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Iris Nguyên-Duy
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IRIS NGUYÊN-DUY*
Loveland3. Dix ans après, à l’occasion de son 70e anniversaire, onze experts
de la Constitution britannique (dont Dawn Oliver, Joseph Jaconelli,
David Feldman, Peter Riddell et Richard Gordon QC), mais aussi un
constitutionnaliste français (Denis Baranger4), lui ont rendu hommage
dans des Mélanges coordonnés par celui qui est considéré comme le spé-
cialiste international des référendums, Matt Qvortrup5. L’étude de la
Constitution britannique est un sujet extrêmement difficile à appréhender
dans sa globalité. Ancrée dans une histoire, une culture et des traditions
diverses, elle requérait tant l’approche doctrinale de spécialistes qu’une
analyse transdisciplinaire par des historiens, des constitutionalistes et des
politologues qui, joignant leurs forces, ont apporté un éclairage actualisé
à la Constitution britannique.
L’intitulé des Mélanges Bogdanor condense, avec une simplicité
magistrale, les caractéristiques essentielles de la Constitution britannique
en deux mots : continuité et changement.
Bien que certains auteurs aient tenté autrefois de réfuter son existence
(Alexis de Tocqueville ou Thomas Paine, par exemple6), personne ne doute
aujourd’hui que la Constitution britannique est une réalité7. Mais c’est
une réalité non écrite dont il s’agit, ou plus exactement, non codifiée,
puisqu’elle ne se trouve pas figée dans un document écrit unique8. Il est
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3. V. Bogdanor (ed.). The British Constitution in the Twentieth Century, Oxford, Oxford
University Press, 2003.
4. D. Baranger, Ecrire la Constitution non-écrite : une introduction au droit politique britan-
nique, Paris, Puf, « Léviathan », 2008. Une version française de la contribution du pro-
fesseur Baranger aux Mélanges Bogdanor est disponible en ligne : D. Baranger, « Sur la
manière française de rendre la justice constitutionnelle », Jus Politicum n° 7, 2012, http://
www.juspoliticum.com/Sur-la-maniere-francaise-de-rendre.html, site consulté en août 2013.
5. M. Qvortrup (ed.), The British Constitution. Continuity and Change. A festschrift for Vernon
Bogdanor, Oxford, Hart Publishing, 2013.
6. A. De Tocqueville, De la démocratie en Amérique, 1848, http://www.gutenberg.org/files
/30513/30513-h/30513-h.htm, site consulté en août 2013 ; T. Paine, Rights of Man, 1791,
vol. II., chap. 4, http://www.constitution.org/tp/rightsman2.htm, site consulté en août 2013.
7. Toutefois, avant l’adoption du Human Rights Act de 1998, il aurait été difficile de lui
appliquer à la lettre l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen française
de 1789 selon lequel « Toute Société dans laquelle la garantie des Droits n’est pas assurée, ni
la séparation des Pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. » Le Bill of Rights de 1689
est néanmoins considéré comme faisant partie de la Constitution britannique.
8. À l’instar du Royaume Uni, Israël et la Nouvelle Zélande sont les seules démocraties
n’ayant pas de véritable Constitution écrite.
La Constitution britannique : continuité et changement 583
11. Personne (pas même les cours) ne peut contester ou remettre en cause les lois votées
par le Parlement. La souveraineté du Parlement est considérée comme le principe fonda-
mental du droit britannique. Le Parlement souverain a le pouvoir de déterminer la nature de
la Constitution.
12. Pour un exemple français, voir S. Rials, J. Boudon, Textes constitutionnels étrangers, Paris,
Puf, « Que sais-je », n° 2060, 2012. Au chapitre consacré à la Grande Bretagne, on trouve : la
Grande Charte, le Statut « De tallagio non concedendo », la Confirmation de la Grande Charte,
la Pétition du droit, l’Acte d’amendement de l’Habeas corpus (1679), le Bill des droits, l’Acte
d’établissement (1701), le Parliament Act de 1911, le Parliament Act de 1949, la loi sur les
droits de l’homme de 1998, la loi sur l’Écosse de 1998, la loi sur la Chambre des Lords, la
loi de réforme de la Constitution de 2005 et la loi sur la durée déterminée des législatures
(« Fixed-term Parliaments Act 2011 »). Si cette liste était remise à jour, il faudrait rajouter le
European Union Act de 2011 et, éventuellement, le Succession to the Crown Act de 2013.
La Constitution britannique : continuité et changement 585
l’ensemble des lois, des règles et des pratiques qui créent les institutions fon-
damentales de l’État, et ses éléments et pièces connexes, et précisent les pouvoirs
de ces institutions et les relations entre les différentes institutions et entre les
institutions et les individus17.
Il a ajouté à cette « définition de travail » la liste des cinq principes de
base sur lesquels le système juridique britannique repose : 1) la souveraineté
de la Couronne-en-Parlement, 2) l’État de droit, qui inclut les droits de la
personne, 3) l’Union des quatre pays ou nations, Angleterre, Ecosse, pays
de Galles, Irlande du Nord (the Union State), 4) le gouvernement représen-
tatif, 5) l’adhésion au Commonwealth, à l’Union européenne et à d’autres
organisations internationales. Dix ans après, le même comité estime que sa
définition a fait ses preuves et a surmonté l’épreuve du temps.
Une difficulté majeure est que ces définitions et ces catégorisations
restent superficielles et n’aident pas particulièrement à distinguer ce qui est
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17. « […] The set of laws, rules and practices that create the basic institutions of the state,
and its component and related parts, and stipulate the powers of those institutions and the
relationship between the different institutions and between those institutions and the indi-
vidual. » House of Lords Constitution Committee, Reviewing the Constitution. Terms of reference
and method of working, (2001), 1rst Report, Session 2001-2002, HL Paper 11, http://www.
publications.parliament.uk/pa/ld200102/ldselect/ldconst/11/1103.htm#note11, site consulté
en août 2013.
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24. « In general conventions have served the constitution well in filling a gap between
constitutional formality, in the sense of defining what the actors should do to make the
constitution work, and political reality, in the sense of determining how such conduct might
be modified to take account of changing circumstances. » P. Leyland, The Constitution of the
United Kingdom, op. cit., p. 42.
25. D. Feldman, « Constitutional Conventions », in M. Qvortrup (ed.), The British
Constitution : Continuity and Change, op. cit., pp. 93-119. Il explique en effet : « It is tradition,
not law, which is the core and essence of the Constitution. Constitutional conventions are a
key expression of that tradition and they provide legitimacy to the Constitution. » (p. 95) ;
« The classical concept of “convention” covers a wide range of types of non-legal norms and
statements of useful practices. They are constitutional if they concern institutions of the State,
whether by constituting them (as in the case of the Cabinet), managing them or guiding
their relationships with other institutions of the State. A constitutional convention is rooted
in a constitutional tradition : important ones represent judgements as to the weighting of
conflicting constitutional principles ; less important ones (such as statements of efficient
working practices) are neutral as between constitutional principles. » (pp. 118-119). Notons
néanmoins que les conventions constitutionnelles sont différentes des normes écrites à bien
des égards. Il ne faut pas oublier que, loin de confirmer certaines règles constitutionnelles
formelles, certaines conventions, dont quelques-unes parmi les plus importantes, les contre-
disent et/ou jouent un rôle bien différent. Ibidem, p. 112.
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26. Le professeur Dawn Oliver est d’un avis contraire : « Much has not changed since
Griffith’s article. » ; « Griffith’s political constitution is still going strong : but within the
Coalition it is less party-based and less secret than it was. » – D. Oliver, « The Politics-
Free Dimension to the UK Constitution », in M. Qvortrup (ed.), The British Constitution :
Continuity and Change, op. cit., pp. 70, 92. Voir également J. Beatson, op. cit., p. 71.
27. M. Loughlin, « What is Constitutionalisation? », in P. Dobner, M. Loughlin (ed.), The
Twilight of Constitutionalism, Oxford, Oxford University Press, 2010. Écouter également le
podcast (en anglais) de M. Loughlin, « What is Constitutionalization ? / Qu’est-ce que la
constitutionnalisation ? », http://juspoliticum.com/Qu-est-ce-que-la.html, site consulté en
août 2013.
28. Voir le contexte et la raison pour lesquels le Parliament Act de 1911 a été adopté,
par exemple. Pour une presentation des différentes méthodes pour transformer une conven-
tion constitutionnelle en norme juridique, voir J. Jaconelli, « Conventions : Continuity and
Change », op. cit., pp. 136-138.
29. D. Butler, « The Changing Constitution in Context », op. cit., p. 12, 16.
La Constitution britannique : continuité et changement 591
30. M. Qvortrup, « “Let me Take You to a Foreign Land” », in M. Qvortrup (ed.), The
British Constitution : Continuity and Change, op. cit., p. 58 sq.
31. G. Gee, Webber, G.C.N., « What is a Political Constitution ? », Oxford Journal of Legal
Studies, 2010, vol. 30 (2), pp. 273-299, p. 286, 290, 299.
32. M. Qvortrup, « “Let me Take You to a Foreign Land” », op. cit., p. 61.
33. [2002] UKHL 32, § 11, Lord Bingham : « The 1998 Act does not set out all the consti-
tutional provisions applicable to Northern Ireland, but it is in effect a Constitution. »
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sans limite. Il ne peut pas faire et défaire les lois comme il l’entend34 » -
sous-entendant ainsi qu’il est limité par une norme supérieure à valeur
constitutionnelle.
Se concentrant sur la période où le New Labour était au pouvoir,
Matthew Flinders et Dion Curry soutiennent, quant à eux, qu’en ce
qui concerne tant la nature de la démocratie britannique, que les chan-
gements constitutionnels qui y sont liés, il n’y a pas eu passage d’un
modèle à un autre, mais que le New Labour a utilisé, depuis son arrivée
au pouvoir, une approche hybride, en appliquant non pas un, mais
deux modèles simultanément, un pour le « centre » et l’autre pour la
« périphérie ». C’est ce qu’ils appellent la « bi-constitutionnalité ». Le
New Labour a montré sa volonté d’organiser la dévolution du pouvoir
entre les différentes nations du Royaume-Uni, de renforcer les pou-
voirs des autres acteurs constitutionnels vis-à-vis de l’Exécutif, entre
autres, « dans le sens d’un « modèle de démocratie plus pluraliste et
consensuel » (a move towards a more pluralist and more consensual model
of democracy), tout en restant très attaché au modèle de Westminster
en ce qui concerne ses « orientations méta-constitutionnelles35 » (meta-
constitutional orientations).
Matt Qvortrup présente également le Human Rights Act 1998 comme
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34. [2011] 3 WLR 871, § 46, Lord Hope : « The Scottish Parliament’s power to legislate is
not unconstrained. It cannot make or unmake any law it wishes. » http://www.supremecourt.
gov.uk/decided-cases/docs/UKSC_2011_0108_Judgment.pdf, site consulté en août 2013.
On remarquera le contraste entre le pouvoir législatif souverain du Parlement britannique
– et la règle, énoncée par Dicey, selon laquelle le Parlement britannique peut faire et défaire
n’importe quelle loi – et celui du Parlement écossais.
35. M. Flinders, D. Curry, « Bi-constitutionality : Unravelling New Labour’s Constitutional
Orientations », Parliamentary Affairs, 2008, vol. 61 (1), pp. 99-121, p. 113.
36. M. Qvortrup, « “Let me Take You to a Foreign Land” », op. cit., p. 61, 67 : « If by
constitution we mean a document that limits the exercise of power within the confines of that
document then the Human Rights Act has many of the hallmarks of a constitution », « the
Human Rights Act 1998 has become a de facto constitution. »
37. Le Human Rights Act ne limite pas de jure le pouvoir législatif du Parlement, puisque les
cours de justice n’ont toujours pas la possibilité d’annuler une loi adoptée par Westminster.
Elles ne peuvent qu’en déclarer l’incompatibilité et le Parlement peut en prendre acte ou ne
rien faire. Voir I. Nguyên-Duy, La souveraineté du Parlement britannique, op. cit. Sur les 27 décla-
rations d’incompatibilité prononcées entre 2000 et 2010, 8 ont été renversées en appel. Les
déclarations de certains juges dans l’arrêt Jackson restent minoritaires. Voir Jackson v. Attorney
General [2006] AC 262.
La Constitution britannique : continuité et changement 593
38. D. Oliver, « The Politics-Free Dimension to the UK Constitution », op. cit., pp. 69-92.
39. « Efforts have been made to immunise many areas of public administration and govern-
mental policy from “bad politics” », « to limit party political, subjective, partisan or selfish
considerations and processes in politicians” decision making. » Ibidem, p. 71.
40. Voir le Franks Report, Administrative Tribunals and Enquiries, 1957, Cmnd. 218 ; PASC,
Mapping the Quango State, 2000-2001, HC 367.
594 Iris Nguyên-Duy
41. Sur les « constitutional moments », voir, entre autres, B. Ackerman, We, The People,
Cambridge, Massachusetts, Belknap Press of Harvard University Press, 1991.
42. Le référendum sur l’indépendance de l’Écosse qui sera organisé par le Parlement écos-
sais le 18 septembre 2014 menace d’ébranler fortement la Constitution britannique. La crise
constitutionnelle qui en découlerait pourrait être considérée comme un moment constitu-
tionnel si elle résulte en une modification radicale de la Constitution, voire une sécession du
Royaume-Uni. Voir S. Tierney, « The Three Hundred and Seven Year Itch’ : Scotland and the
2014 Independence Referendum », in M. Qvortrup (ed.), The British Constitution : Continuity
and Change, op. cit., p. 141.
43. Pour des exemples d’évolution de conventions constitutionnelles, voir J. Jaconelli,
« Conventions – Continuity and Change », in Qvortrup, M. (ed.), The British Constitution :
Continuity and Change, op. cit., pp. 124-135.
44. Il convient de préciser que les déclarations très controversées faites par certains juges de
la Chambre des Lords dans l’arrêt Jackson (Lord Hope, Lord Steyn, Baroness Hale), suggérant
qu’il existe des limites à la souveraineté parlementaire et que la souveraineté parlementaire
était une création du common law, ont été prononcées « obiter ». Voir R. (Jackson) v. Attorney
General [2005] UKHL 56.
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48. House of Lords, Select Committee on the Constitution, The Process of Constitutional
Change, 15th report of session 2010-12, 2011, HL Paper 177, § 11, http://www.publications.
parliament.uk/pa/ld201012/ldselect/ldconst/177/177.pdf, site consulté en août 2013.
49. Voir R. Gordon, op. cit., p. 160-161.
50. « It is intrinsic in the United Kingdom’s constitutional arrangements that we do not
have special procedures for dealing with constitutional reform. […] The first stumbling point,
as the Committee has itself noted, is the problem of the definition of what should be subject
to special treatment. It is for this reason that the Government continues to believe that special
procedures are inappropriate. » The Government Response to the House of Lords Constitution
Committee Report “The Process of Constitutional Change”, 2011, Cm 8181, http://www.
official-documents.gov.uk/document/cm81/8181/8181.pdf, site consulté en août 2013.
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51. Ou plutôt « endurer », si l’on reprend le terme des professeurs Elkins et Ginsburg.
Z. Elkins, T. Ginsburg, J. Melton, The Endurance of National Constitutions, Cambridge,
Cambridge University Press, 2009.
52. La frilosité exprimée par Anthony King à l’égard de la nécessité d’une codification
n’est pas sans fondement : « There is no need for a written constitution […] the United
Kingdom has already undergone – ever since the late 1960s – a period of intense and unre-
metting constitutional change. Good sens would seem to suggest that the time has come to
pause, to absorb the changest hat have already taken place and to reflect upon them, certainly
before embarking on new and potentially hazardous constitutional adventures. » A. King, The
British Constitution, Oxford, Oxford University Press, 2007, p. 353, 365.
La Constitution britannique : continuité et changement 599
depuis la fin des années 1990, conjuguée avec l’absence d’intérêt que lui
porte le peuple, est révélatrice d’un décalage, d’une inadéquation entre
le procédé mis en œuvre, le choix du sujet et les problèmes auxquels
le Royaume-Uni est confronté. La classe politique traditionnelle n’a pas
réussi à suivre l’évolution de la société, ni à juguler la crise économique et
se retrouve à essayer, tant bien que mal, de faire coïncider ses initiatives
et ses actions avec les attentes du peuple, en adoptant davantage de lois.
Le Royaume-Uni a donc probablement besoin d’un nouveau type d’arran-
gement constitutionnel (a new constitutional settlement).
Il y a plus d’un siècle, Dicey qualifiait la Constitution britannique
d’« historique », non seulement de par son âge et sa longévité, mais aussi
parce que, comme l’explique Vernon Bogdanor, elle était « originale et
spontanée, un produit de l’évolution plutôt que d’un dessein délibéré,
fondée moins sur des règles codifiées que sur des ententes tacites65. »
Aujourd’hui, au contraire, avec le European Communities Act, le Human
Rights Act et l’ensemble de la législation sur la dévolution, sans compter
les référendums et la loi sur la durée déterminée des législatures (Fix-Term
Parliaments Act) de 2011, la plus grande visibilité des réformes constitu-
tionnelles en général (notamment du fait qu’elles prennent, pour la plu-
part, la forme d’actes parlementaires), la Constitution est de plus en plus
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65. « […] Original and spontaneaous, a product of evolution rather than deliberate design, based
less on codified rules than on tacit understandings. » V. Bogdanor, « Book review : E. Wicks,
The Evolution of a Constitution : Eights Key Moments in British Constitutional History », op. cit.,
p. 484.
66. « Based on deliberate design », « The Constitution is being refashioned in a highly conscious and
deliberate way. », idem.
La Constitution britannique : continuité et changement 603
La langue d’un code moderne doit être accessible à tous et, autant que
possible, sans archaïsmes ni jargon professionnel technique67 ».
L’idée d’une codification de la Constitution britannique n’est pas nou-
velle. Il y a eu des propositions dans ce sens depuis les années 1970,
provenant d’individus ou de groupes politiques très différents. Le parti
travailliste, parti d’opposition entre 1979 et 1997, y voyait un moyen
d’établir un système constitutionnel de poids et contrepoids (checks and
balances) afin de mieux contrôler la dictature élective (elective dictatorship)
des conservateurs. Les libéraux démocrates ont également toujours sou-
tenu cette idée. L’idée d’une Constitution écrite a attiré l’attention lorsque
Gordon Brown, en tant que Chancellor of the Exchequer, puis en tant que
Premier ministre, l’a prônée, notamment dans le livre vert (green paper)
du gouvernement de 200768. Aujourd’hui, la Chambre des communes
s’interroge sur sa nécessité et a confié la tâche d’enquêter à ce sujet à son
Political and Constitutional Reform Committee69.
Une codification de la Constitution britannique aurait un apport démo-
cratique indéniable : elle permettrait aux citoyens de mieux connaître la
Constitution et ses mécanismes, les droits et devoirs qui sont les leurs et
également ceux des gouvernants.
Elle pourrait également jouer un rôle symbolique qui accroîtrait proba-
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67. « [A] true codification is an original work and, in contrast to a compilation, must be intended as
a general, exhaustive regulation of a particular area of law (for example, civil law or civil procedure).
Furthermore, the drafting of a code involves a coherent programme and a consistent logical structure. The
language of a modern code ought to be accessible to all and, as far as possible, free from archaisms and
technical professional jargon. » R.C. Van Caenegem, An Historical Introduction to Private Law,
Cambridge, Cambridge University Press, 1992, p. 12.
68. The Governance of Britain, op. cit., § 212.
69. L’idée est à l’étude. Le Comité de réforme politique et constitutionnelle de la Chambre
des communes étudie la question. Voir notamment : Mapping the path to codifying – or not codi-
fying – the UK constitution, http://www.publications.parliament.uk/pa/cm201213/cmselect/
cmpolcon/writev/mapping/contents.htm, site consulté en août 2013.
604 Iris Nguyên-Duy
Conclusion
soit rendue plus aisée avec l’utilisation plus fréquente des lois pour les
modifications les plus importantes de la Constitution. La meilleure (et
seule ?) façon de se faire une idée de ce qu’est la Constitution britannique
est de multiplier les perspectives et les « angles d’attaques ». C’est pour-
quoi les mémoires Bogdanor sont un apport précieux à la littérature sur
le sujet : l’ensemble transdisciplinaire des contributions permet d’offrir
un « instantané sur le vif » informatif, expert et critique de l’état de la
Constitution britannique à jour de 2013.
Vernon Bogdanor conclut son ouvrage sur la coalition et la Constitution
avec la prédiction suivante :
« Cette ère [de réformes constitutionnelles] ne prendra fin que lorsque notre
système politique sera enfin en harmonie avec la philosophie publique de l’âge
post-bureaucratique, dont le mot d’ordre est la fluidité et dont le leitmotiv est
la souveraineté du peuple, le seul fondement sûr pour une nouvelle Constitution
britannique72. »
Pour le moment, en tout cas, comme l’explique Matt Qvortrup dans
son introduction aux mélanges Bogdanor, « les changements paraissent
révolutionnaires, mais une grande partie de la structure sous-jacente reste
inchangée73 » - notamment la volonté de ne pas entraver la souveraineté
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72. « That era [of constitutional reform] will come to an end only when our political system has come
to be congruent with the public philosophy of the post-bureaucratic age, whose watchword is fluidity and
whose leitmotif is the sovereignty of the people, the only sure foundation for a new British constitution. »
V. Bogdanor, The Coalition and the Constitution, Oxford, Hart Publishing, 2011. Voir aussi le
cours de Vernon Bogdanor sur ce thème, http://www.gresham.ac.uk/lectures-and-events/the-
coalition-and-the-constitution, site consulté en août 2013.
73. M. Qvortrup, op. cit., p. 4.
74. « A codifying measure, which would contain in a single piece of legislation all the key consti-
tutional principles and procedures which underpin the governance of the country. » S. Hockman, QC,
lettre au Times, 8 février 2006.
606 Iris Nguyên-Duy
75. La Chambre des communes étudie la question depuis 2010. Voir supra.
76. « Enacting of a constitution would be an attempt to capture the essence of a tradition that was
in the process of altering while it was being described » V. Bogdanor, S. Vogenauer, « Enacting a
British Constitution : Some Problems », Public Law, 2008, p. 41. Parmi les difficultés immé-
diates auxquelles seront confrontés ceux qui seront chargés de la codification : qu’inclure dans
la Constitution codifiée ? La rédaction d’une Constitution contraint toujours à faire des choix,
de forme et de fond. Sur quels principes la fonder ? Quel type de codification choisir ? Une
codification pour les juristes (a lawyer’s constitution) ou pour le peuple (a people’s constitution) ?
Voir sur ce dernier aspect, V. Bogdanor, T. Khaitan, S. Vogenauer, « Should Britain Have a
Written Constitution ? », Political Quarterly, 2007, pp. 503-505. Pour un exemple rédigé de
proposition de Constitution codifiée, ibidem, pp. 506-517.