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Vapocraquage des hydrocarbures

par Claude RAIMBAULT


Ingénieur ENSPM
Expert à la Direction Stratégie-économie-programme à l’IFP
Professeur à l’ENSPM
et Gilles LEFEBVRE
Ancien Ingénieur Principal à l’IFP
Professeur honoraire à l’ENSPM

ENSPM : École Nationale Supérieure du Pétrole et des Moteurs


IFP : Institut Français du Pétrole

1. Généralités................................................................................................. J 5 460 - 2
1.1 Introduction.................................................................................................. — 2
1.2 Historique ..................................................................................................... — 2
2. Physico-chimie de la pyrolyse des hydrocarbures saturés .......... — 2
2.1 Considérations thermodynamiques........................................................... — 2
2.2 Schéma réactionnel simplifié ..................................................................... — 3
2.3 Caractéristiques cinétiques......................................................................... — 4
3. Étude des variables opératoires de la section de pyrolyse.......... — 5
3.1 Température de réaction ............................................................................. — 5
3.2 Temps de séjour........................................................................................... — 6
3.3 Pression partielle des hydrocarbures et rôle de la vapeur d’eau ............ — 6
3.4 Analyse de la notion de sévérité ................................................................ — 7
3.5 Taux de conversion...................................................................................... — 8
4. Influence de la nature de la charge sur les performances de
l’unité de vapocraquage......................................................................... — 8
4.1 Vapocraquage de l’éthane .......................................................................... — 8
4.2 Vapocraquage de naphta ............................................................................ — 8
4.3 Vapocraquage de gazoles ........................................................................... — 10
5. Mise en œuvre industrielle en four tubulaire .................................. — 10
5.1 Fours de pyrolyse ........................................................................................ — 10
5.1.1 Dimensionnement des tubes de pyrolyse ........................................ — 10
5.1.2 Conception et agencement des fours ............................................... — 12
5.2 Trempe.......................................................................................................... — 13
5.3 Cokage et durée de cycle ............................................................................ — 14
5.4 Fractionnement primaire ............................................................................ — 14
5.5 Train de séparation et de purification aval ................................................ — 15
5.5.1 Séparations ......................................................................................... — 15
5.5.2 Compression, désulfuration et séchage ........................................... — 15
5.6 Qualité des produits .................................................................................... — 15
6. Évolution technologique et contexte économique ........................ — 15
6.1 Évolution technologique ............................................................................. — 15
6.2 Contexte économique ................................................................................. — 16
Pour en savoir plus...............................................................................Doc. J 5 460

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© Techniques de l’Ingénieur, traité Génie des procédés J 5 460  1
VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES

L e vapocraquage consiste en la pyrolyse d’hydrocarbures saturés issus du


gaz naturel ou du pétrole, en présence de vapeur d’eau.
Il produit en premier lieu l’éthylène, mais aussi le propylène et
secondairement, selon la charge utilisée, une coupe C4 riche en butadiène et
une coupe C 5+ (hydro- carbures à cinq carbones ou plus) à forte teneur en
aromatiques et plus particu-
lièrement en benzène. Cet inventaire ne tient pas compte des constituants légers
ou lourds qui, au sein même du vapocraquage, constituent une source
d’énergie non négligeable et lui assurent sur ce plan son autonomie. La
diversité des pro- ductions auxquelles le vapocraquage donne lieu en fait une
unité clé, autour de laquelle se greffera le complexe des installations de la
chimie organique indus- trielle, utilisatrice des hydrocarbures de base
produits.

1. Généralités Depuis 1920, déjà, aux États-Unis, l’éthylène était obtenu par
pyro- lyse de l’éthane, constituant associé au méthane dans
certains gaz naturels. C’est en 1942 que la société British Celanese
Introduction construisit la première unité de craquage de gazole lourd qui
fournissait l’éthylène nécessaire à la synthèse ultérieure de l’éthanol
Le développement considérable de la pétrochimie, lié à la crois- et de l’acide acétique. La production d’éthylène était d’environ 6
sance des industries productrices de matières plastiques, de fibres kt/an.
synthétiques, d’élastomères de synthèse, de détergents et de Dès 1950, trois complexes pétrochimiques importants traitant des
nombreux autres produits de la chimie organique, requiert chaque coupes pétrolières étaient construits, l’un par British Petroleum à
année des quantités plus importantes de matières premières hydro- Grangemouth en Écosse, d’une capacité de 30 kt/an d’éthylène, le
carbonées. deuxième par Petrochemicals Ltd à Carrington dans le Lancashire,
Or, le gaz naturel et les fractions pétrolières obtenues par d’une capacité de 10 kt/an d’éthylène, enfin le troisième par ICI, à
distilla- tion, après le fractionnement primaire du brut, sont Wilton dans le Cleverland, qui fournissait 30 kt/an d’éthylène.
principalement constitués d’hydrocarbures saturés, paraffines Entre 1940 et 1950, la capacité moyenne des unités est passée
(alcanes) et naph- tènes (cyclanes), dont la réactivité chimique est de 10 à 50 kt/an d’éthylène, mais c’est au cours de la décennie
médiocre et qui ne donnent lieu qu’à des transformations chimiques 1950- 1960 que sont apparues les unités géantes produisant
lentes et peu sélectives : ils ne permettent guère d’atteindre une couramment 300 kt/an d’éthylène à partir du naphta
grande diversité de composés chimiques plus ou moins complexes. pétrochimique [2].
En revanche on peut, par vapocraquage, obtenir des
hydrocarbures insaturés de nature aliphatique ou aromatique qui, Actuellement, la capacité de production européenne d’éthylène
en raison de leurs nombreuses possibilités réactionnelles, est de 25 Mt/an. La France, pour sa part, qui en 1953 avait monté
présentent sur le plan de la synthèse organique une souplesse son premier vapocraqueur de 18 kt/an à Lavéra (Bouches-du-
d’emploi remarquable (voir Tableau synop- tique. Pétrochimie [J 6 Rhône), a atteint en 1983 une capacité de production de 3 Mt/an,
015] dans le présent traité). inchangée depuis.
L’acétylène, qui a été pendant de longues années l’hydrocarbure
de base le plus utilisé en chimie aliphatique, a été progressivement
remplacé, en raison de son coût de production élevé, par
l’éthylène, le propylène ou le butadiène, selon les synthèses
2. Physico-chimie
envisagées (cf. tableau A en [Doc. J 5 460]). Actuellement,
l’éthylène conserve toujours son avantage économique par rapport
de la pyrolyse
à l’acétylène issu du gaz naturel ou du charbon. des hydrocarbures saturés
Historique Considérations thermodynamiques
Sur le plan thermodynamique [1], les hydrocarbures insaturés
Initialement, vers 1930 et durant la Seconde Guerre mondiale, recherchés n’apparaissent stables par rapport aux hydrocarbures
l’éthylène était produit par liquéfaction et fractionnement des gaz saturés qui leur donnent naissance qu’à des températures relati-
de fours à coke, par déshydratation de l’alcool éthylique et même
par hydrogénation partielle de l’acétylène. À mesure que la vement élevées (> 350 oC). Ce fait est illustré par la figure 1 qui
demande en éthylène se faisait plus importante, on s’est tourné de tra- duit la variation, en fonction de la température T (en
manière croissante, pour sa fabrication, vers la pyrolyse des kelvins), de
fractions pétro- lières (gaz légers, naphta pétrochimique ). l’énergie libre de formation Gform
o
rapportée à un atome de car-
bone, pour quelques composés hydrocarbonés caractéristiques.
Naphta pétrochimique est le nom donné à des coupes pétro- Pour une température donnée, un hydrocarbure est :
lières dont l’intervalle de distillation se situe entre 35 et 200 oC — instable vis-à-vis de ses éléments constitutifs (C + H2) et de
environ. tous les hydrocarbures dont le point représentatif demeure situé au-
dessous du sien propre (puisque sa formation à partir de ces
derniers nécessite alors un apport d’énergie) ;
— stable dans le cas contraire.

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VAPOCRAQUAGE DES HYDRO

Compte tenu de l’extrême simplicité de la structure chimique


d’un hydrocarbure saturé, comme l’heptane normal par exemple,
l’acti- vation thermique ne peut provoquer que la rupture d’une
liaison C — C ou C — H.
Dans le premier cas, la coupure aléatoire d’une liaison C — C de
la chaîne carbonée, qui constitue la réaction de craquage,
fournit une paraffine et une oléfine :
C7H16  C3H8 + C4 H8
avec G T (J/mol) = 75 200 – 142 T .
o

La rupture d’une liaison C — H entraîne par déshydrogénation


la formation d’une oléfine (de même nombre d’atomes de
carbone que l’hydrocarbure saturé de départ) et d’hydrogène :
C7H16  C7H14 + H2
avec G T (J/mol) = 125 400 – 142 T .
o

Il s’agit de transformations fortement endothermiques, s’effec-


tuant avec augmentation du nombre de molécules. En vertu du
principe de Le Chatelier, le craquage ainsi que la déshydrogénation
des hydrocarbures saturés sont donc favorisés, sur le plan thermo-
dynamique, à haute température et basse pression.
Mais, par ailleurs, la comparaison des énergies des liaisons C —
C et C — H qui sont respectivement de 345 kJ/mol et 413 kJ/mol
permet d’affirmer que l’acte primaire de la pyrolyse des
hydrocarbures satu- rés réside dans la rupture d’une liaison C — C,
puisque ce processus nécessite une énergie nettement inférieure à
celle mise en jeu dans la coupure d’une liaison C — H.

Schéma réactionnel simplifié


Pour plus de détails, on se reportera à la référence bibliographique [2].
La réaction fondamentale qui gouverne le craquage des fractions
lourdes (figure 2) consiste en la scission d’un hydrocarbure alipha-
tique saturé en une paraffine et une oléfine [réaction ➀] : c’est le
craquage primaire. Les entités ainsi formées conduisent, par des
réactions de craquage secondaire [réactions ➁ et ➂] en divers
points de leur chaîne hydrocarbonée, à des produits légers variés,
riches en oléfines, dont la composition et le rendement dépendent
des conditions opératoires retenues. Simple dans son principe, la
transformation chimique des paraffines selon cette voie apparaît en
réalité beaucoup plus complexe, car de nombreux autres processus
interfèrent avec les craquages primaires et secondaires.
Figure 1 – Stabilité thermodynamique des hydrocarbures : Ainsi, les réactions réalisant la déshydrogénation plus poussée
diagramme d’énergie libre des oléfines directement issues du craquage sont à terme les plus
gênantes, car elles fournissent des composés fortement insaturés
comme les dérivés acétyléniques [réaction ➃], qui constituent des
Il en ressort notamment que les hydrocarbures sont à toute impuretés gênantes dans l’utilisation des coupes C 2 ou C3 oléfi-
niques, ou encore les dioléfines [réaction ➃] qui possèdent,
tempé- rature instables par rapport à leurs éléments constitutifs, à lorsque les doubles liaisons qu’elles renferment sont en positions
l’excep- tion toutefois du méthane dans le domaine des conju-
températures basses et moyennes (moins de 200 oC). guées dans la molécule, une réactivité chimique prononcée.
L’acétylène, dont la synthèse à partir de ses éléments ou des Or, ces dernières réagissent dans une direction opposée au cra-
hydro- carbures saturés nécessite de toute manière une énergie quage, puisqu’elles donnent naissance à des produits lourds par
consi- dérable (ce qui explique son coût de fabrication prohibitif), réaction de Diels et Alder ou cycloaddition, c’est-à-dire attaque d’une
ne devient stable par rapport aux paraffines les plus simples qu’à oléfine par une dioléfine conjuguée avec formation d’une structure
des tempé- ratures largement supérieures à 1 000 oC. cyclique comprenant six atomes de carbone [réaction ➄].
La situation apparaît plus favorable avec les hydrocarbures Les composés cycliques insaturés ainsi formés sont alors sus-
insa- turés tels que l’éthylène, stable par rapport à l’éthane au- ceptibles de fournir, par déshydrogénation ultérieure poussée
dessus de 750 oC, ou le benzène qui se révèle, sur le plan [réaction ➅] des hydrocarbures aromatiques variés et notamment
thermodynamique, favorisé par rapport à l’hexane normal dès le benzène.
350 ou 400 oC. La transformation d’hydrocarbures saturés en oléfines de
Le recours à des températures élevées dans la synthèse des masse moléculaire moindre s’accompagne donc d’une
hydro- carbures oléfiniques à partir des paraffines (ou alcanes) ou aromatisation marquée de la fraction lourde des effluents de
des naphtènes (ou cyclanes) constitue aussi, sur le plan cinétique, réaction. Ces produits constituent de plus les précurseurs
un moyen d’activation de la réaction chimique dont la vitesse naturels de substances poly- aromatiques condensées désignées,
augmente exponentiellement, conformément à la loi d’Arrhenius, selon leur état pâteux ou solide, sous les vocables généraux de
avec la tem- pérature. goudrons et de coke, vers lesquelles ils évoluent inéluctablement
par une succession appropriée de réac-
tions de cycloaddition et de déshydrogénation [réaction ➆].

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VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES

Figure 2 – Schéma réactionnel simplifié de la pyrolyse des alcanes

Caractéristiques cinétiques

Se reporter aux références bibliographiques [2] [3].


La figure 3 indique, pour chaque réaction, le niveau thermique
requis (température minimale de la réaction) pour atteindre un
degré d’avancement élevé à des temps de contact de l’ordre de la
seconde. Alors que la vitesse de la réaction de craquage devient
importante au-dessus de 700 oC, les déshydrogénations
n’interviennent de manière notable qu’à partir de 800 ou 850 oC.
On peut remarquer par ailleurs que les processus de formation des
hydrocarbures poly- aromatiques et du coke, qui ne se déroulent de
manière rapide qu’à des températures supérieures à 900 ou 1 000
o
C, constituent de toute manière les étapes les plus lentes du
schéma réactionnel de la pyro- lyse. Il apparaît donc que l’adoption
de temps de contact élevés ou l’élévation des températures de Figure 3 – Pyrolyse des hydrocarbures : vitesse relative
réaction favorisent d’autant la filière conduisant aux dérivés des différentes étapes composantes du schéma réactionnel
aromatiques lourds, et ce, aux dépens de la sélectivité de la
production d’oléfines légères par craquage.
La polymérisation des composés insaturés aliphatiques
Dans le cas déjà complexe de la pyrolyse de l’éthane, les diffé-
(oléfines, dioléfines et dérivés acétyléniques) est, en raison de leur
rentes étapes élémentaires sont :
réactivité intrinsèque élevée, très rapide dès les basses
températures, mais ces réactions demeurent, dans les conditions — l’amorçage :
opératoires de la pyro- lyse (haute température et basse pression),
CH 3  CH3  CH3 + CH 3
● ●

particulièrement défavo- risées du point de vue


thermodynamique.
— la propagation :
Par ailleurs, en ce qui concerne les étapes de craquage
proprement dites, la réactivité des hydrocarbures augmente, dans CH
3 + CH

3  CH
3  CH
4 + CH
3  2
chaque famille, avec le nombre d’atomes de carbone (figure 4).
CH3  CH  CHCH CH + H

On peut s’interroger, pour terminer, sur la nature des formes ● ●

2 2 2
intermédiaires réactionnelles créées par activation thermique dans
la pyrolyse des hydrocarbures saturés. Le caractère radicalaire des H + CH 3
● 
CH3  H2 + CH3 
CH 2●

processus concernés a été mis en évidence par Rice et ses colla-


borateurs [4] [5] [6].

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VAPOCRAQUAGE DES HYDRO

atomes ou radicaux dans des étapes dites de rupture qui mènent


à la formation de composés plus légers ou plus lourds que le réactif
de départ, lesquels subiront à leur tour le phénomène de
pyrolyse. À côté des produits primaires (éthylène, hydrogène et
méthane) apparaîtront donc des produits secondaires dont la
présence sou- ligne à suffisance la très grande complexité des
effluents réac- tionnels obtenus par pyrolyse des hydrocarbures
saturés.
En raison de leur caractère radicalaire, les réactions de pyrolyse
présentent une susceptibilité marquée à la géométrie du réacteur,
les parois favorisant notamment la recombinaison des atomes et
radicaux légers intermédiaires.
Les caractéristiques thermodynamiques et cinétiques de la pyro-
lyse imposent, sur le plan des conditions opératoires industrielles,
un certain nombre de contraintes que l’on peut résumer ainsi :
— apport considérable d’énergie thermique à un niveau de
tem- pérature très élevé (environ 800 oC), dans le but de porter la
charge à la température de réaction requise et de compenser
efficacement l’endothermicité des processus chimiques impliqués ;
— limitation de la pression partielle des hydrocarbures dans le
réacteur, de manière à favoriser la production de molécules légères
insaturées par craquage et déshydrogénation, et à éviter les réac-
tions parasites de condensation qui les transforment en produits
aromatiques plus lourds ;
— réalisation de temps de séjour très courts, afin d’interdire dans
la mesure du possible le développement des processus de conden-
sation plus lents, qui contribuent à diminuer le rendement de la
pyro- lyse en oléfines recherchées ;
— mise en œuvre d’une trempe efficace des effluents du réacteur
pour en figer la composition et bloquer ainsi, par réduction
drastique des vitesses de réaction, toute évolution ultérieure de
ceux-ci au profit des hydrocarbures saturés plus stables à basse
température.
La technique adoptée pour répondre à ces différents
impératifs consiste à faire passer dans les tubes chauffés d’un four
un mélange d’hydrocarbures et de vapeur d’eau. Portés à haute
température, les hydrocarbures sont pyrolysés et les produits
résultants sont séparés après une trempe brutale.
Dans ce qui suit, nous examinerons de manière plus détaillée les
Figure 4 – Influence de la structure chimique des hydrocarbures
particularités et l’influence des variables opératoires au niveau de
sur la réactivité relative du craquage thermique
la section réactionnelle.

— les ruptures :
H +H H
3. Étude des variables
● ●

2 opératoires de la section
de pyrolyse
H + CH3  CH4

H +C H C H
● ●

2 5 2 6

CH + CH  C H Dans un réacteur mettant en œuvre une réaction thermique en


● ●

3 3 2 6
phase gazeuse, les principales variables opératoires sont :
CH + C H  C H
● ●

3 2 5 3 8 — la température, qui fixe le niveau d’activation du système


(§ 3.1) ;
L’acte chimique d’amorçage s’accompagne, dans la première — le temps de séjour laissé au mélange réactionnel pour évoluer
étape de propagation, de la formation d’une molécule de méthane dans les conditions retenues (§ 3.2) ;
et d’un radical éthyle. Ce dernier peut se stabiliser en éthylène, — la pression et la teneur en réactifs de la charge, traduites
pro- duit recherché, par perte d’un atome d’hydrogène, lequel dans le cas présent par la pression partielle des hydrocarbures (§
réagit immédiatement avec l’éthane dans la troisième étape de 3.3).
propaga- tion pour fournir de l’hydrogène moléculaire et régénérer
le radical éthyle consommé dans la deuxième étape. Une fois en
régime, les réactions de propagation qui s’effectuent avec
conservation des valences libres générées dans le processus Température de réaction
d’initiation pourraient, en théorie, réaliser la transformation, via
l’atome d’hydrogène et le radical éthyle, de la totalité de l’éthane
engagé. Il s’établit toutefois une fuite qui réduit la teneur du Dans un tube de four, il n’est pas possible de porter
mélange réactionnel en entités radi- calaires et qui doit être instantanément la charge à la température de réaction. La
combattue par la répétition plus ou moins fréquente du processus température évolue donc le long du tube : à l’entrée du four, elle
d’amorçage par craquage de la liaison C — C de l’éthane. Cette croît rapidement puis, lorsque les réactions endothermiques
fuite est provoquée par la recombinaison des commencent, elle monte plus lentement jusqu’à la sortie du four.

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VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES

Sur la figure 5, on a porté la température du tube entre l’entrée


et la sortie, en fonction non pas directement de la longueur du tube, à la vapeur d’eau par exemple, si elle diminue la vitesse de
mais du nombre d’épingles (portions de tube verticales comprises l’ensemble des réactions impliquées, contribue à améliorer sen-
entre deux points hauts de fixation, cf. figure 12). La modification siblement la sélectivité de la pyrolyse en faveur des oléfines légères
de pente enregistrée vers 700 oC marque le début des réactions de recherchées. Outre ce rôle proprement cinétique, la dilution de la
craquage ; la première partie du tube de pyrolyse n’a donc pour objet charge hydrocarbonée par la vapeur d’eau exerce un certain
que de porter la charge hydrocarbonée au niveau thermique minimal nombre d’autres effets bénéfiques :
requis par les caractéristiques cinétiques de la transformation. Dans — apport d’énergie thermique lors de l’introduction de la
un tel réacteur, caractérisé par l’existence d’un gradient thermique vapeur d’eau dans la charge, d’où diminution dans la section
important, seul le profil de température varie avec chaque type de réactionnelle de la quantité de chaleur à fournir par mètre de tube
four et selon les conditions opératoires adoptées. Toutefois, sur le ;
plan industriel, on retient généralement comme significative du fonc- — contribution éventuelle à l’élimination partielle des dépôts
tionnement d’un four la température de sortie des effluents. de coke dans les tubes de four par réaction avec la vapeur d’eau :
Les températures de pyrolyse varient de 720 à 850 oC en fonction
de la nature de la charge à traiter. C’est ainsi que la pyrolyse de C + H2O ! CO + H2
l’éthane se pratique entre 800 et 850 oC, alors que celle des hydro- Compte tenu du niveau thermique très élevé (1 000 oC) exigé tant
carbures saturés lourds (contenus par exemple dans un gazole ) est par la thermodynamique que par la cinétique dans la conduite
conduite, en raison de leur réactivité intrinsèque plus élevée, à un
de la réaction du gaz à l’eau, cette dernière ne joue toutefois
niveau thermique inférieur de 100 oC. qu’un rôle mineur dans le décrassage des tubes de pyrolyse.
Il est important de noter dès maintenant que la température de L’utilisation de la vapeur d’eau entraîne aussi certains inconvé-
la paroi métallique du tube est bien supérieure à celle de l’effuent
nients qui imposent une valeur limite à sa teneur dans la charge.
gazeux qui le traverse. Ainsi, pour une température de sortie du
Il faut en effet chauffer la vapeur d’eau à la température de réaction ;
four de 884 oC, la température de peau (c’est-à-dire de paroi ) varie, sa présence augmente le volume réactionnel requis et, par suite, les
selon les endroits du tube, entre 995 et 1 040 oC. investissements au niveau des fours. Enfin, sa séparation des
effluents hydrocarbonés nécessite des surfaces de condensation très
importantes et demande une plus grande quantité d’eau de refroi-
dissement.
Temps de séjour
La quantité de vapeur d’eau utilisée, normalement exprimée en
tonne de vapeur par tonne de charge, dépend de la masse
En raison du gradient thermique, important le long d’un tube de moléculaire des hydrocarbures traités. De l’ordre de 0,25 à 0,40
four de pyrolyse, la notion de temps de séjour n’est guère aisée à pour l’éthane, elle atteint 0,50 à 1,00 pour les coupes pétrolières
cerner avec exactitude comme dans le cas d’un réacteur isotherme. dont la tendance à donner des sous-produits lourds est beaucoup
On est donc souvent amené à définir un temps équivalent  qui plus marquée.
n’est autre que le temps de séjour requis pour réaliser, dans un Pour une charge donnée, la composition des effluents
réacteur isotherme travaillant à la température de sortie du four, réactionnels issus de la pyrolyse est bien entendu liée aux
une conversion de la charge identique à celle observée dans le tube variables précé- demment étudiées : température, temps de
de four à température variable. séjour, pression et taux de dilution par la vapeur d’eau. Au niveau
L’importance du temps de séjour est plus grande pour les charges de la réalisation indus- trielle, la recherche de valeurs optimales
lourdes que pour les charges légères. C’est ainsi que, dans le vapo- pour l’ensemble de ces variables peut imposer des impératifs
craquage de l’éthane, du propane et, à un degré moindre, du butane, contradictoires et la solution retenue sera généralement le résultat
on note peu de différence dans les rendements en produits pour des d’un compromis dans le choix du dessin du four d’une part, et des
temps de séjour allant de 0, 2 à 1, 2 s. En revanche, pour les conditions opératoires d’autre part. De toute manière, il reste alors
charges liquides, on opère avec des temps de contact de 0, 2 à 0,3 à relier l’influence globale de ces facteurs sur les performances de
s. En théorie, des temps de séjour plus courts encore devraient la section réactionnelle à l’aide d’une grandeur représentative dont
améliorer la sélectivité en éthylène et propylène, mais d’autres la détermination expérimentale apparaît commode et dont la
impératifs (limites de résistance des matériaux, coûts des fours, valeur indique conventionnellement la plus ou moins grande
etc.) font que la limite inférieure est pratiquement de 0,2 s. Cette sévérité du traitement (§ 3.4).
limite a été récemment abaissée dans le procédé Millisecond de
Kellog. Elle est alors comprise entre 0,08 et 0,1 s. Ce procédé est
surtout adapté aux charges lourdes.

Pression partielle des hydrocarbures et


rôle de la vapeur d’eau

Les réactions de pyrolyse conduisant aux oléfines légères (cra-


quage et déshydrogénation) sont plus avancées à basse pression,
domaine où les réactions de condensation sont fortement défa-
vorisées. C’est pourquoi les tubes de four, compte tenu des
pertes de charge inhérentes à la circulation du mélange
réactionnel, opèrent à des pressions de sortie voisines de la
pression atmosphérique.
Mais, par ailleurs, la vitesse des réactions secondaires de conden-
sation est beaucoup plus fortement influencée par la teneur en
hydrocarbures du mélange réactionnel que les vitesses des réactions
primaires de craquage et de déshydrogénation qui sont sen-
siblement, en cinétique formelle, d’un ordre 1 par rapport au
réactif. Une diminution de la pression partielle en hydrocarbures
par dilution Figure 5 – Pyrolyse de naphta : profil de température dans un tube
(pour une température moyenne de sortie de 815 oC)

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VAPOCRAQUAGE DES HYDRO

On distingue à cet égard les unités industrielles selon qu’elles


fonctionnent à basse, moyenne, haute ou très haute sévérité.

Analyse de la notion de sévérité

La définition de la sévérité varie selon les constructeurs et vapocraquage agit non seulement sur le taux de conversion de la
elle peut être différente selon la nature des hydrocarbures charge et le ren- dement global en produits C3– mais aussi sur la
traités. distribution des
Ainsi, dans le cas du vapocraquage d’éthane ou de propane, il est
commode de traduire la sévérité des conditions opératoires du
traitement en termes de taux de conversion de la charge, noté xf
et exprimé en pour-cent molaire.
Mais lorsque l’on traite des coupes pétrolières liquides de compo-
sition très complexe et couvrant une large gamme de températures
de distillation, il apparaît beaucoup plus délicat de définir le taux
de conversion de la charge. On utilise alors généralement, pour
repé- rer la sévérité des conditions opératoires, le degré de
gazéification de la charge, mesuré par le rendement massique en
produits légers à trois atomes de carbone ou moins (coupe C3– ). On
conçoit en effet que les traitements conduits à haute ou très haute
sévérité, qui réalisent une pyrolyse poussée et fournissent des
quantités impor- tantes de produits légers, doivent correspondre
aux conditions opé- ratoires les plus dures : gradient thermique
optimal, température de sortie du four élevée et temps de séjour
notable.
À cette appréciation globale, les détenteurs de procédés se sont
efforcés de substituer une analyse plus fine de la sévérité de
marche d’un four de pyrolyse fonctionnant à partir d’une charge
complexe. Divers travaux ont été entrepris à cet égard dont on
trouvera une revue exhaustive dans les ouvrages spécialisés [1] [8].
Parmi les grandeurs ainsi dégagées et sensées représenter la
sévérité des conditions opératoires, on peut citer :
— le MCP (Molecular Collision Parameter ), fondé sur des
considé- rations dérivées de la théorie cinétique des gaz et
développé par Wall et Witt de la Selas Corporation [9] ;
— le KSF (Kinetic Severity Function ) proposé par Zdonik et ses
collaborateurs de la société Stone et Webster Engineering [10].
L’indice KSF de sévérité est défini comme une fonction logarith-
mique du taux de conversion xf d’un hydrocarbure témoin présent
dans la charge, par exemple le n-pentane, choisi par Zdonik. Ce
composé, toujours présent dans les naphtas (qui constituent la
charge liquide classique des unités de vapocraquage), offre l’avan-
tage de ne pas pouvoir se former dans la pyrolyse des autres compo-
sants par réaction secondaire.
Le simple dosage du n-pentane à l’entrée et à la sortie du four
fournit la valeur du taux de conversion xf et permet ainsi le calcul
du KSF à l’aide de la formule :
1
KSF = In ------ --------
1 – xf

Ainsi par exemple, si, dans un four fonctionnant au naphta, le


taux de conversion du n-pentane contenu dans la charge est de
0,75,
1-----
KSF = In --------- = In 4 = 1,39
1 – 0,75
L’indice KSF de sévérité présente l’intérêt de permettre une éva-
luation approchée de la conversion par craquage thermique des
autres hydrocarbures de la charge. Ce calcul suppose toutefois que
les différents hydrocarbures réagissent de manière
indépendante, ce qui, dans le cas d’un schéma réactionnel
radicalaire, ne constitue bien entendu qu’une approximation très
grossière.
Dans la pratique industrielle, on utilise rarement le KSF, on
qualifie la sévérité de basse, moyenne ou haute, selon le rendement
en éthylène (figure 6).
Il convient, en outre, de souligner que la sévérité du

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VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES

Figure 6 – Pyrolyse de naphta : évolution typique de la composition


des effluents en fonction de la sévérité de l’opération mesurée
par l’indice KSF [11]

divers composés obtenus, ainsi que l’illustre la figure 6, d’après


[11], dans le cas de la pyrolyse d’une coupe pétrolière liquide
(naphta).
■ À basse et moyenne sévérités, ce sont les réactions primaires
de craquage et de déshydrogénation qui se manifestent
principalement et qui provoquent une augmentation rapide des
rendements en méthane, éthylène, propylène et hydrocarbures à
quatre atomes de carbone (coupe C4). Parallèlement, on
enregistrera une diminution marquée des hydrocarbures à cinq
atomes de carbone ou plus (coupe C 5+ ), qui traduit une
conversion plus poussée des consti- tuants de la charge en
produits légers.
■ Pour les très hautes sévérités, les rendements en méthane et
en éthylène plafonnent, alors que les rendements en propylène et
en coupe C4 passent par un maximum puis diminuent. Il en résulte
que le rapport des rendements en éthylène et en propylène
augmente avec la sévérité, qui favorise donc la formation
d’éthylène. Le rende- ment en coupe C 5+ passe par un minimum
puis, aux sévérités très élevées, tend à s’accroître.
Cette évolution inverse des rendements en coupe C 3 – C4 et
en essence C 5+ dénote l’intervention des réactions secondaires de
condensation, qui réalisent la conversion partielle de produits
légers insaturés en composés plus lourds aromatiques.
Le tableau 1 illustre l’influence de la sévérité sur la composition
des essences de pyrolyse du naphta.

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VAPOCRAQUAGE DES HYDRO

Tableau 1 – Vapocraquage de naphta : évolution


de la composition (% masse) des essences Tableau 2 – Influence de la nature de la charge
de pyrolyse en fonction de la sévérité exprimée sur les rendements (1) du vapocraquage
en pour-cent d’éthylène (avec recyclage
d’éthane) Charges

Basse sévérité : Haute sévérité : Très haute Gazole Gazole


Produits obtenus Naphta
24,4 28,5 sévérité : 33,4 Éthane Propane Butane moyen atm. sous
(2) vide
Charge Essence Charge Essence Charge Essence
H2 à 95 % (vol.)........... 8,8 2,3 1,6 1,5 0,9 0,8
C5 ....................................... ............. 20,9 ............ 13,8 ............. 4,0 CH4 .............................. 6,3 27,5 22,0 17,2 11,2 8,8
Benzène ............................ 6,1 24,5 7,2 31,8 7,5 46,0 C2 H4 ............................ 77,8 42,0 40,0 33,6 26,0 20,5
Autres C6 .......................... ............ 10,4 ............ 7,5 ............ 2,0 C3H6............................. 2,8 16,8 17,3 15,6 16,1 14,0
Toluène ............................. 4,7 18,9 4,4 19,4 3,2 19,6 C4 H6 ............................ 1,9 3,0 3,5 4,5 4,5 5,3
Autres C7 .......................... ............ 7,0 ............ 4,5 ............ 1,0 Autres C4 .................... 0,7 1,3 6,8 4,2 4,8 6,3
Xylènes.............................. 0,75 3,0 1,4 6,2 1,5 9,2 Essence :
1,7 6,6 7,1 18,7 18,4 19,3
Éthylbenzène + styrène .. 0,7 2,8 1,2 5,3 1,2 7,4 dont C5 –200 oC (3) ...
3,6 2,0 1,0 0,9 2,5 3,0 6,7 6,0 3,7
Autres C8 .......................... ............ ............ ............ Benzène C6 H6 ........... 0,1 0,5 0,8 3,4 2,9 2,9
C9 ....................................... ............ 8,9 ............ 9,5 ............ 9,8 Toluène C7 H8............. ............ ............. 0,4 1,8 2,2 1,9
Total................ 24,9 100,0 22,6 100,0 16,3 100,0 C8 aromatiques.......... 0,7 3,6 2,9 6,8 7,3 10,8
Pourcentage — Non aromatiques. ............ 0,5 1,7 4,7 18,1 25,0
d’aromatiques .................. Fuel ..............................
............ 49,2 ............ 62,7 ............ 82,2
(1) Les valeurs indiquées en % masse sont obtenues à très haute sévérité,
après recyclage aux fours de l’éthane ou (et) du propane non trans-
formé ou formé dans la pyrolyse.
(2) Gazole atmosphérique distillant à pression atmosphérique entre 250 et
Taux de conversion 380 oC environ, par opposition au gazole sous vide, obtenu par
distilla- tion sous vide du résidu de la distillation atmosphérique
précédente (le gazole sous vide distille entre 380 et 525 oC sous une
C’est le pourcentage en masse de charge transformée en produits pression de 1,013  105 Pa).
C3– . Il s’etablissait dans les années quatre-vingt aux environs de (3) Fraction hydrocarbonée dont la distillation s’effectue entre la tempéra-
60 % et a eu tendance à augmenter depuis. Cela permet en effet de ture d’ébullition du pentane (36 oC) et 200 oC (sous 1,013  105 Pa).
diminuer la taille de l’unité, en fonction de la demande du marché,
mais au détriment du rendement ultime.
Le vapocraquage des gazoles se fait toujours au maximum de Compte tenu de l’importance que présentent l’éthane, le naphta
sévérité possible pour une durée de cycle donnée (temps et le gazole comme charges de vapocraquage, nous commenterons
compris entre deux décokages, cf. 5.3). ci-après de manière plus détaillée les résultats les concernant.

Vapocraquage de l’éthane
4. Influence de la nature
de la charge Aux États-Unis, de nombreux gaz naturels contiennent de
sur les performances l’éthane qui est séparé et utilisé pour la production d’éthylène
avec des ren- dements élevés (cf. tableau 2) ; cependant la
de l’unité de vapocraquage sélectivité en éthylène diminue lorsque le taux de conversion de
l’éthane augmente. En pra- tique, on opère vers 65 % de
conversion, ce qui conduit, après recy- clage de l’éthane non
Le lecteur se reportera aux références bibliographiques [1] [2] [12]. transformé, à un rendement de 80 % environ.
Les charges utilisées en pyrolyse sont assez variées et vont des
hydrocarbures saturés légers comme l’éthane, le propane ou encore
des mélanges éthane-propane jusqu’aux coupes pétrolières plus ou Vapocraquage de naphta
moins lourdes telles que le naphta pétrochimique et les gazoles
légers ou lourds. Les États-Unis, pays riche en gaz naturels
associant au méthane l’éthane et le propane, utilisent encore Rappelons que le terme naphta désigne une coupe pétrolière dont
majoritairement les hydrocarbures légers pour la fabrication de les constituants les plus légers ont cinq atomes de carbone et dont
l’éthylène ; au contraire, en Europe, ce sont traditionnellement les le point d’ébullition final peut aller jusqu’à 200 oC environ. On
coupes pétro- lières qui assurent l’alimentation des vapocraqueurs distingue, selon leurs températures de distillation, les naphtas
(cf. tableau B en [Doc. J 5 460]). courts dont le point final d’ébullition est compris entre 100 et 140
o
Le tableau 2 fournit les rendements en produits de pyrolyse pour C et les naphtas longs dont le point final d’ébullition peut
différentes charges traitées à très haute sévérité, avec recyclage, à atteindre 150 à 200 oC.
l’entrée de la section réactionnelle, de l’éthane non transformé ou Les naphtas constituent la charge principale en Europe et au
produit. On note que le rendement en éthylène diminue à Japon. Le vapocraquage des naphtas fournit une très grande variété
mesure que la charge devient plus lourde et que le rapport des de produits depuis l’hydrogène jusqu’à des fractions liquides lourdes
rendements en éthylène et en propylène (rapport C 2 /C3) diminue très aromatiques.
régulièrement de l’éthane aux gazoles, alors que le rendement en
essence de vapo- craquage (coupe C5 – 200 oC) croît
parallèlement.

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VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES

Le tableau 3 donne des exemples de rendements obtenus à


diverses sévérités, avec ou sans recyclage de l’éthane formé vers comme l’illustre la figure 7. Actuellement, pour atteindre les
des fours particuliers. Les corrélations liant les variables opératoires meilleurs rendements en éthylène, on opère à haute sévérité, c’est-
aux rendements des principaux produits ne sont valables que à-dire vers 850 oC, et les temps de séjour sont compris entre 0,2 et
pour un type de four déterminé. Cependant, si les valeurs 0,4 s. On est toutefois limité dans le recours aux très hautes sévé-
absolues de ces corrélations ne sont pas comparables d’une rités par la formation prohibitive de coke qui conduirait alors iné-
installation à l’autre, le sens des variations demeure. Sous ces luctablement à une augmentation de la fréquence des opérations
réserves, on peut examiner brièvement l’influence des variables de décokage (cf.§ 5.3).
opératoires déjà présentées sur le vapocraquage des naphtas. On constate enfin que, pour une même sévérité, le rendement en
éthylène décroît à mesure que la pression partielle en
hydrocarbures augmente (figure 8).
Tableau 3 – Vapocraquage de naphta : On ajuste cette pression partielle, en optimisant ainsi le
rendements (% masse) en produits de pyrolyse rendement en éthylène (figure 9), par dilution du mélange
en fonction de la sévérité réactionnel à la vapeur d’eau. En fait, pour des raisons
économiques, on se limite généralement à une valeur de l’ordre de
Sévérité ............... Moyenne Haute Très haute 0,5 à 0,6 t de vapeur d’eau par tonne de naphta.
Les rendements en produits de pyrolyse demeurent encore fonc-
Recyclage C2H6 ... sans avec sans avec sans avec tion de la composition chimique du naphta utilisé. La stabilité ther-
  mique des hydrocarbures croît en effet dans l’ordre suivant :
H2 ......................... 14,9 0,8 0,9 17,8
 15,5  18,1 paraffines, naphtènes, hydrocarbures aromatiques et elle décroît
CH4.......................  14,1 15,2  lorsque la longueur de chaîne augmente (cf. figure 4). On observe
C2H4 ..................... 18,3 23,5 28,5 30,0 33,4 donc en général que les rendements en éthylène ainsi qu’en pro-
24,4 pylène sont d’autant plus élevés que le naphta de départ est riche
C2H6 ..................... 7,5 6,2 .......... 4,2
........... en paraffines.
 
C3H6 ..................... 19,2  17,5 17,5 17,5
 19,5  17,8
C3H8 .....................   0,8 0,8 

C4H6 ..................... 3,1 3,2 3,2 4,0 4,0
3,1
Autres C4 ............. 9,1 7,2 7,2 5,7 5,7
9,6
Essence ............... 24,9 22,6 22,6 16,1 16,3
24,9
Lourds ................. 3,0 4,1 4,1 4,7 4,7
3,0

Pour un four donné on peut isoler l’influence de la température


de pyrolyse en maintenant constants le temps de séjour et la
teneur en vapeur d’eau. À mesure que la température de sortie
du four augmente (tableau 4), le rendement en éthylène croît alors
que les rendements en propylène et en essence de vapocraquage
(coupe
C 5 – 200 oC) diminuent [13]. Figure 7 – Pyrolyse de naphta : influence de la température
et du temps de séjour sur le rendement massique en éthylène

Tableau 4 – Vapocraquage de naphta (1) :


influence de la température de sortie du four
sur les rendements (2) en produits de pyrolyse

Température de sortie du four . 815 oC 835 oC 855 oC


H2 ................................................ 0,66 0,74 0,81
CH4.............................................. 13,82 15,65 17,40
C2H4 ............................................ 24,71 27,06 29,17
C3H6 ............................................ 17,34 16,28 14,44
C4H6 ............................................ 4,18 4,17 3,99
C6H6 ............................................ 4,89 5,90 7,08
C5 – 200 oC (3) ............................ 22,64 20,89 20,01
Autres produits.......................... 11,76 9,31 7,10
(1) Caractéristiques du naphta :
— intervalle de distillation 35-160 oC ;
— composition chimique (en % volume) : paraffines... 80,
naphtènes... 15, aromatiques... 5 ;
— taux de dilution par la vapeur d’eau : 0,60.
(2) Rendements exprimés en % masse par rapport à la charge.
(3) Fraction de distillation de températures d’ébullition comprises
entre celle du pentane (36 oC) et 200 oC (sous 1,013  105 Pa).
Figure 8 – Pyrolyse de naphta : influence sur le rendement massique
en éthylène de la pression partielle en hydrocarbures
À température très élevée, le temps de séjour devient le facteur à la sortie du tube de pyrolyse
le plus important. En ce qui concerne le rendement en éthylène, à
chaque température de sortie du four correspond un optimum

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VAPOCRAQUAGE DES HYDRO

La figure 10 présente un schéma très simplifié de l’ensemble de


l’installation qui se compose d’un certain nombre de fours, de
chau- dières de trempe et d’un train de fractionnement très
complexe. La charge hydrocarbonée entre dans la section chaude
de l’unité par la zone de convection A du four où elle est
préchauffée, puis elle est mélangée à la vapeur d’eau également
préchauffée dans cette même zone ; les hydrocarbures et l’eau
traversent alors la zone de radiation proprement dite du four B où
s’effectue la montée rapide en température et les réactions de
pyrolyse. À la sortie du four, les effluents sont, afin d’éviter toute
réaction ultérieure, figés dans leurs possibilités cinétiques
d’évolution par une trempe brutale conduite généralement en deux
temps : une première trempe indirecte à l’eau, suivie d’une trempe
directe utilisant le résidu lourd sous-produit de la pyrolyse. Les
effluents sont alors transférés vers une tour de frac- tionnement
primaire F qui sépare en fond un résidu lourd et, par soutirages,
Figure 9 – Pyrolyse de naphta : influence sur le rendement massique une fraction de l’essence de vapocraquage et de l’eau, tandis que
du rapport massique H2O/naphta (taux de dilution) les produits légers de pyrolyse sortent en tête sous forme gazeuse.
Après compression, lavage à la soude (destiné à éliminer H2S et
les gaz acides) et séchage, ces effluents légers entrent alors dans
Vapocraquage de gazoles la section froide de l’unité qui peut être conçue de diverses
manières, mais qui assure notamment la séparation :
— de l’hydrogène plus ou moins concentré ;
Le vapocraquage de gazoles, encore peu pratiqué actuellement, — de l’éthylène à 99,9 % (en masse) ;
a cependant été utilisé aux États-Unis entre 1930 et 1940 pour la — du propylène à 95 % qui peut, en totalité ou en partie, être
pro- duction d’éthylène et d’hydrocarbures aromatiques. La porté à 99,5 % (en masse) ;
première unité en France à traiter une charge lourde (gazole sous — d’une coupe C4 contenant 25 à 50 % (en masse) de butadiène ;
vide) a été celle d’Esso à Port-Jérôme (Seine-Maritime) vers — de la fraction complémentaire de l’essence de vapocraquage
1950. riche en hydrocarbures aromatiques.
Dans les deux dernières colonnes du tableau 2 sont donnés les Nous passerons donc en revue successivement ces différents
rendements en produits de pyrolyse obtenus à partir de gazole de appareillages.
distillation atmosphérique ou sous vide des bruts. La production de
l’éthylène s’effectue avec un rendement de l’ordre de 20 à 26 % en
masse, mais s’accompagne, pour l’industriel, de la disponibilité de
produits lourds (ou résidu) en quantité comparable, qui, ayant une Fours de pyrolyse
température d’ébullition supérieure à 200 oC, sont, de par leur
nature aromatique prononcée, réfractaires au craquage et ne
peuvent donc pas être recyclés dans les fours de pyrolyse. Leur On cherche à réaliser dans les fours une montée en température
valorisation doit alors être recherchée : rapide de la charge, une température de sortie de four élevée et un
— dans la fourniture d’énergie au complexe pétrochimique temps de séjour très court. La conception des tubes de pyrolyse et
centré sur le vapocraquage ; des fours proprement dits revêt, pour la résolution de ces
— dans l’envoi au pool fuel (*) de la raffinerie voisine pour la problèmes, une importance décisive.
fabrication des combustibles lourds.
(*) Le terme pool fuel désigne l’ensemble des effluents de toutes les unités qui
contribuent à l’obtention du produit commercial, ce mélange étant caractérisé par ses pro- Dimensionnement des tubes de pyrolyse
priétés physico-chimiques propres.
Le caractère hautement aromatique de ce résidu le rend souvent Les fabricants de tubes de pyrolyse (cf. [Doc J 5 460]) utilisent
incompatible avec les fuels de distillation directe, et leur mélange pour le dimensionnement de ceux-ci des programmes informatiques
se traduit alors par des dépôts d’asphaltènes et autres produits qui leur sont propres et qu’ils ne publient pas. Le principe de calcul
aromatiques condensés. est donné ci-après.
On peut aussi utiliser le résidu lourd de craquage comme charge
pour la fabrication de coke pour électrodes ou de carbon black, Équations de base
mais la qualité du produit n’est pas toujours bien adaptée à ces
Elles sont au nombre de sept, d’après [14].
usages.
À partir des données théoriques et expérimentales vues aux ■ La quantité d’énergie thermique Q qu’il faut transférer par
paragraphes 2, 3 et 4, nous pouvons aborder la mise en œuvre unité de temps au mélange réactionnel pour assurer sa montée en
indus- trielle des opérations de pyrolyse, en insistant plus tempé- rature et compenser l’endothermicité des réactions de
particulièrement sur les problèmes technologiques ardus qu’il a pyrolyse :
fallu résoudre dans la conception des vapocraqueurs modernes. À Q = MR cp T + MHC H xf (1)
ce propos, nous envisagerons principalement les solutions adoptées
dans le vapo- craquage de naphta, qui prédomine dans la avec MR débi t m a s si que de m é la n g e r é a c t i on n e l
prétrochimie euro- péenne. (= M HC + M H2 O , HC désignant les hydrocarbures),
cp capacité thermique massique du mélange réac-
tionnel,

5. Mise en œuvre industrielle T augmentation de température entre l’entrée et la


sortie du tube en zone de radiation,
en four tubulaire H enthalpie massique des réactions endothermiques
pour une conversion totale du n-pentane contenu
dans l’unité de masse de charge hydrocarbonée,
Dans ce qui suit, la charge du vapocraquage considérée est le xf (%) taux de conversion du n-pentane.
naphta ou le gazole.
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VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES

Figure 10 – Schéma de principe de la section


chaude d’une unité de vapocraquage de naphta

Sous cette forme globale, il s’agit bien entendu d’une expression


● La sévérité de l’opération selon l’équation cinétique classique
approchée de la quantité de chaleur requise, qui suppose notam-
ment que cp et H varient peu avec la température et le taux de exprimant le KSF :
conversion.
D’où :
MHC
Q = MR (cp T +-------- H xf ) = MR q (2)
In ------
1- - -
1 – xf
= KSF = ∫
0

(
A exp – ----
RT
E----
) dt (5)
MR

avec q MHC avec E énergie d’activation,


= cp  T +-------- H xf . A constante d’action,
MR
■ La densité de flux thermique  à travers la paroi du tube : R constante molaire des gaz,
 = K (Tm – T ) (3) t temps.
● Le temps de séjour  :
où le coefficient global de transmission thermique K dépend notam-

L
ment de l’hydrodynamique de l’écoulement à l’intérieur du tube, nr 2
tandis que la température de peau de la paroi Tm est limitée par = R dL (6)
des contraintes métallurgiques et que la température du mélange ------------- 0
réac- tionnel T varie le long du tube (cf. figure 5). MR
Les densités de flux thermiques  les plus élevées que permet avec R masse volumique du mélange réactionnel, variable le
actuellement la technologie de ces unités sont de l’ordre long du tube.
de 92 kW/m2 (330 MJ · m–2 · h–1). Si  R est la valeur moyenne de la masse volumique du mélange
réactionnel, l’expression (6) devient :
■ La surface d’échange nécessaire, compte tenu des densités de flux
thermique réalisables pour satisfaire les besoins thermiques Q du  = nr 2 L  R / (7)
système : cette surface est directement reliée au nombre de tubes MR
et
à leurs dimensions géométriques (longueur et diamètre). Remarque : aux cinq équations de base (1), (3), (4), (5) et (6), il convient d’ajouter deux
équations complémentaires exprimant d’une part la perte de charge et d’autre part l’accu-
En introduisant  la valeur moyenne de  entre l’entrée et la mulation du coke sur la paroi interne du tube de pyrolyse, qui modifie notamment le coef-
sortie du tube de pyrolyse en zone de radiation, on peut écrire en ficient global de transmission thermique K.
première approximation :
Influence, sur le nombre et la géométrie
Q = MR q = 2 nrL  des tubes de pyrolyse, des contraintes thermiques
et cinétiques
ou encore : MRq
= 2 nrL (4) On peut écrire à partir des équations (4) et (7) :

avec n nombre de tubes de pyrolyse, MR q / = 2  nrL et MR  /  R =  nr 2

r rayon intérieur d’un tube, L


L longueur des tubes dans la zone de radiation,
leur rapport membre à membre qui donne :
le produit 2 nrL n’étant autre que la surface d’échange (8)
recherchée.  = rq  R /2 

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VAPOCRAQUAGE DES HYDRO

Il en résulte que, pour des caractéristiques thermiques q et  


comparables, le temps de séjour réalisé est proportionnel au rayon
interne du tube de pyrolyse choisi. Les transferts thermiques sont
Tableau 5 – Vapocraquage de naphta :
alors ajustés au niveau requis, en jouant notamment sur le nombre caractéristiques des tubes de pyrolyse
de tubes et leur longueur. Température maximale de peau....oC 925 980 1 040
Comme on pouvait s’y attendre (cf.§ 4.2), la diminution du dia- Longueur du tube....................m 55 40 35
mètre des tubes de pyrolyse, qui provoque une réduction du temps Perte de charge.....................MPa 0,115 0,090 0,070
de séjour, se traduit dans les conditions industrielles du vapocra- Densité de flux thermique
quage de naphta (figure 11, d’après [13]) par une amélioration du moyenne.....................kW/m2 53 69 88
rendement en éthylène. Parallèlement, on observe, dans la zone
habituelle des températures de sortie du four, une diminution du Temps minimal de séjour............s 0,46 0,35 0,27
rendement en propylène et, par suite, une augmentation du rapport
des rendements éthylène/propylène. En pratique, on emploie pour le vapocraquage de naphta des
On se trouve toutefois limité du côté des faibles diamètres par la tubes de 0,065 à 0,120 m de diamètre, à l’intérieur desquels les gaz
nécessité de réduire les pertes de charge, de maintenir l’érosion circulent à une vitesse de l’ordre de 300 m/s ; la perte de charge
produite par les gaz à l’intérieur des tubes dans une fourchette rai- enregistrée entre l’entrée et la sortie du four peut atteindre dans
sonnable et de ne pas grever trop lourdement les ces conditions 0,4 à 0,7 MPa.
investissements qui s’accroissent avec le nombre de tubes La nature de la surface intérieure du tube exerce une influence
utilisés. non négligeable sur le phénomène de pyrolyse. Le fer et le
Par ailleurs, un faible temps de séjour réclame bien entendu des nickel catalysent en effet les réactions de déshydrogénation et
flux de transfert de chaleur aussi élevés que possible. La disposition favorisent de ce fait la formation de produits secondaires lourds
des tubes, leur métallurgie, la répartition des brûleurs, l’aména- et de coke. Cette action catalytique peut être atténuée par une
gement du four lui-même, sont calculés en vue de répondre à cet sulfuration super- ficielle de l’acier. En outre, le pouvoir oxydant
objectif. La principale limitation aux flux de transfert de chaleur de la vapeur d’eau vis-à-vis des aciers alliés contribue aussi à
éle- vés réside dans la température maximale de peau que le tube réduire l’importance de ces déshydrogénations parasites. Il est
est susceptible de supporter. également recommandé d’usiner très soigneusement la surface
interne des tubes de pyrolyse, afin d’éviter l’accrochage de
À titre d’exemple, le tableau 5 présente l’influence de la tempéra- particules de coke sur les aspérités et la carburation du métal à
ture de peau sur la géométrie et les conditions de fonctionnement l’origine de ruptures possibles [15].
d’un tube de pyrolyse de diamètre donné et travaillant à sévérité
constante. L’opération est conduite à débit massique de charge fixé
pour une pres- sion de sortie du tube et un taux de dilution
Conception et agencement des fours
constants dans des tubes de diamètre 0,105 m. L’augmentation de la
température de peau des tubes est compensée par une diminution de
leur longueur et, par suite, du temps de contact, de manière à Jusqu’en 1960, les fours étaient conçus pour opérer à temps de
opérer à sévérité constante au voisinage du rendement maximal en séjour élevé (de l’ordre de 0,8 à 1,0 s) et à des sévérités relativement
éthylène. faibles. Les tubes d’un diamètre interne de 0,090 m étaient
disposés horizontalement.

Figure 11 – Vapocraquage de naphta : influence de la géométrie des tubes de pyrolyse sur les rendements en oléfines

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VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES

La seconde génération de fours est apparue fin 1960 avec des


tubes verticaux, atténuant les problèmes de fluage et de déforma-
tion. Ces fours furent développés à l’origine pour permettre des
températures de sortie plus élevées et des temps de séjour plus
courts (0,4 à 0,5 s), mais leur diamètre intérieur restait voisin des
précédents. Depuis, on a observé, en raison des arguments présen-
tés à ce sujet, une tendance à diminuer le diamètre des tubes et,
tout en conservant leur position verticale dans le four, différents
dispositifs ont été proposés, qui sont schématisés sur la figure 12.
Les tubes de pyrolyse, livrés en épingles dont la longueur des
branches atteint 8 à 10 m, peuvent présenter un profil uniforme ou
conique.
Les serpentins sont suspendus dans leur partie supérieure à une
tige articulée pourvue d’un contrepoids ou à un système à ressorts.
Ils sont munis dans la partie inférieure de guides à même de se
déplacer dans des fentes aménagées dans le réfractaire de la sole
du four. De ce fait, les supports ne sont pas directement exposés à
la chaleur radiante et les tubes sont dans une position où la
contrainte est minimale et où le fluage ne provoque pas de défor-
mation importante ; la dilatation est rendue possible et les chocs
thermiques sont mieux supportés, ce qui améliore la durée de vie
des tubes.
Un four comporte, selon leur longueur et leur diamètre, entre 4
et 16 tubes disposés en une seule ou deux rangées parallèles.
Pour augmenter la surface interne des tubes, le constructeur
Lumnus a inventé les riffle tubes dont la section, au lieu d’être
cylin- drique, se présente comme une rosace. Les aciers des tubes
peuvent supporter jusqu’à 1 100 oC (Manorite 36 XS ).
Le chauffage est assuré par des brûleurs à tulipe (en anglais : flat
burners ), qui évitent la flamme directe sur le tube et permettent la
radiation par chauffage du réfractaire. Celui-ci est constitué par des
briques d’alumine et de silice pouvant supporter des températures
de l’ordre de 1 700 à 1 800 oC. Les brûleurs sont généralement
situés de part et d’autre des serpentins dans les parois latérales du
Figure 12 – Tubes de pyrolyse : exemples de réalisations
four et utilisent les sous-produits du vapocraquage, essentielle-
ment le méthane. Les fours comportent deux cellules accolées, ce
qui présente l’avantage d’une plus faible déperdition de chaleur de la teneur en essences. Il est important que la ligne de transfert
grâce à la paroi commune. entre le four et la chaudière de trempe soit la plus courte possible
En règle générale, la charge est préchauffée à 600 oC environ pour éviter un séjour supplémentaire des effluents à température
dans la zone de convection, grâce à l’énergie thermique des gaz élevée. La chaleur du four est d’abord récupérée par
chauds sortant du four ; elle est ensuite mélangée à la vapeur refroidissement indirect dans des chaudières de trempe, puis par
d’eau de dilution, puis entre dans la zone de radiation où, en 0,3 à trempe directe grâce à un système à recyclage utilisant une coupe
0,4 s, elle est portée à plus de 800 oC. Le rendement énergétique hydrocarbonée lourde dite huile de trempe (cf. figure 10).
d’un four est de l’ordre de 95 % et les quantités de chaleur fournies Dans le cas du naphta, l’essentiel de la trempe est pratiqué dans
dans les zones de convection et de radiation sont respectivement des chaudières qui fournissent par échange entre les effluents et
de 47 et 53 %. À l’intérieur de la zone de radiation, le profil de tem- l’eau de la vapeur haute pression. Celle-ci est utilisée ensuite pour
pérature du mélange eau-hydrocarbures est réglé en faisant varier entraîner les compresseurs des installations de traitement des
l’intensité du chauffage des rangées de brûleurs. effluents gazeux. La température des gaz est ainsi abaissée jusqu’à
Dans l’état actuel de la technologie, la capacité de production 400 ou 450 oC et 50 % de l’énergie thermique fournie par les
d’un four de pyrolyse à deux cellules est de l’ordre de 100 000 t/an fours est récupérée à ce niveau. Dans le vapocraquage du naphta
d’éthylène. Donc, un vapocraqueur de 900 000 t/an comporte une lourd ou des gazoles, on réduit la quantité de chaleur absorbée
dizaine de fours de pyrolyse du naphta et un ou deux fours servant par la chaudière de trempe en diminuant la surface des échangeurs.
à la pyrolyse de l’éthane recyclé. Dans le cas extrême du gazole sous vide, il est impératif de
supprimer totalement la chaudière de trempe pour ne réaliser
Les fours conditionnent la bonne marche de l’ensemble de l’ins- que la trempe directe, car plus l’effluent renferme de fractions
tallation. Cependant, leurs conditions optimales de fonctionnement lourdes, plus il a tendance à provoquer le bouchage des tubes
et la souplesse du procédé vis-à-vis des paramètres opératoires ne des échangeurs de chaudières, d’où de fréquents arrêts pour
peuvent le plus souvent être évaluées qu’à l’issue d’une expéri- décokage (§ 5.3).
mentation en vraie grandeur sur four pilote.
Ces chaudières de trempe indirecte sont en réalité des échan-
Les entreprises commercialisant des vapocraqueurs sont en géné- geurs en ligne (Transfer Line Heat Exchangers : TLX ), disposés en
ral des compagnies d’ingénierie avec leur propre technique ou bien général verticalement à la sortie des tubes de pyrolyse. Le faisceau
des spécialistes de fours (cf. [Doc. J 5 460]). tubulaire, à l’intérieur duquel circulent les gaz de pyrolyse, est
constitué de tubes à double enveloppe ou d’un ensemble de ran-
gées de tubes et de cloisons destinés à assurer la tenue mécanique
Trempe de l’ensemble aux hautes pressions.
La figure 13 fournit, à titre d’exemple, une vue isométrique
Les produits sortant de la zone de radiation du four doivent simplifiée d’une cellule de vapocraqueur à tubes verticaux dans la
être refroidis le plus rapidement possible. Cette opération a zone de radiation et horizontaux dans celle de convection ; on y
notamment pour but d’éviter que la composition de l’effluent trouve également positionnés les brûleurs de parois, les chaudières
évolue par for- mation de produits lourds de polymérisation et de trempe, le ballon de vapeur et la couronne d’injection de la
par augmentation coupe lourde réalisant la trempe directe complémentaire.

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VAPOCRAQUAGE DES HYDRO

Pour les tubes de faible diamètre qui s’encrassent plus


rapidement, l’augmentation de la perte de charge constitue le
critère de cokage ; alors que pour les tubes de diamètre plus
grand, moins sensibles aux dépôts de coke, c’est en réalité la
température de peau du tube dans la zone de radiation qui
témoigne du salissement.
La durée de cycle entre deux décokages (t c), exprimée en jours,
est alors donnée par l’équation :
Tmc – Tmp
t
c = -
T
avec (Tm )c température de peau maximale admissible sur
tube coké,
(Tm )p température de peau sur tube propre,
T augmentation journalière de température de
peau du tube due au cokage.
Le décokage est en général réalisé dans les tubes de pyrolyse
et les chaudières de trempe par brûlage lent du coke en présence
d’un mélange de vapeur d’eau et d’air à des températures de 600 à
800 oC. L’opération débute en présence d’un mélange très pauvre
en air (1 %) que l’on enrichit progressivement jusqu’à 15 %. On peut
aussi utiliser la vapeur d’eau seule, mais il faut alors opérer à des
températures plus élevées (900 à 950 oC) afin d’activer la réaction
du gaz à l’eau.
À titre indicatif, à 950 oC, la durée de décokage à l’aide de vapeur
seule est de 30 h. Elle peut être ramenée à 10 h en ajoutant 10 %
d’air, et à 5 h avec 20 % d’air.
Un décokage plus poussé de l’échangeur de trempe peut être
effec- tué mécaniquement à l’aide de jets d’eau haute
pression (30 à 70 MPa). Si le coke formé est très dur, on peut
mettre en œuvre un sablage à l’eau.

Fractionnement primaire
Figure 13 – Vue isométrique d’une cellule de four de vapocraquage
À la sortie de la trempe, les effluents sont rassemblés et envoyés
dans une colonne de séparation primaire dont le produit de fond
sert au refroidissement complémentaire du gaz. Cette colonne
Cokage et durée de cycle sépare les gaz (envoyés ensuite à la section de compression), une
partie de l’essence et les fractions lourdes.
Malgré toutes les précautions prises pour limiter la formation de La vapeur de dilution est condensée, purifiée et réutilisée en
coke dans les tubes du four et dans la chaudière de trempe, il est circuit fermé.
impossible de l’éviter totalement. On doit donc interrompe périodi- Le mélange gazeux sortant de la section précédente dite section
quement le fonctionnement du four pour en éliminer le coke et la chaude du vapocraqueur, contient un grand nombre de constituants
durée qui s’écoule entre deux décokages successifs est la durée qui doivent être séparés et purifiés. En effet, si le produit de base
d’un cycle. de la pyrolyse est l’éthylène, la récupération des autres produits est
Cette durée varie selon les installations et la nature de la charge, de plus en plus recherchée.
mais peut être en moyenne estimée à quelques semaines. Ainsi, Pendant la période où l’énergie et la matière première
dans le cas d’un vapocraqueur comportant cinq fours, il y a toujours fournies par le pétrole étaient bon marché, une bonne part des
un four en décokage et la production n’est donc assurée que par coupes C3 et C4 résiduaires issues de la pyrolyse était soit brûlée
quatre fours. sur l’unité, soit vendue comme gaz liquéfié, tandis que l’hydrogène
Placé dans les meilleures conditions, un four fonctionnant à partir résiduaire était brûlé avec le méthane. Avec le renchérissement du
de naphta peut travailler 90 jours sans décokage, mais la durée du pétrole brut, il apparaît souhaitable d’utiliser au mieux les
cycle est toujours inférieure, à cause de l’inévitable encrassement produits par la puri- fication de l’hydrogène, par l’utilisation du
de la chaudière de trempe. Cette durée est très variable et peut aller propylène et du butadiène pour de nouvelles applications, ou
de 15 jours à 6 mois en fonction du temps de séjour et de la encore par le recyclage des frac- tions C3 et C4 non utilisées.
sévérité. Finalement, si la recherche du rendement maximal en éthylène
Les dépôts progressifs de coke dans les tubes de pyrolyse se a conduit à une technologie très avancée en ce qui concerne les
traduisent par une élévation de leur température de peau, liée à fours de pyrolyse, il a fallu aussi développer et perfectionner les
l’inefficacité croissante du transfert de chaleur, ainsi que par une tech- niques de séparation.
augmentation de la perte de charge provoquée par la réduction de
la section libre du tube.

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VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES

Train de séparation
et de purification aval Tableau 6 – Spécifications requises pour l’éthylène
et le propylène en sortie de vapocraqueur
Séparations Éthylène..............................................> 99,95 % vol.
CH4 , C2H6 , N2.....................................................< 500 ppm vol.
Les séparations ultérieures sont réalisées par distillation à basse
température dans la section froide de l’installation après compres- Autres..................................................< 10 ppm vol.
sion, purification, séchage et condensation des effluents gazeux Acétylène..............................................< 1 ppm vol.
légers. Cette section comprend aussi des traitements intermédiaires H2....................................................... < 3 ppm vol.
de purification chimique de l’éthylène et du propylène qui CO2...................................................... < 2 ppm vol.
contiennent des impuretés acétyléniques formées par déshydrogé- CO......................................................< 0,5 ppm vol.
nation parasite lors de la pyrolyse (cf. figure 2). Or ces composés O2....................................................... < 2 ppm vol.
se révèlent particulièrement néfastes dans l’utilisation ultérieure
H2S..................................................< 1 ppm masse
des oléfines. Ces dérivés acétyléniques sont éliminés par
hydrogénation sélective sur des catalyseurs métalliques. On aboutit Soufre total.............................................< 1 ppm masse
donc à un ensemble d’opérations très complexes qui permettent de Eau.....................................................< 3 ppm masse
fournir séparément, aux spécifications voulues, les différents NH3.................................................... néant
produits : éthylène, propylène, coupe C4 , coupe C5+ , etc. [1] [16]. Total alcools et cétones
(exprimé en méthanol)................................< 3 ppm
Propylène.............................................> 99,8 % masse
Compression, désulfuration et séchage
Autres hydrocarbures................................< 0,2 % masse
Méthylacétylène et propadiène......................< 10 ppm masse
La distillation des effluents, qui se traitent à ce stade sous forme
gazeuse, nécessite au préalable leur condensation en phase liquide. H2.................................................... < 5 ppm masse
Compte tenu de la grande volatilité de certains constituants du CO2.................................................. < 5 ppm masse
mélange d’hydrocarbures traité (les températures d’ébullition sous CO...................................................< 1 ppm masse
pression atmosphérique du méthane, de l’éthane et de O2.................................................... < 2 ppm masse
l’éthylène étant respectivement – 161,6 oC, – 88,9 oC et – 103,7 N2.................................................... < 10 ppm masse
o
C), une telle opération, conduite à pression normale, exigerait Soufre total.............................................< 1 ppm masse
le recours à des températures particulièrement basses. Pour limiter
les difficultés technologiques rencontrées en cryogénie, la ppm : partie par million, soit 10–6
condensation est donc pratiquée sous pression.
Les gaz sont comprimés en plusieurs étages (4 ou 5), avec
refroidis- sements intermédiaires pour éviter un échauffement qui
induirait des polymérisations indésirables. Entre chaque étage de 6. Évolution technologique
compres- sion, on collecte les fractions liquides ou liquéfiées dont
on élimine par entraînement à la vapeur les composés les plus
et contexte économique
légers qui sont recyclés. À ce niveau, un des grands progrès dans
la technologie du vapocraquage a été apporté par l’utilisation des
compresseurs centrifuges qui ont supplanté les compresseurs Les évolutions récentes majeures concernent l’amélioration des
alternatifs ; leurs principaux avantages résident dans la réduction rendements et l’accroissement de la taille des unités : ce dernier
des investissements et des frais d’entretien ainsi que dans leur paramètre va dans le sens d’une meilleure rentabilité des installa-
faible encombrement. Ils atteignent d’ailleurs aujourd’hui des tions, mais il n’est pas exempt d’effets pervers sur lesquels on
puissances de 20 MW et plus. reviendra.

Avant le dernier étage de compression, on procède à la


désulfura- tion des gaz. Le soufre contenu dans la charge se
retrouve en effet sous forme de H2S, COS et mercaptans légers. Évolution technologique
Ces dérivés, ainsi que le dioxyde de carbone, sont enlevés par
lavage à la soude, parfois précédé d’un lavage aux éthanolamines.
Les gaz sont alors séchés sur alumine ou tamis moléculaires jusqu’à Des progrès en métallurgie ont débouché sur une nouvelle géné-
une teneur résiduelle en eau inférieure à 5  10–6 en volume, pour ration de tubes, ce qui a permis d’augmenter leur diamètre à la
éviter la formation de cris- taux de glace lors des processus de sortie des fours, avec un certain nombre d’avantages, entre autres
refroidissement subséquents. :
Le schéma complet des différents appareillages des sections — diminution de la perte de charge et donc de la pression
chaude et froide d’une unité de vapocraquage industriel et les partielle des hydrocarbures ;
consommations moyennes en utilités sont indiqués dans l’article — réduction du nombre de tubes à la sortie des fours et de celui
Éthylène, propylène, butadiène [J 6 020-1 383] du présent traité. des chaudières de trempe ;
— augmentation du temps de séjour sans perte de sélectivité ;
— doublement de la capacité unitaire des fours.
Qualité des produits En outre, les vapocraqueurs, comme les unités nouvelles de raf-
finage et de pétrochimie, bénéficient des progrès en informatisation,
automatisation et simulation.
Les exigences de pureté requises dans certains procédés en
aval du vapocraquage, en particulier les polymérisations, amènent Des outils de plus en plus perfectionnés permettent plusieurs
à des spécifications de plus en plus draconiennes. À titre niveaux d’optimisation : au niveau local (fours, séparations), au
d’exemple, pour les deux principaux produits, l’éthylène et le niveau global et à celui de l’intégration avec les unités en amont
propylène, les spéci- fications requises sont données dans le ou en aval.
tableau 6.

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VAPOCRAQUAGE DES HYDRO

Contexte économique capacité, conduisant à une sous-utilisation des équipements,


elles sont rapidement absorbées. Le coût de production de
Le coût de production de l’éthylène, produit essentiel du vapo- l’éthylène d’une unité de 600 kt/an fonctionnant à 80 % de sa
craquage, est fonction principalement : capacité (donc ne produisant que 480 kt) est équivalent à
— du coût de la matière première (cf. figure A en [Doc. J 5 460]) ; celui d’une unité de 400 kt/an de capacité.
— du montant des investissements mis en œuvre (cf. tableau C La surcapacité éventuelle ne concerne pas seulement l’éthylène,
en [Doc. J 5 460]) ; mais aussi tous les autres produits, dont le propylène : ce dernier
— de la valorisation des coproduits. représente aujourd’hui 40 % de la valeur des coproduits d’un vapo-
Si l’on considère la situation européenne et celle du Sud-Est asia- craqueur de naphta.
tique, où le naphta est la charge utilisée majoritairement, la valori- Enfin la logistique joue un rôle essentiel dans l’économie de la
sation de tous les produits du vapocraquage est primordiale. Le production, en amont pour les approvisionnements comme en
butadiène en est un exemple. Sa demande ayant fortement chuté aval pour le stockage et le transport de l’éthylène et du
ces dernières années (cf. tableau A en [Doc. J 5 460]), il est devenu propylène.
nécessaire d’en recycler les excédents. Or le butadiène est une
charge médiocre pour le vapocraquage, une hydrogénation Dans de nombreux cas, l’éthylène est utilisé de façon captive par
préalable est souhaitable, ce qui engendre des coûts supplé- la société productrice, ses filiales ou d’autres sociétés voisines.
mentaires. Autour du vapocraqueur se construit en général un complexe très
diversifié comme celui dont le schéma de production est présenté
La valorisation des essences de vapocraquage peut aussi sur la figure 14. Très souvent, les producteurs d’éthylène ont créé
poser problème. Le pétrochimiste doit en trouver des débouchés, un véritable « pool » en reliant les différents vapocraqueurs et leurs
soit chez un raffineur, soit directement. Mais la constitution d’un utilisateurs par un réseau de pipelines et en aménageant des
carburant aux spécifications requises implique d’indispensables stockages souterrains importants. De tels réseaux existent aux États-
traitements annexes. En Europe, beaucoup de vapocraqueurs sont Unis, en Europe et en France : dans la région Midi-Rhône- Alpes, il y
intégrés à des sites de raffinage, ce qui facilite les échanges. a trois réseaux d’éthylène, un stockage souterrain à Viriat et un
La taille des vapocraqueurs est aussi un facteur très important réseau de propylène.
du coût de production de l’éthylène. La taille moyenne des unités La production d’éthylène continue à croître dans le monde, aussi
de vapocraquage en Europe n’a cessé de croître, depuis une bien aux États-UNis qu’en Europe, mais les nouvelles réalisations
capacité de production de 50 kt/ an d’éthylène en 1960 jusqu’à 700 se concentrent surtout dans les pays où la matière première est bon
kt/ an actuellement. Pour bénéficier des économies potentielles marché (Moyen-Orient) ou dans la région Asie-Pacifique où l’on
d’échelle, il faut pouvoir écouler la production sur le marché : en enre- gistre depuis 1990 une explosion de la demande.
cas de sur-

Figure 14 – Exemple d’un complexe pétrochimique centré sur le vapocraquage

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PO
VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES EN
SA
PL
Vapocraquage des hydrocarbures

par Claude RAIMBAULT


Ingénieur ENSPM
Expert à la Direction Stratégie-économie-programme à l’IFP
Professeur à l’ENSPM
et Gilles LEFEBVRE
Ancien Ingénieur Principal à l’IFP
Professeur honoraire à l’ENSPM

ENSPM : École Nationale Supérieure du Pétrole et des Moteurs


IFP : Institut Français du Pétrole

Aspects économiques

Tableau A – Structure de la demande en hydrocarbures de base


(en pour-cent de la demande en éthylène)

États-Unis Europe de l’Ouest Japon

1978 1985 1993 1978 1985 1993 1978 1985 1993


Éthylène ............................................................ 100 100 100 100 100 100 100 100 100
Propylène ......................................................... 48 48,5 52 51,5 55 61 65 63,5 73,5
Butadiène ......................................................... 15 11,5 9 11 9,5 9 16,5 16,5 14
Benzène ............................................................ 42 40 34 42 39 37 46,5 43,5 56,5

Tableau B – Répartition géographique des


charges de vapocraquage en 1993 (en pour-cent
masse)
Europe Amérique
de l’Ouest du Nord Japon Monde

Naphta ................................. 70 17 97 50
Gazoles ................................ 9 7 .............. 6,5
Hydrocarbures légers (1).... 21 76 3 43,5
Total ..................................... 100 100 100 100
(1) Issus du gaz naturel et des gaz de raffinerie.

Tableau C – Coûts d’investissement (capital fixe)


d’unités de vapocraquage sur différentes charges (1)
Charge ....................................... Éthane Naphta Gazole
Capacité (t/an) ........................... 600 450 450
Investissements (M$) ............... 520 600 660
(1) D’après documents IFP-US Gulf Coast : chiffres 1993 fondés
Figuresur
A –lesCoûts de construction
coûts de production autour
de l’éthylène
du Golfeen
du1994 dans différentes zones géographiques
Mexique.

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1
POUR
EN
VAPOCRAQUAGE DES HYDROCARBURES

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p. 192, 10 juil. 1967, p. 112, 16 oct. 1967.

Constructeurs. Fournisseurs
Japon

Vapocraqueurs
N’importe quelle société d’ingénierie est susceptible de proposer une unité Mitsubishi
de vapocraquage.
Italie
Fours de pyrolyse
KTI
France
Pays-Bas
Foster Wheeler France (sous licence Stone et Webster, Lumnus,
KTI (Kinetics Technology International)
Kellog) Heurtey Petrochem (sous licence Stone et Webster, Lumnus,
Kellog)

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