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Le néo institutionnalisme

Le néo-institutionnalisme est un courant théorique qui permet d’analyser la


gouvernance à partir des institutions, entendue comme « matrice cognitive et normative qui
produisent des mythes et des symboles »1, autrement dit des « structures sociales » et des
« croyances » qui s’articulent dans « les procédures, les conventions, les formes
d’organisations, les technologies, (…) les croyances, (…) les schémas intellectuels et les
connaissances »2.

Cette conception de l’institution se distingue de la conception institutionnaliste3 en


ceci que cette dernière analyse l’institution d’un point de vue formel, en distinguant le
formalisme privée, reposant par exemple sur les patronats, les syndicats et les entreprises, du
formalisme public, reposant « au sein des ministères » sur la création des directions, la
spécialisation des fonctionnaires, la construction des équipements, et la mise en œuvre des
instruments d’intervention.

Le néo institutionnalisme, en analysant les institutions comme des structures sociales


qui orientent le comportement des individus, se décline en trois tempéraments de recherche :
le néo-institutionnalisme historique, pour qui, les institutions sont des « règles formelles
sanctionnées qui évoluent dans le temps et déterminent une partie essentielle du
comportement des acteurs »4 ; le néo-institutionnalisme stratégique, pour qui, les institutions
sont « des organisations, des acteurs collectifs qui (…) développent des actions stratégiques
de changement dont les buts sont définis en lien étroit avec les institutions »5 ; le néo-
institutionnalisme sociologique, pour qui, les institutions « partent des individus, de leurs
croyances et de leurs intérêts ». Toutefois, par delà leur diversité, toutes « ces approches
insistent sur le rôle des institutions dans la production de certaines politiques publiques, mais

1
P. Lascoumes, P. Le Galès, Sociologie de l’action publique, 2e édition, Armand Colin, Paris, 2012, p. 81.
2
Idem.
3
Souvent qualifié de « vieil institutionnalisme », selon P. Lascoumes et P. Le Galès, idem. Ici, les objets
d’études consacrés oscillent autour de l’analyse comparée « des règles électorales », « la fabrication des lois »,
« les pouvoirs de l’exécutif », « le contrôle de constitutionalité ».
4
L’une des principales figures de ce tempérament de recherche, en la personne de T. Skocpol, a par exemple
étudié « la genèse des politiques sociales américaines en relation avec les besoins de l’armée américaine et le
soutient à la natalité. P. Lascoumes, P. Le Galès, op. cit., 2012, p. 84.
5
P. Lascoumes, P. Le Galès, op cit., 2012, p. 81. W. Powell et P. Di Maggio constituent avec Campbell, les
principaux théoriciens de ce tempérament de recherche. W. Powell, P. Di Maggio, New institutionalism
inorganizational analysis, Chicago, University of Chicago Press. Selon W. Powell et P. Di Maggio, les
institutions déterminent quelles sont les ressources utilisables contribuant à la structuration des relations de
pouvoir. Ainsi, les institutions « sont crée par la coopération et l’affrontement des acteurs sur la définition des
règles ». Cf. P. Lascoumes, P. Le Galès, op cit, 2012, pp. 83-84.
aussi sur les facteurs qui les contraignent car, une fois stabilisée, les institutions limitent les
choix des possibles ».

Dans la cadre de la présente recherche, le recours au néo-institutionnalisme nous


permettra d’envisager la gouvernance durable du Lac Tchad comme une politique publique et
une action publique « routinisée, évoluant par une succession de changement incrémentaux et
des moments de transformation radicale », pour emprunter à P. Lascoumes et P. Le Galès. Il
s’agira ainsi pour nous de questionner, avec L. Thelen et W. Streeck6, si les changements dans
le régime de la gouvernance dépendent de « la sédimentation institutionnelle », de « la
conversion institutionnelle » ou de « l’épuisement progressif » des institutions.

Selon P. Graziano, toute politique publique repose sur quatre éléments principaux : « des
principes générant des conceptions particulière des problèmes à traiter et de l’Etat ; des
objectifs, qui sont une déclinaison pratique des principes énoncés ; des procédures par les
quelles sont élaborées et mise en œuvre les décisions ; des instruments qui sont des outils
d’action destinés à produire des effets concrets cohérent avec les principes et les objectifs
énoncées »7.

L’analyse des politiques publiques, P. Hassenteufel8, répond à trois questions de fond :


pourquoi les politiques publiques sont elles misent place ? Comment les acteurs impliqués
agissent-ils ? Quels sont les effets de l’action publique ? Autrement dit, quels sont les
fondements, les instruments d’action, et le public sur lequel l’action publique exerce ses
effets ?

Les politiques publiques constituent un modèle d’interprétation de l’activité politique.


L’analyse des politiques publiques a contribué en Europe à décentrer l’analyse de l’Etat perçu
comme « entreprise domination », à l’Etat perçu comme entrepreneur de solutions aux
problèmes. En outre, l’analyse des politiques publiques permet l’élaboration de la décision
publique comme un processus d’interaction entre acteurs de nature diverse.

Le recours à l’analyse des politiques publiques comme grille d’analyse nous permettra
d’expliquer comment les acteurs impliqués dans la gouvernance durable du Lac Tchad
interagissent, et quels sont leurs instruments d’actions.

6
W. Streeck, L. Thelen (sous dir), Beyonds institution, Oxford, Oxford University Press, 2005.
7
O. Nay (Sous dir), Lexique de science politique. Vie et Institutions politiques, Campus DALLOZ, 2008.
8
P. Hassenteufel, Sociologie de l’action publique, 2e édition, Armand colin, 2011.

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