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Outre-mers

Indo-britanniques et indo-portugais : la présence marchande dans


le Sud du Mozambique au moment de l'implantation du système
colonial portugais (de la fin du XIXe siècle aux années 1930)
Joana Pereira Leite

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Pereira Leite Joana. Indo-britanniques et indo-portugais : la présence marchande dans le Sud du Mozambique au moment de
l'implantation du système colonial portugais (de la fin du XIXe siècle aux années 1930). In: Outre-mers, tome 88, n°330-331,
1er semestre 2001. Outre-mers économiques : de l'Histoire à l'actualité du XXIe siècle. pp. 13-37;

doi : https://doi.org/10.3406/outre.2001.3835

https://www.persee.fr/doc/outre_1631-0438_2001_num_88_330_3835

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Résumé
A partir de la deuxième moitié du XIXème siècle, la diaspora marchande indienne se recompose dans l
'Océan Indien Occidental. Cet article se propose d'analyser l'importance de son impact au sud du
Mozambique, au moment de l'implantation du système colonial au XXème siècle. Une fois établi le
contexte et la nature des parcours qui sont à l'origine de la fixation asiatique dans cette région, nous
avons l'intention d'y identifier, d'une façon précise, les traces de sa présence. Toutefois, cette analyse,
menée à partir des sources écrites, d'archives et de la documentation publiée, ne permettra pas de
clarifier les innombrables zones d'ombres qui persistent aujourd'hui à encombrer ce domaine de
l'histoire mozambicaine. Ce qui nous amènera à mieux cerner les contours de l'invisibilité de cet objet.
Nous sommes convaincus que cette invisibilité, inhérente à la nature même des groupes sociaux en
situation de diaspora, ne pourra être levée grâce à la seule utilisation des sources écrites. C'est
pourquoi le recours aux témoignages oraux, aux méthodologies qualitatives, constitue à notre sens, le
parcours obligatoire pour établir la reconstruction des trajets familiaux et économiques de la
communauté et permettre ainsi une véritable analyse de la présence indienne au Mozambique.

Abstract
From the second half of the nineteenth century, the Indian trade Diaspora re-established itself in the
Eastern Indian Ocean. The goal of this paper is to assess the importance of its impact in Southern
Mozambique, at the time of the setting up of the colonial System in the twentieth century. After
presenting the context and the trajectories underlying the origins ofthe Asian presence in this area, we
intend to accurately identify the marks that it has left behind. However, this analysis, based on written
sources (archives andpublished documents), shall prove unable to clarify the countless foggy parts
that, to this day, still cast shadows over this part of the history of Mozambique. In turn, this will enable
us to delimit the boundaries of the invisibility of this subject. We are convinced that this invisibility,
infact inherent in the very nature of the social groups in Diaspora, cannot be overcome without
resorting to other than written sources. That is why we feel that is necessary to use oral testimonies
and qualitative methods in order to be able to reconstruct the economic and family trajectories of the
community and, thus, allow for a reliable analysis of the Indian présence in Mozambique.
Indo-britanniques et indo-portugais :
la présence marchande dans le Sud du Mozambique au
moment de l'implantation du système colonial portugais
(de la fin du XlXème siècle aux années 1930)

Joana PEREIRA LEITE


professeur à l'ISEG/UTL
(Instituto Superior de Economia e Gestâo/
Universidade Técnica de Lisboa)
et chercheuse au CESA/ISEG/UTL
(Centro de Estudos sobre Âfrica e do Desenvolvimento)

A partir de la deuxième moitié du XDCme siècle, la diaspora marchande


indienne se recompose dans l 'Océan Indien Occidental. Cet article se propose
d'analyser l'importance de son impact au sud du Mozambique, au moment de
l'implantation du système colonial au XX™"" siècle. Une fois établi le contexte et la
nature des parcours qui sont à l'origine de la fixation asiatique dans cette région,
nous avons l'intention d'y identifier, d'une façon précise, les traces de sa présence.
Toutefois, cette analyse, menée à partir des sources écrites, d'archives et de la
documentation publiée, ne permettra pas de clarifier les innombrables zones
d'ombres qui persistent aujourd'hui à encombrer ce domaine de l'histoire
mozambicaine. Ce qui nous amènera à mieux cerner les contours de l'invisibilité de
cet objet. Nous sommes convaincus que cette invisibilité, inhérente à la nature même
des groupes sociaux en situation de diaspora, ne pourra être levée grâce à la seule
utilisation des sources écrites. C'est pourquoi le recours aux témoignages oraux,
aux méthodologies qualitatives, constitue à notre sens, le parcours obligatoire pour
établir la reconstruction des trajets familiaux et économiques de la communauté et
permettre ainsi une véritable analyse de la présence indienne au Mozambique.

Mots-clés: Indo-Britanniques, Indo-Portugais, Mozambique, Hindou,


musulman, réseaux, Commerce, mobilité, marchand, diaspora,
système colonial.

From the second half ofthe nineteenth century, the Indian trade Diaspora
re-established itselfin the Eastern Indian Océan. The goal ofthis paper is to assess
the importance ofits impact in Southern Mozambique, at the time ofthe setting up of
the colonial System in the twentieth century. After presenting the context and the
trajectories underlying the origins ofthe Asian présence in this area, we intend to
accurately identify the marks that it has left behind. However, this analysis, based
on written sources (archives andpublished documents), shall prove unable to clarify'
the countless foggy parts that, to this day, still cast shadows over this part of the
history of Mozambique. In turn, this will enable us to delimit the boundaries ofthe
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invisibility ofthis subject. We are convinced that this invisibility, infact inhérent in
the very nature of the social groups in Diaspora, cannot be overcome without
resorting to other than written sources. That is why wefeel that is necessary to use
oral testimonies and qualitative methods in order to be able to reconstruct the
économie andfamily trajectories ofthe community and, thus, allow for a reliable
analysis ofthe Indian présence in Mozambique.

Keywords: Indo-British, Indo-Portuguese, Mozambique, Hindu, Muslim,


network, trade, mobility, merchant, Diaspora, colonial System.

À partir de la deuxième moitié du XDCtee siècle, la diaspora marchande


indienne se reconstitue dans l'Océan Indien occidental. Cet article se propose
d'analyser l'importance de son impact dans le sud du Mozambique, au moment de
l'implantation du système colonial portugais au XX*™' siècle. Pour clarifier la nature
des trajets effectués par la diaspora indienne au Mozambique il est essentiel de se
référer au contexte d'internationalisation poussée qui, à l'époque, entourait les
sociétés de l'Afrique orientale et australe. Ces parcours suivent deux chemins
historiques : le premier, initié vers la fin du XVH**"' siècle par la communauté
marchande "banian", originaire de Diu, passe par l'île de Mozambique. Le second
est emprunté par les marins musulmans en provenance de Bombay et de Surat :
voyageant sur les navires britanniques attirés par le commerce de l'ivoire depuis le
XVm*0* siècle, ils débarquaient directement à Lourenço Marques.
Il faut rappeler que le mouvement de renouvellement de la présence indienne
en "Afrique Orientale portugaise", historiquement attesté dès la deuxième moitié du
XDC*"" siècle et qui se prolonge jusqu'aux premières décennies de la période
coloniale, peut être décrit selon trois trajets essentiels1 ; la vague méridionale, se
forme dans le sud du Mozambique sous l'impact de deux facteurs : celui du
démarrage, dans la colonie britannique du Natal, de l'économie de plantation qui
s'appuie et se développe grâce au travail des immigrants indiens employés sous
contrat ; et, peu de temps après, par celui du boum minier dans la république Boer
du Transvaal. La route du Nord est stimulée simultanément par le dynamisme
marchand de Zanzibar et par la situation économique caractéristique de l'Inde
britannique de l'époque. Elle témoigne de la persistance d'une tradition marchande
durable pratiquée entre les deux côtés de l'Océan. Le dernier trajet est lié aux
précédents : il se dirige, soit vers les côtes mozambicaines, pour atteindre les
comptoirs swahilis situés au nord du Zambèze ou descend jusqu'à la frontière sud à
Delagoa Bay. Il est vrai qu'à l'époque le port de Lourenço Marques est un lieu
privilégié permettant d'accéder à cette sorte d'Eldorado qu'était devenu le
Transvaal, en raison du développement de l'industrie minière.
Le trajet de la vague méridionale qui a permis l'expansion marchande
au sud du fleuve Save, mérite toute notre attention. Il se produit à une
époque où, une fois conclues les « campagnes de pacification », le développement
économique portugais de cette région se définit surtout par la dynamisation d'une
économie de transit et d'émigration avec le Transvaal voisin. L'insertion régionale
de cette communauté (dans les districts de Lourenço Marques et d'Inhambane) peut
être envisagée sous deux aspects : partage d'un espace marchand avec les Indo-

1 À propos de la reconstitution de la diaspora indienne au Mozambique jusqu'aux premières décennies du XX*" siècle voir Pereira
LeiteJ (1996) pp 72-95.
Indo-britanniques et Indo-portugais... 15

Portugais (Diu et Damâo) dont la présence sur le territoire remonte à l'empire


asiatique portugais, ou conflits d'intérêts avec le petit commerce d'origine
européenne (Portugais et autres), récemment installé sur le territoire.
Les sources portugaises et britanniques ainsi que les travaux
d'historiographie contemporaine le confirment : la présence indienne pendant la
période d'implantation du système colonial portugais demeure l'un des domaines les
moins connus et les moins analysés de l'histoire du Mozambique. Les zones
d'ombre sont nombreuses. On sait que des facteurs d'hétérogénéité religieuse
différencient les communautés (hindouisme, islam sunnite et chiite/ismaélien-Khoja)
conditionnant ainsi leurs comportements, et par là même leurs stratégies d'insertion
dans les sociétés d'accueil. C'est pourquoi il est difficile de cerner quelle a été leur
contribution au développement économique, qui constitue notre champ d'étude.
Bien qu'elle soit pressentie en termes de globalité, et connue à travers leur
intervention dans certains secteurs clefs de l'économie coloniale, notamment au
niveau de la commercialisation interne et externe des oléagineux produits par le
secteur "traditionnel", de nombreux aspects restent à clarifier : Quelles sont les
pratiques sous-jacentes à leurs logiques commerciales ? Dans quelle mesure sont-
elles différentes des comportements rationnels des négociants européens ? Quelles
sont les formes d'interaction développées avec les autres acteurs situés au sein ou à
l'extérieur de la communauté ? Quels sont les parcours marchands quand il s'agit de
diversifier leur activité ?.. .Toutes ces questions et bien d'autres se posent, sans qu'il
soit nécessaire d'évoquer les difficultés rencontrées pour mesurer les résultats
économiques de leurs activités... Nous sommes convaincue que cette invisibilité,
inhérente à la nature même des groupes sociaux en situation de diaspora, ne pourrait
être levée grâce à la seule utilisation des sources écrites. C'est pourquoi le recours
aux témoignages oraux constitue pour nous un parcours obligatoire pour reconstruire
des trajets familiaux et économiques de la communauté, et permettre ainsi une
véritable analyse de la présence indienne au Mozambique.

1. Les Asiatiques au sud du Save. Permanence et renouvellement de la


diaspora marchande : des Indo-Portugais aux Indo-Britanniques.
Au début du XX*™6 siècle, la région méridionale du Mozambique est le terrain
d'élection de l'implantation indienne, bien que la présence commerciale d'éléments
de cette communauté apparaisse dans la documentation portugaise dès l'époque de
l'Empire asiatique (XVI^'-XVII*016 siècles). L'importance quantitative de cette
nouvelle vague de migration, originaire de l'Inde britannique, et qui est signalée
dans les sources écrites dès la fin du XK*""* siècle, est confirmée par le recensement
de la population de la colonie effectué en 1928. À cette époque, la population
(4 837 individus) installée dans la colonie, représentait 13,5 % du total
de la population non indigène (35 759 individus) ; parmi celle-ci, la population
d'origine européenne était majoritaire (18 028 individus, soit 50,4 %). Il faut
remarquer
l' indo-portugaise
que la communauté
(3 113 individus),
indo-britannique
présente était
sur lebeaucoup
territoireplus
dèsnombreuse
l'époque que
où,
administrativement, l'Afrique orientale faisait partie de l'État de l'Inde2. Selon les
données de ce recensement, 45 % des Indo-Britanniques recensés habitaient dans les

2 Le Mozambique a cessé de faire partie de l'État de l'Inde en 1752, au nxxnent où l'Empire Luso-Brésilien succède à l'Empire
Asiatique Portugais.

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districts de Lourenço Marques et Inhambane. Concentrés en majorité dans le centre


du pays, ils étaient à peine 19 % sur le territoire de Manica et Sofala (administré à
l'époque par la Compagnie du Mozambique), et les 36 % restants vivaient dans le
nord de la colonie (districts de Quelimane, Tête, Mozambique et Niassa). Enfin, à la
fin des années 1920, l'importance du nombre des sujets britanniques d'origine
indienne était confirmée sur tout le territoire colonial, à l'exception du district de
Inhambane, où l'ancienne communauté indo-portugaise (de religion hindouiste,
musulmane ou chrétienne) était supérieure au nombre des nouveaux arrivants (424
contre 205 individus)3.
D'importantes causes sont à l'origine du fait que le sud du Save soit devenu
le lieu d'installation prioritaire de cette diaspora, dans le cadre de ce mouvement de
renouvellement, qui débute au milieu du XIX*1"6 siècle4. Nous faisons ici référence
d'un côté à l'impact des mutations socio-économiques au Mozambique qui, à la fin
de ce siècle, ont atteint aussi bien les sociétés de l'Océan Indien occidental
(expansion du trafic dans le contexte de l'abolitionnisme et transition vers le
« commerce licite » ; révolution des oléagineux et développement de l'économie de
plantation croisant les intérêts africains, européens et omanais), que la région sud-
africaine voisine (démarrage des économies minière et de plantation, respectivement
au Transvaal et au Natal). D'un autre côté, il faut souligner que le contexte politique
et socio-économique du Portugal au moment de l'implantation du système colonial
en Afrique, ne doit pas être négligé dans l'analyse de ce processus.
La domination portugaise, bien qu'établie de façon formelle dans tout le
vaste territoire représentant l'actuel État mozambicain, suite à la confrontation
impériale de la fin du XIXtae siècle, avait débuté sur un espace moitié moins
important. En effet, durant les premières années de la colonisation, le Portugal
n'exerce directement son administration que sur le district de Mozambique et sur
quelques enclaves de la Zambésie, lieux mythiques de l'expérience impériale
asiatique, ainsi que sur la région méridionale de la colonie, délimitée au sud par le
Save, région frontalière de l'espace sud-africain. Presque toute la région
septentrionale avait été soumise à l'administration de deux compagnies à charte, et
les deux rives du Zambèze, domaine des anciens « prazos de la Couronne »,
constituaient un centre que se partageaient différentes compagnies concessionnaires,
sans privilèges royaux, mais majoritairement dominées par des intérêts étrangers, en
particulier britanniques5.
Les historiographes du XDC6116 siècle affirment aujourd'hui, à l'unanimité,
que le gouvernement portugais, au moment des débuts de l'empire africain, n'avait
pas les moyens de reproduire le modèle d'exploitation coloniale qui avait été alors
adopté par les puissances européennes dotées d'un solide capitalisme industriel.
C'est ce qui explique que, jusqu'à la fin des années 1920, les responsables de la
politique coloniale avaient accepté de rester en dehors de l'administration

*
Bilan de la population indienne réalisé à partir du Recensement de 1928, in Anuàtio de Lourenço Marques, 1929- On tient
compte de la population globale sans discrimination de sexe. Il est vérifié que sur l'ensemble de la population non indigène
(subdivisée en européens, jaunes, indo-britanniques, indo-portugais et métis), les individus de sexe masculin sont en majorité. On
compte au total 23 703 hommes pour 12 056 femmes. Toutefois, œ déséquilibre s'accentue considérablement si l'on considère les
différents groupes de population non indigène, à l'exception de la population européenne et métisse. Ainsi, dans la communauté
indo-britannique, il y a à peine 13,7 % de femmes ; elles représentent 24,4 % au sein de la communauté indo-portugaise, et chez les
jaunes, il n'y a que 15,2 % d'individus du sexe féminin.
Sur les fondements du renouvellement de la diaspora indienne au Mozambique, à partir de la seconde moitié du XDP" siècle, voir
Pereira Leite, J. (1996), pp. 72-77.
5 Aœ sujet, voir PereiraLeite,J. (1989), Ie" partie, pp. 33-71, et Newitt, (1995),chap. 15 et 16, pp. 356444.
Indo-britanniques et Indo-portugais... 17

économique d'une partie considérable de cette possession est-africaine. Néanmoins,


le Portugal, malgré la nature des choix que lui réservait alors l'histoire, gardait pour
lui le droit de décider du destin économique de la partie la plus rentable de sa
colonie. Le lancement des bases de l'intégration économique de sa colonie est-
africaine en Afrique australe était en cause. Du fait de la réalisation de ce projet, qui
est, à mon avis, l'événement le plus important de la politique coloniale du premier
quart du XXtee siècle, l'histoire du sud du Mozambique allait être liée
inextricablement et durablement au destin des territoires voisins6.

2. Trajet et contexte. De l'île de Mozambique aux ports méridionaux :


l'expansion du commerce à Inhambane et Delagoa Bay (XVIIIe"* et
XIX*™
siècles)
C'est dans cet espace et à cette époque de tournant dans l'histoire
mozambicaine que nous nous situerons pour suivre de plus près les traces de la
présence indienne dans le sud du territoire. Les témoignages historiographiques
disponibles confirment l'importance significative de la présence indienne dans le
sud du Mozambique, au cours du XVin*111" siècle. Une part considérable de l'activité
marchande de la région était dynamisée par des commerçants originaires de Diu et
Damâo. Tout porte à croire que ces commerçants hindous et musulmans, que l'on
appelait alors « banians » et « maures », avaient débuté leur installation à partir de
l'île de Mozambique, à la fin du XVH*11"' siècle, suite à la constitution de la
Compagnie des Banians de Diu7. Dans l'Afrique orientale portugaise de l'époque,
on distingue un groupe d'individus appelés « canarins de Goa », en majorité
catholiques, maîtrisant la langue portugaise et destinés plutôt à occuper des emplois
dans l'administration publique et à exploiter des terres sous un régime de bail8.
Certaines interprétations suggèrent que la communauté marchande musulmane ait
préféré s'établir sur le littoral sud, principalement à Sofala, Chiluana, Mambone et
Inhambane, alors que les « hindous » ont opté pour l'île de Mozambique et d'autres
comptoirs commerciaux au nord9. Cependant, l'historiographie récente a mis en
lumière que l'expansion des intérêts commerciaux « banians » a atteint la Zambésie
au cours des dernières décennies du XVIII*11" siècle, puis s'est étendue aisément vers
le sud du territoire10.

* Surpartie,
4e" l'histoire
pp. 686-716.
de l'intégration de l'économie mozambicaine en Afrique australe, voir Perdra LeiteJ. (1989), 1*" partie, pp. 56-71 et
7 Sur le contexte de la création, en 1686, de la « Compagnie des Banians » ou « Mazanes » de Diu, puis de l'installation et
expansion marchande « banian » au Mozambique, au cours du XVM** siècle, la thèse de Antunes, LF. (1993) est une référence
obligatoire. Notamment, pp. 237-251.
9Mifaain0983.),Presençalus(HaUtica...,f. 102.
9 Rita Ferrera (1982), ibkt.
10 Nous nous rapportons à la recherche de L F. Antunes (1993), citée plus haut À propos de l'origine des mots « Banian » et
« Mazane », question complexe, voir L F. Antunes (1993), pp. 237-251, ou encore M. Lobato (1996), p. 25. En partant de la lecture
de ces deux auteuis, il nous paraît important de souligner l'ambiguïté qui entoure le terme banian. D'un côté, d'après Lobato, ce
terme était appliqué à la fin du XVIIIe", à tout marchand indien de la côte est-afiicaine, qu'U soit hindouiste, djain ou musulman.
Bien qu'il ait existé une corporation ( ou « mahajan ») de marchands indiens du Guzerate, dépendant de la « Compagnie des
banians », qui était établie sur le port portugais de Mu, et qui était dirigé par de riches commerçants hindous. Tout indique que des
éléments musulmans étaient admis dans cette corporation, en tant que partenaires ou simples agents commerciaux, ce qui est plus
probable. Pour L F. Antunes, étant donné l'existence de différentes sous-castes banians (le mot banian dérive du terme sanscrit
« vânij » qui signifie marchand), il est difficile d'identifier qui, sous la désignation de banian et/ou mazane, a participé à la
« Compagnie de commerce des banians de Diu » (op. dt. pp. 237 et 238 ).

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Pendant la première moitié de ce siècle, le port de Inhambane est désigné


comme étant le principal centre du commerce portugais de la région méridionale du
Mozambique. En effet, tout indique qu'à cette époque il y existait déjà une forte
tradition marchande bien enracinée, ne comprenant pas seulement l'intervention de
réseaux commerciaux africains, et qui assurait par voie terrestre, la circulation des
marchandises dans tout le sud du territoire, y compris à Lourenço Marques. Le fait
que la population de cette région soit hostile à l'esclavage, contrairement à celle de
Inhambane, pourrait expliquer, selon certains auteurs, que le Portugal ait toujours
manifesté du désintérêt pour la baie de Lourenço Marques, jusqu'au milieu du
XVHI*"* siècle11. On note que, à partir de juin 1730, le gouvernement hollandais du
Cap abandonne définitivement ce port, où il avait maintenu un comptoir commercial
pendant près d'une dizaine d'années (1721-1730)12.
Bien que la reprise du commerce entre l'île de Mozambique et Inhambane
soit confirmée par les sources portugaises dès le XVI*"" siècle, il est aujourd'hui
indiscutable que la politique de libre-échange tentée par le gouvernement du
marquis de Pombal, vers le milieu du XVmtee siècle, est directement responsable du
développement économique de la communauté indienne, hindou ou musulmane qui
y sont établies13. À cette époque, le port d'Inhambane surpassait celui de Sofala sur
le plan économique, et s'imposait comme principal centre du commerce
d'exportation au sud du Save14. Il y eut ensuite, au cours de la seconde moitié du
XVm*"1" siècle, une période d'intense activité marchande pendant laquelle les
intérêts privés se sont imposés face au retour des anciens monopoles détenus par les
autorités portugaises. Il s'agit là d'un moment de renforcement de la concurrence et
d'expansion croissante du commerce ambulant dans l'intérieur du continent. De
cette façon, un marché vaste et complexe prend forme, dans lequel interviennent des
agents africains, indiens (qu'ils soient hindous ou musulmans) mais aussi portugais,
assurant l'échange des produits locaux, notamment contre des tissus en provenance
du Golfe de Cambay. Et c'est dans cette ambiance de commerce extrêmement
dynamique que le prix de l'ivoire, principale exportation de Inhambane va
augmenter jusqu'à la fin du siècle15.
Toutefois, de la même façon que cela s'est passé sur la côte septentrionale du
territoire, le trafic d'esclaves va remplacer progressivement le commerce de l'or
blanc dans le sud, et principalement à Inhambane16. Il s'agissait là d'un commerce
bien plus lucratif, stimulé par les négriers des îles françaises et aussi par des
brésiliens, basé sur l'échange d'armes à feu et de munitions17. Mais à la même
époque, le port de Lourenço Marques, en attirant les navires anglais de l'Inde, allait
amener les réseaux Thonga de commerce de longue distance à y diriger leurs
produits, notamment l'ivoire18. Ainsi s'explique que l'importance économique de

11 A. Lobato (196l),pp. 78-79.


12 Ibid sur l'occupation, en 1721, jusqu'au retrait des Hollandais de Lorenço Marques, en 1730, pp. 48-69.
^ lire Rita Ferreira (1982), p. 105-106 sqq., qui donne des informations importantes sur l'activité commerciale du port de
Inhambane, pendant le XVI** siècle et les XVIII** et XK*" siècles.
14A.K. Smith (1992), p. 228.
15RitaFerreiro,(1982),p.ll5.
^ Sur le développement du trafic négrier en Afrique orientakau 17to,etsurla(^mozanibk:aine,v()irlasynthè»&PereiraLeite
(1996), p. 70-72. Ainsi que D & Martin Birmingham (1992), A. K. Smith (1992), M. Newitt (1995) et C. L Bento (1993).
17 Rita Ferreira (1982), p. H5.,M.Newitt(1995),pp. 164-165-166.
18A. K Smim (1992), p. 228. Et aussi Rita Ferreira (1982), pp. 118-119.
Indo-britanniques et Indo-portugais... 19

l'extrême sud du Mozambique ait été aussi indissociable du commerce de ce


produit19.
Il est connu que, à partir de la moitié du XVltf™ siècle, la baie de Lourenço
Marques était entrée dans la sphère économique de Bombay, l'influence portugaise
y étant faible20. En effet, les agents de la Compagnie anglaise des Indes avaient ici le
monopole des échanges commerciaux, situation apparemment inconnue, en 1755,
des autorités installées sur l'île de Mozambique21. Durant les années qui suivirent, le
Portugal en vient à définir prudemment son intervention dans cette région22.
Toutefois, il faut attendre que Balthazar Pereira do Lago assume le gouvernement de
la colonie, pour assister, à partir de 1767, à la reprise du commerce portugais dans la
baie de Lourenço Marques23, bien que, dans l'extrême sud du territoire, le retour de
la navigation commerciale sous drapeau portugais ait lieu dans un contexte de forte
concurrence étrangère, en particulier de la part des navires de l'Inde anglaise24.
Tout indique que la politique d'intervention portugaise, notamment en ce qui
concerne la réduction des droits sur les marchandises en provenance de l'île de
Mozambique, ne parvient pas à contrecarrer la présence des indo-britanniques de
Bombay, qui y débarquaient munis de passeports délivrés à Diu et à Damâo. Les
autorités installées sur l'île de Mozambique remarquaient, en 1768, que la quantité
d'ivoire achetée chaque année à Lourenço Marques par les navires étrangers
s'élevait au quadruple de celle acquise par le comptoir portugais d'Inhambane25.
Cette intense activité commerciale fait de Lourenço Marques le port le plus
important pour l'exportation des produits du sud du Save, au cours du dernier quart
de ce siècle26.
Toutefois, le dynamisme économique qui atteint le sud du Mozambique à la
fin du XVIII*me siècle, ne doit pas grand-chose à l'intervention du gouvernement
portugais, plus préoccupé de l 'administration de son empire dans l'Atlantique sud.
Les phrases de l'historien Alexandre Lobato, dans l'introduction de son œuvre
Quatro estudos e uma evocaçâo para a histôria de Lourenço Marques sont
révélatrices à ce sujet : « L'intervention portugaise au Mozambique, jusqu'au début
du XIXtoc siècle, est clairement le fait d'intérêts particuliers, de qui l'État n'est
qu'un simple partenaire, et toujours le moins important, au point qu'il vit
chichement, étant réduit aux maigres ressources provenant des douanes. »27 C'est
dans l'indifférence que s'effectue le lent et agité processus d'implantation de
l'administration portugaise dans la baie de Lourenço Marques, dans la dernière

19Rtta fendra (1982), pp. 118-121.


20 A. Lobato (1961), pp. 82-89.
21 C'est l'opinion de A. Lobato (1961), p. 85
""
f»,p.91-92,et«A»û<pfodk

^ II faut noter que la Baie de Lourenço Marques (du nom d'un marchand qui y aborda au XYI*"" siècle) est aussi appelée dès le
XVT**, baie de Lagpa (ou encore Ddagoa baie/bay), et baie de « Espirito Santo », en référence aux fleuves qui y ont leur
embouchure 0e La Goa, et l'Espirito santo). Lobato (1961), p. 24, 46, 73.
ibidL, «Bàltazar Perdra do Logo e regresso du ftau^oçâoportugueso 0 bourenço Marques (1767) », pp. 96-98
25 RiU Fendra (1982), p. 1 19 et 120.
*A.£ Smith, (1992), p. 228.
27A. Lobato, (I960, p. 36.

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moitié du XVffl*1116 siècle28. À partir des débuts du XIX*™* siècle, le trafic d'esclaves
existait en même temps que le commerce de l'ivoire, et était encouragé soit par
l'augmentation de la demande, paradoxale dans un contexte d'abolitionnisme, soit
par la situation d'instabilité vécue à l'intérieur des sociétés africaines, du fait des
invasions Ngoni29.
Au même moment, la réalité de l'insertion méridionale du Mozambique dans
l'espace sud-africain de l'époque, notamment à travers la république Boer du
Transvaal et la colonie britannique du Natal, met progressivement en évidence
l'importance stratégique de Delagoa Bay dans le futur développement économique
de la région. Dans une première phase, le contentieux politique et économique entre
le Portugal et les pays voisins concernait surtout la régulation du transit des
marchandises entre le sud de la colonie et le Transvaal. Plus tard, pendant la seconde
moitié du XIX*"1' siècle, dans le contexte de révolution économique provoquée par le
développement de l'économie minière dans le Rand et par le démarrage de
l'agriculture de plantation dans la colonie du Natal, c'est la mobilisation de main-
d'œuvre mozambicaine au profit des régions limitrophes qui fait surtout l'objet des
négociations30.
L'impact de cette révolution économique dans le sud du Mozambique ne peut
être remis en question. Ses conséquences sont marquantes, que ce soit un niveau des
transformations socio-économiques au sein des sociétés africaines ou, en ce qui
concerne les avantages financiers dont elle fait bénéficier l'encore fragile
administration coloniale. Les agents qui, à l'époque, structuraient le complexe tissu
marchand de la colonie, voient se multiplier les possibilités de faire des affaires.
C'est en effet un moment où le commerce des esclaves et surtout celui de l'ivoire
sont en décadence, annonçant la capitulation économique et politique de l'empire de
Gaza, que la livre sterling se diffuse dans toute la région au sud du Save. Celle-ci
devient la monnaie véhiculaire d'un commerce intense, stimulé par la dynamique
d'insertion régionale, au moment du passage à la colonisation portugaise du XXbae
siècle31.
Les récits datant des dernières années du XIX*"" siècle qui sont arrivés
jusqu'à nous témoignent bien de cette ambiance de mutation qui caractérisait le
commerce dans le sud du Mozambique : « Les marchands qui partaient de Lourenço
Marques vers le territoire de Muzila (deuxième monarque du royaume de Gaza) à la
recherche de trocs d'ivoire, vont aujourd'hui et en bien plus grande sécurité à
Bilene, où l'échange se fait en livres sterling... Le commerce de Muzila est
aujourd'hui réduit à la vente de quelques peaux aux négociants du Transvaal et du
Natal et en échange de livres perçues sur ses sujets qui viennent des ports du sud et

90
C'est entre 1781 et 1787 que seront posées les premières pierres de la localité, que l'on appelé alors « Presidio » (forteresse) et qui
sera plus tard choisie comme capitale de la colonie. Alexandre Lobato (1961). Notamment « Evocaçâo : a àdade dos acacias
vermdbas »,pp. 147-155.

L'expansion Ngoni faite à partir du Natal, commence en 1920, est reliée au contexte de violence sous-jacent à la formation de
l'empire Zoulou, et l'historiographie portugaise y fait couramment référence comme invasion Vatua ou Angune. A. Lobato (1%1),
« Entre duos invasôes - 1 - 0 Presidio de Lourenço Marques e as mvasôes negrasdosid, miciadasem 1820 », pp. 99-104. Et
Rita Fendra (1982) : « 0 Gomérdo no période Angune », pp. 121-126. Au sujet du trafic d'esclaves dans la région sous influence
de la baie de Lourenço Marques, voir Rita Ferreira ( 1982 ), p. 121 et 123. Et encore A. Lobato (196 1) *A invasâo Vàtua de
Lourenço Marques an 1833- 1 -A notida da "memôria contra afacçào dos negreiros" 3- A companbia œmerdal dos
fetioras de Lourenço Marques elnbambane... »,pp. 119-128.

Sur la genèse de l'économie de transit et d'émigration, voir entre autres, la synthèse proposée m J. Pereira Leite (1989).
31 Rita Ferreira (1982), p. 124.
Indo-britanniques et Indo-portugais... 21

de Lourenço Marques ».32 Face à un tel processus, il n'est pas étonnant que la région
de Delagoa Bay et de son interland proche aient constitué à l'époque, en dépit du
climat d'insécurité qui régnait dans une grande part de l'empire de Gaza, un pôle
d'attraction croissante pour la communauté marchande asiatique installée sur le
territoire, et qui, progressivement, prit la place du commerce africain33. Mais un
récit de voyage montre de façon révélatrice l'agressivité de l'intervention des agents
indiens : « Les races asiatiques de l'intérieur de nos districts, dès qu'ils sont à une
demi-journée de leurs maisons-mères, se conduisent en maîtres absolus ; à
Inhambane, c'est un véritable essaim qui s'emploie à la chasse aux nègres qui
reviennent du Natal ou de Lorenço Marques à cause des livres qu'ils envoient
ensuite en Inde, où elles atteignent grand prix. Le nègre qui revient chez lui avec de
l'or est immédiatement assailli par une horde de maures et de banians, qui le
séduisent par tous les moyens jusqu'à ce qu'il lâche son argent. »M
On peut admettre que les centres de commerce indo-portugais situés au Sud
du Save, et notamment à Inhambane, aient été les premiers à établir des contacts
avec la région sous influence économique de la baie de Lourenço Marques. En
réalité, si l'on en croit les sources actuellement disponibles, rien ne les empêchait de
parcourir les pistes terrestres qui, dès la première moitié du XVHI^ siècle,
assuraient la circulation des marchandises dans le sud de la colonie : « II serait
naturel de s'attendre à ce que les Portugais soient revenus faire du commerce dans la
baie dès qu'il surent que les Hollandais l'avaient abandonné (1730), mais cela ne
s'est pas passé ainsi car s'était déjà enracinée l'habitude de faire du commerce avec
tout le sud de la colonie, à partir de Inhambane et des anses voisines, d'où, par voie
de terre, les marchandises allaient partout, y compris à Lourenço Marques,
emmenées par des blancs et des nègres. »35
Toutefois, on remarquait bien plus la présence de commis « banians » qui
travaillaient pour le compte des maisons de commerce de la capitale, et que les
navires réguliers amenaient, chaque année, dans le sud du territoire : « Les
négociants, qui étaient banians, et qui sont ceux qui se sont établis, venaient
initialement de l'Ile de Mozambique, comme commis de leurs patrons, eux-aussi
banians, munis des passeports des officiers généraux, selon la loi. Généralement, ils
revenaient sur le même bateau, une fois fait le négoce, ou restaient d'une année sur
l'autre... Ils restaient, et ont continué à rester, échappant au retour. »36 C'est ainsi
que s'effectuait, au cours du XIX**16 siècle, à partir du littoral nord, cette étape
méridionale de l'expansion marchande des banians, que la Compagnie des Mazanes
de Diu avait créée en 1686. On remarque que ce déplacement vers le sud de la
diaspora indienne a lieu dans un contexte où l'implantation du libéralisme au
Portugal avait facilité, à partir de 1838, l'entrée dans la colonie d'indiens originaires
de Diu et de Damâo37. Et qui viendra, naturellement, augmenter la présence
asiatique dans le sud du territoire : « Avec la liberté de résider, de circuler, de

32 Extrait d'un récit de voyage. A. Maria Cardoso, en 1882. Cité par Rita Feneira (1982), p. 124, 125.
33 Rita Fendra (1982), p. 125.
^ Commentaires de M. Serrai», après son voyage de 1890, cités par Rita Fendra (1982), p. 125
35 A. Lobato (1961), p. 78 et 79-
36 A. Lobato (1970) "A fndia na Rua dagtfvea", notamment pp. 195-199-
"
L'arrêté de 1938 de Sa da Bandeira ouvrait définitivement les portes à la présence indienne au Mozambique. On supprimait ainsi
les pressions exercées par des groupes appartenant à la communauté chrétienne (métisse -«goesa »- européenne) visant son
expulsion. Lobato (1970), p. 195. Et aussi Rita Fendra (1982), note 81, p. 129.

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22 JoanaPEREIRALEITE

commercer, résulta, donc, que se sont établis ici beaucoup d'Indiens, tant au
« Presidio » que dans la brousse... »38 C'est ainsi que la communauté
de Diu, bien qu'elle bénéficie de tous les droits civils et politiques
conférés à l'époque aux citoyens portugais, est dès lors progressivement confrontée
à une concurrence croissante, qui lui est faite principalement par les commerçants
musulmans de l'Inde britannique39.
Ces Asiatiques succèdent aux Indo-Britanniques qui, à partir de la moitié du
XVin*1* siècle, s'étaient établis à Lourenço Marques, une fois débarqués des navires
britanniques qui abordaient là, attirés par le commerce de l'ivoire : « Les premiers,
que l'ont dit être des lascars des « palas » de Bombay et Surat, venaient chaque
année à Delagoa chercher de l'ivoire pour des salaires dérisoires sous le fouet
disciplinaire des téméraires capitaines anglais, matelots à bon marché pour hisser les
voiles. »*> Cette nouvelle vague de migration indienne que le développement
économique de l'Afrique australe du XIX6™ siècle conditionne et consolide, se
structure de façon durable au moment de l'implantation du système colonial
portugais du XX*™ siècle au Mozambique41.

3. Les Indiens au sud du Save : présence, mobilité et invisibilité (de la fin


du XK*~ siècle aux années 1930)
Après avoir établi le contexte et la nature des parcours selon lesquels s'est
effectuée l'installation indienne dans le sud du Mozambique à partir de la seconde
moitié du XVIII*111' siècle, notre intention est d'identifier, de façon plus précise les
caractéristiques de sa présence dans cette région méridionale du territoire, au
moment de l'implantation du système colonial portugais du XX*"" siècle. Cette
analyse, basée principalement sur des sources écrites, archives ou documentation
publiée, ne nous permettra certainement pas de faire la lumière, comme nous l'avons
déjà annoncé, sur les innombrables zones d'ombre qui, aujourd'hui encore,
continuent de masquer ce domaine de l'histoire mozambicaine. Aussi, notre
intention de faire le point sur la situation de ce qui est déjà connu et écrit, se relie à
la nécessité d'identifier les contours d'invisibilité de notre objet et d'ouvrir une voie
à l'indispensable travail de recherche qui, fondé sur l'histoire orale et sur le recours
à des méthodologies qualitatives et interprétatives, aura pour but la reconstitution
des trajets familiaux et économiques de cette diaspora marchande.
Nous observerons ainsi les signes de l'occupation asiatique au moment d'un
tournant de l'histoire du Mozambique, celui de la transition vers la colonisation du
XX*"1" siècle. Cette délimitation se traduit par une coupe temporelle qui comprend
les deux dernières décennies du XX*"' siècle et les trente premières années du siècle
suivant En effet, nous considérons qu'il est important de situer notre objet dans le
contexte de l'implantation du système colonial, une période qui débute par le
« partage de l'Afrique » et qui précède la phase d'exécution du projet colonial de
YEstado Novo salazariste. Par ailleurs, l'espace au sud du Save constitue, de fait, à
l'époque, une aire géographique stratégique compte tenu de la nature des
transformations économiques qui s'opèrent alors en Afrique australe.

38Lobato(197),p.l96.
39 Rita Ferreira (1980), p. 631. Nous rappelons qu'après un siècle d'administration du territoire par l'East Indta Company (1765-
1858), le gouvernement britannique prend directement en charge l'administration de l'Inde au milieu du XK*" siècle.
40A.Lobato(1970),p.l95.
41 Sur le contexte du renouvellement de la diaspora indienne dans le sud du Mozambique, voir Perdra Leite (1996), 2.2.1. La
vulnérabilité de la frontière méridionale entre le Mozambique et leTransvaalauSudduSave,pp.7&82.
Indo-britanniques et Indo-portugais ... 23

A. Le témoignage des sources publiées


Dans une première phase, notre parcours analytique est essentiellement basé
sur le recoupage des informations apportées par le Recensement de 1928 et par
YAnuârio de Lourenço Marques de 1931. Conformément au système d'organisation
administrative en vigueur au moment de la publication au Mozambique du Censo da
populaçâo nào indigena de 1928, qui a été le premier à être basé sur un véritable
recensement de la population, notre champ d'observation comprend deux districts :
celui d'Inhambane et celui de Lourenço Marques. Le premier, dont le siège est la
ville d'Inhambane, est constitué de huit circonscriptions : Cuambana, Homoine,
Inharrime, Massinga, Morrumbene, Panda, Vilanculos et Zavala. Le second, dont le
siège est Lourenço Marques, et qui devient capitale de la colonie en 1898, comprend
dix circonscriptions : Bilene, Chibuto, Gaza, Guijà, Marracuene, Manhiça, Magude,
Maputo, Muchopes et Sabié42. Tel est l'espace où nous chercherons à identifier les
marques du passage et de l'installation de la diaspora indienne.
En observant la distribution de la population des districts de Lourenço
Marques et d'Inhambane d'après le recensement de 1928, mais sans y inclure leurs
sièges respectifs, c'est-à-dire les habitants de ces mêmes villes (tableau 1), l'on
constate que, si dans le premier district, la présence indo-britannique est plus
importante que l' indo-portugaise (632 Indo-Britanniques contre 271 Indo-
Portugais), ce rapport est différent dans celui d'Inhambane. En effet, les sujets
n'y sont majoritaires que dans deux circonscriptions, Cuambana et
Vilanculos. Il est donc confirmé que, à la fin des années 1920, Inhambane continue à
être le lieu d'implantation privilégié des Indo-Portugais (178 Indo-Britanniques et
302 Indo-Portugais y habitent). Si l'on se fie aux contributions historiographiques
récentes, tout porte à croire que faisaient partie de ce groupe les commerçants
originaires de Diu et de Damâo, en majorité hindouistes, qui s'installèrent ici dans le
contexte de l'expansion « banian », celle-ci ayant atteint la zone méridionale de la
colonie au cours du XVIII*"16 siècle.
Le recoupement des évaluations, au niveau global et par district, données par
ce recensement nous permet de déduire approximativement, l'importance de la
population asiatique habitant alors les sièges des deux districts au sud du Save
(tableau 2/2.2). On peut ainsi vérifier que, tant dans la ville de Lourenço Marques
que dans celle d'Inhambane, la population indo-portugaise (1 668 habitants à
Lourenço Marques et 122 à Inhambane) dépasse en nombre celle qui est originaire
de l'Inde britannique (1 347 à Lourenço Marques et 27 à Inhambane). Cette
supériorité n'est pas, en effet, improbable lorsque l'on sait la place qu'occupaient
dans l'administration portugaise en Afrique les Indiens originaires de Goa. Ainsi,
quand la capitale de la colonie a été transférée de l'île de Mozambique pour le sud
du territoire, il est normal que Lourenço Marques se soit mis à accueillir, à partir de
cette époque, un nombre grandissant de fonctionnaires indo-portugais.
Le Recenseamento da cidade de Lourenço Marques em 1894 constitue un
bon point de départ pour l'analyse des mutations ratures de sa population, en dépit
des doutes méthodologiques qu'il suscite et de son imprécision, notamment en ce
qui concerne le poids des africains urbanisés. Le nombre des habitants de la ville est
alors évalué à 1 059 individus des deux sexes : 39 « jaunes », 591 Européens - 426

42 Voir «Anuârio de Lourenço Marques », 1928, pp. 58-59- Ou «Anuério de Lourenço Marques », 1931, pp. 55-56.

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24 Joana PEREIRA LEITE

Portugais et 165 étrangers - 115 noirs et 69 « indéfinis » et, enfin, 245 indiens,
parmi lesquels : « 90 naturels de l'Inde portugaise [...], surtout célibataires, surtout
fonctionnaires et surtout catholiques. Font aussi partie de ce groupe, un avocat et 2
médecins [...] 136 indo-britanniques, [...] commerçants et mahométans [...] et 19
de nationalité inconnue »43.
L'intérêt de ces précisions réside surtout dans le fait qu'elles permettent de
mettre en évidence, une fois comparées avec les données du Recensement de 1928,
l'expansion démographique que la capitale va connaître au cours des premières
décennies du XX*016 siècle. En effet, de 1894 à 1928, le rythme d'installation des
européens accompagne de près celui des indiens, indiquant des taux moyens annuels
de croissance de population de l'ordre de 8,3 % et 7,7 % respectivement44.
L'intensification et la recomposition des présences indo-britannique et
à Lourenço Marques est notoire pendant ces 34 années d'implantation du
système colonial portugais : les données disponibles témoignent que la moyenne
annuelle de la croissance urbaine des deux communautés est de l'ordre de 7 et 9%45.
Étant donné l'importance politique et géo-économique du sud du Save dans
le contexte du démarrage de la colonisation au Mozambique, il n'est donc pas
étonnant que, à la fin des années 1920, 76 % du total de la communauté
(originaire de Goa, Diu et Damâo) se soit installée dans les deux districts
de cette région (tableau 3). 2 363 sujets indo-portugais partageaient en effet cet
espace méridional de la colonie avec les nouveaux arrivés indo-britanniques, qui
étaient alors évalués au nombre de 2179 individus des deux sexes. Nous rappelons
toutefois que, en 1928, le territoire mozambicain dans son ensemble, accueillait 4
837 représentants de cette dernière communauté, ce qui montre que son poids était
considérablement supérieur à celui des 3113 asiatiques originaires de l'empire
portugais. L'installation de ces sujets britanniques, tant à Lourenço Marques comme
dans tout le territoire au sud du Save, est le résultat de la conjugaison de plusieurs
facteurs. En plus de la situation concrète de l'Inde sous colonisation britannique, les
mutations économiques qui révolutionnent l'Afrique australe dès la fin du
XIX**16 siècle, tout comme le contexte de changement résultant de l'implantation de
la nouvelle administration coloniale en Afrique orientale portugaise, conditionnent
ce mouvement. Nous rappelons aussi que cette vague migratoire en direction du sud
du Mozambique, est fortement liée à l'histoire troublée de l'intégration socio-
économique des Indiens en Afrique du Sud, à partir de la seconde moitié de ce
siècle. En effet, tout indique que la discrimination politique et socio-économique
dont les éléments de cette communauté sont l'objet, au début du siècle, notamment
dans le Transvaal voisin, ait fortement motivé leur mobilité vers les territoires situés
au-delà de la frontière sud-africaine46.
On note toutefois que, dès cette époque, se produisent au Mozambique des
manifestations de rejet envers la présence indienne, de la part de certains groupes de
la société coloniale mozambicaine. Nous nous référons notamment à ceux qui
étaient leurs concurrents les plus directs, c'est-à-dire le petit commerce de détail
d'origine portugaise, installé soit en brousse (dans les zones rurales, et appelés

43 Carlos Santos Reis (1973), encadrés 5, 12, 26, p. 2 1, p. 28, p. 36 et enfin p. 37.
** Étant donné que Popn = Pop, (1+r )"
45 rIB = ( 1342/136 )m- 1 = 0,069
rIP = ( 1668/90)"*- 1 = 0,089
* Voir Joana Perdra Leite (1996) 2.2.1. A vuJnerabilidade dafrorUeira méridional de Moçambique: do Transval aoSulab
Save, pp. 77-82.
Indo-britanniques et Indo-portugais ... 25

« cantineiros »), soit dans la capitale, et dont les intérêts étaient représentés par
YAssociaçâo Comercial de Lourenço Marques. Cependant, la position de
l'Administration coloniale portugaise s'est toujours caractérisée par une grande
ambiguïté et inefficacité. En effet, le sentiment aigu que leur activité marchande
était indispensable au développement commercial de la colonie prenait le pas sur la
nécessité de moraliser et de réglementer l'activité marchande des agents asiatiques.
Plus encore, le fait que beaucoup de ces commerçants fussent de nationalité
britannique démotivait fortement la réalisation d'une politique de rigueur de la part
du gouvernement portugais. Les impératifs d'ordre diplomatique, dans le contexte
des équilibres géopolitiques, le recommandaient47.
Les intérêts commerciaux indiens étaient effectivement bien établis dans le
sud du Mozambique aux alentours des années vingt. Ce qui est confirmé tant par
l'information quantitative apportée par le recensement de 1928 que, parallèlement,
d'une manière systématique, par les innombrables anuârios publiés dans la colonie,
à partir des débuts du XXime siècle. À ce propos, les éléments disponibles dans
YAnuàrio de Lourenço Marques de 1931, relatifs à l'activité économique des
différents districts et de leurs sièges respectifs, démontrent clairement comment ces
agents couvraient, à l'époque, l'espace marchand, tant en milieu rural que dans les
centres urbains. Une observation attentive des données relatives à la Section
commerciale de la ville de Lourenço Marques nous montre que l'import-export, le
commerce général et celui des produits agricoles, les commissions et les
consignations, tout comme les ateliers de couture étaient les activités où cette
communauté intervenait à l'époque, de façon significative, encore que non
exclusive. En effet, dans toutes ces branches du commerce, les asiatiques sont en
concurrence avec les entrepreneurs d'origine européenne, en particulier portugais et
britanniques. Une analyse centrée sur les noms des agents, révélateurs potentiels de
la foi religieuse, nous indique aussi que des hindous comme des musulmans
partageaient le même espace marchand48.
À la même époque, les Indiens sont également visibles dans le classement
alphabétique des adresses postales, télégraphiques et téléphoniques des habitants de
la ville de Lourenço Marques et aussi dans les registres des différentes organisations
associatives existantes. En ce qui concerne ces dernières, le détail de la composition
de leurs conseils d'administration peut également nous donner une indication
approximative de leur affiliation religieuse. On distingue ainsi les organisations
majoritairement hindouistes ou musulmanes, des catholiques qui, rassemblent
essentiellement les naturels de Goa. Comme exemples des premières, nous avons la
Câmara de comércio Indiana et deux institutions récréatives et sportives : la Nova
associaçâo Hind de Lourenço Marques et YAssociaçâo Maoemetana. De leur côté,
les naturels de Goa se réunissent à YInstituto Goano, au Cîube recreativo Indo-
Português et au Clube Desportivo indo-português. Il n'y a guère que YUniâo
indiana à faire preuve du pluralisme religieux de ses membres : ils sont catholiques,
musulmans et hindous, et probablement dans leur majorité d'origine indo-
portugaise49.

i7lbid, pp. 91-93-


Identification réalisée avec l'aide de Fatima Amade. On note que ks musulmans sont plus nombreux que les hindous dans
l'import-export et le commerce généraliste: respectivement 23 m et 8h, 7 m et 2 h. Dans ks Commissions et Consignations, 7
hindous et 5 musulmans se partagent le marché.
^Anuàrio de Lourenço Marques, 1931, pp. 340-355.

RFHOM, T.88, n°330-331 (2001)


JoanaPEREIRALEITE

L'information rassemblée dans YAnuârio de 1931 sur les différentes


circonscriptions du district de Lourenço Marques signale l'activité de « divers
asiatiques », non seulement en tant que « cantineiros », indispensables à la
dynamisation du commerce dans l'intérieur, mais aussi en tant qu'agriculteurs50. Ce
sont ces activités que les éléments de la communauté indienne ont en commun avec
les Européens, principalement portugais, ces derniers étant soigneusement identifiés
par l'administration coloniale. Dans certaines circonscriptions, comme c'est le cas
de Manhiça, sont présentés comme agriculteurs non seulement les colons et
« asiatiques divers » mais encore des « assimilés et indigènes »S1. Dans d'autres
circonscriptions, il arrive aussi que des noms indiens soient compris dans les listes
des agriculteurs et des commerçants, comme cela a lieu à Marrucuene et aux
Muchopes. Dans la première, plus proche géographiquement de la ville de Lourenço
Marques, des agents asiatiques, tous dûment signalés par YAnuârio de 31, partagent
avec divers européens, non seulement les activités commerciales mais aussi
agricoles, comme c'est le cas de Jafar Sulemane, Ismael Abdool Lalé et Mahalal
Pragji. Quant à celle des Muchopes, région où la culture dominante est celle de
l'arbre mqfurreira, Madougy Ginabay est l'unique agriculteur indien, de religion
hindouiste, contre six entrepreneurs portugais32.
Le même type de données est disponible pour le district d'Inhambane et sa
capitale encore que l'identification précise des commerçants et des agriculteurs
asiatiques y soit plus fréquente. Ainsi, les données concernant la section
commerciale témoignent que le marché est réparti entre huit entrepreneurs portugais
et seulement deux commerçants hindous, Emechande Guela & Irmâo et Irachand
Cangy ; tous s'occupent de commerce généraliste. Nous supposons que cette
information ne concerne que la ville d'Inhambane compte tenu que les noms des
boîtes postales du district montrent que 16 commerçants musulmans et 13 hindous
exercent cette activité dans la région53. Ces agents sont responsables de la
dynamisation d'un vaste réseau d'activités marchandes, dont les établissements (les
cantinas), tout en assurant aux familles paysannes l'approvisionnement en biens de
consommation, tiennent ainsi un rôle central dans la monétarisation des produits de
l'agriculture traditionnelle africaine. En plus de la présence de « plusieurs
commerçants asiatiques » dans la presque totalité des circonscriptions du district
d'Inhambane, on constate aussi l'intervention de membres de cette communauté
dans l'activité agricole de la région54. Dans les cas pour lesquels YAnuârio de 1931
donne des références précises sur ces agriculteurs, la supériorité des musulmans sur
les hindous est significative55.

50 Ibidem, pp.443-672.
51 Ibid. p. 461 et 463. L' « Anuàrio » indique, pour cette circonscription, l'activité de 57 agriculteurs, parmi lesquels 25 européens,
9 indiens, 20 assimilés et 3 indigènes.
" Ibid. p. 467, 471 . On remarque toutefois, que tant à Marruacuene qu'aux Muchopes, la présence commerciale asiatique est la plus
significative.
53 Ibid. p. 496-499- Identification réalisée avec l'aide de FatimaAmade.
5* Voir Anuàrio LM 1931, pp. 500-517. La présence d'agriculteurs asiatiques est signalée dans les circonscriptions de Cuambane,
Homoine, Massinga, Panda et Zavala.
55 Tel est le cas de Panda et de Zavala, pp. 514, 517.
Indo-britanniques et Indo-portugais ... 27

B. La mémoire des sources primaires


L'analyse de la documentation primaire nous fait penser que l'intelligibilité
de la communauté indienne du sud du Mozambique, diminue à mesure que nous
reculons dans le temps. En effet, si les tensions sociales advenues lors de
l'installation de cette diaspora marchande, au début du XXe"* siècle, sont confirmées
par les sources, la même chose n'a pas lieu pour les dernières années du siècle
antérieur56. En ce qui concerne cette époque, nous vérifions que ce sont surtout les
récits des campagnes militaires, dans le contexte troublé de l'occupation effective,
les témoignages relatifs à la concession de terres aux colons, la perception de
l'impôt indigène et enfin, la gestion de la main d'oeuvre indigène, pierre angulaire
des relations avec les pays voisins, qui sont conservés dans les registres officiels.
Cela ne veut pas dire qu'il n'ait fait aucune allusion à notre objet dans la
documentation qui constitue les archives du Gouvernement général du Mozambique
de la fin du XIX*"" siècle. La multiplicité des références ne concernant pas
uniquement les sujets indo-britanniques, et que nous apportent les sources
consultées, le prouve : il y a d'innombrables demandes de passeports, pour des
navires et pour des individus, de permis de résidence et de sauf-conduits. On y
trouve aussi de très nombreuses requêtes relatives à des candidatures pour des
concessions de terrains, à des autorisations pour débuter une activité et également,
les témoignages de procès judiciaires engageant des éléments de la communauté57.
On sait qu'à leur tour, des « propriétaires et industriels », tant hindous que
musulmans, sont nommés à des fonctions de responsabilité dans l'administration des
services des finances du territoire, charges qui étaient habituellement attribuées aux
naturels de Goa. C'est ce qui se passe à Inhambane, où entre 1887 et 1889, des
négociants asiatiques interviennent dans la collecte des impôts en tant que membres
de la Junta de lançamento de décimas do distrito5*. Toutefois, la documentation la
plus intéressante est celle qui témoigne de l'intense mobilité des intérêts marchands
indiens. Ces mouvements s'inscrivent, soit à l'intérieur du territoire mozambicain,
soit dans un espace plus vaste qui, en transcendant les directions des routes
transocéaniques séculaires, atteignent les zones les plus prospères de l'Océan Indien
occidental et de l'Afrique australe à partir de la fin du XK*"* siècle.
Dans le premier des cas, la mobilité indiquait fondamentalement un
élargissement du circuit des affaires entre le Nord et le sud de la colonie par le biais
d'une intense activité de « commis » qui voyageaient par mer entre les différents
ports, ou qui, par voie terrestre, parcourraient les pistes, négociant pour le compte
des maisons de commerce asiatiques installées dans les principales villes de la
colonie, notamment Ile de Mozambique, Quelimane, Beira, Inhambane et Lourenço
Marques. Les archives de la Direcçâo dos serviços da Administraçâo Civil
confirment, en 1899, l'empressement avec lequel plusieurs commerçants établis à
Lourenço Marques, assuraient les conditions légales nécessaires à l'expansion
territoriale de leurs activités. Ce sont en effet les patrons qui sollicitent les sauf-

56 Àœsujet, voir}. Pétrira Leite (1996), p. 91, 92.


^AniuivoHisl6riœdeMoçmbkpie(AHM)JwuhdoSéc.m(Goumio
233 ; 8-229 ; 8-166 ; 8-165 ; 8-164 ; 8-163 ; 8-151 ; 8-107 ; 8^6 ; 8-85 ; 8-60 ; 8-30 ; ^28 ; 8-27 ; 8-25.
58 AHM Ftmdo Sic XK Govemo Gérai - Mozambique) Cabta (8 - 1 16 )/Ml (1)/ doc. 1 -20 : correspondance reçue de la
* junta da Fazenda de htbambane », 1887, 91, W doc. 1 et 2 (1887) ; doc 6 (1887) ; doc 7 -12 (1889).

RFHOM, T.88, n°330-331 (2001)


28 JoanaPEREIRALEITE

conduits pour leurs commis voyageurs, demandes qui sont en général promptement
satisfaites par le gouvernement de la colonie59.
En étudiant la législation publiée à la fin du XIX*™ siècle, il ne semble pas
que l'administration coloniale ait, à cette époque, empêché la présence et l'activité
des ces négociants, de la même façon que plusieurs décennies plus tard. On
remarque que, dès 1887, l'obligation de présenter un passeport pour les individus
qui sortaient ou entraient par le port de Lourenço Marques avait été abolie60. En
1890, le gouvernement de la colonie, dans l'objectif de « faciliter aux commerçants
la libre circulation entre divers endroits de la province et leur éviter des retards et
des démarches peu utiles », avait décidé que les nationaux ou les étrangers pouvaient
circuler « d'un port à tout autre port de la province ou de tout lieu du littoral vers
l'intérieur de celle-ci, même s'ils poursuivent vers des régions situées hors du
territoire portugais, sans être obligés de faire établir un passeport »61.
La publication, en 1892, des Instructions provisoires pour le service de
police des voyageurs nationaux et étrangers dans la Province du Mozambique, n'ira
pas à l'encontre de l'esprit des lois précédentes62. En effet, bien que les compromis
internationaux acceptés par le Portugal, dans le cadre de l'Acte général de la
conférence de Bruxelles du 2 juillet 1890, et dans le traité avec la Grande-Bretagne
du 11 juillet 1891, obligent à un plus grand contrôle de la présence, de l'activité et
de la mobilité des nationaux et étrangers sur le territoire mozambicain, aucune
restriction ne fut imposée à la « circulation à l'intérieur de la Province », se
conformant ainsi à l'arrêté provincial de 189063. Le contrôle policier des autorités
administratives portugaises s'effectuait alors seulement à l'entrée ou à la sortie du
territoire colonial, tant sur les étrangers comme sur les nationaux64. Il faut noter
toutefois que ce contrôle n'était pas applicable au district de Lourenço Marques. Ce
qui faisait que les libertés établies par le décret de 1887 étaient maintenues, et qu'il
n'est pas étonnant qu'une grande part des mouvements d'éléments de la
communauté indienne ait échappé au contrôle des autorités portugaises65.
Tout porte à croire effectivement que la circulation des asiatiques à l'intérieur
ou à travers l'espace colonial portugais se passait sans grands problèmes. Les
observateurs britanniques qui, à l'époque, pratiquaient une surveillance systématique
des territoires de la « Portuguese East Africa » et de l'activité des sujets indiens
établis à Delagoa Bay étaient particulièrement attentifs à ce fait66. Comme l'on sait,
Lourenço Marques constituait alors non seulement un couloir d'accès

^AM,DirecçMaœServiçosaaAdministaçMcivU/Administra^
1915 -demandes datées des VI 1/99, 6/11/99,7/11/99, 13/11/99, 14/1199,9/11/99.
60 Décret du 10 novembre 1887.
61 Arrêté provincial n.° 566, 26 décembre 1890, publié au Boletim qfidal do Moçambique le 27 décembre 1890. (parag. 1). On
remarque que cet arrêté n'annulait pas les règles établies en 1875 et 1876, pour l'émigration des indigènes vers les colonies du Natal
et du Cap de Bonne Espérance, bien que ceux-ci fassent escale à Lourenço Marques, ni les règlements et autres dispositions relatives à
rémigration clandestine des indigènes (parag. 2).
62 Arrêté n." 467, du 1" octobre 1892, publié par kBoletim qfidal do Moçambique du 1* octobre 1892.
63 Ibid. Chapitre I - De la circulation dans la Province: Article 1": Conformément à ce qui a été déclaré dans l'arrêté Provincial
n*566 du 26 décembre 1890. . . Tous les individus nationaux ou étrangers, peuvent voyager ou circuler librement sur le territoire qui
constitue la province du Mozambique, sans nécessité d'un passeport ou de tout autre titre similaire ».
M Ibid. Chapitre II - De l'entrée dans la province et sortie des passagers ; Chapitre III- Dispositions spéciales sur le libre passage vers
la sphère d'influence étrangère ; Cap. IV - Dispositions spéciales relatives aux passagers noirs ; Cap. V - dispositions générales.
65J.PereiraLeite(1996),p.88.
00 W. M.p. 17,
te
1893, Churchill
47, 55. (1893) Diplomatie and consulat reports on trade andfinance-Portugal. Mozambique. Report on tbeyear
Indo-britanniques et Indo-portugais ... 29

incontournable vers le Transvaal, mais aussi un espace d'expansion progressive des


réseaux marchands créés par la diaspora indienne à partir du territoire sud-africain67.
À ce propos, la requête rapportée plus bas et datée du 29 août 1899, n'a
certainement pas été l'unique du genre à être soumise à l'appréciation du
Gouverneur général du Mozambique, à la fin du XIX6"6 siècle : « Warrid Ossman,
négociant au Transvaal, comme le prouve les documents joints, possédant aussi des
maisons commerciales à Inhambane, Quelimane et Chinde, étant venu du Transvaal
pour poursuivre par les ports et visiter ses autres maisons, mais désirant ensuite
revenir ici, vient demander respectueusement à votre Excellence, de bien vouloir lui
accorder un sauf-conduit grâce auquel il pourra aller dans les ports de la Province
puis revenir dans cette ville. »68
En réalité, seule la peste bubonique qui menaçait alors la région, entraînera la
réglementation de l'entrée du territoire, quoique de façon temporaire, selon l'arrêté
n° 46 de janvier 1899, aux « banians, parsis, maures et gens de l'Inde...»69. Ce qui
justifie que la mobilité des asiatiques à l'intérieur de la colonie en soit venue à être
réglementée par l'émission de sauf-conduits, comme nous l'avons fait remarquer
précédemment. La lecture des sources nous a permis de confirmer que
l'administration portugaise considérait que la contribution des indiens au
développement commercial de la colonie était de très grande valeur. Nous
rappelons, à ce propos, les phrases du ministre et secrétaire d'État aux affaires de la
Marine & de l'Outre-Mer, quand, en 1907, il lui est demandé d'intervenir dans le
règlement d'un conflit, opposant des intérêts commerciaux asiatiques et portugais,
dans la ville de Lourenço Marques : « L'expulsion d'asiatiques, par des moyens
indirects, ne serait pas souhaitable, car ce sont des hommes laborieux et qui
contribuent au développement commercial ; et elle n'est pas possible car selon les
traités ils ont le droit de résider et de commercer sur le territoire portugais. »70
Comme on sait, en ce qui concerne l'activité commerciale, le succès de
l'implantation du système colonial au Mozambique dépendait, non seulement de la
nécessité d'assurer l'extinction définitive du trafic clandestin d'esclaves, mais aussi
de créer les conditions indispensables au développement du commerce « légitime ».
Un processus qui, au sud du Save, dans une première phase, s'est basé surtout sur le
commerce de l'alcool, produit à partir de la canne à sucre71. Il est certain que sur ce
territoire, d'une importance stratégique pour l'administration portugaise, mais en
même temps privé de l'activité des grandes compagnies, condamné à devenir une
immense réserve de main d'œuvre au profit des mines du Rand, et peu occupé par

67 J. Paeira Leite (1996), 2.2.1, pp. 78-82, et 2.23, p. 90, 91.


" AHM - Documentation relative à la direction des services de l'administration civile / Administration - Section « A » /
Requerimentœ epettçôes/ 1899 /Cerna 1915 : Reg. 29/9/1899-
® Arrêté il* 46, 24 janvier 1899 : « Comme il convient d'éviter par tous les moyens l'introduction de la peste bubonique, attendu
qu'il a été démontré que les individus provenant de l'Inde sont fréquemment atteints par ce terrible fléau. . . J'ai jugé convenable
d'interdire provisoirement l'entrée de la Province aux banians, paisis, maures et geœ de l'uide, même quand ib voyageaient sur des
navires qui avaient la libre pratique des ports d'escale ou venaient de pays non infectés ou suspects».
™ AHM - Documentaçào rdatkn à dtecçâo <ks serviços <k Adm Qmas
58-1901-1906. Dossier 1904-1923- Obligation faite au commerce asiatique de tenir ses livres dans une quelconque langue
européenne. Voir aussi à ce sujet J. Perara Leite (1996), pp. 91-92.
71 Sur la situation économique du sud du Save dans la phase de transition de la colonisation portugaise du XX"* siècle, voir José
Capda (1995), notamment pp. 7-31. Sur le trafic clandestin d'esclaves provenant d'Inhambane et vendus à Zanzibar, voir AHM /
Fundo(kSécm(G<n>ermgerd(khk>çambique)/Caixa^^)ICfk^
Doc. 128; 134.

RFHOM, T.88, n°330-331 (2001)


30 JoanaPEREIRALEITE

les Portugais, la présence des Asiatiques était incontournable. Et, à notre avis, les
responsables de l'époque étaient conscients que ces négociants s'étaient rendus
indispensables à la dynamisation commerciale, en milieu rural comme dans les
centres urbains.
Enfin, quant aux trajets extra-territoriaux de la diaspora indienne et surtout
indo-britannique, ceux-ci s'accomplissent selon une géographie variable. D'un côté,
on assiste à la reproduction des circuits historiquement établis soit sur différents
lieus de la côte est-africaine, soit par voie transocéanique, en direction de l'Inde
britannique. Dans l'un et l'autre cas, Zanzibar constitue, à partir de la seconde
moitié du XIX*me siècle, une référence obligatoire tant pour la définition des
directions septentrionales de la diaspora, que pour le partage des espaces marchands,
compte tenu de la complexité du contexte géopolitique de l'époque. À partir de
1890, la désagrégation de l'empire marchand de Zanzibar au profit d'intérêts
britanniques et allemands ne s'est pas passée sans soubresauts pour les négociants
indiens qui opéraient dans l'océan Indien occidental72. D'un autre côté, on devine
une mobilité croissante en Afrique australe. En réalité, les ports du sud du
Mozambique, et en particulier Delagoa Bay, sont dès les dernières décennies du
XDCème siècle, des points d'accès stratégiques vers le Natal et surtout vers le
Transvaal, l'Eldorado de l'époque73.

Conclusion
Au terme de notre cheminement, ce qui est en cause n'est certainement pas la
réalité de la présence indienne dans le sud du Mozambique. Ce qu'il est important
de souligner, c'est la dimension de son invisibilité, notamment au cours des débuts
de la colonisation portugaise. Cette invisibilité concerne non seulement le manque
d'éclaircissements quant à la nature hétérogène de cette communauté, à la diversité
de ses pratiques économiques et des processus qui mènent à son intégration, mais
aussi, quant à la nature des conflits qui ont pu exister en son sein ou qui sont le
résultat de son interaction avec les sociétés africaines, les agents économiques
européens et l'administration coloniale.

72 J. Perdra Late (1996), 2 et 2.2. De Zanzibar à ilba de Moçambique: tmjandocomaAkmçaodehwerno,pp.8246.B.a.ussi,


A. Sheriff (1987) ; R.G. Gregory (1971). Ainsi que AHM/Fundo doSécXK (Governo gérai Moçambique) Caêca (8-30) (2)/
Qftckx do Consul de Portugal em Zanzibar/1882-1890: Dus. 48; 130, 131, 133, 141, 211/Catca (8-30) (4) :doc. 4,6.
^ Au sujet du transit (fesi«k)4)ritanniquesven le Transvaal, dans feœrtt^
(Governo gérai Moçambique) Costa (8-85)/ Qftaos oonfidendais nxebidos doGov.dos dâtritos de Lm/Ml-1990/1991/ Qfiao
2/4/1900. Voir aussi J. Pereira Leite (1996) 2.2.1, pp. 7^82.
Indo-britanniques et Indo-portugais. . . 31

Tableau 1. Indiens au Sud du Save : Districts de Lourenço Marques et Inhambane


(Recensement de 1928). Population masculine etféminine
1 . 1 Districts de Lourenço Marques (Conselhos de LM e de Gaza)
Européens Indiens Métis Jaunes Poplnd*
Port Autres IndoB IndoP

Bilene (G) 74 74 69 18 105 59932


Chibuto 81 64 36 154 105554
(G)
Gaza 248 228 20 106 47 227 58576
(JBello)
Guijà(G) 33 14 9 8 40474
Magude 174 46 11 35 1 35987
Manhiça 95 72 23 33 5 35 43878
Maputo 177 71 56 44 6 37563
Marracuene 189 31 31 168 58 30705
Muchopes 83 63 21 131 70049
(G)
Sabié 561 488 73 135 37 152 23068
Total 1715 632 271 1059 65 505786

1 .2 District de Inhambane
Européens Indiens Métis Jaunes Poplnd*
Circonscri Port Autres IndoB IndoP
-ptions
Cuambana 53 44 9 33 9 72 29453
Homoine 101 14 39 472 56014
Inharrime 83 62 21 18 50 125 27620
Massinga 23 1 14 91 37538
Morrumbene 54 13 27 105 424%
Panda 5 5 11 77 25648
Vilanculos 15 5 1 30398
Zavala 9 106 30 89 151 942 249167
Total 343 178 302 1884 498334
Population indigène (recensement de 1930). Non inclus les villes de LM et Inhambane.
Source : données du recensement de 1928 concernant les différentes circonscriptions des
districts de LM et Inhambane. Compilation réalisée à partir de l'Anuàrio de Lourenço
Marques de 1931.

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32 JoanaPEREIRALEITE

Tableau 2. Indiens au Sud du Save: total des districts et populations des villes de LM
et Inhambane
2.1 Total Districts
Européens Indiens Métis Jaunes
IndoB IndoP

LM 10703 1974 1939 3068 380


Inhambane 693 205 424 1677 5
Source: Recensement de 1928. Données compilées dans l'Anuàrio de LM 1931

2.2 Total Villes (capitales des Districts)


Européens Indiens Métis Jaunes
IndoB IndoP

LM 8988 1342 1668 2009 315


Inhambane 350 27 122 5
Source: Information calculée par différence à partir du tableau 2.1 et du tableau 1 (1.1 e 1.2)

Tableau 3. Comunnauté Indienne au Mozambique - Recensement de 1928*


Districts Indo-Port % Indo- Brit %
Sud du Save 2363 76 2179 45
Lourenço Marques 1939 62 1974 41
Inhambane 424 14 205 4
Autres districts** 750 24 2658 55
Total de la colonie 3113 100 4837 100
^Population masculine et féminine. ** Quelimane, Tête, Moçambique, Cabo
Delgado et Territoire de la Companhia de Moçambique. Source: Recensement de
1928, publié dans l 'Anuàrio de Lourenço Marques de 1931.
Indo-britanniques et Indo-portugais. 33

Carte

José Capela (1993) O Alcool na œlonizaçâo do Su\ do Save 1860-1920,


Ediçâo do castor, Maputo, p. 6]

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/Administraçâo. Secçâo A. Requerimentos e petiçôes/1899/Caixas 1914el915
-Fundo do século XIX (Governo Gérai de Moçambique) /1885-19OO/ Caixas : 8-
241, 8-238, 8-237 ; 8-233, 8-229, 8-166, 8-165, 8-164, 8-163, 8-151, 8-116, 8-107,
8-86, 8-85, 8-60, 8-30, 8-28, 8-27, 8-25.

-3.2
General
Maharashtra
Department
State: archives. Bombaim (MSA)
"Statement by Sir Benjamim Robertson before the Asiatic Enquiry Commision" - in
Emigration. South Africa Report of the Asiatic Enquiry Commision, 1921. General
Department / Compilation, files n° 479/192
"Illicit recuitment from Rai Bareli district of emigrantes for Mozambique" in
General. Department / Compilation files 472, vol 63, 1889.
"A Bill to Amend the law relating to émigration". in Emigration : Amendment of
Emigration Act .General Dep / n°615/1927
Indo-britanniques et Indo-portugais. . . 37

"The Indian Emigration Act 1871" in 32th gênerai report of émigration


commissioners, London, 1872 / Pub 9818/1872
"Emigration Act 1883" in Acts passed by the Government of India / Pub 19210/1884
"Act n° VII of 1992-An Act to amend the law relating to émigration (The Indian
Emigration Act (1908)" in Journal ofIndian Acts 1921-22 / N47 13 1 A

3.3 - Interview de Fatima Amade- Lisboa, Marco 2000.

RFHOM, T.88, n°330-331 (2001)

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