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Complications infectieuses au cours du lupus érythémateux


disséminé.
Infectious complications in systemic lupus erythematosus.

Mouna El Fane1, Meryem Essebani1, Wassila Bouissar2, Latifa Badaoui1,


Ahd Oulad Lahsen1, Mustapha Sodqi1, Latifa Marih1, Abdelfettah Chakib1,
Kamal Marhoum El Filali1
1 Service des Maladies Infectieuses, CHU Ibn Rochd, Casablanca - Maroc.
2 Service de Médecine Interne, CHU Ibn Rochd, Casablanca - Maroc.
Rev Mar Rhum 2015; 32: 3-9

Résumé Abstract
Malgré les nombreux progrès réalisés dans Despite the many advances in the treatment of
la prise en charge du lupus érythémateux Systemic Lupus Erythematosus (SLE) during
disséminé (LED) au cours de la dernière the last decade, Infectious complications
décennie, les complications infectieuses restent remain an important source of morbiditiy and
une source importante de morbimortalité. mortality.
Si les traitements par corticoïdes et /ou While treatment by corticosteroids and /
immunosuppresseurs sont le principal facteur or immunosuppressors are the main factor
d’immunodépression chez les patients atteints of immunodepression in SLE patients, a
de LED, l’atteinte rénale et les anomalies renal impairment and other SLE specific
propres au LED peuvent accroitre le risque abnormalities can increase the risk of
infectieux. Outre les infections communautaires infection. In addition to primary infections,
à pyogènes, les patients atteints de LED ont SLE patients have also a high risk of
un risque élevé de développer des infections developing opportunistic infections such as;
opportunistes (pneumocystose, cryptococcose, pneumocystosis, cryptococcosis, aspergillosis,
aspergillose) dont le diagnostic est parfois whose diagnosis is difficult and prognosis is
difficile et le pronostic particulièrement sévère. particularly poor.
Le développement des biothérapies, bien que Although the development of biotherapy is
très prometteur fait craindre l’émergence de very promising, the fear is that new infectious
nouvelles complications infectieuses. complications are emerging.
Mots clés : Lupus érythémateux disséminé ; Key words : Systemic lupus erythematosus;
Immunodépression; Infection; Prévention. Immune suppression; Infection; Prevention.

Le LED est une maladie auto-immune qui atteint des hospitalisations des patients lupiques et de 20 à 55%
principalement la femme jeune. Il est caractérisé par des décès [5]. Certaines de ces infections peuvent être
un polymorphisme clinique et biologique et prédispose évitées, ou leur gravité diminuée, par une vaccination
en lui même aux complications infectieuses dans 40 % préalable [2]. Nous représentons dans cette mise au point
des cas qui sont habituellement des complications de les principales infections à risque chez le patient lupique.
l’immunodépression [1]. Les infections bactériennes sont
les complications les plus fréquentes et constituent une Epidémiologie
des principales causes de morbidité et de mortalité de Dans la littérature, la prévalence des infections au cours
la maladie [1-3]. Elles sont responsables de 11 à 23% du suivi des patients lupiques varie de 26 à 78% [1]. Les

Correspondance à adresser à : Dr M. El Fane


Email : elfanemouna@gmail.com
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infections bactériennes sont la cause la plus fréquente, Rôle de la maladie lupique


responsables de 44% des infections chez les patients Certaines anomalies immunologiques intrinsèques
lupiques. E. coli est isolée dans la moitié des cas. Les inhérentes au LED et certaines atteintes viscérales
infections à Candida occupent la deuxième position, spécifiques peuvent contribuer à des degrés divers à
suivies par les infections virales et parasitaires. L’origine accroitre le risque infectieux [7]. Ainsi, les anomalies
de l’infection reste inconnue dans 43% des cas. En outre, immunologiques décrites sont représentées par le déficit
la prévalence de la tuberculose est 40 fois plus élevée génétique et acquis en complément et ses récepteurs,
que dans la population générale [5- 6]. En terme de la diminution de la production d’immunoglobulines,
morbidité, les complications infectieuses représentent de l’asplénie fonctionnelle, l’altération de la fonction
loin la première cause de morbidité associée au LED et la phagocytaire des polynucléaires neutrophiles et des
troisième cause de mortalité, juste après le décès imputable macrophages, le défaut de l’immunité cellulaire et
à l’activité du LED elle-même et aux thromboses [7]. notamment des cellules présentatrices d’antigène. Il n’ya
cependant pas de corrélation stricte entre les anomalies
Facteurs favorisants les infections biologiques prédisposantes et le risque infectieux [5].
au cours du LED
Cette immunodépression pourrait expliquer le délai
Plusieurs facteurs prédisposent aux infections. L’activité précoce de survenue des épisodes infectieux au cours de
de la maladie lupique et les thérapeutiques utilisées, l’histoire du LED [9].
particulièrement les corticoïdes et les immunosuppresseurs
Les études multivariées ont révélé que le taux élevé de
sont des facteurs de risque bien connus de l’infection au
la protéine C-réactive CRP, l’hypocomplémentémie par
cours de LED [6,8,9].
consommation excessive des fractions C3 et C4 du
Rôle des corticoïdes et des immunosuppresseurs complément et la positivité des anticorps anti DNA sont
Plusieurs études ont démontré la responsabilité des des facteurs de risque indépendants de l’infection [6].
corticoïdes (CTC) et du traitement immunosuppresseur (IS) D’autres éléments sont fréquemment associés à la survenue
dans la majoration du risque infectieux [9]. des épisodes infectieux comme la lymphopénie, la
Les CTC augmentent le risque d’infection à germes neutropénie, l’hypoalbuminémie, la protéinurie, l’existence
intracellulaires en altérant l’immunité cellulaire T d’une maladie rénale évolutive, le score d’activité élevé
(lymphopénie, inhibition de l’activation lymphocytaire), de la maladie et l’atteinte neuropsychiatrique [6, 9].
diminution de la production de cytokines et en inhibant L’insuffisance rénale compliquant le LED joue également un
les fonctions des polynucléaires neutrophiles, monocytes rôle important dans la susceptibilité accrue aux infections
et macrophage. en particulier d’infections sévères, et principalement
les infections à germes intracellulaires (Listeria
L’hypogammaglobulinémie secondaire à la CTC prolongée
monocytogenes), à C. neoformans et à Mycobacterium
expose à des infections opportunistes et/ou à des germes
tuberculosis [9-11].
encapsulés (streptocoque pneumoniae, Haemophilus
influenzae) ou encore à des infections virales [7]. La dose
Types d’infections observées au
cumulée de CTC apparait comme le facteur de risque
cours du LED
principal d’infection. Cependant, le seuil de CTC au delà
Outre le risque élevé d’infection bactérienne
duquel le risque infectieux augmente significativement n’est
communautaire, il faut insister sur le risque d’infection
pas clairement défini et le risque infectieux demeure chez
opportuniste, fongiques, parasitaires, virales ou encore
un patient recevant une corticothérapie même à faible
à mycobactéries. Elles ont pour caractéristiques une
dose, dès lors que le traitement est prolongé, à fortiori si
présentation clinique souvent peu spécifique et un
les CTC sont associés à un immunosuppresseur [7].
pronostic sévère [7].
Le cyclophosphamide (CYC) provoque une neutropénie à
la fois par diminution de la production et une augmentation Tuberculose
de la destruction des neutrophiles [6]. Le risque est plus Au cours du LED, le risque relatif d’avoir une tuberculose,
important lorsque le CYC est administré par voie orale en particulier de réactiver une tuberculose latente est
que par voie veineuse discontinue car la dose cumulée est accru par rapport à la population générale [9]. Le LED
alors plus importante et en cas d’association aux CTC [7]. par lui-même est responsable de défauts de l’immunité

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Complications infectieuses au cours du lupus érythémateux disséminé.

cellulaire prédisposant à la tuberculose: altérations de la septicémiques ou de localisations rares (ostéoarticulaires,


phagocytose et du métabolisme des macrophages et des urinaires,endocardiques) [1-3].
monocytes du fait de la diminution de la production du L’évolution est généralement favorable sous
TNF-a et lymphopénie touchant essentiellement les cellules fluoroquinolones [12].
T-helper [1].
c. Infections à Neisseria
Les CTC peuvent masquer la fièvre et diminuer
Les infections disséminées à Neisseria, essentiellement
l’inflammation locale, expliquant le retard diagnostique
N. meningitis et N. gonorrhoeae, sont favorisées par les
et la grande fréquence des formes disséminées et des
déficits en fractions du complément, les dysfonctions du
miliaires [10].
système réticuloendothélial et par l’asplénisme fonctionnel.
La tuberculose extrapulmonaire représente 26 à 67% des Elles peuvent mimer en tout point une poussée lupique [1].
formes cliniques dont les formes ostéoarticulaires sont
Les patients atteints de lupus ont un risque accru d’infection
les plus fréquentes, elles surviennent dans 9 à 25 % des
gonococcique sévère. Les facteurs de risque d’infections
cas. Les atteintes neuropsychiatriques, vascularitiques
gonococciques graves chez ces patients sont le jeune
et multiviscérales du LED sont plus fréquentes chez les
âge, le sexe féminin et la maladie rénale. L’infection peut
patients tuberculeux [10].
évoluer vers le choc septique, d’où l’intérêt du dépistage
Infections bactériennes précoce de l’infection et l’initiation d’une antibiothérapie
Les patients ayant un LED, qui ont des déficits en protéines appropriée au cours de la maladie lupique [15].
de la voie classique du complément, ont une susceptibilité Infections virales
d’avoir des infections à pyogènes, responsables de plus
Les données globales sur l’incidence des infections
de 80% des infections au cours du LED [9]. Staphylocoque
virales au cours du lupus sont peu nombreuses. Il s’agit
aureus et Escherichia coli sont les agents infectieux les
essentiellement d’infection à virus varicelle zona (VZV).
plus fréquemment isolés, représentant 50% des infections.
Dans la littérature, peu de cas d’infections à Herpesviridae,
Les sites d’infection sont par ordre de fréquence et encore moins à CMV dans le cadre d’un LED ont été
décroissante : urinaire, cutané, tractus respiratoire, rapportés. Ces infections virales sont plus fréquentes en
abdomen, infection bactérienne septicémique et système cas de traitement par le CYC à fortes doses [1-16].
nerveux central [1- 3,12,13].
Il est important de garder à l’esprit la fréquence des
a. Infections à pneumocoque présentations atypiques des infections virales, qui
Les infections sévères à pneumocoque pourraient peuvent mimer une poussée lupique. L’absence de
compliquer l’évolution du LED chez 2 à 5 % des patients. recommandations propres au lupus, la prise en charge du
Elles sont favorisées par la baisse de l’immunité innée et risque viral sera largement inspirée des recommandations
spécifique, notamment à médiation humorale. Par ailleurs, préconisées dans les autres états d’immunodépression [5].
certains polymorphismes génétiques du MBL (Mannose- a. Infection à virus varicelle zona (VZV)
binding-lectine) et la présence d’un déficit héréditaire
Peu de données existent concernant la varicelle chez les
de la fraction C2 du complément, majorent le risque
patients lupiques. Cependant, plusieurs cas de varicelle
de développer une infection sévère à pneumocoque. d’évolution fatale ont été rapportés. C’est une urgence
La mortalité de ces infections invasives à pneumocoque thérapeutique qui nécessite une hospitalisation et le
reste élevée, avec un taux de décès associé de l’ordre recours aux antiviraux par voie intraveineuse [5].
de 20 %, d’où l’intérêt potentiel de la vaccination
Le zona est l’infection virale la plus commune au cours de
antipneumococcique des patients lupiques [2].
lupus. Sa fréquence varie entre 5 et 20% selon les séries.
b. Infections à salmonella L’atteinte rénale et une activité biologique importante de
Les infections à Salmonella non typhiques sont la maladie sont des facteurs de risque de zona. Le zona
particulièrement fréquemment rapportées au cours de revêt le plus souvent un aspect localisé habituel [17]. Les
la maladie lupique. Un déficit de l’immunité cellulaire névralgies post-zostériennes sont un peu plus fréquentes
et particulièrement du système des macrophages que dans la population générale. Si les surinfections
peut expliquer cette prédisposition [8]. Ils sont bactériennes favorisées par les corticothérapies sont
responsables d’un portage chronique, de formes fréquentes, la dissémination est rare et les atteintes

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viscérales exceptionnelles. Les récidives surviennent Infections fongiques


chez 7 à 37% des patients [5]. Le vaccin vivant atténué Les infections fongiques sont rares au cours du LED,
antivaricelleux peut être proposé chez les patients lupiques avec des fréquences relatives allant de 2 à 28 % des
non immunisés, en l’absence de contre indications [5]. complications infectieuses, mais sont responsables d’une
b. Infection à Cytomégalovirus (CMV) mortalité élevée [8,9]. Elles surviennent plus fréquemment
Au cours du LED, la survenue d’une maladie à CMV chez les patients recevant le CYC pour une atteint
reste une éventualité rare mais potentiellement grave. lupique multiviscérale par rapport à ceux traités pour
Contrairement au patient infecté par le VIH, la maladie une néphropathie lupique isolée. Ces infections sont
à CMV survient à des taux relativement conservés de probablement sous diagnostiquées, du fait de la nécessité
lymphocytes CD4 [17]. Elle peut se manifester par une de réaliser des prélèvements invasifs et de l’existence de
fièvre (80% des cas), un syndrome pseudogrippal, et ou similitudes cliniques avec le LED pouvant conduire à tort à
des manifestations viscérales : pneumopathie, hépatite, intensifier son traitement de fond [9].
pancréatite, colite, rétinite, plus rarement encéphalite ou a. Infections à levures
myocardite. Elle peut plus rarement se compliquer d’atteinte
Les infections à levures sont les plus fréquentes au cours
multiviscérale [5-18]. Du fait de sa rareté et de la diversité
du LED. Candida spp. et C. neoformans sont les deux
de sa présentation, la maladie à CMV est probablement
pathogènes fongiques les plus fréquemment retrouvés
sous-diagnostiquée chez le patient lupique, elle doit être
chez le patient lupique [8].
évoquée devant toute symptomatologie non spécifique
ou une poussée lupique. Quatre antiviraux actifs sur le • Infection à candida
CMV sont actuellement disponibles : le ganciclovir et son Les candidoses représentent les complications fongiques
précurseur oral le valganciclovir, le foscarnet [16,17]. La les plus fréquentes, en particulier chez les patients traités
durée du traitement et la place du traitement d’entretien par des corticoïdes. Les localisations sont essentiellement
sont mal codifiées [18,19]. buccales, buccooesophagiennes et génitales [1].
c. Infection à humain papillomavirus (HPV) • Cryptococcose
La prévalence d’infection génitale à HPV est relativement La dose de CTC est un facteur de risque de cryptococcose
plus importante chez les patientes atteintes de LED par neuroméningée (CNM) chez le lupique [8]. Ce diagnostic
rapport à la population générale (12 à 20 % contre 7 doit être évoqué devant toute atteinte neurologique fébrile
%) et devenait significative pour les infections multiples survenant chez un patient lupique. Le tableau clinique est
et certains HPV à haut risque oncogène tels que HPV 16 souvent d’installation insidieuse et peu spécifique d’où la
[20]. difficulté diagnostique liée à la similitude des tableaux
La prévalence d’anomalies cytologiques au frottis cervical et cliniques entre neurolupus et infection neuroméningée
des lésions précancéreuses est significativement augmenté [8]. Il faut rappeler que le LCR peut être normal. Des
avec un risque jusqu’à onze fois plus élevé de dysplasie manifestations extra neurologiques notamment cutanées et
cervicale précancéreuse chez les patients lupiques que pulmonaires sont possibles dans les formes les plus graves
dans la population générale ; d’où l’intérêt d’un dépistage [1]. La CTC est associée à un plus mauvais pronostic et à
plus régulier que dans la population générale par la un plus grand risque de rechute [8].
réalisation d’un frottis tous les 3 ans après deux frottis b. Pneumocystose (PC)
normaux à un an d’intervalle. La vaccination anti-HPV est
La PC est aussi décrite chez des patients lupiques. Elle est
recommandée chez les femmes porteuses de LED et avant
de plus en plus observée du fait de l’immunodépression
l’introduction d’un traitement immunosuppresseur [20].
engendrée par les médicaments cytotoxiques
d. Infection à virus JC essentiellement le CYC. Le seuil de lymphocytes en dessous
Les patients lupiques sont prédisposés au développement duquel le risque de survenue de PC est majoré, n’est pas
d’une LEMP (leucoencéphalite multifocale progressive). connu au cours de LED.
Très peu de données permettent de guider la prise en charge Il s’agit le plus souvent d’une pneumopathie fébrile à
d’une LEMP en dehors du VIH. La levée d’immunodépression début brutal, souvent d’emblée sévère et hypoxémiante,
est un élément important. L’intérêt de la mirtazapine et du extensive et bilatérale, évoluant rapidement vers
mefloquine a été récemment évoquée [5]. l’insuffisance respiratoire aigue avec une mortalité globale

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de plus de 30%. La PC doit être évoquée de principe permettant de préjuger de façon fiable l’origine infectieuse
devant toute pneumopathie sévère et conduire rapidement d’un syndrome fébrile chez les patients atteints de LED.
à la réalisation d’un lavage broncho-alvéolaire (LBA). Un Une hypocomplémentémie ou des titres élevés d’anticorps
traitement probabiliste doit être débuté au moindre doute anti-ADN représentent des éléments biologiques
associé à une antibiothérapie à large spectre. Le traitement d’orientation vers une poussée lupique. L’utilisation de
repose sur le Bactrim fort à la dose de six comprimés par certains paramètres a été proposée :
jour pour une durée de trois semaines [7]. Actuellement,
Protéine c-réactive (CRP)
il n’y a pas de recommandations pour la prévention de la
Une élévation importante de la CRP peut orienter vers
PC aux patients chez qui ces lymphocytes sont inférieurs
un foyer infectieux. C’est une donnée sensible mais peu
à 200/mm3 [15].
spécifique en faveur d’une infection bactérienne car
c. Aspergillose observée dans un tiers des cas au cours des poussées.
Dans la plus grande série de la littérature, 40 cas Dans la pratique, l’intérêt de la CRP tient surtout au fait de
d’aspergillose chez des patients lupiques ont été rapportés sa bonne valeur prédictive négative [7].
dont 35 cas d’aspergilloses invasives. Elle se manifeste
par une pneumopathie fébrile sévère et peut parfois Procalcitonine (PCT)
s’accompagner de signes extrapulmonaires simulant une L’utilisation de ce marqueur est un outil biologique
poussée lupique. Le pronostic est dramatique avec une sensible et spécifique pour différencier une complication
mortalité voisine de 100% [7]. infectieuse bactérienne et/ou parasitaire sévère d’une
Compte tenu de sa gravité, ce diagnostic devrait être poussée lupique, en l’absence de point d’appel et ou
évoqué chez tout patient lupique avec un tableau foyer infectieux évident. Cependant, la PCT garde une
clinicoradiologique compatible. Le recherche de l’antigène mauvaise valeur prédictive négative en cas d’infection
aspergillaire (galactomanane) dans le LBA semble être virale ou à mycobactéries [7].
une technique prometteuse pour le diagnostic [7, 8].
Bilan préthérapeutique
d. Histoplasmose
Le risque infectieux, majoré par la CTC, impose le
Chez les patients lupiques, une quinzaine de cas dépistage des foyers infectieux latents avant la mise en
d’histoplasmose a été rapportée. Les symptômes peuvent route d’un traitement à base de CTC ou d’IS et la pratique
mimer une poussée de LED, dont un neurolupus et d’un bilan complet devant toute fièvre non clairement
l’évolution est torpide. L’élément anamnestique majeur liée à une poussée lupique. Les infections doivent être
correspond au séjour en zone d’endémie [8]. recherchées de façon précoce et assidue.

Marqueurs biologiques de Dépistage de la tuberculose


l’infection Il est indispensable de dépister à l’instauration de
Il est souvent difficile de différencier des poussées toute CTC, une tuberculose latente. Il n’existe aucune
lupiques en l’absence de point d’appel infectieux recommandation spécifique au lupus concernant le
cliniquement évident. La fièvre peut faire partie intégrante dépistage d’une infection tuberculeuse latente [9]. Aussi, Il
des manifestations cliniques du LED lors des poussées, n’existe aucune donnée rapportée sur la valeur des tests in
le syndrome d’activation macrophagique peut émailler vitro de sécrétion d’Interféron-Gamma par les lymphocytes
l’évolution de LED et le facteur infectieux déclenchant peut T dans le dépistage des infections tuberculeuses au cours
être soit une infection bactérienne soit d’origine virale. du LED. Dans l’évaluation du rapport bénéfice-risque à
Aussi, la complication infectieuse et la poussée évolutive traiter une éventuelle infection tuberculeuse latente, il est
de la maladie lupique peuvent coexister. important de rappeler le rôle inducteur ou accélérateur de
lupus de l’isoniazide [10].
La CTC et/ou le traitement immunosuppresseur peuvent
masquer un syndrome infectieux en particulier en cas de Recherche de l’infection à CMV
sepsis intra-abdominal. Au cours de l’insuffisance rénale Les observations d’infection à CMV révélatrices de LED
sévère secondaire au LED, la fièvre peut être absente rapportées dans la littérature incitent à rechercher les
même en cas d’infection sévère [7]. marqueurs de l’infection à CMV (taux d’Ig G et Ig M sériques)
Il n’existe pas à ce jour de marqueur biologique reconnu à chaque découverte de LED et ce avant tout traitement IS [20].

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Dépistage des infections fongiques invasives (IFI) La prophylaxie peut se discuter chez les patients les
• Cryptococcose plus fortement à risque de développer une PC: maladie
lupique très active, surtout en cas d’atteinte rénale,
La difficulté diagnostique liée à la similitude des tableaux
traitement par CTC à doses importantes ou par IS, surtout
cliniques entre neurolupus et CNM peut être contournée
en cas de lymphopénie avec diminution des lymphocytes
par l’analyse des données complètes du LCR (encre de
CD4. Certaines équipes proposent une prophylaxie
chine, antigène cryptocoque, culture), même en l’absence
systématique par trimétoprime- sulfaméthoxazole chez
de traitement IS [8].
tous les patients traités par CYC. Les sulfamides, semblent
• Histoplasmose être responsables de plus d’allergies chez le sujet lupique
La majorité des cas d’histoplasmose sous traitement IS ne que chez les sujets sains, et pourraient avoir un rôle
correspondent pas à des réactivations mais plutôt à des accélérateur/inducteur de lupus [9].
infections de nono. Pour les patients ayant vécu ou voyagé • Cryptococcose
en zone d’endémie, une évaluation s’impose avant le
Une prophylaxie secondaire prolongée (au moins six mois)
début des IS : recherche des anomalies radiologiques par fluconazole après le traitement d’une cryptococcose
(lésions pulmonaires ou spléniques calcifiées) ou sérologie chez un patient toujours immunodéprimé doit être
témoignant d’un contact passé. La prophylaxie n’est pas proposée [8].
systématique, mais le clinicien doit être prévenu du risque
• Lors de l’initiation des traitements, il est indiqué de
de réactivation [8].
proposer un traitement systématique prophylactique de
l’anguillulose.
Prévention du risque infectieux
• La prévention des infections à mycobactérie atypique
Il est important d’insister sur la prévention de la survenue
(avium) n’est pas actuellement recommandée dans le LED.
de ces complications infectieuses par la chimioprophylaxie
et la vaccination. Recommandations vaccinales
Chimioprophylaxie Le lupus ne constitue pas en soi une indication à un
calendrier vaccinal spécifique. Les vaccins recommandés
Le traitement prophylactique repose essentiellement sur la
pour ces patients lupiques recevant un traitement CTC et /
surveillance et la prophylaxie de la tuberculose, ainsi que
ou IS au long cours sont les vaccins du Calendrier vaccinal
la prescription du triméthoprime Sulfaméthoxazole.
et les vaccins grippe, et pneumocoque [24].
a. Prévention des infections bactériennes
Les vaccins inactivés ou recombinants sont recommandés.
La prophylaxie de l’endocardite, lorsqu’il existe des Les vaccins vivants atténués viraux ou bactériens sont
lésions valvulaires ou des prothèses se fait selon les contre-indiqués chez les patients recevant un traitement
recommandations récentes en privilégiant l’amoxicilline 3 IS ou CTC à dose immunosupressive: BCG, fièvre jaune,
g en 1 prise (2 g possibles) avec chez les allergiques un oreillons, polio orale, rougeole, rubéole, varicelle [9, 24].
macrolide ou un glycopeptide (Vancomycine) [23]. Il est recommandé de mettre à jour les vaccinations le plus
b. Prévention de la tuberculose tôt possible avant la mise en route du traitement IS [24] et
Chez les patients devant recevoir une CTC à dose Il est habituel d’attendre un délai de 3 mois après l’arrêt
importante et ayant des antécédents de tuberculose non de tout traitement IS avant de pratiquer un rappel ou avec
traitée et spontanément guérie, ou ayant eu un contact un vaccin viral vivant [2, 22].
récent avec une personne atteinte, ou provenant d’une Certaines vaccinations sont particulièrement indiquées
zone d’endémie tuberculeuse, une prophylaxie pourra chez les patients lupiques traités par IS et / ou CTC comme
être proposée en fonction de l’enquête infectieuse qui sera la vaccination antigrippale annuelle par le vaccin inactivé
effectuée (test à la tuberculine, radiographie de thorax) et le vaccin contre les infections invasives à pneumocoque
[10]. qui doit se faire avec le vaccin polyosidique conjugué
suivi du vaccin non conjugué [23]. Il Permet d’avoir une
c. Prévention des IFI
réponse anticorps satisfaisante dans le mois qui suit la
Aucune donnée de la littérature ne permet de proposer vaccination. Il n’a pas été observé de poussée évolutive
une prophylaxie systématique des IFI [8]. de la maladie au décours de la vaccination. Ce vaccin
• Infection à Pneumocystis jiroveci contre le pneumocoque est recommandé avec un rappel

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Les complications infectieuses au cours du lupus érythémateux disséminé

tous les 5 ans [7]. 9. Mouthon L, Salmon D. Risque infectieux et maladies systémiques :

Ces deux vaccins sont bien tolérés et n’induisent où en sommes nous en 2009 ? Presse Med 2009; 38: 232-4.

pas d’aggravation de la maladie. Ils sont moins 10. Ben m’rad M, Gherissi D, Mouthon L et al. Risque de tuberculose
immunogéniques que chez les sujets sains, surtout si la au cours des maladies systémiques. Presse Med 2009;38: 274-90.
maladie est active et traitée par IS. Cependant, Il y a un
11. Hanslik T, Niedziolka P, Kernéis S et al. Vaccinations chez les
risque de poussée évolutive de la maladie lupique chez les
patients ayant une maladie systémique. Presse Med 2009; 38:
sujets âgés de plus de 65 ans, en cas de bronchopathie
235-42.
chronique obstructive, insuffisance cardiaque [2, 22].
12. Ben Abdelghani K, El Kossai I, Mahfoudhi M. Infection à
Conclusion Salmonella au cours du lupus érythémateux systémique. Rev Med

Le risque infectieux est élevé au cours du LED. Les Int 2009:77-151.


cliniciens doivent être vigilants pour la surveillance 13. Royera M, Puéchal X. La mucormycose au cours des maladies
et le dépistage précoce des foyers infectieux et des systémiques auto-imunes. Rev Rhum 2014; 81: 286-90.
comorbidités infectieuses dans le cadre du bilan initial des
14. S. Callefi Hirata S, Cedaro de Mendonça J, Cristina A et al. Brazilian
patients atteints de lupus. Les stéroïdes et les IS doivent
Tuberculous otomastoiditis in patient with lupus Otomastoidite
être utilisés avec prudence pour réduire les complications
tuberculosa em lúpico. Braz J Otorhinolaryngol 2014; 81: 92-3.
liées à l’infection.
Nous souhaitons que cette mise au point puisse aider les 15. To U, Kim J, Chia D. Lupus Flare: An Uncommon Presentation of

praticiens à prendre en charge le risque infectieux de leurs Disseminated Gonorrhea. Case Reports in Medicine 2014:1-3.

patients atteints de LED et qu’il serve éventuellement de 16. Roblot F, Godet G, Kauffmann C et al. Current predisposing factors
base de réflexion pour l’élaboration de recommandations for Pneumocystis pneumonia in immunocompromised HIV-negative
pratiques pour la prévention du risque infectieux sur ce patients. J Myco Med 2009; 19: 285-9.
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17. Bezanahary H, Inaoui R, Allot V. etc.Ly K. Systemic lupus

Déclaration d’intérêt erythematosus and herpes virus infection: three new observations.
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Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt.
18. Bezanahary H, Inaoui R, Allot V et al. Systemic lupus erythematosus
Références and herpes virus infection: three new observations. Rev Med Int
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Revue Marocaine de Rhumatologie

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