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FORMATION

Risques Naturels et Environnement

Jean-Pierre MAGNAN
IFSTTAR

UTILITÉ DES RECONNAISSANCES GÉOTECHNIQUES

Du 16 au 18 octobre 2019
n° 9143-08
Plan de l’exposé

• Introduction
• Définitions et objectifs
• Les reconnaissances géotechniques sont obligatoires
• Les reconnaissances géotechniques sont utiles
• Conclusion

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La reconnaissance géotechnique : définitions

• Créer à partir d’une carte topographique ou d’un plan un


modèle mécanique et hydraulique du site ou de la zone
d’influence géotechnique d’un projet

• Consistance variable à adapter


– Exécution de sondages ou essais en place / en laboratoire
– Visite du site, relevés de discontinuités d’un massif rocheux, trou à
la pelle mécanique, étude de cartes géologiques, lecture de
rapports antérieurs, observations et mesures hydrogéologiques,
études géophysiques

• Production : le rapport de reconnaissance des terrains


– Toutes les informations géotechniques disponibles,
– Évaluation géotechnique de ces informations (synthèse)
– Pas d’interprétation en termes de dimensionnement.

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La reconnaissance géotechnique : objectif

Fournir les informations nécessaires pour :


- Risques naturels (glissements de terrain, effondrements rocheux,
séismes, inondations)
- Terrassements et ouvrages en terre (remblais, digues, barrages,
déblais)
- Fondations et soutènements
- Amélioration et renforcement des sols
- Tunnels et ouvrages souterrains 4
Modèle géologique du site
Éboulis

Terre végétale
Limon
Argile
Marne Sable argileux
Calcaire Gravier
Marne Marne
Calcaire Calcaire

Zone d’influence géotechnique


(dépend de l’ouvrage et de sa localisation)

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Progression de la reconnaissance géotechnique

Cartographie, observations

Sondages, géophysique

Essais en
place et en
laboratoire

e, s’p
E, n
c’, j’
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La reconnaissance géotechnique doit être adaptée au
site, aux matériaux et au problème à résoudre
(construction, risques naturels, etc.).

Il n’y a pas une procédure unique, mais une stratégie


que l’on met en œuvre en fonction de l’objectif, des
conditions de terrain et des moyens disponibles.

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La reconnaissance géotechnique dans le projet de génie civil
Un exemple illustrant l’imbrication de la géotechnique et du projet.
Ligne 15 du métro en construction à l’est de Paris.

CG
Gare SS&FG

Tunnel Argile P
Marne M
Craie
Tunnel : stabilité, pression sur revêtement, tassements en surface
Gare : radier, parois moulées, pressions sur structure, tassements…
Il faut déterminer :
poids volumique, déformabilité, résistance, perméabilité, nappes
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La reconnaissance géotechnique accompagne le projet
• Adaptation au phasage
– Études préliminaires
– Avant-projet
– Projet
– (Documents de consultation pour appel d’offres de travaux)
– Études d’exécution
• Précision croissante mais jamais totale
– Incertitudes : géologiques (failles, karst, vallées cachées,
anomalies localisées), hydrauliques (nappes, écoulements
temporaires, observés pendant trop peu de temps), valeurs
des propriétés mécaniques (mauvais sondages, mauvais
carottages, mauvais essais)
– La reconnaissance se densifie au cours du temps, dans les
limites du budget et du temps disponibles. Les incertitudes
diminuent.
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Les reconnaissances géotechniques sont obligatoires
• Eurocode 7 – Partie 1 et Partie 2 : prescriptions techniques et
méthodologiques.
• Norme sur les missions géotechniques NF P 94-500 :
organisation et progressivité des études.
• Normes nationales d’application de l’EC7 pour le calcul.
• Normes d’essais, d’exécution et de produits.
• Ouvrages simples et ouvrages courants
– Distinction due à demande des professions du bâtiment en France
– Justification par l’expérience et/ou des reconnaissances qualitatives
– Sans travaux sous l’eau (sauf expérience), ni glissements de terrain
– Notion d’expérience comparable
– Exemples : murs isolés, bâtiments d’un à deux niveaux sur
fondations superficielles, murs de soutènement jusqu’à 2m, déblais
et remblais jusqu’à 2m.

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Autres notes sur l’Eurocode 7
• Les préoccupations de l’analyse géotechnique sont très larges :
– la convenance générale du terrain (stabilité générale et mouvements),
– la disposition des zones de sols ou de roches intervenant dans le calcul,
– les plans de stratification inclinés,
– les exploitations minières, cavernes ou autres ouvrages souterrains,
– pour les structures reposant près ou sur du rocher :
• les couches dures et molles, les failles, joints et fissures,
• l’instabilité possible de blocs de rocher,
• les cavités de dissolution et les processus actifs;
– l’environnement du projet :
• effets des affouillements, de l’érosion et des excavations,
• effets de corrosion chimique,
• effets du gel,
• effets des sécheresses,
• variations du niveau des eaux souterraines (rabattements de nappes,
inondations, dysfonctionnement des systèmes de drainage, exploitation de
l’eau)
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Autres notes sur l’Eurocode 7 (fin)

– l’environnement du projet (suite) :


• présence de gaz dans le terrain,
• autres effets du temps et de l’environnement sur les matériaux,
– les tremblements de terre,
– les mouvements de terrains dus aux affaissements miniers ou autres,
– la sensibilité de la structure aux déformations,
– l’effet de la nouvelle structure sur les structures et réseaux existants.

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L’Eurocode 7 et les reconnaissances géotechniques
Partie 1
• Section 2.4.3 Propriétés des terrains
– Stratégie d’utilisation des résultats. Les valeurs de calcul ne sont pas
nécessairement les résultats des essais
• Section 3 Données géotechniques
– Définition des reconnaissances géotechniques,
– Évaluation des paramètres géotechniques
– Rapport de reconnaissance de terrain
– Notion de reconnaissances préliminaires et de projet
Partie 2
Fournit des règles complémentaires à la partie 1 relatives à :
– la planification et la consignation des résultats des reconnaissances
– les exigences générales pour les essais courants (laboratoire/en place)
– l’expression des résultats et l’évaluation des essais
– la détermination des valeurs des coefficients et paramètres géotechniques
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Eurocode 7 – Partie 2

• Article 2.1.1(1)P : Les reconnaissances géotechniques doivent


être programmées de manière à disposer des informations et
des données géotechniques appropriées aux différentes étapes
du projet. Les informations géotechniques doivent être
adaptées aux risques encourus et identifiés du projet. Pour les
étapes de construction intermédiaires et finales, les
informations et les données doivent être fournies pour prévenir
les risques d’accidents, de retards et de dommages.

• Annexe B (informative) : programmation des reconnaissances


géotechniques, choix des méthodes, exemples de
recommandations pour l’espacement et la profondeur des
reconnaissances géotechniques.

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Eurocode 7 – Partie 2 (suite)
Annexe B
Reconnaissances préliminaires Reconnaissances pour la Reconnaissances pour le calcul
conception du projet du projet
Fondations sur pieux
Sol fin Fondations sur pieux PIL, essais de battage de pieux
Choix SS, CPT, DP, SPT ou SR Choix définitif Mesurages des ondes
CPT, SS, DP, Prélèvement (PS, OS, CS), mécaniques (sismiques)
préliminaire d’une
SPT FVT, PMT, GWC (PIL)
GWC, tassements
d’une méthode de Inclinomètres
Prélèvement (PS, méthode de fondation
Début TP, CS, OS),
Fondations superficielles Fondations superficielles
fondation SS ou CPT, DP Calcul Vérification du type de sol
Étude en PMT, GW Prélèvement (PS, OS, CS, TP), Vérification de la raideur (CPT)
bureau des FVT, DMT ou PMT, GW Tassements

cartes Fondations sur pieux Fondations sur pieux


Sol grenu CPT, DP ou SPT PIL, essais de battage de pieux
topographiqu Prélèvement (PS, OS, AS), FVT, DMT, Mesurages des ondes
pulvérulent Choix
es, GWO, (PIL) mécaniques (sismiques)
SS, CPT, DP ou préliminaire Choix définitif GWC, tassements
géologiques d’une d’une méthode de Inclinomètres
SPT, SR fondation
et méthode de Fondations superficielles Fondations superficielles
Prélèvement (AS, Calcul
hydrogéologi fondation CPT+DP, SPT Vérification du type de sol
OS, SPT, TP), Prélèvement (PS, OS, AS, TP) Vérification de la raideur (CPT)
ques. Éventuellement PMT ou DMT, Tassements
PMT, DMT, GW (PLT), GWO
Interprétation
des photos Roche Fondations sur pieux
Vérification du contact entre la
aériennes. Inspection du site pointe du pieu et la surface
Archives. rocheuse
Cartographie des Vérification de la fissuration dans
Fondations sur pieux ou superficielles
Inspection du discontinuités, SR avec MWD, cartographie des
Choix définitif la surface rocheuse.
d’une méthode de Écoulements d’eau
site SE. Dans les fractures, avec TP, CS, RDT
fondation
(PMT BJT dans les roches Fondations superficielles
roches tendres ou altérées) ; GWO
Calcul
Vérification de l’inclinaison et de la
recouvertes : (DP, fissuration dans la surface
rocheuse
CPT, SPT, SR ou
CS) 15
"à suivre"
Eurocode 7 – Partie 2 (suite)

Espacement recommandé des sondages de reconnaissance :


• pour les ouvrages industriels de grande hauteur, un
quadrillage de sondages espacés de 15 m à 40 m ;
• pour les ouvrages de grande surface, un quadrillage de
sondages espacés de moins de 60 m ;
• pour les ouvrages linéaires (routes, voies ferrées, canaux,
canalisations, digues, tunnels, murs de soutènement), des
sondages espacés de 20 m à 200 m ;
• pour les ouvrages spéciaux (par exemple, ponts,
cheminées, fondations de machines), deux à six sondages
de reconnaissance par fondation ;
• pour les barrages et déversoirs, des sondages espacés de
25 m à 75 m, au droit des coupes pertinentes.
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Eurocode 7 – Partie 2 (suite)

Fondations

Profondeur de reconnaissance za sous la base de la fondation :


za = maximum de 6m, 3 Bf , 1,5 Bb
za peut être limité à 2m si le terrain est bon.
Mais il faut au moins un sondage à 5m si la géologie n’est pas précise.

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Eurocode 7 – Partie 2 (suite)

Pour les remblais Pour les déblais


• 0,8 h < za < 1,2 h  za  2,0 m
• za  6 m  za  0,4·h

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Eurocode 7 – Partie 2 (suite)

Pour les routes et les aérodromes :


• za ≥ 2 m sous le niveau d’assise prévue.

Pour les canaux et les canalisations, la plus grande des


valeurs suivantes :
• za ≥ 2 m sous le niveau du fond de l’excavation
• za  1,5·bAh
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Eurocode 7 – Partie 2 (suite)

Pour les tunnels et excavations souterraines :


• bAh < za < 2,0 bAb .

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Eurocode 7 – Partie 2 (suite)
nappe

nappe
Excavations

Niveau piézométrique et niveau de la nappe sous le fond de l’excavation,


la plus grande des valeurs suivantes :
• za  0,4·h
• za  (t + 2,0) m.
Sinon : la plus grande des valeurs suivantes :
• za  (1,0·H + 2,0) m
• za  (t + 2,0) m

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Eurocode 7 – Partie 2 (suite)

Fondations
profondes

Le maximum de :
• za  1,0 bg
• za  5,0 m
• z a  3 DF

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NF P 94-500 Missions géotechniques
 La reconnaissance géotechnique est toujours une partie d’une mission
d’étude géotechnique. Les prestataires sont des sous-traitants.
 Enchaînement des missions géotechniques :
 Étape 1 (études préalables) : étude géotechnique préalable G1
- étude géotechnique préliminaire de site (G11) étude de site (ES)
- étude géotechnique préliminaire d’avant-projet (G12) principes généraux
de construction (PGC)
 Étape 2 (mise au point du projet) étude géotechnique de conception G2
- étude géotechnique de projet (G2) phase avant-projet (AVP)
phase projet (PRO)
phase DCE/ACT
 Étape 3 (exécution des ouvrages géotechniques)
- supervision géotechnique d’exécution (G4) pour le maître d’ouvrage
- étude et suivi géotechnique d’exécution (G3) pour l’entreprise
À tout moment : diagnostic géotechnique (G5)
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Les reconnaissances géotechniques sont utiles

• Exemple 1 : maison individuelle sur un bon sol


– Fondations superficielles
– Reconnaissance à 2m sur bon sol sans surprises

• L’histoire du site peut être intéressante !


– Construire sur une ancienne décharge…

• Mais aussi :
– Les cavités éventuelles
– Les sols sous remblais
– Le gel
– La sécheresse
– Les sols liquéfiables…

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Exemple 2 : collège de Nantua devenu lycée

Un bâtiment de trois étages, construit en 1965.


Le projet est de transformer les salles du collège
en salles de lycée.

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Nouveau lycée de Nantua et position de l’ancien bâtiment du collège
130 m
130m Tassements du
TN
Charge = 3 x 10 kPa collège de Nantua
T.N. après Plancher RdC 477,75 NGF
travaux 477,50 NGF Poutres raidisseurs Déblai
avant travaux bâtiment sur 40m de
Remblai
avant
Radier
sols mous
1,7m
travaux
H=1,70 m Béton de propreté, épaisseur 0,10 m
Grave compactée, épaisseur 0.50 m
475.59 NGF(*) 475,50 NGF Sable, épaisseur 0,40
m
0,5 m
Terrain naturel initial
Échelles 10 m
Résistance de pointe à 2 cm/s
Temps (jours) depuis le 1 septembre 1964
qc (MPa)
qc2 (MPa)
10 100 1000 10000 100000
0 0,5 1 1,5 2
0
0 100
10 10
SPA101
200 Repère 1
2 300 9 9
SPA102 400 Repère 2
4 SPA103 500 8 Repère 3
600
6 SPA104 Tassement (mm)
700 7
Profondeur z (m)

Repère 4
SPA105 800 3 7
8 900 Repère 5
SPA106 5 4,6
1000 5,3
10 SPA107 1100 2 Repère 6
1200 2
SPA108 1
12 1300 Repère 7
SPA109
1400 1 Repère 8
14 1500 1965-1997
1600 Repère 9
16 1700
1800 1973 1997 Repère 10
18 1900
2000
20 27
Le projet a failli être abandonné parce qu’un bureau d’études
peu expérimenté avait déclaré qu’il serait instable en cas de
séisme. Mais cette conclusion était fondée sur des données
géotechniques fausses.

Un nouveau bâtiment a pu être construit, avec un seul étage,


une structure en bois et des fondations compensées
(comportant du vide) pour limiter la charge appliquée au sol.
Le lycée de Nantua actuel

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Exemple 3. Il faut aussi des géotechniciens compétents
Vue actuelle de la dérivation de la Saône à Seurre
Une partie avec des digues en terre.

30
30
Vue actuelle de la dérivation de la Saône à Seurre
L’autre partie avec un rideau de palplanches.

31
Le projet
Projet confié à des débutants dans un service sans expérience : créer un
canal à grand gabarit de 2km de longueur pour couper des méandres de la
Saône près de Seurre (début du canal Rhin-Rhône).

Argile
Sable
Substratum argileux
a. État initial
Canal à grand gabarit

Argile
Sable
Substratum argileux
b. État final

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Premiers ennuis et projet révisé
L’argile excavée était mise directement en remblai pour faire les digues.

Argile
Sable
Substratum argileux

a. Glissement des digues en argile

Argile
Argile
Sable
Substratum argileux

b. Solution proposée pour garder l’argile : double-rideau et tirants

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Projet corrigé et nouveaux ennuis
Le responsable local décide de ne réaliser qu’un rideau pour limiter le coût.

Argile
Sable
Substratum argileux
a. Solution retenue : un rideau de palplanches et un rideau de pied

Argile
Sable
Substratum argileux
b. En cours de construction : la poussée du remblai en argile plie le rideau

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Le projet final
On garde le maximum d’argile mais on place du gravier au contact du rideau
pour diminuer la poussée.

35
Les ennuis ne s’arrêtèrent pas là !
Une nuit, du côté de Seurre mais en direction de la Saône, pas de la ville, un
phénomène de renard s’est développé à cause d’une tranchée de gaz
remblayée de sable, qui était absente des cartes. Le bief s’est vidé vers la
Saône en détruisant la digue. Provisoirement, avant de la reconstruire, on a
créé un batardeau dans le canal pour pouvoir le maintenir en eau.

Batardeau
Brèche

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Un dernier exemple : l’interprétation globale d’un site
Certains livres représentent le glissement d’El Biar, dans la ville d’Alger, comme
représenté sur la figure : des blocs de molasse descendent lentement vers le
bas, en comprimant des couches marneuses.

Glissement d’El Biar (Saint-Raphaël) à Alger


Une galerie de drainage, située à la base de l’escarpement du haut, a
été creusée mais sans donner de résultats.
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Une analyse plus récente a montré que le glissement est en
réalité une succession de glissements régressifs, érodés.

Le glissement ne peut être stabilisé par drainage en tête.


Il est réactivé par le curage régulier du bas du glissement. 38
Merci de votre attention…

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