel. Le schéma
ci-dessous illustre l’amination réductive du pentanal.
O H2, [Ni], NH3 NH2
H
Le mécanisme d’amination réductive comporte une attaque nucléophile du carbone
partiellement positif du groupement carbonyle par NH3. Nous regarderons aux détails de ce
O
H2, [Ni]
N N
H
H
NaBH3CN
NH2
NH
O H
Points d’ébullition
209B
Comme le NH3, les amines de faible masse moléculaire possèdent des odeurs
caractéristiques souvent décrites comme « de poisson ». Les amines sont des molécules
polaires ; la structure ci-dessous montre la direction approximative du moment dipolaire dans
MeNH2.
N
Me H
H
La présence de liaisons N-H dans les amines primaires et secondaires signifie que
certaines de leurs propriétés physiques seront différentes de celles des amines tertiaires. A
l’état liquide ou solide, les amines primaires et secondaires forment des ponts hydrogène, ce
qui n’est généralement pas le cas pour les amines tertiaires. Le tableau ci-dessous reprend
les points d’ébullition de certaines amines.
Composé Structure Masse mol. T° éb.
Ammoniac NH3 17,0 239,7
Méthylamine MeNH2 31,1 266,7
Diméthylamine Me2NH 45,1 279,9
1-Propylamine EtNH2 59,1 320,2
2-Propylamine NH2 59,1 304,8
NH2
Les amines forment des ponts hydrogène avec les molécules d’eau. Les amines
primaires, secondaires et tertiaires peuvent interagir comme illustré dans la figure ci-dessous
(en agissant comme « accepteur » d’hydrogène). En outre, les amines primaires et
secondaires peuvent former des ponts hydrogène d’une autre façon, comme illustré ci-
dessous également (en agissant comme « donneur » d’hydrogène). La structure de droite
rappelle la présence d’une paire libre d’électrons dans l’amine et dans l’eau.
R N
H
N R H
N H O X
R H O
X X
X H O
H
H H
X = H ou R
Ces interactions ont pour conséquence que les amines de faible masse moléculaires
sont solubles dans l’eau. Elles sont également miscibles dans les solvants polaires tels que
l’éther et les alcools par formation de ponts hydrogène tels qu’illustré ci-dessous.
N
H
O
H
table ci-dessous.
Amine Structure pKa
Ammoniac NH3 9,25
Méthylamine MeNH2 10,66
Ethylamine 10,81
NH2
1-Propylamine 10,71
NH2
1-Butylamine 10,77
NH2
Diéthylamine H 10,49
N
Triéthylamine N 11,01
Plus les valeurs de pKa de l’acide conjugué d’une base sont faibles, plus l’acide
conjugué est fort et la base est faible. Les valeurs reprises dans le tableau ci-dessus
montrent donc que les amines aliphatiques sont des bases plus fortes que l’eau ou les
alcools, mais sont des bases plus faibles que les hydroxydes ou les alkoxydes.
Les composés avec deux groupements NH2 (diamines) sont caractérisés par deux
valeurs de pKa.
8.5. Réactivité
6BU
Le fait que les amines sont des bases faibles signifie qu’elles forment des sels
lorsqu’elles sont traitées avec des acides. Le schéma ci-dessous en donne quelques
exemples.
NH2 NH3
HCl
Cl
HBr
N N
H H2
Br
N HNO3 NH
NO3
La formation de sels peut être utilisée en laboratoire pour la purification des amines si
l’amine est dans un mélange de composés dont seule l’amine peut agir comme une base. Le
mélange de composés est dissous dans un solvant organique tel qu’un éther. De l’acide
hydrochlorique aqueux est alors ajouté à la solution contenue dans une ampoule à décanter.
L’amine forme un sel de chlorure et se dissous dans la solution aqueuse. L’éther et la
solution aqueuse ne sont pas miscibles et les deux phases sont séparées. L’ajout d’une
base à la solution aqueuse d’ammonium régénère l’amine.
Certaines amines commercialement disponibles peuvent être vendues sous la forme,
par exemple, d’un hydrochlorure, comme par exemple le dihydrochlorure de cétirizine, un
anti-histaminique.
O
HO O
N N
.2 HCl
Cl
Les amines peuvent agir en tant qu’acide ou base, comme les alcools. Les amines
sont des acides très faibles, plus faibles que les alcools et beaucoup plus faible que les
acides carboxyliques.
Nom Structure pKa
Acide acétique CH3CO2H 4,77
Ethanol EtOH 16
i
Diisopropylamine Pr2NH 40
Plus tôt, dans ce chapitre, nous avons utilisé les valeurs de pKa des acides conjugués
des amines. La valeur de pKa de l’amine, ci-dessus, réfère plutôt à la perte d’un proton et
d’un ion amidure.
H
N N
H2 O H 3O
Ion diisopropylamidure
L’ion amidure est particulièrement important en chimie de synthèse. Puisque c’est la
base conjuguée d’un acide très faible, le diisopropylamidure est une base très forte. Elle est
également stériquement encocombrée. Cela permet à cet ion d’agir comme une base très
forte, mais pas comme un nucléophile. Le diisopropylamidure de lithium (LDA) est souvent
utilisé pour former des ions énolates à partir de composés carbonylés (nous en
rediscuterons dans un chapitre ultérieur).
Elimination de Hofmann
214B
Un ammonium quaternaire est susceptible d’être attaqué par une base forte telle
qu’un ion hydroxyde ou d’un amidure. Le résultat de cette élimination conduit à une amine
tertiaire et un alcène. L’amine tertiaire est un bon groupement partant et le mécanisme est
de type E2.
H H
N N
-H2O
H H H
OH
Si une réaction similaire était envisagée à partir d’une amine, le groupement partant
potentiel serait un ion amidure, lequel est un très mauvais groupement partant. Ce type de
réaction n’a donc pas lieu. Pour surmonter ce problème, l’amine est tout d’abord méthylée en
utilisant de l’iodure de méthyle pour donner un sel quaternaire. L’élimination provoquée par
la base peut alors avoir lieu avec une amine tertiaire comme groupement partant.
NH2 MeI N
OH I
H
N -H2O
-NMe3
I
O O
H
Cl -HCl N
NH2
O O
La réduction d’une amide par l’hydrure d’aluminium lithium donne l’amine
correspondante.
H H
N LiAlH4 N
O
La combinaison d’acylation et de réduction permet donc d’effectuer une alkylation
spécifique, contrairement à l’alkylation directe non spécifique.
Historique du benzène
216B
Le benzène a été découvert en 1825 par Faraday alors qu’il étudiait les liquides
condensés à partir de produits issus de la combustion de l’essence. Sa formule fut établie
comme étant C6H6 et dans les années qui suivirent, différentes structures furent proposées.
A cette époque les données structurelles ne pouvaient être confirmées par diffraction RX ni
par des techniques spectroscopiques.
Cl Cl
Bien qu’extrêmement valable pour cette époque, l’équilibre proposé par Kékulé est
une explication erronée. En fait, les deux structures proposées par Kékulé correspondent à
Détermination structurale
217B
-HBr
hydrogène contribue d’un électron. Après la formation des liaisons σ, chaque atome de
carbone a encore une orbitale 2p et un électron de disponibles. Les orbitales 2p peuvent se
recouvrir pour donner une orbitale moléculaire π délocalisée qui est continue autour du
cycle.
Les composés aromatiques sont stabilisés, par rapport aux structures localisées, par
délocalisation des électrons π. Pour certaines molécules cycliques, le système délocalisé est
moins stable que le localisé, de tels composés sont dits anti-aromatiques. Nous avons déjà
vu que le benzène possède un système π délocalisé sur l’ensemble du cycle, mais cela ne
suffit pas à en faire un composé aromatique. Le nombre d’électrons π dans le cycle est
important, et la loi de Huckel établi qu’il doit y avoir (4n+2) électrons π, avec n entier. Le
benzène, avec 6 électrons π obéit à la loi de Huckel avec n = 1. Le cyclobutadiène est plan,
mais ne possède que 4 électrons π et n’obéit donc pas à la loi de Huckel. En effet, aucun
entier ne peut être trouvé tel que 4n+2 = 4. Le cyclobutadiène est anti-aromatique. Le
tableau ci-dessous regroupe une série de cycle, certains respectant la loi de Huckel alors
que d’autres ne la respectent pas.
Formule Structure Nbr. e-π n Commentaire
C6H6 6 1 Cycle plan
Obéit à la loi de Huckel
Aromatique
C8H8 n’obéit pas à la loi de Huckel et serait anti-aromatique s’il était planaire.
Cependant, la non planéité du cycle et les longueurs des liaisons C-C et C=C étant de 147 et
134 pm respectivement, fournissent des preuves de la nature localisée des liaisons.
La loi de Huckel s’applique aux molécules neutres, comme nous venons de le voir,
mais également aux anions et cations. Par exemple, le cyclopentadiène est un diène avec
quatre électrons π et des liaisons localisées. Par contre, l’anion cyclopentadiényle C5H5- est
un cycle plan, obéissant à la loi de Huckel avec ses 6 électrons π délocalisés. Cet anion est
donc aromatique.
9.4. Nomenclature
70BU
Dérivés du benzène
20B
OH
O O
F Br NO2 S
exemple, lorsque X = NH2 le composé est appelé phénylamine, même si le nom commun
aniline est souvent utilisé. D’autres exemples sont donnés ci-dessous pour Ph2NH et Ph3P.
H
N P
Diphénylamine Triphénylphosphine
Un nombre important de dérivés du benzène ont un nom commun qui est encore
d’utilisation, et vous devriez apprendre les noms et structures des composés suivants :
O H
OH NH2
O O OH O Cl
OMe
Cl
Br F Cl Cl
Br
Cl Cl
F Cl
Cl
Cl
Hydrogénation
23B
[Pd] ou [Pt]
[Pt]
Les réactions caractéristiques du benzène sont des substitutions d’un atome d’H par
un autre atome, ou un groupe fonctionnel, et la plupart de ces réactions nécessitent un
catalyseur. Cette introduction donne des exemples de réactions de substitution dans des
conditions de réaction appropriées.
La réaction du benzène avec Cl2 pour donner du chlorobenzène se déroule en
présence d’AlCl3. Le chlorure d’aluminium est un acide de Lewis et la chloration du benzène
est un exemple de réaction catalysée par un acide de Lewis. Au autre catalyseur acide de
Lewis est FeCl3.
Cl
Cl2, AlCl3
-HCl
RX, AlCl3
X = Cl ou Br
R = alkyle
-HX
Cl AlCl3
-HCl
Produit majoritaire
L’acylation de Friedel-Crafts du benzène est une réaction avec un chlorure d’acyle
(RCOCl) en présence d’un acide de Lewis comme catalyseur pour donner une cétone. Les
acylations de Friedel-Crafts ne présentent pas les mêmes inconvénients que les alkylations.
AlCl3 R
R Cl
-HCl
O
La nitration du benzène est réalisée en utilisant un mélange d’acide nitrique
concentré et d’acide sulfurique. Cette combinaison d’acides génère l’espèce réactive NO2+ ;
H2SO4 agit comme déshydratant dans cette réaction.
HNO3 + H2SO4 H2NO3+ + HSO4-
HNO3 / H2SO4
-H2O
SO3H
SO3 / H2SO4
Mécanisme général
25B
La première étape dans la réaction du benzène avec un électrophile X+ est illustré ci-
dessous. La direction de mouvement de la paire d’électrons montre que le noyau aromatique
se comporte comme un nucléophile et donne une paire d’électrons à l’électrophile. Cette
étape est l’étape cinétiquement limitante de la substitution électrophile.
H
X+ H X
Dans cette structure, tous les atomes de carbone sont hybridés sp2 sauf celui qui
porte l’électrophile X, qui est tétraédrique (sp3). Ce dernier utilise toutes ses orbitales de
valence pour former des liaisons σ (C-C, C-H et C-X).
Dans l’étape suivante de la réaction de substitution électrophile, l’intermédiaire perd
un proton par clivage hétérolytique de la liaison C-H du carbone tétraédrique. C’est ce qui
est représenté ci-dessous, et cette étape est rapide. Dans l’équation ci-dessous, on a
représenté une seule des structures de résonance pour l’intermédiaire.
H X X
Le produit (tout comme l’est le réactif) est donc stabilisé par délocalisation de 6
électrons π. La substitution est donc énergétiquement préférable à l’addition sur le cycle, par
exemples, des deux réactions ci-dessous, c’est la substitution qui est la plus favorable
énergétiquement, puisque dans ce cas, l’aromaticité est conservée, alors que dans l’autre,
elle est détruite.
X
X2 HX Observé
Non favorisé
X2
Chloration et bromation
26B
Les réactions d’halogénations requièrent une catalyse par acide de Lewis pour
favoriser la formation de l’électrophile. Des catalyseurs adaptés sont AlCl3, FeCl3 et FeBr3.
Chacun réagit avec Cl2 ou Br2 comme illustré ci-dessous.
Cl
AlCl3 + Cl2 Cl Al
Cl Cl
Cl
Le schéma ci-dessous montre le transfert de Cl+ au benzène suivi de l’élimination de
H+ pour former le chlorobenzène. Notez comment le catalyseur est régénéré.
Cl AlCl3 Cl H
Cl
AlCl4
Cl
Cl H
Alkylation de Friedel-Crafts
27B
Cl
R Cl
Cl
La réaction de R+ avec le benzène se déroule alors en deux étapes illustrées ci-
dessous. Bien que l’on représente R+ comme une entité séparée, il semble qu’il reste
associé à AlCl4- durant la première étape.
R H R
MeCl, AlCl3
Acylation de Friedel-Crafts
28B
R O
Nitration
29B
O N O N O H 2O
O H
H
Cet ion est un électrophile qui réagit avec le benzène pour donner du nitrobenzène.
O N O NO2
O2 N H
-H
Sulfonation
230B
OH
-H
X X X X
Y
isomère ortho- isomère méta- isomère para-
Le substituant X est :
• Soit donneur d’électron (ex. : X = alkyle) ou capteur d’électron (ex. : X = F, Cl ou NO2)
• Soit activant soit désactivant
L’interaction des ces deux facteurs détermine la position du second substituant. La
table ci-dessous liste les effets observés pour certains substituants. L’activation du cycle
tend à être associée avec des groupements orienteurs en ortho- et para-, alors que la
désactivation est habituellement associée à des groupements orienteurs méta-. Les dérivés
halogénés ont un comportement échappant à cette règle. Pour comprendre ces observations
nous allons étudier des exemples particuliers.
Substituant X Directeur o-, m- ou p- ? Activant ou désactivant ?
Me Ortho- et para- Activant
Et Ortho- et para- Activant
OH Ortho- et para- Activant
NH2 Ortho- et para- Activant
F Ortho- et para- Désactivant
Cl Ortho- et para- Désactivant
Br Ortho- et para- Désactivant
I Ortho- et para- Désactivant
NO2 Méta- Désactivant
CN Méta- Désactivant
SO3H Méta- Désactivant
CHO Méta- Désactivant
COMe Méta- Désactivant
CO2H Méta- Désactivant
Aniline et phénol
231B
L’aniline et le phénol contiennent des substituants avec une ou deux paires libres,
respectivement, sur l’atome attaché au cycle. Les structures de résonance pour ces
composés sont montrées ci-dessous et illustrent la distribution d’une charge négative sur les
atomes de carbone en ortho- et para- :
OH OH OH OH
Le don de la paire libre a lieu par conjugaison dans le système π comme le montre le
diagramme ci-dessous.
La charge partielle négative des positions ortho- et para- dans l’aniline et le phénol
sont activés par l’attaque d’un électrophile. Les vitesses de substitution sont relativement
élevées. Comme N est moins électrophile que O, la paire livre de l’aniline est plus disponible
que dans le phénol, rendant la stabilisation par résonance plus importante pour l’aniline. Il en
résulte que l’aniline est plus activante que le phénol pour l’attaque d’un électrophile aux
positions ortho- et para-.
Considérons à présent ce qu’il se passe lorsqu’un électrophile Y+ attaque l’aniline.
Les structures de résonance pour chacun des trois intermédiaires possibles sont illustrées ci-
dessous.
NH2 NH2 NH2 NH2
H H H H
Y Y Y Y
H H H
Y Y Y
On voit que pour les substitutions ortho- et para-, on peut dessiner une forme de
résonance supplémentaire par rapport à la substitution en méta-. Cela a pour conséquence
une stabilisation plus importante de cet intermédiaire réactionnel et donc à une diminution de
l’énergie d’activation (ce qui augmente la vitesse de réaction).
Les groupements OH et NH2 sont donc activant et orienteur en position ortho- et
para-.
Le nitrobenzène
23B
O O O O O O O O
N N N N
Le cycle est donc désactivé vis-à-vis de l’attaque par des électrophiles. Les structures
de résonance indiquent qu’il y a plus de charge électronique ôtée en positions ortho- et para-
qu’en position méta-. Donc, lorsque le nitrobenzène réagit avec des électrophiles, c’est en
position méta- : le groupement nitro est donc orienteur en position méta-.
O O O O O O
N N N
H H H
Y Y Y
O O O O O O
N N N
H H H
Y Y Y
O O O O O O
N N N
Y H Y H Y H
Toluène
234B
sur la stabilité des carbocations). Les électrons de la liaison σ C-H sont conjugués dans le
système π du cycle. Cela conduit les électrophiles à attaquer en positions ortho- et para-,
comme pour l’aniline ou le phénol.
9.9. Toluène
75BU
Synthèse
235B
- 3H2
Propriétés physiques
236B
Le toluène est un liquide incolore. Il est moins toxique que le benzène et a, dans la
mesure du possible, remplacé le benzène comme solvant de laboratoire. Tout comme le
benzène, le toluène est non polaire et non miscible à l’eau.
Réactions
237B
Nous avons déjà vu que le groupement méthyle dans le toluène est activant et
directeur en ortho- et para-. La substitution électrophile, dans le toluène, s’effectue donc aux
positions 2-, 4- et 6-. Notons que les positions 2- et 6-, dans le toluène, sont identiques
(symétrie). La nitration du toluène donne donc d’abord un produit monosubstitué soit l’o- ou
p-nitrotoluène.
NO2
D’autres nitrations peuvent avoir lieu parce que, bien que le groupement nitro soit
désactivant, le groupement méthyle, lui, est activant. La position pour la substitution suivante
dépend, à la fois des effets du méthyle et du groupement nitro. Le groupement nitro oriente
en méta-, alors que le groupement méthyle oriente en ortho- ou para-. Si on part d’p-
nitrotoluène, les deux effets se combinent pour n’offrir qu’une seule possibilité à la seconde
substitution. Si on part d’o-nitrotoluène, par contre, deux produits sont possibles.
NO2
HNO3, H2SO4
NO2 NO2
NO2
En présence de Cl2 ou Br2 et d’un acide de Lewis comme catalyseur, le toluène est
converti en o-chloro, p-chloro-, o-bromo- ou p-bromotoluène.
Br
HNO3, H2SO4
Br
Cl2, hν
-HCl
Le groupement méthyle du toluène est oxydé par KMnO4 et K2Cr2O7 pour donner un
acide carboxylique. Cela contraste du benzène et des alcanes qui ne sont ni l’un, ni les
autres oxydés par ces réactifs. Cette réaction peut être étendue à d’autres dérivés alkylés
comme l’éthylbenzène. L’oxydation a, alors, toujours lieu sur le CH2 qui est directement
attaché au noyau aromatique pour donner l’acide benzoïque, quel que soit le réactif de
départ, comme l’illustre le schéma ci-dessous. Nous reviendrons à l’acide benzoïque et aux
molécules analogues dans le prochain chapitre.
O OH
KMnO4 aqueux
chaleur
9.10. Phénol
76BU
Les phénols sont des composés dans lesquels le groupement OH est attaché
directement à un noyau aromatique et le parent de cette famille est appelé phénol.
Propriétés physiques
238B
OH O
H2 O H3O+
La charge négative du phénolate n’est pas localisée sur l’atome d’oxygène, mais sur
l’ensemble du cycle aromatique par conjugaison dans le système π. C’est ce qui est
représenté dans le schéma ci-dessous, dans lequel il y a un recouvrement entre une orbitale
2p de l’oxygène et les orbitales 2p des carbones adjacents.
O O O O
Réactions
239B
L’acidité du phénol discutée ci-dessus signifie que les réactions avec les hydroxydes
de métal peuvent donner des sels de phénolate. Par contre, le phénol n’est pas un acide
suffisamment fort pour neutraliser le NaHCO3. Cette observation peut être utilisée pour faire
la distinction entre un phénol et un acide carboxylique, qui lui, réagira.
OH O Na
NaOH H2O
O O Na
PhOH PhCO2H
NaHCO3 H2 O CO2
OH OH
Br Br
Br2 aqueux
Br
OH OH
SO3H
H2SO4, 290 K
OH
H2SO4, 373 K
SO3H
OH O Na O
NaOH I
-H2O -NaI
Comme les alcools aliphatiques, les phénols peuvent être convertis en esters. Alors
que les alcools aliphatiques réagissent avec les acides carboxyliques en présence d’un
catalyseur acide ou avec un chlorure d’acide, seule cette dernière possibilité peut être
appliquée effectivement aux phénols. La réaction ci-dessous illustre la formation de
propanoate de phényle.
O
OH O
O NaOH
-HCl
Cl
Les phénols et phénolates sont oxydés facilement et virent au brun. Les produits
d’oxydation sont des quinones. Les agents d’oxydation puissants convertissent les phénols
en p-benzoquinone.
OH O
Oxydant fort
Synthèse
240B
A plus petite échelle, de l’étain sous forme de granulés dans de l’acide chlorhydrique
est un bon agent de réduction. Les conditions acides signifient que le produit initial est un sel
d’ammonium, lequel peut être neutralisé par une base pour donner l’aniline.
-NaCl, -H2O
Propriétés physiques
241B
N-Méthylaniline 4,85
NH
N,N-Diméthylaniline 5,15
N
Cl
NO2
On constate dès lors que les amines aromatiques sont généralement plus faibles que
les amines aliphatiques. En tant que base de Brønsted, l’aniline réagit avec les acides de
Brønsted.
La faible basicité de l’aniline peut être expliquée en termes de stabilisation par
résonance. Alors qu’une série de structures de résonance peuvent être tracées pour l’aniline,
il n’en va pas de même pour l’anilinium.
L’équilibre acido-basique est donc déplacé vers l’aniline plutôt que vers l’anilinium. Le
tableau repris plus haut comprend des dérivés de l’aniline dont le noyau aromatique porte
des substituants. On voit que les valeurs de pKa sont affectées par la nature des
substituants. Cl et NO2 sont des groupements attracteurs d’électrons et déstabilisent la
charge positive portée par l’azote dans l’anilinium. Cette déstabilisation va encore plus
déplacer l’équilibre vers la forme aniline plutôt que vers l’anilinium. Ces aniline substituées
avec un groupement électro attracteur sont donc moins basiques que l’aniline elle-même (ce
qui est confirmé par les valeurs faibles de pKa pour les acides conjugués de l’o-chloroaniline
et la p-nitroaniline.
Par contre, la p-méthylaniline est une base plus forte que l’aniline. C’est du au
groupement méthyl donneur d’électron qui stabiliser l’ion p-méthylanilinium.
Réactions
24B
Nous avons déjà vu que la réduction du nitrobenzène donne l’aniline et c’est une
réaction importante. Le groupement NO2 est orienteur méta- et la substitution est dirigée
vers les positions 3 et 5. Cependant, NO2 est extrêmement désactivant et la substitution
Br
Le mécanisme de cette réaction est illustré ci-dessous. Notez la distribution de
charge sur le carbocation intermédiaire et comparez celle-ci avec les structures de
résonance tracées pour cet intermédiaire dans la section 9.8.
O O O O O O
N N N
Br FeBr3 -FeBr4 -H
Br Br
Br
H
NO2
N
N
Zn, NaOH
Le groupement NH2 dans l’aniline est fortement activant et oriente en ortho- et para-.
Les électrophiles attaquent donc en positions 2, 4 et 6. Les substitutions électrophiles telles
que l’halogénation se déroulent facilement et des produits multi-substitués sont obtenus.
NH2 NH2
Br Br
Br2 aqueux
Br
En dépit de l’activation du groupement NH2, l’acylation et l’alkylation de Friedel-Crafts
n’ont pas lieu parce que le groupement NH2 agit comme une base de Lewis et interagit avec
l’acide de Lewis utilisé comme catalyseur. Un problème similaire est rencontré lorsque les
réactions nécessitent un milieu acide, comme la nitration, puisqu’il y a, alors, formation de
l’ammonium. Une façon d’éviter ce problème est de convertir le groupement NH2 en amide
avant de réaliser la réaction de Friedel-Crafts. La réaction ci-dessous illustre la conversion
de l’aniline en amide.
Cl
R O
NH2 R NH
-HCl
L’atome d’azote dans l’amide est moins basique que celui du groupement NH2 parce
que la charge négative est délocalisée sur l’atome d’oxygène du carbonyle comme le montre
la paire de résonance ci-dessous.
O O
H H
N R N R
H H H
N N N
RCl, AlCl3 R
Hydrolyse basique
NH2 NH2
Les anilines réagissent avec les halogénures d’alkyles pour donner des dérivés N-
alkylés. Le schéma ci-dessous illustre la conversion de PhNH2 en PhNMe2.
NH2 NH N
MeCl MeCl
-HCl -HCl
L’une des réactions les plus importantes des amines aromatiques primaire est leur
conversion en sels de diazonium (explosifs) par traitement avec de l’acide nitrique, préparé
in situ par action d’un acide (ex. HCl) avec du nitrite de sodium.
N
NH2 N Cl
-NaCl, -2 H2O
Le cation diazonium est stabilisé par résonance avec la charge positive délocalisée
sur l’ensemble du cycle.
N N N N
N N N N
N OH
H 2O N2 H
N X
CuX et excès de X-
N2
Le couplage d’un ion diazonium avec les phénols ou les amines aromatiques a lieu
sans élimination de N2. Le produit est un composé azo : deux groupements aryles couplés
par une unité azo (-N=N-).
X
N2 X
N
-H N
La réaction est une substitution électrophile (PhN2+ agit comme électrophile) qui
fonctionne parce que la paire libre des substituants OH et NH2 enrichissent le système π du
cycle. La substitution électrophile a lieu en ortho- et para- du phénol et de l’aniline. Le
mécanisme est illustré ci-dessous.
OH
N
OH OH
N
N N
N -H N
H
Bien que les halogénoalcanes subissent des réactions de substitution nucléophile, les
halobenzènes, eux, ne le font pas. Toutefois, dans certains cas particuliers, un substituant
halo- d’un cycle aromatique portant d’autres substituants peut être déplacé par un
nucléophile. Pour ce faire, il est nécessaire que l’anneau contienne des substituants ortho-
ou para- qui soient attracteurs d’électrons et désactivant (ex. NO2 ou CN).
Le 2,4,6-trinitrochlorobenzène rempli ces critères et peut être converti en acide
picrique par traitement avec de l’hydroxyde ou en un dérivé du benzonitrile.
Cl OH
NaOH aqueux
- NaCl
NO2 NO2
Br CN
NaCN
- NaBr
NO2 NO2
Le mécansime associé n’est ni une SN1, ni une SN2, mais plutôt une addition suivie
d’une élimination :
• Addition d’un nucléophile pour donner un intermédiaire stabilisé par résonance, puis
• Elimination de l’halogénure
L’intermédiaire stabilisé par résonance est illustré ci-dessous et les formes de
résonance qui sont dominantes sont celles dans lesquelles la charge négative est
délocalisée sur les groupements nitro (c'est-à-dire celles du dessus).
O O O NC Br O O NC Br O
NC Br
N N N N N N
O O O O O O
N N N
O O O O O O
NC Br NC Br NC Br
La pyridine est un liquide incolore et possède une odeur caractéristique. Elle est
toxique et une exposition prolongée peut provoquer la stérilité chez l’homme. Il est polaire
avec un moment dipolaire de 2,22 D pour la molécule en phase gazeuse. La pyridine a une
densité comparable à celle de l’eau et est miscible avec cette dernière, ainsi qu’avec une
large variété de solvants organiques, dont les alcools, les éthers et le benzène.
La pyridine est largement utilisée comme solvant et a des applications dans l’industrie
du plastic et dans la fabrication de certaines substances pharmaceutiques. L’acide
nicotinique est un dérivé de la pyridine et est une vitamine essentielle dans le régime
alimentaire des mammifères. Le nom « acide nicotinique » dérive du l’alcaloïde nicotine qui
peut être oxydé en acide nicotinique. D’autres composés hétérocycliques contenant de
l’azote sont également important dans la nature, notamment au niveau des phéromones. La
Buprofézine, quant à elle, est un exemple d’insecticide basé sur la pyridine et introduit aux
USA en 1996 pour contrôler la mouche blanche qui affecte les cultures de cotton.
O
H
O
OH N N O
N N O
Structure et liaison
24B
La molécule de pyridine est planaire avec des longueurs de liaison et des angles
similaires à ceux du benzène. Cependant, l’introduction d’un atome d’azote dans le cycle
signifie que toutes les liaisons dans le cycle ne sont pas équivalentes. La description des
liaisons que nous avons faite pour le benzène est valable également pour la pyridine. Deux
formes de résonance de type Kékulé peuvent être dessinées. On peut également
représenter la liaison sous forme d’un système π délocalisé consistant en 6 orbitales 2p se
recouvrant (une de N et 5 de C). Chaque carbone et azote est hybridé sp2. Après formation
des liaisons C-H et C-C σ, chaque atome de carbone fournit un électron au système π.
L’atome d’azote a 5 électrons de valence ; deux sont utilisés pour les liaisons σ C-N, deux
restent localisés à l’extérieur du cycle, sous forme d’une paire libre, et un électron est
impliqué dans la liaison π. La pyridine est donc un système à 6 électrons π répondant à la loi
de Huckle, c'est-à-dire aromatique.
Réactivité
245B
La présence d’une paire libre sur l’atome d’azote permet à la pyridine d’agir comme
une base (de Lewis ou de Brønsted), ce n’est toutefois pas une amine ! La valeur de pKa
pour l’ion pyridinium est de 5,25. L’ion pyridinium est donc un acide plus fort que l’ion
ammonium (pKa = 9,25) mais un acide plus faible que l’ion anilinium (pKa = 4,63). Donc la
pyridine est une base plus faible que NH3 mais plus forte que l’aniline.
La pyridine forme des sels de pyridinium lorsqu’elle réagit avec des acides.
L’équation ci-dessous illustre la formation d’un chlorure de pyridinium.
HCl
N N
Cl
H
Des sels d’ammonium quaternaires peuvent également être formés, comme l’illustre
l’exemple ci-dessous.
MeI
N N
I
-HBr
N N
La pyridine ne subit pas de réactions de Friedel-Crafts, puisqu’elle forme un adduit
avec le catalyseur (acide de Lewis).
Outre la pyridine
246B
La pyridine n’est que l’un des membres d’une grande famille d’hétérocycles azotés et
en biochimie, vous rencontrerez certains acides aminés contenant de telles unités :
l’imidazole est un hétérocycle à 5 pièces qui constitue la base de l’acide aminé appelés
histidine et l’indole est l’unité structurale du tryptophane. L’indole consiste en un anneau
benzénique fusionné à un noyau pyrrole et est un système aromatique (la paire libre de
l’azote est incluse dans la délocalisation). L’indole est un composant structural d’un grand
H2N CH C OH H2N CH C OH
CH2 CH2
indole O
N
imidazole
NH HN N N
H
histidine tryptophane
CO2H
OH
O NMe2
P
O NH
HO
N
H LSD
auxine
N
H
Psilocybine (champignons hallucinogènes)
Nous avons déjà mentionné certains aspects de la chimie faisant intervenir les
aldéhydes, cétones, acides carboxyliques et esters, dont :
• La réduction des composés carbonylés pour donner des alcools
• L’oxydation des alcools en aldéhydes, cétones et acides carboxyliques
• L’amination des aldéhydes et cétones
• La formation des esters
La composante structurale commune aux aldéhydes, cétones, acides carboxyliques,
amides, chlorures d’acyles (ou chlorures d’acide) et esters est la liaison C=O, un groupement
carbonyle. Dans la formule ci-dessous, R et R’ dans la cétone ou l’ester peuvent être
identiques ou différents :
O O O O O O
Les aldéhydes
247B
H H H H H
Méthanal Ethanal Propanal Butanal
(Formaldéhyde) (Acétaldéhyde)
Deux éléments à noter :
- Le groupement fonctionnel aldéhyde est noté CHO et non COH, ce qui évite la
confusion avec la fonction alcool.
- L’atome de carbone de la fonction fait partie de la chaîne parent ; donc le méthanal
ne contient pas de groupement méthyle et le butanal ne contient pas de groupement
butyle.
Les aldéhydes dans lesquels le groupement CHO est attaché à un benzène sont
nommés en ajoutant le suffixe –carbaldéhyde, par exemple, la molécule ci-dessous est
appelée benzènecarbaldéhyde, même si on utilise habituellement le nom commun
benzaldéhyde.
O
Les cétones
248B
Les cétones sont nommées en utilisant le suffixe –one (ou –dione s’il y a deux
groupements fonctionnels C=O). La chaîne carbonée est numérotée à partir de la fin la plus
proche du groupement C=O. Dans la structure ci-dessous, la chaîne carbonée à 6 atomes
donne la racine du nom : hexan- à laquelle est ajouté le suffixe –one ainsi qu’un indice de
position -2- pour indiquer où se trouve le groupement C=O. Le composé de droite est un
isomère qui ne diffère que de la position du groupement C=O.
O
Hexan-2-one Hexan-3-one
L’une des cétones la plus commune dans le laboratoire est l’acétone. Son nom
commun est tellement connu que son nom systématique, propanone, n’est pratiquement
jamais utilisé. L’acétylacétone est une dicétone, dont le nom systématique est pentane-2,4-
dione.
O O O
Acétone Acétylcétone
Les cétones faisant intervenir des groupements aryles sont nommées en prenant le
groupement aryle comme substituant, comme par exemple la diphényl cétone. Les noms des
substituants sont placés par ordre alphabétique lorsqu’ils sont différents.
O O
Dans les noms systématiques des acides carboxyliques, la racine du nom est donnée
par le nombre d’atomes de carbone de la chaîne, y compris celui du groupement CO2H. On
ajoute à cette racine le suffixe –oïque et on précède le tout du terme acide. Les acides
méthanoïques et éthanoïques ont des noms triviaux très connus, à savoir l’acide formique et
l’acide acétique respectivement. Ces noms triviaux sont en général préférés aux noms
systématiques.
O O O O
H OH OH OH HO
OH
Les sels d’acides carboxyliques sont appelés carboxylates. Les noms des ions
carboxylates sont dérivés de ceux de leur acide conjugué comme suit :
Acide Base conjuguée (carboxylate)
Acide formique Formate
Acide acétique Acétate
Acide propanoïque Propanoate
Acide butanoïque Butanoate
Acide pentanoïque Pentanoate
Quelques exemples de sels sont repris ci-dessous :
O
O O
O
Na
O O
K Na
Acétate de potassium Butanoate de sodium Benzoate de sodium
Bien que les structures ci-dessus montrent une charge localisée sur un des atomes
d’oxygène, nous verrons plus tard qu’elle est en fait délocalisée.
Les amides
250B
Les amides primaires ont la structure illustrée ci-dessous. Leur nom est construit de
façon similaire à celui des acides carboxyliques, si ce n’est que le suffixe –amide qui
remplace le suffixe –oïque et l’absence du terme acide (évidemment).
O O O O O
H N H N
H
DMF
O O O
Cl
Cl Cl Cl
Les esters
25B
O O O
O
OMe O O
Polarité et réactivité
253B
Propriétés physiques
254B
La présence d’une liaison polaire C=O dans les composés carbonylés résulte en des
interactions dipôle-dipôle intermoléculaires significatives et ces composés possèdent des
températures d’ébullition relativement élevées. Les acides carboxyliques et les amides sont
capables de former des ponts hydrogènes intermoléculaires. Le schéma ci-dessous illustre
une partie de la structure à l’état solide du 3-fluorobenzamide. Les molécules sont alignées
grâce à la formation de liaisons hydrogènes intermoléculaires.
d’alcanes, alcools et éthers de masses comparables. Les alcools peuvent également former
des ponts hydrogènes intermoléculaires, mais les éthers simples ne le peuvent pas. Les
effets d’association intermoléculaire et les liaisons hydrogène en particulier sont évidente si
l’on se réfère au tableau suivant. Notez en particulier le moment dipolaire et les points
d’ébullition et de fusion élevés de l’acétamide.
Composé Structure Moment Masse T°Fus. (K) T°ébu. (K)
Dipolaire Molaire
(D) (d mol-1)
Acétaldéhyde O 2,75 44,05 150,0 293,2
H
Propanal O 2,52 58,08 193,0 321,0
H
Acétone O 2,88 58,08 178,3 329,2
OH
Chlorure O 2,72 78,49 161,1 324,0
d’acétyle
Cl
Acétamide O 3,76 59,07 355,0 494,0
NH2
H O
Détails structuraux
25B
σ+π
R
O C
X
σ
La composante π de la liaison C=O est formée par recouvrement d’orbitales 2p de C
et O. Les longueurs typiques pour les liaisons C=O des carbonyles tournent autour de 121
pm, et les trois angles de liaison autour de l’atome de carbone trigonal plan sont
habituellement proches de 120°.
Nous avons déjà signalé que les acides carboxyliques étaient capables de former des
interactions via liaisons hydrogène intramoléculaires. Les groupements OH et C=O dans un
acide carboxylique sont parfaitement positionnés pour permettre la formation de dimères
pontés par des liaisons hydrogène, comme illustré ci-dessous.
O H O
R R
O H O
La figure ci-dessous montre une partie de la structure à l’état solide de l’acide
téréphthalique, un exemple d’acide dicarboxylique. La présence de deux groupements CO2H
par molécule permet la formation d’une structure étendue à l’état solide, via formation de
ponts hydrogène.
Lorsqu’un groupement OH est attaché à une liaison C=C, la molécule est instable et
conduit à un réarrangement en composé carbonylé. Le réarrangement est un tautomérisme
céto-énolique et les deux tautomères sont en équilibre avec la forme céto- habituellement
favorisée.
X R X R
H
O R HO R
La catalyse basique, elle, comprend l’abstraction d’un proton du carbone α par une
base telle que l’ion hydroxyde, suivie par protonation, par exemple par l’eau.
X R X R X R
-
-OH
H
O R O R HO R
OH
H H
O
La paire céto-énolique est acide, avec le tautomère énol plus acide que le tautomère
céto-. La perte d’un proton par traitement avec une base donne la base conjuguée : un ion
énolate. Cet anion est également l’intermédiaire formé dans l’énolisation catalysée par base,
illustré ci-dessus. La structure de l’ion énolate peut être représentée par la paire de formes
de résonance ou l’hybride de résonance ci-dessous. Des deux formes de résonance, c’est
celle de gauche qui est la plus contributive, puisque la charge négative se trouve alors sur un
atome plus électronégatif.
X R X R X R
O R O R O R
Rappelons que les structures qui forment une paire de résonance ne sont pas des
entités séparées, mais sont deux formes contributives qui, ensemble, décrivent la liaison
dans l’ion énolate. Par contre, les formes céto- et énol- de l’acide conjugué sont des
composés chimiques différents. Il est important de bien faire cette distinction.
-H+
E E E
La même chose est vraie pour l’attaque d’un électrophile par un énolate, comme le
schéma ci-dessous l’illustre :
O O
E E
Nous retournerons à ces mécanismes plus tard, lorsque nous les appliquerons à un
certain nombre de réactions.
Dans cette section et la prochaine, nous allons nous pencher sur les différentes
façons de synthétiser des composés carbonylés. Certaines réactions convertissent entre eux
différent composés carbonyles comme par exemple la formation d’esters à partir de
chlorures d’acides ou d’acides carboxyliques. C’est la raison pour laquelle la discussion
inclut nécessairement des aspects de la réactivité des composés carbonylés.
H2SO4 aq.
OH O
L’oxydation d’un alcool primaire donne initialement un aldéhyde, lequel peut être à
son tour oxydé en acide carboxylique.
H OH
Oxydation Oxydation
OH O O
carboxylique a lieu. Pour arrêter la réaction à l’étape de l’aldéhyde, l’oxydant le plus efficace
est le chlorochromate de pyridinium (PCC) dans une solution non aqueuse (ex. CH2Cl2).
H
PCC, CH2Cl2
OH O
La réduction des esters par LiAlH4 conduit à des alcools mais si un réducteur plus
faible est utilisé, des aldéhydes peuvent être obtenus. Le DIBAL (hydrure de diisobutyl
aluminum), par exemple, permet de réduire les esters en aldéhyde.
H
O O
Al
O H
Dans hexane à 195 K
[AlCl3]
Cl -HCl
O O
Cl [AlCl3]
-HCl
Pour les composés aromatiques substitués, le choix du composé de départ peut être
critique puisque certains substituants désactivent le cycle vis-à-vis de la substitution
électrophile. Par exemple, considérons la formation de la molécule cible dans le schéma ci-
dessous. Le groupement NO2 dans PhNO2 est orienteur en méta- et donc nous pourrions
considérer l’acylation de nitrobenzène comme une voie de synthèse envisageable.
Cependant, le groupement nitro est fortement désactivant et le nitrobenzène ne réagit pas
avec le chlorure d’acétyle en présende d’un acide de Lewis. Une vois alternative pour obtenir
la molécule cible consiste à acétyler le benzène avant nitration. Tout comme le groupement
nitro, le groupement MeCO est orienteur en méta et est désactivateur. Toutefois, le
substituant acyle est moins désactivateur que le groupement nitro et l’étape de nitration peut
avoir lieu.
NO2
Me
Cl [AlCl3]
NO2
Molécule cible
O
O
[AlCl3]
Me
-HCl O
Cl
Nous avons déjà vu que l’oxydation des alcools primaires par KMnO4, Na2Cr2O7,
K2Cr2O7 et CrO3 en présence d’acide sulfurique dilué dans l’acétone donne d’abord un
aldéhyde, puis un acide carboxylique. C’est une méthode pratique de préparation des acides
carboxyliques qui peut être appliquée aux alcools aliphatiques, y compris l’alcool benzylique.
Les mêmes conditions de réaction peuvent être utilisées pour préparer un acide carboxylique
à partir d’un aldéhyde.
HO O OH
K2Cr2O7 acidifié
dans acétone
n
O OH
OH
KMnO4 aqueux n
chaleur
O
La réaction peut être utilisée pour obtenir des acides avec plusieurs fonctions
carboxyliques. L’acide phthalique et ses isomères sont préparés à partir de l’o-, m- et p-
xylène et sont d’une grande importance commerciale (colorants, polymères, etc.)
O OH
O
KMnO4 aqueux
HO
chaleur
Le réactif de Grignard est alors traité avec du CO2 solide (glace sèche). Cette
réaction comporte une augmentation de la longueur de la chaîne carbonée : le précurseur
est RMgX et le produit est RCO2H.
OH
CO2 solide dans Et2O
MgBr
O
La liaison Mg-C dans le réactif de Grignard est polarisée avec une charge partielle
positive sur Mg et une charge partielle négative sur C et c’est ce qui permet à ce dernier
d’agir comme un nucléophile et d’attaquer le carbone portant une charge partielle positive
dans CO2.
O C O
O
MgBr MgBr
H3O+
OH
O
Les réactifs de Grignard peuvent être utilisés pour préparé une grande variété
d’acides carboxyliques, y compris des dérivés alkyles et aryles.
Les nitriles RC≡N peuvent être produits par substitution nucléophile d’un groupement
halogénure dans un halogénoalcane par un cyanure. Le groupement C≡N peut alors être
hydrolysé en présence d’un acide ou d’une base et le produit habituel en est un acide
carboxylique. Le schéma ci-dessous représente un exemple de ces réactions. Notez au
passage l’accroissement de longueur de la chaîne.
NaCN H 2O OH
Br CN
-NaBr [H+] ou [OH-]
O
Un ester peut être produit par une réaction de condensation (dans laquelle une
molécule d’eau est éliminée) entre un acide carboxylique et un alcool. La réaction est
catalysée par les acides et est illustrée ci-dessous.
O O
H
H
OH OH O R
HO O R
R' R'
O O R' OH
H
H
O R H
H2O O R HO O R
R' -H3O+
O R' O H R' OH
Les esters sont hydrolysés par NaOH aqueux. Ce processus est appelé la
saponification et représente l’étape clef de la manufacture du savon à partir des graisses qui
sont des esters de glycérol (propane-1,2,3-triol). Le schéma ci-dessous illustre la
saponification d’une graisse dans laquelle l’ester est dérivé de l’acide stéarique. L’acide
stéarique contient une longue chaîne aliphatique et est un exemple d’acide gras. Le produit
de cette saponification est le stéarate de sodium, lequel peut être utilisé comme savon.
O
O
O
NaOH aqueux
OH
OH
3 Na+
O
OH
Une méthode alternative pour préparer des esters est la réaction de condensation
entre un chlorure d’acide et un alcool avec élimination d’HCl. La réaction générale ci-
dessous peut être appliqué à des dérivés alkyles et aryles y compris les phénols
(contrairement à la réaction de condensation entre un acide carboxylique et un alcool dans
laquelle l’alcool est habituellement aliphatique).
O O
-HCl
Cl HO O
O OH
O
-HCl
Cl O
Les esters réagissent avec l’ammoniac pour donner des amides même si une
meilleure méthode consiste à partir du chlorure d’acide. Nous reviendrons sur le mécanisme
de ces réactions plus tard dans ce chapitre.
O O
NH3
O NH2 OH
O O
NH3
Cl -HCl NH2
Cl
NH2 N
H
O -HCl -HCl
O
N N
H
Un amide particulier est l’urée (CO(NH2)2), qui est largement utilisée comme fertilisant
et qui fut découvert en 1773 comme étant l’un des composants de l’urine humaine. D’autres
amides particulièrement connus et provenant de l’industrie pharmaceutique sont le
paracétamol (un anti douleur) et le Tenormin (un β bloquant d’AstraZeneca prescrit pour le
traitement de l’hypertension).
H
N OH
HN O
O
HO O NH2
Paracétamol Tenormin
Les chlorures d’acide RCOCl peuvent être préparés à partir des acides carboxyliques
RCO2H par traitement avec PCl3, PCl5 ou SOCl2 (chlorure de thionyle). L’avantage de ce
dernier est que les produits secondaires sont gazeux, rendant l’isolement du chlorure d’acide
relativement simple. Les réactions ci-dessous sont des exemples de synthèses de chlorures
d’acides.
O O
PCl3
OH -H3PO3 Cl
O O
OH PCl5 Cl
-POCl3
O O
SOCl2
OH Cl
-SO2, -HCl
Dans cette section, nous allons considérer les valeurs de pKa de différents composés
carbonylés et nous verrons que les acides carboxyliques ne sont pas les seuls composés
carbonylés à se comporter comme des acides de Brønsted.
OH
Acide acétique O 4,77
OH
OH
Acide butanoïque O 4,87
OH
Acide chloroacétique Cl O 2,85
OH
Acide dichloroacétique Cl O 1,48
Cl OH
Acide trichloroacétique Cl O 0,70
Cl
Cl OH
Acide benzoïque O 4,19
OH
OH
Cl
OH
Cl
Acide p-chlorobenzoïque O 3,98
OH
Cl
Les acides carboxyliques sont plus faibles que les acides minéraux tels que HCl,
H2SO4 et HNO3 mais plus forts que l’eau et les alcools. Un acide carboxylique RCO2H a une
valeur de pKa plus faible qu’un alcool aliphatique à cause de la plus grande stabilité de
l’anion carboxylate RCO2- par rapport à l’anion alkoxyde RO-. L’anion carboxylate est
stabilisé par résonance et peut être représenté par la paire de résonance ou l’hybride de
résonance ci-dessous.
O O
O
R R
R
O O
O
La délocalisation résulte d’un recouvrement des orbitales 2p du carbone et des deux
oxygènes.
Les acides aliphatiques non substitués possèdent des valeurs de pKa similaires. La
présence d’un substituant électro-attracteur tel que Cl peut affecter significativement la
constante d’équilibre de l’équilibre décrit auparavant. Nous avons déjà rationalisé cette
tendance en termes d’effet inductif.
Des sels de carboxylates sont formés lorsqu’un acide carboxylique réagit avec des
bases, comme illustré ci-dessous.
O O
NaOH
-H2O
OH O
Na
O O
K2CO3
-H2O, - CO2
OH O
K
Deux sels peuvent être obtenus des acides dicarboxyliques comme l’acide oxalique,
KHC2O4 et K2C2O4. Les équilibres ci-dessous montrent la première et la seconde
dissociation de l’acide oxalique. Les valeurs de pKa montrent une tendance habituelle avec
pKa(1) < pKa(2).
O OH O O
H2O H3 O pKa(1)=
1,23
HO O HO O
O O O O
H2O H3 O pKa(2)=
4,19
HO O O O
Les amides
270B
Tout comme les ions carboxylates sont stabilisés par résonance, les bases
conjuguées des amides le sont également. Par contre, dans ce cas, la stabilisation par
résonance est seulement suffisante pour rendre les amides très faiblement acides (pKa ≈
17).
O O
O
R R
R
NH NH
NH
Dans le chapitre 8, nous avons décrit comment les amines agissaient comme bases
de Brønsted, via l’utilisation de la paire libre de l’azote. Les amides sont pratiquement non
basiques parce que la paire libre est conjuguée dans le système π. L’atome d’azote est
trigonal plan, hybridé sp2 avec la paire libre dans une orbitale 2p intervenant dans le système
π. Le groupement amide peut également être représenté sous forme d’une paire de
résonance, comme illustré ci-dessous.
O O
R R
N H N H
H H
Une conséquence importante de cette délocalisation est que les protéines (des
polypeptides avec des unités –CONH- qui seront abordées dans le cours de biochimie) ont
des structures tridimensionnelle bien définie.
H X H X
Bien que la charge négative soit représentée comme localisée sur l’atome de
carbone, l’anion est en fait stabilisé par résonance et la charge négative réside
principalement sur l’atome d’oxygène. Il s’agit de l’ion énolate que nous avons déjà rencontré
antérieurement. Cette stabilisation par résonance des énolates signifie que les cétones et les
aldéhydes qui possèdent des H en position α peuvent se comporter comme des acides
faibles.
H O H O
H X H X
H H H H
O O O O
H H 9 H
R R' R R'
O O O O
H H 11 H
R O R O
R' R'
O O O O
H H 13 H
O O O O
R R' R R'
O O O O
H H 16 H
H H
R R
O O
H H 19 H
R' R'
R R
O O
H H 24 H
O O
R R' R R'
O O
Notez en particulier la valeur de pKa du propanedial qui a une acidité similaire à celle
de l’acide acétique (pKa = 4,77). Les dicétones qui ont un CH2 entre les groupements C=O
sont appelées β-dicétones. Un exemple en est le pentane-2,4-dione (acétylacétone) qui a un
pKa ≈ 9. C’est un acide plus faible que l’acide acétique, mais un acide plus fort qu’une cétone
de type RCH2COR’. La déprotonation de l’acétylacétone donne un anion qui est stabilisé par
résonance impliquant deux atomes d’oxygène. C’est ce qui est illustré ci-dessous. Il s’agit
d’une situation particulièrement favorable ; la charge négative réside majoritairement sur les
atomes d’oxygène. Dans l’hybride de résonance, on voit bien que la charge est délocalisée
sur 5 atomes, par recouvrement d’orbitales 2p. L’acétylacétonate est un exemple de β-
dicétonate.
O O O O O O O O
Les esters sont plus faiblement acides que les cétones parce que la charge partielle
positive sur l’atome de carbone du carbonyle est délocalisé ; cela peut être compris en terme
de paire de résonance comme illustré ci-dessous :
O O
R' R'
R O R O
Nous verrons dans la prochaine section que la nature acide du proton α dans certains
composés carbonylés produit des centres carbonés qui sont susceptibles de réagir avec des
électrophiles.
électrophile
Nous avons vu précédemment que des électrophiles tel que H+ peut attaquer l’atome
d’oxygène du groupement C=O, alors que les nucléophiles peuvent attaquer l’atome de
carbone. Nous allons à présent voir comment certaines substitutions électrophiles résultent
en la formation d’une liaison entre l’atome de carbone du carbonyle et l’électrophile.
-HBr
O O
La réaction catalysée par les bases procède par abstraction initiale d’un proton α pour
donner un énolate. Dans le schéma ci-dessous l’anion est montré avec une charge négative
localisée sur un atome d’oxygène ; rappelons-nous qu’il s’agit là de la forme de résonance
dominante. L’attaque de Br2 suit ensuite pour donner un produit de substitution bromé.
OH
H Br
Br Br
-Br
O O O
Br
O O
Une fois qu’une unité terminale CX3 s’est formée à côté d’un groupement carbonyle,
une autre réaction entre en jeu parce que CX 3- est un bon groupement partant. Dans la
formation des dérivés halogénés, le rôle de OH- est d’arracher H+. Toutefois, OH- peut
également agir comme nucléophile et attaquer le carbone porteur d’une charge partielle
positive du groupement carbonyle. Nous avons ignoré cette possibilité jusqu’à présent parce
que s’il n’y a pas d’autre groupement qui soit un bon groupement partant, cette attaque ne
mène à rien.
OH
H H H
X HO X X
-
-OH
X X X
O O O
Cependant, lorsque le choix du groupement partant doit s’effectuer entre CX3- et OH-,
la perte de CX3- est favorisée.
OH
X X
X HO X
-CX3- OH
X X
O O O
O O
Il s’agit d’une réaction générale des méthyl cétones qui porte le nom de réaction
haloforme.
Le mécanisme de cette réaction inclut la formation d’un énol (étape lente) qui va
ensuite réagir avec Br2 en une étape rapide.
Br Br
H Br
-Br-
H O O O
H H
-H+
Br
O
Les complications liées à la multi-substitution qui se déroulent dans les réactions
d’halogénation catalysées par les bases sont évitées si une catalyse acide est utilisée.
H
H H
Li N
HN
OLi
O
Br
-LiBr
O
O
Li
De telles réactions d’alkylation sont efficaces si l’halogénoalcane est primaire ou
secondaire. Les halogénoalcanes devraient être évités parce que leurs réactions sont
compliquées par les éliminations compétitives.
H
H H
Li N
O
O HN
OLi
O
O
O
Li
Auparavant, dans cette section, nous avons vu que les composés dicarbonylés avec
des groupements C=O séparés par une unité CH2 étaient plus acides que les cétones ou les
esters dans lesquels le groupement CH2 était adjacent à un seul groupement C=O. Les ions
énolates des β-dicétones ou diesters peuvent dès lors être générés en utilisant des bases
plus faibles que le LDA. L’éthoxyde est une base adaptée et l’énolate est stabilisé par
délocalisation de la charge négative. L’équilibre ci-dessous est déplacé vers la droite parce
que le composé β-dicarbonylé (pKa ≈ 13) est plus fort que l’éthanol (pKa ≈ 16).
H H H
O EtO O EtOH
O O O O
O O
-Br
O O O O
O O
-Br
O O O O
Nous avons déjà vu que l’addition d’une base à un composé carbonylé avec un
hydrogène α résulte en son énolisation. Dans les énolisations décrites auparavant, nous
avons utilisé des bases fortes telles que LDA ou EtO- (LDA étant lui-même plus fort que
l’éthoxyde) pour effectuer l’arrachement du proton α du composé carbonylé. Pour chaque
réaction nous avons établi que l’énolisation devait être complète pour maximiser le
rendement en produit désiré, mais nous avons précisé qu’une réaction compétitive pouvait
poser problème. Si seule une partie du composé carbonylé est convertie en énolate, le
milieu réactionnel contient à la fois l’énolate et le parent carbonylé, et une réaction peut avoir
lieu antre eux. Il s’agit d’une réaction aldol. Le premier composé carbonylé peut être un
aldéhyde, une cétone ou un ester, mais le produit final d’une réaction aldol est
habituellement un aldéhyde ou une cétone. La réaction inclut l’attaque nucléophile de
l’énolate sur l’atome de carbone Cδ+ du groupement C=O. Une réaction comparable a lieu
entre un ester et son ion énolate, formé en présence d’une base forte telle que EtO-. Cette
réaction est la condensation de Claisen.
Nous reviendrons en détail sur la réaction aldol et la condensation de Claisen après
une petite introduction sur les attaques nucléophiles sur l’atome de carbone d’un
groupement C=O.
Y X Y
Cl -HCl OH
Le résultat net de cette réaction est la substitution d’un Cl- par OH-. Cependant, le
nucléophile est habituellement H2O, même si quelques chlorures d’acides requièrent des
bases aqueuses. Le mécanisme réactionnel est détaillé ci-dessous. L’attaque initiale par
H2O conduit à la formation d’une liaison O-C et à l’ouverture de la liaison C=O. La perte du
groupement partant, quant à elle, a lieu dans une seconde étape.
O O O H O
-Cl-
H
Cl Cl O
H2O H
-H
H
O
Les amides peuvent être hydrolysés dans les acides carboxyliques correspondants
en présence d’une catalyse acide. Dans l’hydrolyse des chlorures d’acides, Cl- est le
groupement partant. De façon analogue, l’hydrolyse de l’amide implique la perte de NH2-,
mais ce dernier est un très mauvais groupement partant. En présence de H+, NH3 (un bon
groupement partant) quitte l’amide. Le mécanisme de l’hydrolyse catalysée par acide des
amides est illustré ci-dessous. Notez que dans la première étape, l’atome d’oxygène est
protoné préférentiellement par rapport à l’atome d’azote. Plus tard dans le mécanisme,
lorsqu’il y a compétition entre OH et NH2 comme site de protonation, le site azoté est préféré
sur base des forces relatives de basicité de ROH et RNH2 :
H
H
H
O O HO O H
H2O
-H
HO O H
NH4+
NH2
H+ H
OH HO O H
-NH3
O NH3
H CN CN
N C
Le problème avec la formation des cyanohydrines est qu’un équilibre est établi entre
les réactifs et les produits. En présence d’une base, CN- tend à être éliminé de la
cyanohydrine.
NC OH NC O O
HO -CN
-H2O
Les réactions des réactifs de Grignard RMgX (R = alkyle, X = Cl ou Br) avec les
aldéhydes et les cétones représentent des voies synthétiques importantes des alcools. Dans
chacune des réactions suivantes le solvant est habituellement du THF ou Et2O anhydre. Le
formaldéhyde réagit avec les réactifs de Grignard pour donner des alcools primaires dans
lesquels le groupement terminal CH2OH est dérivé de l’aldéhyde. La réaction ci-dessous
illustre la synthèse du butan-1-ol.
H
MgCl
O O MgCl
H
OH
Si le composé de départ est un autre aldéhyde que le formaldéhyde, alors la réaction
avec un réactif de Grignard donne un alcool secondaire. Un exemple en est la conversion de
propanal en pentan-3-ol.
MgCl
O O MgCl
H
OH
Lorsqu’une cétone réagit avec un réactif de Grignard, le produit est un alcool tertiaire.
L’exemple ci-dessous illustre la conversion de l’acétone en 2-méthylpentan-2-ol.
MgCl
O O MgCl
OH
Ces réactions ont de nombreuses applications dans la synthèse des alcools et
peuvent être utilisées avec des substituants alkyles ou aryles.
H3 N H2N
O
NH3 O OH
H -H2O -H
H
OH O
En absence d’un agent réducteur, la réaction s’arrête à cette étape. En présence d’un
agent réducteur (ex. : H2 et [Ni] en industrie ou NaBH4 ou LiAlH4 en laboratoire), l’imine est
réduite en amine.
H
N H2N H
réducteur
Des mécanismes analogues peuvent être écrits pour les réactions d’amines primaires
et secondaires avec des aldéhydes et des cétones.
Nous avons vu précédemment comment les amides pouvaient être préparés par
réaction de NH3 avec des chlorures d’acide ou des esters. La réaction entre NH3 et un
chlorure d’acide donne NH4Cl comme produit secondaire. Le mécanisme est illustré ci-
dessous dans le cas de la conversion du chlorure de propanoyle en propanamide.
H
N
O O
NH3 H
Cl Cl
NH3 -NH4
H2N -Cl
O O
Cl H2N
Notez que l’attaque par NH3 ne résulte pas directement en la perte de Cl-, mais plutôt
en l’ouverture de C=O. C’est le comportement général des exemples vus d’attaque
nucléophile sur le groupement carbone du groupement carbonyle. Dans la réaction entre
NH3 et un ester, la première étape est l’attaque par NH3 et l’ouverture de la liaison C=O ; elle
est suivie par la perte d’un alkoxyde ou aryloxyde en fonction de l’ester utilisé dans cette
réaction. Le mécanisme (illustré par la réaction entre le butanoate d’éthyle et NH3) est le
suivant :
H
N
O O
NH3 H
O O
-BH
H2N -EtO
O
O O
H2N
et d’acétals
Un aldéhyde réagit avec un alcool en présence d’une catalyse acide pour donner un
hémiacétal puis un acétal. La première étape dans la réaction est la protonation du
groupement C=O de l’aldéhyde.
H H
H
O O O
H H H
Les structures de résonance de l’aldéhyde protoné indiquent que la protonation rend
l’atome de carbone du groupement carbonyle plus sensible aux attaques des nucléophiles et
dans l’étape ultérieure, l’alcool agit comme un nucléophile. Notez que toutes les étapes de
cette voie réactionnelle sont réversibles :
H
OH
O
H
O -BH
O O O H
H
H H H
H
OH OH2
-H2O
O H O H O H
OH
H
O O
B
O H -BH O H
Notez que, tout comme c’est le cas pour la formation des hémiacétals, chaque étape
de la formation des acétals est réversible. Des réactions similaires peuvent avoir lieu entre
les cétones et les alcools mais ne fonctionnent généralement pas aussi bien que celles
impliquant des aldéhydes.
Nous avons déjà rencontré la réaction aldol dans une section précédente. Nous
allons à présent regarder en détail le mécanisme de cette importante réaction de formation
de liaisons C-C. L’exemple illustré est la réaction entre deux aldéhydes en présence d’une
base, mais des réactions similaires peuvent avoir lieu entre deux cétones, un aldéhyde et
une cétone, un ester et une cétone ou un ester et un aldéhyde. Un des membres de chaque
paire doit posséder un atome d’hydrogène α.
HO
H H
H -H2O H
O O
H H
O O
H
O H
O
H O
-HO
OH
Un problème avec de telles réactions est la possibilité que l’énolate formé dans la
première étape de la réaction attaque une molécule de son aldéhyde parent (son acide
conjugué) plutôt que la molécule d’un second aldéhyde. Si la réaction est une auto-
condensation (c'est-à-dire si un seul aldéhyde est impliqué), la compétition ne pose pas de
problèmes puisque les produits sont les mêmes quoiqu’il arrive. Par contre, si la réaction
aldol a lieu entre deux aldéhydes différents, un mélange de produit en résulte. Nous
retournerons à cette complication ultérieurement.
Considérons à présent la réaction entre deux cétones dont l’un, au moins, contient un
hydrogène α. L’énolisation de la cétone est suivie par une attaque nucléophile sur la
seconde cétone. Le produit est une β hydroxycétone. Dans l’exemple ci-dessous, les deux
cétones sont identiques :
O
O
H
HO
O O
O
H
H O
-HO
OH
Même si nous avons étudié les réactions entre aldéhydes et entre cétones, il faut
noter que les aldéhydes sont plus réactifs que les cétones. Cela affecte le résultat des
réactions aldol entre aldéhydes et cétones puisqu’un énolate formé à partir d’un aldéhyde
aura tendance à réagir plus avec un aldéhyde non isolé plutôt qu’une cétone.
Jusqu’à présent, lorsque nous avons considéré la réaction aldol, nous avons ignoré la
possibilité que plus d’un atome d’hydrogène α soit impliqué. En réalité, les réactions sont
compliquées par β éliminations. Un β hydroxyaldéhyde peut subir une élimination β promue
par base en perdant de l’eau et en formant un aldéhyde α,β-insaturé. C’est ce qui est illustré
ci-dessous :
H H H
O O O
H
HO -HO
OH OH
De la discussion ci-dessus, il apparaît que des complications signifiantes ont lieu, par
exemple, lorsque deux aldéhydes différents subissent une réaction aldol. Prenons le cas
d’une réaction entre deux aldéhydes, dont l’un a deux atomes d’hydrogène α. L’équation ci-
dessous montre la formation potentielle de deux α,β hydroxyaldéhydes. Les deux produits
possèdent des atomes d’hydrogène α et peuvent donc subir des réactions de β élimination.
Donc la réaction est compliquée par la formation d’aldéhydes α,β insaturés.
OH O
R' H
H H
R' H
H R
R
O
OH O
O
R
H
R
OH O R' O
R' H H
R R
R
OH O O
R
H H
R R
La condensation de deux esters en présence d’une base forte (souvent EtO-) pour
donner un β cétoester est appelée condensation de Claisen. Nous avons déjà rencontré
cette réaction auparavant. Au moins un des esters doit posséder un hydrogène α, et la
première étape de la réaction est la déprotonation par l’ion éthoxyde pour donner un énolate.
H H
O O
-EtOH
H R R
-EtO
O O
R O
O
O
-RO-
O
O O O O
R O
R O R R O
Ces équilibres sont déplacés vers la gauche, c'est-à-dire que la formation du produit
n’est pas favorable. Cependant, le β cétoester possède un atome d’hydrogène α faiblement
acide qui, en présence d’éthoxyde, est déprotonné. L’équilibre ci-dessous est déplacé vers la
droite et c’est cette dernière étape qui déplace la réaction vers la formation du produit désiré.
RO
H H
O O
R R ROH
O O O O
Pourquoi le produit, ci-dessus est-il favorisé ? Bien que les β cétoesters et les alcools
soient des acides faibles, la présence de deux groupements carbonyles stabilise la base
conjuguée. Le β cétonate est illustré sous la forme d’un hybride de résonance qui montre
bien la délocalisation. En conséquence, le β cétoesters (pKa ≈ 11) est un acide plus fort que
l’alcool (pKa ≈ 16 pour EtOH). L’équilibre est donc déplacé vers la droite. La présence de
deux hydrogènes α est donc cruciale pour la réussite de la condensation de Claisen. Le β
cétoester peut être obtenu en isolant le sel de la base conjuguée et en ajoutant de l’acide au
sel.