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Le

mag
sondage
WWW
Grands enjeux :
les Français conscients
de tout mais prêts à rien
grand entretien
René Passet
« Aucune génération
n’a eu à affronter un
ensemble d’épreuves
du Printemps de l’économie aussi considérable
que la nôtre »

Bifurcations
l’heure des choix

Avec : Olivier Pastré, René Passet, Claire Lemercier, Katheline Schubert, Sylvie Faucheux, Philippe Naccache, Julien Pillot,
Sylvie Goulard, Olivier Sichel, Brigitte Dormont, Philippe Brassac, Patrick Artus, Elvire Guillaud, Philippe Aghion,
Dominique Plihon, Jérôme Pimot, Xavier Timbeau, Lison Rehbinder, Agnès Benassy-Quéré, El Mouhoub Mouhoud.
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éditorial

© Ad
rien
Olivier Pastré

Thib
Professeur d’économie

au
à l’Université de Paris VIII.

lt
I
l ne m’arrive pas souvent de économique et sociale. Le mérite de
faire des compliments mais, une ce 9e Printemps de l’économie est, dans
fois n’est pas coutume, je trouve ce registre, d’ouvrir au plus large
que le titre de la 9e édition du le champ des possibles. Un effort
Printemps de l’économie est particulier doit être fait pour les jeunes
particulièrement bien choisi qui arrivent chaque année à concurrence
et il faut en féliciter les organisateurs. de 800 000 sur le marché du travail.
Depuis 18 mois, l’écrasante majorité des Un revenu minimal ciblé, et surtout
débats porte sur les réformes à mener contrôlé, doit être mis en place au
pour faire face à la pandémie. Le mot plus vite mais il doit l’être de manière
de réforme devrait être – momentanément suffisamment pérenne pour constituer
au moins – banni du vocabulaire une véritable voie vers un emploi
des économistes. Il y a deux types durable et qualifiant. Idem en matière
d’économistes : ceux qui croient qu’il s’agit de retraite (66 ans ?). Idem en matière de
d’une crise très grave à l’image de celle formation professionnelle (budget doublé
de 2008-2009 et ceux, beaucoup plus sous conditions ?). Idem en matière de
rares, dont je fais partie, qui considèrent fonds propres des TPE (financement
que nous vivons une véritable fracture. décuplé ?). Idem en matière de règles
Un seul chiffre : des pandémies ayant fait financières (refonte complète de Bâle 3).
plus d’un million de morts en si peu Idem en matière de transition énergique
de temps, on en relève, en étudiant (hausse importante et continue de la taxe
un peu sérieusement les archives, carbone). Idem… Idem… Idem…
cinq depuis la peste antonine de 166 de Le 9e Printemps de l’économie fera date
notre ère. Une tous les quatre siècles… car l’économie mondiale est à la croisée
Face à ce tsunami, aucune réforme, aussi des chemins. À condition d’ouvrir tous les
ambitieuse soit-elle, n’est à la hauteur. débats et de ne céder à aucune concession
Ce sont de véritables ruptures intellectuelle.
auxquelles il faut procéder. Et ce dans Nul doute que les organisateurs sauront
presque tous les domaines de la vie remplir ces deux conditions… •

Numéro spécial conçu par l’agence miz’enpage (www.mizenpage.com) pour l’association Les économiques/Le Printemps de l’économie. Tous droits réservés. Rédacteur en chef :
presse édition

Stéphane Béchaux • Coordination éditoriale : Pierre-Pascal Boulanger, Rémi Jeannin • Coordination de rédaction : Céline Charpentier • Direction artistique : Grégoire Levy-Duplat
• Maquette : Gaëlle Cochart. • Imprimé à Paris par Copystore le 12 octobre 2021. Tous droits réservés.

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 03


CO

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Grand entretien avec René Passet....................... 06

10
« Aucune génération humaine
n’a eu à affronter un ensemble d’épreuves
aussi considérable que la nôtre »
 Grand entretien
flashback Ramer pour faire virer le Titanic.......... 10
« Aucune génération
Sondage
humaine n’a eu à
Grands enjeux : les Français affronter un ensemble
conscients de tout mais prêts à rien.................................12 d’épreuves aussi
considérable que
la nôtre »
Dossier
Bifurcations l’heure des choix............ 16
•N
 ature
Entretien avec Katheline Schubert
« La lutte contre le réchauffement climatique
n’est pas un chemin pavé de roses ».............................. 18
12
 Sondage 
• Produire et consommer responsable, un sacré défi....... 20
Grands
• La nouvelle Odyssée des banques centrales
contre le changement climatique............................................. 21
enjeux :
les Français
• Inscrire l’économie dans une trajectoire zéro carbone.......22
conscients
•P
 rogramme du Printemps de l’économie....... 25 de tout mais
prêts à rien !
•B
 ien-être
Entretien avec Brigitte Dormont
« Les citoyens acceptent de dépenser beaucoup

Bifur-
printempsdeleco.fr

pour vivre longtemps et en bonne santé ».............. 30 Guerres & paix


L’ÉVOLUTION DE LA PART DE NUCLÉAIRE
DANS LE MIX ÉNERGÉTIQUE D’ICI 2040
Selon vous, d’ici à 2040, la place du nucléaire

ca-
dans la production d’électricité en France ?

• L’insertion professionnelle des jeunes, la priorité.............32 38 %

• Pourquoi il faut sortir de l’économie du « low cost ».........33


Rester au même
niveau (70%) 43 %

tions
18 % Diminuer,
vers 50%

• Non, notre système de protection sociale


Augmenter 1%
NSP

n’est pas trop généreux...................................................................34


LE POIDS DE LA FRANCE FACE
AU GRANDS ENJEUX MONDIAUX
La France peut-elle agir efficacement seule
dans chacun des domaines suivants ?

La protection
sociale 77 % 22 % 1%

Face aux grands enjeux climatiques, sociaux, technologiques


La régulation
de la finance 49 % 51 %

•D
 igital
et de souveraineté, suffira-t-il d’adapter notre système productif
ou faudra-t-il en changer ? Bref... L’heure des choix ! La présevation
de la biodiversité 42 % 58 %
DOSSIER COORDONNÉ PAR STÉPHANE BÉCHAUX
La ville contre
la pollution de l’air 41 % 58 % 1%
et de l’eau
Le changement
climatique 33 % 67 %

Entretien avec Philippe Aghion


Oui Non Ne se prononce pas

« Aucune des grandes révolutions technologiques Ils

16
La bonne échelle pour agir, En France comme partout, « Un Américain « Il est crucial de « Les pouvoirs publics
ce n’est pas la France mais les dépenses de santé augmentent dépense en moyenne savoir comment ont montré leur

disent
l’Union européenne ou, mieux, plus vite que la création de 22 euros par jour pour nos données sont capacité à gérer des
l’ensemble des pays développés, richesses depuis de longues sa santé. Un Français utilisées et qui problèmes complexes,

n’a conduit au chômage de masse »..............................36


États-Unis en tête années. 11 euros. » en a le contrôle. » dans l’intérêt collectif. »
Katheline Schubert P.18 Brigitte Dormont P.30 Elvire Guillaud P.34 Dominique Plihon P.39 Xavier Timbeau P.42

16 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 17

• Plutôt que de démanteler les GAFAM, régulons-les........38


• L’économie numérique doit servir les gens,
pas les exploiter..................................................................................39
PROGRAMME

• La révolution digitale crée de nouveaux prolétaires....... 40


nomie
•S
 ouveraineté Emparez-
vo us de l’éco

Entretien avec Xavier Timbeau Bifurcations


« Avec le Covid-19, on s’est rendu compte L’heure des choix
Du mardi 12 au vendredi 15 octobre 2021

de la nécessité d’avoir un État fort ».............................42 Mardi 12 octobre


Amphithéâtre du Campus Eiffel
de l’OMNES Education
10 rue Sextius Michel, 75015 Paris
Métro Dupleix (L6).
membre du Conseil scientifique du Printemps
de l’économie.
Intervenant-e-s: Catherine Audard,
Professeure de philosophie morale et
politique à la London School of Economics
Hyppolite d’Albis, Directrice de recherche
#1 ................................. 8h15 - 9h15 au CNRS et professeure à l’École d’économie
Bifurcations: l’heure des choix de Paris, PSE,

• Taxer les multinationales, oui,


Session Les Économiques, conçue par Pierre- Jean Pisani-Ferry, Titulaire de la chaire
Pascal Boulanger, Président-fondateur du Tommaso Padoa-Schioppa à l’Institut
Printemps de l‘économie, et membre de son universitaire européen de Florence, Senior
Conseil scientifique. Fellow à Bruegel (Bruxelles) et Non-Resident
Ouverture de la 9e édition du Printemps Senior Fellow au Peterson Institute
de l’économie: Pierre-Pascal Boulanger, (Washington DC),

mais sous l’égide de l’ONU............................................................44


Président-fondateur des Économiques Xavier Ragot, Président de l’OFCE,
et du Printemps de l’économie, Xavier Timbeau, Directeur général de l’OFCE.
Sylvie Faucheux, Dean Recherche, Relations Modérateur: Xavier Timbeau, Directeur
institutionnelles & RSE OMNES Education, général de l’OFCE.
Directrice Générale IFG Executive
Education. #3 ............................. 10h45 - 11h45
Le modèle de l’enseignement supérieur

• Le rôle essentiel de l’État comme assureur..........................45


Intervenant-e-s: Michel Aglietta, Conseiller
scientifique, CEPII, doit-il se réinventer?
Agnès Bénassy-Quéré, Cheffe économiste, Session OMNES Education, conçue par
Direction Générale du Trésor, Sylvie Faucheux, Dean Recherche, Relations
Sylvie Faucheux, Dean Recherche, Relations institutionnelles & RSE OMNES Education,
institutionnelles & RSE OMNES Education, Directrice Générale IFG Executive Education.
Directrice Générale IFG Executive Intervenant-e-s: Sylvie Faucheux, Dean

• Récupérer des avantages comparatifs


Education, OMNES Education & Directrice IFG
René Passet, Professeur émérite d’économie, Executive Education,

Retrouvez
Paris I Panthéon-Sorbonne. Hugues Ferrebœuf, Chef de projet
Modératrice: Célia Quilleret, Journaliste « The Shift Project »,
à France Inter, spécialiste environnement. Delphine Lesserre, Professeure à HEC
Montréal, Fondatrice d’Alkaia Education.

par l’innovation...................................................................................46
#2 .............................. 9h30 - 10h30 François Taddei, Directeur du CRI (Centre

le détail des sessions


Innovation, planification, de Recherche Interdisciplinaire), Université
redistribution, protection: Paris Descartes.
faut-il réinventer l’État? Modératrice: Aurélie Djavadi, Cheffe
Session Les Économiques, conçue par Xavier de rubrique éducation, The Conversation.
Timbeau, Directeur général de l’OFCE Sciences Po,

sur notre site internet


En direct sur
Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine www.printempsdeleco.fr
25

• Pour aller plus loin......................................................... 48 www.printempsdeleco.fr

04 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


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printempsdeleco.fr

Bifurcations • Grand entretien

« Aucune génération humaine


n’a eu à affronter un ensemble
d’épreuves aussi considérable
que la nôtre »
Voilà plus de 40 ans que l’économiste de tous les autres. C’est parce qu’ils veulent rester dans le
René Passet martèle que l’activité humaine pré carré de leur savoir clos que beaucoup se révèlent
ne peut ignorer les lois de la Nature. Décriés incapables d’accéder au réel.
à l’origine, ces travaux ont depuis inspiré grand
nombre de ses pairs. Rencontre avec ce vision- Que vous inspire le thème de la 9e édition du Printemps de
naire, qui fut le premier président du conseil l’économie, « Bifurcations : l’heure des choix » ?
scientifique d’Attac. Rien dans l’univers n’existe qu’en (et par l’) évolution. Les
Propos recueillis par Stéphane Béchaux forces qui guident celle-ci, peuvent emprunter des directions
diverses déterminées par le jeu de ces forces. Précédant
toute bifurcation, il est des « points critiques » où les forces
En 1979, vous sortiez la première édition de s’équilibrent. Il suffit alors d’un événement mineur,
« L’Économique et le vivant ». Visiblement, les faits totalement imprévisible, pour faire basculer le cours de
vous ont donné raison. l’évolution. De bifurcation en bifurcation, le monde s’édifie :
J’aurais préféré avoir tort, au moins en ce qui concerne une bifurcation, deux possibilités ; deux bifurcations, quatre
la gravité des menaces appelées à peser sur l’humanité. possibilités, etc. dont une seule se réalisera. À mesure que
Il me semble que l’erreur de certains scientifiques est de l’on avance, le nombre des possibles s’enrichit d’options
considérer leur discipline comme un savoir qui s’accumule nouvelles et se complexifie. Et, celle qui s’imposera dans la
alors qu’il ne s’agit que d’un questionnement spécifique : réalité, prise dans un plus grand nombre de possibles,
pour le physicien, a-t-on pu dire, la verrue qui ornait le nez devient de moins en moins prévisible. Ce hasard-là tourne
de Cromwell n’était qu’un conglomérat d’atomes et de donc le dos au hasard des grands nombres qui nivelle tout
molécules ; pour le biologiste, un dysfonctionnement dans autour de la moyenne (la pièce de monnaie que l’on jette en
l’organisation de ses cellules nasales ; pour le psychologue, l’air) et ne construit rien. C’est un hasard créateur qui relie
elle a pu avoir (ou non) des conséquences sur le l’univers des choses mortes à celui de la biologie.
comportement du responsable politique, etc. En fait, elle
était tout cela en même temps : chacun a besoin du savoir Est-ce l’heure des choix ?
S’agissant du court terme, le point critique étant celui
Bio express
où un phénomène mineur peut faire basculer le cours
Premier président du conseil scientifique d’Attac, l’économiste René Passet est des événements, cette approche nous permet de
considéré comme l’un des pionniers du développement durable en France. En comprendre le rôle souvent décisif des minorités, voire
1979, il publie « L’Économique et le vivant », ouvrage dans lequel il dénonce les
risques d’une économie ignorant les lois et mécanismes de la nature. Un livre
d’un individu, dans l’Histoire. Ceci pour le pire (Hitler,
critiqué à l’époque, mais qui a depuis démontré toute sa pertinence. Inlassable Staline, Mao, Pol Pot) ou le meilleur (le Mahatma Gandhi,
défenseur de la « bioéconomie », René Passet n’a eu de cesse, tout au long Nelson Mandela). Mais s’agissant du très long terme, à
de sa riche carrière, de marteler que les organisations économiques doivent
respecter les rythmes de reconstitution des ressources renouvelables.
l’échelle des temps cosmiques et de l’avenir de l’humanité,
l’impression qui prévaut est celle de forces colossales

06 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


© Vincent Baillais/Andia.fr

emportant celle-ci vers un « on ne sait quoi » dont la nature


– et même l’existence – défient toute imagination. « Cette fois-ci, on a compris que toutes les aides,
indemnités, compensations versées […], toutes
Si nous voulons faire des choix éclairés plutôt que les dettes accumulées, coûteraient moins cher
hasardeux, que devons-nous retenir de cette pandémie ? que l’effondrement total des activités et des
Tout choix est un pari effectué dans l’incertitude et structures sociales. »
exigeant une vision globale des choses. Confiner ou non,
par exemple, ne met pas seulement en cause des pas réagi autrement. Le fameux “quoi qu’il en coûte”
considérations d’ordre médical mais aussi psychologique, montre que globalement et pour l’essentiel elle a compris
social ou économique. Il revient au responsable politique la nature du problème.
d’arbitrer entre toutes ces données. Il doit donc largement
consulter mais n’a pas à obéir aux injonctions d’une Le monde d’après peut-il ressembler au monde d’avant ?
discipline particulière, fût-elle médicale. Un autre univers se dessine : « Nous sortons du
néolithique », déclarait le grand paléontologue André Leroi-
En France, les pouvoirs publics ont-ils pris Gourhan. Hier le monde des énergies « froides » (le vent, la
les bonnes décisions ? chute d’eau) n’était pas celui des énergies du feu, qui ne se
La plupart des responsables politiques du monde ont évité renouvellent pas et épuisent la nature. Celui du numérique
de renouveler l’erreur de leurs prédécesseurs qui, en 1929, comme force motrice de l’évolution ne sera pas celui de
avaient pratiqué une politique d’épargne alors qu’il aurait l’énergétique. Cependant, toute époque véhicule à la fois
fallu stimuler la reprise par la dépense. Cette fois-ci, on a les survivances du passé, les impératifs du présent et
compris que toutes les aides, indemnités, compensations les germes annonciateurs de l’avenir. Il y a donc toujours
versées aux entreprises et aux travailleurs, toutes les dettes une certaine continuité dans l’Histoire : le passage au
accumulées, coûteraient moins cher que l’effondrement numérique s’accompagne de l’acquisition de nouvelles
total des activités et des structures sociales. La France n’a dimensions mais non de l’affranchissement par rapport

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 07


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Bifurcations • Grand entretien

aux dimensions anciennes. Ses technologies restent


de grosses consommatrices d‘énergie. Il ne s’agit pas
de l’entrée dans un univers éthéré de l’immatériel.

Sommes-nous en présence d’une révolution ?


Incontestablement oui. Sur le plan technologique, c’est
le véritable tsunami qui, depuis 1971, déferle sur le terrain
de l’informatique. En 1938, l’ordinateur le plus rapide,
qui était allemand, traitait une opération par seconde. © Vincent Baillais/Andia.fr
En 2020, le superordinateur japonais Fugaku atteignait
400 millions de milliards d’opérations/seconde et l’on les années Trump, le nouveau président des États-Unis
prévoit le milliard de milliards pour 2050. Pourtant, proclame le retour de son pays dans les accords de Paris,
cela pourrait n’être rien à côté des futurs ordinateurs lorsqu’il fait de l’environnement la priorité des priorités
fondés sur la physique quantique. Concernant la capacité de sa politique et entraîne le monde avec lui, on peut dire
de stockage, on estime qu’il faudrait cinq millions d’années que la prise de conscience est en train de s’imposer. C’est un
pour traiter aujourd’hui un mois d’images recueillies tournant majeur.
en 2017 sur Internet. C’est l’ère Big Data des « données
massives ». Sur le terrain des mutations sociales, nous Y a-t-il des projets qui vous paraissent très prometteurs ?
atteignons le point de basculement où la logique du La stratégie la plus prometteuse me semble être d’utiliser
numérique bouleverse les données de l’existence. Les gens les lois de la nature (espèces et écosystèmes) pour sauver la
de ma génération deviennent les illettrés d’une société nature. En 2030, par exemple, la Grande muraille verte qui
dont ils ne comprennent plus le langage. Ce sont leurs réunit onze nations africaines traversera le continent de
enfants et leurs petits-enfants qui les guident dans Dakar à Djibouti sur une longueur de 7 500 kilomètres
ce nouvel univers. Jamais aucune génération humaine et devrait végétaliser 100 millions d’hectares. On en attend
n’a eu à affronter un ensemble d’épreuves aussi une amélioration des conditions climatiques et de la sécurité
considérables que la nôtre. Nous entrons dans la sixième alimentaire ainsi que dix millions d’emplois permanents.
extinction massive des espèces. La précédente, qui a vu
disparaître les dinosaures, s’est produite il y a un peu plus Mais au même moment, certains patrons américains
d’une cinquantaine de millions d’années. Or Toumaï, notre lancent des activités de tourisme spatial…
plus ancien ancêtre à ce jour connu, ne remonte qu’à sept L’affirmation et la contradiction marchent de pair, souvent
millions d’années. Aucun humain n’a donc connu cela. réunies dans une même innovation. Sans doute y a-t-il
mieux à faire que de consacrer des moyens colossaux aux
Que faut-il changer dans notre rapport à la nature ? caprices de quelques privilégiés de la fortune voulant s’offrir
L’économie est, par essence, une activité de transformation des tours de manège spatial. Par ailleurs, si Elon Musk qui
de la nature visant à la satisfaction des besoins de s’attache, dans un premier temps, à coloniser la planète Mars
l’humanité. Elle fut considérée au xviiie siècle, avec les voulait vraiment sauver l’humanité de la fin datée du
physiocrates, comme un don du ciel et la seule source système solaire, il s’aviserait qu’il en coûterait moins cher
de richesses. Il fallait impérativement en respecter les lois d’investir – au profit de tous – dans la reconversion
(« l’ordre naturel »). Avec le progrès technique, l’humanité écologique de notre planète plutôt que de s’attacher
a cru pouvoir s’en affranchir. À force d’excès, l’existence- vainement au salut de quelques milliardaires, tout en
même de la nature est aujourd’hui en péril et avec elle abandonnant la « piétaille » terrestre à son triste sort.
celle de l’humanité. Il nous reste très peu de temps pour
apprendre à vivre dans le respect des mécanismes qui Vous considérez-vous comme un adepte
régissent la reproduction de la biosphère. de la décroissance ?
En aucun cas. Ou bien le mot désigne l’inverse de la
Avez-vous le sentiment d’une réelle prise de conscience ? croissance, ou bien il ne veut rien dire. Un monde n’existant
Au-delà des mots, je m’en tiendrai aux faits. Lorsque, après que par l’évolution ne saurait revenir en arrière sans se

08 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


condamner à disparaître. Lorsqu’un mode de croissance
se révèle insoutenable, c’est un autre mode qu’il faut mettre « Avec le Brexit, la Grande-Bretagne se prive
en place : « croissance soutenable » ou « développement des avantages offerts par la politique de la
durable ». L’originalité d’une pensée n’a rien à voir avec BCE qui rachète les créances liées au Covid
l’invention de pseudo-concepts dénués de sens. et reprend à sa charge le poids de la dette sans
que les bénéficiaires aient à subir la contre-
Faut-il alors repenser la mesure de la création partie du versement d’un intérêt. »
de richesses ?
La question des instruments de mesure (économiques assurent leur prospérité. De même, c’est en renonçant
ou non), de leur portée, de leurs imperfections et de leur à une part de leur autonomie pour constituer l’Union
éventuelle complémentarité est loin d’être négligeable. européenne que nos nations peuvent continuer à exister
Que peut valoir un prix – même corrigé – pour exprimer à l’échelle mondiale. Que pèserait chacune d’elles prise
des phénomènes qui se situent essentiellement hors du isolément, dans la tourmente actuelle ?
domaine marchand ? Le PIB lui-même, calculé à partir des
coûts de production, est loin de représenter un indicateur Vous ne croyez donc pas à la pertinence du Brexit ?
satisfaisant de richesse : celui ou celle qui épouse son En se séparant de l’Union européenne, la Grande-Bretagne
employé(e) de maison, dit-on, est un(e) mauvais(e) citoyen se prive des avantages liés à l’appartenance à un espace de
(ne) car, en cessant de lui verser son salaire, il (elle) solidarité dont le PIB (à parité de pouvoir d’achat) s’établit
contribue à la baisse du produit national, alors que autour de 16 % du PIB mondial, soit le même ordre de
cette personne continue à fournir exactement les mêmes grandeur que celui de la Chine et des États-Unis. Elle se prive
services à la collectivité. Tout progrès en ces matières ainsi des synergies liées au passage d’un ensemble de nations
est bon à prendre. Mais c’est au niveau des rapports repliées sur leurs égoïsmes particuliers à un ensemble
de force entre les intérêts nationaux et les puissances coopératif. Avec le Brexit, la Grande-Bretagne se prive des
multinationales économiques et financières que se joue avantages offerts par la politique de la BCE qui rachète les
l’avenir. Lorsque 140 nations, regroupées sous d’égide de créances liées au Covid et reprend à sa charge le poids de la
l’OCDE, se trouvent paralysées (par l’opposition d’un dette sans que les bénéficiaires aient à subir la contrepartie
président, Donald Trump) dans leurs efforts en vue de du versement d’un intérêt. Cette pratique porte aujourd’hui
mettre fin aux abus fiscaux de toutes sortes de ces sur 2 400 milliards d’euros. Enfin, elle se prive de l’accès au
puissances, c’est le ralliement de son successeur (Joe Biden) plan de relance de 750 milliards de dollars adopté à
qui fait basculer le rapport de force et change l’avenir. l’unanimité en juillet 2020 par l’UE. Tout cela lui coûtera très
cher. Déjà de nombreuses firmes dénoncent d’importantes
La crise sanitaire a-t-elle remis au goût du jour pertes de chiffres d’affaires, de grands établissements
la question de la souveraineté ? bancaires financiers, économiques délocalisent leurs sièges
Cette crise nous a fait prendre conscience de notre sociaux sur le continent et des voix s’élèvent en Écosse
interdépendance : c’est en se protégeant soi-même que l’on et en Irlande pour menacer le Royaume de faire sécession.
protège les autres ; et réciproquement. C’est en assurant la Les sacrifices non négligeables qu’auront à subir les pays
vaccination la plus large des pays pauvres que l’on cessera de l’Union – par exemple la pêche dans les eaux britanniques
d’offrir aux virus des territoires où ils pourront prospérer – ne sont pas du même ordre de grandeur.
et se diversifier, pour nous revenir plus difficiles à combattre.
Nous sommes dans un monde d’interdépendances. Or, on Le repli sur soi n’est donc pas une option ?
définit la souveraineté de la nation pas son indépendance. En des temps où se joue le destin de l’humanité, la seule
Mais, paradoxalement c’est de la multiplication des liens de planche de salut réside dans la solidarité des peuples.
dépendance que naît l’indépendance. Lorsque la prospérité Nous en sommes fort loin. Mais qui aurait pu penser que
d’une nation dépend d’une seule source de richesses, elle le mur de Berlin s’effondrerait sans qu’il en coûte une goutte
s’effondre dès que cette source disparaît. Exemple, l’Espagne de sang ? Il n’est jamais interdit d’espérer que la survenance
du xviie siècle avec l’épuisement de l’or arraché au Nouveau aléatoire d’un « point critique » puisse faire pencher la
Monde. C’est en diversifiant leurs activités que les nations balance vers la branche positive d’une future bifurcation. •

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 09


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Bifurcations • Flashback

éclairage historique
Claire Lemercier
Claire Lemercier, a co-écrit Sociologie
historique du capitalisme
historienne, directrice avec Pierre François.
de recherche au CNRS Il s’agit de son dernier
ouvrage publié en janvier
(Centre de sociologie 2021 aux éditions
des organisations). La Découverte. •

Ramer pour faire virer


le Titanic  Je ne voudrais pas dramatiser, il a nécessairement eu des cours sur le sujet.
mais la seule conclusion que je La croissance, c’est celle du produit intérieur brut
puisse tirer des informations dont (PIB), censé mesurer la valeur de tous les biens
je dispose comme secrétaire général, et services produits en un an dans un pays –
c’est qu’il reste peut-être dix ans aux membres de mesure très imparfaite, rappellent tous les cours.
l’Organisation des nations unies pour mettre de En particulier pour la valeur des services publics :
côté leurs anciennes querelles et s’associer à l’échelle privatiser tout l’enseignement augmenterait le PIB.
mondiale pour […] améliorer l’environnement des Mais aussi sur le plan écologique. Ainsi, extraire
humains […]. » C’est U Thant, ancien secrétaire et raffiner du pétrole, le mettre dans un bateau,
général des Nations unies de 1967 à 1971, qui le couler, gérer la marée noire s’avèrent très positifs…
s’exprime ainsi, en… 1969, citation reprise en 1972 pour le PIB.
en première page d’un texte commandé par le Et pourtant, malgré ces imperfections, la croissance
« Club de Rome », un groupe de scientifiques, de ce fameux PIB demeure un des objectifs
fonctionnaires et industriels de 52 pays : principaux à atteindre pour la plupart des
Les limites à la croissance. Ce rapport tire la gouvernements, et ce depuis la fin de la Seconde
sonnette d’alarme : la Terre n’est pas infinie, il est Guerre mondiale. La croissance, c’est bien ; le PIB
urgent de taxer l’industrie pour lutter contre la qui baisse, c’est la crise. C’est une sorte d’évidence
pollution. qu’on a en tête. Les sociologues appellent
« institutions » ces principes qui vont tellement
La croissance… pourquoi, en fait ? de soi qu’on n’y réfléchit jamais. « Pour sortir, je mets
Depuis cinquante ans, ce rapport a été régulièrement des vêtements » ; « le meurtre, c’est mal » ; « le PIB
réédité. Pourtant, en mars 2021, le ministre français qui baisse, c’est la crise ». Ces institutions sont un
des Comptes publics affirme avec espoir qu’un taux appui commode pour prendre nos décisions, mais
de croissance de 6 % est « atteignable ». Diplômé aussi un frein au changement : elles font qu’une
de l’Institut d’études politiques de Grenoble, société ne vire pas de bord plus facilement qu’un

10 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


paquebot. On a beau avoir entendu 100 fois qu’une les responsables politiques et les économistes, des
croissance économique de 2 % par an épuisera la éléments problématiques pour l’avenir de la planète
planète en quelques décennies, cette information ne sont devenus des évidences : le profit financier avant
pèse pas lourd face à l’évidence que « la croissance, tout, les délocalisations…
c’est bien ».
Ramer, sans savoir si le cours de l’histoire
changera
« L’obsession de la croissance ne date que de L’histoire économique, comme l’histoire en
75 ans. Quelques siècles avant, les gouvernements général, peut donc changer de cours : des principes
cherchaient plutôt à avoir un plus grand territoire, évidents à un moment, ne le sont plus quelques
une plus grande population ou plus d’or. » décennies plus tard. Mais les personnes qui vivent
ces changements n’en ont pas nécessairement
Une bifurcation qui pollue conscience. En fait, il y a toujours une minorité qui
Mais les institutions ne sont pas éternelles. bifurque individuellement – des patrons ou des
L’obsession de la croissance ne date que de 75 ans. consommateurs, par exemple, qui se disent : « ce n’est
Quelques siècles avant, les gouvernements plus possible, je vais passer au commerce équitable ».
cherchaient plutôt à avoir un plus grand territoire, Mais, ce qui fait la bifurcation historique, c’est que
une plus grande population ou plus d’or. S’ils suffisamment de personnes, surtout en position
choisissaient aujourd’hui la biodiversité, ce serait de pouvoir (politique, économique, médiatique)
une bifurcation : un nouveau « ça va de soi ». changent ainsi, en assez peu de temps.
La recherche en Histoire permet de repérer Impossible donc pour une historienne de dire si
des bifurcations dans le passé. Par exemple, si nous sommes en train d’en vivre une, et dans quel
vous lisez à une historienne deux textes qui sens. Mais ça ne veut pas dire que les bifurcations
parlent d’entreprises, l’un écrit en 1960 et l’autre arrivent indépendamment de notre volonté : elles
aujourd’hui, il y a de très fortes chances qu’elle sache n’ont pas de cycles naturels ! Elles sont toujours
immédiatement les situer dans le temps – et pas le produit de rencontres entre des mobilisations
seulement parce que l’ancien ne parle pas de Covid
19 ou de 5G. Dans le texte contemporain, les patrons,
actionnaires ou consultants expliqueront que la « ça ne veut pas dire que les bifurcations arrivent
production doit se faire au maximum dans des pays indépendamment de notre volonté : elles n’ont pas
à bas salaire, et que les entreprises, telles Apple, Nike de cycles naturels ! Elles sont toujours le produit
ou H & M, n’ont pas besoin d’employer des ouvrier·es de rencontres entre des mobilisations collectives
mais plutôt des cadres dirigeants et des designers. et des circonstances imprévues.»
Ils affirmeront aussi que leur but, c’est de rapporter
un maximum d’argent à leurs actionnaires, sinon, collectives et des circonstances imprévues. Bien
ceux-ci changeront d’entreprise. Dans le texte avant 1970, il y avait des juristes, des économistes,
datant de 1960, en revanche, rien de tout cela. On des lobbies qui affirmaient que le profit des
parlera moins des actionnaires, parce qu’ils avaient actionnaires devait être l’objectif unique des
moins de pouvoir ; et beaucoup plus du nombre de entreprises. Leurs idées étaient peu écoutées…
salariés car il était bien vu de produire « en interne » jusqu’au moment où elles sont devenues l’évidence
au maximum, en employant directement un grand partagée. De même, l’abolition de l’esclavage, ou
nombre de personnes. Entre la fin des années 1960 l’égalité salariale hommes-femmes, a longtemps été
et le début des années 1990, il y a donc bien eu une… défendue par des minorités, avant d’être inscrites
bifurcation. Pas de chance pour les écologistes : dans des lois ; la seconde n’est pas encore une
c’est au moment où ils ont commencé à se faire institution… Une bifurcation ne se décrète pas,
entendre que, parmi les dirigeants d’entreprises, mais sans mobilisations, elle ne peut pas avoir lieu. •

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 11


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Bifurcations • Sondage
Sondage OpinionWay pour Le Printemps de l’économie et OMNES Education

Grands enjeux : les Français


conscients de tout mais prêts à rien
La formule est sévère, un brin exagérée, mais les résultats de notre
sondage donne bien cette impression : oui, les Français sont bien la stratégie concernant les importations
conscients des grands enjeux, mais non, ils ne sont prêts à rien pour Seriez-vous favorable ou pas à... ?
y faire face. Si 87 % des Français se disent favorables à la réduction Réduire la dépendance de la France
de la dépendance de la France et de l’Europe aux importations de et de l’Europe aux importations
certains biens stratégiques, seuls 51 % d’entre eux seraient prêts à de certains biens stratégiques.
les payer plus cher afin que le prix englobe le coût de leur impact
environnemental. Et encore moins y consentiraient (41 %) sans
garantie que cette hausse des prix participerait à la préservation
de l’environnement. Les « pas du tout favorables » (29 %) sont trois Payer plus cher les produits importés.
fois plus nombreux que les « tout à fait favorables » ! De même, 51 %,
d’entre eux pensent que la taxe carbone est un mauvais moyen pour
réduire les émissions de CO2 en France, 16 % pensant même qu’il s’agit
d’un très mauvais moyen contre 9 % seulement estimant qu’il s’agit Payer plus cher des produits importés
d’un très bon moyen. Les Gilets jaunes ne sont pas si loin : touche pas pour que leur prix reflète le coût qu’ils
à mon porte-monnaie ! Sur d’autres sujets, les réponses vont dans font peser sur l’environnement dans
le même sens : 62 % sont contre toute augmentation du niveau de les pays où ils sont produits.
protection sociale (revenu universel, RSA jeunes) si cela se traduisait
par plus de cotisations sociales, et 59 % ne sont pas favorables à la
proposition de travailler plus longtemps pour en accroître les recettes.
On le voit : la gouvernance des années à venir sera difficile tant les Les questions concernent implicitement la
pistes de réformes, qu’elles émanent de la droite, de la gauche ou des problématique du protectionnisme : limité
écologistes, semblent rejetées par l’opinion. Y compris la réduction aux seules filières stratégiques étendues aux
à 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité (56 % importations carbonées ou généralisé à toutes
pensant qu’il faut soit rester au même niveau, soit l’augmenter). Y compris les marchandises. L’adhésion est fonction inverse
le projet d’une défense européenne (69 % pensant que la Défense de la radicalité du protectionnisme. Le focus a
de la France doit rester une affaire nationale). Par contre, si l’opinion été délibérément placé sur les retombées de ces
publique, qui s’est fait un avis clair sur les grands enjeux après 18 mois politiques en termes de pouvoir d’achat. Ce parti pris
de crise sanitaire, refuse de payer la note, elle demande à l’État d’agir, surligne l’hypersensibilité des classes d’âge les plus
essentiellement par voie réglementaire. Ainsi, plus des 3/4 des Français actives (les 35-49 ans notamment), des personnes
lui demandent de lever temporairement les brevets concernant des occupant les emplois les moins bien rémunérés
biens de santé publique. 53 % sont favorables à un taux d’imposition et des femmes aux risques de dégradation de leur
sur les profits des multinationales bien supérieur aux seuls 15 % niveau de vie.
proposés par la communauté internationale. Parmi ces dernières, les La sortie de la mondialisation carbonée et la conquête
GAFAM seraient concernés par la hausse de la fiscalité sans qu’il soit des circuits courts ne se feront pas dans la douleur.
nécessaire de les démanteler (58 % des Français étant contre). Conscients que la mondialisation n’a pas fait que
Enfin, concernant les plateformes, l’État devrait imposer le statut de des perdants, les sondés refusent de payer la facture
salariés à l’ensemble de leurs travailleurs pour 79 % de nos concitoyens, de la sortie. Seule la relocalisation stratégique, parce
et se doter des moyens de contrôler les informations personnelles qu’elle est rattachée à des bénéfices immédiats,
dont elles disposent sur leurs clients pour 56 % d’entre eux. Conscients sécurité sanitaire ou réduction des risques de
de tout, les Français ne veulent rien payer. Que l’État légifère ! • pénurie, fait large consensus. •
Pierre-Pascal Boulanger – Président des économiques - Olivier Passet – Directeur de la Recherche
Fondateur du Printemps de l’économie et des synthèses économiques, Xerfi.

Méthodologie : échantillon de 1011 personnes représentatif de la population française de 18 ans et plus. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères
de sexe, d’âge, de catégorie socio-professionnelle, de taille de commune et de région de résidence, secteur d’activité, taille d’entreprise. Interviews réalisées le 08/09/2021 et 09/09/2021.

12 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


58% Non

53% Un taux 43% Un taux


identique
supérieur
40%

Oui
2% 1% 3%
NSP NSP Un taux inférieur
le démantelement des gafam L’imposition des firmes multinationales
Faut-il démanteler les grandes sociétés du numérique, Afin de s’attaquer aux paradis fiscaux, un accord international
appelées «GAFAM» (Google, Apple, Facebook, Amazon, est en cours de finalisation pour que les firmes multinationales
Microsoft) ?
paient un taux minimum d’impôt sur les profits qu’elles logent
à l’étranger de 15%. La France devrait-elle soutenir la proposition
d’un taux supérieur, identique, ou inférieur ?

Faut-il que la puissance publique durcisse Reste qu’une large majorité des Français Or, ces pratiques passent d’autant plus
le ton face aux GAFAM (Google, Apple, (58%) se prononce en défaveur de mal dans l’opinion qu’elles sont le fait
Facebook, Amazon, Microsoft) ? leur démantèlement, ce qui laisse à de firmes qui présentent des résultats
à la question « faut-il démanteler penser qu’une action antitrust contre exceptionnels et qui se sont en outre
les GAFAM ? », les Français se sont ces entreprises est peu crédible ou encore renforcés durant la crise Covid.
prononcés favorablement à 40%, ce qui non souhaitable. Au contraire du levier Néanmoins, si le principe d’une taxe
témoigne d’une défiance marquée envers fiscal qui apparaît comme prioritaire, mondiale paraît largement partagé dans
ces géants dont le pouvoir économique notamment auprès des plus de 35 ans. l’opinion, son niveau divise : les Français
et l’intrusivité inquiètent. Fait intéressant : Il semble, en effet, que les années de le jugent à 53% comme insuffisant. Sans
cette défiance est d’autant plus marquée négociation autour de la mise en place doute se rappellent-ils que ce taux de 15%
auprès des jeunes générations qui d’une taxation mondiale minimum reste bien en-deçà du taux d’imposition
semblent mieux percevoir l’étendue sur le profit des multinationales ont sur les sociétés françaises qui aura été
tentaculaire des empires commerciaux contribué à faire connaître les pratiques ramené de 33,3% à 25% entre 2017 et 2022. •
des GAFAM. d’optimisation fiscales de ces entreprises. Julien Pillot – Enseignant-Chercheur, OMNES Education.

la taxe carbone
40%
La fiscalité (taxe carbone) est-elle selon vous 34%
un bon ou un mauvais moyen pour réduire
les émissions de CO2 en France ?
16%
L’équilibre des réponses négatives 9%
ou positives concernant la taxe 1%
carbone a de quoi surprendre. La Très bon moyen Assez bon moyen Assez mauvais moyen Très mauvais moyen NSP
plupart des enquêtes récurrentes BON MOYEN mauvais MOYEN
menées sur ce sujet indiquent plutôt 49% 50%
un rejet de près des trois quarts de
la population française. Cet équilibre le seul angle de l’alourdissement des doute la facture in fine). Cette question
apparent montre que l’aversion factures attenantes à l’automobile ou souligne aussi le fossé générationnel
supposée des Français à l’égard de au chauffage domestique, a fait l’objet face à l’enjeu climatique : forte
la taxe carbone ne repose pas sur d’un rejet massif dans l’opinion. Faire adhésion des plus jeunes et tentation
d’un rejet de principe. C’est bien la payer les pollueurs, surtout lorsqu’il du statu quo pour ceux qui sont en
question de « qui paie en dernier s’agit des entreprises, ne rencontre âge « hyperactif », et qui craignent une
ressort » qui polarise l’opinion. En certainement pas le même rejet fragilisation de leur emploi. •
pleine conflagration des gilets jaunes, (notamment si l’on esquive le fait que Olivier Passet – Directeur de la Recherche
la fiscalité carbone, alors perçue sous c’est le consommateur qui paiera sans et des synthèses économiques, Xerfi.

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 13


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Bifurcations • Sondage
Sondage OpinionWay pour Le Printemps de l’économie et OMNES Education

le contrôle des informations personnelles sur les plateformes numériques


L’état doit-il se doter des moyens de contrôler les informations personnelles
dont disposent les plateformes numériques sur leurs clients ?
56% des personnes interrogées sont favorables à ce que l’État,
en France, se dote des moyens de contrôler les informations
personnelles dont disposent les plateformes numériques sur leurs
clients. L’adhésion à cette proposition est plus forte chez les plus de Oui
65 ans (62%), mais les mêmes sont particulièrement opposés à un 56%
éventuel démantèlement des grandes sociétés du numérique (59%
contre). Pourtant, la taille et l’interopérabilité des systèmes de ces 43%
plateformes sont au cœur de la reprise du contrôle sur l’utilisation
des données personnelles. Dans ce domaine, comme dans d’autres, Non
les Français sont conscients de l’enjeu, mais pas nécessairement
disposés à voire adoptées les mesures pour le traiter. •
Rémi Jeannin – Vice-président des économiques. 1%
NSP

La levée temporaire des brevets de santé publique

Oui Les états devraient-ils s’entendre pour lever


temporairement les brevets concernant des biens
77% de santé publique (vaccins, médicaments) ?
La santé est un bien public aux yeux des Français. Sans surprise,
la levée temporaire des brevets dans ce domaine, supposée
faciliter la diffusion à faible prix des vaccins et médicaments,
rencontre une large adhésion. Que le risque d’un affaiblissement
du financement de l’innovation en matière de santé soit
mal perçu et ne déclenche pas les passions est aisément
21% compréhensible. Il s’agit là d’une nouvelle confirmation de
Non l’aspiration des populations à des réformes jugées indolores.
2% C’est auprès des plus jeunes que l’assentiment est le moins fort,
NSP en lien avec le poids accordé aux enjeux de santé selon l’âge. •
Olivier Passet – Directeur de la Recherche et des synthèses économiques, Xerfi.

le statut des travailleurs des plateformes


Faut-il imposer le statut de salarié à l’ensemble
des travailleurs des plateformes (Uber, Deliveroo, etc.) ? Oui
Une écrasante majorité de Français se dit favorable à ce que les plateformes
qui fournissent un service par l’intermédiaire de travailleurs indépendants leur 79%
accordent le statut de salarié. Le sondage ne dit pas s’ils sont plus sensibles
aux arguments des entreprises préinstallées qui dénoncent une distorsion
de concurrence ou à ceux des travailleurs de ces plateformes qui alertent sur
les conditions de travail, les ruptures parfois brutales de relation commerciale
et l’absence de protection sociale liée à leur statut. Pas plus qu’il ne dit s’ils
seraient prêts à payer plus cher pour le recours à ces services dont le coût
augmenterait. Reste que la Cour de cassation, dans un arrêt du
4 mars 2020, a reconnu le lien de subordination entre la plateforme 18%
Uber et un de ses chauffeurs réguliers. Un arrêt qui ouvre la voie Non
à des requalifications en contrat de travail au cas par cas. • 3%
Julien Pillot – Enseignant-Chercheur, OMNES Education. NSP

14 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


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Guerres & paix

ca-
tions Face aux grands enjeux climatiques, sociaux, technologiques
et de souveraineté, suffira-t-il d’adapter notre système productif
ou faudra-t-il en changer ? Bref... L’heure des choix !
dossier coordonné par Stéphane béchaux

Ils
La bonne échelle pour agir, En France comme partout,
ce n’est pas la France mais les dépenses de santé augmentent

disent
l’Union européenne ou, mieux, plus vite que la création de
l’ensemble des pays développés, richesses depuis de longues
États-Unis en tête années.
Katheline Schubert P.18 Brigitte Dormont P.30

16 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


L’évolution de la part de nucléaire
dans le mix énergétique d’ici 2040
Selon vous, d’ici à 2040, la place du nucléaire
dans la production d’électricité en France ?

38 %
Rester au même
niveau (70%) 43 %

18 % Diminuer,
vers 50%
Augmenter 1%
NSP

Le poids de la france face


au grands enjeux mondiaux
La France peut-elle agir efficacement seule
dans chacun des domaines suivants ?

La protection
sociale 77 % 22 % 1%
La régulation
de la finance 49 % 51 %
La présevation
de la biodiversité 42 % 58 %
La ville contre
la pollution de l’air 41 % 58 % 1%
et de l’eau
Le changement
climatique 33 % 67 %
Oui Non Ne se prononce pas

« Un Américain « Il est crucial de « Les pouvoirs publics


dépense en moyenne savoir comment ont montré leur
22 euros par jour pour nos données sont capacité à gérer des
sa santé. Un Français utilisées et qui problèmes complexes,
11 euros. » en a le contrôle. » dans l’intérêt collectif. »
Elvire Guillaud P.34 Dominique Plihon P.39 Xavier Timbeau P.42

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 17


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Bifurcations • Nature

« La lutte contre le réchauffement


climatique n’est pas un chemin
pavé de roses »
Professeure à l’École d’économie de la Sorbonne, aura pas des résistances massives face
Katheline Schubert le dit haut et fort : changer à des mesures plus conséquentes de
de modèle de production va nécessiter de prendre politique climatique.
des mesures douloureuses. Mais plus question d’attendre,
les pays riches doivent s’engager massivement. Pourquoi ces résistances ?
Propos recueillis par Stéphane Béchaux Parce que la lutte contre le
réchauffement climatique n’est
pas un chemin pavé de roses. Pour
La crise sanitaire a-t-elle eu des effets Peut-on quand même espérer que limiter la hausse des températures
bénéfiques pour le climat ? certains comportements aient à 2 °C, il va falloir prendre des
à court terme, il y a un lien quasi durablement changé ? mesures douloureuses, qui vont
mécanique entre l’activité économique C’est une hypothèse crédible. avoir un impact très important sur
et les émissions de gaz à effet de serre. Le télétravail, par exemple, va certains secteurs. Dans l’industrie
Lorsque les pouvoirs publics ont probablement perdurer après la crise aéronautique, l’agriculture,
mis l’économie sous cloche, et que dans beaucoup d’entreprises. Et il aura l’automobile, il va y avoir beaucoup
les Français ont dû rester confinés des effets positifs sur les émissions de perdants. Si vous travaillez dans
chez eux, on a vu tout de suite des de gaz à effet de serre. Mais certaines une fonderie ou dans un garage,
effets spectaculaires sur la qualité répercussions sont plus difficiles par exemple, vous voyez forcément
de l’air et le volume des émissions. à mesurer. Par peur d’attraper le avec beaucoup d’inquiétude le
Mais dès que l’activité a redémarré, virus, beaucoup de travailleurs ont développement des véhicules
les émissions sont reparties de plus renoncé aux transports en commun. électriques. Car cette rupture
belle. Il est encore un peu tôt pour Certains ont opté pour le vélo, souvent technologique fait peser une réelle
tirer des conclusions définitives mais électrique, mais d’autres ont choisi la menace sur votre travail. Ça ne veut
il est assez probable que la reprise voiture individuelle… pas dire qu’il faut protéger à tout
économique va totalement effacer, prix des emplois voués à disparaître,
annuler, les effets positifs pour le En matière de réchauffement mais qu’il faut protéger ceux qui vont
climat constatés en 2020. climatique, est-on passé des grands devoir se reconvertir.
Bio express discours aux actes ?
Je vois de vraies évolutions positives. à la sortie de cette crise, beaucoup
Professeure à l’université Paris Panthéon
Sorbonne, Katheline Schubert co-dirige le Il suffit de comparer le récent plan vont dire que ce n’est pas le bon
programme Mondialisation, développement et de relance avec celui mis sur pied lors moment pour changer de modèle
environnement du Cepremap. Elle est également
de la crise des subprimes, en 2008. de production…
membre du Haut conseil pour le climat et du
Conseil économique du développement durable. On consacre désormais de larges pans Mais ce n’est jamais le bon moment !
Ses recherches portent sur l’économie de de ce programme aux investissements Il y a toujours une bonne raison de
l’environnement et des ressources naturelles, la
verts, alors qu’à l’époque, on les avait remettre les efforts à demain. Ou de
dynamique macroéconomique et la croissance
durable. Autrice de plusieurs ouvrages, elle a totalement ignorés. C’est bien le signe vouloir les faire faire par d’autres :
publié en janvier 2021 La transition énergétique : qu’il se passe quelque chose. Ce qui les riches, les Américains, les habitants
objectif ZEN (coécrit avec Fanny Henriet). •
ne veut pas dire pour autant qu’il n’y des grandes villes… Nous n’avons plus

18 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


« Les passagers doivent accep-
ter de payer le vrai prix de leur
billet d’avion, en incluant toutes
les externalités négatives »

carbone. Mais pour que les effets


soient réellement massifs, il faudrait
parvenir à des changements de
normes sociales. En Suède, par
© DR exemple, on voit se développer un
nouveau phénomène chez les jeunes,
le temps d’attendre. Au sein du Haut soutenir cette nouvelle technologie. le « flygskam ». C’est-à-dire la honte
Conseil pour le climat, dont je suis Sans l’action des pouvoirs publics, il de prendre l’avion, car c’est un moyen
membre, nous avons travaillé, en lien ne se serait rien passé. C’est vrai aussi de transport très polluant. Si cette
avec Météo-France, sur les impacts du en matière de R&D : la recherche tendance se répand, ce sera une
réchauffement dans l’Hexagone. Notre fondamentale, ce n’est pas du ressort vraie rupture culturelle. Pour ma
conclusion, c’est que les conséquences des entreprises. Dans leurs stratégies génération, prendre l’avion n’a en effet
vont être colossales sur de très d’innovation, celles-ci n’aiment pas rien de honteux. C’est au contraire un
nombreux territoires. Il faut sortir prendre de risques. Pourquoi a-t-on signe positif d’ouverture aux autres,
du déni, et agir. Certains ne veulent trouvé si vite des vaccins contre le d’envie de découvrir d’autres cultures.
pas ouvrir les yeux. Par exemple Covid-19, et pas contre la malaria qui
dans certains domaines skiables de sévit en Afrique depuis des dizaines En France, beaucoup se battent
moyenne montagne, où on continue d’années ? Parce que le premier contre cette écologie dite punitive…
à investir dans des remontées marché est mondial et solvable, pas le Ceux qui disent cela font du
mécaniques ou des canons à neige ! second. Sur les technologies vertes, les marketing politique. Changer de
mécanismes sont identiques. modèle économique va forcément
Peut-on faire confiance au marché avoir un coût. Un coût monétaire, bien
pour verdir l’économie ? Les consommateurs peuvent-ils eux sûr, mais aussi un coût plus personnel,
Absolument pas. La puissance aussi contribuer au verdissement de lié à ses habitudes antérieures, sa
publique a un rôle considérable à jouer l’économie ? façon de vivre, son bien-être. Sinon,
pour donner les impulsions. On le voit Oui, bien sûr, et de façon non on n’y arrivera pas. Cela ne veut pas
avec la voiture électrique. Aujourd’hui, négligeable. Un cabinet français, dire qu’il faut interdire de prendre
cela devient un marché solvable, Carbone 4, a montré qu’un Français l’avion. Mais que les passagers doivent
dans lequel tous les constructeurs « héroïque » – c’est-à-dire qui ne accepter de payer le vrai prix de
s’engouffrent. Mais au départ, il a mange pas de viande, achète peu leur billet, en incluant toutes les
fallu que l’État intervienne à coups de de vêtements, roule à vélo… – peut externalités négatives, notamment
subventions, de primes, de taxes pour diminuer d’un quart son empreinte l’empreinte carbone de leur voyage.

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 19


printempsdeleco.fr

Bifurcations • Nature

Tribune
Si voyager devient très cher,
Sylvie Faucheux, Philippe
l’avion sera réservé aux riches !
Naccache, Julien Pillot,
Bonne remarque ! Et comme ce ne
enseignants-chercheurs
serait pas acceptable, il faut réfléchir
à OMNES Education.
collectivement aux mécanismes à
mettre en place pour lutter contre
le réchauffement tout en préservant Produire et consommer responsable,
la cohésion sociale. On pourrait par
exemple imaginer de doter chaque
un sacré défi
Français d’un budget carbone, qu’il Nous sommes animés par la même conviction que la
peut dépenser librement. Celui qui transition écologique est le résultat d’un processus qui,
veut prendre l’avion pour un voyage en l’espèce, doit être pensé, managé, et doit impliquer
touristique devra, en contrepartie, l’ensemble des forces vives des nations : le politique,
se déplacer à vélo toute l’année pour l’entrepreneuriat, la finance et le citoyen-consommateur.
aller au travail. à nous de savoir faire Le politique apparaît d’emblée comme un niveau d’action
preuve d’imagination pour concevoir incontournable. Les marchés environnementaux, notamment
des solutions équitables. ceux concernant des biens communs tels les produits de
la pêche ou les forêts, sont structurellement défaillants.
C’était d’ailleurs le sens des mots de Garrett Hardin,
« La bonne échelle pour agir, écologue américain, lorsqu’il évoquait la « tragédie
ce n’est pas la France mais des communs » pour souligner notre propension à la
l’Union européenne ou, mieux, surexploitation des ressources naturelles du fait de
l’ensemble des pays développés, systèmes concurrentiels qui privilégient les résultats
États-Unis en tête. » économiques de court terme. Dès lors, il ne peut y
avoir de transition sans régulation efficiente, au niveau
Peut-on vraiment prendre ce genre local comme international. Ainsi, le management de la
de mesure à l’échelle d’un pays ? transition écologique exige du politique qu’il pense des
En matière de climat, nous sommes outils qui modifient les comportements des acteurs de
effectivement tous sur la même la vie économique, tout en s’assurant de l’acceptabilité
planète. La bonne échelle pour agir, sociale de ces outils et en réduisant les risques de
ce n’est pas la France mais l’Union dumping à l’international. Sur le premier point, il s’agira
européenne ou, mieux, l’ensemble par exemple d’accompagner le déclin d’anciennes
des pays développés, États-Unis industries en proposant des plans de reconversion. Sur
en tête. Il revient aux pays riches le second, il faudra s’assurer que la mise en place de
de montrer l’exemple. À la fois parce taxes locales sur le carbone n’incite pas les industries
que nous en avons les moyens, émettrices à délocaliser la production dans des territoires
mais aussi parce que nous sommes moins regardants. Le deuxième niveau d’action concerne
les premiers responsables du le monde des affaires. Il est impossible de penser la
réchauffement climatique. • transition écologique sans modifier la façon dont l’offre

En chiffres

0,3 tonne
+3% 1 800 MILLIARDS Dans 20 ans, une majorité
1 600
1 400
1 200 22 % 35 % de fausse viande ?
10 %
10 % Alors que la production et la
Viande de synthèse
18 % consommation de viande ne cessent
23 % Alternatives d’augmenter au niveau mondial, la
25 % véganes Les pays pauvres en forte croissance démographique
à la viande
viande issue de l’élevage conventionnel émettent peu de CO2 par habitant, à l’inverse des
90 % est régulièrement pointée du doigt
72 % pays riches en décroissance : 0,3 tonne par tête pour
55 % pour des raisons environnementales, toute l’Afrique intertropicale et une tonne pour le
40 %
Viande de santé et de bien-être animal. D’où Pakistan, alors que les États-Unis dépassent les 15
conventionnelle
Taille (en milliards de dollars) et répartition (en %). la volonté de produire des protéines tonnes et que la Chine est déjà au-delà de 7 tonnes. •
animales sans ces inconvénients. •
2025 2030 2035 2040

20 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


Tribune
est pensée, financée, produite et mise sur le marché.

© BdF-Jean Derennes
Au niveau de l’entreprise, plusieurs études ont démontré
que, sous certaines conditions, s’engager dans des
politiques sociales et environnementales se traduit, par des Sylvie Goulard,
sous-gouverneure à la Banque de France.
salariés qui génèrent plus de valeur et par de meilleures
performances financières. Les investisseurs, notamment
institutionnels, devraient cesser d’investir dans les énergies La nouvelle Odyssée
carbonées et orienter leurs financements vers les start-ups
qui, par exemple, portent des innovations frugales
des banques centrales contre
ou encore des solutions de capture du CO2 innovantes. le changement climatique
La finance devra mieux signaler ces entreprises à « impact
positif », quitte à renoncer au moins transitoirement aux Les conséquences économiques du changement climatique
objectifs de maximisation du ROE de court terme et à se font déjà sentir, avec la multiplication d’événements
assumer les risques et coûts liés au déclassement des météorologiques extrêmes, tels que des incendies ou des
actifs les plus carbonés. Enfin, le troisième niveau d’action inondations. Ces catastrophes ont des conséquences
concerne les citoyens-consommateurs à qui il faut humaines et économiques, et potentiellement, un impact sur
permettre de privilégier les les prix (consécutif par ex. début 2021, à une augmentation
productions responsables. des coûts de chauffage en Espagne du fait d’un froid
« La finance devra Le problème à ce niveau exceptionnel ou à l’introduction, en Allemagne, d’une surtaxe
mieux signaler est triple. Primo, il y a un carbone sur les prix des combustibles). À moyen terme, des
ces entreprises à problème d’information : chocs climatiques plus fréquents provoqueront aussi bien
“impact positif” ». il n’est pas toujours facile des tensions inflationnistes qu’un ralentissement de l’activité.
de distinguer le caractère Quant au capital investi dans des activités nuisibles au climat,
éthique et responsable d’un produit ou d’un service. il va perdre sa valeur (« stranded assets »).
Secundo, il y a un problème de prix. Les marchés sont Encore aujourd’hui, les conséquences du changement
ainsi faits qu’il coûte souvent plus cher de consommer climatique sont parfois niées, en général elles sont sous-
responsable. Cela est d’autant plus vrai que les externalités évaluées. Il est vrai qu’il est vertigineux d’imaginer la
négatives, liées par exemple à la pollution générée par la transformation requise : passer à une alimentation, des
production ou le transport, ne sont pas prises en compte. logements, des moyens de transport et de production, des
Autrement dit, ces coûts ne sont supportés ni par le loisirs qui ne soient plus carbonés, respecter la nature et la
pollueur, ni par le consommateur, mais par les populations biodiversité, afin de préserver un développement durable.
locales qui subissent un environnement dégradé. Pour prendre une image littéraire, la tâche est un peu
Rétablir la « vérité » des prix est donc crucial. Tertio, il y a l’Odyssée du XXIe siècle : comme Ulysse, nous devons
un problème d’inadéquation entre le confort voulu et le entreprendre un voyage incertain, semé d’embûches. Toutefois
désir de préserver la planète. Soyons honnêtes : peut-on la prise de conscience est en cours, des solutions existent.
se réclamer de l’écologie en multipliant les contenus La solution passe d’abord par la reconnaissance que l’espèce
streamés via nos mobiles 5G de dernière génération ou humaine est à l’origine du problème. Il appartient donc aux
en ayant recours aux services de livraison express des hommes de changer de comportement, dans l’intérêt de leurs
e-commerçants ? Cette question en appelle une autre : propres enfants. Inutile d’incriminer les dieux de la mythologie.
sommes-nous prêts à consommer moins et mieux ? • La réponse doit être globale et responsable.

Relance : grise pour le G20, plus verte en France


60 Relance, grise pour le G20, plus verte en France 100 000 L’essor du vélo électrique se confirme
Index de vertu écologique de la relance

Évolution du marché des Vélos à assistance L’essor du vélo-


40 L’index de vertu électrique, en volume
électrique se
20
10 000
écologique mesure, 600 000 + 29 % confirme
■ Relance
pour les pays du G20,
Relance par habitant (USD)

positive pour
l’environnement
0
1 000
500 000 En 2020, 514 672
◆ Index final
l’argent de la relance vélos électriques ont
-20 400 000
de vertu
écologique 100
qui soutient des été vendus (+19 %)
de la relance
■ Relance
-40
industries polluantes 300 000
pour une valeur de
négative
pour
-80
10 (en marron) ou 200 000
plus d’un milliard
l’environnement
-100 vertueuses (en vert). 100 000 d’euros (+58 % !) et
Royaume-Uni
Allemagne
Canada
États-Unis

France
Chine

Japon
Brésil
Inde

Italie

● Relance
par habitant -120 1 Et la France n’est pas 0 un prix moyen de
(USD)
si mal classée. • 2 079 euros (+21 %). •
11
12
13
14
15
16
17
18
19
20
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Source : Climate Transparency Report 2020. Comparing G20 climate action and responses to the Covid-19 crisis.

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 21


printempsdeleco.fr

Bifurcations • Nature

Tribune
Naturellement, dans l’Union européenne (UE), la
Olivier Sichel,
responsabilité première revient aux autorités politiques,
directeur général
la Commission européenne, le Parlement européen et le
délégué de la Caisse
Conseil, les gouvernements et parlements nationaux, qui
des Dépôts.
détiennent les outils législatifs et la légitimité démocratique.
L’UE a pris des engagements ambitieux vers la neutralité
carbone. Le Green New Deal et l’ensemble des propositions Inscrire l’économie
Fit for 55, comme tous les efforts pour verdir la finance, vont
dans le bon sens en combinant des règles, des incitations,
dans une trajectoire
des avancées sur un prix du carbone. Les investissements zéro carbone
publics sont cruciaux ; le fonds Next Generation EU comme
l’action de la BEI ont mis à la disposition des Européens des La crise sanitaire et environnementale que
moyens financiers significatifs. Pour préserver la stabilité la planète tout entière traverse crée-t-elle
financière et, dans le cadre de leur mandat, pour garantir des opportunités pour repenser nos modes
la stabilité des prix, les banques centrales doivent aussi agir. de production ? Peut-on s’en saisir, en
L’Eurosystème doit contribuer aux objectifs de l’Union. Il ne France, pour promouvoir une relance
peut pas perpétuer un système financier nuisible au climat. durable ? À la Caisse des Dépôts, nous en
Depuis quatre ans environ, les banques centrales ont pris sommes convaincus. D’autant plus que
leur part à l’action pour le climat, notamment à travers le nous n’avons pas attendu le Covid-19 pour
Réseau pour le verdissement du système financier (NGFS). découvrir cet impératif. La crise actuelle ne
Après une phase initiale de diagnostic visant à convaincre fait que souligner l’urgence de répondre
(les partenaires sont passés entretemps de 8 à plus de 95), aux enjeux environnementaux que nous
à recenser les canaux par lesquels le changement climatique connaissions déjà, comme l’inscription de
a un impact sur l’économie et la finance, des outils ont été notre économie dans une trajectoire zéro
conçus ; en France des stress tests pilote du secteur bancaire carbone. Des signes de ce nouveau modèle
et des assurances ont été organisés. La Banque de France émergent déjà. Ainsi, on constate depuis
a adopté et mis en œuvre une stratégie d’investissement un an une véritable accélération des
responsable. Les investissements de l’ensemble de usages numériques, qui ont été des leviers
l’Eurosystème sont en voie d’être « verdis ». La filière finances d’amortissement
du G20 a repris son travail sur la finance durable après « Dans certains importants de la
quelques années d’interruption. Enfin, la Banque centrale secteurs, la crise sanitaire, avec
européenne a annoncé jeudi 8 juillet 2021 un ambitieux plan fin du pétrole le développement
d’actions en 7 points à horizon 2024. Il s’agit notamment de semble actée. » à grande échelle
modifier les projections et analyses macro-économiques, du télétravail ou du
de mesurer l’impact du climat sur les prix, d’encourager une e-commerce. Cette tendance sera durable.
information transparente et de verdir les outils de la politique Dans certains secteurs industriels, tels
monétaire. L’Odyssée sera encore longue mais l’équipage l’automobile, la fin du pétrole semble
européen tout entier est mobilisé. • désormais actée, avec une montée en
puissance impressionnante des offres de
véhicules hybrides ou tout électriques. Dans
En chiffres
les prochaines décennies, la plupart des

38 % 12 g
secteurs économiques vont avoir à
Soit, en CO2/
kWh, les repenser leurs stratégies et leurs offres. Les
émissions défis sont immenses. Ainsi, les villes par
de gaz à
effet de serre de l’énergie nucléaire. exemple, qui regroupent aujourd’hui plus
de l’énergie mondiale est produite C’est un peu moins qu’une énergie de 50 % de la population mondiale, vont
grâce au charbon. Une proportion renouvelable comme l’éolien terrestre.
qui ne bouge pas ou peu depuis C’est surtout infiniment moins que voir cette proportion atteindre 65 % d’ici
30 ans, selon les données de l’Agence les 443 g CO2/kWh émis par du gaz 2050. À terme, elles concentreront une large
internationale de l’énergie (AIE). • naturel ou les 1 058 g de CO2/kWh
émis par une centrale à charbon. • part de l’humanité et avec elle, des défis de
taille en matière écologique, économique

22 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


Alternatives Economiques
L’autre regard sur
et sociétale qui s’expriment dès à présent :
les effets du changement climatique, les
enjeux liés à la consommation d’énergie, la
l’économie et la société
croissance démographique… De nouvelles
solutions sont d’ores et déjà expérimentées
à travers le monde pour la ville de demain :
ville intelligente, résiliente, frugale, post-
carbone… Certains de ces modèles
s’appuient sur le développement des
technologies numériques dans les réseaux
urbains et parient sur leur intégration pour
répondre à ces changements majeurs.
Née d’une crise, il y a plus de 200 ans, la
Caisse des dépôts a toujours su répondre
présente lorsqu’il fallait reconstruire le pays
ou accompagner la relance de l’économie.
Aujourd’hui, notre action s’appuie sur une
stratégie de relance
« Nous durable, tant pour nos
intensifions activités financières
nos finan- que pour la Banque
cements en des territoires. En tant
faveur d’une qu’acteur du temps
économie bas long, nous nous
carbone » sommes engagés
depuis plus de 20 ans
dans la lutte contre le réchauffement
climatique. Aujourd’hui, nous allons plus loin
encore avec l’intégration de nouveaux
indicateurs extra-financiers pour piloter et
renforcer l’impact de l’ensemble du Groupe
pour le développement durable.
Dans le cadre de cette relance, nous
intensifions nos financements en faveur
d’une économie bas carbone et plus
soutenable. En capitalisant sur notre rôle
d’opérateur de plateformes d’intérêt général,
nous soutenons des projets digitaux, durables
et participatifs, qui permettent de répondre A retrouver chaque mois
chez votre marchand
aux nouveaux enjeux environnementaux,
de confiance numérique et de cohésion
sociale. Depuis fin 2020, le groupe Caisse
des dépôts, et en son sein la Banque des
Territoires et Bpifrance, investissent de
de journaux
façon accélérée plus de 26 milliards d’euros
autour de quatre axes principaux : la
transition écologique, le logement, le
soutien aux entreprises et le renforcement
de la cohésion sociale. Oui, la relance doit
être verte, solidaire et territoriale ! •

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 23


Notre mécène principal

Nos grands mécènes

Nos mécènes

Nos partenaires financiers et scientifiques

Nos partenaires scientifiques

Nos partenaires médias et opinion

Nos partenaires amis


Programme Emparez - vo u s d e l ’é c o n o m i e

Bifurcations
L’heure des choix
Du mardi 12 au vendredi 15 octobre 2021

Mardi 12 octobre membre du Conseil scientifique du Printemps


Amphithéâtre du Campus Eiffel de l’économie.
de l’OMNES Education Intervenant-e-s : Catherine Audard,
10 rue Sextius Michel, 75015 Paris Professeure de philosophie morale et
Métro Dupleix (L6). politique à la London School of Economics
Hyppolite d’Albis, Directrice de recherche
#1 .................................. 8h15 - 9h15 au CNRS et professeure à l’École d’économie
Bifurcations : l’heure des choix de Paris, PSE,
Session Les économiques, conçue par Pierre- Jean Pisani-Ferry, Titulaire de la chaire
Pascal Boulanger, Président-fondateur du Tommaso Padoa-Schioppa à l’Institut
Printemps de l‘économie, et membre de son universitaire européen de Florence, Senior
Conseil scientifique. Fellow à Bruegel (Bruxelles) et Non-Resident
Ouverture de la 9e édition du Printemps Senior Fellow au Peterson Institute
de l’économie : Pierre-Pascal Boulanger, (Washington DC),
Président-fondateur des économiques Xavier Ragot, Président de l’OFCE,
et du Printemps de l’économie, Xavier Timbeau, Directeur général de l’OFCE.
Sylvie Faucheux, Dean Recherche, Relations Modérateur : Xavier Timbeau, Directeur
institutionnelles & RSE OMNES Education, général de l’OFCE.
Directrice Générale IFG Executive
Education. #3.............................. 10h45 - 11h45
Intervenant-e-s : Michel Aglietta, Conseiller Le modèle de l’enseignement supérieur
scientifique, CEPII, doit-il se réinventer ?
Agnès Bénassy-Quéré, Cheffe économiste, Session OMNES Education, conçue par
Direction Générale du Trésor, Sylvie Faucheux, Dean Recherche, Relations
Sylvie Faucheux, Dean Recherche, Relations institutionnelles & RSE OMNES Education,
institutionnelles & RSE OMNES Education, Directrice Générale IFG Executive Education.
Directrice Générale IFG Executive Intervenant-e-s : Sylvie Faucheux, Dean
Education, OMNES Education & Directrice IFG
René Passet, Professeur émérite d’économie, Executive Education,
Paris I Panthéon-Sorbonne. Hugues Ferrebœuf, Chef de projet
Modératrice : Célia Quilleret, Journaliste « The Shift Project »,
à France Inter, spécialiste environnement. Delphine Lesserre, Professeure à HEC
Montréal, Fondatrice d’Alkaia Education.
#2............................... 9h30 - 10h30 François Taddei, Directeur du CRI (Centre
Innovation, planification, de Recherche Interdisciplinaire), Université
redistribution, protection : Paris Descartes.
faut-il réinventer l’état ? Modératrice : Aurélie Djavadi, Cheffe
Session Les économiques, conçue par Xavier de rubrique éducation, The Conversation.
Timbeau, Directeur général de l’OFCE Sciences Po,
En direct sur
Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine www.printempsdeleco.fr
25
printempsdeleco.fr

#4.......................................12h - 13h Mathilde Lemoine, Cheffe économiste du Olivier Babeau, Président chez Institut Sapien,
Un euro numérique, quels enjeux ? groupe Edmond de Rothschild. Professeure Anne-Laure Delatte, Chercheuse au CNRS,
Session Banque de France/Educfi, conçue en macro-économie internationale rattachée à l’Université Paris Dauphine-PSL
par Thomas Argente, Senior Advisor, Direction à Sciences Po Paris, (LEDa),
des Infrastructures, de l’Innovation et des Farid Toubal, Professeur d’économie, Sébastien Jean, Directeur du CEPII.
Paiements de la Banque de France. Université Paris-Dauphine-PSL (LEDa), CEPII. Modérateur : Jean-Marc Vittori,
Intervenant-e-s : Nathalie Aufauvre, Modérateur : Christian Chavagneux, éditorialiste, Les échos.
Directrice générale de la stabilité financière éditorialiste, Alternatives économiques.
et des opérations, Banque de France, #11 et #12............................11h - 13h
Olivier Ou Ramdane, Président d’Iviplus, #8.............................. 17h45 - 18h45 Transition écologique, questions
Cofondateur de Lugh, Choisir, c’est renoncer… mais à qui ? climatiques : l’affaire de tous
Julien Prat, Directeur de Recherche CNRS à quoi ? En deux actes
(CREST), ENSAE, École Polytechnique, Session Les Économiques, conçue par Isabelle Premier acte : « Réduire le bilan carbone :
Yves Tyrode, Directeur général Innovation, Barth, Professeure agrégée de Sciences comment mobiliser tous les acteurs ? »
Digital, Data, BPCE. de Gestion, Université de Strasbourg, membre Session Les Économiques avec le Crédit
Modératrice : Joëlle Toledano, Professeure du Conseil scientifique du Printemps de l’économie. Agricole, conçue par Pierre-Pascal Boulanger,
émérite en économie, associée à la Chaire Intervenant-e-s : Isabelle Barth, Professeure Président-fondateur et membre du Conseil
« Gouvernance et Régulation » agrégée des Universités en sciences scientifique du Printemps de l’économie.
de l’Université Paris-Dauphine. de gestion, chercheuse, Université Intervenant-e-s : Philippe Brassac, Directeur
de Strasbourg, Manager (elle a dirigé l’EM général, Groupe Crédit Agricole,
#5.......................................14h - 15h Strasbourg et l’INSEEC Grande école), Corinne Lepage, Avocate spécialiste
La reprise : une opportunité Tawhid Chtioui, Président-fondateur en droit de l’environnement, Cabinet Huglo
à saisir pour une relance durable et Dean d’Aivancity School for Technology, Lepage Avocats, ancienne Ministre
Session Institut pour la Recherche, Caisse Business & Society Paris-Cachan, de l’Environnement,
des Dépôts, conçue par Isabelle Laudier, Bénédicte Tilloy, Professeure à Sciences Po, Robert Ophèle, Président de l’AMF (Autorité
Responsable de l’Institut et membre du Conseil Cofondatrice de 10h32, une communauté des Marchés Financiers),
scientifique du Printemps de l’économie. et une entreprise dédiée aux dirigeants, Christian de Perthuis, Professeur
Intervenant-e-s : Marc Baudry, Chaire Ancienne DRH et membre du Comex à l’Université Paris Dauphine-PSL,
économie du Climat, Université Paris de la SNCF. Fondateur de la Chaire économie du Climat.
Dauphine-PSL, LEDa, Modératrice : Sophie Gherardi, Journaliste Modératrice : Dominique Pialot,
Andreas Eisl, Chercheur, politiques et conseillère de la rédaction de Philonomist, Co-directrice de Climatico.
macroéconomiques et budgétaires, dette Fondatrice et directrice du Cefrelco. Second acte : « Les banques centrales
publique, investissements, Institut Jacques vont verdir leur action »
Delors, Mercredi 13 octobre Session Les Économiques, conçue par Jézabel
Benoît Leguet, Directeur général d’I4CE – Grand Amphithéâtre Edgar Faure Couppey-Soubeyran, Maîtresse de conférences,
Institut de l’économie pour le climat, de l’Université Paris-Dauphine-PSL Université Paris I Panthéon-Sorbonne, membre
Claire Visentini, Responsable du Pôle Place du Maréchal de Lattre de Tassigny, du Conseil scientifique du Printemps
Stratégie durable et Évaluation, Banque 75016 Paris de l’économie.
des Territoires. M° Dauphine (L6) et Avenue Foch (RER C). Intervenant-e-s : Jézabel Couppey-
Modératrice : Isabelle Laudier, Responsable Soubeyran, Maîtresse de conférences,
de l’Institut pour la Recherche, Caisse des Dépôts. #9.................................. 8h15 - 9h15 Université Paris I Panthéon-Sorbonne,
Politique de bifurcation de l’organisation Institut Veblen,
#6............................... 15h15 - 16h15 des chaînes de valeur mondiales dans Yolande Fisher, Direction des Services
Bâtir une France de la transition une économie décarbonée Juridiques, Banque de France,
en excédent commercial Session du LEDa/Université Paris Dauphine-PSL. Sylvie Goulard, Sous-Gouverneur
Session Xerfi, conçue par Olivier Passet, Ouverture de la journée : El Mouhoub de la Banque de France (en différé),
Directeur de la recherche, Xerfi. Mouhoud, Président, Université Paris- Pierre Monnin, Senior Fellow, Council
Intervenant-e-s : Anaïs Voy-Gillis, Dauphine-PSL, membre du Conseil of Economy Policie,
Chercheuse associée, Université de Haute Alsace, scientifique du Printemps de l’économie, Pierre-François Weber, Directeur, European
Alexandre Mirlicourtois, Directeur Intervenant-e-s : Anne-Sophie Alsif, cheffe and Multilateral Policies, Banque de France.
de la conjoncture et de la prévision, Xerfi, économiste au BIPE, Modérateur : Christian Chavagneux,
Philippe Gattet, Directeur d’études spécialiste Sébastien Jean, Directeur, CEPII, éditorialiste, Alternatives économiques.
de la stratégie des entreprises, Xerfi. El Mouhoub Mouhoud, Président,
Modérateur : Olivier Passet, Directeur Université Paris-Dauphine-PSL. #13.....................................14h - 15h
de la Recherche, Directeur des synthèses Modératrice : Bénédicte Tassart, Vaccin : faut-il se débarrasser
économiques, Xerfi. Rédactrice en chef, Service étranger des brevets ?
et Questions européennes, RTL. Session Les Rencontres des SES de l’Académie
#7 .............................16h30 - 17h30 de Paris, avec Alternatives économiques, conçue
Pour un nouveau multilatéralisme ? #10............................. 9h30 - 10h45 par Pierre-Pascal Boulanger et Justin Delépine,
Session Les économiques avec le CEPII, Peut-on sortir de l’économie Journaliste à Alternatives économiques.
conçue par Michel Fouquin, Conseiller du “moins cher” ? Intervenant-e-s : éric Baseilhac, directeur
scientifique, CEPII, membre du Conseil Session Natixis, conçue par Patrick Artus, des affaires économiques et internationales
scientifique du Printemps de l’économie. Chef économiste, Natixis. du Leem (Fédération des entreprises du
Intervenant-e-s (sous réserve) : Intervenant-e-s : Patrick Artus, Chef médicament) (présence à confirmer),
Sébastien Jean, Directeur du Cepii, économiste chez Natixis, Professeur à Nathalie Coutinet, économiste à l’Université
Margaret K. Kyle, Professeure d’économie, PSE, membre du Conseil scientifique du Paris 13e,
MINES ParisTech (CERNA de l’école des Mines), Printemps de l’économie, Matthieu Dhenne, avocat au barreau de

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine - Programme


26
Paris, spécialiste des questions de propriété #17................................. 8h15 - 9h15 de l’emploi des jeunes à l’Organisation
intellectuelle et des brevets, président de Compétitivité économique et internationale du travail (OIT),
l’Institut de Boufflers, un Think Tanks traitant industrielle de la France et de l’Europe : François Sarfati, Université Paris-Saclay
de l’innovation (présence à confirmer), est-on vraiment en train de décrocher ? et Centre d’étude de l’Emploi et du
Gaëlle Krikorian, sociologue, Consultante Session du Cnam, conçue par Alexis Collomb, Travail, Cnam.
sur les questions de santé, ancienne Directeur du Département Économie Finance Modérateur : Philippe Askenazy, Directeur
Directrice des politiques de la campagne Assurance Banque (Efab), Professeur Titulaire de Recherche au CNRS-ENS - Centre
d’accès aux médicaments de Médecins sans de Chaire - Finance de Marché du Cnam, Maurice Halbwachs.
frontières (présence confirmée), membre du Conseil scientifique du Printemps
Modérateur : Justin Delépine, Journaliste, de l’économie. #21.....................................14h - 15h
Alternatives économiques. Ouverture de la journée : Olivier Faron, Le soutien aux entreprises face
Administrateur général, Cnam, à la crise : de l’urgence à la relance
#14............................. 15h15 - 16h15 Intervenant-e-s : Philippe Aghion, Professeur Session de la Direction Générale du Trésor,
Quelles politiques de relocalisation ? au Collège de France, conçue par Agnès Bénassy-Quéré, Cheffe
Session Les Économiques avec La Tribune, Christian Saint-Étienne, Professeur émérite, économiste, Direction générale du Trésor,
conçue par El Mouhoub Mouhoud, Président Chaire d’économie industrielle du Cnam. membre du Conseil scientifique du Printemps
de l’Université Paris Dauphine-PSL, membre du Modérateur : Alexis Collomb, de l’économie.
Conseil scientifique du Printemps Directeur de l’Efab, Cnam. Intervenant-e-s : Jean-Noël Barrot, Député
de l’économie. de la 2e circonscription des Yvelines et
Grand Entretien : El Mouhoub Mouhoud, #18.............................. 9h30 - 10h30 chercheur en économie,
Président de l’Université Paris Dauphine-PSL, Dangers et promesses du numérique Selma Mahfouz, économiste, Ex-directrice
Philippe Mabille, Directeur de la rédaction, pour la société de demain de la Dares (ministère du travail),
La Tribune. Session Les Économiques de Turgot, conçue Clément Malgouyre, Chercheur en
par Dominique Plihon, Professeur, Université économie, Institut des politiques publiques.
#15 ................................ 16h30 - 18h Paris XIII, membre du Conseil scientifique du Modératrice : Agnès Bénassy-Quéré, Cheffe
La crise a-t-elle significativement Printemps de l’économie. économiste, DG Trésor.
aggravé des situations de pauvreté ? Intervenant-e-s : Philippe Aghion,
Session Les Économiques, conçue par Gilbert Professeur au Collège de France, #22............................. 15h15 - 16h15
Cette, Adjoint au Directeur général des Études Mireille Bruyère, économiste, Société complexe ou sobriété radicale :
et des Relations internationales et Professeur Université de Toulouse 2, qui sauvera la planète ?
associé à l’Université d’Aix-Marseille (AMSE), Thomas Coutrot, économiste, Dares. Session de l’OFCE, conçue par Xavier Timbeau,
membre du Conseil scientifique du Printemps Modérateur : Dominique Plihon, Directeur général, OFCE Sciences Po,
de l’économie. Professeur émérite, Université Paris XIII. membre du Conseil scientifique du Printemps
Intervenant-e-s : Andrew Clark, de l’économie.
Professeur d’économie à PSE, #19............................ 10h45 - 11h45 Intervenant-e-s : Catherine Larrère,
Julien Damon, Sociologue, Conseiller Faut-il démanteler les GAFAM ? Professeure émérite de Philosophie à
scientifique de l’EN3S, Session de l’OMNES Education, conçue par l’Université Paris 1- Panthéon-Sorbonne,
Marie-Aleth Grard, Présidente de ATD Julien Pillot, Enseignant - chercheur à INSEEC Lola Vallejo, Directrice du programme
Quart Monde, School of Business & Economics, Responsable climat de l’Iddri,
Jean-Luc Tavernier, Directeur Général du Pôle Valorisation de la recherche (OMNES Xavier Timbeau, Directeur général,
de l’INSEE. Education), membre du Conseil scientifique du OFCE Sciences Po.
Modérateur : Gilbert Cette, Professeur Printemps de l’économie. Modérateur : Xavier Timbeau, Directeur
d’économie associée, AMSE. Intervenant-e-s : François Lévêque, général, OFCE Sciences Po.
Professeur d’économie, Mines ParisTech,
#16 .............................18h15 - 19h45 Frédéric Marty, Chargé de recherche, CNRS
“Nuit Debout”, Gilets jaunes… GREDEG (sous réserve),
Quelles bifurcations ? Quel changement Aurélien Portuese, Professeur de droit,
social ? Dr Antitrust & Innovation Policy, ITIF,
Session de l’APSES. Julien Pillot, Enseignant-chercheur
Intervenant-e-s : Erik Neveu, Professeur à INSEEC School of Business & Economics,
émérite de Science Politique, Responsable du Pôle Valorisation
Ludivine Bantigny, Historienne, Maîtresse de la recherche, OMNES Education
de conférences à l’Université de Rouen, Modérateur : Thibault Lieurade, Chef de
Laurent Jeanpierre, Professeur de Science rubrique économie, The Conversation France.
Politique à l’université Paris 1 Panthéon-
Sorbonne et membre du Centre de recherches #20.....................................12h - 13h
sociologiques et politiques de Paris. La jeunesse : mal-aimée de nos
Modératrice : Catherine André, sociétés ?
Rédactrice en chef adjointe d’Alternatives Session Les Économiques, conçue par
Retrouvez
Économiques. Philippe Askénazy, Directeur de Recherche
le détail des sessions
au CNRS-CMH-ENS-PSL, membre du Conseil
sur notre site internet
Jeudi 14 octobre scientifique du Printemps de l’économie.
www.printempsdeleco.fr
Amphithéâtre Paul Painlevé du Intervenant-e-s (sous réserves) :
Conservatoire National des Arts et Métiers Jahsrd, Membre de Youth for Climate France,
292, rue Saint-Martin 75003 Paris Patricia Loncle, EHESP, co-éditrice
M° Arts et Métiers (L3 et 11). de « Une jeunesse sacrifiée », Puf, 2021, Pour scanner, télécharger
l’app Unitag gratuite
Susana Puerto, Spécialiste principale sur unitag.io/app

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine - Programme


27
printempsdeleco.fr

#23............................16h30 - 17h30 Maxime Ladaique, Manager of statistical bien-être, CEPREMAP et membre du conseil
La politique commerciale européenne resources in the Department of Labour and scientifique de Santé Publique France.
à l’épreuve de la crise écologique : Social Affairs, Organisation for Economic Modératrice : Dominique Rousset,
quelles priorités pour la présidence Co-operation and Development (OECD), Productrice et animatrice de l’émission
française de l’UE en 2022 ? Michaël Sicsic, économiste à l’Insee et « Matières à penser » sur France Culture.
Session Les Économiques avec l’Institut chercheur associé au CRED (Université
Veblen, conçue par Mathilde Dupré, Paris 2). #29 ....................................14h - 15h
économiste, co-directrice de l’Institut Veblen. Modératrice : Isabelle Moreau, Directrice Biden : une révolution économique ?
Intervenant-e-s : Franck Riester, Ministre de la rédaction Pôle social, Agence AEF. Session Les Économiques avec Alternatives
délégué chargé du Commerce extérieur économiques, conçue par Christian
et de l’Attractivité (sous réserve), #26............................. 9h30 - 10h30 Chavagneux, éditorialiste, Alternatives
Sabrina Robert-Cuendet, professeure Que faire avec les dettes publiques ? économiques, membre du Conseil scientifique
de droit international et européen à Le Mans Session Natixis avec Challenges, conçue du Printemps de l’économie.
Université et membre de la Commission par Patrick Artus, Chef économiste, Natixis Intervenant-e-s : Pierre-Cyril Hautcœur,
d’experts d’évaluation du CETA, mandatée membre du Conseil scientifique du Printemps Professeur à PSE, Directeur d’études
par le Gouvernement français en 2017, de l’économie. à l’EHESS, économiste historien,
Mathilde Dupré, Codirectrice de l’Institut Veblen. Intervenant-e-s : Patrick Artus, Chef Florence Pisani, Directrice de la recherche
Modératrice : Anne Cheyvialle, Cheffe économiste chez Natixis, Professeur à PSE, économique à Candriam, spécialiste
adjointe de l’économie internationale au Figaro. Agnès Bénassy-Quéré, Cheffe économiste, des États-Unis,
Direction Générale du Trésor, Xavier Ragot, Président de l’OFCE,
#24................................ 18h - 19h30 Jézabel Couppey-Soubeyran, Maîtresse de Lison Rehbinder, CCFD-Terre solidaire,
Alors… ce monde d’après ? conférences l’Université Paris 1 Panthéon- spécialiste des paradis fiscaux.
Débat entre Think Tanks Sorbonne, Modérateur : Christian Chavagneux,
Session de l’Institut pour la Recherche de Isabelle Job-Bazille, Cheffe économiste, éditorialiste, Alternatives économiques.
la Caisse des Dépôts, conçue par Isabelle Laudier, Groupe Crédit Agricole,
Responsable de l’Institut, membre du Conseil Xavier Ragot, Président de l’OFCE Sciences Po, #30 ............................ 15h15 - 16h15
scientifique du Printemps de l’économie. Henri Sterdyniak, économiste à l’OFCE Environnement et croissance
Intervenant-e-s : Géraud Guibert, Président Sciences Po. économique : un regard historique
de La Fabrique écologique, Modérateur : Thierry Fabre, Rédacteur Session de l’EHESS avec Pour L’éco, conçue par
Sarah Proust, Conseillère experte auprès en chef adjoint, Challenges. Jean-Yves Grenier, Directeur d’études, EHESS,
de la Fondation Jean-Jaurès, membre du Conseil scientifique du Printemps
Thierry Pech, Directeur général de Terra #27 ........................... 10h45 - 11h45 de l’économie.
Nova (sous réserve), Le PIB : une mesure d’avenir ? Intervenant-e-s : Fabien Locher, Historien
Dominique Reynié, Directeur général et Session INSEE conçue par Nicolas Carnot, des sciences, Chargé de recherche au CNRS,
président du Directoire de la Fondation membre du Conseil scientifique du Printemps Membre du Groupe de Recherches en
pour l’Innovation Politique (Fondapol). de l’économie. Histoire Environnementale (GRHEN),
Modératrice : Isabelle Laudier, Responsable Intervenant-e-s : Didier Blanchet, Directeur Enseignant à l’Université de Lausanne
de l’Institut pour la Recherche de la Caisse des études et synthèses économiques, INSEE, (UNIL) et à l’EHESS,
des Dépôts. Yaëlle Hauseux, Cheffe de la division Hélène Tordjman, économiste, Maîtresse
concepts, méthodes et évaluations du de conférences-HDR à l’université Sorbonne
Vendredi 15 octobre département des comptes nationaux, Insee, Paris-Nord et membre du Centre de
Amphithéâtre Friedel de l’école Nationale Xavier Timbeau, Directeur général, Ofce recherche en économie de Paris-Nord,
Supérieure de Chimie de Paris-PSL Sciences Po. Thomas Kekenbosch, Doctorant de l’EHESS.
11, rue Pierre et Marie Curie 75005 Paris Modérateur : Gilbert Cette, Adjoint Modérateur : Stéphane Marchand,
RER Luxembourg (ligne C). au Directeur général des Études et des Rédacteur en chef, Pour L’éco.
Relations internationales de la Banque
#25................................ 8h15 - 9h15 de France et Professeur associé à l’Université #31........................... 16h30 - 17h30
Où se place la France en termes d’Aix-Marseille (AMSE). Transition écologique, transition
d’inégalités avant et après sociale
redistribution ? #28 ....................................12h - 13h Session Les Économistes atterrés, conçue
Session France Stratégie, conçue par économie du bien-être : quels par Henri Sterdyniak, Chercheur affilié, OFCE
Julien Rousselon, Adjoint au Directeur du enseignements pour la période post- Sciences Po.
Département Société et politiques sociales, COVID ? Intervenant-e-s : Gilles Rotillon, Professeur
France Stratégie. Session PSE avec l’observatoire du bien-être émérite en sciences économiques
Intervenant-e-s : Michael Förster, Senior Policy du CEPREMAP, conçue par Anne-Célia Disdier, à l’Université Paris Nanterre,
Analyst, Inequalities, Organisation for Economic Professeure à PSE, Directrice de recherche Katheline Schubert, Professeure d’économie
Co-operation and Development (OECD), à l’INRAE, membre du Conseil scientifique à l’Université Paris 1,
Elvire Guillaud, Maîtresse de conférences du Printemps de l’économie. Hélène Tordjman, Maîtresse de conférences-
en économie à l’Université Paris 1 Panthéon- Intervenant-e-s : Sandra Hoibian, Docteure HDR à l’Université Paris XIII.
Sorbonne, chercheuse au Centre d’économie en sociologie, Directrice du pôle société Modérateur : Henri Sterdyniak, économiste
de la Sorbonne et affiliée au Laboratoire au CREDOC, affilié à l’OFCE, membre du collectif
Interdisciplinaire d’évaluation des Rémy Pawin, Docteur en histoire d’animation des économistes atterrés.
Politiques Publiques (LIEPP) de Sciences Po, contemporaine, Professeur agrégé d’histoire
Malka Guillot, Enseignante-chercheuse et membre du laboratoire BONHEURS,
à HEC Liège (Belgique) et chercheuse affiliée Université de Cergy-Pontoise, Droits réservés à l’Association Les Économiques
Responsables de la publication :
à l’Institut des politiques publiques Mathieu Perona, Docteur en économie, Pierre-Pascal Boulanger
et au World Inequality Lab, Directeur exécutif de l’Observatoire du Contact : info@leseconomiques.fr

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine - Programme


28
Conseil scientifique
Tu vises l’excellence pour ton
• Patrick Artus
Chef économiste Natixis.
entrée dans le supérieur ?
• Isabelle Barth

Viens au Lycée Turgot


Professeure des Universités en science de gestion,
Université de Strasbourg.
• Agnès Benassy-Quéré
Cheffe économiste, Direction générale du Trésor.

Ses équipes se mobilisent


• Pierre-Pascal Boulanger
Président-fondateur, Les économiques.
• Gilbert Cette

et t’accompagnent
Adjoint au Directeur général des études et des relations
internationales, Banque de France.​
• Christian Chavagneux
éditorialiste, Alternatives Économiques.
• Alexis Collomb
Directeur du département économie, finance, assurance, banque,
Le Cnam.
• Jézabel Couppey-Soubeyran
Maîtresse de conférences, Université Paris-1 Panthéon Sorbonne.
• Gilles de Margerie
Commissaire général, France Stratégie.
• Pierre-Henri de Menthon
Directeur délégué, Challenges.
• Anne-Célia Disdier
Professeure associée, Paris School of Economics.
• Sylvie Faucheux
Directrice Innnovation Académique, OMNES Education.
Classes préparatoires
• Michel Fouquin ENS D1, ENS D2 et ECT
100% d’admission* à :
Conseiller, CEPII et professeur à la FASSE Université
Catholique de Paris.
• Pierre-Noël Giraud l’ENS Rennes D1, ENS Paris Saclay D2,
Professeur, Mines ParisTech.
EDHEC, Magistère d’éco (Paris 1),
• Jean-Yves Grenier
Directeur d’études, EHESS. Magistère de sciences de gestion (Dauphine),
• Pierre-Cyrille Hautcœur ESSEC, Skema, Audencia, Kedge etc...
Directeur d’études, EHESS.
• Rémi Jeanin BTS CG, BTS SIO, DCG :
de 85 à 95% *
Vice-présidnet, Les économiques.
• Christophe Kerrero
Chancelier des Universités, Recteur, Académie de Paris.
résultats supérieurs à la moyenne nationale
*

• Isabelle Laudier
Responsable, Institut CDC pour la recherche.
• El Mouhoub Mouhoud,
Président, Paris Dauphine-PSL.
• Olivier Passet
Directeur de la Recherche et des synthèses économiques, Xerfi.
• Olivier Pastré
Professeur, Université Paris VIII
• Julien Pillot
Enseignant-Chercheur, OMNES Education.
• Dominique Plihon
Professeur, Université Paris XIII.
• Jean-Luc Tavernier
Directeur-général, INSEE.
• Xavier Timbeau
Directeur-principal, OFCE.

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


29
printempsdeleco.fr

Bifurcations • Bien-être

« Les citoyens acceptent de


dépenser beaucoup pour vivre
longtemps et en bonne santé »
Selon Brigitte Dormont, professeure à l’université Paris dans l’arbitrage santé/revenu. Après
Dauphine - PSL, la crise sanitaire a montré l’importance l’atténuation de la seconde vague, les
de disposer d’un système de soins performant. Elle invite pouvoirs publics ont considéré que
les pouvoirs publics à adopter une vision moins comptable 300 morts par jour, l’équivalent d’un
des dépenses de santé, en particulier à l’hôpital. Entretien. crash d’avion, étaient acceptables et
Propos recueillis par Stéphane Béchaux qu’il ne fallait pas confiner plus
strictement pour réduire ce macabre
bilan quotidien. Ce choix assumé par
La crise du Covid-19 nous rappelle longtemps à la démographie, avec nos dirigeants n’a fait l’objet d’aucun
avec force que la santé joue un rôle des modèles de croissance basés débat démocratique, et n’a pas été
majeur sur le plan économique… sur l’augmentation de la taille de la justifié, alors qu’il correspond
Il est vrai que cette crise est d’une population. Plus récemment, les implicitement à un arbitrage santé/
nature différente des précédentes. modèles de croissance endogène ne revenu dont il faudrait s’assurer qu’il
Tout d’un coup, l’activité a quasiment s’intéressent pas qu’à la qualification est conforme aux préférences des
été mise à l’arrêt et les commerces, des travailleurs comme source de Français.
les usines, les bureaux ont dû fermer productivité, mais intègrent aussi la
sans qu’aucun facteur de production santé de la population, ce qui conduit Qu’est-ce que cette crise nous a appris
ne soit en cause dans ce blocage à une valorisation des dépenses sur le plan économique ?
généralisé. Les raisons n’ont pas été publiques de santé. Elle nous a au moins rappelé qu’il
financières, monétaires ni sociales ne faut pas sacrifier le long terme
mais… sanitaires. Dans la gestion de cette pandémie, au court terme. L’État a fait des
tout s’est passé comme si la santé économies sur de petites lignes
Les économistes avaient-ils oublié et l’économie s’opposaient… budgétaires en ne renouvelant pas
la santé parmi les indicateurs à C’est exact, les gouvernements de tous les stocks de masques périmés.
observer ? les pays saisis par les premières vagues Résultat, les personnels des hôpitaux
Pas du tout, ils n’ont pas attendu le ont navigué à vue. En France, on a tout et des maisons de retraite ont été
Covid-19 pour intégrer la santé dans d’abord cherché à sauver les vies avec exposés massivement au Covid-19,
leurs travaux. Dans l’analyse un premier confinement très strict, sans bénéficier au départ des
économique, on s’intéresse depuis avant de prendre la mesure des dégâts protections nécessaires. Au final,
sur l’activité économique et la santé ces quelques millions d’euros qu’on
Bio express
mentale de la population. Après la a voulu épargner ont conduit à un
priorité donnée aux vies, on a privilégié confinement particulièrement strict
Professeure à l’université Paris Dauphine PSL,
dans un deuxième temps l’économie, et nocif pour l’économie, sans parler
Brigitte Dormont dirige le Laboratoire d’économie
et de gestion des organisations de santé (Legos). dans un balancier de la décision des morts.
Ses recherches portent sur le vaste champ de la publique qui ressemble à un équilibre
régulation des systèmes de soins de santé. Dans
« au doigt mouillé ». Pourtant, des La santé est-elle un bien commun qui
ce cadre, elle traite de sujets tels que les revenus
des médecins libéraux, le vieillissement et la économistes auraient pu être utiles ici, n’a pas de prix ?
croissance des dépenses de santé, la tarification car les critères de choix social existent La santé contribue au bien-être
hospitalière ou la régulation de l’assurance
pour légitimer une action publique et a donc une valeur qui dépasse
maladie. •
fondée sur les préférences des citoyens largement le fait qu’elle peut

30 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


cause, ce sont les innovations médicales,
celles qui justement contribuent à
l’accroissement de la longévité. Jusqu’à
présent, elles ont été progressivement
incluses dans le panier des soins
remboursés par la Sécurité sociale.
Nos attentes en matière de santé ne
cessent de croître. Ce n’est ni bon ni
mauvais, ce sont des choix collectifs
qu’il faut asseoir au maximum sur les
préférences des citoyens concernant
leur arbitrage santé/revenu – on y
revient – et leur aversion plus ou
moins grande pour les inégalités
d’accès aux soins.

© Vincent Baillais/Andia.fr
Dans la hiérarchie des dépenses
publiques prioritaires, la santé a-t-elle
contribuer à notre productivité. soins médicaux, il serait plus conforme gagné des points avec le Covid-19 ?
Quand, dans des travaux de recherche, aux préférences de la population de Cette épidémie a montré l’intérêt
on interroge les citoyens sur les dépenser encore plus pour la santé. de disposer d’un système de soins
arbitrages qu’ils sont prêts à faire performant ! Allons-nous en tirer
sur leurs revenus, on observe qu’ils Peut-on dire qu’il y a de « bonnes » les enseignements ? On n’en prend pas
acceptent de dépenser beaucoup pour et de « mauvaises » dépenses le chemin. Malgré la crise sanitaire,
vivre plus longtemps et en bonne en matière de santé ? la rigueur budgétaire continue de plus
santé. Entre une nouvelle voiture et Cette question n’a de sens que parce belle à l’hôpital. Et les rapports
une maladie grave soignée, le choix que la majeure partie de ces dépenses commandités par le gouvernement
est vite fait ! Des économistes libéraux est socialisée et donc financée par des sont très inquiétants. Pour changer
de l’école de Chicago se sont intéressés prélèvements obligatoires, cotisations la donne sur les sphères du système
à la valeur de la santé, qu’ils ont sociales et CSG. Pour l’achat d’une de soins en réel danger de délitement
mesurée en points de PIB. Et ils ont voiture, qui est un choix privé, il n’est comme l’hôpital et la santé mentale,
conclu que, même aux États-Unis pas question que le gouvernement se il faut accepter d’augmenter les
où déjà 17 % du PIB est consacré aux mêle de la décision des individus. En dépenses. Ce qu’on ne pourra pas faire
France comme partout, les dépenses tant qu’on poursuivra le dogme de la
de santé augmentent plus vite que la baisse des prélèvements obligatoires.
« En France comme partout, création de richesses depuis de
les dépenses de santé augmen- longues années. Pas tellement en Mais la France dépense déjà beau-
tent plus vite que la création raison du vieillissement démographique, coup pour son système de soins !
de richesses depuis de longues dont l’influence est réelle mais En points de PIB, la France fait
années. » relativement faible. Ce qui est en effectivement partie des pays qui

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 31


printempsdeleco.fr

Bifurcations • Bien-être

Tribune

consacrent le plus à leurs dépenses


Philippe Brassac, directeur général
de santé. Mais cet effort est très
du Groupe Crédit Agricole SA.
inégalement réparti. En comparaison
de nos voisins, on dépense beaucoup
pour la médecine de ville, et peu pour L’insertion professionnelle
les hôpitaux publics.
des jeunes, la priorité
Sommes-nous égaux, en France La crise Covid a eu au moins cet avantage de faire naître
en matière de santé ? une réelle attention à ce que chacun ait une place dans
Chez les hommes, il y a aujourd’hui la société. Les jeunes plus particulièrement doivent être
13 ans de différence d’espérance de soutenus dans cette étape de transition délicate qu’est
vie entre les 5 % les moins riches l’insertion professionnelle. Les entreprises peuvent
et les 5 % les plus riches. La France largement y contribuer dès lors qu’elles en ont la volonté.
est plutôt mal placée en matière Au Crédit Agricole, nous avons délibérément choisi,
d’inégalités sociales de santé, surtout parque que c’est notre raison d’être, de mettre nos
capacités au service de cette cause avec une conviction
qu’il faut aider tous les jeunes y compris ceux qui partent
« La santé dépend beaucoup avec moins de chances. C’est ainsi que nous accueillons
des conditions de vie et il chaque année des élèves de zones REP+ pour leur stage
faudrait en tenir compte de 3e, pour casser cette idée qu’un plafond de verre les
dans l’organisation de l’offre exclurait d’emblée du monde des grandes entreprises.
de soins […]. » Au-delà de cette démarche symbolique mais concrète,
notre action se concentre sur quatre objectifs.
parce que l’offre de soins est très Premièrement, nous devons dynamiser l’ensemble des
mal répartie sur le territoire, avec territoires sur toutes les activités pour créer des
de vrais déserts médicaux. La santé opportunités professionnelles au plus proche des lieux
dépend beaucoup des conditions de vie des jeunes. Les banques ont un rôle fondamental
de vie et il faudrait en tenir compte dans cette activité en accompagnant le développement
dans l’organisation de l’offre de soins, de toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, dans
ce que ne fait pas notre système. On la durée et sur l’ensemble du territoire.
s’en est bien rendu compte avec le Deuxièmement, nous devons créer les conditions
Covid-19, qui a touché plus durement matérielles et financières favorables à l’insertion des
les classes populaires, qui vivent dans jeunes. Parce que le permis de conduire est souvent
des logements exigus et exercent un permis de travailler, proposer des financements
des métiers pénibles, que les classes tels que le permis à 1 euro, facilite clairement l’insertion.
supérieures, en télétravail dans leur Les solutions de sécurisation d’accès au logement
résidence secondaire. • telles que les cautions, sont un réel plus quand on sait

En chiffres 39H, LE SEUIL À NE PAS DÉPASSER


% déclarant que leur vie professionnelle s’accorde très bien ou bien avec
leur vie personnelle, en fonction de leur durée hebdomadaire de travail

4 900 €
100 %
% déclarant que leur vie professionnelle s’accorde très bien ou bien
39 heures, pas plus 90 % avec leur vie personnelle, en fonction de leur durée hebdomadaire de travail.
80 %
Au delà de 39 heures de
70 %
par mois. Niveau de revenu jusqu’auquel travail hebdomadaire, de
60 %
l’argent fait bien le bonheur selon plus en plus de femmes
50 %
les études des prix Nobel Daniel et d’hommes considèrent
40 %
Kahneman et Angus Deaton. Au-delà qu’ils ne peuvent concilier Femmes
30 %
de cette somme, gagner plus d’argent de façon satisfaisante Hommes
20 %
renforce le sentiment d’avoir réussi sa leur vie personnelle
10 %
vie mais ne rend pas nécessairement et professionnelle.
plus heureux. • Travailleurs, levez le pied ! • Moins de 15h 15h à 29h 30h à 34h 35h à 39h 40h à 47h 48h et plus

32 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


Tribune

la difficulté des jeunes à trouver un logement à proximité


de leur potentielle activité professionnelle. En tant
Patrick Artus, directeur de la recherche
qu’établissement bancaire nous devons apporter des
et des études de Natixis.
offres adaptées tenant compte de la spécificité du
contexte des jeunes. Car beaucoup ne disposent pas
encore de revenus financiers réguliers mais font déjà
face à des besoins de financement pour investir dans
Pourquoi il faut sortir de
leur formation et leur début d’activité. l’économie du « low cost »
Troisièmement, nous pouvons faciliter l’indispensable
mise en relation entre l’offre et la demande d’emploi. On appelle en général capitalisme néo-libéral le modèle de
On observe en effet que, paradoxalement, beaucoup capitalisme qui s’est développé dans tous les pays de l’OCDE
de chefs d’entreprise déclarent éprouver des difficultés à partir des années 1980, au départ surtout aux États-Unis et
de recrutement alors même que des jeunes à proximité au Royaume-Uni avec Ronald Reagan et Margaret Thatcher.
et aptent à exercer les métiers, ne disposent pas de Cette appellation est aujourd’hui trompeuse, car plusieurs
cette information. Des initiatives fortes ont été lancées caractéristiques du capitalisme ne sont plus libérales. En
par le gouvernement à travers la plateforme “1 Jeune particulier, on sait que les entreprises ont développé des
1 Solution” ou encore par positions dominantes aussi bien sur le marché des biens
« Il y va de l’intérêt le Crédit Agricole à travers que sur celui du travail, ce qui est l’inverse même de ce que
de tous : une société la plateforme “Youzful”. souhaitent les libéraux.
dans laquelle L’ambition de ces À première vue, le capitalisme est devenu, plutôt que néo-
chacun trouve sa approches est de permettre libéral, un capitalisme actionnarial centré sur la perception de
place est une société la rencontre entre des rentes. Toutes les évolutions
apaisée. » besoins et des demandes « Le capitalisme peuvent être reliées à la volonté
en proximité. est devenu, plutôt d’accroître le rendement des fonds
Enfin, l’exigence professionnelle demandée aujourd’hui que néo-libéral, propres pour les actionnaires, qui
va au-delà du savoir-faire enseigné dans les instituts de un capitalisme exigent des niveaux très élevés, de
formation. Parce qu’un réel savoir être est attendu, nous actionnarial […]. » l’ordre de 13 à 15 %. C’est pour cela
soutenons les démarches d’intégration par le sport, qu’il y a délocalisation vers les pays
vecteur d’apprentissage du dépassement de soi et du où les coûts salariaux sont faibles, qu’il y a déformation du
fonctionnement collectif. partage des profits au détriment des salariés, qu’il y a
Au-delà de ces illustrations, beaucoup d’autres solutions endettement des entreprises pour racheter leurs actions et
pertinentes existent ou sont à créer par les entreprises qu’il y a constitution de monopoles, ce qui permet d’accroître
en cohérence avec leur activité et leurs propres les marges bénéficiaires. Les actionnaires reçoivent des
capacités. L’essentiel réside dans la conviction qu’il est rentes, puisqu’on assiste à des rentes de monopole et à une
non seulement utile mais responsable de faire tout ce rémunération anormalement élevée des fonds propres par
qui est en notre pouvoir pour favoriser l’insertion des rapport aux taux d’intérêt sur les dettes publiques. Ces rentes
jeunes. Il y va de l’intérêt de tous : une société dans se doublent de ce qu’on peut appeler des rentes monétaires :
laquelle chacun trouve sa place est une société apaisée. • les politiques monétaires très expansionnistes conduisent,

70 ans
çue met États-Unis : les inégalités plombent Crises : la richesse perçue met États-Unis : les inégalités plombent
établir que le PIB le
Labien-être
stagnationPIB
duressenti*
PIB ressenti auxàétats-Unis.
de 1980 2016 en France, En France,
plus longtempsla richesse perçueque
à se rétablir metle PIB le bien-être PIB ressenti* de 1980 à 2016 en France,
plus
PIB longtemps à se
enrétablir que le100
PIBen 1996)
nce (base 100 en 1996) en Allemagne et aux États-Unis (base 100 en 1980).
États-Unis : les inégalités et PIB ressenti* France (base en Allemagne et aux États-Unis (base 100 en 1980).
140 160
2008, le PIB 160 plombent le bien-être 1 Trois ans après 2008, le PIB
est revenu à son niveau
n niveau
Aux États-Unis, l’augmentation d’avant-crise. 1 France
1 France 130 140 Allemagne
140 Allemagne des inégalités depuis 1980 a freiné 2 États-Unis
2 États-Unis
la progression du PIB ressenti. 120 120 Âge auquel les Français sont
120
Celui-ci a augmenté de 0,3 % les plus heureux. Avec l’émancipation
110 100
par an en moyenne entre 1980 2 La richesse ressentie des enfants et la fin du travail les
100 a mis sept ans de plus à se rétablir.
2 La richesse ressentie
et 2017 (+1,2 % en Europe) alors 100 80 individus retrouvent du temps et des
a mis sept ans de plus à se rétablir.
80 que le PIB a progressé, sur marges
1980 1986
financières.
1992 1998
Les problèmes
2004 2010 2016

1980 1986 1992 1998 2004 2010 2016


la même période, de 2,7 % par
90 de santé entament ensuite le
1996 1999 2002 2005 2008 2011 2014 2017
PIB ressenti* de 1980 à 2016 en France, en
an en moyenne (1,9 % en Europe). • sentiment de bonheur ressenti. •
Allemagne et aux États-Unis (base 100 en 1980). PIB et PIB ressenti en France (base 100 en 1996).
2005 2008 2011 2014 2017

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 33


printempsdeleco.fr

Bifurcations • Bien-être

avec les taux d’intérêt très bas et l’excès de liquidité, à des Tribune
hausses des prix des actifs (cours boursiers, valeur des
Elvire Guillaud,
entreprises, prix de l’immobilier) qui enrichissent les
Maîtresse de
détenteurs de patrimoine.
conférences à
On pourrait donc croire, au premier abord, que le capitalisme
l’Université Paris 1
contemporain ne profite qu’aux actionnaires. Les perdants
Panthéon-Sorbonne,
semblent aussi faciles à identifier : les salariés, en particulier Centre d’Économie de la
ceux des secteurs que l’on peut aisément délocaliser. Mais Sorbonne, chercheuse
la situation est en réalité plus complexe. En effet, les choix faits associée au LIEPP
par le capitalisme dit « néo-libéral » ont aussi été favorables (Sciences Po).
aux consommateurs. La faiblesse des salaires ainsi que les
délocalisations vers les pays émergents aboutissent en effet
à des prix bas pour ces derniers. Non, notre système
« Il reste qu’on Il faut aussi comprendre que la de protection sociale
désire aujourd’hui faiblesse des salaires est la cause
bâtir un autre essentielle de la baisse
n’est pas trop généreux
système qui serait de l’inflation depuis les années 1980,
plus favorable aux donc de la possibilité pour les 60 % des Français estiment que la
salaires […]. » banques centrales de mener des solidarité devrait avant tout être l’affaire
politiques expansionnistes, et des de l’État, de la Sécurité sociale ou des
taux d’intérêt de plus en plus bas favorables aux emprunteurs. collectivités locales plutôt que des
Il y a donc une coalition de fait entre trois catégories d’agents familles ou des associations (baromètre
économiques : les actionnaires et autres propriétaires des d’opinion DREES, 2017). La France est
entreprises, les consommateurs, les emprunteurs. Et cela championne en matière de réduction
au détriment des salariés, en particulier ceux des industries des inégalités d’après l’INSEE : elles sont
délocalisables. Les situations individuelles sont néanmoins réduites de 25 % après redistribution
complexes vis-à-vis de ce système, puisque les salariés monétaire (prestations
sont aussi consommateurs et, dans le monde anglo-saxon, « En matière de sociales), et de 50 %
actionnaires. C’est la solidité de cette coalition qui explique protection sociale, faire après prise en compte
la persistance du capitalisme néo-libéral qui ne pourrait pas des économies ne peut des transferts en
survivre s’il n’était soutenu que par les seuls actionnaires. pas impliquer de réduire nature (éducation et
Il reste qu’on désire aujourd’hui bâtir un autre système qui sa consommation » santé). Concrètement,
serait plus favorable aux salaires, qui ne privilégierait pas les cela implique qu’une
actionnaires, qui favoriserait les relocalisations. Il faut alors baisse des dépenses d’éducation ou de
comprendre qu’il va falloir accepter de sortir de l’économie santé augmenterait sensiblement les
du « low cost », c’est-à-dire des prix les plus bas possible pour inégalités. En outre, maintenir ce choix
les consommateurs. Cela signifie aussi qu’il va falloir sortir de société pourrait bien nous faire
des taux d’intérêt bas, avec le retour de l’inflation, ce qui est économiser, à nous Français, si ce n’est
douloureux dans une situation où les taux d’endettement à l’État.
des secteurs public et privé sont très importants. • On entend souvent dans le discours
médiatique que l’État dépense trop
En chiffres
pour la redistribution, que le système
Note moyenne de satisfaction des Français selon les domaines (2019) Plus riches, mieux
de protection sociale est trop
10 10
■ 10 ■% 10
10 1010 10
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10 plus
riches
les% lesriches
riches
plus plus riches
riches diverti mais pas « généreux ». C’est ce dernier terme qui
++22 +%% + 11 +%11 +%11++
%1111%+%11 % tellement plus aimé
8 8 + 20
8 88 8+%20+ % +
20 +20
% 20%
+ %20 % + 22+ % 22
+% 22 %
22 22 %
L’argent améliore
induit en erreur. Il laisse à penser que
+ 38 +% 38 ++38
+ 38
% % +%%
38 38 %
6 6 6 66 6
considérablement d’une part, les dépenses sociales ne
la8,4
qualité des loisirs,
4 4 4 44 4 7,8 7,8 7,8 7,8
7,8 7,8 8,4 8,4 8,4 8,4
8,4 8,4
7,6 7,6 7,67,6 7,6 7,6
8,4 8,4 8,48,4 8,4 sont pas couvertes par les recettes
6,5 6,5 6,56,5 6,9 6,9 6,96,9 6,9 6,9 7,6 7,6 7,67,6 7,6 7,6 mais influe beaucoup
6,5 6,5
2 2 2 22 2
5,5 5,5 5,55,5
5,5 5,5 moins sur la qualité (en somme, le pays vit au-dessus de ses
des relations sociales,
0 0 0 00 0 moyens) ; d’autre part, que certaines
Vie en général Logement Loisirs Relations sociales élément pourtant
Vie
Vieen général Logement Loisirs Relations sociales
Vie en
Viegénéral
en
Viegénéral
en général
Vie
en en général Logement
général Logement
Logement Logement
Logement
Statistiques sur les ressources sur les conditions de vie, INSEE, 2019.
Loisirs
Loisirs
Loisirs Loisirs
Loisirs Relations
Relations
Relations
sociales
sociales
Relations
sociales
Relations sociales
sociales
crucial du bien-être. • dépenses sont superflues.
Le premier point est largement

34 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


documenté : jusqu’à la crise Covid, des 500 plus grosses fortunes de
le solde de la protection sociale était « Un Américain dépense en France. Elle est également plus
excédentaire depuis 2016. Les moyenne 22 euros par jour coûteuse pour tous.
dépenses de protection sociale pour sa santé. Un Français, Prenons l’exemple de la santé. Avec des
représentent un tiers du PIB en France, 11 euros. » systèmes socio-fiscaux très différents,
mais les recettes, elles, comptent pour les pays de l’OCDE font face à des
un tiers de la richesse du pays. Le besoins analogues en matière de santé.
second point est moins évident. vieillesse, maternité) sont finalement On peut ainsi comparer la dépense
Il s’agit d’imaginer quel serait l’impact superflus. Lorsque l’État réduit le courante de santé par habitant, qu’elle
d’une réduction des dépenses sociales nombre de lits à l’hôpital public, on ne soit financée par une Assurance
sur le niveau de vie des Français. réduit pas les besoins en lit. On réduit maladie obligatoire, l’État et les autorités
Quand un ménage subit une baisse de la qualité de soins, ou on les trouve locales, des assurances privées ou bien
revenu, il choisit de sacrifier certaines ailleurs : dans le privé par exemple. directement par les ménages. Le haut
de ses activités : aller moins souvent Lorsque l’État traîne des pieds pour du classement est tenu par les États-
au cinéma, remettre à plus tard l’achat investir dans la prise en charge de la Unis, dont l’assurance maladie
d’une nouvelle console de jeux, dépendance, les besoins des obligatoire est gérée par des assureurs
renoncer à une nouvelle paire de personnes âgées ne disparaissent pas privés, très loin devant la France.
baskets. pour autant… mais le marché prend Un Américain dépense en moyenne
En matière de protection sociale, faire le relais. La prise en charge de ces 22 euros par jour pour sa santé. Un
des économies ne peut pas impliquer besoins par le privé est d’ailleurs Français, 11 euros. Réduire les dépenses
de réduire sa consommation, sauf à lucrative pour certains : on retrouve six de l’État français, financées par les
dire que certains besoins identifiés propriétaires d’Ehpad dans le dernier ménages, n’est donc pas synonyme
comme des risques sociaux (maladie, classement du magazine Challenges de réduire les dépenses des Français. •

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 35


printempsdeleco.fr

Bifurcations • Digital

« Aucune des grandes


révolutions technologiques n’a
conduit au chômage de masse »
Professeur au Collège de France, Philippe Aghion affirme apports. Ils saisissent mal en quoi
que le digital crée davantage d’emplois qu’il n’en détruit. cette recherche peut déboucher sur
Considérant que la qualification est la meilleure arme des applications concrètes, en quoi elle
anti-chômage, il plaide pour un revenu universel peut irriguer l’économie. Il me semble
d’intégration pour les jeunes. Entretien. que nos difficultés sont donc d’abord
Propos recueillis par Stéphane Béchaux de nature culturelle.

Y a-t-il un modèle à suivre pour


La crise sanitaire a-t-elle contribué utilisés pendant la crise ont été améliorer nos capacités d’innovation ?
à accélérer les mutations conçus de l’autre côté de l’Atlantique. Il faut regarder, de l’autre côté de
technologiques ? Les États-Unis ont aussi montré leur l’Atlantique, ce que font les Américains
Il est évident que cette épidémie formidable puissance industrielle. avec leurs « Darpa ». Darpa, c’est
a modifié les comportements. Le Le vaccin à ARN messager que nous l’acronyme de Defense advanced
télétravail, les téléconsultations, les avons massivement utilisé en France a research projects agency ou, en
visioconférences, on en parlait déjà certes été développé par un laboratoire français, Agence pour les projets
bien avant le Covid-19. Mais combien allemand, BioNTech. Mais c’est une avancés de recherche de défense. Cette
d’entreprises étaient véritablement firme pharmaceutique américaine, agence, créée pendant la guerre froide,
passées aux actes, en donnant toute Pfizer, qui l’a produit en quantité dépend du département de la Défense
leur place à ces modes d’organisation industrielle, dans un laps de temps et finance le passage de la recherche
du travail ? Aujourd’hui, beaucoup de très court. Nous, Européens, avons fondamentale aux applications dans
travailleurs disposent des équipements beaucoup à apprendre de l’écosystème les technologies destinées à un usage
nécessaires et entendent bien d’innovation américain. Et en militaire. Cette Darpa est à l’origine
continuer à les utiliser. Le travail à particulier, nous, Français. de quantité d’innovations dans le
distance ne va pas devenir la norme, domaine civil : Internet, le GPS, les
mais on réfléchira à deux fois avant Comment expliquez-vous nos drones, les exosquelettes, l’intelligence
de déplacer des équipes de toute la difficultés en la matière ? artificielle. Il faut, nous aussi, que nous
France pour une réunion au siège… En France, les dirigeants politiques promouvions nos propres Darpa, à
viennent massivement des grands l’échelle française et européenne, et
Qu’est-ce que cette crise révèle corps de l’état. Comme ils n’ont dans différents domaines : énergie,
sur le plan technologique ? pas étudié au sein du système santé, digital.
L’incroyable capacité des Américains universitaire, ils n’ont pas une
à innover. La plupart des outils bonne compréhension de ce qu’est La révolution numérique va-t-elle se
technologiques que nous avons la recherche fondamentale, de ses traduire par une destruction massive
d’emplois ?
Bio express Je ne le crois pas. Aucune des grandes
révolutions technologiques n’a
Professeur au collège de France et membre du Cercle des économistes, Philippe Aghion a enseigné
dans des institutions prestigieuses : l’université américaine Harvard, la London school of economics, conduit au chômage de masse. Au
l’école d’économie de Paris. Ses travaux de recherche portent principalement sur les concepts début du xixe siècle, des ouvriers
d’innovation et de croissance. Auteur de nombreux ouvrages et rapports, il a coécrit (avec Céline Antonin anglais du textile – on les appelait
et Simon Brunel) Le Pouvoir de la destruction créatrice, paru en 2020 aux éditions Odile Jacob. •
les « luddites » – craignaient que

36 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


« Il faut absolument que la
France parvienne à mettre
sur pied de véritables disposi-
tifs de formation tout au long
de la vie. »

« flexisécurité » donne de très bons


résultats, nous devons nous en
inspirer : ma collègue Alexandra
Roulet a montré qu’au Danemark une
perte d’emploi n’a aucun effet négatif
sur la santé, par contraste avec les
États-Unis. Par ailleurs, les pouvoirs
publics doivent investir massivement
dans une éducation de bonne qualité,
dès l’école élémentaire. Je suis en
faveur d’une mise en place en masse
d’externats d’excellence dans les zones
défavorisées.

En France, le système scolaire s’avère


très inégalitaire…
© DR
Vous avez raison. Pour que chacun
puisse tirer profit des progrès
l’invention de la machine à vapeur ne suffisant. Au final, l’automatisation technologiques, notre système de
détruise leurs emplois. Un siècle plus des tâches se traduit par une formation initiale doit tenir compte
tard, l’économiste Keynes s’est inquiété augmentation de l’emploi. des conditions de vie des élèves.
à son tour des conséquences sociales Je suis un adepte de la différenciation
de l’arrivée de l’électricité. Dans les Les travailleurs peu qualifiés et de l’interventionnisme. Lorsque
deux cas, les peurs se sont révélées doivent-ils s’inquiéter de la révolu- les parents ne sont pas en capacité
injustifiées. tion digitale ? d’aider, d’accompagner, de soutenir
Il est clair que la meilleure arme contre leurs enfants, il faut que l’État prenne
Mais l’automatisation détruit quand le chômage, c’est la qualification. Mais le relais. En créant des externats
même des emplois, non ? celle-ci n’est pas acquise une fois pour d’excellence, dans lesquels les élèves
Certes, elle en détruit. Mais elle en toutes. Il faut absolument que la rencontrant des situations familiales
crée aussi, en plus grand nombre. France parvienne à mettre sur pied de difficiles pourront à la fois étudier
Pourquoi ? Parce que l’automatisation véritables dispositifs de formation tout dans de bonnes conditions, faire leurs
permet aux entreprises d’augmenter au long de la vie. Perdre son emploi, devoirs à l’école avec des tuteurs pour
leur productivité et donc leur changer de métier, c’est angoissant les aider, et profiter d’un vrai repas
compétitivité : elle permet aux uniquement si cela est synonyme matin, midi et soir.
entreprises de baisser leurs prix de déclassement et de chômage
et ainsi agrandir la taille mondiale de longue durée. Si on parvient à Quel regard portez-vous sur l’ubéri-
de leurs marchés – de nouveaux protéger les individus, à les rémunérer sation du marché du travail ?
consommateurs peuvent accéder à des et les accompagner pendant leurs Je la vois à la fois comme une chance
produits qu’ils ne pouvaient jusque- périodes de reconversion, les craintes et comme une menace. D’un côté
là s’offrir, faute de pouvoir d’achat disparaissent. Au Danemark, cette les emplois créés par les plateformes

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 37


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Bifurcations • Digital

Tribune

sont largement pourvus par des Julien Pillot, enseignant-chercheur


travailleurs qui, jusque-là, n’étaient pas en économie, OMNES Education.
insérés sur le marché du travail. Mieux
vaut être livreur ou chauffeur que
chômeur ! Mais d’un autre côté, pour Plutôt que de démanteler
que ces emplois soient véritablement
des tremplins, encore faut-il qu’on
les GAFAM, régulons-les
permette à ceux qui les occupent de L’étau se resserre indéniablement sur les GAFAM (Google,
se former. Pour moi, il est impératif que Amazon, Facebook, Apple, Microsoft). Symbole de leur
le livreur à scooter bénéficie de périodes mise sous surveillance renforcée, les États-Unis ont
de formation véritablement qualifiantes, placé juste avant l’été, la juriste Lina Khan à la tête de
pendant lesquelles il est rémunéré. la FTC (Federal Trade Commission, leur autorité de la
En la matière, il y a tout à inventer. concurrence), laquelle s’est justement fait connaître
pour ses positions plutôt hostiles envers les GAFAM.
Ces postes sont massivement Cette nomination est le dernier épisode d’une série
pourvus par des jeunes, souvent d’événements qui témoignent d’une volonté manifeste
issus de quartiers difficiles. Peut-on des autorités publiques à contenir la puissance des
dire que ceux-là ne bénéficient pas géants de la tech. Mentionnons pêle-mêle les différentes
de la révolution numérique ? sanctions prononcées par la Commission européenne
Encore une fois, il faut que ces postes ou la FTC à l’endroit des GAFAM, l’accord du G7 sur
constituent un sas vers l’emploi stable, un taux d’impôt minimal de 15 % sur les sociétés
plus qualifié. C’est pour cela que je milite multinationales ou encore la procédure civile lancée fin
pour la création d’un revenu universel 2020 par la FTC visant à forcer Facebook à se séparer de
d’intégration destiné aux 18-25 ans. ses filiales WhatsApp et Instagram. Alors, pourquoi un tel
Ce revenu serait accordé à tous les vent de défiance envers des entreprises qui ont développé
jeunes, à la seule condition qu’ils soient des produits et des services qui séduisent des milliards
en emploi ou en apprentissage ou bien d’utilisateurs ? Il y a bien sûr leur mainmise sur les données
en études. Ce serait un formidable des utilisateurs, ou leur pouvoir d’influence sur l’opinion
outil d’incitation à l’activité. Un tel ou les actes de consommation. Mais, ce sont surtout les
revenu pourrait d’ailleurs encourager conséquences d’une trop forte concentration de pouvoir
certains jeunes, qui travaillent dans économique qui pourrait éventuellement justifier le
des économies parallèles, à revenir démantèlement des GAFAM. Parmi ces conséquences,
dans la légalité. Quand ils développent citons les risques de réduction de la liberté de choix
des « business », ces jeunes font des consommateurs, notamment par l’éviction de
preuve d’un esprit d’entreprise qui est concurrents ou l’acquisition précoce de jeunes pousses
dévoyé mais qui pourrait être redirigé prometteuses ; d’augmentation des prix par la réduction
au service de la société. • de la pression concurrentielle ; d’hyper-concentration des

5
En chiffres

Des sommes bien réelles Évolution du marché mondial des NFT


pour de l’art virtuel (NFT) 159 63 251
Le sigle NFT pour « Non-Fungible Token » 250 000 Ventes (en millions Les robots sont
(jeton non fongible), est né en 2017. Il désigne de dollars) de moins en moins
200 000
un « jeton numérique » qui représente un Nombre de propriétaires chers ! En 10 ans,
objet unique, physique ou virtuel, auquel est 150 000 Nombre d’acheteurs le prix d’une cellule
associé un certificat d’authenticité. Et il s’en Nombre de vendeurs robotisée a été divisé par cinq,
100 000
vend de plus en plus. • selon le Syndicat des entreprises
Source : NFT Yearly Report 2020, étude réalisée par 50 000 de technologies de production
le site NonFungible.com et l’Atelier BNP Paribas. (Symop). La France compte 177
0
2018 2019 2020 robots pour 10 000 salariés en 2019. •

38 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


Tribune
profits susceptibles de creuser davantage les inégalités
sociales au bénéfice des actionnaires de ces sociétés. Un
Dominique Plihon, professeur
éventuel démantèlement devrait néanmoins faire l’objet
émérite à l’université Paris Nord,
d’un examen minutieux au risque de créer de potentielles
membre des économistes atterrés.
inefficiences. Commençons par rappeler que la position
dominante des GAFAM repose souvent sur les effets
de réseau qui poussent naturellement les acteurs du L’économie numérique doit
marché à se concentrer autour d’une même offre. Amazon servir les gens, pas les exploiter
Marketplace, par exemple, est d’autant plus attractif
pour les clients qu’un grand nombre de vendeurs y sont Les technologies numériques transforment en profondeur
référencés. Et inversement. Ensuite, il faut se souvenir que nos sociétés. Une des évolutions les plus spectaculaires
les autorités de concurrence ne sanctionnent pas des est la montée en puissance des géants du numérique qui,
positions dominantes per se, mais leur abus, comme des en utilisant le big data et l’intelligence artificielle, prennent
prix prédateurs ou discriminatoires par exemple. Pour aller des positions dominantes dans les domaines majeurs de la
jusqu’au démantèlement, il faudrait alors être en mesure consommation, de la culture, des médias, de la finance…
de démontrer un abus Le business model de ces oligopoles est fondé sur
« Démanteler particulièrement grave. Enfin, l’exploitation de nos données personnelles. En tant
les GAFAM revien- le duopole Airbus-Boeing est qu’utilisateurs d’Internet, nous sommes devenus les
drait alors à leur là pour nous rappeler que fournisseurs d’une marchandise gratuite, les données
dérouler le tapis l’intensité concurrentielle comportementales exploitées par les entreprises numériques
rouge […]. » n’est pas proportionnelle au pour faire des prédictions sur nos vies. Partant de ce constat,
nombre de concurrents. Shoshana Zuboff, professeure à Harvard, nous alerte contre ce
Car, la rivalité entre ces géants de l’aéronautique est basculement vers un capitalisme
féroce. Amazon, par exemple, prend année après année « Ce capitalisme de surveillance1. Sa thèse est que,
des parts de marché à Facebook et Google dans la numérique en s’appropriant nos données
publicité en ligne. Sur le marché du cloud, Amazon et menace non personnelles, les géants du
Microsoft sont aussi en concurrence frontale… seulement notre numérique nous manipulent et
Et cela sans même considérer la pression concurrentielle démocratie mais modifient nos comportements,
déjà exercée par les BATX chinois (Baidu, Alibaba, également notre s’attaquent à notre libre arbitre
Tencent, Xiaomi). Après avoir pu grandir sur la base d’un économie. » et menacent nos libertés et
marché intérieur gigantesque et rendu captif par des notre souveraineté personnelle.
mesures protectionnistes, ils lorgnent désormais les Ce capitalisme numérique menace non seulement notre
marchés occidentaux pour alimenter leur croissance. démocratie mais également notre économie. Car les géants
Démanteler les GAFAM reviendrait alors à leur dérouler du numérique états-uniens, les fameux GAFAM (Google,
le tapis rouge, à l’heure où les tensions internationales Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), écrasent aussi
vont crescendo. Dans ce monde, les GAFAM requièrent les entreprises et les éditeurs européens. Ces oligopoles
moins un démantèlement aux effets économiques entravent la concurrence et ralentissent l’innovation.
5 000
hypothétiques qu’une régulation adaptée aux enjeux Les médias perdent de plus en plus leurs parts de revenus
4 000
économiques, fiscaux et5 000de privacy de ce siècle.3•000 1- Autrice de L’Âge du capitalisme de surveillance, éditions Public Affairs, en anglais.
4 000 4 578 4 322
2 000
3 000
1 000

429
2 000 4 578 4 322
0 500
Le streaming une affaire qui1 ne
000 - 756
5 000 -1 000
rapporte pas encore à Disney 0 500
4 000
- 756 ■ Chaînes de télévision ■ Licences
Le groupe Disney cumulait 159-1millions
000 ■ Streaming ■ Total Taille, en milliards
d’abonnés à un service de streaming ■ Chaînes3 000
de télévision ■ Licences de dollars du marché
au premier trimestre 2021, contre 200 ■ Streaming
2 000 4 578 ■ Total 4 322 mondial des semi-
millions pour le service Prime d’Amazon conducteurs en 2020. Problème, ces
(qui comprend l’offre Prime Video) et 1 000 puces électroniques qui équipent nos
207,6 millions pour le leader Netflix. Pas 0 500 smartphones, consoles, ordinateurs et
encore suffisant pour être rentable. La - 756 voitures, sont en pénurie depuis l’année
perte était encore de 756 millions de -1 000 passé après une explosion de la demande
Résultats opérationnels du secteur cinéma et télévision
dollars sur les six premiers mois de 2021. • ■ Chaînes
de Disney, de télévision
d’octobre ■ Licences
2020 à mars 2021, en millions de dollars. avec la pandémie. •
■ Streaming ■ Total

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 39


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Bifurcations • Digital

Tribune

publicitaires au profit de Google et de Facebook, et le Jérôme Pimot, syndicaliste


journalisme de qualité est dépouillé de sa base financière. et ex-livreur à vélo, président
Cette thèse du capitalisme de surveillance a le mérite de du Collectif des livreurs
autonomes de plateformes (Clap).
nous mettre en garde contre une menace réelle. Pour autant,
décrit-elle une fatalité ? Il ne faut pas confondre le capitalisme
de surveillance avec les technologies numériques qui
n’en sont que l’instrument. Il est possible d’imaginer et de
La révolution digitale
construire une société avec Internet sans cette logique de la crée de nouveaux
surveillance. Car l’utilisation
et la mise en relation des données
prolétaires
« Il est crucial de offrent également de grandes Les plateformes d’emploi de type Uber
savoir comment possibilités d’améliorer notre vie ou Deliveroo remettent en cause tous
nos données sont dans de nombreux domaines, de les fondements de notre modèle social.
utilisées et qui la santé aux loisirs en passant par Et en particulier toute la législation du
en a le contrôle. » l’industrie. Cependant, il est crucial travail qui, au travers du Code du travail
de savoir comment nos données et de la jurisprudence, a permis de fixer
sont utilisées et qui en a le contrôle. En tant qu’utilisateurs, des règles, des droits et des protections
nous ne sommes pas toujours complètement impuissants aux travailleurs. Avec son statut
et la politique peut fixer les règles dont nous avons besoin d’indépendant, et son régime fiscal
– même si elle l’a fait de manière inadéquate dans le passé. d’auto-entrepreneur, le livreur Uber Eats
échapper à la logique du capitalisme de surveillance ou Deliveroo se retrouve en situation
implique de sortir de la logique néolibérale qui s’est imposée d’extrême précarité. Pour lui, ni durée
depuis quatre décennies et a conduit au laisser-faire des maximale de travail ni rémunération
gouvernements face aux entreprises du numérique. Seule horaire minimale ! Ses conditions de
une régulation publique forte et contraignante permettra travail, hyper physiques et dangereuses,
de réduire le pouvoir devenu exorbitant des GAFAM. Après sont régies par des algorithmes sur
de longues années d’inaction, les gouvernements lesquels il n’a aucune prise.
occidentaux montrent enfin des signes tangibles d’une La révolution digitale, loin de réduire
volonté de prendre le problème à bras-le-corps. Ainsi, des la pénibilité du travail, au contraire,
autorités états-uniennes qui, depuis l’élection de Joe Biden l’augmente et crée de nouveaux
à la présidence, semblent désormais décidées à appliquer à prolétaires. Pour gagner leur vie, les
nouveau leur législation anti-trust. Ainsi, aussi, des autorités livreurs doivent rouler toujours plus
européennes qui, de leur côté, ont décidé de mettre en place pour compenser les baisses de tarifs
une nouvelle législation européenne relative aux services imposées par les plateformes. Résultat,
et aux marchés numériques. Avec l’ambition de préparer le les livreurs prennent toujours plus
terrain pour une économie numérique qui serve les gens au de risques – en cramant notamment
lieu de les exploiter. • tous les feux rouges – pour gagner
la moindre seconde soit le moindre
centime. Cette détérioration des
En chiffres
conditions de travail a conduit à une
200 Les bonnes affaires de Wikipedia modification de la sociologie des
180,3

Si l’encyclopédie numérique appelle livreurs. Au début, il y avait beaucoup


165,6

régulièrement au don, elle n’est pourtant


150 d’étudiants, et de chômeurs en
134,9

pas en difficulté économique. Le total


129,2
120,1

■ Revenus
du reste en fin d’année culmine à 180,3 quête de revenus complémentaires.
113,3

112,5

■ Dépenses
104,5

■ Reste en fin d’année


millions de dollars en 2020. De quoi voir
91,8

100
Aujourd’hui, les livraisons sont
91,2

91,4

(bénéfices accumulés
81,9

81,4
77,8

année après année) venir pour l’un des sites les plus consultés
74,5

69,1
65,9

de la planète. • massivement faites par des jeunes


53,5
52,5

52,6
48,6

45,2

45,9

50
38,5

35,7
34,9

sans aucune qualification ou des


29,3

Évolution des revenus, des dépenses


24,2
24,8
17,9

17,9
14,5

et du reste net en fin d’année


10,3

0 (en millions de dollars). migrants, souvent sans-papiers,


2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020
qui sous-louent les comptes de

40 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine

Ap_2
livreurs contre rémunération. Cette de ces plateformes. Et pas seulement
activité de livraison aurait-elle pu se « Les pouvoirs publics en France. De la Chine à la Californie,
développer sous le régime du salariat ? prennent conscience en passant par l’Espagne, l’Italie ou
Certainement. Avant la révolution de l’extrême dangerosité le Royaume-Uni, la résistance des
digitale, des chaînes de pizzeria de ces plateformes. » états s’organise. Sous l’impulsion des
proposaient bien des services de législateurs et/ou des juges. Partout
livraison à domicile, en embauchant numériques. En s’exonérant de toute sur la planète, ces applications
des livreurs en CDD ou en CDI à règle sociale, les sociétés Uber et numériques voient leur avenir
temps très partiel. Les conditions compagnie ont pu gagner des parts de menacé par la puissance publique,
de travail de ces jeunes n’étaient marché à un rythme fou. Sans jamais, qui cherche à faire reconnaître la
certainement pas exemplaires, d’ailleurs, se soucier véritablement qualité de salariés de ces livreurs ou
mais ils bénéficiaient toutefois de de leur rentabilité. Ces plateformes chauffeurs, dont l’activité ne relève en
protections bien supérieures. En ne gagnent d’ailleurs pas d’argent : rien de l’indépendance. Sans parler de
revanche, il est évident que ces leur valorisation, et donc la richesse la fronde montante des riverains, qui
plateformes n’auraient jamais pu de leurs créateurs, ne repose que sur luttent contre l’implantation de « dark
connaître une expansion aussi rapide leur croissance effrénée. Rien ne dit kitchens » à proximité de leur domicile.
sans s’affranchir du Code du travail. pour autant que ces acteurs vont au Pas tant par solidarité avec les livreurs.
En France, l’invention du régime des final pouvoir imposer leur modèle Mais parce qu’ils ne supportent plus
auto-entrepreneurs en 2008 (par économique, et continuer à détruire les nuisances sonores générées par
l’ultralibéral Hervé Novelli) a largement toutes les protections des travailleurs. le va-et-vient incessant de scooters
contribué au développement Car les pouvoirs publics prennent qui viennent prendre livraison des
hyper rapide de ces applications conscience de l’extrême dangerosité commandes de leurs clients. •

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Bifurcations • Souveraineté

« Avec le Covid-19, on s’est rendu


compte de la nécessité d’avoir
un État fort »
Selon Xavier Timbeau, le directeur principal de l’OFCE, aussi une juste répartition des doses.
la puissance publique a joué un rôle majeur dans la gestion Par leur action commune, ils ont
de la crise sanitaire. Mais les marchés, aussi, ont fait la preuve balayé cette idée très libérale, et naïve,
de leur formidable capacité d’innovation. Entretien. selon laquelle la concurrence pure
Propos recueillis par Stéphane Béchaux et parfaite offrirait les prix les plus bas
et permettrait la meilleure allocation
Peut-on parler d’un retour en force Le marché a-t-il fait la preuve de des vaccins. Les États européens ont
de l’État avec la crise sanitaire ? son inefficacité dans ce contexte su échapper à la logique du marché,
Il est vrai qu’en Europe, on ne pandémique ? en imposant leurs conditions tarifaires
questionnait plus trop le rôle de l’État Je ne crois pas. Jusqu’à preuve du mais aussi la juste répartition des
et de ses interventions. Pour faire contraire, ce sont des laboratoires vaccins entre eux et à la priorisation
simple, on peut dire que tous les pays pharmaceutiques privées qui ont des publics au sein des populations.
partageaient peu ou prou la même conçu et produit des quantités
vision, celle d’une économie sociale industrielles de vaccins. Idem En indemnisant massivement
de marché. Avec, d’un côté, le marché pour les masques. On n’a pas créé les travailleurs et les entreprises,
qui assurait l’efficacité économique et, des manufactures royales pour les États ont aussi évité un effondre-
de l’autre, l’État qui se préoccupait de les fabriquer ! Au début de la crise, ment économique…
la justice sociale. Avec le Covid-19, on certains scientifiques disaient qu’il Ils ont joué un rôle d’assureur en
est entrés dans une nouvelle phase, faudrait dix ans pour trouver un dernier ressort. Aucune compagnie
dans laquelle ces dimensions sont vaccin. Et il a fallu à peine un an pour d’assurances n’aurait pu faire cela.
bousculées. Cette crise est d’ailleurs en mettre plusieurs sur le marché… Un assureur sait mutualiser les
particulièrement intéressante car sa De ce point de vue, personne ne risques entre des clients, de telle
soudaineté a obligé les États à agir très remet en cause la formidable capacité sorte que celui qui subit un sinistre
vite, sans arrière-pensée. d’innovation des acteurs privés, qui se est indemnisé par les primes versées
sont livrés une concurrence effrénée par tous les autres qui y échappent.
Bio express
pour trouver le remède les premiers. Mais quand toutes les entreprises
ferment en même temps, il n’y a plus
Directeur principal à l’Observatoire français Mais les États ont eux aussi joué un de mutualisation possible. Les États
des conjonctures économiques (OFCE), Xavier rôle majeur, non ? se sont transformés en assureurs
Timbeau est un spécialiste de l’analyse et de la
prévision macroéconomique, de la modélisation
Absolument. Face à ces acteurs ex post. Ils ont indemnisé un risque
économique et de l’économétrie. Il a fait du privés, les pays européens se sont pour lequel personne n’avait cotisé.
marché du travail l’un de ses principaux domaines quasiment syndiqués. Ils ont fait bloc Mais attention, il n’y a rien de
de recherche, en s’intéressant notamment à la
en créant une sorte de collectif des magique là-dedans : cela veut dire que,
délicate question du retour au plein emploi
et de la mesure du chômage d’équilibre. • consommateurs pour obtenir non maintenant, il va falloir payer pour
seulement les meilleurs prix mais des dommages qui sont déjà survenus.

42 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


« Les pouvoirs publics ont
montré leur capacité à gérer
des problèmes complexes, dans
l’intérêt collectif. »

nous servir à mieux relever le défi


climatique. Car les pouvoirs publics
ont montré leur capacité à gérer des
problèmes complexes, dans l’intérêt
collectif. Mais attention, l’État n’est pas
tout-puissant. Pour que ses décisions
soient jugées légitimes, encore faut-il
qu’il fasse preuve de transparence,
de rationalité, d’efficacité. Les
Français ont globalement respecté
les confinements et le couvre-feu car
ils en ont compris la nécessité. Si on
ne leur avait pas fourni, jour après
jour, des données sur l’évolution de
l’épidémie, cela n’aurait pas fonctionné.
© Adrien Thibault

Si on ne le fait pas, on n’aura plus assureurs privés ne seront sans doute Cette crise plaide-t-elle pour un
les moyens de gérer la prochaine crise. pas en mesure de couvrir. retour des frontières, de telle sorte
qu’on puisse atteindre une forme
Parce qu’il y aura forcément L’État va donc revenir durablement d’autosuffisance sanitaire ?
d’autres crises ? sur le devant de la scène ? Les pénuries de masque ont bien
Pas forcément une autre pandémie. Tout n’a pas été parfait, loin de là, dans montré les dangers qu’il y avait
Mais il est clair que le réchauffement la façon dont la puissance publique à ne pas diversifier ses sources
climatique va engendrer d’autres a géré la crise sanitaire. Mais on s’est de production. La question de la
catastrophes. Cette crise sanitaire quand même rendu compte de la souveraineté se pose, mais pas dans
préfigure ce que sera le rôle de l’État nécessité d’avoir un État fort, qui une acception étriquée. Il faut définir
à l’avenir. Il faudra probablement soit capable de réguler, de contrôler, des espaces de souveraineté, dans
indemniser des agriculteurs pour des d’interdire, d’imposer. Dans quel état lesquels les pays ont la capacité de
épisodes de canicule prolongés ou des serait aujourd’hui la France si les disposer des produits dont ils ont
particuliers subissant des inondations pouvoirs publics n’avaient strictement besoin. Mais cette crise montre
majeures. Des événements que les rien fait ? Cette expérience peut aussi les effets très positifs de la

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 43


printempsdeleco.fr

Bifurcations • Souveraineté

Tribune

mondialisation. Si la France avait


Lison Rehbinder, chargée de plaidoyer Financement
dû compter sur le seul Institut
du développement à CCFD-Terre Solidaire.
Pasteur pour trouver le remède, on
ne serait pas près d’être vaccinés !
Dans un monde ouvert, on mutualise Taxer les multinationales, oui,
les chances de succès. Cette fois-ci,
on est bien contents de pouvoir
mais sous l’égide de l’ONU
bénéficier des vaccins produits par Les États ont besoin de ressources suffisantes pour
le laboratoire américain Pfizer. Mais financer les services publics nécessaires à la réalisation
la prochaine fois, peut-être que c’est des droits humains de leurs citoyen(ne)s,
Sanofi qui trouvera le remède, et en les investissements indispensables contre les
fera bénéficier la planète. dérèglements climatiques… Pour cela, l’impôt est
le moyen de financement le plus sûr, prévisible et
Pour qu’un État soit fort, il lui faut durable et il permet en plus d’agir sur les inégalités.
des moyens. Le consentement à Pourtant, les entreprises multinationales paient de
l’impôt va-t-il retrouver des couleurs moins en moins d’impôts sur leurs bénéfices et c’est
dans l’Hexagone ? un véritable problème. Par leurs pratiques d’évasion
Il est trop tôt pour le dire. Mais fiscale, les entreprises multinationales privent les
certains discours ont pris du plomb États de ressources cruciales, profitant des failles de
dans l’aile. On connaît tous parmi nos règles mondiales devenues entièrement
proches des gens qui râlent contre les obsolètes. 40 % des bénéfices des « Une véritable révision
demandeurs d’emploi ou les précaires, multinationales seraient ainsi localisés dans du système fiscal est
au prétexte qu’ils seraient trop bien les paradis fiscaux, d’après l’économiste donc urgente. »
couverts par l’Assurance chômage Gabriel Zucman. Et depuis une trentaine
ou les minima sociaux. Mais pendant d’années, les États du monde entier se sont engagés
la crise, des millions de travailleurs dans une dangereuse course au moins-disant fiscal, en
en activité, y compris des cadres, baissant les taux d’imposition dans l’espoir d’attirer des
ont bénéficié du chômage partiel. investissements. Une véritable révision du système fiscal
Idem pour des centaines de milliers est donc urgente, afin que les multinationales payent
d’entrepreneurs, qui ont profité leur juste part d’impôts.
d’aides massives pour sauver leurs En effet, le système fiscal international, vieux d’un siècle,
entreprises. Tous ceux-là ont aussi été, est construit sur des principes dépassés. Les filiales
à leur façon, des « assistés ». Beaucoup des multinationales sont toujours considérées comme
ne l’oublieront pas. Et il faudra sinon le des entités juridiques et économiques séparées, qui
rappeler à tous les autres qui, demain, doivent échanger au « prix du marché ». Cela leur
vilipenderont les soi-disant méfaits de permet, par des jeux comptables, de déplacer leurs
« l’assistanat ». • bénéfices vers des filiales dans les paradis fiscaux dans

En chiffres

600
Quand le populisme s’envole, Quand le populisme s’envole… … le PIB dégringole
Proportion de pays ayant un gouvernement populiste (en %)

le PIB dégringole Arrivée au pouvoir


d’un gouvernement
+5 %
Écart de PIB entre un pays populistes et son sosie

25
populiste
Les pays ayant connu un épisode
populiste ont une justice moins 20 0%
indépendante du pouvoir, une millions d’euros d’ici 2022.
presse moins libre et un système
15
-5 % Montant destiné à la
électoral biaisé en faveur de 10 relocalisation dans le plan de
l’exécutif en place. Cette érosion des
-10 % relance français. Cinq secteurs
normes démocratiques explique 5 ont été jugés prioritaires : la
-15 %
en partie les effets économiques santé, l’agroalimentaire, les
0
négatifs du populisme. • 1900 1920 1940 1960 1980 2000 2018 - 15 - 10 -5 0 5 10 15 matières premières, la 5G et
l’électronique. •
Années
Source : The cost of populism : Evidence from history, VOX CEPR Policy Porta, 2021.

44 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


Tribune
le seul but d’échapper à l’impôt et de contourner les
seuils de présence physique pour être imposables,
alors que l’économie est largement numérisée. Face
Agnès Benassy-Quéré, cheffe économiste
à ces failles, les ONG et de nombreux économistes
à la direction du trésor.
recommandent de mettre en place une « taxation
unitaire », qui permettrait de considérer les bénéfices
d’une multinationale pris dans leur ensemble, et de les
répartir entre les différents États en fonction de critères
Le rôle essentiel de l’État
d’activité réelle, notamment les ventes, les employé(e) comme assureur
s et les actifs. Un taux minimum d’imposition effectif
d’au moins 25 % doit accompagner cette réforme, pour Une fois la crise Covid-19 passée, le temps viendra de reposer
mettre un terme à cette course au moins-disant fiscal. les seringues et de réfléchir au rôle central qu’aura joué l’État
Les négociations internationales menées au sein de durant cette crise, sur le plan sanitaire bien sûr, mais aussi,
l’OCDE depuis 2018 risquent d’être décevantes sur ces de manière spectaculaire, dans la sphère économique. Pendant
deux points, même si les bons enjeux ont été identifiés. la crise, l’État s’est substitué aux employeurs pour distribuer
Le système actuel devrait rester largement en place des revenus aux ménages (chômage partiel par exemple) ;
et un système supplémentaire sera créé pour taxer et il s’est substitué aux consommateurs pour apporter des
une part très restreinte des bénéfices d’une centaine revenus aux entreprises (fonds de solidarité par exemple).
de multinationales seulement, en fonction des ventes : Il l’a fait pour protéger le tissu économique et permettre ainsi
on est loin d’une réelle taxation unitaire. Un taux un redémarrage rapide et robuste sitôt la crise passée.
minimum d’imposition devrait être mis en place, mais s’il Avec le réchauffement climatique et la destruction des
est fixé autour de 15 % seulement, cela pourrait conduire écosystèmes, ce type de crise massive pourrait frapper de
à une course vers ce minimum. De plus, les pays qui nouveau dans les années à venir. Le secteur privé pourrait-
abritent des maisons mères de multinationales, soit il en assurer le risque ? Probablement pas. Le modèle
les pays les plus riches, seront largement avantagés des sociétés d’assurance est de mutualiser des risques
par ces nouvelles règles, au détriment des pays en imparfaitement corrélés entre eux : si la maison d’Alice brûle
développement qui accueillent pourtant des activités à Rennes, il y a peu de chance que celle de Pierre brûle
de multinationales sur leurs territoires. Cette réforme simultanément à Strasbourg. En ayant beaucoup de clients,
mettrait à mal le fonctionnement des paradis fiscaux les la compagnie d’assurances indemnise un montant
plus agressifs, mais sans garantir que les multinationales relativement stable de dommages chaque année car c’est
payent leurs impôts dans les pays où elles ont une la moyenne de nombreux risques indépendants les uns
véritable activité. C’est pourquoi de nombreux états des autres. Or, le propre même d’une pandémie est qu’elle
du sud, soutenus par de nombreuses ONG comme touche tout le monde en même temps : année après année,
le CCFD-Terre Solidaire, réclament la création d’un les assurés doivent tous payer des primes très élevées en
organisme fiscal à l’ONU. De telle sorte que les prévision d’un dommage énorme qui ne surviendra peut-être
négociations sur ces questions cruciales se déroulent pas. La mutualisation des risques ne fonctionne pas.
de manière transparente et sur un pied d’égalité, et pas En l’absence d’assurance, les ménages et les entreprises
seulement dans l’intérêt des pays les plus puissants peuvent s’auto-assurer en accumulant de l’épargne afin de
et de leurs multinationales ! • faire face à la crise décennale. Mais cela revient à immobiliser

Industrie, 12 % Le cavalier fiscal


60 %
les délocalisations 10 % américain États-Unis

l’emportent Pour les États-Unis, 50 %


France
8% Suède
Le mot de relocalisation la souveraineté passe
40 % Royaume-Uni
est à la mode. Mais les faits 6% aussi par la concurrence
ramènent brutalement à la 4% fiscale, notamment sur les 30 %
réalité. • entreprises pour permettre
2%
l’émergence de nouveaux 20 %
Part des délocalisations 0% leaders mondiaux. •
dans l’emploi industriel (pertes). 10 %
Prélèvements obligatoires
2017
2016

2019
2012
2013

2015
2014
2011
2009

2020
2010

2018

Part des relocalisations de 1870 à 2010 (en %


dans l’emploi industriel (gains). Source : Observatoire de l’emploi et de l’investissement Trendeo France. du revenu national). 0%
1870 1890 1910 1930 1950 1970 1990 2010

Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 45


printempsdeleco.fr

Bifurcations • Souveraineté

Tribune
des sommes énormes dans l’attente d’un événement qui
El Mouhoub Mouhoud,
ne surviendra peut-être pas. Pas très tentant notamment
président de
lorsque les taux d’intérêt réels sont faibles. Alternativement, ils
l’Université Paris
peuvent attendre la prochaine pandémie (ou crise climatique)
Dauphine - PSL.
et, lorsqu’elle surviendra, s’endetter pour surmonter la crise,
puis rembourser lorsque l’économie repartira. En attendant
la crise suivante… Sur des intervalles de temps aussi longs, Récupérer
et avec des risques massifs, ce type de programme est
hasardeux. Que faire si les banques et les marchés refusent de
des avantages
prêter le moment venu ? En réalité, seul l’État peut, lorsque ses comparatifs
finances inspirent confiance, s’endetter de manière massive :
l’État seul a le pouvoir de lever l’impôt, tandis que les agents
par l’innovation
privés ne lèvent des revenus que de manière aléatoire, s’ils
trouvent un emploi ou des La relocalisation, dont on parle
clients. Par ailleurs, en cas de « Avec le “quoi qu’il en coûte”, beaucoup depuis la crise sanitaire,
crise de liquidité, la Banque l’État a cependant assuré un n’est pas un phénomène nouveau.
centrale peut facilement risque systémique et accu- Elle exprime simplement l’idée
acheter des titres de dette mulé une dette importante. » qu’une entreprise qui a délocalisé ses
publique, ce qui n’est pas le processus de production pour bénéficier
cas pour les dettes des PME ou des ménages. des écarts de coûts (par unité produite)
Ainsi, la pandémie a mis en avant le rôle essentiel de peut aussi faire machine arrière. Et
l’État comme assureur, pour la santé comme pour les donc revenir produire dans son pays
risques économiques. Cette assurance est pour partie d’origine ou dans des territoires se
« automatique » : en cas de maladie ou de perte d’emploi, trouvant à proximité des marchés qu’elle
l’assurance maladie et l’assurance chômage couvrent dessert. Mais la relocalisation peut aussi
une partie des dommages, tandis que les prélèvements refléter un phénomène plus large de
obligatoires diminuent automatiquement du fait de la baisse reconquête des avantages comparatifs
des revenus. Avec le « quoi qu’il en coûte », l’État a cependant des pays dans certains secteurs grâce à
assuré un risque systémique et accumulé une dette l’innovation technologique de procédés
importante. Par leur épargne, les assurés ont financé (robotisation, par exemple) ou de
les transferts massifs de l’État… vers eux-mêmes. Cependant, produits (nouveaux matériaux textiles,
ils ont prêté mais pas donné. Maintenant commence la par exemple).
délicate question du partage de la facture : baisse des Il faut en fait distinguer deux types
dépenses, hausse des impôts, augmentation des heures d’avantages comparatifs : les avantages
travaillées, il faudra faire des choix difficiles. Il faudra, tout longs et les avantages courts. Un pays,
en veillant à ne pas nuire à court terme au rebond de l’activité, disposant de ressources spécifiques
s’assurer du rétablissement de la capacité de l’État à s’endetter permettant la fabrication d’un groupe
de nouveau, massivement, lors de la prochaine crise. Car nous de produits, dispose d’un avantage long
aurons encore besoin de l’État assureur. • sur ses compétences mais d’avantages
comparatifs courts sur les variétés de
En chiffres
produits issus de ces compétences.

340 30%
Théoriquement, les pays innovateurs
peuvent récupérer des avantages
antérieurement perdus par rapport
Identité visuelle
Coût en millions d’euros par Baisse des effectifs dans aux pays retardataires imitateurs.
Le logotype
heure de blocage pour l’économie l’industrie française de 1989 Dans la lignée des théories néo-
mondiale de l’incident de l’Ever à 2017. Le sous-secteur de la Le logotype est composé d’une symbolique et d’une typographie qui caractéris

technologiques du commerce
constituant un bloc-marque indissociable.

Given, porte-container qui fabrication de textiles et de Il est associé d’une signature ”Mesurer pour comprendre”.
Associée au logotype, celle-ci apparaîtra sur les supports d’information et de c
a provoqué un gigantesque l’industrie de l’habillement, du international, certains modèles
embouteillage sur le canal de Suez, cuir et de la chaussure est le plus
selon la Lloyd’s de Londres. • touché : -76 % entre 1989 et 2017. • de croissance endogène des années
1990 ont pu montrer l’existence

46 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine

0113
de ces phénomènes de récupération fonction du cycle d’innovation-imitation
des avantages comparatifs. « La relocalisation peut mais l’avantage long sur les compétences
Imaginons deux pays à capacités aussi refléter un phénomène permet des retours des avantages
technologiques différentes représentant plus large de reconquête des comparatifs sur les produits. Le cycle
le Nord développé et le Sud en avantages comparatifs des du produit ne constitue en fait qu’un
rattrapage. Les producteurs du Sud pays […] » moment dans la dynamique d’évolution
peuvent imiter les produits découverts des connaissances technologiques
par le pays du Nord et les producteurs des ressources consacrées à cette issues d’un secteur donné.
du Nord peuvent innover dans la activité et donc la probabilité d’innover. D’où l’existence de deux types
fabrication de ces mêmes produits. Ces va-et-vient potentiels vont à de relocalisations. La première,
Le pays innovateur accomplit ainsi l’encontre de la théorie du cycle du les relocalisations de retour dites
des efforts d’innovation pour récupérer produit de Raymond Vernon, qui « ricardiennes » liées à l’inversion des
la production et donc la rapatrier, suppose une perte définitive du différences de coûts de production
car il possède les compétences initiales pays innovateur sur le produit imité par unité produite entre les pays grâce,
et les activités de R&D. L’activité et délocalisé. Ces récupérations par exemple, à la robotisation par
d’imitation du pays du Sud, parce d’avantages comparatifs s’expliquent exemple. Ces relocalisations ne sont
qu’elle requiert des ressources, est par l’existence d’avantages longs et pas forcément pérennes. La seconde,
donc coûteuse. Ce qui exclut alors cumulatifs des pays innovateurs sur les les relocalisations « schumpetériennes »
l’hypothèse traditionnelle d’une diffusion blocs de compétences ayant permis ou de développement compétitif liées
automatique des connaissances dans l’invention et la production du produit à l’innovation de produits dans les
le monde. Parallèlement, les politiques qui connaîtra ensuite un processus de territoires et autorisant une nouvelle
de subvention à la recherche dans le banalisation par imitation. L’avantage dynamique de croissance. Ces dernières,
pays du Nord augmentent le montant de localisation du produit se modifie en plus pérennes, sont à privilégier. •

Le blog de l’Insee

Pour décrypter
les chiffres
de l’actualité
économique
Présentation powerpoint 3
et sociale
e typographie qui caractérisent son nom

endre”.
pports d’information et de communcation.

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printempsdeleco.fr

Bifurcations • Pour aller plus loin

Relocaliser ? Faut-il changer Ce livre


El Mouhoub radicalement dessine le
Mouhoud, le pre- de système ? monde tel
mier économiste Le diagnostic qu’il pourrait
en France à avoir des auteurs sur être pour
mis en évidence le capitalisme répondre
le phénomène néolibéral est aux grandes
des relocalisations, fournit des clés sévère : le choix de privilégier l’action- crises
pour analyser et anticiper le phénomène. naire au détriment du salarié explique sanitaires,
L’industrie est au cœur du problème, le ralentissement de la demande et de climatiques,
mais pas seulement, les services égale- la croissance. Dès lors, le capitalisme économiques, sociales ou psychiques.
ment, concernés au premier chef par néolibéral a besoin de béquilles, l’endet- Il nous faut bifurquer : c’est l’absolue
la pollution numérique. À la clé : tement et la création monétaire, mais nécessité. Ce collectif d’auteurs pré-
10 propositions concrètes pour favoriser ces politiques atteignent aujourd’hui sente un avenir possible. •
les relocalisations pérennes en France, leurs limites. Il est temps d’envisager Bernard Stiegler (dir.) avec le collectif
et plus largement en Europe. • un autre modèle de capitalisme pour Internation, Bifurquer, Les liens qui libèrent,
El Mouhoub Mouhoud, Relocalisons !, retrouver l’espoir. • 2021, 416 pages.
Ed. Le Pommier, 2021 (à paraître en novembre), Patrick Artus et Marie-Paule Virard, ISBN : 9791020908568
240 pages. La dernière chance du capitalisme,
ISBN : 9782746522985 Odile Jacob, 2021, 192 pages.
ISBN : 9782738155412

48 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine

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VIDÉOS, EXPÉRIENCES
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ET INTERACTIVES CM

DÉVOILENT L’ÉCONOMIE
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AVEC HUMOUR CMJ

ET PÉDAGOGIE. N

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Ce livre retrace En présentant Depuis les
des affaires l’évolution en années 2000,
dont les intri- longue durée des centaines
gues sont à des inégalités de scientifiques
la mesure de entre classes tirent la son-
l’imagination sociales dans nette d’alarme :
la plus auda- les sociétés les activités hu-
cieuse. Vous y humaines, maines, en précipitant l’effondrement
rencontrerez des personnages hors du Thomas Piketty propose une perspec- de la biodiversité, ont créé les condi-
commun, des charmeurs et des char- tive nouvelle sur l’histoire de l’égalité. tions d’une « épidémie de pandémies ».
meuses totalement dénués de scrupule Il s’appuie sur une conviction forte for- Mobilisant de nombreux travaux et des
et d’empathie. L’histoire des arnaques est gée au fil de ses recherches : la marche entretiens inédits avec plus de soixante
aussi celle de l’économie : on n’escroque vers l’égalité est un combat qui vient chercheurs du monde entier, ce livre
pas de la même manière à l’heure de la de loin, et qui ne demande qu’à se nous invite à réfléchir aux bifurcations
dérégulation financière et des paradis poursuivre au XXIe siècle, pour peu que qui nous permettront de réconcilier
fiscaux qu’au temps où l’héritage était l’on s’y mette toutes et tous. • l’économique et le vivant. •
la principale source de richesses ! • Thomas Piketty, Une brève histoire de l’égalité, Marie-Monique Robin, La fabrique des
Christian Chavagneux, Les Plus belles histoires Seuil, 2021, 368 pages. pandémies, Préserver la biodiversité, un
de l’escroquerie, du collier de la reine à l’affaire ISBN : 9782021485974 impératif pour la santé planétaire,
Madoff, Seuil, 2020, 384 pages. La Découverte, 2021, 343 pages.
ISBN : 9782021425499 ISBN : 9782348055089

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Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 49

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Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine 49


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Bifurcations • Pour aller plus loin

En ligne

Comment
fonctionne
le réchauf-
fement
climatique ?
Qu’est-ce
que la taxe
carbone ? S’appuyant sur les travaux
du Giec, cette introduction au
changement climatique utilise la BD
pour présenter clairement les mé-
canismes à l’œuvre, les évolutions
possibles dans les décennies à venir Ce blog donne la parole aux experts Ce blog est nourri de contributions
et les pistes d’action. Un livre essen- de la Caisse des Dépôts et à ses de chercheurs de l’Insee qui y
tiel pour comprendre la bifurcation partenaires, sur les thématiques présentent, de manière accessible
en cours ! • de recherche soutenues par la CDC : et attractive, des résultats d’enquêtes
Yoram Bauman et Grady Klein, territoires, cohésions sociales, climat récentes, ou des réponses à des
Le changement climatique en BD, Eyrolles, et environnement, innovation, macro- questions courantes, sur le pouvoir
2015, 206 pages. économie et finance. L’ambition est d’achat, la fiscalité, ou les effets
ISBN : 9782212562446 double : décrypter les grands enjeux, de la pandémie. •
offrir un regard concret et expert sur https://blog.insee.fr/
des solutions qui font leurs preuves. •
https://www.caissedesdepots.fr/blog

Pour vivre, produire et faire


fonctionner l’économie mondiale,
nous avons besoin d’énergie.
Cependant, sa production et sa
consommation nous placent devant Le site de la Cité de l’économie Cheffe économiste de la DG Trésor
de nombreux défis. Cet atlas, avec (Citeco) présente un très grand du Ministère de l’économie, Agnès
ses plus de 150 cartes et documents, nombre de ressources accessibles Benassy-Quéré publie, une fois par
met en lumière les enjeux de la tran- et attractives, pour permettre à mois environ, des billets qui sont de
sition énergétique mondiale, une chacun de mieux comprendre véritables pépites de clarté et de
bifurcation inéluctable ! • les enjeux et les analyses pédagogie. Idéal pour prendre le recul
Bertrand Barré et Bernadette Mérenne- économiques. Des ressources nécessaire sur les grandes bifurcations
Schoumaker, Atlas des énergies qui suscitent aussi l’envie de se de la macroéconomie, entre crises,
mondiales, Vers un monde plus vert ? rendre sur place, à Paris dans le 17e rebond et soutien des pouvoirs publics. •
Autrement, 2021, 96 pages. arrondissement, pour y visiter les https://www.tresor.economie.gouv.fr/
ISBN : 9782746760530 expositions ! • www.citeco.fr Articles/tags/billet-chef-eco

50 Le Printemps de l'économie 2021 - Le magazine


DE

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ses propositions, à l'action publique et éclaire le débat. Elle réalise des études originales sur
les grandes évolutions économiques et sociales, et les enjeux de soutenabilité.
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à la demande du gouvernement. Les résultats de ses
travaux s'adressent aux pouvoirs publics
et aux citoyens.

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