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Fayçal OUAGHLANI - moonnewx@gmail.

com - 202210/584681/1307511
crédits

Crédits
Une création du Studio Deadcrows
en collaboration avec les XII Singes.

Création de l’univers : Raphaël Bardas et François Cedelle


Auteurs : Raphaël Bardas, François Cedelle, Pierre Coppet, Boris Courdesses, Nadège Debray, Mat-
thias Haddad, Frédéric Hubleur, Romain d’Huissier, Julien Laroche, Jidus, Didier Kurth, François Labrousse,
Emmanuelle Lemasson, Yann Machurey, Willem Peerbolte, Silvère Popoff, Samuel Zonato.

nouvelles : Raphaël Granier de Cassagnac.


Illustrateurs : Khalil Ben Namaane, Emmanuel Bouley, Melodie Cisinski, Karell Clara, Boris
Courdesses, Guillaume Delacour, Hélène Galtier, Mathieu Gasperin, Benoit Guillaumot, Angélique Grevet,
Esmeralda Hermans, Sébastien Lhotel, Lohran, Olivier Sanfilippo, Marc Simonetti, Frédéric Sintes, Ysha, Chris-
tophe Zerr.

Couverture : Boris Courdesses


Cahier couleur : Boris Courdesses et Mathieu Gasperin
Calligraphie : Gildas Malassinet-Tannou
Mise en pages : Maxime Plasse (fonds de page d’après ceux créés par François Labrousse)
Coordination éditoriale : François Cedelle et Boris Courdesses
Relectures : François Cedelle, Boris Courdesses, Laurent Séré, Yannick Leclerc
production : Stefan Barat et Sébastien Célerin
Site officiel : http://www.deadcrows.net — http://www.les12singes.com
Site communautaire : http://cercle.capharnaum.free.fr

1
capharnaüm fête des 10 ans

Capharnaüm
fête ses 10 ans !
2007… 2017 ! • Une nouvelle maquette plus claire
Pour cette occasion unique, nous avec plus de place pour les textes et les
souhaitions publier une réédition illustrations.
prestigieuse du livre de base, spéciale 10eme an- • Relectures et corrections de l’intégralité des
niversaire. Celle-ci est l’occasion de rendre à nouveau textes. Le découpage en 2 livres nous a demandé un
disponible ce mythique jeu de rôle arabisant fantastique travail de réaménagement des textes (déplacement
vous permettant d’incarner des Héritiers choisis par les des secrets et intégration de certains éléments de
dragons, gardiens du Royaume des cieux. contexte parus au cours de la gamme).
• Intégration de tous les erratas.
Cimeterre en main, partez affronter votre destin pour • Ajout des principales règles supplémentaires
écrire la légende et méritez votre place aux côtés des dieux ! apparues dans les suppléments.
• Simplification de certaines règles suite à dix an-
Capharnaüm, l’Héritage des dragons occupe une nées de playtests.
place particulière dans nos cœurs et dans le paysage • Des annexes revues et corrigées et ajout de nou-
ludique francophone. velles : un récapitulatif des tablettes de Chiroman-
Cet univers si riche et si évocateur ne cesse de trotter cie et de toutes les Paroles parues dans la gamme.
dans nos esprits et sur nos tables de jeu. Sa rédaction En outre, la campagne de précommande participative
a été une odyssée merveilleuse réunissant un équipage a aussi permis d’accompagner cet anniversaire de nom-
nombreux de talentueux artistes dont un bon nombre breux cadeaux : versions modelées en résine d’Ourim et
sont devenus de véritables amis au fil des années. Sa Tourim, un roman, des marque-pages, des cartes en tis-
réédition a donc été l’occasion d’ouvrir la boite à sou- su, une version imprimée des suppléments qui n’étaient
venir et de se replonger dans ce qui est, et reste à ce jour jusqu’alors disponibles qu’en PDF, des aides de jeu iné-
encore, la référence des jeux de rôles arabisants. dites, un bloc de feuilles de personnage, etc.
Nous avons remis l’ouvrage sur le métier avec une Le voyage fut magnifique, parsemé de merveilles et
ambition unique en tête  : faire de cette édition spé- d’embuches, de formidables rencontres, de passion et
ciale le produit de nos rêves ! de talents. Merci à tous ceux qui ont permis de faire
• Réédition en bichromie avec deux cahiers cou- vivre la gamme. Merci aux auteurs, aux illustrateurs,
leur de 16 et 10 pages et couvertures rigides. aux relecteurs et aux maquettistes d’avoir donné sans
• 352 pages supplémentaires (ce qui augmente le livre compter. Enfin, un gros merci aux Rawi et aux Héri-
de base originel de 288 pages à un total de 640 pages). tiers qui font vivre cet univers à leur table de jeu, dans
• Un découpage en deux livres distincts avec un signet. les conventions ou sur les forums.
Le Livre des Héritiers, entièrement lisible par les joueurs Nous avons apporté un soin spécial à cette édition
et le Livre d’Al-Rawi contenant les secrets de l’univers. spéciale 10ème anniversaire. Nous sommes fiers du tra-
• Une nouvelle couverture et des illustrations sup- vail accompli et du résultat. Nous espérons combler
plémentaires. toutes vos attentes.
Bonne lecture et bon jeu !

Fayçal OUAGHLANI - moonnewx@gmail.com - 202210/584681/1307511


sommaire

sommaire
Premiers pas aux pays Polymnie : Création de
des 1001 dieux ......................................... 5
Lexique ....................................................... 8 personnage
Jouer un Héritier des dragons ... 238
Clio : Histoire Étape 1 : Le Sang et la Parole ......... 239
Étape 2 : Vertus héroïques ............. 255
Chronologie récapitulative ......... 11 Étape 3 : Caractéristiques .............. 256
Cosmogonie ............................................. 13 Étapes 4 : Figures et
Les Saabi ..................................................... 22 Compétences ........................................... 258
Les Shiradim ............................................ 28
Étape 5 : Finitions ................................. 272
Les Escartes ............................................. 32
L’histoire récente ................................ 35 Annexe 1 : Résumé des
Calliope : Monde règles du jeu
Jazîrat ......................................................... 41 Résolution des actions .................... 285
Sagrada / Jergathine ......................... 50 Résumé des jets ..................................... 287
Carrassine................................................ 64 Le combat .................................................. 289
Fragrance ................................................ 78 Santé et Blessures ............................... 297
Aramla El-Nar, le Désert de Feu 92 Règles divers .......................................... 299
Jergath-la-Grande .............................. 111
Les royaumes caravaniers ............... 123 Annexe 2 : La magie dans
Autres terres, autres peuples… ... 126 Capharnaüm
Euterpe : Peuples et La magie combinatoire...................... 301
La magie des tablettes d’argile .. 310
Sociétés Résistance ................................................. 313
Les Saabi ..................................................... 146 Sentir la magie...................................... 313
Les mille et un dieux ......................... 153
La tribu des Hassanides ................... 156 Annexe 3 : Les tablettes
La tribu des Salifah ............................ 163
Les Tarekides ........................................... 173
agalanthéennes
Les Shiradim ............................................ 187 Les sorts accessibles à tous ........ 14
Les trois tribus shirades ................. 193 Sorts spécifiques ................................. 316
Les Agalanthéens ................................ 203 Sortilèges de Chtonos ...................... 317
Les Escartes ............................................. 219
Annexe 4 : Résumé des
peuples .......................................318
Annexe 5 : Feuille de
personnage .............................319

3
chapitre clio

Sous le fil du rasoir


Par les Prophètes trois fois sacrés ! Hafiz Thufir Jamil Ibn Rachid Abd-Al-Hassan détestait quand la lame acérée
passait sur sa gorge. Quand une légère pression se fit sentir sur sa pomme d’Adam, un irrépressible frisson parcourut
son échine. Vulnérable, en cet instant à nul autre pareil, il éprouvait autant l’attrait du péril que la peur de la mort,
deux sentiments qu’il ne connaissait que trop bien, pour avoir lui-même tranché nombre de jugulaires.
Lui, l’un des trois gardes du corps du prince Mamoud, se chargeait des basses œuvres. Passé maître dans
l’art d’amadouer les ennemis de son seigneur, il les dupait pour les entraîner dans quelque sombre alcôve ou
au bout d’un couloir enténébré. Là, au moment où ils s’y attendaient le moins, il dégainait son khanjar1 et en
un éclair, il frappait avec précision. Il mettait un point d’honneur à travailler proprement, et le sang n’avait
pas éclaboussé sa dishdasha2 immaculée depuis bien longtemps.
La lame s’éloigna de la glotte et Thufir chassa le souvenir de ses victimes s’écroulant lamentablement sur
le sol, pour en invoquer de plus doux. Ses forfaits accomplis, il reparaissait dans les somptueuses réceptions
organisées par son maître. Il y oubliait rapidement le dégoût que lui inspiraient ses actes dans les bras des plus
belles femmes de Carrassine.
Lui, l’âme damnée du prince Mamoud, était plus connu pour ses exploits amoureux que pour les tristes be-
sognes qu’il accomplissait pour son compte. Partout on louait sa beauté et vantait la perfection de ses poèmes.
Ses yeux verts et ses traits fins, l’élégance de son allure et de ses habits, la subtilité de ses mélodies et de ses rimes,
faisaient de Thufir un des adversaires galants les plus redoutés des palais. Il avait conquis les pucelles les plus
convoitées, sans jamais demander leur main. Il avait connu les plus précieuses des concubines d’un maître qui
ne pouvait les lui refuser tant il lui avait sauvé la mise à maintes reprises. Il avait retrouvé les plus élégantes des
veuves de Carrassine, dont certaines lui devaient du reste le malheur de leur condition…
Derrière le courtisan se cachait donc un tueur, un assassin qui remettait, chaque altarek3, sa propre gorge
dans les mains expertes de maître Benyamin Bar Chémèd. Thufir appréciait l’ironie de la situation. N’im-
porte lequel de ses ennemis aurait pu payer l’aimable vieillard pour que sa lame dérape. On disait que l’argent
permettait de tout obtenir d’un Shiradi… Thufir en doutait. Mille fois, il avait pris le risque. Mille fois, il en
avait été récompensé. Le maître artisan n’était pas étranger à la gloire de Thufir tant ses soins soulignaient et
préservaient la beauté de ses traits.
Le barbier en avait terminé avec son rasoir, et il massait maintenant le visage de son client à l’aide d’huiles aro-
matiques dont il avait le secret. Quand il eut terminé, Thufir le paya et prit congé, s’immergeant dans la foule de la
médina Al-Dhumma qui défilait devant l’échoppe du plus célèbre des barbiers publics de Carrassine.
Le flot humain l’entraîna vers l’est, dans les ruelles couvertes du marché aux épices et aux piments. Il évita
soigneusement la rue aux Poivres, car il ne supportait pas qu’elle se laissât envahir par les marchands escartes
tentant de commercer leur vin (par ailleurs délicieux) et il s’engouffra dans le souk de l’encens. Les femmes
des tribus jetaient de précieuses pincées de leur savant mélange sur des brûloirs. L’air saturé, enivrant, lui
montait à la tête et Thufir accéléra le pas. À l’orée du marché, il franchit la porte de la sixième terrasse, pour
s’élancer vers la médina Al-Wudu. Il se devait d’être au côté du prince Mamoud, son maître, en ce jour de
célébration de son quatrième mariage.

Notes :
1 : Un poignard à lame asymétrique particulièrement apprécié des prêtres sacrificiels et des assassins.
2 : L’une des tenues traditionnelles à Jazîrat.
3 : Huitième jour de la semaine jazîrati, associé au Prophète Tarek.

Fayçal OUAGHLANI - moonnewx@gmail.com - 202210/584681/1307511


Histoire

Premiers pas
au pays des 1001 dieux
CAPHARNAÜM  : L’Héritage des Porteurs de l’Héritage des dragons, vos
dragons est un jeu de rôle dans un univers personnages devront faire preuve de force, d’astuce
arabisant fantastique. Les héros que vous y incar- et de courage, pour mériter un jour leur place au côté de
nerez sont des humains de légende choisis par les Houbal, Shirad ou Æther, les très puissants seigneurs de la
dragons, gardiens des portes célestes, pour quêter le Création.
royaume des dieux. N’attendez plus, saisissez votre cimeterre, le destin
du Capharnaüm est entre vos mains !

Un jeu de rôle ?
Un jeu de rôle est un jeu de société dont le but est de vivre des aventures fictives entre amis. L’un des
joueurs, que l’on appelle généralement meneur de jeu, a en charge la mise en scène de l’histoire, il décrit
les décors, invente l’intrigue à laquelle il va confronter les autres joueurs, et gère dans le jeu tous les person-
nages non joueurs (les figurants de l’histoire).
Dans CAPHARNAÜM : L’Héritage des dragons, le meneur de jeu s’appelle Al-Rawi, ce qui signifie « Ce-
lui qui raconte », le Conteur.
Les autres joueurs n’ont qu’à se créer un personnage imaginaire et à décrire ses actes et paroles dans les
situations mises en scène par Al-Rawi.
Voici un exemple :
Al-Rawi : Nicolas, ton personnage, Hadji Ibn Tufiq, voit un homme étrange s’approcher du riche marchand
dont il est censé assurer la protection.
Nicolas : Je dis au marchand : « Excellence, attention ! » tout en dégainant mon cimeterre pour arrêter net
ce maudit assassin dans son élan.
Al-Rawi : Bien, sors tes dés, nous allons voir si tu y parviens…

Dans la suite de l’action, Nicolas et Al-Rawi vont simuler un affrontement à grand renfort de jets de dès
grâce aux règles prévues à cet effet. Cette aventure rebondira, l’assassin sera arrêté, on enquêtera sur son
commanditaire, puis on sauvera définitivement le marchand qui fera la fortune du personnage de Nicolas,
et ainsi de suite, jusqu’à ce que toutes les péripéties prévues par Al-Rawi aient été vécues.
Chaque jeu possède son propre univers et ses propres règles pour le mettre en scène. Le Livre des Héri-
tiers et le Livre d’Al-Rawi vous présentent tout ce qu’il vous faut pour entamer une carrière d’Al-Rawi.

5
chapitre clio

Un monde épique Un monde de


Le Capharnaüm est une région au cœur du monde, sorcellerie et de
sur une mer ensoleillée. Il se situe au confluent des
routes commerciales et représente un point straté-
mystères
gique pour qui veut avoir un accès privilégié à toutes On dit que les dieux inspirent les hommes et guident
les terres continentales. On dit que l’histoire s’y fait le bras de leurs fidèles lorsqu’ils partent au combat.
et s’y défait, que les fils qui tissent le monde sont tous On dit aussi qu’ils aiment prendre forme humaine
noués en son cœur… pour se livrer au jeu de la séduction avec nos femmes,
Le monde connu est vaste. Loin à l’ouest, les nations se mêler à nos querelles, combattre à nos côtés. Rien
escartes, adoratrices du dieu écartelé se reposent en n’est plus vrai ! La mythologie est en marche. Dieux
préparant leur prochaine Quête Sainte. Au nord de la et démons, djinns et Mirages existent bel et bien… un
mer Intérieure, les cités-États agalanthéennes ne sont dieu mineur sombré dans la démence et manipulant
plus que l’ombre de la grandeur passée de l’Empire qui les hommes selon ses délires ; un Mirage emportant
posséda jadis le monde. Puis il y a Jazîrat, la presqu’île une caravane marchande dans les limbes du monde
brûlée par le soleil de Houbal : la vie y est rythmée par magique et un djinn, qui vous offrira un tapis volant
les allées et venues des caravanes saabi et shirades… si vous le libérez de la lampe, sont des ingrédients
et celles des troupes de mercenaires qui ne croient pas que vous pourriez rencontrer dans une partie de
vraiment à la paix laissée dans le Capharnaüm par la CAPHARNAÜM : L’Héritage des dragons.
fin de la Quête Sainte des chevaliers escartes.
Au loin, le continent noir d’Al Fariq’n garde encore
ses secrets, tandis qu’en Orient, en Nir Manel et en Les Héritiers des
Asijawi, on produit nombre de denrées qui font la
fortune des marchands de Jazîrat  : soie, épices, etc.
dragons
Mais on dit que seuls les marins les plus fous et les À Jazîrat, dans le Capharnaüm, vous ne serez pas
criminels qui n’ont plus rien à perdre osent naviguer un aventurier comme les autres ! Depuis l’aube des
sur les dangereuses mers du Sud. Enfin, bien loin des temps, des enfants naissent en portant dans leur dos
routes maritimes, les marches du Nord abritent les une empreinte de dragon à l’emplacement du cœur.
tribus barbares du Krek’kaos. Bien qu’extrêmement Ces enfants sont promis à un grand destin. Selon leur
désorganisées, les créatures qui peuplent les steppes peuple d’origine, ils sont appelés Héros, ou Héri-
et montagnes hostiles de ces régions meurtries par le tiers des dragons, et sont perçus tantôt comme bénis
froid mènent chaque année de nombreux raids vers des dieux, tantôt comme marqués par les diables…
les contrées ensoleillées du Sud. Qu’en est-il réellement ? Vous devrez le découvrir en
menant votre personnage sur les sentiers brûlants du
Capharnaüm, à la force du sabre ou par
la sorcellerie, par le charme ou par
la sagesse et peut-être, atteindre la
Sanctification et rejoindre les dieux.

Fayçal OUAGHLANI - moonnewx@gmail.com - 202210/584681/1307511


Histoire

Capharnaüm n’est pas un jeu historique !


S’ils font penser à des lieux et événements de notre monde, et qu’ils s’en inspirent en partie, les lieux et
événements décrits dans CAPHARNAÜM : L’Héritage des dragons sont avant tout fictifs. L’historien s’arra-
chera les cheveux à chercher les références culturelles de nos peuples : les Jazîrati et Kh’saaba tiennent de
l’Arabie heureuse comme du peuple de la mystérieuse reine de Saba ; le Capharnaüm est mésopotamien,
mais aussi maghrébin, irakien et parfois ottoman. Sagrada est la fille enchantée de Jérusalem, de Bagdad
et de la Mecque, et les Agalanthéens sont des Atlantes déchus à fortes tendances gréco-romaines. Jason
l’Escarte, bien évidemment, n’est pas le Christ !
Inspiré des contes des mille et une nuits, mais aussi du monde méditerranéen antique et des croisades,
CAPHARNAÜM est un capharnaüm… d’inspirations ! Il pioche dans ce que le monde méditerranéen a
de plus fort à travers les âges : ce tableau envoûtant mêlant le soleil, les épices, le sable, le mystère et le sang.
Ce jeu n’a donc rien d’historique et l’alchimie de ses sources n’a d’autre but que de créer des situations
où l’aventure et l’exotisme l’emporteront, nous l’espérons, sur tout autre chose.

7
chapitre clio

Lexique de Capharnaüm
L’Héritage des dragons
L’univers de CAPHARNAÜM Al-Kimyat (pluriel  : Al-Ki-
est riche et parfois complexe. Afin myati)  : Magiciens jazîrati manipu-
que chacun s’y retrouve plus facilement, voici lant l’alchimie des mots et des arts.
un lexique présentant les noms importants du jeu. Aragón : L’une des trois nations escartes, la plus
Il est conseillé d’en prendre connaissance avant d’aller au sud.
plus loin. Arakognans (singulier  : Arakognan, féminin  :
Ces termes sont très souvent rencontrés dans le Arakognanne-s) : Fiers et courageux, les Arakognans
présent livre, et nous invitons le lecteur à s’y référer ré- sont aussi réputés pour être des cavaliers-nés.
gulièrement afin de ne pas être perdu dans sa lecture. Ashkenim (singulier  : Ashken, féminin  : Ash-
Certaines de ces locutions sont au singulier, kene-s) : La plus belliqueuse des trois tribus shirades.
d’autres au pluriel ; elles sont en fait présentées sous Ses guerriers se sont spécialisés dans un style de com-
leur forme la plus souvent rencontrée dans les textes. bat aussi gracieux que redoutable.
Certains mots connaissant une transformation struc- Capharnaüm  : Région sacrée du nord de Jazîrat
turelle lors du passage au pluriel ou au féminin, cha- située au cœur des intrigues, humaines comme surna-
cune des formes vous est présentée entre parenthèses. turelles.
Enfin, nous encourageons Al-Rawi à distribuer à Carrassine : Cité du Capharnaüm spécialisée dans
chacun de ses joueurs une copie du présent lexique. le commerce et le mercenariat. Ses neuf légions et ses
remparts en étoile l’ont historiquement rendue im-
Académies escartes : Universités ou sectes vouées prenable. Elle est aussi la seule attache sédentaire des
à une discipline (escrime, magie, diplomatie, etc.) et chevaucheurs de dragon Ibn Khalil.
ayant un poids politique ou culturel important en Oc- Chiromanciens  : Sorciers agalanthéens capables
cident et au sein du Capharnaüm. de manipuler le destin en confectionnant des tablettes
Æther : Dieu suprême chez les Escartes. d’argile. Considérée comme vulgaire — on peut ache-
Agalanthe  : Héros mythique de l’Agalanthéide. Il ter au marché des tablettes pour faire repousser les
balisa le monde connu et donna naissance au peuple cheveux ou revenir la femme adultère — cette forme
agalanthéen. de magie n’en est pas moins inquiétante et même po-
Agalanthéens (singulier  : Agalanthéen, fémi- tentiellement puissante.
nin : Agalanthéenne-s)  : Peuple qui jadis domina le Dorkade (singulier  : Dorkade, féminin  : Dor-
monde, tant par la force que par les arts et les sciences. kade-s)  : Vivant au nord-est des terres d’Occident,
Après avoir connu la République, et l’Empire, ils sont ces farouches guerriers sont les ennemis historiques
aujourd’hui en pleine décadence, luttant les uns contre de l’Empire agalanthéen et des barbares du Krek’kaos.
les autres pour affirmer le pouvoir de leurs cités-États. Dorkadie : L’une des trois nations escartes, la plus
au nord.

Fayçal OUAGHLANI - moonnewx@gmail.com - 202210/584681/1307511


Histoire

Écoles agalanthéennes  : Universités ou sectes parfois les Shiradim dans l’esprit ou les conversations
vouées à une discipline (escrime, magie, diplomatie, des différents peuples du monde connu.
etc.) exerçant une influence politique ou culturelle im- Jergath-la-Grande  : Située dans la fertile région
portante chez les Agalanthéens et au sein du Caphar- sud de Jazîrat, cette ville fut construite en une nuit par
naüm. le dieu Houbal-Jergath. Elle est la capitale sacrée du
Escartes (singulier : Escarte, féminin : Escarte-s) : royaume de Kh’saaba.
Peuple d’Occident adorant Jason le dieu écartelé et Jergathine : Cf. Sagrada.
son père le tout-puissant Æther. Il y a peu, les Escartes Kahan (pluriel : kahanim) : Dans la tradition shi-
ont envahi le Capharnaüm, menant une Quête Sainte rade, le kahan est à la fois un sage et un guide spirituel.
pour retrouver une relique sacrée : le crâne de Jason Kahini  (invariable)  : Dans la tradition jazîrati, le
(cf. Mirabilis Calva Reliquiae). Bien qu’ils aient laissé kahini est à la fois un sage et un guide spirituel.
la région exsangue, la paix semble revenue. Kh’saaba  : Abondant royaume du sud de Jazîrat,
Étrusie : Île agalanthéenne abritant l’une des plus Kh’saaba est une grande puissance militaire, commer-
puissantes cités-États de ce peuple. Étrusie est un haut ciale et magique.
lieu de magie et d’œnologie. Macchabah (pluriel  : macchabim)  : Dans la tra-
Étrusiens (singulier : Étrusien, féminin : Étru- dition shirade, le macchabah est un guerrier mystique
sienne-s) : Habitants de l’île d’Étrusie. Connus pour inspiré par le dieu Shirad.
leurs orgies et leurs mœurs particulières. Médina : dans la langue jazîrati, madina désigne le
Fragrance  : Ville du Capharnaüm fondée par les bourg, le centre-ville par opposition aux faubourgs.
Agalanthéens. Cité des arts, des gladiateurs et des Le vocable s’est déformé et est présent dans la langue
courses de char, son équilibre politique est particuliè- commune du Capharnaüm pour désigner parfois une
rement fragile depuis la prise de pouvoir par les Es- ville, parfois un quartier en donnant « médina ».
cartes lors de la Quête Sainte. Mirabilis Calva Reliquiae  : Relique sacrée pour
Fragrantins (singulier  : Fragrantin, féminin  : les Escartes, elle serait le crâne de Jason. Sa quête est
Fragrantine-s) : Habitants de Fragrance. à l’origine des guerres récentes qui secouèrent le Ca-
Hassan : Cf. Prophètes. pharnaüm.
Hassanides  (singulier masculin et féminin  : Mogda : Homme d’État saabi qui se convertit à la
Hassanide) : Tribu des descendants de Hassan. Les religion shirade pour guider les esclaves vers leur terre
Hassanides, ou Abd-Al-Hassan, sont les garants de sacrée : le Capharnaüm. Les Shiradim voient en lui un
l’ordre militaire et politique. Les familles nobles qui père fondateur.
composent cette tribu sont les plus proches du roi de Mudjahid (pluriel  : Mudjahidin)  : Chez les Ja-
Kh’saaba. zîrati, le Mudjahid est le guerrier inspiré, à la fois bras
Houbal : Dieu principal des Jazîrati. armé de Houbal, poète et chevalier. Selon les tribus,
Jason l’Escarte : Humain devenu un dieu en survi- les Mudjahidin n’ont pas les mêmes responsabilités ni
vant à l’écartèlement. Sa légende a inspiré les Martyrs le même niveau d’exigence religieuse.
dont les descendants fondèrent les nations escartes en Myrmidons  : Guerriers d’élite agalanthéens revê-
Occident. tant une armure insectoïde. On dit que cet ordre fut
Jazîrat  : Gigantesque presqu’île majoritairement créé par le dieu des enfers, Chtonos lui-même.
aride située au cœur du monde connu. Elle se divise Occidentins (singulier  : Occidentin, féminin  :
en trois grandes régions : Kh’saaba, le désert d’Aramla Occidentine-s) : Habitants d’Occidentine.
El-Nar et le Capharnaüm. Occidentine  : Nation escarte culturellement et
Jazîrati  : Habitants de Jazîrat dont la religion est politiquement plus avancée que ses voisines, elle est
celle de Houbal et des 1001 dieux. Bien qu’ils ne l’instigatrice de la Quête Sainte.
soient pas dévoués à Houbal, cette appellation inclue

9
chapitre clio

Paroles  : Versets mystiques, philosophiques ou Séphirim (singulier : Séphir, féminin : Séphire-s) :


martiaux édictés par les Prophètes. Par assimilation, Sorcier de la tradition orale des Shiradim.
ce qualificatif est aussi employé pour désigner les Shirad : Dieu à la fois unique et multiple adoré par
sectes qui suivent ces préceptes et en enseignent la les Shiradim.
discipline. Appartenir à l’une de ces sectes est consi- Shiradim (singulier : Shiradi, féminin : Shirade-s) :
déré comme un grand honneur par les nobles jazîrati. Bien qu’il soit originaire de Jazîrat, ce peuple n’est pas
À noter que le mot « Parole » est utilisé en termes de toujours considéré comme jazîrati, du fait de sa reli-
règles, pour tous les personnages, quel que soit leur gion. Très longtemps, ses membres furent les esclaves
peuple, qui suivent une discipline (philosophique, des Agalanthéens et des Saabi. Armés d’une foi solide,
militaire, religieuse, etc.) leur attribuant divers avan- ils ont su s’imposer malgré les persécutions, et ont ja-
tages. dis rendu le Capharnaüm arable et habitable. C’est au-
Pharatim (singulier : Pharati, féminin : Pharate-s) : jourd’hui dans les domaines du négoce et des sciences
Constituant l’une des trois tribus shiradim, les Pha- qu’ils tiennent une place prépondérante.
ratim sont les gardiens du savoir de ce peuple. Cette Tarek : Cf. Prophètes.
tribu consigna jadis par écrit les commandements de Tarmel Haja  : Terme jazîrati générique pour dé-
Shirad. crire la sorcellerie et ses combinaisons mystiques. De
Prophètes  : Héros populaires Jazîrati, pères fon- nos jours dans le Capharnaüm, ce terme est utilisé par
dateurs du royaume de Kh’saaba et prédicateurs des tous les peuples pour nommer l’acte magique.
Paroles. Tarekides  (singulier masculin et féminin  : Ta-
Royaumes caravaniers  : Royaumes jazîrati de rekide) : Tribu des descendants de Tarek. Les Tare-
moindre influence. Si certains possèdent des terres, kides, ou Abd-Al-Tarek, sont les garants de la foi ja-
la plupart se résument à quelques tribus nomades. zîrati. Refusant le luxe des villes qui ramollit les âmes,
Quelques-uns de ces royaumes sont inféodés à ils vivent dans le désert et sont le bras armé de Kh’saa-
Kh’saaba. ba. Les chevaliers mudjahidin Abd-Al-Tarek sont les
Saabi (invariable) : Jazîrati habitant le royaume de plus craints de tous, sans doute du fait de la folie que
Kh’saaba. provoque leur intégrisme.
Sagrada  : Autrefois nommée Jergathine, elle fut Thaumaturges : Prêtres sorciers pratiquant la seule
fondée par Mogda pour défier Jergath-la-Grande. Il forme de magie autorisée dans les nations escartes.
s’agit de la plus importante ville du Capharnaüm. Thérème : Ancienne capitale agalanthéenne, cette
Salif : Cf. Prophètes. vaste cité pour moitié plongée sous les eaux est répu-
Salifah (invariable)  : Tribu des descendants de tée pour ses théâtres comme pour ses troupes d’élite,
Salif. Les Salifah, ou Abd-Al-Salif, sont pour la plupart les myrmidons.
des nomades. Bien que nobles, ils sont plus attachés Théréméens (singulier  : Théréméen, féminin  :
au commerce et aux voyages et préfèrent administrer Théréméenne-s) : Habitants de Thérème.
par le négoce que par la politique. Walad Badiya  : Chevaucheurs de dragons appar-
Salonim (singulier : Saloni, féminin : Salone-s) : tenant à la tribu des Salifah. Liés par une étrange em-
Constituant l’une des trois tribus shirades, les Salonim pathie à une sorte de dragon dégénéré, de la race des
vivent et meurent pour la science de la vie. Savants abzoulim, ces guerriers sont une énigme et une source
comme médecins, on les sollicite parfois jusqu’en de terreur pour bien des étrangers.
Occident lorsque la science locale a atteint ses limites.

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Histoire

Chapitre Clio
Histoire

Chronologie récapitulative
0 Fondation de Thérème par le roi Agalanthe.
315 Création de la République agalanthéenne.
618 Premier roi des tribus jazîrati, Aref Ibn Jeloul.
804 Jazîrat tombe aux mains des Agalanthéens. Division de l’île en Exortivus — futur
Capharnaüm — et Kh’saaba qui deviendra la région privilégiée d’une partie des natifs
de l’île.
862 Fondation de Fragrance.
950 Fondation de Jergath-la-Grande.
1000 Les Agalanthéens, grâce à une science aujourd’hui perdue, règnent sur le monde.
1225 Révolte saabi menée par Ismet Ibn Sayed.
1506 Fin de la République, début de l’Empire d’Agalanthe.
1540 Les Saabi prennent le contrôle de Fragrance et de la péninsule.
1984 L’Empire d’Agalanthe reprend le contrôle de Jazîrat.
2500 Mort des Prophètes saabi.
2600 Retour des Shiradim sur Jazîrat.
2954 Les Shidarim sont sous domination saabi.
3536 Mogda fuit son pays.
3588 Fondation de Jergathine.
4200 Création des guildes marchandes à Jergathine et début des hostilités avec les Saabi.
4450 Fondation de Carrassine par le général Yassine (Shiradi).
5000 Les premières grosses provinces agalanthéennes situées loin du centre de l’Empire
commencent à se soulever et obtiennent de plus en plus d’autonomie.
5050 Reconnaissance officielle du royaume de Kh’saaba (Jergath-la-Grande en devient la capitale).
5100 Le système administratif et politique agalanthéen connaît sa première grosse crise.
La corruption est présente à tous les niveaux, le système législatif est bloqué, etc. À partir de
cette date, il y aura de nombreuses crises de ce genre.
5180 Siège de Jergathine par les Saabi.

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chapitre clio

5200 Arrivée des premiers mercenaires agalanthéens (venus de Thérème) pour défendre
Jergathine contre les Saabi.
5230 Les Agalanthéens repoussent les Saabi.
5280 Les Agalanthéens réduisent les Shiradim à l’esclavage.
5300 Jergathine devient la ville des Rois mercenaires. Elle commence à régner sur le monde.
5400 Jason (fils d’un petit roi agalanthéen), âgé de 15 ans, fait son service militaire à Jergathine.
5410 Jason tombe amoureux d’une prostituée shirade qui fut victime d’une razzia ordonnée par
l’un de ses capitaines. Jason se convertit.
5417 Jason devient prêtre de Mira, l’une des incarnations mineures de Shirad, symbole de la paix
et de l’amour. Il se proclame fils de la déesse et se constitue un panthéon personnel centré sur
Mira et sur un dieu inconnu, Æther. La paix et l’amour se gagneront par les armes !
5422 Début des six semaines de guerre civile à Jergathine entre les Shiradim esclaves et les
Agalanthéens. Construction du mur de Jason pour séparer la partie shirade de la ville de la
agalanthéenne. Devant l’arrivée des renforts, les Shiradim se rendent et trahissent Jason.
Jason survit à l’écartèlement et affronte le roi Pélorius dans un duel qui lui coûte la vie.
5432 Trois Martyrs escartes arrivent sur le continent du Nord et commencent à prêcher une
nouvelle religion vénérant Jason l’Escarte, Æther et Mira.
5450 Début des persécutions massives des adorateurs de la nouvelle religion par les Agalanthéens.
5564 L’Empire agalanthéen suffoque. Il est victime de nombreuses agressions de peuples barbares
et n’arrive plus à faire face. Le nouvel empereur se singularise par son incompétence et sa folie.
5588 Première apparition de Sarah, l’héroïne shirade.
5616 Sarah marche sur Carrassine.
5666 La vieille capitale de l’Empire agalanthéen, Thérème, est rasée par un tremblement de terre.
Les provinces encore sous le joug de l’Empire en profitent pour prendre leur indépendance.
5700 L’Occident adopte la nouvelle religion escarte. Jergathine est rebaptisée Sagrada.
5800 Naissance des nations occidentales sous leur forme moderne (Aragón, Dorkadie et Occidentine)
5987 Les troupes escartes débarquent sur Jazîrat pour récupérer la Mirabilis Calva Reliquiae (qui
se trouve à Sagrada/Jergathine).
5988 Les Escartes prennent la ville de Fragrance (un bastion agalanthéen).
5990 Carrassine tombe sous le siège mené par Siméon IV. Suleïman, alors sénéchal de Carrassine,
demeure introuvable. La même année, la reine Hélicandre de Sagrada refuse de se rendre et
de livrer la ville aux Escartes.
5994 Alliance entre les Escartes et les Saabi pour reprendre Sagrada. Les Escartes trahissent les
Saabi et mettent la ville à sac. Siméon met la main sur la Mirabilis Calva Reliquiae et vole
l’épée en pierre de lune de Muhammad Ibn Khalil Abd-Al-Salif.
5995 Départ de la Quête Sainte saabi vers l’Occident pour récupérer l’Épée de Muhammad.
5997, aujourd’hui Ainsi, à Jazîrat, au Capharnaüm, c’est le statu quo. Toutes les forces en
présence se toisent. Nombre d’Escartes sont restés pour faire fortune, recommencer leur vie,
imposer leur nouvelle loi. Une paix fragile est maintenue, mais chacun se demande quand
commencera la reconquête de la ville sainte par les forces jazîrati.

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Histoire

Cosmogonie nence et Utaax, le grand dragon qui la survolait inlas-


sablement. Un jour, par la volonté suprême, un œuf
immense naquit de leur union contre-nature. L’œuf fut
« Vous ne connaissez pas ce mot ? s’esclaffa le pré- recueilli et couvé pendant trois millénaires par Utaax
cepteur d’un air faussement étonné. Cosmogonie est qui attendait patiemment le jour de son éclosion.
un terme d’origine agalanthéenne qui signifie, à peu Mais Kryphtos se lassa d’attendre et commença à se
de chose près, naissance de l’univers. Mais ne vous retirer doucement. C’est ainsi que les premières terres
inquiétez pas, il est normal que deux jeunes gens tels apparurent. Sur ces contrées stériles, la vie s’anima.
que vous n’en aient pas encore entendu parler. » Les Les plantes, les animaux et bientôt les hommes y pre-
deux enfants, pas vraiment inquiets, n’en étaient pour naient place. Plusieurs civilisations y naquirent. Utaax
autant pas plus rassurés. observait tout ce remue-ménage de loin sans quitter
« Comme je vous l’expliquais, le seigneur votre père un seul instant son œuf. Il n’appréciait pas les hommes
m’a demandé de parfaire votre éducation sur les événe- et les civilisations que Kryphtos avait créés. Ces êtres
ments historiques de notre monde. Ma première leçon étaient mauvais, fourbes, avides et stupides. Utaax
s’intitule donc « cosmogonie », vous pouvez le noter. » décida donc de s’élever dans les cieux avec son œuf
Raskin Bar Nahmias était un homme âgé, d’origine shi- et de chercher un nouveau monde digne de sa progé-
rade. Il avait parcouru maintes contrées, rencontré de niture. » Raskin marqua une petite pause et s’assura
nombreuses personnalités, combattu plus souvent qu’à que son auditoire le suivait bien. Habib faisait filer son
son tour et avait connu le véritable amour. Mais tout calame sur son parchemin afin de ne pas perdre une
ceci était derrière lui désormais. Tandis qu’il épelait le miette du récit. Quant au plus jeune, Djabil, le cadet
mot aux deux jeunes garçons, il se remémora quelques d’Habib, à peine âgé de dix ans, il avait le nez en l’air et
fragments de sa vie. Il allait leur apprendre l’Histoire, semblait perdu dans ses pensées. Raskin estima qu’il
celles des grands hommes et des grandes batailles, mais était en train de s’imaginer l’immense dragon traver-
en ferait-il parti, lui, un jour ? sant les ténèbres à la recherche d’une terre d’accueil.
« Bien, reprit-il. Il vous faut tout d’abord savoir que Le précepteur était satisfait de lui, il avait réussi à cap-
l’origine de notre monde n’est pas une affaire simple. ter leur attention.
En effet, à l’époque personne ne savait écrire et les « Mais, malgré un millénaire de recherches, la quête de
événements étaient transmis par la parole, dit-il d’une Utaax demeura vaine, reprit posément Raskin. Le grand
voix claire. dragon décida alors de se sacrifier afin que son corps serve
—  Comme certaines tribus du désert ?  intervint à créer une nouvelle terre vierge, loin de la civilisation cor-
Habib, le plus âgé des deux élèves. rompue de Kryphtos. Ce nouveau monde naissant est
— Oui, reprit le Shiradi. Exactement comme cer- le nôtre. Peu de temps après, la coquille de l’œuf céda. Il
taines tribus jazîrati qui perpétuent la tradition orale. en sortit tout d’abord les dieux, Ioptis, Zamul et Néréa
Mais cela se complique, car les différents peuples n’ac- en tête. Ensuite vinrent les hommes, suivis par la faune
ceptent pas tout à fait la même version de l’origine de et la flore et tout ce qui compose notre monde. Le vieil
notre monde. Nous allons rapidement faire le tour de homme marqua une pause et regarda tour à tour Habib
ces récits et leurs nuances. » et Djabil droit dans les yeux. Après quelques secondes de
réflexion, l’aîné prit la parole.
Utaax et Kryphtos — Mais alors, maître, qu’est-il advenu des premiers
hommes, ceux créés par l’impatience de Kryphtos ?
«  En effet, pour les anciens philosophes agalan- Et qu’est-il advenu de ce monde ? demanda-t-il avec
théens, l’univers tel que nous le connaissons est à curiosité.
l’origine issu du néant. En ce temps-là, il n’y avait que —  L’histoire ne le dit pas, mais il est communé-
Kryphtos, une immense mer noire agitée en perma- ment admis chez les Agalanthéens qu’il existe un

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chapitre clio

autre monde, quelque part, au-delà de la vue des lu- qu’on dit, mais il dut retourner dans les cieux pour rem-
nettes des Chiromanciens.  » Habib hocha la tête et plir ses fonctions supérieures sans achever sa tâche. »
nota quelques mots sur son parchemin. Au fond de lui-même, le précepteur shiradi ne
croyait pas plus en la version saabi de la création du
monde qu’en celle des Agalanthéens. Il devait cepen-
La vision saabi dant reconnaître qu’elle avait le mérite d’expliquer,
Raskin Bar Nahmias fit glisser quelques doigts le d’une manière claire, l’existence des djinns. En effet,
long de sa barbiche blanchâtre, une manie trahissant ces derniers existaient bel et bien, il en avait lui-même
le fait qu’il était en train de rassembler ses idées afin rencontré à plusieurs reprises. Il reprit son exposé
de mieux les exposer. sans dévoiler la moindre de ses pensées à son audi-
«  Nous allons maintenant parler de la création toire captivé.
du monde selon votre peuple, les Saabi. En effet, ces «  Avec le retour de Mardûk dans les cieux, le
derniers ne se référent pas à la même explication que monde avait retrouvé son calme et pouvait enfin s’or-
les Agalanthéens. Pour les fiers guerriers nomades, donner. La voûte céleste, les étoiles, la terre, les enfers,
au départ rien n’était nommé, donc rien n’existait. furent formés à partir de la dépouille de Tiamat. Mar-
Sauf Apsou, représentant les eaux douces et Tiamat, dûk eut la charge de peupler le monde, il créa alors les
déesse représentant les eaux salées et prenant la forme hommes pour servir les dieux. L’Homme fut façonné
d’un grand dragon. De leur union naquirent les mille à partir d’argile trempée dans la chair et dans le sang
et un dieux, dont les principaux sont Houbal, Anou, d’un dieu sacrifié, lui conférant ainsi un peu de l’intel-
Malakbel, Enki et le dragon Mardûk, le protecteur ligence divine. »
de Carrassine. Anou règne sur le ciel, Malakbel sur la
terre et Enki sur les eaux. Mais les jeunes dieux, par
leur fougue et leur turbulence, empêchaient Apsou de
Shirad, le dieu unique
dormir. Celui-ci résolut de les détruire afin de retrou- « Passons maintenant à la dernière version qui me
ver le sommeil. Enki, apprenant cela, supprima Apsou soit parvenue. » En fait, Raskin Bar Nahmias connais-
et prit sa place, régnant ainsi sur toutes les eaux de la sait d’autres contes sur la création de l’univers. Il avait
terre. Puis c’est Anou, qui décida de s’en prendre à parcouru les contrées étranges et magnifiques de
son aïeule Tiamat. Pour se défendre, celle-ci engendra l’Orient. Il avait voyagé très haut dans le Nord vers les
toutes sortes de monstres. Enki envoya son fils Mar- étendues de glace. Il savait bien que ces peuples loin-
dûk affronter la déesse qui se trouvait pourtant être la tains avaient eux aussi leur propre récit sacré. Quand il
propre mère du dieu dragon. Après un long combat réfléchissait à tout cela, il se demandait si son peuple
dans les cieux, Tiamat fut vaincue mais, avant de mou- était bien détenteur de la vérité. Il se demandait même
rir, cette dernière eut le temps de libérer sur le monde si un seul des peuples de ce monde, quel qu’il soit, la
une horde de démons, que vous appelez djinns. connaissait finalement. D’ailleurs y avait-il une vérité ?
—  Des djinns ? intervint le jeune Djabil. Père m’a En définitive, il préférait ne pas trop y penser. « Les Shi-
dit que Mardûk était le plus fort de tous. Qu’il n’en radim et les Escartes ont en effet la même explication
avait pas peur et peu importait le nombre ! quant à l’origine de tout, reprit-il. Bien sûr quelques dé-
—  Oui, il a raison ! renchérit Habib. Mardûk ne tails changent, mais dans l’ensemble l’histoire est simi-
craint personne. laire. Donc, pour ces deux peuples, au commencement
— Votre père a raison les enfants. Mardûk descen- il y avait un dieu unique et très puissant. Mon peuple le
dit sur la terre ferme et se mit en quête des djinns, mais nomme Shirad alors que les Escartes le vénèrent sous
ceux-ci étaient très malins. Ils se sont répandus dans le le nom de Æther. Il commença par séparer la lumière
désert et se sont cachés dans les Mirages. Mardûk par- de l’obscurité, puis scinda le ciel et la mer et enfin les
vint tout de même à en exterminer un bon millier à ce océans et les terres. Après cela, seul un immense désert

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Histoire

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chapitre clio

existait. Shirad fit jaillir du sol aride une puissante co- Qui sait, peut-être que nous avons tous raison ou bien
lonne d’eau qui irrigua la terre et la gorgea de vie. Il fit tous tort. Retenez bien ce que je viens de vous dire,
pousser des plantes, croître des arbres pleins de fruits, car cela vous sera utile à maintes occasions, croyez-
se multiplier des animaux. Enfin, Shirad acheva son moi. » Sur ces paroles, le vieil homme se redressa et
œuvre en créant un homme et une femme. Il y mit tant fit quelque pas de retrait.
d’ardeur que ce fût la plus belle de ses créations. Les
deux êtres se connurent et eurent une descendance qui
elle-même eut une descendance et ainsi de suite. C’est Une pluie d’étoiles
ainsi que les humains se multiplièrent à la surface du « Il existe des corrélations entre les diverses croyances,
monde. Mais aussi parfaite fût-elle, sa création n’était des points communs qui donnent bien du souci aux phi-
pas immortelle. En effet, Shirad conçut le monde selon losophes et dogmatistes de tous horizons ».
des cycles, le jour et la nuit, les saisons, les années, la Toujours éloigné des enfants, Raskin s’était immo-
naissance et la mort. Mais quand les premiers humains bilisé pour prononcer ces mots. Il leur tournait tou-
succombèrent, Shirad regretta son choix et décida que jours le dos, mais entreprit de faire volte-face, un doigt
l’homme et la femme avaient droit à une autre vie, que levé vers le ciel.
la première était trop courte. Shirad décida alors d’un « La pluie d’étoiles…
autre monde, presque identique au premier à ceci près Oui ! s’écria Habib, la pluie d’étoiles ! Mère m’en a
qu’il y serait possible de se distinguer et de vivre éter- parlé plus d’une fois ! »
nellement. Le monde de l’au-delà n’est cependant pas Le vieux précepteur sourit et caressa un instant sa
accessible à tous. Il faut être élu par Shirad pour en faire barbe en se demandant s’il devait ajouter quelque
partie et seuls ses plus fervents serviteurs le sont. C’est chose d’amusant sur le fait qu’il s’agissait bien là d’une
pour cela que chaque Shiradi et chaque Escarte qui se «  histoire de bonnes femmes  », mais il se ravisa et
respecte essaie de mener la vie la plus vertueuse qui soit. continua son exposé.
Tous ont l’espoir d’avoir droit à une seconde chance. Et « Cette légende est commune aux Saabi et aux Shira-
qui sait, les enfants, si mon peuple a vu juste ? Vous bé- dim, mais on la retrouve aussi dans certains très anciens
néficierez peut-être, vous aussi, de cette opportunité. » contes agalanthéens… On m’a aussi parlé de manus-
Le précepteur adressa un large sourire aux deux enfants crits apocryphes escartes qui en feraient mention.
saabi. Il croyait fermement en cette seconde vie et fai- –  Apocryphe, c’est la fin du monde ? le coupa
sait tout ce qui était en son pouvoir pour en être digne. Djabil.
— Mère m’a expliqué qu’après la mort, notre esprit – Non mon garçon, tu confonds avec l’Apocalypse.
s’élève dans le ciel pour rejoindre les dieux et que là- Les textes apocryphes sont des écrits religieux que le
haut il est accueilli par Houbal, dit avec ferveur Habib. Magisterium ne reconnaît pas comme officiels. Bon,
— Oui, et même que si on a été un fier guerrier, un tout cela est complexe, concentrons-nous sur notre
Mudjahid, on aura la chance de chevaucher avec Mardûk, pluie d’étoiles et je vous libérerai pour aujourd’hui, je
et de posséder des vierges par dizaines ! compléta Djabil. vois que votre attention est éprouvée.
— C’est en effet ce que votre religion enseigne. Mais Dans chacune des grandes religions, on s’accorde à
si votre conviction va dans ce sens, il vous faut cepen- penser que durant les temps anciens, lors des affron-
dant connaître ce que les autres religions professent. tements primaires des dieux, les astres, par centaines,
En effet, le seigneur votre père est un grand diplomate chutèrent sur la terre. Les Agalanthéens pensent que
qui traite de nombreuses affaires très importantes avec lorsque Utaax découvrit notre monde, les forces cé-
tous les peuples de la région. Il espère, et c’est tout à lestes se manifestèrent et l’accueillirent de la sorte.
fait légitime, que vous marcherez sur ses pas et pour La chute des astres fut un cadeau fait aux peuples
cela, les enfants, vous devez vous ouvrir l’esprit. Je suis d’Utaax : l’orichalque. Certains Saabi pensent que la
intimement convaincu que la vérité n’est pas unique. pluie d’étoiles fut la chute des djinns sur terre, suite au

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Histoire

combat céleste qui opposa Mardûk et Tiamat. Quant à agalanthéennes. Mon dieu, ou les vôtres, ou bien ceux
nous autres Shiradim, nous pensons que jadis, il exista des Agalanthéens, ont jadis fait s’écrouler le ciel sur la
une première civilisation humaine et que Shirad dut terre.
la punir d’un grave péché. Il fit alors pleuvoir les astres Voilà, notre première leçon est terminée. J’espère
et ravagea le monde pour ne laisser leur chance qu’à que maintenant vous comprenez un peu mieux la
une poignée d’élus qui refondèrent la civilisation hu- complexité de notre monde. Demain, nous parlerons
maine. Bien que cela ne soit pas officiel, les Escartes de la grandeur de l’ancien Empire d’Agalanthe. Je vous
s’accordent avec cette version. » conterai les histoires de ses héros et je vous expliquerai
Raskin Bar Nahmias termina se phrase par un sou- pourquoi, aujourd’hui encore, bien des années après
rire, et continua : « Peu importe ce que nous disent les sa disparition, il est très important dans notre vie quo-
religions, les étoiles sont tombées, chacun le sait, on tidienne. Allez, maintenant vous pouvez prendre l’air
en trouve encore la trace dans les mines d’orichalques et retrouver vos jeux habituels. »

de l’Empire d’Agalanthe, reprit-il en s’éclaircissant la


La grandeur voix. Je suis sûr que vous en avez déjà entendu parler.
En effet, d’aussi loin que les premiers écrits connus re-
agalanthéenne montent, l’Empire d’Agalanthe régnait sur le monde.
Aujourd’hui encore, même dans les déserts, on re-
Le précepteur se rendit dans la bibliothèque que le trouve des vestiges de sa grandeur passée. »
seigneur Ketab Ibn Mussah Abd-Al-Hassan avait mise
à sa disposition afin qu’il professe ses connaissances à
ses deux fils. Les serviteurs du palais lui avaient dit que
Fondation de Thérème
les deux enfants l’y attendaient déjà. « D’après la légende agalanthéenne, tout commen-
«  Bonjour jeunes gens, dit-il en entrant dans la ça par la fondation de la ville de Thérème qui fédéra
pièce. J’espère que ma leçon d’hier vous a fait réflé- les diverses tribus barbares vivant dans la région. Il y
chir et que vous en avez au moins retenu quelques avait des groupes d’agriculteurs, des éleveurs et dres-
bribes... » Il posa la question bien qu’il fût sûr de la seurs d’animaux, des guerriers. À ceux-là s’ajoutèrent
réponse. Ces enfants avaient l’esprit vif de leur père les travailleurs de la mer qui à cette époque étaient
et le charme de leur mère. Il avait là deux bons élèves, les seuls à s’aventurer loin des côtes. Tout ce petit
peut-être même les meilleurs qu’il n’ait jamais eus. monde fut réuni sous l’autorité d’un seul et même
«  Aujourd’hui, je vais évoquer la glorieuse histoire roi : Agalanthe. Le territoire contrôlé se limitait alors

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chapitre clio

à l’enceinte de la ville et à quelques petits villages marche. Thérème commença son expansion. Progres-
proches. Ce sont ses successeurs légendaires qui ont sivement, les Agalanthéens affrontèrent leurs voisins et
fait de Thérème une véritable ville en la dotant d’une leur territoire s’agrandit. De plus en plus efficaces, ils
muraille, en aménageant les quartiers, les temples et continuèrent leur avancée aux quatre points cardinaux.
les palais. C’est aussi à cette époque que se développa Les côtes des continents voisins, puis l’intérieur des
et s’étendit la religion agalanthéenne. terres, tombèrent aux mains des Agalanthéens. Hardis,
— Mais que s’est-il passé avant ? demanda Djabil. ambitieux, ils se répandirent sur le grand Est. La guerre
— Nul ne saurait le dire mon enfant. Vois-tu l’his- de Lyoch, rendue célèbre par la littérature et le théâtre,
toire existe depuis que les dieux ont donné l’écriture n’est qu’un épisode parmi les milliers d’aventures qui
aux hommes. Avant cela, comment savoir ce qu’il s’est composent la légende de la République.
passé ? C’est ici que commence le calendrier, et c’est C’est à cette époque que les Agalanthéens décou-
ici également que débute l’histoire. Avant ce ne sont vrirent l’orichalque, un métal qui leur permit de
que des légendes. » concevoir des armes très puissantes. C’est aussi sous la
République, et non sous l’Empire comme le pensent
nombre d’ignorants, au VIIIe siècle, que les Théré-
La République agalanthéenne méens soumirent Jazîrat. C’est ainsi qu’ils marquèrent
Sans laisser le temps à Djabil de répliquer, Raskin à jamais le monde de leur culture !
Bar Nahmias enchaîna. « Quelques siècles plus tard, Évidemment, mes enfants, n’allez pas vous ima-
Agalanthe  XIV, dit le Superbe Tyran, fut le dernier giner que la République d’Agalanthe était une sorte
roi de Thérème. Jugé trop autoritaire et incompétent d’âge d’or politique et culturel où tout allait pour le
par son peuple, il fut chassé du pouvoir en 315. Les mieux. Comme dans toute civilisation prospère, il y
membres du Sénat, qui complotaient depuis quelques eut des convoitises, des mensonges, des abus… Les
années, en profitèrent pour instaurer un nouveau sys- élites connaissaient la richesse des butins, tandis que
tème politique alors totalement novateur  : la Répu- le peuple endurait un quotidien difficile. La Répu-
blique. L’autorité était alors aux mains de deux groupes blique qui doit son succès à un équilibre entre ses
d’individus. Le premier était composé de représen- différentes composantes sombra du fait de son expan-
tants de familles riches et puissantes et le second était sion trop brutale. Ses institutions, dimensionnées à
directement choisi par le peuple. Le conseil réunis- l’échelle d’une grande cité, se révélèrent inadaptées à
sant ces deux groupes se nomma le Sénat. Toutes les la gestion de ce qui était devenu un véritable empire
décisions nécessaires à la bonne marche de la ville lui démocratique. C’est ainsi qu’à partir de l’an 1500, les
incombaient. tensions se multiplièrent et des personnages par trop
— Ça veut dire qu’il n’y avait pas de roi ? Personne ambitieux firent leur apparition.
incarnant l’autorité suprême ? s’enquit Habib. — Je savais bien que ça ne pouvait pas marcher, dit
—  Non, il y avait bien une personne à la tête de Habib triomphant. 
ces conseils, mais celle-ci n’obtenait pas son titre par — N’en sois pas si sûr. Aucun système n’est parfait
le sang, elle l’obtenait par le mérite ! Il était choisi par et tous ont des défauts. Bien des rois ne furent pas à la
les autres membres du conseil. Vous trouvez peut-être hauteur de leur tâche, tu le verras par la suite. »
cette idée absurde, mais à mes yeux elle est séduisante.
Raskin laissa poindre un petit sourire énigmatique
au coin des lèvres et reprit sa leçon.
L’avènement de l’Empire
— Les débuts furent difficiles. La jeune République Le précepteur prit une profonde inspiration et
agalanthéenne fut déchirée par les conflits entre la continua son exposé. « L’Empire d’Agalanthe naquit
plèbe et les familles influentes. Mais après quelques an- avec l’avènement d’Antonicus Pachtius Maximus. Mé-
nées, les rôles s’équilibrèrent et tout se mit en ordre de nageant l’ordre sénatorial, il assit son pouvoir person-

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Histoire

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chapitre clio

nel. Grâce aux légions, il agrandit considérablement le trat et le prêtre suprême. En effet, l’empereur avait
territoire agalanthéen, et l’organisa en provinces. C’est une mission à remplir  : assurer l’harmonie entre les
ainsi que Jazîrat fut partagée en deux  : Exortivus au hommes et le ciel, être garant de la morale de son
nord et Kh’saaba au sud. peuple, contribuant ainsi à assurer son éternité.
Les siècles passants, les successeurs d’Antonicus — L’Empire d’Agalanthe, je connais, dit avec can-
Pachtius Maximus menèrent l’Empire agalanthéen à deur le jeune Djabil. On dit que c’était le plus grand
son apogée. Au XVIIIe siècle, la superficie de l’Empire de tous les empires et que c’est celui qui dura le plus
d’Agalanthe fut à son maximum. Thérème, avec près longtemps.
de deux millions d’habitants, était alors la plus grande — C’est tout à fait exact. Il dura pendant plus de
ville du monde. La paix et la stabilité apportées par quatre mille ans. Mais nous verrons comment tout ceci
l’Empire favorisèrent la prospérité. Partout dans le s’est terminé une autre fois. La leçon d’aujourd’hui est
monde connu, les provinces se développèrent et de finie, vous pouvez filer.
grandes cités fleurirent. — Hourra ! s’écrièrent en chœur les deux garçons. »
L’Empire d’Agalanthe était une théocratie. Bien Il ne leur fallut que peu de temps pour ramasser
plus qu’un roi, l’empereur était à la fois l’administra- leurs effets et quitter la bibliothèque à toute vitesse.
teur principal, le chef des armées, le premier magis-

L’héritage des Agalanthéens


La grandeur de la civilisation agalanthéenne a profondément marqué les régions périphériques et par-
ticulièrement Jazîrat. Sans le savoir, les Jazîrati utilisent quotidiennement plusieurs héritages datant des
conquêtes agalanthéennes.

Les langues
Chaque peuple possède sa propre langue. Ainsi, dans les rues de Sagrada on parle l’escarte, le saabi, le
shiradi et l’agalanthéen. Mais dans certains domaines, des langues se sont imposées comme outils. Ainsi,
les scientifiques, les théologiens et autres dramaturges parlent souvent l’agalanthéen entre eux. C’est une
langue ancienne, noble et difficile à comprendre. En revanche, les commerçants et politiques de tout poil
savent généralement se débrouiller en saabi qui, agrémentée de gesticulations et de mots importés des
autres langues au gré des marchés, est l’idiome consacrés aux échanges, aux tractations et à la négociation.

Le calendrier
Le calendrier place l’an 0 à la fondation de la ville de Thérème par Agalanthe. L’année est divisée en
quatre saisons (printemps, été, automne, hiver) de trois mois. Chacun des peuples donne un nom diffé-
rent à chaque mois. Ensuite, les mois sont fractionnés en trois décades (prime, seconde et tierce). Enfin,
chaque jour est fragmenté en vingt-quatre heures. Ce calendrier est donc basé sur les cycles astraux. Un
mois égale un cycle lunaire (trente jours) et une année égale un cycle solaire (360 jours).
Exemple  : le neuvième jour de la première décade du quatrième mois de l’année  5483 est noté ainsi  :
09-Prime-04-5483.
Dans tout Jazîrat, ce calendrier est respecté, à ceci près que les jours portent des noms tirés des
anciennes traditions saabi qui appelaient les jours par des éléments du dernier voyage des Prophètes.

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Histoire

« Ils campèrent dans un daya, remontèrent une sebkha jusqu’à un oued qui les mena au pied d’un djebel. Le
lendemain, ils s’engagèrent à nouveau dans une portion sableuse du désert de Feu, Aramla El-Nar. Le sixième jour,
Hassan dupa les djinns et sauva ses frères. Le septième jour, Salif négocia de la nourriture et nourrit ses frères qui
mourraient de faim. Le huitième jour, Tarek, qui fut le premier à voir la fin venir, se sacrifia pour offrir un sursis à
ses frères. Le neuvième jour est celui où Houbal leur apparut sous la forme d’un taureau ailé pour leur annoncer que
la fin était venue, que leur peuple serait grand. Enfin, le dixième jour ils arrivèrent à Kfar Nahum pour y mourir. »

Ainsi, les dix jours de la semaine sont-ils nommés, même par les Shiradim, aldaya, alsebkha, aloued,
aldjebel, alaramla, alhassan, alsalif, altarek, alhoubal et kfar nahum.

Système monétaire
Le système monétaire a largement été répandu dans les contrées conquises. Il a permis de stabiliser les
échanges, à développer le commerce, mais aussi à faire la propagande de l’Empire. De nos jours, ce ne sont
plus les profils des empereurs qui sont frappées sur les pièces, mais celles des différents rois de la région. Il
existe un système commun basé sur deux types de pièces, les talents d’or, les talents d’argent et les talents
de cuivre.
1 talent d’or (1 TO) = 10 talents d’argent (10 TA) = 100 talents de cuivre (100 TC)

Cependant, depuis la déchéance de l’Empire, les tribus nomades du désert, qu’elles soient saabi ou
shirades, utilisent généralement le troc pour leurs échanges. Néanmoins, les marchandises sont évaluées
selon un système basé sur les épices.
Une once de safran (za’faran) (1 OSa) = 10 onces de cumin (kammûn) (10 OCu) = 100 onces de
cardamome (hal) (100 OCa).
Il existe une concordance entre les deux systèmes, car une once de safran équivaut à un talent d’or et
une once de cumin équivaut à un talent d’argent.
1 TO = 1 OSa = 10 TA = 10 OCu = 100 TC = 100 Ca

Orichalque
L’orichalque est un métal — ou un alliage — mystérieux qui aujourd’hui a disparu. Les savants agalan-
théens le décrivent comme le métal le plus précieux après l’or. Sa solidité était extrême et sa grande mal-
léabilité permettait de composer des objets d’une finesse incomparable. Ses couleurs étaient changeantes.
Selon l’ensoleillement, il variait du bleu le plus froid qui soit au rouge carmin le plus intense. On dit aussi
que le trône de l’empereur était entièrement forgé en orichalque, que les colonnes et la coupole du temple
dédié à Utaax étaient incrustées d’argent et de ce même métal, alors que le pavement et les murs en étaient
couverts. Enfin, les armes en orichalque seraient les meilleures que la création ait engendrées. De nos
jours, il paraît que l’on trouve parfois de rarissimes objets en orichalque dans les ruines agalanthéennes.
Leurs prix sont extrêmement élevés et très peu de gens savent les reforger.

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chapitre clio

Poids et mesures
Distances
Le doigt : 2 cm (1/15 de pied).
Le pied : 30 cm.
La coudée : 45 cm (1,5 pied).
Le pas : 75 cm (2,5 pieds).
L’arpent : 150 m (200 pas).
La lieue : 4,5 km.
Les surfaces sont exprimées en coudée carrée, en pas carré et en acre (1200 m2).
L’arpent correspond à la portée moyenne d’une flèche. La lieue correspond à la distance moyenne par-
courue en une heure de marche.

Volumes
La cuillère : 1 cl.
Le gobelet : 10 cl.

Le setier : 50 cl.
L’outre : 1 l.
Le boisseau : 26 l.

Poids
Le scrupule : 1 g.
L’once : 27 g.
La livre : 500 g.

occupe le sud de l’île de Jazîrat. S’il existe de nombreux


petits royaumes caravaniers, plus ou moins inféodés à
Les Saabi Kh’saaba et à sa capitale Jergath-la-Grande, les Saabi
constituent à proprement parler la très grande majo-
Le lendemain, ce fut au tour de Raskin Bar Nahmias rité des Jazîrati, déclara-t-il en guise d’introduction.
d’attendre les enfants dans la bibliothèque. Quand ils Les premiers rois de Jazîrat connus sont ceux qui ré-
arrivèrent, il les salua, les invita à s’installer et com- gnaient sur un peuple nomade vivant sous les tentes
mença la leçon. « Aujourd’hui, dit-il, nous allons par- au fil du cheminement de leurs troupeaux. Il n’existait
ler des Saabi. Oui, nous allons considérer l’histoire de pas réellement de nation, mais bien des groupes divers
votre peuple, de ses origines à nos jours. » Il remarqua partageant une même foi et respectant l’autorité d’un
une certaine attention chez ses deux jeunes auditeurs. unique chef des tribus. Le premier roi de Jazîrat, celui
Qui n’est pas intéressé par sa propre histoire ? « Les par qui vinrent les préceptes fondateurs de la civi-
Saabi sont les habitants du royaume de Kh’saaba, qui lisation saabi, se nommait Aref Ibn Jeloul. Lui et ses

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Histoire

fidèles s’établirent sur un vaste plateau en altitude et aux terribles pirates des mers du Sud. Son autorité,
édifièrent les fondations d’une cité au début du VIIe comme son administration, furent affaiblies. Les Saabi
siècle. Cette région, extrêmement fertile, permit au natifs, autrement dit les Jazîrati comme vous deux mes
jeune royaume de commencer à se développer et à ga- enfants, se liguèrent alors contre le pouvoir en place.
gner rapidement une certaine puissance économique. En une poignée de semaines, les représentants de la
C’est de toute évidence pour cela que les Aga- République agalanthéenne furent massacrés et leurs
lanthéens jetèrent leur dévolu sur le royaume nais- familles chassées de la ville. C’est aussi à ce moment-
sant de Kh’saaba. Vers l’an  800, la province finit par là que le nouveau roi de Jergath-la-Grande, Ismet Ibn
tomber sous les assauts répétés des légions conqué- Sayed, cessa de verser le tribut aux Agalanthéens.
rantes agalanthéennes. Les administrateurs venus du Les historiens racontent que les descendants d’Is-
Nord transformèrent alors la ville bicentenaire, qui met Ibn Sayed réussirent à soumettre le reste de la
jusqu’alors n’était majoritairement faite que de frêles région montagneuse ainsi que la riche région noire de
bâtisses, en une véritable citadelle. l’Ouest qui se déchirait alors dans des guerres intes-
La légende fixe en 950 de l’ère agalanthéenne la tines. Les rois Adad Ibn Nerari et Salazar Ibn Assad
fondation de Jergath-la-Grande, le joyau du Sud. La durent affirmer leurs prétentions par les armes pour
ville que nous connaissons aujourd’hui est donc un repousser les ambitions agalanthéennes. Une poli-
très ancien centre urbain. Mais son éloignement des tique de contrôle du territoire et même de colonisa-
grands centres politiques lui a toujours permis de tion fut mise en œuvre autour de Kh’saaba et dans le
préserver une certaine indépendance. Elle apparaît à nord de la péninsule, qui devint peu à peu une pro-
l’époque comme une puissance politique assez faible, vince saabi. »
mais elle est une ville marchande majeure. Les com- Raskin marqua une courte pause, laissant le temps
merçants de Jergath-la-Grande entretiennent un ré- aux enfants d’enregistrer les informations qu’il venait
seau très étendu, qui leur permet de faire des échanges de narrer. La révolte saabi contre les Agalanthéens dé-
très fructueux avec les terres de l’Orient. Connaissez- montrait que les Jazîrati ne se laisseraient jamais sou-
vous Jergath-la-Grande ? Y êtes-vous déjà allés ? leur mettre et que le combat n’était jamais terminé.
demanda-t-il. » Le jeune Djabil fit non de la tête, mais «  En 1540, poursuivit Raskin, alors que la Répu-
son aîné prit la parole. « Oui, j’y suis allé une fois avec blique agalanthéenne avait laissé place à l’Empire,
Mère. Je ne m’en souviens pas bien, car j’étais jeune. le royaume saabi était à son apogée sous le règne de
Il y avait de hautes murailles, une foule très dense et Youssouf Ibn Marek. Celui-ci écrasa les légions pos-
bigarrée ainsi que diverses odeurs. On dit qu’à Jergath, tées au nord de la péninsule et réussit à s’emparer de
les saveurs du grand Orient croisent celles de l’Occi- Fragrance. Ces succès firent de Kh’saaba la deuxième
dent. Dites, est-ce que ceci est vrai maître Nahmias ? plus grande puissance de son temps. Mais le règne de
—  Ceci est parfaitement vrai Habib, rétorqua le ce roi s’acheva dans le chaos, et il mourut assassiné
vieil homme, le tableau que tu en dresses est très juste à la suite d’un complot ourdi à la cour de Jergath-la-
, je te félicite. » Grande. Après une crise dynastique, Kh’saaba fut
Il avait lui-même séjourné maintes fois à Jergath et affaiblie, et le nouveau roi fut vaincu et capturé par
il devait bien confesser que c’était la cité la plus envoû- les émissaires du nouvel empereur agalanthéen. À
tante qu’il eut la chance de visiter. la suite de nombreuses intrigues de palais, une nou-
velle dynastie occupa le pouvoir. Mais les rois saabi
furent dominés par les attaques incessantes des Aga-
La révolte des Saabi lanthéens, qui leur ravirent leurs possessions dans le
«  Quelques décennies après sa fondation, en nord en quelques années, et coupèrent leurs voies
l’an  1225, narra le Shiradi, l’administrateur agalan- de communication vers l’ouest. Le royaume saabi se
théen de la cité subit plusieurs lourdes défaites face replia autour de Jergath-la-Grande. »

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chapitre clio

La province du Sud administrateurs agalanthéens étaient donc de retour.


Ceux-ci parvinrent à restaurer, en la contrôlant, la
«  Passons maintenant à un autre volet important puissance saabi par la promulgation d’une série de
de l’histoire de Kh’saaba et des Jazîrati. Le royaume réformes. Ils renforcèrent de ce fait l’emprise sur les
saabi connut de sérieuses difficultés sous les règnes territoires dominés en remplaçant certains royaumes
successifs de la nouvelle dynastie. La domination vassaux par des provinces administrées directement
saabi sur les territoires proches restait faible, car elle par un gouverneur saabi. Ils refondirent aussi l’armée,
se traduisait seulement une allégeance et le verse- et remportèrent de grandes victoires.  » Raskin s’ar-
ment d’un tribut. La mainmise sur ces territoires pas- rêta, le temps d’avaler une gorgée de thé fragrantin,
sait par la répétition d’expéditions visant à affirmer qu’une esclave alfariqani à la peau d’ébène et aux ex-
la puissance saabi. En effet, ces derniers cessaient de trémités des seins percées d’anneaux d’or pur, venait
verser le tribut si la pression se relâchait. Malgré leur de lui servir.
volonté, les rois saabi furent incapables d’endiguer
ces difficultés, et perdirent une partie de leur autorité «  Cinq siècles s’écoulèrent sans remous majeurs,
face à la noblesse. Enrichis au cours des conquêtes reprit le précepteur, une situation qui profita au déve-
orchestrées par le pouvoir grand-jergathin, les nobles loppement de la province. En 2500, les porteurs des
saabi étaient en effet nombreux à s’être constitué un paroles sacrées, ceux que votre peuple révère autant
patrimoine important qui leur donnait un grand pou- que ses dieux, se réunirent au nord de Jazîrat. Personne
voir à la cour. Ces riches familles voyaient bien que ne connaît réellement les raisons du voyage de Has-
le royaume perdait énormément d’argent et qu’ils au- san, Tarek et Salif. Était-ce la volonté d’Houbal ? Était-
raient tout à gagner si Kh’saaba revenait dans le giron ce pour mener une quête sacrée ? Ou bien étaient-ils
de l’Empire d’Agalanthe. Ainsi, la majeure partie des simplement à la poursuite d’un djinn ? L’histoire ne le
familles nobles s’allièrent et ne participèrent plus à raconte pas. Toujours est-il qu’un vent terrifiant leva
l’effort de guerre. Pire, elles négocièrent la révélation le sable du désert contre eux et qu’ils durent se réfu-
d’informations stratégiques sur les mouvements des gier dans un village abandonné. Une horde d’esprits
troupes saabi et sur les défenses de Jergath-la-Grande démoniaques chevauchant les vents traquait vos Pro-
à l’ennemi agalanthéen en échange d’un droit de com- phètes ! Un terrible affrontement eut lieu qui mit fin
merce avantageux. à la vie des porteurs de paroles. Depuis, le village est
— Des traîtres parmi les nôtres ? s’offusqua Habib appelé Village des Consolations, Kapher Nahum, car
apparemment choqué. Comment cela est-il possible ? on dit que la mort des Prophètes consola les dieux
— Mon cher Habib tu apprendras par toi-même chagrins de ce qu’ils reprochaient aux mortels. Ce sa-
que l’homme reste homme en toutes circonstances. crifice assura, dit-on, la bénédiction des dieux à ceux
Qu’il soit saabi, agalanthéen, shiradi ou même es- qui suivraient la parole des trois Prophètes.
carte, il y a du bon et du mauvais au fond de lui. La Le Kapher Nahum, dont le nom se déforma avec
plupart d’entre nous commencent par se soucier de le temps, prit dans la langue jazîrati comme dans les
leur propre confort avant de se préoccuper de celui autres, le nom de Capharnaüm. Depuis, cette déno-
des autres. C’est ce qu’on appelle la nature humaine. » mination s’est étendue à toute la région du nord de Ja-
Habib, baissa la tête l’air renfrogné et son cadet en eut zîrat, celle que les Agalanthéens nommaient, de façon
l’air amusé. peu élégante avouons-le, Exortivus.
« C’est ainsi qu’en 1984, l’Empire d’Agalanthe at- Cette histoire, que vous connaissiez sûrement – les
taqua le royaume de Kh’saaba en assaillant les points deux enfants hochèrent la tête en signe d’approbation
faibles de sa ligne de défense. La monarchie s’effon- – est à l’origine des trois grandes tribus nobles, et des
dra et ses terres devinrent une province de l’Empire neuf clans qui les composent, qui existent encore de
comme elles en avaient été une de la République. Les nos jours. La société saabi commença alors à se réor-

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Histoire

ganiser autour de ce nouveau modèle et malgré l’ad- tenir, voire provoquer, des révoltes dans la province de
ministration agalanthéenne. L’autre événement im- Kh’saaba afin de l’affaiblir, mais ces factieux subirent
portant de cette période historique se situe au début chacun à leur tour une cuisante déconvenue.
de l’an 2900 : une petite tribu de nomades jusqu’alors Cependant, la situation interne de la province n’en
inféodée, les Shiradim, fut dans son intégralité réduite était pas pour autant très stable. La cour saabi connut
à l’esclavage. » En disant ces mots, le professeur eut quelques remous, notamment des assassinats et des
un pincement au cœur. C’était pourtant là bel et bien guerres civiles. De nombreuses rébellions se produi-
la réalité. Djabil sembla s’en rendre compte. Raskin sirent et durent être réprimées. Pendant ce temps la
Bar Nahmias se reprit, mais le cadet intervint. « Alors culture, l’art et la religion saabi se développèrent à pas
comme ça, maître, votre peuple fut l’esclave du nôtre ? de dragons. Les Agalanthéens laissèrent les Jazîrati
dit-il sans arrière-pensée.
—  C’est en effet ce qu’il
se passa, confirma Raskin.
— Ah, vous êtes donc un
peuple inférieur, se risqua
Habib en coupant la parole à
son cadet.
—  Le peuple inférieur
n’est-il pas celui qui se croit
faussement supérieur ? ré-
torqua instantanément le
Shiradi, habitué à ce genre
de remarque. J’espère que
mon enseignement vous
permettra de comprendre
qu’aucun peuple n’est dans
sa chair inférieur à un autre.
Certes il peut être moins
influent en nombre, en puis-
sance militaire ou commer-
ciale dans une aire géogra-
phique donnée. Mais aucun
homme ne vaut plus qu’un
autre par ses origines.  »
Après cette petite leçon de
morale, Raskin reprit le fil de
sa leçon. «  Tout le long du
troisième et du quatrième
millénaire, s’écoula une pé-
riode faste qui mena Kh’saa-
ba à un degré de puissance et
de culture jusqu’alors jamais
atteint. Certains grands
royaumes cherchèrent à sou-

25
chapitre clio

mettre en place leur propre système religieux et les vit son récit. « En 3536, sous l’impulsion de Mogda
aidèrent même à bâtir des temples à la gloire de Hou- Ibn Yussef, frère cadet du gouverneur de Jergath, les
bal. » Raskin se remémora sa propre visite du temple Shiradim, alors esclaves des Jazîrati, se soulevèrent et
consacré à cette divinité. À l’époque il était jeune et fuirent la province de Kh’saaba pour s’installer dans
avait pénétré le sanctuaire par curiosité. C’est d’ail- le Nord. Quelques années plus tard, ils fondèrent
leurs le seul défaut majeur que le Shiradi voulait bien Jergathine, leur cité libre, concurrente directe de Jer-
se reconnaître. Toujours est-il que ce jour-là, elle lui gath-la-Grande. À partir de l’année 4213, la puissance
valut quelques coups de bâton, car il eut la malchance commerciale de Jergathine s’accrut et les Saabi com-
d’interrompre le mariage de la fille aînée d’un chef mencèrent à mener des raids sur les caravanes qui
de tribu. Il préféra taire cette anecdote et poursui- transitaient par la cité shirade. »

La légende des Prophètes


Dans les temps anciens, vers le VIIe siècle de l’ère agalanthéenne, les premières tribus adoratrices de
Houbal choisirent un lieu dans les montagnes fertiles de la région de Kh’saaba pour se réunir une fois l’an
et consacrer leurs dieux. Certains se sédentarisèrent, et une ville-champignon naquit sous le règne de Aref
Ibn Jeloul. Les rares textes de l’époque permettent d’imaginer un âge d’or privé de contraintes écono-
miques, politiques et de rivalités religieuses.
Puis arrivèrent les soldats et les ingénieurs de l’Empire agalanthéen. En quête d’un site où bâtir leur
port d’attache sur la route de l’encens et de la soie, ils prirent possession du lieu de culte et réduisirent les
Jazîrati d’alors en esclavage. La science et le nombre aidant, les Agalanthéens purent se servir de leurs es-
claves comme de main-d’œuvre consommable, et les premières pierres d’une cité fantasmée au cœur d’un
paradis non mérité, furent posées. Non sans ironie, les envahisseurs donnèrent à la ville un nom jazîrati :
Jergath-la-Grande.
Cette cité idéale connaîtrait pourtant un destin funeste, car la terre qui l’accueillait avait été choisie par
les dieux jazîrati pour leur peuple, et seulement lui. Cependant, jugeant probablement indigne la faiblesse
de ses adorateurs, Houbal décida de les punir en les condamnant à près de vingt siècles de guerres vaines
et de soumission aux Agalanthéens. Perdant leurs terres, puis leur honneur, pour les reprendre et les perdre
à nouveau… L’histoire est celle que l’on connaît.
Puis vint le temps de rendre leur fierté aux Saabi. Ainsi Houbal décida-t-il que la région de Kh’saaba
devait revenir à ses adorateurs. Choisissant les trois plus grands guerriers de ce peuple, qui étaient aussi les
plus sages, les plus aimés de leurs proches et les plus habiles poètes, il créa la classe sacrée des Mudjahidin.
Ils se nommaient Hassan le juste, Salif le vagabond et Tarek le dévoreur. De leur chair, il se fit un corps ;
de leurs âmes, il fit son courage et sa passion. Recourant à son pouvoir divin, il enchanta, transcenda la
puissance inspirée de ces hommes, et put prendre forme dans le monde des humains. Houbal devint en
Jazîrat le dragon Jergath. De son souffle brûlant, il anéantit les troupes agalanthéennes occupant Jergath-
la-Grande, et en une nuit, il fit se dresser sur les ruines de la cité une nouvelle Jergath, la sienne. Cité divine
dont les milliers de tours élancées vers les cieux sont, dit-on, la cristallisation dans la pierre, de la foi, de la
bravoure et de la dévotion des trois hommes choisis par le dieu.
Mais tout n’était pas terminé. Après avoir donné à la cité une identité typiquement jazîrati, et après avoir
rendu leur fierté à ses adorateurs, le dieu ne leur rendit pas pour autant leur liberté, cela, ils devraient le

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Histoire

gagner ! Très vite, les troupes agalanthéennes en poste dans le Sud convergèrent vers la cité vidée de ses
maîtres et réinstallèrent leur pouvoir entre les nouveaux murs.
Houbal-Jergath confia alors aux trois élus la mission d’unifier le peuple jazîrati et de lui offrir la force
d’entrer dans la légende des siècles. La cité divine serait le symbole de leur promesse de grandeur et ils
devraient œuvrer pour que le peuple naissant, les Saabi, la mérite suffisamment pour un jour la posséder.

Kh’saaba devint le premier grand royaume caravanier. Une partie serait nomade et parcourrait le désert
en se fortifiant jusqu’à pouvoir un jour reprendre la cité divine et libérer leurs frères de l’emprise agalan-
théenne. Hassan offrit le trône à son frère Malik, puis demanda à son ami Mussah de lui servir de conseil-
ler et à son cousin Rachid de les protéger tous deux. Les descendances et leurs proches perpétueraient ces
missions. Salif fonda la première guilde royale qui formaliserait un jour les lois du commerce sur la grande
île de Jazîrat. Il demanda à Yucef de présider cette guilde et à Aziz d’en défendre les caravanes. Enfin, Salif
demanda à son plus jeune neveu, le curieux Khalil, de partir découvrir le monde au-delà de l’île et d’y
propager la sagesse des dieux.
Tarek, qui contrairement à Hassan et Salif n’était pas issu de l’ancienne noblesse jazîrati, voulut prou-
ver que sa foi, sa bravoure et sa dévotion étaient aussi estimables que celles des autres élus de Houbal. Il
choisit les trois pires bandits de sa tribu, des pillards sans foi ni loi, et il passa neuf jours et neuf nuits à
dialoguer avec eux. Il leur demanda ensuite de se répandre sur toute l’île de Jazîrat, dans le désert et au-
delà, pour y répandre la parole des dieux, et égorger les impies. Tufiq, Mimoun et Mustafah s’acquittèrent
grandement de cette mission.
Plus de vingt siècles s’écoulèrent encore ainsi. Jergath était gouvernée par les Hassanides et leurs
proches sous l’égide agalanthéenne tandis que dans le désert, peu à peu, les adorateurs des 1001 dieux se
multipliaient et gagnaient en puissance à mesure que l’Empire, lui, s’acheminait vers sa chute.

Hassan, Salif et Tarek avaient quitté le royaume de Kh’saaba et n’y revinrent jamais. Ils parcoururent
Jazîrat pendant de nombreuses années, prônant le message de paix et de sagesse de leurs dieux. Ils affron-
tèrent mille dangers et traquèrent les entités ennemies des divinités jusqu’aux frontières de la damnation.
Certaines paraboles les disent encore en vie ; d’autres prétendent que la folie sacrée qui les animait a fini
par les transformer en génies du mal. Enfin, d’aucuns pensent qu’ils sont encore de ce monde, dans le
sommeil mystique des Mudjahidin, et qu’ils reviendront bientôt pour unifier une nouvelle fois les tribus
et renvoyer chez eux les insoumis de tous horizons. Tous s’accordent à dire qu’ils quittèrent la réalité de
ce monde d’une façon ou d’une autre en donnant son nom au Capharnaüm en l’an 2500. Ils y scellèrent
aussi, dit-on, bien plus que l’avenir de Kh’saaba : celui de Jazîrat.

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chapitre clio

Le retour à la souveraineté pé à l’écart, car il partit vers l’est afin de trouver des
terres plus arables. De par cet éloignement qui dura
«  Au début du cinquième millénaire, l’Empire plusieurs générations, les Shiradim développèrent
d’Agalanthe commençait sérieusement à montrer leur propre religion, basée sur la croyance en un dieu
des signes de faiblesse et le déclin était proche. Les unique nommé Shirad, qui leur promet la Terre des
provinces éloignées du centre de l’Empire com- Justes après leur mort. Quand les Shiradim revinrent
mencèrent à se soulever et gagnèrent de plus en plus sur Jazîrat pour s’y installer, vers l’an 2600, ils furent
d’autonomie. C’est ainsi qu’en 5050, la province aga- chassés de leurs villages mis à feu et à sang par les
lanthéenne de Kh’saaba redevint le royaume souve- troupes de l’Empire d’Agalanthe. Les Shiradim se re-
rain de Kh’saaba. À partir de cette date, les pressions trouvèrent alors mêlés aux Saabi sous domination aga-
contre Jergathine se firent de plus en plus insistantes. lanthéenne. Ils vécurent donc au cœur des cités jazîra-
Un siège interminable fut même tenu de 5180 à 5230. ti telles que Jergath-la-Grande. Au début tout se passa
Cinquante années de guerre auxquelles les troupes bien, mais peu à peu, du fait de leur religion différente
de mercenaires agalanthéens appelées en renfort par — et peut-être, il me faut bien l’admettre, de leur arro-
les Shiradim mirent fin en repoussant l’armée saabi gance d’être assurés de détenir la vérité de Shirad —
jusqu’aux portes du désert. Voilà, nous allons nous les Shiradim se mirent à dos les Saabi qui jusqu’alors
arrêter ici pour aujourd’hui. C’est un moment très s’étaient montrés tolérants. Les Saabi avaient en effet
important pour les Shiradim, les Agalanthéens et les assimilé Shirad comme l’un des aspects de leur dieu
Saabi, mais avant d’entrer dans les détails, je vous par- suprême, Houbal, ce qui avait facilité bien des situa-
lerai demain de mon peuple, les Shiradim. À chaque tions.
jour suffit sa peine, je vous libère pour aujourd’hui. » Les provocations des Shiradim insoumis provo-
Quelques minutes plus tard, alors que Raskin Bar quèrent une guerre civile. Mais les adorateurs de Shi-
Nahmias s’apprêtait à quitter le palais, il vit venir le rad étant inférieurs en nombre, et les Agalanthéens
jeune Habib à la course. « Maître Raskin, dit-il tout s’étant rangés du côté saabi, ils furent vaincus et ré-
essoufflé, je voulais m’excuser pour mes propos de duits en esclavage en 2954. » Les deux frères s’échan-
tout à l’heure.  » Raskin en fut sincèrement touché. gèrent un bref regard et aucun des deux n’osa inter-
Il passa une main bienveillante dans les cheveux de venir après la remontrance de la veille. Ils en avaient
l’enfant et dit : « Ce n’est rien, va. Des hommes plus parlé le soir même à leur père et celui-ci avait donné
âgés que toi le pensent sans oser le dire. Je préfère lar- raison au vieux précepteur. Raskin remarqua que les
gement ceux qui, comme toi, le disent sans le penser enfants étaient gênés, mais continua son récit.
vraiment. » Et sur ces paroles, il s’en alla.

La libération
Les Shiradim «  Pendant plus de cinq siècles, les Shiradim vé-
Pour sa quatrième leçon, Raskin Bar Nahmias avait curent comme des esclaves dans les cités saabi. En ce
de la matière première à revendre. Il allait parler d’un temps-là, dans les années 3530 dit-on, Mogda vivait
sujet qui lui tenait particulièrement à cœur. Il allait au palais. Il était le frère cadet du gouverneur de Jer-
parler de l’histoire, parfois belle, souvent cruelle, de gath-la-Grande. Mogda dirigeait les grands chantiers
son peuple. Quand Habib et Djabil arrivèrent, ils sen- du royaume, il était souvent au contact des Shiradim
tirent tout de suite que le Shiradi tenait tout particu- qu’il commandait. Ses détracteurs disent qu’il était
lièrement à cette séance. Il les avait fait quérir plus tôt dévoré d’ambition et que prendre la place de son
qu’à l’habitude et commença sans préambule  : «  À frère l’obsédait jour et nuit, mais celui-ci était trop fin
l’origine, débuta-t-il, les Shiradim étaient un peuple politicien pour se laisser prendre dans ses tentatives
issu des tribus jazîrati, mais celui-ci s’est dévelop- d’intrigues ou de pièges. Ils disent aussi qu’il en vint

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bientôt à considérer les esclaves shiradi comme sa — Et son frère laissa ainsi s’enfuir ses ouvriers sans
seule chance de fonder son propre royaume. En effet, rien faire ? s’enquit Habib.
les Shiradim étaient un peuple industrieux, solidaire, — Ta remarque est judicieuse. Quand il apprit que
capable de grandes choses, mais limité par son escla- ses esclaves étaient en train de quitter la région, il ordon-
vage. Nonobstant, Mogda prit petit à petit leur défense na à son armée de leur couper la route et de les ramener
publiquement, parvenant par son influence à leur obte- sans ménagement. Mais à peine ses soldats atteignirent-
nir de nombreuses libertés, et finit par s’en faire appré- ils les premiers sables du désert qu’une terrible tempête
cier. Ses efforts pour gagner la sympathie des asservis de sable se leva et leur barra la route tout en effaçant les
lui aliénèrent en revanche la cour de son frère. traces des fuyards. Mais revenons-en à Mogda si vous le
Banni du royaume, Mogda se convertit à la religion de voulez bien. Cet homme était aussi très important d’un
Shirad et proposa de guider les Shiradim vers le nord, où point de vue religieux, car, dit le Shiradi avec la plus
ils pourraient fonder leur propre pays d’hommes libres. grande des convictions, ce fut également lui qui, suite à
C’est précisément ce voyage qu’ils entreprirent en 3536 et une illumination divine, comprit que tous les dieux du
qu’ils nomment Et Gadol Galout, le Grand Exil. monde ne sont que les différentes Faces de Shirad, et
Non sans ironie, les Shiradim s’installèrent sur la que celui-ci était certes le seul dieu unique, mais rendu
terre immortalisée par les Prophètes de leurs persécu- multiple par sa complexité. »
teurs : le Capharnaüm !

Les relations entre Agalanthéens et Shiradim


Nombreux sont les historiens à s’interroger sur l’attitude des Agalanthéens à l’encontre du peuple de
Shirad. En effet, lorsque ce peuple fut soumis par les Saabi en 2954, l’Empire d’Agalanthe, dont Kh’saaba
n’était alors qu’une province parmi d’autres, donna son accord à cet assujetissement et le favorisa même.
Pourtant, les Agalanthéens n’empêchèrent pas, six siècles plus tard, le Grand Exil, laissant à ce peuple dont
ils avaient cautionné l’infériorité et la soumission, l’occasion de s’émanciper et de devenir une puissance
de plus sur Jazîrat.
La vérité se perd dans les siècles écoulés. Il est vrai que les traces écrites relatant le Grand Exil sont rares
dans les archives agalanthéennes et que nul ne peut réellement dire comment cela s’est réellement passé.
Des phalanges agalanthéennes se sont-elles opposées à Mogda ? Ont-elles été vaincues ? Shirad est-il inter-
venu pour aider son peuple à atteindre sa terre promise ?
Dans les universités, on se perd encore en conjectures sur le sujet et cela n’est visiblement pas près de
s’arrêter : pourquoi avoir laissé les Shiradim fonder Jergathine si près des îles d’Agalanthe ? Comment cette
puissance économique a-t-elle pu émerger alors que l’Empire se trouait au faîte de sa puissance ? Cela
servait-il un intérêt divin supérieur ?

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chapitre clio

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rèrent de Jergathine ! Ils réduisirent à nouveau les


Le temps de la prospérité Shiradim en esclavage. L’avenir du peuple de Mogda
Le précepteur ne s’étendit pas sur le concept unique s’annonçait bien sombre. »
de Shirad, car il ne voulait pas faire preuve de prosély-
tisme et préféra continuer son histoire. « Contre toute
attente, les Shiradim atteignirent le Nord et Mogda y Jason le sauveur
fonda Jergathine en 3588. Le peuple de Shirad dut tra- «  L’Empire agalanthéen faiblissant, et les tribus
vailler dur pour rendre ces terres cultivables. Au bout shirades libres du désert exerçant une forte pression
de quelques décennies, la ville prospéra grâce à la vo- commerciale, les Shiradim des cités du nord pas-
lonté sans faille du peuple shiradi. Les Shiradim tom- sèrent d’esclaves à citoyens de seconde zone, libres,
bés amoureux du désert s’y installèrent et créèrent des mais n’ayant pas le droit d’exercer de profession en
caravanes marchandes, s’emparèrent d’oasis impor- rapport avec la politique ou l’armée. Néanmoins, ils
tantes et devinrent une puissance majeure de l’Aramla redevinrent une puissance économique incontour-
El-Nar, le grand désert jazîrati. Le commerce florissait nable, grâce à leurs frères du désert. Puis, en 5410,
et, en 4213, les premières guildes marchandes firent apparut Jason, le soldat qui se retourna contre les siens
leur apparition. C’est à ce moment-là que la richesse en répondant à une soudaine inspiration divine. Les
des Shiradim commença à intéresser les Saabi. Les Shiradim modestes virent en lui un sauveur qui leur
raids se firent de plus en plus nombreux et de plus en rendrait leurs cités et les riches et puissants pensèrent
plus violents. En 4450, le puissant général Yassine Bar surtout à se servir de lui pour reprendre les rênes du
Shimon fonda sa propre cité, Fort Yassine, qui se dit pouvoir. Mais l’histoire leur échappa, notamment
Kar Yassine dans ma langue et qui devint ensuite Car- à cause de la nouvelle religion prônée par Jason qui
rassine, la ville où nous nous trouvons en ce moment menaçait leur position. Finalement, ils décidèrent de
même. À l’origine, la ville était un redoutable bastion trahir ce héros du peuple, aussi arrogant qu’enflammé,
militaire assurant la protection de Jergathine et des en le livrant aux Agalanthéens, espérant s’attirer leurs
contrées avoisinantes. faveurs. Peu après la disparition de l’agitateur Jason et
— C’est pour cela alors que Carrassine est entourée la répression agalanthéenne qui s’en est suivie, les Shi-
par cette impressionnante muraille en étoile ? deman- radim parvinrent à se réaffirmer. Profitant des troubles
da avec curiosité Djabil qui avait l’habitude de courir provoqués par ceux qui avaient épousé le culte du
sur les remparts quand il arrivait à se soustraire de la jeune soldat, ils purent négocier une partie de leurs
surveillance de ses parents. droits et de leurs biens.
—  Oui, c’est pour cela. Carrassine a été conçue Cependant Jason est bien plus important que cela,
comme une forteresse. Certes la place commence nous en reparlerons demain. Aidés par les tribus shi-
à manquer à l’intérieur, mais la ville n’a jamais été rades du désert, ils voulurent étendre leur pouvoir et
prise par la force. Mais nous verrons cela un peu plus reprendre un symbole fort pour eux : Carrassine, fon-
tard. Pour l’heure, revenons en 5180. La guerre éclata dée par un héros de leur peuple. » Raskin sourit à l’in-
avec le royaume de Kh’saaba qui venait de retrouver tention des enfants. « Vous voyez, on y vient. » Les
son indépendance comme nous l’avons vu durant la enfants lui retournèrent en un double large sourire la
leçon les concernant. Les Saabi tentèrent d’assiéger marque de sympathie. « En 5588, reprit-il, Sarah Bat
en vain la ville de Jergathine et comme ils étaient plus Caleb, une héroïne shirade, se révéla. Sarah était une
nombreux et mieux préparés, les Shiradim durent guerrière du désert, guidée par la voix de Shirad et
faire appel à des mercenaires agalanthéens pour ne déterminée à libérer son peuple. Elle fut suivie avec
pas connaître une défaite inéluctable. Mal en prit aux enthousiasme par les plus rudes des combattants shi-
adorateurs de Shirad, car une fois les Jazîrati chassés radim. Sarah était une femme issue des tribus, ayant
jusqu’au désert, en 5280, les Agalanthéens s’empa- fait un pèlerinage dans le désert. Elle disait avoir en-

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chapitre clio

tendu la voix de Shirad, lui demandant de reprendre puis le départ des Escartes adorateurs de Jason, la ri-
Carrassine, dans laquelle repose un symbole de l’Al- chesse des marchands shiradim a permis de rebâtir en
liance entre le dieu et son peuple : les armes de Yas- grande partie la ville. En conséquence de quoi les Shi-
sine Bar Shimon. Prenant la tête de plusieurs tribus radim sont désormais considérés comme des citoyens
et de ceux des citadins de Sagrada qui acceptèrent de à part entière, même si plusieurs siècles de préjugés
la suivre, elle marcha en 5616 sur la ville mercenaire ne s’effacent pas aussi simplement... » C’est sur cette
autrefois créée par le général shiradi et dont la richesse pensée que s’acheva la leçon du jour de maître Raskin
rivalisa avec Jergathine et Jergath. Là où Jason ne fit Bar Nahmias.
que défendre son propre intérêt et donner naissance
à une nouvelle religion, Sarah rendit leur fierté aux
Shiradim et leur permit même de ravir l’une des villes Les Escartes
principales du Capharnaüm. À la vue de l’armée qui
«  Vous souvenez-vous de Jason ?  attaqua directe-
campait à sa porte, Archemon le Modéré, le dirigeant
ment le précepteur pour sa nouvelle leçon, celle sur
de Carrassine, décida de parlementer. Il fut reçu par
les Escartes. Nous en avons un peu parlé hier. Eh bien
Sarah sous sa tente et ils parlementèrent durant toute
aujourd’hui, je vais vous en parler plus en détail, car
la nuit. Archemon accepta finalement que les Shira-
je vais vous conter l’histoire des Escartes. » Les deux
dim redeviennent les dirigeants majoritaires de la cité,
élèves n’étaient pas passionnés par le sujet. Ils auraient
à condition que Sarah l’épouse pour sceller cette nou-
certainement préféré être dehors à l’heure qu’il était.
velle alliance.
En effet, il y avait de l’agitation au sein du palais ; une
— Mais que lui a-t-elle dit pour le faire céder ? de-
délégation de chevaliers escartes était annoncée. Ils
manda le plus âgé des deux frères.
auraient aimé les voir arriver. Mais leur père, qui de-
— Personne ne le sait, mon cher Habib. C’est le se-
vait s’entretenir avec les plénipotentiaires, s’était mon-
cret des femmes que de soumettre les hommes à leur
tré ferme : les enfants assisteraient au cours de maître
volonté. La vie se chargera de te l’apprendre à tes dé-
Raskin Bar Nahmias. «  Il y a presque six siècles, en
pens, conclut-il avec malice. Quoi qu’il en soit, pour-
5410 exactement, enchaîna le professeur, un homme
suivit-il, la lignée de Sarah occupe depuis ce jour un
prétendit rendre Jergathine aux Shiradim. Il s’appe-
siège au gouvernement de la ville, où sa voix compte
lait Jason et était le fils d’un roi mineur agalanthéen.
double. Sarah Bat Caleb devint une référence intellec-
Jeune homme violent à tendance rebelle, il fut intégré
tuelle pour de nombreux penseurs de l’époque, défri-
aux rangs de l’armée de Jergathine à l’âge de quinze
chant et modernisant le culte shiradi, y insistant sur
ans. Après avoir été surnommé le fléau de Shirad —
le rôle de la femme. Celle qui aura longtemps attendu
il organisait des raids de soldats dans les quartiers
un enfant finit par accoucher à 108 ans d’un garçon,
et villages shiradim, avec force viols et pillages — il
et se retira, plus tard, dans le désert pour laisser son
devint un jour, contre toute attente, leur guide. En
fils s’affirmer. Celui-ci fonda une nouvelle lignée de
effet, dix ans plus tard, Jason tomba amoureux d’une
prêtres et confia l’exécutif à son cousin qui devint
prostituée shirade, mais celle-ci fut tuée dans une raz-
roi de la cité-État de Carrassine. Depuis la ville est
zia ordonnée par l’un de ses capitaines. Tout changea
administrée par mon peuple, une loi disposant que le
alors pour lui. Il ouvrit les yeux sur le mal qu’il per-
premier conseiller au moins soit un Shiradi. Comme
pétrait depuis des années, et sur la réalité de la nature
vous le savez, Carrassine est une cité hétérogène. Elle
humaine. À ses yeux, tous les hommes étaient égaux et
a été fondée par un Shiradi, mais son histoire a été
méritaient l’amour mutuel. Selon la religion shirade,
très mouvementée, au gré des caprices du commerce,
à laquelle il se convertit en 5417, Jason devint prêtre
ainsi que des affres des guerres évidemment, des mer-
de Mira, aspect féminin de Shirad, incarnant les ver-
cenaires d’origines variées sont venus la peupler. Du
tus de paix et d’amour. Mais pour le jeune prêtre, ces
côté de Sagrada — anciennement Jergathine — de-
valeurs devaient se conquérir. À la force du glaive et

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de la voix, Jason gagna la confiance de certains Shi- lorsque sonna l’heure de l’affrontement, les troupes
radim extrémistes qui, à ses côtés, conférèrent à Mira de Jason se replièrent au dernier moment, le trahissant
l’image d’une déesse conquérante. Le jeune soldat au regard de tous. Seule une poignée de fidèles, qu’on
devenu prêtre s’inventa un père divin, Æther, dieu nommerait par la suite les Martyrs de Jergathine, resta
tout-puissant dont personne avant lui n’avait jamais à ses côtés. Jason fut pris. Ses hommes et lui furent
parlé, représentation guerrière de notre Shirad. Il se écartelés le lendemain à l’aube. Tous moururent sauf
prétendit aussi fils de la déesse Mira et la mit au pre- Jason qui, par la force que lui donne sa mère Mira dit-
mier plan de son panthéon personnel, au côté d’Æther. on, parvint à empêcher les chevaux de s’écarter suf-
Mira la déesse shirade de la paix et de l’amour, une des fisamment pour lui arracher les membres. Pendant
Faces de Shirad existe aussi dans le panthéon saabi et, huit heures il résista au supplice. La foule se lassa et les
pour certains, dont je fais partie, elle est assimilable à chevaux s’épuisèrent. Devant le fiasco de l’exécution,
Néréa, déesse de la lune, de la fertilité et des voyages Pélorius dut se résoudre à le faire ramener en cellule.
maritimes chez les Agalanthéens.  » Les deux frères Jason survécut à l’écartèlement. Pour tous il était dé-
écoutaient d’une oreille distraite. Dans le couloir, on sormais Jason l’Escarte. »
entendait les pas de la délégation
escarte qui résonnaient sur les dalles
de marbre rose. Raskin haussa la
voix pour couvrir le bruit de fond
et interpeller les garçons. « Jason fit
son chemin, continua-t-il, menant
son groupe de fanatiques, il libéra
les quartiers shiradim et mit la ville à
feu et à sang. La capitale connut une
guerre civile de plusieurs semaines,
un siège intérieur permanent. Un
mur fut alors construit, séparant
la ville des esclaves de celle des
Agalanthéens. Aujourd’hui, on le
nomme encore « le mur de Jason ».
En 5422, après six semaines de
guerre, les chefs de la communauté
shirade reçurent la visite d’un mes-
sager. Celui-ci apporta une missive
émanant du roi Pélorius de Jerga-
thine  : des forces armées arrivaient
en renfort depuis le continent ; dans
trois jours, les forces agalanthéennes
reprendraient la ville, laissant des
milliers de morts derrière elles sans
chercher à savoir s’ils avaient partici-
pé ou non à la révolte. Pélorius récla-
ma qu’on lui livre Jason en échange
de la paix et de la grâce de tous les
autres révoltés. Trois jours plus tard,

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chapitre clio

Le duel qui scella le le roi Pélorius se retirèrent alors dans le palais pour
s’affronter. Le jeune monarque vainquit Jason, ce qui
destin des peuples confirma qu’aux yeux de Shirad, les Shiradim devaient
rester des esclaves. Cela dit, Pélorius périt peu de
«  Pélorius reconnut alors que la survie de Jason
temps après le combat, des suites de ses blessures. Le
était manifestement la volonté des dieux et décida de
corps décapité de Jason fut envoyé à Jergath-la-Grande
lui accorder une faveur. » Raskin avait enfin réussi à
pour montrer aux Saabi le sort que la puissance aga-
capter pleinement l’attention des enfants. Ils étaient
lanthéenne avait réservé aux impudents. Son crâne fut
désormais accrochés à ses lèvres et voulaient plus que
envoyée aux chefs de la communauté shirade avec le
tout connaître ce que demanda Jason. Le précepteur
message suivant : « Voici Jason, fils des dieux, prince des
le sentit et ne les fit pas plus attendre. « Dès lors, dit-
Shiradim ». Par ce message, les Shiradim comprirent
il d’un ton complice, le miraculé put réclamer la libé-
que l’accès à la liberté leur était impossible.
ration du peuple esclave ; mais celui-ci l’avait trahi. Il
— Pourtant, vous êtes libres maintenant, affirma le
choisit de combattre Pélorius en duel. S’il gagnait, il
petit Djabil.
deviendrait roi de Jergathine et libérerait son peuple.
— Certes, mais pour les Shiradim de l’époque, ce
S’il perdait, ce serait une preuve que Shirad et Mira
fut un réel coup dur, et tous se résignèrent. Mais ne
l’avaient abandonné, qu’il ne devait pas régner et que
nous écartons pas du sujet. Aux yeux du monde, Jason
les esclaves shiradim devaient rester soumis. Jason et

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Histoire

était celui qui n’a survécu à l’écartèlement que pour


pouvoir mourir en tuant le tyran et en écrasant de fa- L’histoire récente
çon symbolique l’oppresseur agalanthéen. Les années
qui suivirent la mort de Jason virent une révolution La chute de l’Empire
culturelle se produire : en 5432, trois martyrs escartes
survécurent au supplice et gagnèrent le continent, agalanthéen
d’abord au nord, puis à l’ouest, où ils prêchèrent la foi Pour sa dernière leçon sur l’histoire de notre
en Jason et en sa mère Mira. Puis, en 5450, les Escartes monde, Raskin Bar Nahmias demanda aux deux en-
commencèrent à s’organiser et à fédérer de plus en fants de l’attendre dehors dans la cour du palais. Les
plus de fidèles. Les Agalanthéens, déjà sur le déclin, enfants, intrigués par cette consigne, en étaient aussi
décidèrent d’endiguer cette contagion en ordonnant très excités. Quand ils arrivèrent dans la cour, le pré-
des persécutions massives. Mais le mal était fait. En cepteur s’y trouvait déjà. Il les invita à le suivre jusque
5666, Thérème, la capitale de l’Empire d’Agalanthe, dans le petit verger et commença à marcher. « Vous
fut rasée par un terrible tremblement de terre. Et vers vous demandez sûrement pourquoi je vous ai fait ve-
5700, la religion escarte qui croit en la Sainte Trini- nir ici. Eh bien, aujourd’hui nous allons reparler des
té Æther, Mira et Jason, s’imposa comme la religion Agalanthéens ; je vais vous expliquer comment ils ont
officielle des provinces d’Occident. Connue pour disparu. Mais les savants agalanthéens avaient pour
être la cité qui vit s’élever Jason l’Escarte, Jergathine habitude de donner leurs leçons en extérieur et en
devint une cité sainte qu’il fallait conquérir. Dès lors marchant. Je fais donc ceci pour leur rendre hommage,
les Escartes lui attribuèrent un autre nom : Jergathine si vous n’y voyez pas d’inconvénient. » Les deux gar-
devint Sagrada, la cité sacrée, un nom plus significatif çons n’en voyaient aucun. « De l’autre côté de la mer,
pour leur religion. plein nord, reprit le Shiradi, se trouvent les restes de
Il y a deux siècles, vers 5800, les anciennes pro- l’Empire d’Agalanthe aujourd’hui en totale décom-
vinces d’Occident récemment converties devinrent position. Évidemment, un empire aussi vaste ne s’est
des nations indépendantes gouvernées par des rois. pas effondré en un seul jour et les causes de cette
Ainsi apparurent Aragón, la Dorkadie et Occiden- chute sont multiples. Depuis le cinquième millénaire,
tine. Ces trois royaumes sont alliés et ont tous trois l’Empire connaissait déjà de nombreux problèmes, il
prêté serment de servir et de défendre la cause escarte. était devenu trop vaste et trop difficile à diriger. Les
Les trois rois escartes semblent plus ou moins obéir peuples et les cultures qui le composaient étaient trop
à un quatrième homme, le Magister, représentant de différents pour tous marcher dans la même direction.
Æther sur ce monde. De plus, certaines provinces extérieures devenaient
—  Vous sous-entendez, maître, que leur Shirad de plus en plus puissantes, certaines se rebellaient
n’est pas le même que le vôtre. C’est bien cela ? de- contre l’armée et revendiquaient le retour de leur
manda Habib. pouvoir légitime, ce qui fut le cas de Kh’saaba. Mais
— Non, pas tout à fait. Ce que je voulais dire, c’est s’il fallait choisir une date pour symboliser le début
que bien que nos dieux soient semblables, les Escartes de ce déclin, ce serait peut-être le jour où Jason défia
ne lui donnent pas le même nom et n’ont pas la même le roi Pélorius. Une nouvelle religion plus forte et plus
manière de le vénérer que nous. Chez nous, il n’y a virulente que les autres naquit. Elle se diffusa rapi-
point d’autorité suprême qui parle en lieu et place dement au sein de l’Empire agalanthéen. Les autori-
de Shirad. Peut-être est-ce un tort, mais aujourd’hui tés religieuses, en 5450, décidèrent de lutter contre
nous n’avons pas le temps de parler théologie. Je ce fléau et les Escartes fraîchement convertis furent
dois vous libérer sur le champ, si vous voulez avoir la massacrés en grand nombre. Mais il était trop tard.
chance de croiser cette fameuse délégation de cheva- En 5564, les peuples barbares venus des contrées gla-
liers escartes. » ciales du Grand Nord initièrent leurs premiers assauts

35
chapitre clio

sur les frontières septentrionales de l’Empire. » Tout foudroyée par la volonté divine. La quasi-totalité des
en continuant de marcher, les deux frères eurent un provinces conquises par l’Empire en profita pour se
petit frisson à l’évocation de ces barbares nordiques. rebeller et s’affranchir de la tutelle agalanthéenne. L’Oc-
Raskin se dit qu’ils avaient déjà dû en entendre parler, cident prit son indépendance et adopta officiellement
probablement dans les contes. Puis il continua. « Af- la nouvelle religion escarte. Aujourd’hui, la nation aga-
faiblis sur tous les plans, militaire, politique, religieux et lanthéenne existe encore, mais elle ne représente que
administratif, les dignitaires agalanthéens cherchèrent peu de territoires, principalement quelques cités-États
une solution pour corriger le tir et retrouver la splen- se battant entre elles pour leur survie. Voilà ce qu’il est
deur passée. Mais ils n’en eurent pas le temps. En 5666, advenu du plus puissant et du plus vaste empire de tous
un gigantesque tremblement de terre transforma la les temps. L’Histoire est sans pitié et rien n’est éternel,
capitale du plus ancien empire que le monde ait jamais conclut-il. »
porté en un vulgaire champ de ruines. La ville avait été

La légende de la chute d’Agalanthe


Au-delà de la version officielle, certains se plaisent à croire à l’étrange rumeur teintée de légende qui veut
qu’un seul homme engendrât la chute de l’Empire.
Marcus Tillius Callico, le dernier des empereurs agalanthéens, reçut un homme inconnu de tous ses
conseillers et se nommant Sosie. Ce dernier, sorti de la cuisse de Néréa, lui proposa son aide dans sa quête
pour retrouver la splendeur passée d’Agalanthe. En effet, il prétendait connaître un moyen de renouer avec
la réussite et la puissance. Les responsables n’hésitèrent pas longtemps quand il leur montra ce dont il
était capable. Il leur révéla la clef de la puissance des œufs de dragons. Cette dernière devait leur permettre
de décupler leurs forces, de sublimer leurs armées, de créer des machineries inimaginables auparavant et,
dit-on, bien plus encore. Mais les Agalanthéens s’en servirent sans maîtrise. Ils étaient dévorés par trop
d’ambition, la puissance des dragons leur échappa et leur explosa entre les doigts déclenchant le terrible
tremblement de terre qui rasa Thérème et qui créa l’impitoyable raz-de-marée qui balaya une grande partie
des terres agalanthéennes. Rares sont les détenteurs des secrets des Œufs-univers à avoir survécu au cata-
clysme et la puissance des dragons fut donc perdue avec le reste de l’Empire. Quant à Sosie, nul ne sait ce
qu’il est devenu…

Les événements récents Sagrada, afin d’anéantir les païens, punir ceux qui ont
causé la mort de Jason et, surtout, récupérer la Mira-
Alors qu’ils arrivaient au bout du verger, ils firent bilis Calva Reliquiae, relique du crâne de Jason dont
demi-tour. Le maître poursuivit son histoire. « Bien, la place se trouve au Magisterium, siège de leur reli-
maintenant que nous avons fait le point sur les prin- gion. Débarquant à Jazîrat, plus précisément dans le
cipaux événements de notre monde, nous allons Capharnaüm, les troupes escartes parties récupérer la
pouvoir nous consacrer aux événements récents qui sainte relique ont d’abord pris d’assaut les côtes Nord
ont secoué la région. Il y a dix ans, en 5987, l’Escarte et Est, s’installant près des deux autres grandes cités,
Magister, grand maître des ordres religieux descen- moins dures à approcher, Carrassine et Fragrance.
dants des martyrs escartes, et autorité suprême en Cette dernière tomba aux mains des Escartes en 5989.
Occident, conjura les trois rois escartes de reprendre Carrassine quant à elle résista aux assauts, mais finit

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Histoire

par céder après de longs mois de siège. L’année 5990 Shiradim qu’il vous plaira, celui qui vit dans une tour d’or
débutait et, pour la première fois depuis que la cité n’a que faire des rats qui pullulent dans ses égouts, qu’ils
avait érigé ses remparts de pierre, elle s’était inclinée vénèrent une cité ou un esclave. »
devant la force. Hélicandre tint quatre ans, mais en 5994, l’année
de ta naissance mon cher Habib, une alliance fut pas-
Les familles royales saabi et agalanthéennes qui co- sée entre le Saabi et l’Escarte pour prendre Sagrada.
habitaient dans la cité de Fragrance furent massacrées, La ville fut prise, mais au dernier moment, survint la
avant que des chapelets de cadavres soient attachés trahison des Escartes qui se retournèrent contre les
sur le dos de chevaux et envoyés à Sagrada avec un Saabi. Siméon IV lança l’assaut final dans les rues de
message invitant à la conversion religieuse et à la red- Sagrada, mais la reine Hélicandre refusant de plonger
dition. Peu de temps après, Siméon IV, le roi d’Occi- son peuple dans le chaos avait fait évacuer discrète-
dentine et guide de la Quête Sainte, apprit qu’à l’ouest ment la ville avant l’assaut. Le plan d’évacuation avait
du Capharnaüm, Suleïman, prince et sénéchal de Car- commencé depuis plusieurs mois, la ville se vidait pe-
rassine, aurait fui pendant le siège et demeurait introu- tit à petit par les souterrains. Les fuyards rejoignaient
vable. Dans les heures qui suivirent, la ville fut reprise les tribus nomades du désert. Siméon IV ne trouva pas
par l’armée de Carrassine, mais comme ce fut annon- de résistance, mais bien ce qu’il était venu chercher :
cé, Suleïman n’y était plus. La même année 5990, le roi la tête de Jason. Lors du sac de Sagrada, il déroba de
Siméon IV reçut une réponse négative d’Hélicandre, surcroît une autre relique très importante : l’épée en
reine de Sagrada. Puis des troupes agalanthéennes ra- pierre de lune de Muhammad Ibn Khalil Abd-Al-Sa-
sèrent Fragrance, tuant les trois quarts des Escartes qui lif. Cette arme, selon la tradition saabi, possède une
s’y étaient installés. Un nouveau message fut envoyé lame en pierre de lune qui unifie les peuples Jazîrati et
au roi orgueilleux : « Tuez, brûlez, autant de Saabi et de n’aurait en aucun cas dû quitter le Capharnaüm.

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chapitre clio

En 5995, certaines des tribus saabi les plus extré- Voilà les enfants. Nous en avons fini pour cette
mistes sont alors parties en guerre vers le Nord et fois-ci. C’était comme vous le savez, la dernière de
l’Occident pour récupérer leur relique — grâce au mes leçons, mais ce n’était peut-être pas notre ultime
financement de Jergath-la-Grande.  » Le précepteur rencontre. Vous avez l’avenir devant vous, faites de ce
prit une dernière respiration et acheva son discours. monde votre monde. » Sur ces pesantes paroles, Ras-
«  Aujourd’hui, à Jazîrat et surtout au Capharnaüm, kin Bar Nahmias les quitta en les laissant dans le ver-
une paix fragile, teintée de paranoïa et de conflits ger. Il était temps pour lui de reprendre la route. Cela
communautaires s’est installée. Toutes les forces en faisait maintenant une dizaine d’années qu’il s’était
présence se toisent, il y a des conflits, mais l’essentiel installé à Carrassine et l’appel du voyage le hantait
des troupes escartes est reparti. Il reste tout de même à nouveau. Peut-être le dernier. Il ne figurerait sans
de nombreux soldats, ou anciens soldats, et des reli- doute pas nominativement dans l’Histoire du monde,
gieux, des diplomates, etc. Nombreux sont ceux que mais il influerait sans nul doute sur celle des deux
le Capharnaüm a séduits et qui restent là dans l’attente frères qu’il se surprenait à déjà regretter.
de voir la fortune leur sourire !

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Histoire

Des morts sur le sable


Luther mit quelques secondes à réaliser que ce n’était pas lui que la foule acclamait. Il extirpa son pilum du
corps dans lequel il venait de le planter, quelques secondes plus tôt, juste avant d’achever son dernier adver-
saire à grand renfort de coups d’une masse d’arme ramassée par-là. Il arracha un turban à un cadavre qui
n’en aurait plus besoin et en épongea son front, ruisselant de sa sueur et du sang des autres. Dans l’éclat d’un
bouclier, il aperçut son visage. Sa femme, la douce Ingrid, restée dans sa lointaine Dorkadie ne l’aurait sans
doute pas reconnu. On lui avait rasé la barbe, épilé le torse et huilé le corps tout entier. Ses cheveux avaient
passablement poussé, formant une crinière dorée qui lui valait le surnom de « Lion du Septentrion » parmi
ses compagnons d’infortune. Et puis sa peau, d’ordinaire si blanche, avait pris la teinte du cuivre sous le soleil
du Capharnaüm. Aujourd’hui, elle était noircie du sang de nombreux ennemis, un sang dont l’odeur impré-
gnait l’air tout entier.
En ce jour maudit, Luther avait sans doute tué plus qu’en tout autre jour. Très vite, on l’avait sélectionné
comme potentiel champion et les premiers combats avaient été faciles. On avait aligné devant lui de piètres
combattants. Pour éviter les morts inutiles, il avait commencé par essayer de parlementer (après tout, ces
guerriers n’étaient pas ses ennemis), mais il avait dû se rendre à l’évidence : ils étaient là pour en découdre.
Leur famille touchait beaucoup d’argent et, avec de la chance, ils ne s’en sortiraient qu’avec une légère blessure.
Luther avait ainsi commencé par combattre lentement, en tâchant de ne pas tuer ses adversaires, mais plus il
traînait à se débarrasser d’un ennemi, plus leur nombre augmentait… Il était alors rentré dans la furie guer-
rière qui faisait la fierté de ses ancêtres et il avait massacré, sauvagement, tous ceux qui se présentaient devant
lui. Les animaux avaient succédé aux guerriers, et les survivants s’en étaient débarrassés ensemble. Puis était
venu le temps des duels et Luther en était sorti grand vainqueur, voyant avec peine son éphémère ami d’Al Fa-
riq’n tomber contre un nomade du nord, que le Dorkade avait ensuite proprement massacré. Il n’avait alors
qu’une légère blessure à la cuisse, et il espérait que les combats étaient terminés, mais six nouveaux guerriers
avaient soudain chargé des six coins de l’arène. « L’étoile des braves » avait annoncé le héraut, « la mise à
mort du champion » avait pensé Luther. Au prix d’une entaille au bras, il venait de franchir cette épreuve
qu’il croyait ultime.
Non, ce n’était pas lui qu’on acclamait, mais l’actuel champion qui venait de surgir sur l’estrade centrale,
là où il devait mener le combat final contre le vainqueur des jeux de cette journée, contre Luther Magnuson,
chevalier du Grünwald, misérablement réduit en esclavage.
Pour affronter un tel guerrier, Luther aurait aimé une bonne épée longue et droite, mais depuis qu’il com-
battait dans cette arène, il n’avait vu que des glaives courts ou des lames recourbées. Comment diable les
Jazîrati pouvaient-ils se battre avec des armes aussi peu équilibrées ? Il ramassa tout de même un glaive qu’il
logea dans son bouclier. Pour commencer, il miserait sur son pilum et sur la technique de combat qu’il avait
développée ici. Mais pour cela, il devait amener son adversaire à descendre sur le sable de l’arène. Luther
monta donc sur l’estrade et se positionna près du bord. Il ouvrit grand sa garde et laissa charger le champion.
À la dernière seconde, il bloqua le coup avec son bouclier et entraîna son adversaire par-dessus la balustrade.
Le chevalier n’avait pas l’habitude de se battre au pilum, mais l’usage du bouclier n’avait pas de secret pour
lui. Aussi avança-t-il vers son adversaire garde découverte, l’invitant à frapper, parant sans cesser d’avancer,
profitant de la supériorité de sa stature. Et il continua à progresser de plus en plus vite, parant coup après
coup. Lorsqu’il sentit une faiblesse chez son adversaire, il sauta et abattit son pilum de toute sa hauteur et de

39
chapitre calliope

toute sa force. Le sang jaillit. Luther envoya son adversaire à terre d’un coup de pied, dégaina son glaive et lui
planta la lame effilée dans la gorge.
Enfin, il s’avança résolument vers la loge d’honneur. Là, le maître des jeux et sa nouvelle épouse — elle
devait avoir quarante ans de moins que lui — trônaient, propres et soignés, sous un dais qui les protégeait
du soleil. Ces chiens de mécréants ! Le chevalier dorkade n’espérait pas de grâce princière : on lui avait dit
qu’elle n’était jamais accordée à la première victoire d’un champion. Aussi ne fit-il rien d’autre que de toi-
ser le monarque, ses yeux d’acier plantés dans deux billes d’onyx. Une silhouette enturbannée se pencha et
murmura quelque chose à l’oreille du prince, qui se leva et, contre toute attente, pointa son doigt vers le ciel.
C’était le signe de la liberté et Luther fut, enfin, acclamé par la foule qui était ainsi autorisée à lui témoigner
des honneurs dus à un brave.

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Monde

Chapitre Calliope
Monde
Jazîrat Aramla El-Nar, le désert de Feu et
son sable roux. Peu d’hommes vivent ici, mais
quelques oasis permettent aux tribus nomades de
Malgré la prépondérance du désert dans la région, survivre tant bien que mal. Enfin au sud, les terres
les paysages de Jazîrat offrent une grande diversité, ne suspendues se découpent dans le ciel et forment le
serait-ce que dans les dimensions, les formes et les royaume de Kh’saaba. De hauts plateaux fertiles per-
couleurs des dunes sablonneuses couvrant les vastes mettent une vie agréable et garantissent une nourri-
étendues désertiques. La presqu’île est découpée en ture abondante. La péninsule possède de nombreuses
trois zones géographiquement très distinctes. Au nord ouvertures sur la mer et compte environ 20 000 kilo-
se trouve la région que l’on nomme Capharnaüm. mètres de côtes. Le cabotage y est donc une activité
Une vaste surface relativement plane qui a été rendue très répandue.
prospère par les mains des hommes. Au centre s’étend

Tribus
La structure des sociétés jazîrati comme shirades repose sur la tribalité. Le royaume de Kh’saaba com-
prend par exemple trois tribus sacrées comptant chacune trois clans royaux, mais il existe aussi une infinité
de tribus inférieures. Ces tribus mineures ne sont autres que de vastes familles plus ou moins influentes.
Parfois, le terme « tribu » désigne simplement les membres d’une même famille n’ayant jamais quitté le
quartier où est né l’arrière-arrière-grand-père ; d’autres fois, il s’agit d’un regroupement de clans dont la
prospérité a donné naissance à un royaume caravanier.
Lorsque le terme « tribu » apparaîtra dans les textes, et qu’il ne sera fait mention d’aucun nom sacré tel
que Hassan, Salif ou Tarek pour les Jazîrati ou encore Ashkenim, Pharatim ou Salonim pour les Shiradim, il
désignera l’une des tribus mineures.

41
chapitre calliope

Climat et température
Lieux Type Saison chaude Saison froide
T MinT Max T MinT Max
Capharnaüm Méditerranéen 10 °C 45 °C 5 °C 30 °C
Aramla El Nar Désertique 15 °C 55 °C 10 °C 40 °C
Kh’saaba Semi-désertique/Tropical 15 °C 50 °C 10 °C 30 °C

Routes et vitesses de déplacement


Jazîrat est large de 5400 km (1200 lieues) et longue de 4500 km (1000 lieues).
Les vitesses et parcours journaliers suivants sont des moyennes à ajuster selon le type de terrain, les condi-
tions de voyage, les événements inattendus, le « hors route », etc. Des détails sur les dromadaires et les
caravanes sont donnés p.45 et p.97.

Transport Vitesse Endurance


Dromadaire 30-40 km/h 160 km/jour
Cheval 30-60 km/h 50 km/jour
Abzoul 50-70 km/h 200 km/jour
Caravane 5-10 km/h 30-50 km/jour

Ci-dessous sont indiquées les distances, en kilomètres, entre différentes cités, via les routes les plus em-
pruntées. Y sont précisées la difficulté du terrain traversé et la durée moyenne, en jours, selon le moyen de
déplacement utilisé (la difficulté dudit terrain est déjà prise en compte).

Un terrain difficile sur route (désert par exemple) est indiqué (+++).
Un terrain moyennement difficile sur route (côtes sauvages et canyons par exemple) est indiqué (++).
Un terrain peu difficile sur route (plaines par exemple) est indiqué (+).

Le nombre de jours se présente sous la forme « Dromadaire/Cheval/Abzoul/Caravane jours ».

• La route du sud (ou de l’encens)


Elle passe par le désert de Feu et constitue le trajet le plus direct pour rejoindre Jergath-la-Grande. C’est la
route la plus fréquentée par les caravanes.
Elle part de Sagrada, passe par Zarbeth, puis Alayahba et finit à Jergath (4650 km environ, 30/97/24/124
jours).
Sagrada — Zarbeth (+) = 1300 km et 8/22/6/26 jours
Zarbeth — Alayahba (+++) = 1600 km et 11/38/9/54 jours
Alayahba — Jergath (++) = 1750 km et 11/37/9/44 jours

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Monde

• La route de cuivre et de turquoise


Elle longe la côte Ouest de Jazîrat. Elle est très surveillée par l’armée jazîrati qui y multiplie les patrouilles.
Elle part de Carrassine, passe par Ishankti et finit à Jergath (6800 km environ, 42/153/38/171 jours).
Carrassine — Pointe nord de la baie des Dragons (++) = 1900 km et 12/43/10/48 jours
Pointe nord de la baie des Dragons — Ishankti (++) = 2300 km et 14/52/13/58 jours
Ishankti — Jergath (++) = 2600 km et 16/58/15/65 jours

• La route des cités du Sud


Cette route suit le fleuve Halawoui. Elle est plus longue que la route du sud, sa difficulté est très variable
(escarpements, détours à cause de la sinuosité du fleuve…), mais elle est souvent plus agréable.
Elle part de Sagrada, passe par Mouhyl et finit à Jergath (5450 km environ, 35/118/28/152 jours).
Sagrada — Sud de la mer Lazurine (++) = 2000 km et 12/43/10/56 jours
Sud de la mer Lazurine — Mouhyl (++) = 2300 km et 16/50/12/64 jours
Mouhyl — Jergath (++) = 1150 km et 7/25/6/32 jours
Une fourche au kilomètre 2000 offre un accès qui part du sud de la mer Lazurine vers Opona (++) = 1000
km environ, 6/22/5/29 jours
Une autre fourche au kilomètre 3700, à la sortie du désert, permet de se diriger vers Kathrat (++) = 500 km
environ, 3/11/2/14 jours

• Autres trajets utiles


Fragrance — Sagrada (+) = 1300 km et 8/22/7/26 jours
Sagrada — Carrassine (+) = 1450 km et 9/24/7/29 jours
Carrassine — Zarbeth (+) = 1550 km et 9/26/8/31 jours
Sagrada — Yasminabad (++) = 1100 km et 6/18/5/22 jours
Fragrance — Kawimsha (+) = 1000 km et 6/17/5/20 jours
Kawimsha — Albagdir (++) = 1500 km et 9/30/8/38 jours
Ishankti — Balzabaar (++) = 850 km et 5/17/4/22 jours
Kathrat — Opona (++) = 1450 km et 9/29/7/37 jours
Mouhyl — Kathrat (++) = 1050 km et 6/19/5/24 jours
Sud de la mer Lazurine — Kathrat (++) = 2200 km et 15/45/11/58 jours

Le Capharnaüm bien plus que tout cela. Le Capharnaüm est l’endroit


La région nord de Jazîrat est aujourd’hui la plus peu- où l’histoire s’écrit, où les destins se font et se défont.
plée de la péninsule. Il n’en fut cependant pas toujours C’est ici que l’avenir de Jazîrat et du monde se joue.
ainsi. Avant l’arrivée de Mogda et des valeureux Shira-
dim, les plaines n’étaient occupées que par une steppe Topographie
qui laissait peu de place au développement de la vie. Le relief, varié, est constitué de diverses régions natu-
Mais la nature sait parfois se soumettre aux hommes. relles. Le pays est incliné : la partie la plus haute se situe
À force d’irrigation, d’assolement et de durs travaux à l’extrême-ouest et redescend progressivement vers
agricoles, la végétation commença à se répandre sur l’est. À l’ouest, une plaine côtière, la Tiahm, large de
ces terres autrefois arides. Pourtant, cette région est 400 km, longe la baie des Dragons. Elle est bordée par la

43
chapitre calliope

barrière montagneuse du djebel Houmfirh qui naît aux Agriculture


portes du désert et trouve son point culminant à l’ex- Les habitants de la région cultivent principalement
trême nord, près de l’endroit où la ville de Carrassine du blé, de l’orge, du mil, des haricots et les autres
fut érigée. À l’est de cette chaîne montagneuse s’étend légumes, des tubercules, des oliviers, de la vigne, du
la vaste plaine du Nedjah. Pendant la saison des pluies, riz, des arbres fruitiers et des palmiers dattiers. L’irri-
quelques wadis (cours d’eau) la traversent. Le Nedjah gation est indispensable pour alimenter leurs jardins.
est bordé au nord par le golfe des Oxyrinques. Les accès La charrue, la traction animale, le fumier, les moulins
praticables à la mer sont rares, car la majeure partie des à eau et à vent sont fréquents dans les pratiques agri-
côtes est découpée par de petites falaises. Il y a cependant coles du Capharnaüm. Ils irriguent les champs grâce
de nombreuses plages et criques d’où les navires en tout aux norias, aux grands canaux, et à des canalisations
genre peuvent appareiller. Le centre des plaines est consti- souterraines. De plus, la plupart des agriculteurs pra-
tué de petits villages et de champs dédiés à l’agriculture tiquent l’élevage des bovins, des chèvres et des mou-
ou à l’élevage. Vient ensuite l’embouchure du fleuve Ha- tons que ce soit pour la viande ou le cuir. Mais les dro-
lawoui où se dresse la magnifique cité de Sagrada autrefois madaires sont les animaux les plus représentés dans le
nommée Jergathine. Au nord-est de la région, la côte qui Capharnaüm, même si les chevaux arakognans com-
longe le golfe est plate et peu irriguée. Les eaux peu pro- mencent à se multiplier.
fondes de cette région ont déposé des couches de jeunes
roches sédimentaires, permettant une culture abondante.
Cette plaine est terminée à l’extrême-nord par le bras de
Tiamat, une percée maritime au sein des terres dont l’ac-
cès est gardé par le bastion agalanthéen Fragrance. Enfin,
la péninsule est rattachée au continent oriental par le pla-
teau de Limher’k, une zone aride et escarpée qui rend sa
traversée particulièrement dangereuse.

Climat
Les températures dans le Capharnaüm sont cani-
culaires, mais le climat varie avec les régions. Sur les
côtes, le climat est sec en hiver et plus humide pendant
l’été. Les températures oscillent grandement avec des
pointes à 45  °C surtout pendant les huit mois de la
saison chaude. Mais elles peuvent descendre aux alen-
tours de 15 °C pendant la saison froide. À l’intérieur
des terres, le climat est très chaud et très sec pendant
l’été et frais, voire froid, pendant l’hiver. Les tempé-
ratures moyennes varient entre 45 °C en été et 7 °C
en hiver. Dans les régions montagneuses de l’Ouest,
la température descend au-dessous de zéro. L’absence
de nuages permet à la chaleur de s’élever la nuit et
crée de très grandes différences entre les températures
diurnes et nocturnes. Les précipitations sont rares,
mais violentes dans les terres, plus régulières dans le
Nord. En général, le climat est sain à l’intérieur, pé-
nible sur la côte, difficilement supportable en été.

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Monde

Des dromadaires
Le dromadaire est le meilleur ami du nomade. L’animal
mesure habituellement deux mètres de hauteur au garrot.
La bosse, quant à elle, s’élève en moyenne à 30 cm au-des-
sus du dos. Il pèse dans les 700 kilos à l’âge adulte et vit en
moyenne 60 ans. Cette créature d’Houbal est une véritable
merveille de la création : c’est le moyen de transport idéal
dans le désert. En effet, le dromadaire possède plusieurs
spécificités qui le rendent imbattable.
Tout d’abord, sa bosse (unique, rappelons-le) est
une réserve de graisse que l’animal peut utiliser afin de
créer de l’eau et se priver ainsi de boire pendant des
semaines. De plus, il peut rester en vie 8 à 10 jours sans manger et quelques mois en mangeant très peu.
Cet animal est capable de boire plus d’une centaine de litres d’eau en l’espace d’une dizaine de minutes.
Il est par ailleurs naturellement armé pour faire face aux chaleurs intenses du désert. En effet, les coussinets
épais et larges de la plante des pieds, et les callosités des articulations des pattes et de la poitrine, sur lesquelles
il repose en position agenouillée, lui permettent de supporter le contact avec le sable très chaud du désert.
Il est doté de narines et d’yeux très spéciaux (protégés par de très longs cils), puisqu’ils sont capables de
se fermer hermétiquement pour éviter qu’y pénètrent les poussières volantes.
Le dromadaire a la capacité d’arracher et de consommer les plantes épineuses qui poussent dans les ré-
gions arides.
Sa laine permet de se couvrir, sa chair et son lait servent de nourriture, ses excréments sont convertis en
combustible et même en cataplasme, son urine se transforme en lotion capillaire, désinfectant ou collyre.
Enfin, le dromadaire est très endurant, mais légèrement moins rapide que le cheval. Il peut parcourir, en
moyenne, plus de 160 kilomètres par jour.
Le dromadaire sert à toutes sortes de tâches : transport de marchandises (caravanes), traction de charrues
ou d’engins divers (puits, meules, etc.), transport humain (voyages, coursiers, etc.). Notons que la monte
de dromadaires ne pose pas de difficulté particulière, mais que l’animal est assez haut (on monte dessus
lorsqu’il est couché, et on le fait se lever ensuite) et remue énormément en marchant.
La reproduction du dromadaire n’a lieu que tous des deux ans. La chamelle, sa femelle s’écarte du troupeau
pour mettre bas seule un chamelon qui se dresse immédiatement sur ses pattes, déjà prêt à suivre le troupeau.
Les chameliers du Capharnaüm vous le diront, le dromadaire est un animal tendre et câlin. Quand il dort,
il rêve. L’un de ses traits de caractère principaux est la rancune. Un mâle dominant, maltraité par ses gardiens
ou empêché de copuler au moment où il le souhaite pour être mis de force au travail, manifeste parfois son
ressentiment un an après les faits. Il peut alors directement s’en prendre à son tourmenteur. Dans ce cas, les
éleveurs ont pour habitude de rendre un jugement après l’incident pour évaluer le partage des responsabi-
lités entre l’homme et son animal. Le dromadaire est également un moyen de survie hors du commun. Il
est capable de détecter une source d’eau souterraine à près de 100 kilomètres de distance. Sa bosse contient
jusqu’à quatre-vingt-dix kilogrammes de graisse blanche. Un véritable réservoir d’énergie. En cas d’urgence,
un éleveur affamé et égaré prélève de la graisse sur un dromadaire vivant entravé, en faisant une incision avec
un couteau pour la retirer, avant de refermer la plaie.
On essaie, sans succès pour l’instant, d’introduire cet animal en Al-Ragón.

45
chapitre calliope

De loin en loin échange de trois bonnes actions, ils lui accordent


• Madjid Ibn Saëd  : Madjid est un homme un souhait.
• Les cavernes des Voleurs  : dans les hauteurs
simple qui vit dans sa ferme isolée avec sa femme
et ses deux filles dans le sud de la plaine du Nedjah, du djebel Houmfirh, dans la chaîne de montagnes
non loin des portes du désert. Il demeure dans une située à l’ouest du Capharnaüm se terre une famille
chaumine aux murs de briques d’argile séchée qui de pillards et de bandits de grand chemin. Ils sont
ne comporte que deux pièces. Il tire ses maigres les rois des hauteurs. Ils vivent dans des réseaux de
ressources des produits de sa modeste exploitation, cavernes naturelles qui parsèment les sommets. Le
de l’élevage de moutons et de la vente de quelques patriarche se nomme Harami Al-Kabîr Aziz Ibn
fruits et légumes. Une ferme comme il y en a des Abdelatif (Aziz fils d’Abdelatif le grand voleur) et
centaines dans la région. Mais si celle de Madjid dirige son clan d’une main de fer. Avec ses trente-
est connue par de nombreux voyageurs, c’est que le deux fils, il pille les villages voisins, fait régner la ter-
vieux bonhomme est réputé pour ses prédictions. reur sur les routes et se joue des soldats envoyés à
En effet, Madjid Ibn Saëd semble doté d’un don de ses trousses par Carrassine. La rumeur prétend que
voyance. Il ne demande ni argent ni aucune autre Harami Al-Kabîr Aziz Ibn Abdelatif est l’homme le
forme de rémunération en échange de ses augures. plus riche du Capharnaüm.
• L’anachorète des montagnes : au fin fond du
Il désire simplement qu’on le laisse mener sa vie de
fermier et qu’on ne dérange pas trop son bétail. djebel Houmfirh, dans une des cavernes naturelles
• Le camélodrome de Samsara : située le long
de la montagne, vit un ermite. Celui-ci s’est retiré
du golfe des Oxyrinques, la petite ville de Samsara du monde, il y a maintenant plus de cinquante ans,
est une bourgade tranquille et calme. Mais, quelques pour méditer sur le sens de l’existence et de l’uni-
jours par mois, elle se transforme en lieu bruyant et vers en menant une vie d’ascète. Son corps détaché
agité. En effet, Samsara est dotée d’un camélodrome, des besoins purement et bassement matériels, son
une piste circulaire où des courses de dromadaires esprit s’ouvre et vagabonde. Cela fait maintenant
sont organisées. Les paris vont bon train et beau- cinq décennies qu’il n’a parlé à personne, qu’il n’est
coup de talents se gagnent et se perdent en quelques pas sorti de son refuge. Il vit des dons de nourriture
instants. Certains propriétaires de champions se sont que lui accordent quelques villageois ou brigands
fait un nom et ne vivent plus que de cette profession. respectueux de son choix de vie. Un pain par se-
• La source aux Émeraudes : quelque part, dans
maine et un peu de lait de chèvre lui suffisent. Per-
les reliefs escarpés et presque inaccessibles du Li- sonne ne sait qui était le vieil ermite avant son ins-
mher’k, se terre une source qui ne jaillit qu’une fois tallation dans la grotte. Certains le suspectent d’être
par an. Son eau est très particulière, car sa couleur l’héritier d’un royaume lointain, d’autres voient en
est verte et légèrement diaphane. Exposée au soleil, lui un simple mendiant un peu fou et quelques-uns
elle ne s’évapore pas, mais se cristallise en une my- encore prétendent qu’il pourrait s’agir de l’un des
riade de petites émeraudes très pures. Prophètes qui serait resté en ce monde…
• Les mines de l’Est  : à l’est du Capharnaüm,
• Le lac aux Génies : en plein milieu de la plaine
de la Tiahm se trouve un petit lac où les droma- aux pieds des plateaux rattachant la presqu’île au
daires viennent s’abreuver. Mais ce plan d’eau a continent, se trouve la plus grande concentration
la réputation d’être enchanté, car peuplé par des de mines de Jazîrat. La région est riche en minerais
djinns. Jamais asséché, même lors des périodes les en tout genre. C’est ici que l’on trouve les mines de
plus chaudes, il fournit son eau à quiconque en a fer, d’argent et d’or. L’activité y est permanente et
besoin. Mais l’on murmure que lors des nuits de les réserves placées sous très bonne garde.
• L’atelier de maître Éliahu Bar Nissim : la petite
nouvelle lune, si un être au cœur pur s’y baigne,
les génies du lac viennent à sa rencontre et qu’en bourgade portuaire de Kergassha, située entre Fra-

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Monde

grance et Sagrada, doit sa réputation à l’atelier de naüm. Au fil des siècles, le nom du village des Pro-
maître Éliahu Bar Nissim. Ce charpentier est tout phètes a en effet été orthographié de multiples
simplement le meilleur artisan du Capharnaüm en façons. Aujourd’hui, Kafer Nahum ou Kapher
ce qui concerne la conception de navires. Ses ateliers Nahum sont les versions les plus employées, mais
tournent d’ailleurs à plein régime et ses trente em- le calendrier jazîrati a, quant à lui, gardé une très
ployés sont débordés en permanence. Il fournit les ancienne forme du nom : Kfar Nahum.
plans des navires de guerre de Carrassine, bien que
ceux-ci soient construits sur place, dans le fameux Les villes du Capharnaüm
port circulaire de la ville. Les ateliers de Kergassha Bien que tombé sous la main de l’homme et rendu
sont exclusivement destinés aux commandes parti- cultivable, le Capharnaüm reste infranchissable sans
culières et un peu spéciales. Maître Éliahu travaille escale. De ce fait, au fil des siècles l’homme y a créé
d’ailleurs en ce moment sur un nouveau bateau pro- des villages dont certains, avec le temps, sont devenus
pulsé par un système révolutionnaire. La rumeur des cités. Si elles n’ont pas l’ampleur et l’histoire des
prétend qu’il utiliserait à cette fin un savoir interdit villes majeures que sont Carrassine, Fragrance et Sa-
datant de la chute de l’Empire agalanthéen. grada, elles n’en sont pas moins des lieux importants,
• Le village des Prophètes ou village des conso- riches de vitalité et d’intrigues.
lations, Kafer Nahum : lieu de culte pour tous les
Jazîrati, le village des Prophètes est un site sacré dans • Albagdir, la cité des traîtres : elle fut fondée
la région. Chez les plus dévots, le pèlerinage annuel au XIIIe siècle par Bagdir Ibn Sayed, frère cadet du
est une obligation. De village, l’endroit n’a que le héros légendaire Ismet Ibn Sayed (cf. chapitre Clio,
nom. C’est en fait un petit champ de ruines. C’est ici, p. 23). Jaloux de la popularité de son frère, Bagdir
selon la légende, que les trois Prophètes d’Houbal, enleva l’épouse favorite d’Ismet et s’enfuit dans
les fondateurs des tribus jazîrati, ont péri. L’histoire le désert pour la sacrifier à Fals, dieu des voleurs
raconte qu’après leurs divers exploits à travers Jazîrat, et des fuyards, en échange d’un grand destin. Fals
ils se réunirent tous trois sans leurs fidèles pour te- offrit au traître la destinée qu’il méritait  : dans le
nir conseil à la demande de Houbal. Mais ils furent nord-est d’une terre que l’on n’appelait pas encore
trompés par certains serviteurs des dieux, les grands Capharnaüm, sur le littoral du plateau de Limher’k,
dragons eux-mêmes. Un piège leur avait été tendu et il trouverait une forêt de cèdres et, en son cœur, il
ce village fut leur tombeau. En effet, à la suite d’un dresserait une statue à l’effigie du dieu, puis bâtirait
combat titanesque qui dura trois jours et trois nuits, une ville qui entrerait dans la légende des siècles.
les Prophètes furent vaincus. Mais plusieurs dragons Bagdir s’exécuta, et dans cette région escarpée et
périrent avec eux. On trouve aujourd’hui des petites marécageuse, il fonda au cœur de la plus grande
pierres lisses dans le sable qui est venu recouvrir les forêt de cèdres du monde connu, la cité des traîtres.
histoires du passé. Certaines sont noires et les autres Aussi appelée la Carrassine de l’Est, Albagdir est un
blanches. Ce sont des cailloux sacrés et divinatoires. repaire pour tous les criminels vomis par les autres
On raconte que les pierres blanches sont des vestiges villes ; elle est aussi la place choisie pour tous les
des dragons et que les noires sont des reliques des marchés interdits. On dit qu’il n’est pas rare d’y
Prophètes. Les Jazîrati les nomment respectivement croiser des barbares du Krek’kaos s’y promenant
Ourim et Tourim et les utilisent pour obtenir des comme sur leurs propres terres.
réponses. La pierre blanche dit « non » tandis que la • Béletmée ou le mensonge des dieux : ce petit
pierre noire dit « oui ». On dit alors que l’on « inter- village, non loin du désert, est le dernier endroit
roge les Prophètes ». où l’on prétendit avoir vu Jason l’Escarte vivant.
Kafer Nahum est aussi le lieu qui a donné son nom Mais c’était six jours après sa mort ! Évidemment,
à l’immense région du nord de Jazîrat : le Caphar- le dogme officiel de la religion réfute ces propos et

47
chapitre calliope

Village typique du Capharnaüm


Tous les villages du Capharnaüm se ressemblent. Tous ont des différences, mais leur base est commune.
Les maisons sont généralement construites en briques séchées. Un savant mélange de paille et d’argile qui
est utilisé depuis des générations. Elles n’ont pas d’étage et comptent rarement plus de trois ou quatre pièces.
La toiture est constituée d’une armature en bois qui supporte un lit de feuilles de palmier tressées. Il existe
des demeures plus imposantes pour les familles nombreuses et riches. Chaque logi est prolongé par un
poulailler et un pigeonnier : sorte de tour conique perforée de trous. Le centre du village est une place où
l’on trouve généralement un puits et qui sert de lieu de réunion pour les conseils, les mariages et les autres
événements importants qui rythment la vie de la communauté. Cette place centrale est généralement sur-
plombée par un grand arbre fruitier qui fait bénéficier à tous de son ombre rafraîchissante. La végétation
environnante est constituée de figuiers, d’amandiers, d’abricotiers, d’oliviers, d’orangers et de palmiers. Les
villageois vivent principalement de l’agriculture : petits champs de maïs et d’orge, jardins potagers plantés
de carottes, tomates, piments...
En ce qui concerne les villages côtiers, leur activité est évidemment plus tournée vers la mer. Pêche, ramas-
sage de coquillages, récolte du sel pour conserver la viande, etc.

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Monde

tout Escarte y prêtant intérêt est brûlé pour hérésie. s’accentua avec le temps et des divergences cultu-
Nonobstant, la petite ville, à peine fortifiée, est un relles apparurent progressivement avec le reste du
lieu de pèlerinage où se rendent chaque année de clan Ibn Khalil. Une rupture avec ce dernier, et
nombreux pèlerins venus d’Occident. Ville-cham- donc avec Kh’saaba, devint dès lors inévitable. Le
pignon à deux pas du désert, Béletmée a la réputa- roi actuel envisagerait de marier son fils, le prince
tion d’abriter une source divine. Qui boit l’eau du Abir, avec la fille d’un chef de tribu du royaume ca-
puits qui trône en son centre pourra, dit-on, mira- ravanier de Kathrat, Al-Aqrab Khelil Ibn Thu’bân.
culeusement revenir une fois à la vie après une mort Si ce mariage avait lieu, Messara retrouverait peut-
violente ! être le soutien qui lui fait défaut.
• Kawimsha : située en bord de mer, cette ville vit • Yasminabad : cette porte du désert est un centre
avant tout de la pêche et de la collecte du corail. Les de commerce important, réputé pour ses deux mé-
hommes y sont en effet traditionnellement plon- dinas, ses deux palais, ses deux conceptions de la
geurs, tandis que les femmes raffinent le pigment vie… Deux frères, un Al-Kimyat et un Mudjahid,
issu de leur pêche. La pourpre de Kawimsha est moururent en effet pour Yasmina, la belle danseuse
réputée à travers tout Jazîrat et se vend à prix d’or qui donna son nom à la cité. Ainsi Yasminabad se
comme colorant pour les textiles. De nos jours, trois partage-t-elle entre le pouvoir sacré et mystique de
guildes marchandes se sont installées à Kawimsha, sorciers entourés de spectres et le pouvoir souve-
transformant l’ancien village typique en véritable rain et militaire de princes hantés par le meurtre de
place commerciale. De surcroît, ces ligues com- leur meilleur ami.
merciales se livrent en secret une guerre ayant pour Lieu de richesse et de magie, Yasminabad accueille
enjeu une mainmise sur le marché de la pourpre. Si en son sein ou aux alentours, d’innombrables mar-
jusqu’à présent, ce sont surtout les pêcheurs dont chands, des Escartes en permission, des tisseurs
on a saboté les réserves d’air (des outres de terre de tapis volants, une guilde de mosaïstes quêtant
cuite accrochée à leur ceinture lors de la plongée et le mystère des dragons, une communauté djinn
leur servant à « respirer » sous l’eau) qui ont payé ou encore des marchands d’armes forgées par des
cette concurrence, cette rivalité pourrait finir par cyclopes.
s’étendre à bien d’autres domaines. • Zarbeth : au cœur de la Nedjah se trouve Zar-
• Messara : il s’agit d’un des seuls royaumes cara- beth, la croisée des routes. Située au confluent de
vaniers jazîrati à s’être installé aussi haut dans les l’une des plus importantes routes commerciales
terres, au sein même du Capharnaüm. Messar Ibn en provenance de Sagrada et d’une autre en pro-
Khalil Abd-Al-Salif avait parcouru le monde sur venance de Carrassine, elle est le point de départ
le dos de son abzoul et s’était toujours promis de d’une antédiluvienne voie pavée agalanthéenne.
fonder une cité prospère là où mourrait sa mon- Cet axe, la via Sabina, traversait jadis l’Aramla El-
ture draconique. Celle-ci rendit son dernier souffle Nar et rejoignait Jergath-la-Grande. Aujourd’hui,
au sud-ouest du Capharnaüm, au pied du djebel ses pavés disparaissent sous le sable seulement
Houmfirh. L’endroit était un cadeau des dieux, car vingt lieues au sud de Zarbeth.
la ville naquit en bordure de la route prise par les La Zarbeth moderne est un très important pôle
caravanes minières de l’Houmfirh. En quelques commercial où se côtoient tous les peuples sous une
mois, Messara devint l’escale incontournable des administration shirade particulièrement efficiente.
mineurs et des caravaniers. Ici, la criminalité est dit-on quasi inexistante. L’an-
Prospère et défendue par ses épais remparts de terre cienne ville agalanthéenne n’est plus que ruines et
sèche, Messara est depuis des siècles indépendante sert, dit-on, aux rencontres nocturnes des sorciers
de Kh’saaba et détachée de tout soutien, politique en quête de mystérieuses catacombes perdues.
comme militaire. En effet, l’autonomie de la cité

49
chapitre calliope

Sagrada / Jergathine

Rappel chronologique
3588 : fondation de Jergathine.
4200 : création des guildes marchandes à Jergathine et début des hostilités avec les Saabi.
5180 : siège de Jergathine par les Saabi.
5200 : arrivée des premiers mercenaires agalanthéens pour défendre Jergathine contre les Saabi.
5300 : Jergathine devient la ville des rois mercenaires. Elle commence à régner sur le monde.
5400 : Jason, âgé de 15 ans, fait son service militaire à Jergathine.
5410 : Jason tombe amoureux d’une prostituée shirade qui fut victime d’une razzia ordonnée par l’un de
ses propres capitaines. Jason se convertit.
5417 : Jason devient prêtre de Mira, l’une des incarnations mineures de Shirad, symbole de la paix et de
l’amour. Il se proclame fils de la déesse et se constitue un panthéon personnel centré sur Mira et sur un dieu
inconnu, Æther. La paix et l’amour se gagneront par les armes !
5422 : début des six semaines de guerre civile à Jergathine entre les Shiradim esclaves et les Agalanthéens.
Édification du mur de Jason pour séparer la partie shirade de la ville de la partie agalanthéenne. Devant
l’arrivée des renforts ennemis, les Shiradim se rendent et trahissent Jason. Jason survit miraculeusement à
l’écartèlement et affronte le roi Pélorius dans un duel qui lui coûte la vie.
5700 : l’Occident adopte la nouvelle religion escarte. Jergathine est rebaptisée Sagrada.
5987 : les troupes escartes débarquent sur Jazîrat pour récupérer la Mirabilis Calva Reliquiae.
5994 : alliance entre les Escartes et les Saabi pour reprendre Sagrada. Les Escartes trahissent les Saabi et
mettent la ville à sac. Siméon met la main sur la Mirabilis Calva Reliquiae et vole l’épée en pierre de lune de
Muhammad Ibn Khalil Abd-Al-Salif.

La Cité Sacrée Le souvenir des exactions commises est encore vif, et


il suffirait d’un rien pour que ce grand port marchand
Bâtie par les Shiradim en fuite, Sagrada fut tou- redevienne un champ de bataille.
jours au cœur de grandes luttes, mais aussi chantée En dehors de cela, Sagrada reste la Cité Sacrée,
et religieusement adulée. Rapidement devenue un la Ville Sainte que les psaumes de diverses religions
important carrefour commercial, la ville fut assiégée, mettent en avant, la terre promise des Shiradim et le
libérée, attaquée, mise à feu et à sang ; son histoire lieu où se révéla Jason l’Escarte.
tumultueuse fit naître une société cosmopolite où se
tissent encore des liens parfois tendus entre les diffé-
rentes ethnies de Jazîrat et d’au-delà. L’histoire est écrite par les
Sagrada, aussi appelée Jergathine par les Shiradim,
est la plus grande cité du Capharnaüm. Les différentes
vainqueurs
communautés s’observent souvent en chiens de Revenons sur ce passé tourmenté qui a fait de Sa-
faïence plutôt que de se mêler, le tout sous l’œil d’ad- grada la cité qu’elle est aujourd’hui. Les événements
ministrateurs escartes qui ne sont pas les bienvenus. importants sont déjà recensés dans l’historique du

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Monde

monde (cf. p.  11), mais ils sont repris ici avec leurs demeures sur les
implications directes sur la cité. pentes de la rive
ouest en y édifiant
Et Gadol Galout et la des terrasses, elles
fondation de la ville aussi inspirées des
Lorsque Mogda emmena ses fidèles dans le désert Saabi.
pour fuir l’oppression saabi, le peuple shiradi vécut Les Saabi jalousaient
ce que l’on appelle le Grand Exil, ou Et Gadol Ga- la puissance de leurs frères
lout dans leur langue. Pendant plusieurs décennies, ennemis et c’est en 5180,
ils voyagèrent dans le désert en direction du nord, alors que la province était
essaimant de-ci de-là des fractions de leur colonne redevenue le royaume
dans d’agréables oasis. Lorsqu’ils atteignirent le fleuve souverain de Kh’saaba,
Halawoui, ils décidèrent de suivre son cours afin de qu’ils firent le siège de la
profiter de ses bienfaits. C’est en 3588 que les Shi- cité. Les Shiradim étaient
radim parvinrent au delta du fleuve, à l’endroit où il valeureux et déterminés,
plonge dans le golfe des Oxyrinques. Mogda décida ce qui leur permit de
d’y implanter la cité de son peuple. En référence à ses tenir longtemps. Mais ni
origines, il la nomma Jergathine. Ce fut d’abord un vil- leur puissance militaire
lage qui se développa sur la rive droite, plus plate, au- ni leur nombre ne furent
tour d’un temple dédié à Shirad. Sa position au bord suffisants face aux fé-
de la mer et non obstruée par les falaises qui consti- roces Saabi. Ils en appe-
tuent une bonne part des côtes du Capharnaüm, en fit lèrent donc à des mer-
un port de premier choix pour les marchandises tran- cenaires agalanthéens
sitant entre le Nord et le Sud. pour les sauver de
ce mauvais pas.
L’âge d’or Ces soldats sti-
Très rapidement, les talents commerciaux des Shira- pendiés vinrent
dim transformèrent Jergathine en comptoir marchand briser le siège des
de grande envergure. Les habitants développèrent un tribus du désert en
système d’irrigation exceptionnel, inspiré de ce qui se 5230.
faisait dans le royaume de Kh’saaba. Il fallait bien cela
pour nourrir cette population dans une région plutôt
aride. Avec l’augmentation du niveau de vie,
des notables s’établirent, bâtissant leurs

51
chapitre calliope

L’occupation agalanthéenne l’armée. Il était en particulier d’une violence crue


En 5280, les tribus saabi furent repoussées dans envers les Shiradim qu’il considérait toujours comme
le désert, suffisamment affaiblies pour ne plus repré- inférieurs bien qu’ils ne fussent plus esclaves. Raids,
senter de menace. Les Agalanthéens tenaient à ce pillages et violences diverses dans les quartiers est le
port contrôlant un commerce prospère développé firent surnommer le Fléau de Shirad. Comme tout un
dans toute la région ; ils s’en emparèrent donc en se chacun le sait, une histoire d’amour tragique lui ouvrit
retournant contre les Shiradim. Le pouvoir tomba les yeux et il se convertit à une religion shirade adap-
aux mains de princes venus d’autres contrées et le tée quelque peu selon ses besoins. Prenant les armes, il
peuple de Shirad se retrouva à nouveau esclave, mais mena les Shiradim pour qu’ils reprennent possession
cette fois dans sa propre cité. Ils furent ainsi forcés de de leurs biens. Jergathine s’embrasa dans une pous-
vivre dans la bordure est de la ville, près du temple sée de violence inattendue. Les forces armées agalan-
construit par Mogda aux premiers jours de Jergathine. théennes se retrouvèrent confrontées à des groupes
Les berges du fleuve, le port et les beaux quartiers de de fanatiques religieux combattant jusqu’à la mort.
l’ouest étaient occupés par les Agalanthéens venus en Cette période fut la plus terrible pour la cité qui vit de
nombre pour imposer leur présence. À cette époque, nombreux quartiers détruits ou incendiés. On dit que
de nombreuses constructions vinrent s’ajouter, mê- le delta du fleuve Halawoui se teintait de rouge. De
lant une architecture occidentale aux demeures ty- nombreux chants entonnés dans les tavernes narrent
piques shirades. La cité prit un nouveau visage et une encore le désespoir qui a germé à cette époque.
nouvelle dimension, ses habitants se multipliant avec Pour calmer tout cela et limiter les exactions shi-
l’arrivée d’expatriés agalanthéens venus s’enrichir sur rades sur leurs demeures, les dirigeants agalanthéens
ces terres de mystères. C’est à cette époque que Jer- firent bâtir un mur séparant la cité en deux, un peu à
gathine adopta l’aspect cosmopolite qu’on lui connaît l’est du fleuve ; le but était d’empêcher aux Shiradim
maintenant. d’accéder au port et aux centres décisionnels. Ce rem-
Avec la chute de l’Empire, le nombre d’Agalan- part intérieur prit très vite le nom de mur de Jason,
théens présents à Jergathine diminua, ce qui éroda la mais la guerre civile dans l’enceinte de Jergathine
solidité de leur pouvoir. Les Shiradim en profitèrent continua à rugir et à causer des morts par centaines.
pour revenir. Ils arrivèrent avec de nouvelles connais- Le calme ne revint que lentement, après la disparition
sances et de nouvelles capacités. Les administra- de Jason.
teurs de l’Empire durent leur reconnaître un statut Suite à ces événements, l’Empire d’Agalanthe se
de citoyens. Ils n’étaient pas l’égal des Agalanthéens, fragilisa, se morcela et disparut. Il n’y eut plus d’occu-
limités dans leurs choix de professions et d’activités, pation étrangère et les Shiradim reprirent les rênes de
mais ils sortaient de l’esclavage. Aidés par leurs frères leur cité. Rapidement, on pansa les plaies de la guerre
des tribus du désert restés plus libres, les Shiradim de civile et la ville fut restaurée. À nouveau, elle devint un
Jergathine retrouvèrent une part de leur puissance riche port marchand sous la direction experte de son
commerciale passée, renouant avec les rouages de leur peuple. C’est aussi à ce moment que Jergathine reçut
cité et profitant de leur richesse revenue pour bâtir de en Occident le nom qu’on lui connaît maintenant de
nouvelles demeures. Sagrada, ville sainte aux yeux des Escartes comme lieu
de la révélation et de la mort de Jason. La religion es-
Jason carte venait d’être adoptée comme religion officielle
en Occident, et le nom de la ville vient de l’arakognan
En 5410 arriva à Jergathine un jeune Agalanthéen
sagrada, qui veut dire « sacrée ». Jergathine devenait
impétueux nommé Jason. Il y fit son service militaire,
ainsi le carrefour de religions rivales.
et son comportement fougueux l’amena rapidement
à prendre quelques responsabilités dans les rangs de

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Monde

La Quête Sainte Bédouins, pèlerins et


Lors de la Quête Sainte des Escartes, la ville était
dirigée par la reine Hélicandre, veuve du seigneur shi- caravaniers
radi Ebenazar Bar Shilom et dirigeante aimée et res- Sagrada est ouverte aux quatre points cardinaux,
pectée. Elle refusa tout compromis et toute idée de et le voyageur trouvera toujours une voie y menant,
reddition en 5990. La cité était grande, solide et prête quelle que soit sa provenance. On a tendance à dire
à résister. C’est une alliance d’Escartes et de Saabi qui que tout vous pousse vers la ville, que son énergie mys-
attaqua Sagrada en 5994 ; le peuple du désert refusait tique et religieuse y attire les foules. Les murailles de la
toujours de voir leurs anciens esclaves détenir un tel cité sont larges et solides, prêtes à la défendre contre
pouvoir économique dans le Capharnaüm. L’armée se toute invasion. Cela n’est cependant vrai qu’en temps
massa aux portes de la cité et lança une attaque brutale normal. Elles portent encore les cicatrices de l’attaque
sous le commandement de Siméon IV, qui ne rencon- escarte, et les travaux pour les remettre en état ne sont
tra aucune résistance. toujours pas terminés. Les chantiers constituent d’ail-
Pendant les mois précédant l’attaque, au vu de la leurs une source d’emplois importante dans la région.
violence déployée par les Escartes durant leur inva- On arrive le plus souvent à Sagrada depuis le nord
sion, la reine Hélicandre décida d’épargner de nou- par les flots. Un navire venant du golfe des Oxyrinques
velles souffrances à son peuple et organisa une évacua- verra les falaises à sa gauche diminuer ; le sol plus plat
tion de Jergathine. Les Shiradim avaient développé à l’est aura lui aussi tendance à s’abaisser au fur et à
dans leur ville tout un système d’égouts, et donc de mesure de l’approche vers le delta situé au fond du
souterrains. De longs passages sombres permettaient golfe avec ses diverses îles, mélanges d’amas sableux
de se réfugier sous terre et même de rejoindre des et de rochers. Sur la rive ouest se trouve un superbe
oasis plus loin dans le désert, où d’autres tribus pou- petit port de plaisance à l’architecture agalanthéenne.
vaient accueillir les fuyards. Les navires marchands préféreront la rive est avec son
Pendant le siège, les Escartes trahirent leurs alliés port de plus gros tonnage. On voit la ville s’étendre
Jazîrati et se lancèrent seuls à la conquête de la ville au-delà, s’élever sur les pentes de l’Ouest. À noter que
qu’ils pillèrent allègrement. Ils y trouvèrent la fameuse le passage vers le fleuve est limité aux navires suffisam-
Mirabilis Calva Reliquiae, la tête de Jason, qu’ils em- ment petits pour se glisser sous les ponts reliant les
portèrent sur leurs terres. Ils s’emparèrent également deux berges et les îles, mais aussi aux navires à coque
de l’Épée de Muhammad, le forgeron errant. De nom- plate à cause des hauts-fonds.
breux soldats occidentaux repartirent chez eux, fiers On arrive à la Porte du Couchant par la route lon-
d’avoir délivré la ville sainte ayant vu l’élévation de geant la mer du haut des falaises depuis Carrassine.
Jason. Siméon IV mit à la tête de Sagrada un adminis- Celle-ci est très fréquentée, tapissée de solides pavés.
trateur escarte, Inigo Suarez de Bastavda. Les troupes À bien des endroits, des barrières ont été dressées
militaires restées dans le Capharnaüm lui permirent pour prévenir des accidents, des chutes de pierre, en-
de se maintenir à son poste. Petit à petit, des Shiradim core nombreuses de nos jours. On garde toujours son
et des Saabi revinrent peupler la cité, mais restèrent calme quand on passe par là ; plus d’un caravanier s’en
soumis à l’autorité escarte sous la menace d’un retour est voulu de perdre un dromadaire affolé qui plongea
des forces occidentales. dans les eaux en contrebas.
Aujourd’hui, la ville est officiellement entre des La Porte du Levant est celle de la route de Fragrance,
mains escartes. Leur pouvoir repose sur une nouvelle et par extension du grand Est. Elle aussi est constituée
invasion potentielle, un retour de leurs armées. Dans de pierres taillées, mais sa fréquentation est beaucoup
les faits, tout est question d’équilibre et de compromis plus importante, car elle se situe en terrain plus plat.
entre les différentes factions et peuples.

53
chapitre calliope

La Porte Méridionale est l’ouverture vers la plaine Le souk extérieur


du Nedjah. À l’approche de la ville, la zone devient Le commerce à Sagrada est essentiellement tenu
de plus en plus fertile et cultivée. On peut y voir les d’une main de fer par des Shiradim. Ils n’ont néan-
superbes ouvrages d’irrigation amenant l’eau des moins pas l’exclusivité des transactions. Lorsque les
hauteurs de l’Ouest et qui ont permis de transformer marchands saabi voulurent établir leurs enseignes
cette région aride en zone cultivable. Des aqueducs dans la ville, ils furent très mal reçus, et du coup déci-
s’enchaînent avec des canaux, de petits ponts arrondis dèrent de s’y prendre autrement. C’était lors de l’âge
sont jetés au-dessus de ces cours d’eau pour permettre d’or de Jergathine, peu avant l’an 4200. Un campe-
leur franchissement, des moulins s’égrènent le long ment s’était établi le long de la large piste menant à la
des berges pour permettre de moudre le grain. Fina- Porte méridionale, à une demi-heure de dromadaire
lement, toutes les pistes se rejoignent pour ne former des murailles, dans la zone fertile et cultivée. Bien que
qu’une seule large artère qui mène à Sagrada. ses occupants, membres de tribus nomades du désert,
changent avec le temps, le souk en lui-même est per-
Ibttas Jazira manent. La personne qui cherche des produits typi-
Lors de leur invasion, les Agalanthéens n’ont pas fait quement saabi sera automatiquement aiguillée dans
que piller, tuer et massacrer ; ils ont aussi emprisonné. ce coin. Le lieu grouille littéralement : senteurs, bruits
Comme les geôles de la cité ne suffisaient pas, et qu’il et couleurs se mêlent agréablement pour donner au
était difficile d’assurer leur sécurité, les conquérants ont passant une impression de vertige. Il est bien évident
bâti leur propre prison, à deux kilomètres de la ville, que tout ou presque est ici sous la coupe du clan Ibn
dans le golfe des Oxyrinques, sur un roc solide, une Yucef Abd-Al-Salif, seigneurs des seigneurs parmi les
petite île inhospitalière dont les parois s’élèvent à vingt marchands.
mètres au-dessus du niveau des flots. Un petit quai fut
bâti au pied du rocher, garni d’un poste de garde. Depuis Doroge Mourakaba,
cet accès, des escaliers en colimaçon mènent à l’impo- la tour de guet
sant et sobre bâtiment défendu par de lourdes murailles
Sur la rive ouest du golfe des Oxyrinques, les terres
qui encadrent parfaitement le sommet du rocher. À l’in-
s’élèvent rapidement pour former de hautes falaises.
térieur, les conditions de vie sont excessivement dures.
À portée de vue des remparts de la ville, sur le plus
Les prisonniers sont amassés dans des cellules creu-
haut point que l’on trouve là, les Shiradim bâtirent
sées dans le sol de l’îlot, tandis que les gardiens vivent
une forte tour de guet. Celle-ci permet de surveil-
dans des bâtiments édifiés en surface. Les évasions sont
ler tout le trafic maritime ou provenant de l’ouest,
rares, et les punitions pour ceux qui échouent dans leur
et même de gros mouvements de troupes sur la côte
tentative sont particulièrement impitoyables.
Est. La tour est solide, non pas bâtie selon la tradition
À l’heure actuelle, cette prison a été récupérée par
saabi en boue mêlée de paille, mais en pierres de taille.
l’administration escarte qui a beaucoup de peine à
Quelques gardes shiradim y sont installés en perma-
maintenir ses détenus dans les geôles situées dans les
nence, prêts à indiquer par signaux de fumée toute
murs de la ville. On peut donc y trouver une centaine
approche massive.
de prisonniers, essentiellement saabi et shiradim, enfer-
Au sommet de la tour est installé un énorme phare.
més dans des conditions particulièrement difficiles. Le
Autour d’un puissant brasier, alimenté du crépuscule
nom donné à cette prison dans la langue saabi signifie
à l’aube, tourne un miroir géant qui éclaire les envi-
« l’Île de la souffrance », car plus d’un marin prétend
rons et permet ainsi aux navigateurs de situer la côte et
avoir entendu de terribles cris de douleur s’en échapper.
de déterminer à quelle distance du port ils se trouvent.
Personne n’a jamais témoigné de ce qui s’y déroule réel-
lement, mais on suspecte des traitements inhumains.

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Monde

Vivre à Sagrada Sagrada est aux mains des administrateurs escartes.


Ils ne sont qu’une minorité, entourés d’un contingent
Peuples de tous dieux de gardes. S’il n’y avait pas la menace d’un nouveau
Sagrada est une ville de tensions entre commu- débarquement en masse de troupes occidentales, les
nautés. On y trouve bien sûr les différents peuples de peuples de Jazîrat leur auraient déjà repris le pouvoir
Jazîrat, mais aussi des gens venus d’ailleurs, son port par la force. L’élite escarte vit très coupée du reste de
important attirant beaucoup de monde. la population, dans de grandes demeures sur les hau-
Le peuple emblématique de la ville est bien enten- teurs de l’ouest. Quelques-uns d’entre eux, plus ou-
du celui des Shiradim. Ce sont eux qui construisent verts, essaient de se mêler au reste de la population,
Jergathine sous l’impulsion de Mogda et l’endroit mais les fortes tensions et le passé violent forment une
est sacré à leurs yeux, en particulier Migdash Arish- solide barrière.
don, le temple originel. Ce dernier, bien que simple Les Saabi sont aussi présents à Sagrada, bien que
et petit — ceci étant dû à son grand âge – reste l’un leurs cousins shiradim n’aient pas oublié les souf-
des plus courus de Jazîrat pour son importance histo- frances passées. La cohabitation n’est pas évidente,
rique. Les Shiradim sont bien implantés dans la ville. mais se passe tout de même calmement. On croisera
Après le sac des Escartes, ils ont rapidement repris les dans les rues des voyageurs, aventuriers ou merce-
rênes du commerce. Ils eurent aussi accès à différentes naires. Les commerçants étrangers sont plutôt mal ac-
positions de gestion, bien que l’administration princi- cueillis et auront tendance à préférer le souk extérieur.
pale de la ville soit toujours en mains escartes. Ils n’at- On trouve à Sagrada quelques rescapés de l’Em-
tendent qu’une chose : que les Occidentaux relâchent pire agalanthéen. Suite à la chute de leurs anciens
suffisamment la pression pour récupérer leur dû. Les seigneurs, ils ont préféré rester ici et tenter d’y faire
Shiradim sont les plus nombreux à Sagrada (qu’ils ont fortune. La plupart sont des mercenaires, descendants
d’ailleurs beaucoup de peine à nommer autrement des troupes stationnées sur Jazîrat. Certains se font
que Jergathine) et ils occupent essentiellement le marchands, profitant de contacts gardés dans les îles
cœur historique à l’est de la ville, autour du temple, agalanthéennes.
ainsi que le port marchand. Les plus riches ont leurs Sagrada est un véritable vivier de cultures, et l’on
demeures sur les premières hauteurs de la rive ouest, y trouve de nombreuses minorités, voyageurs venus
dans les maisons de type saabi. d’Al Fariq’n, d’Asijawi ou même du lointain Krek’kaos.

55
chapitre calliope

Sagrada, carrefour des voyageurs


Dans le port de Sagrada, on trouve une taverne qui ressemble extérieurement à tant d’autres, la Dent
d’O’donta. Situé à l’extrémité est des quais commerciaux, là où mouillent les navires aux activités les plus
troubles et les plus douteuses, cet établissement est le seul à être tenu par un Alfariqani, un homme grand, à
la peau d’ébène, nommé Massoun. Arrivé avec une caravane saabi revenue du royaume de Kumbra-Umbas-
saï il y a bien longtemps, l’homme a fait s’est établi dans la cité et s’y est forgé une place. La Dent d’O’donta
sert maintenant de point de ralliement à toute la communauté alfariqani de Sagrada, qu’il s’agisse de voya-
geurs nouvellement arrivés ou de personnalités reconnues qui aiment retrouver leurs racines. Avec sa déco-
ration et ses plats typiques, la taverne a acquis une certaine notoriété, mais les gens à la peau claire n’y sont
pas toujours les bienvenus. Beaucoup d’entre eux ont d’ailleurs disparu au fond du port après avoir trop
tendu l’oreille vers des discussions ne les regardant pas.
Mey Tonk-Kwai est une femme d’une quarantaine d’années dont la sévérité et l’austérité de caractère
n’ont d’équivalent que la dureté des traits. Venue du lointain pays d’Asijawi dans les cales d’un navire mar-
chand shiradi, elle a usé de toute son intelligence et de sa force de tempérament pour s’adapter aux us et
coutumes locaux. Personne ne sait exactement qui a fourni les fonds pour l’aider à démarrer son affaire —
certaines mauvaises langues parlent d’une implication des Vierges de Papier (cf. p 179) —, mais toujours
est-il que Mey tient maintenant l’une des plus belles maisons closes de Sagrada, la plus connue en dehors
du Temple des Sens : Les Lèvres de Jade. La demeure est construite dans les hauteurs ouest de la ville, dans
un style choisi par la maîtresse de maison, très inspiré de son histoire. On y trouve ainsi un jardin sobre, des
portes coulissantes légères, des sols doux où l’on se promène pieds nus, des tapis et coussins accueillants,
ainsi qu’une décoration faite de vases et de sculptures dans les tons ocres et carmins. Les filles de Maîtresse
Mey viennent de toutes les contrées connues, et vivent dans un luxe et des conditions que nombre de leurs
consœurs envient.
Celui qui écume les tavernes de Sagrada finira immanquablement par tomber sur Sven Rotberd, un grand
et solide gaillard à la peau claire portant de longs cheveux roux et une barbe fournie. Sven est plus grand,
plus fort, plus solide, meilleur combattant, et meilleur buveur que n’importe qui sur ces terres de sable, à ce
qu’il dit du moins. Arrivé sur un bateau de marchands agalanthéens, il a rapidement fait sa place dans la rue
grâce à une force naturelle qui en a laissé plus d’un sur le carreau. Il a combattu dans toutes les ruelles et dans
toutes les arrière-salles plus ou moins légales, se constituant avec les gains un joli petit pactole lui permettant
de vivre la vie comme il l’entend. Ainsi Sven va-t-il maintenant de taverne en auberge, de maison close en
fumerie, vantant ses exploits, déclenchant bordées d’injures et bagarres, et laissant toujours sur la table une
pile de pièces pour payer l’alcool consommé et rembourser le mobilier cassé.

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Monde

La Parole et le sabre Ainsi, la gestion réelle de la ville, c’est-à-dire hors


À Sagrada, le pouvoir est théoriquement détenu par de la relative autorité suprême escarte, se fait de ma-
l’administration escarte restée sur place après la fin de nière on ne peut plus informelle. Il n’y a rien de vrai-
la Quête Sainte. L’administrateur en chef est un noble ment officiel dans les décisions qui sont prises, et les
d’Aragón désigné directement par l’Escarte Magister personnes influentes peuvent tout aussi bien être un
pour garder la Ville Sainte sous l’aile de la religion de conseiller religieux, un riche marchand, un chef de
Jason ; ce dignitaire se nomme Inigo Suarez de Bas- réseau de mendiants, un prince-voleur, un caporal vé-
tavda et profite allègrement de ses pouvoirs. En fait, reux, ou encore la maîtresse d’un noble de haut rang.
sa plus grande force est de menacer les autres peuples Les lois varient ainsi beaucoup d’un jour à l’autre,
avec la puissance des armées escartes reparties en Oc- leur corpus s’efforçant cependant d’inclure les normes
cident, mais qui pourraient revenir à sa demande. Il a sociales shirades et saabi au mieux, tout en intégrant
sous ses ordres un contingent armé suffisant pour faire les particularismes des autres populations. Les sanc-
appliquer la loi, en particulier sur la rive ouest. Les tions contre ceux qui dérogent à la loi sont également
soldats occidentaux patrouillent théoriquement toute variées, en fonction de qui les applique. Il y a autour
la ville, mais ils ont un certain faible pour les riches de cela une sorte de consensus. Toute affaire grave est
quartiers où se niche l’administration. Ils ont aussi jugée par des représentants des diverses communau-
tendance à oublier certains lieux ou quartiers, comme tés impliquées. Les autochtones tentent au maximum
le Temple des Sens ou les environs de Migdash Arish- de ne pas faire appel à l’administration occidentale,
don à l’est. Ces militaires tiennent aussi les principaux cette dernière réglant en général les problèmes à sa
ponts de la ville au-dessus du delta. Les lois escartes manière, directe et brutale.
s’appliquent théoriquement à toute la cité, mais leur Il devient donc très difficile de régler chaque cas,
application effective dépend grandement de l’affilia- même les plus simples. Prenons l’exemple d’un petit
tion d’un quartier à l’administration en place. Mal- voleur à la tire saabi qui dérobe un fruit à l’étalage. S’il
gré l’appui des nations occidentales, Inigo Suarez de commet son forfait dans le quartier escarte (et qu’il est
Bastavda préfère éviter tout nouveau bain de sang, car pris sur le fait), il a de fortes chances de finir en prison
même s’il n’y laisse pas sa vie (et rien n’est moins sûr), en tant que perturbateur de l’ordre public, et ce sans
il y laissera à coup sûr son poste. autre forme de procès. Si l’infraction se déroule dans
L’autorité morale de la ville est multiple. En effet, un quartier shiradi, l’homme sera interpellé discrète-
les peuples s’en remettent aux dirigeants de leurs com- ment par la milice de la place qui préfère éviter toute
munautés respectives qui, eux, font ce qu’ils peuvent ingérence occidentale, et son cas sera traité rapide-
pour maintenir tout ce petit monde dans un état de ment par le plus sage des Shiradim du coin, probable-
paix toute relative. En fait, les élites se rencontrent ment sous forme d’une réprimande et d’une amende.
régulièrement, et de manière souvent très officieuse Bien sûr, si les responsables saabi ont vent du cas, ils
(à l’exception des rencontres avec l’administration en feront une histoire personnelle et réclameront le
escarte), afin de régler les différends sociaux, écono- coupable pour le châtier selon leurs propres lois.
miques et religieux. Personne ne veut une nouvelle
guerre civile, la ville ayant déjà bien trop souffert,
mais chacun exige sa part du gâteau. L’objectif pour-
suivi consiste à contenter tout le monde sans frois-
ser qui que ce soit. L’écheveau d’éléments à prendre
en compte est difficilement compréhensible pour un
non-initié, car il y a là des intérêts de tous ordres à
considérer.

57
chapitre calliope

Ces noms qui font l’histoire


Inigo Suarez de Bastavda
Noble d’Aragón honorifiquement délégué à
ce poste par l’Escarte Magister lui-même, il se
sent investi d’une mission divine, celle de garder
la sainte cité de Jason sous le joug de sa religion.
Escarte endurci et fanatique, il était aux côtés de
Siméon IV tout au long de la Quête Sainte.
Inigo Suarez est un homme de taille moyenne
et plutôt svelte, au port altier et hautain. Il porte
ses cheveux noirs en un catogan parfaitement
lisse, et il se fait une fierté de ses fines mous-
taches peignées chaque matin. Il vit dans une
vaste demeure des hauteurs de l’ouest, entouré
de ses seuls gardes et serviteurs. communauté shirade et son avis est toujours pris
en considération. Il est la voix de la raison, celle
qui permet d’apaiser les tensions et de calmer les
ardeurs ; il veut à tout prix éviter de nouveaux
affrontements mortels.
C’est un homme d’une soixantaine d’années,
à la peau tannée par les années passées exposé au
soleil, au corps endurci par de nombreux jeûnes
et méditations prolongées. Il n’a besoin d’aucun
artifice pour être remarqué, sa prestance demeu-
rant inaltérée malgré les signes de l’âge. Ioranan
aime rester calme et discret, ne prenant la parole
que pour de sages paroles réfléchies et pesées.

La reine Hélicandre
Ioranan Bar Yosef Hélicandre est une Agalanthéenne d’une cin-
quantaine d’années dont la beauté, éloignée des
Ioranan est le kahan le plus influent de Sagra- canons esthétiques classiques, est plutôt expri-
da, que d’ailleurs jamais il ne nommera ainsi, mée par son caractère et sa force intérieure. Elle
mais plutôt Jergathine. Membre de la tribu des est jolie, mais sans plus, et surtout dotée d’un
Pharatim, il est responsable du plus important charisme phénoménal. Elle a obtenu la couronne
(non en taille, mais en symbolique) temple shi- en épousant Ebenazar Bar Shilom, alors roi de la
radi de la ville, Migdash Arishdon, celui bâti Cité Sainte, qui était tombé sous son charme.
sous l’injonction de Mogda lorsque les Shira- Les bardes sont nombreux à chanter la beauté de
dim s’établirent ici après le Grand Exil. Ioranan leur histoire et de leur union, une romance qui il-
exerce une grande influence morale sur toute la lustre la fraternité susceptible d’unir les peuples.

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Monde

nieuse que seuls les plus fous rêvent d’effleurer


un jour. On la trouve toujours dans l’entourage
des grands chefs jazîrati, mais son rôle est plus
que nébuleux ; elle ne se donne pas, ne vend pas
son corps. Loin d’être une fille facile, elle a un
tempérament de feu qui a déjà réduit à néant les
ardeurs de plus d’un vaillant prétendant. Farah
traite dans l’ombre, discute, écoute et arrange les
choses. Elle tente tempérer et de tranquilliser les
chefs trop belliqueux qui voudraient reprendre le
pouvoir par la force. Certains voient en elle une
traîtresse à la solde des Escartes. D’ailleurs, le fait
qu’elle puisse avoir une belle demeure sans que
l’on ne sache réellement d’où proviennent ses
Aimée de ses sujets, elle a poursuivi l’œuvre de revenus fait jaser.
son mari après son décès. C’est ainsi elle qui a
permis d’éviter un massacre lors de la Quête
Sainte en permettant à l’essentiel des citoyens de
fuir par les souterrains. Elle-même est restée et a
tenu tête à Siméon IV lors du sac de Sagrada. Elle
a dû se soumettre à la puissance de l’envahisseur.
Encore maintenant, elle sait qu’elle ne peut com-
plètement reprendre les rênes du royaume. Elle
incarne cependant l’autorité la plus reconnue
parmi le peuple shiradi, et elle règne officieuse-
ment sur lui.
Hélicandre vit dans une somptueuse de-
meure, entourée de fidèles prêts à perdre leur vie
pour préserver la sienne, mais elle est bien seule.
En effet, elle n’a jamais retrouvé de compagnon
pour partager sa vie, et n’a engendré aucune des- Raiss Hassoun Ibn Khalef
cendance de son mariage avec Ebenazar. Elle se
retrouve sans héritier, et les différents clans shi-
Abd-Al-Sufien
radim poussent déjà leurs pions pour préparer la Ce grand Saabi solidement bâti est à la tête
future course à la succession. d’un clan dont l’activité de mercenariat est
reconnue dans toute la péninsule. Ses propos
Farah Bint Soufrate francs et directs font souvent mouche dans une
Al-Jamila population qui en a assez des compromis. C’est
un traditionaliste convaincu. Il profite d’avoir
Cette femme qui approche la trentaine est re- sous ses ordres des Saabi combattants et armés
connue comme la plus belle que l’on puisse ren- pour exercer une sorte de mini-guérilla en oppo-
contrer à Sagrada. De nombreux chants rendent sition des administrateurs escartes, contre l’avis
hommage aux courbes de sa silhouette harmo- de la plupart des autres représentants locaux.

59
chapitre calliope

les rues en égrenant à haute voix ses versets ma-


gnifiques et souvent improvisés sur le moment.
Jamais il ne parlera de manière claire ni concise,
mais toujours avec une complexité de symboles,
de paraphrases, d’allusions, de métaphores et
autres images, souvent accessibles aux seuls ini-
tiés. Il semble jouir d’une parfaite connaissance
des religions shirade et saabi, surtout au vu de
son jeune âge, et pourtant il n’a jamais fréquenté
aucune école reconnue. Personne ne sait réelle-
ment d’où il vient. Il déambule dans les rues, de
taverne en hammam, partout accueilli et accepté,
nourri gracieusement. Ses hôtes sont prompts à
écouter les prédictions et annonces qu’il peut ex-
primer, les comprenant rarement ; la plupart ont
Hassoun n’est pas du genre discret. Il parade tout aussi hâte de le voir repartir, car ses poèmes
fièrement dans les rues, dépassant la plupart permanents sont dictés avec un tel débit qu’ils
des gens d’une bonne tête, arborant des tenues empêchent de dormir. Le Poète peut passer trois
traditionnelles aux couleurs chamarrées et son heures à vous décrire la beauté des vagues s’écra-
puissant cimeterre qui a déjà fait rouler bien des sant sur le port de Sagrada avant de tisser une
têtes. Les rumeurs les plus folles courent au sujet obscure parabole sur l’avenir de la ville.
de son arme fétiche : on prétend qu’elle serait ha-
bitée par un puissant djinn qui lui conférerait un
puissant pouvoir magique. La foule s’écarte sur
le passage de Raiss qui se montre toujours prêt
à en découdre ou à provoquer un duel pour un
motif futile.

Gat Bar Gat Yassin,


Le Poète
Sagrada compte de nombreux poètes, artistes
de rue ou recueillis pas des mécènes. Mais il en
est un que l’on appelle tout simplement Le Poète.
Ce Shiradi d’une trentaine d’années traîne dans

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Monde

Us & Coutumes Derrière les murs


À Sagrada, le rituel principal est de respecter les
La ville balance entre ses deux rives. L’est est plat
rituels des autres. Le mélange des communautés fait
alors que l’ouest inaugure les premières pentes, plus
que de nombreuses traditions sont observées. Cha-
ou moins marquées, des zones rocheuses situées au-
cun voulant éviter un bain de sang général, on évite de
delà des faubourgs. En son cœur s’écoule le vaste delta
faire de la provocation gratuite. Chaque peuple pré-
du fleuve Halawoui parsemé de petits îlots. Cet en-
sent à Sagrada profite donc de ses rites et de ses fêtes.
semble est relié par un nombre conséquent de ponts
Il y a cependant un rite commun à tous dans la ville :
et passerelles aux tailles, formes et architectures très
la fête de la première pierre, Éven Haag. La date du
variées. Sagrada est une ville de contrastes, non seule-
02— Seconde—08 reste dans les mémoires comme
ment au plan social, mais aussi architectural ; les diffé-
celle de la fondation de la ville. Elle symbolise le jour
rents peuples ayant occupé la ville l’ont tous agrandie
où Mogda posa la première pierre de son temple. Bien
selon leurs normes, et les divers quartiers témoignent
sûr, c’est une fête essentiellement shirade, mais cha-
de son histoire mouvementée.
cun sait que, sans cet événement, Sagrada ne serait pas
là. Le jour est donc férié et la liesse envahit les rues.
On oublie les rancœurs du passé pour se remémorer
Le port de commerce
que l’on vit tous entre les mêmes murs. À tout seigneur tout honneur, le premier quartier
est celui par lequel vit Sagrada. Ce port existe depuis
Ressources la fondation de la cité. Il occupe toute la côte à l’est
du delta. L’endroit a évolué au cours du temps, s’est
L’économie de Sagrada tourne essentiellement au-
modernisé, s’est également adapté aux gros vaisseaux
tour du commerce ; il n’y a que peu de productions
qui y accostent maintenant, mais son style s’inscrit
locales, les matières premières étant elles-mêmes peu
toujours dans la simplicité typiquement shirade. Car-
nombreuses. Son port est vaste et reconnu de par le
ré, sobre, il est essentiellement utilitaire. Une large
monde entier. Les navires viennent pour y vider ou
zone pavée s’étend entre le bord de mer et les grands
y remplir leurs cales. On y trouve des produits aussi
entrepôts qui permettent aux négociants locaux d’en-
divers que variés, venus des quatre coins du monde.
treposer leurs marchandises. C’est ici que l’essentiel
Porte du Capharnaüm et des richesses de Jazîrat, la
des activités marchandes se déroule, entre les étals des
cité constitue le pivot d’un négoce permanent.
pêcheurs, les tavernes de marins, et les équipages en
La ville pourrait subvenir seule à ses propres be-
goguette.
soins en cas de crise économique, mais difficilement.
Il est difficile d’entretenir les zones irriguées et culti-
vées dans les environs, l’aridité faisant valoir sa loi
Le Temple des Sens
de façon récurrente. La pêche dans le golfe des Oxy- Sur le plus gros îlot du delta, au milieu de l’entrelacs
rinques est toujours fructueuse. Cependant, beau- de ponts, se dresse un ancien temple agalanthéen de
coup de gens à Sagrada apprécient un certain confort la grande époque de l’Empire. Fier et majestueux, il a
et ont une certaine idée du luxe, ce qui les conduit à toujours été entretenu au mieux. Son rôle a cependant
rechercher d’autres produits que seuls les marchands beaucoup changé puisqu’il s’agit maintenant d’un édi-
peuvent leur offrir. fice sacré dédié aux plaisirs des sens. On y trouve de
Sagrada possède aussi des ressources que l’on tout et pour tout le monde, qu’il s’agisse d’auberges
pourrait qualifier de sacrées. Son rôle de cité sainte de luxe, d’échoppes à épices, de fumeries, de maisons
aux yeux des Shiradim comme des Escartes en fait closes, et bien d’autres établissement encore, le tout
une destination incontournable pour les pèlerins du réparti sur les différents étages et souterrains de cet
monde connu. ancien lieu saint. La population agalanthéenne en-

61
chapitre calliope

core présente dans la ville n’apprécie d’ailleurs guère d’un Prince Voleur du clan Ibn Aziz Abd-Al-Salif. Le
l’usage qui en est fait maintenant. L’endroit est sous Temple des Sens est un des lieux où l’administration
la coupe de divers clans criminels — à des degrés di- escarte a le moins le droit à la parole, pour ne pas dire
vers — qui en organisent la gestion et préviennent qu’aucun Occidental n’ose y mettre les pieds seul de
tout conflit d’intérêts, le tout sous la surveillance peur de finir au fond du delta.

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Monde

Le port de plaisance Les flancs


Construit à l’époque par les Agalanthéens sur la rive À l’ouest, là où le terrain s’élève, les maisons à l’ar-
ouest, au pied des premières pentes, ce port est plus chitecture typiquement saabi épousent le relief. Ces
petit que celui qui lui fait face. Il n’est adapté qu’à de demeures de terre mêlée de paille semblent accro-
petits navires privés qui viennent s’amarrer à de frêles chées aux parois, comme faisant partie du paysage na-
pontons dont les décorations remémorent la grande turel lui-même. Quartier construit par les riches Shi-
histoire de l’empire qui domina le monde il y a bien radim lors de l’âge d’or de Jergathine, il offre une vue
longtemps. Les demeures qui font face à la mer sont imprenable sur la cité tout en conservant un cachet
de petites maisons basses et blanches, aux toits plats et agréable. L’ambiance y est sereine. Plus haut se sont
aux volets pastel, entrecoupées de ruelles et d’escaliers installés les nobles agalanthéens qui ont construit des
qui serpentent à flanc de colline. La vie y est paisible, demeures d’un tout autre genre. Ici habitent mainte-
mais bien surveillée. Les places au port étant réservées nant les représentants de l’administration escarte, ren-
aux plus fortunés, ces petites maisons constituent des dant l’endroit très surveillé et sécurisé.
résidences secondaires de choix pour de riches et ai-
sées personnalités. L’ancien palais
Sis sur un petit plateau au milieu de ces flancs ro-
Migdash Arishdon cheux se trouve l’ancien palais de la noblesse agalan-
Autour du temple intouché de Mogda se trouve le théenne. Bâti dans un style de colonnes typique de
quartier shiradi traditionnel. C’est également un lieu à l’empire déchu, le bâtiment est un symbole important
fort caractère commercial, animé par des affaires bien aux yeux de toutes les communautés. Les Shiradim
plus complexes que celles traitées sur le port. L’élite y ont vu leur destin se jouer lorsque Jason y affron-
des Shiradim y réside dans des demeures à l’architec- ta Pélorius. C’est là que furent conservées l’Épée de
ture sobre (du moins extérieurement). L’intérieur est Muhammad et la Mirabilis Calva Reliquiae jusqu’à
fait de superbes cours garnies de jardins dont le degré la Quête Sainte. Le palais est aujourd’hui utilisé par
d’élaboration est une expression de la richesse du pro- les dirigeants de la cité : Hélicandre et sa cour, puis,
priétaire. depuis l’arrivée de l’administration escarte, celle-ci y
Cette zone est coupée du reste de la ville par le mur tient maintenant ses audiences publiques.
de Jason, vestige de l’asservissement des Shiradim
et des souffrance qu’il a engendrées. Aussi doulou-
reux que soit le souvenir, le mur est resté. Long d’un De vent et de poussière
kilomètre, construit dans la dure pierre blanche que Les nouvelles vont bon train dans la ville. On parle
l’on trouve à l’ouest, il s’élève à six mètres de hauteur. de grandes découvertes réalisées dans de lointaines
Son sommet est garni de pointes de métal enserrées contrées, et que des navires d’explorateurs partis depuis
dans la roche. Les Shiradim viennent régulièrement de nombreuses années seraient sur le point de revenir
se recueillir ici. Le mur en lui-même ne sert plus de au port. Les marchands parlent de plus en plus d’une
séparation ; il a été ouvert en plusieurs endroits pour alliance des pirates sévissant dans les anciennes îles
former des portes, des passerelles ont même été bâties agalanthéennes en vue de s’en prendre aux richesses du
par-dessus ses moellons et, au sud, la ville s’est agran- Capharnaüm, en particulier de Sagrada. Récemment,
die et l’a dépassé. on a trouvé d’étranges roches dans le sous-sol d’une
ruine agalanthéenne dressée sur un îlot du delta ; elles
seraient empreintes de forts pouvoirs magiques, cer-
tains parlant même de l’énergie des dragons.

63
chapitre calliope

Carrassine
Rappel chronologique
4450 : fondation de Carrassine par le général Yassine.
5588 : première apparition de Sarah, l’héroïne shirade.
5616 : Sarah marche sur Carrassine.
5990 : Carrassine tombe sous le siège mené par Siméon IV. Suleïman, alors roi-sénéchal de Carrassine,
demeure introuvable. Les Escartes sont finalement battus et quittent la ville quelques heures plus tard. Car-
rassine reste considérée comme imprenable.
5994 : le conseil des princes de Carrassine vend les services de deux de ses légions aux grands-jergathins
dans le cadre d’une alliance avec les troupes escartes afin de reprendre Sagrada aux Agalanthéens.

La cité des bâtards L’histoire est écrite par les


célestes vainqueurs
Jadis fondée par les Shiradim au temps où ils ré- Le temps des premières pierres
gnaient sur le Capharnaüm, Carrassine est une ville L’excellence crée la richesse, la richesse engendre
cosmopolite caractérisée avant tout par ses contrastes. la convoitise et la convoitise nourrit les ennemis. An
Ville de poids, avec ses doubles murailles en étoile, 4450, le Capharnaüm et le désert de Feu qui le sé-
elle est aussi ville de légèreté, par la magnificence de pare des richissimes contrées du Sud, sont le théâtre
ses jardins suspendus. Ville de guerre et de destruc- de nombreux carnages, pillages et viols motivés par
tion, avec ses neuf légions, elle est aussi une ville de la haine et la jalousie. « Il est des princes qui ne valent
paix et de culture, par son université, ses parcs et son guère mieux que des voleurs, et des voleurs qui mérite-
théâtre. Enfin, ville de siège et de résistance, elle est raient d’être des princes » dira Jehemiah Bar Ibrahim,
aussi la ville des voyages, la porte de l’Occident et des chef de guerre shiradi face aux attaques incessantes de
mystères, d’aucuns la surnomment encore Babilim, la certaines tribus saabi menées contre les caravanes et
porte des dieux. les tribus de son peuple.
Cité cosmopolite, on y adora d’abord le Shirad des C’est ainsi qu’il demanda à Yassine Bar Shimon,
anciens esclaves et le dragon Mardûk. Puis, avec le prince des voleurs de Jergathine, son ennemi de tou-
temps, revinrent Houbal et les mille et un dieux de jours, et l’homme le plus astucieux que le dieu ait
son panthéon. Puis les dieux agalanthéens. Puis Jason jamais mis sur sa route, de trouver le meilleur endroit
l’Escarte. Tout cela sans le moindre souci apparent de pour construire la cité qui protégerait le Capharnaüm
hiérarchie. À Carrassine, les peuples se mêlaient, dans des assauts, répétés et à venir, de ses ennemis. Sage
leurs cœurs ; et dans les cieux, les dieux et les cultes entre les sages, le prince voleur assura à Jehemiah Bar
forniquaient comme chèvres et boucs. À l’abri des Ibrahim que Jergathine n’était pas menacée, pas encore,
remparts, protégés par Mardûk le gardien, le dragon mais qu’elle continuerait de prospérer et qu’avec le
tutélaire de la cité, les Carrassinois sont devenus les temps viendraient d’autres menaces, plus grandes et
bâtards célestes. On a connu meilleure réputation ! plus nombreuses, des alliances, des trahisons. Ce qu’il
fallait, ce n’était pas un avant-poste qui protégerait la

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Monde

ville de Mogda du désert, mais une forteresse qui domi- La première chute fut causée par une invasion mari-
nerait le Septentrion et l’Occident, la mer et les terres. time. Des trirèmes agalanthéennes éprouvèrent les fai-
L’ancien voleur partit avec ses hommes et une ar- blesses de la cité en l’attaquant par son flanc littoral.
mée offerte par son meilleur ennemi. Ils arpentèrent Carrassine tomba pour vingt ans sous l’égide du tyran
le Capharnaüm durant de longs mois, et enfin trou- Ianos Caliprax Avolonis, cadet du roi de Thérème,
vèrent l’emplacement idéal pour dominer la mer et les enfant brutal né pour la guerre et les voyages. Le jeune
terres arides du Sud, surveiller l’Occident et le Nord : tyran est à l’origine du nouveau port, la fameuse rade
un vaste surplomb rocheux que la sagesse populaire circulaire aujourd’hui réputée à travers tout le monde
jazîrati avait nommé Babilim, la porte des dieux dans connu.
la langue saabi. Sans doute avait-il les yeux trop tournés vers la mer
En ce lieu fut construite Babilim la Merveilleuse. et le nord pour voir venir la menace du désert au sud
Cité aux remparts doubles censés la protéger des dé- et du continent d’Al Fariq’n, à l’ouest. L’attaque avait
mons portés par les vents du désert, Ziyada Al-Chay- dû être programmée de longue date, car en une nuit,
tân. Mais à l’abri de Ziyada Al-Chaytân un autre vent les cavaliers sauriens de la tribu Ibn Khalil Abd-Al-Sa-
soufflait, celui implacable de la grande prêtresse shi- lif fondirent sur Carrassine et parvinrent à la prendre.
rade Tamara Bat Lazarr qui ne souffrait qu’on nom- Pour quarante ans, la ville de Yassine appartint aux
mât la cité d’un nom saabi et de surcroît polythéiste. Il chevaucheurs de dragons. Durant cette période, Car-
y eut conflit et une bataille au cœur même de Babilim rassine ne fut plus un fort, mais un caravansérail, une
se solda par près de six cents morts et donna raison ville des quatre vents, ouverte aux voyageurs de tous
au général Yassine, mais peu de temps s’écoula avant peuples et de tous horizons. Carrassine n’était plus
qu’on ne l’assassine. Yassine Bar Shimon n’avait pas une cité forte, mais un royaume des soupirs, un souk
oublié les jouissances de sa jeunesse, l’hédonisme de de pierre et de sable que d’aucuns qualifiaient de dé-
son passé de voleur et il aimait prendre du bon temps cadent au plus haut point. Ziyada Al-Chaytân avait
dans les hammams de la ville en compagnie de pros- ouvert ses portes aux démons du désert.
tituées et de jeunes soldats. Cela n’avait pas échappé Puis s’en vint Sarah, et ce fut la troisième prise de
à son ennemie. Le corps de Yassine fut retrouvé un Carrassine.
matin, gisant dans une rue, émasculé, ses parties four-
rées dans sa bouche à la manière des assassins saabi Le règne des princes carrassinois
du désert. Nul n’osa soupçonner la prêtresse tant la Sarah Bat Caleb, héroïne shirade, véritable sauveuse
signature était claire. Salima Bint Aziz Abd-Al-Sa- de ce peuple après les frasques égoïstes de Jason, se
lif, conseillère et maîtresse de Yassine, n’abandonna présenta aux portes de Carrassine à l’âge de 58 ans, à
jamais la lutte pour la laïcité de la cité et tint tête à la fin de l’hiver 5616.
Tamara Bat Lazarr. Il fallait un nom à la forteresse, et Elle avait pour mission de reprendre la ville et d’en
Salima parvint à lui imposer celui de son fondateur : faire la fierté de son peuple, un symbole à la hauteur de
Kar Yassine, le fort de Yassine qui plus tard, dans la Shirad. Il n’y eut ni bataille ni siège. Une simple ren-
langue vernaculaire serait appelée Carrassine. contre, une nuit de discussion sous la tente du cheikh
Archemon Ibn Khalil Abd-Al-Salif, dit « le Modéré ».
Le règne des cavaliers sauriens Ce qui s’est dit cette nuit-là, nul ne le sut et nul ne le
Les années se suivent et ne se ressemblent pas saura jamais, mais il en résulta un mariage et un accord
lorsqu’on est aux portes du monde, à la croisée des politique qui perdurèrent jusqu’à nos jours. Symbole
chemins. Successivement, de décennie en décennie, du retour des Shiradim à la tête de la ville, Sarah et ses
Carrassine connut bien des bouleversements. Trois troupes entrèrent dans Carrassine le lendemain et le
fois, elle fut prise. conseil des princes fut immédiatement fondé.
Plus jamais Carrassine ne serait prise par la force.

65
chapitre calliope

L’once de Vérité, monnaie d’entre les monnaies


Le premier acte marquant accompli par Sarah et son époux fut d’ériger une nouvelle statue de Mardûk
qui siégeait à l’entrée de la ziggourat du conseil des princes. Détruite lors de la prise de la cité par les Agalan-
théens, le monument n’avait jamais été reconstruit. Shirad lui-même aurait inspiré Sarah pour que la statue
revienne sur son socle.
Le fait est que depuis, la statue de Mardûk, en forme de dragon, règne en majesté au pied des marches
de la ziggourat et qu’elle veille à la vérité. En effet, prononcer un serment devant elle, s’il est sincère, si la
vérité profonde a été énoncée, provoque une réaction aujourd’hui encore inexpliquée : par la bouche de la
statue s’écoule un liquide doré et irisé de rouge qui, bien vite, prend la forme de deux petites créatures res-
semblant à s’y méprendre à des ouistitis. Hautes de quinze centimètres et pesant une once, ces homoncules
sont appelées Onces de vérité. Des mariages d’amour sont prononcés devant cette statue, des procès y sont
tenus et des nobles viennent du monde entier pour prêter serment devant Mardûk et sceller leurs alliances
par l’existence d’une Once de vérité. Précisons qu’il ne s’agit que de vérités sacrées, d’engagement de cœur
ou d’honneur, pas de simplement promettre qu’on rentrera avant minuit. Mardûk sanctifie seulement
les pactes qui ont un minimum de sens. Une promesse sans envergure
n’entraîne aucune réaction.
Ces créatures n’ont pas d’intel-
ligence, elles ne respirent, ni
ne s’alimentent. On les garde
précieusement dans des
fioles de verre. Lorsqu’un
pacte unit deux partis, cha-
cune garde l’une des Onces.
Si un jour l’accord est rom-
pu, les créatures meurent
sur-le-champ. Cela constitue
un très bon moyen de s’as-
surer de la fidélité d’autrui.
Notons que si les créa-
tures trépassent en cas
de trahison, lorsqu’un
contrat, un engage-
ment les prenant
pour témoins, prend
fin pour d’autres rai-
sons (durée déter-
minée, décès d’une
des parties, etc.) les
créatures restent en
vie. C’est ainsi que les
Onces de vérité

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Monde

peuvent parfois être utilisées comme monnaie. Elles n’engagent plus à rien, mais ont la valeur d’un millier
de talents d’or et peuvent aussi avoir une très grande valeur symbolique. Des époux ruinés peuvent mettre
en gage les Onces qui ont scellé leur mariage, des marchands vont jusqu’à spéculer : si une Once de vérité
commune vaut mille talents d’or, combien en vaut celle qui a scellé le mariage d’un roi ? Un accord de paix ?
Le jugement d’un assassin royal ?
Les dérives seraient fréquentes, c’est pourquoi deux redoutables guerriers eunuques ont été affectés à la
surveillance de la statue. Si rien ne vous empêche d’y venir chaque jour faire des promesses et de repartir
avec vos Onces de vérité, ou de revendre plus tard vos Onces devenues obsolètes, il est fortement interdit
d’en abuser et d’en faire le commerce immédiat. Ainsi, les eunuques font-ils des rapports réguliers au conseil
des princes qui est libre d’engager une enquête suite à des abus. Cela permet d’éviter de transformer la vérité
vraie en monnaie de singe…

De nos jours Bédouins, pèlerins et


La structure politique mise en œuvre par Arche- caravaniers
mon le Modéré et Sarah Bat Caleb est toujours en
vigueur. Un roi-sénéchal dirige la ville, assisté par un Placée au nord-ouest de Jazîrat, Carrassine dispose
conseil des princes. Cette instance doit comporter d’une situation très particulière. Elle est implantée sur
une majorité de Saabi, mais elle est toujours prési- un ancien lieu-dit appelé « porte des dieux ». C’est un
dée par un Shiradi. Il peut y avoir en son sein un ou endroit très sec et constamment battu par les vents en
plusieurs Agalanthéens ou Alfariqani de la tribu des provenance de la mer d’une part, et du lointain désert
Ungaras (cf. le clan Ibn Khalil Abd-Al-Salif p. 170). d’autre part. Si l’on connaît de nombreuses tempêtes
L’actuel roi-sénéchal, Suleïman Bar Zaraï, lointain de poussière et de sable remontant du djebel Houmfi-
descendant de Sarah et Archemon a disparu il y a rh et de l’Aramla El-Nar, le vent est généralement bien-
cinq ans, lorsque le roi escarte d’Occidentine, Siméon venu ici, car il aide à supporter les températures qui, au
l’Orgueilleux, est parvenu à entrer dans la ville. Si les plus fort de l’été, avoisinent parfois les 50 degrés.
Carrassinois ont remis les Escartes hors les murs en
quelques heures, au terme de ce raid Suleïman Bar Za- La route de cuivre et de
raï restait introuvable. Des rumeurs prétendent qu’on turquoise
l’aurait vu en compagnie de Bédouins dans le désert, On nomme ainsi la piste longeant le bras de mer
d’autres qu’il se cacherait à Kh’saaba. qui sépare Jazîrat d’Al Fariq’n. Elle constitue le che-
Deux années plus tard, en 5994, le conseil des min le plus long, mais aussi le plus sûr pour relier Car-
princes de Carrassine accepta de vendre les services rassine au royaume de Kh’saaba. Il faut cinq mois et
de deux de ses légions aux Grands-Jergathins dans le demi à une caravane pour relier Carrassine à Jergath-
cadre d’une alliance avec les troupes escartes dans le la-Grande, contre quatre mois en traversant le désert.
but de reprendre Sagrada à l’ennemi héréditaire : Aga- Cependant, cette route est moins aride et parsemée de
lanthe. La bataille eut l’issue qu’on connaît, mais ce nombreux villages de pêcheurs et d’éleveurs. Très ac-
qui nous intéresse en ce qui concerne Carrassine, c’est cidentée, la route de la côte est particulièrement mon-
l’intégration de deux représentants escartes au conseil tagnarde dans sa partie traversant le Capharnaüm, car
des princes après cet épisode. Plus que jamais, Carras- elle contourne le djebel Houmfirh par la base. C’est
sine est la ville des peuples de l’Orient et de l’Occi- sur cette partie précisément que l’on trouve les nom-
dent, du Nord et du Sud, elle vole aux quatre vents et breuses mines qui assurent la richesse de la cité. Le
symbolise la ville de tous les dieux…

67
chapitre calliope

nombre important de soldats et de chevaliers carrassi- de cent vingt mètres de diamètre qui abrite l’amirauté
nois affectés à la surveillance de la route des minerais et l’administration portuaire. Ainsi, le voyageur s’en-
est très dissuasif pour les pillards de toutes sortes. gage-t-il en premier lieu dans l’ancien port rectangu-
laire où de nombreux navires s’amarrent encore, pour
Les Vergers de Sarah franchir les portes du port circulaire et gagner ensuite
À moins d’une heure de marche au sud-est des Carrassine au prix d’une ascension de la via Avolonia
remparts s’étend une vaste région arable, aussi fertile et de ses nombreuses tentations.
que riche. On y cultive l’olivier, le dattier et le figuier
ainsi que de nombreuses céréales. On y élève aussi des Les légions carrassinoises
chèvres et des chevaux en grand nombre. Ces terres, La ville est immense, mais pas assez pour conte-
autrefois offertes à Sarah par son époux, appartiennent nir de façon vivable les huit légions de plus de vingt
aujourd’hui à deux des princes de la ville : Taleb Ibn mille hommes chacune. C’est ainsi que près de deux
Suffih et Don Alejandro-Aranjuez de Olvidad. cent mille soldats, soigneurs, palefreniers, et artisans
campent en permanence dans un titanesque caravan-
Le port circulaire sérail, ville hors la ville, qui encercle Carrassine. Nul
Véritable ville à l’extérieur de la ville, le port est plus besoin de préciser qu’en ces lieux, fréquentes sont les
qu’un simple quartier. Dépourvu de fortifications, il bagarres opposant des bandes de mercenaires issues
se situe en contrebas de Carrassine, au terme d’une de légions rivales et, parfois, des troupes régulières. Il
large voie pentue de plus de cinq cents mètres. Bordée est également évident que ce caravansérail est le para-
d’entrepôts privés, d’échoppes et de tavernes, cette dis des joueurs et le terrain de chasse des prostituées.
voie est appelée via Avolonia depuis sa construction Les officiers supérieurs sont pour leur part logés
par Ianos Caliprax Avolonis. Le port lui-même est lé- dans des bâtiments réservés aux personnes de leur
gèrement en retrait par rapport à la baie qui l’accueille. rang et situés dans les quartiers centraux de la cité.
Il se situe en fait dans les terres mêmes, dans le prolon- Les plus avisés font cependant le choix de rester à
gement de l’ancien port carrassinois. Il a la forme d’un l’extérieur de la ville, officiellement ou dans le secret,
bassin circulaire, large de 320 mètres et a entièrement pour garder leurs hommes à l’œil. Les légions sont
été creusé par les esclaves d’Avolonis. En son centre au nombre de huit et chacune appartient à l’un des
même, au bout d’une jetée massive, se trouve un îlot princes de la ville.

Légions Fonctions Prince tutélaire


Ière légion Sécurité des quartiers princiers Bakar Mani n’Bassal

IIème légion Infanterie Yehochoua Bar Ezra


IIIème légion Défense des remparts/Cavalerie Alejandro-Aranjuez de
Olvidad
IVème légion Milice/Flotte militaire Nabil Ibn Aziz Abd-Al-Salif
Vème légion Génie militaire Mamoud Ibn Yucef Abd-Al-
Salif
VIème légion Infanterie Javier Jimenez Espoza de
Madre-Salud
VIIème légion Infanterie Taleb Ibn Suffih
VIIIème légion Cavalerie/Walad Badiya Zaïna Bint Khalil Abd-Al-
Salif

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Monde

Chaque légion est composée d’environ 20 000 combattants ainsi que d’un bon millier d’hommes et de
femmes pour assurer la logistique (soigneurs, palefreniers, cuisiniers, artisans...).
S’offrir les services d’une légion carrassinoise n’est pas à la portée de toutes les bourses. En effet, même un
très riche marchand ne peut se le permettre. Les clients habituels sont plutôt de richissimes princes carava-
niers, des rois ou de puissantes guildes corporatives.
L’engagement d’une légion nécessite un accord majoritaire lors d’un vote du conseil des princes, mais le
prince tutélaire de la légion a le droit de veto sur l’engagement de ses troupes.

Vivre à Carrassine un seul culte compte vraiment, ce n’est pas celui d’un
dieu à proprement parler, mais celui de Mardûk, le
Peuples de tous dieux dragon protecteur de la cité. Mardûk, dit-on, renforce
Si un seul adjectif devait être attribué à Carrassine, ce les remparts, rend les vergers fertiles et les mines fé-
serait cosmopolite. Avant tout, la ville est ouverte à tous condes, il donne au guerrier le bras fort et au voleur la
ceux qui ont quelque talent à offrir. On y trouve tout à la main chanceuse. Du prince, il porte la voix jusqu’aux
fois des maçons, des potiers, des soldats, des marchands, oreilles de ses soldats.
des princes et des prostituées. Aucun n’est ici légitimé par
son sang ou ses croyances, seul compte le mérite. Tout La Parole et le sabre
artisan sachant mettre en valeur son savoir-faire est sus- Le mode de gouvernement de Carrassine a fait ses
ceptible de devenir un jour un prince carrassinois. preuves. Un roi-sénéchal, maître suprême des légions
Bien entendu, il y a des enclaves qui servent des mercenaires de la ville, est assisté dans sa gouvernance
maîtres, des quartiers qui segmentent la population, par huit princes issus de la noblesse, comme de la bour-
mais n’est-il pas le propre de l’homme que de se geoisie ou du peuple. D’autre part, Carrassine étant
rapprocher de ses semblables ? Bien sûr, il existe des une cité-État marchande, elle n’a pas d’appartenance
manigances et des luttes de pouvoir, des assassinats politique particulière et tous les peuples peuvent être
politiques et des tensions entre communauté, des représentés au conseil des peuples. Seules deux règles
rivalités commerciales et des crimes passionnels ; ils majeures dominent  : que quatre princes au moins
contribuent cependant à l’équilibre et la vie de la cité. soient des Saabi et que le chef du conseil soit un Shira-
Cependant, jamais on ne vous interdira légalement di. Les princes sont choisis à la majorité par leurs pairs
l’entrée d’une échoppe à cause de la couleur de votre ainsi que le roi-sénéchal, sa voix et celle du chef du
peau, jamais on ne vous bannira pour votre religion. conseil comptant double. Les candidats au principat
À Carrassine, il y a des Escartes noirs comme la nuit, sont sélectionnés par le conseil et par le roi-sénéchal,
des prêtres de Chtonos prêchant en Saabi et des Shi- mais des candidatures spontanées ont déjà été expri-
radim polythéistes. Derrière la Ziyada Al-Chaytân, mées. C’est le cas des deux actuels princes arakognans
siégeant au conseil.

69
chapitre calliope

Ces noms qui font l’histoire


En l’absence du roi-sénéchal, la ville est administrée par le conseil des princes sous l’égide du chef du
conseil. Voici les portraits de ceux qui gouvernent Carrassine. Loin d’être des régents inaccessibles, tous
prennent part à la vie carrassinoise en fonction de leurs attributions respectives.

Homme juste et aimé, le prince Bakar Mani


Prince Bakar Mani n’Bassal, n’Bassal était l’ami le plus proche du roi-séné-

chef de la Ière légion chal et d’aucuns pensent qu’il sait très bien où il
se trouve désormais, pour l’avoir aidé à fuir.

Prince Yehochoua Bar Ezra,


chef de la IIème légion

Cet homme longiligne, à la peau noire et lui-


sante comme le plus beau des bois d’ébène est
originaire des profondes jungles du continent Al
Fariq’n. Il est le chef de la première légion et le
seigneur de la médina Al-Ziggourat. En d’autres
Chef du conseil des princes, Yehochoua a
termes, il est à la tête de la plus puissante des lé-
hérité d’une énorme responsabilité après la dis-
gions carrassinoises et assure de surcroît la sécurité
parition du roi-sénéchal. C’est lui qui, malgré le
dans les quartiers princiers. Souriant et athlétique,
sacrilège des Escartes, accepta, sous la pression
il aime passer du temps à discuter philosophie
de Jergath-la-Grande, de louer les services des lé-
et poésie avec d’autres nobles, des étudiants, des
gions carrassinoises pour assiéger Sagrada. C’est
prostituées sacrées et, le plus souvent, avec Hassan
aussi lui qui soutint deux capitaines escartes
son garde du corps eunuque et ami de toujours.
pour qu’ils accèdent au titre de princes carrassi-
Redoutable guerrier, Bakar Mani n’Bassal est aussi
nois après que les chefs des troisième et sixième
le fondateur de la secte d’élite des gardes du corps
légions fussent trahis, et tués, sur le champ de
de la porte des dieux. Tous sont des eunuques
payés rubis sur l’ongle, capables de donner leur vie bataille par les hommes de Siméon IV.
Seigneur de la médina Al-Moallaka, Yeho-
pour protéger l’employeur qui loue leurs services
choua Bar Ezra est un intellectuel plus qu’un po-
à Bakar. Il veille lui-même à leur formation.

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Monde

liticien, un poète plus qu’un guerrier. Ce vieux Grand éleveur de chevaux, il est aussi à l’ori-
Shiradi rêveur et idéaliste se repose très souvent gine de l’import de chevaux arakognans, de leur
sur ses trois hommes de confiance pour les déci- élevage dans les vergers de Sarah, et de leur com-
sions importantes : Bakar Mani n’Bassal, Alejan- merce à Jazîrat. Ces étalons vendus à prix d’or
dro-Aranjuez de Olvidad et Nabil Ibn Aziz Abd- sont appelés purs-sangs Aranjuez. Lors de sa
Al-Salif. désertion pour rejoindre Carrassine, le prince
Alejandro-Aranjuez de Olvidad fut suivi par près

Prince Alejandro-Aranjuez de mille cavaliers d’élite.

de Olvidad, prince de la Prince Nabil Ibn Aziz


IIIème légion Abd-Al-Salif, chef de la
IVème légion

Don Alejandro-Aranjuez était le capitaine


d’une des plus importantes troupes escartes : les
cavaliers arakognans. Suite à la trahison Siméon Seigneur de la médina Al-Mardûk, Nabil
IV, il ne put rester sous la bannière du dieu écar- a l’énorme responsabilité du peuple et des
telé et suivre les ordres d’un roi au comporte- échanges commerciaux à l’intérieur de la cité.
ment guerrier illégitime. Apatride, il se présenta C’est à lui que revient la surveillance des taxes,
à Carrassine et offrit sa loyauté en lieu et place de de la contrebande, du crime organisé. C’est aussi
celle du prince Marzouk Ibn Malik Abd-Al-Has- lui qui est le seul supérieur de l’amiral, et donc le
san, tué au combat du fait de la traîtrise du roi responsable du port et de la flotte carrassinoise.
escarte. Prince de la médina Al-Ziyada Al-Chay- Avec ce genre de charges, on n’a guère le temps
tân, Don Alejandro-Aranjuez est aujourd’hui de s’amuser. Descendant en droite lignée de Sa-
responsable des remparts de la ville. Sa légion a lima Bint Aziz Abd-Al-Salif — qui fut la conseil-
donc en charge la défense des murs, leur entre- lère et l’amante du général Yassine —, Nabil est
tien, leurs extensions. un quadragénaire sec et sévère que l’on craint
d’un bout à l’autre du Capharnaüm.

71
chapitre calliope

Prince Mamoud Ibn Yucef


Abd-Al-Salif, chef de la
Vème légion

prise, le petit curé rondouillard et déjà âgé devint


prince de la médina Al-Arkân, seigneur de l’uni-
versité de Carrassine et chef de la VIème légion. Il
n’a rien d’un héros de guerre ou d’un politicien,
mais c’est un pédagogue affirmé à la pensée for-
S’il fallait une fonction de ministre du Com- gée par les plus grands penseurs escartes et sur-
merce, celle-ci serait attribuée au prince Ma- tout agalanthéens. L’une de ses actions les plus
moud. Âgé, cet ancien caravanier a toujours le célèbres fut de créer des écoles de rue, des pré-
sens du négoce, l’œil du faucon et l’intuition du cepteurs furent contraints à se rendre plusieurs
malandrin. Comme il le dit lui-même : « On ne fois par semaine dans les médinas Al-Mardûk et
fait pas d’affaires en voulant enrichir l’autre ». Al-Dhumma y dispenser leur savoir auprès des
C’est aussi un grand voyageur, qui n’hésite gens du commun.
pas à se déplacer aux quatre coins du monde (il
s’est récemment rendu au Magisterium) pour
négocier les services de Carrassine. Prince de la Prince Taleb Ibn Suffih,
médina Al-Wudu, Mamoud a depuis longtemps
compris que c’était par le biais de leurs faiblesses
chef de la VIIème légion
que l’on possédait le mieux les hommes.

Prince Javier Jimenez Espoza


de Madre-Salud, chef de la
VIème légion
En son pays, le père Javier était curé de pa-
roisse. De toute sa vie, il avait été un ami fidèle
de Don Alejandro-Aranjuez. Lorsque le capi-
taine partit en guerre, il le suivit et devint son
aumônier. Quand le capitaine déserta, il le sui-
vit encore et c’est ainsi qu’à sa plus grande sur-

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Monde

Issu du peuple, Taleb Ibn Suffih était autrefois


un esclave très pauvre vivant à Jergath-la-Grande.
Parvenu à sauver l’enfant de son maître de la
noyade, Taleb fut affranchi. La légende raconte
qu’il traversa le désert avec pour seules richesses
un âne âgé, une maigre chèvre et un bouc ma-
lade. S’installant dans une oasis inhabitée au sud
du Capharnaüm, il parvint à obtenir de sa chèvre
famélique et de son vieux bouc la naissance de
plusieurs agneaux. Vendant un peu de viande et
de lait aux Bédouins de passage, Taleb finit par
obtenir de quoi s’acheter une autre chèvre, puis
une autre, et son vieux bouc galeux les besogna
encore et encore.
C’est avec un troupeau de soixante bêtes qu’il
se présenta un jour à Carrassine. Il y fit sa place et
elle s’est convertie il y a peu. Bien qu’hérétique
de fil en aiguille devint un bourgeois important,
aux yeux des Saabi, elle s’est assurée la fidélité de
puis un homme politique et, enfin, un prince.
nombre de membres de sa tribu. Ainsi, de nom-
Altruiste, n’oubliant pas d’où il vient, le chef
breux Walad Badiya font la fierté de la cavalerie
de la VIIème légion et prince de la médina Al-
de Carrassine, la VIIIème légion.
Dhumma négocie régulièrement la baisse des
Très proche du prince Alejandro-Aranjuez de
taxes pour les plus pauvres et l’augmentation des
Olvidad, elle aime lui lancer des défis et organiser
dons que fait annuellement la ville aux médecins
avec lui des tournois, des raids et des courses de
et aux soigneurs de tout poil.
chars. Ces jeux attirent les foules et enrichissent
la ville, ce qui n’est pas sans plaire à Mamoud Ibn
Princesse Zaïna Bint Khalil Yucef Abd-Al-Salif.

Abd-Al-Salif, chef de la
VIIIème légion
Grande voyageuse, guerrière émérite et astu-
cieuse aventurière, la princesse Zaïna n’est que
très rarement à Carrassine. Si elle attache une
très grande importance à son rôle de princesse
de la médina Al-Yassine, elle préfère laisser l’en-
tretien des jardins suspendus à des maîtres bo-
tanistes shiradim et s’occuper de ce qu’elle sait
faire : explorer le monde pour peupler la médina
des animaux les plus étranges et les plus exo-
tiques qui soient. Femme libre, elle est l’objet de
la convoitise de bien des puissants à Jazîrat ; mais
son seul amour est pour Shirad, au culte duquel

73
chapitre calliope

Us & Coutumes Médina Al-Ziyada Al-Chaytân


Il n’y a pas de rites particuliers à Carrassine. Son Le mur des démons, tel que le surnomme la sagesse
cosmopolitisme fait se côtoyer des habitudes saabi, populaire, est composé de deux larges murailles,
shirades, escartes, agalanthéennes et même alfariqani. hautes chacune de soixante-douze pieds. Ces mu-
Il est vrai que tout nouvel arrivant, quelle que soit son railles en forme d’étoiles à huit branches donnent sa
origine, sera toujours un peu déstabilisé au début ; forme à la ville tout entière, chaque terrasse épousant
mais toute personne jouant le jeu de Carrassine finira exactement cet agencement.
par se fondre dans la masse. Les deux murs qui protègent la ville sont épais cha-
cun de quatre-vingt-dix pieds et abritent le caserne-
Ressources ment des soldats de la IIIème légion de faction. Ouverte
Carrassine vit avant tout des taxes sur les marchan- aux civils en temps de paix, une grande partie des rem-
dises qui fluctuent en son sein avant d’être achemi- parts sert de prolongement au souk de la médina Al-
nées vers les quatre points cardinaux. Le mercenariat Mardûk, ce sont donc des endroits très animés où le
constitue bien évidemment aussi une source de profit commerce et la prostitution sont foison. On trouve ici
important. L’exploitation minière de la turquoise et certaines échoppes et tavernes parmi les meilleures de
du cuivre est, également, une ressource conséquente, la ville. En temps de guerre, commerçants et fouineurs
ainsi que l’élevage (chèvres et surtout chevaux depuis sont consignés sur les places des marchés de la médina
la Quête Sainte). Pour finir, les environs de la cité sont Al-Dhumma.
cultivés ; on y trouve des îlots de verdure entretenus La médina Al-Ziyada Al-Chaytân n’occupe qu’une
grâce à une irrigation artificielle intensive. terrasse.

Médina Al-Mardûk
Derrière les murs Entre le premier et le second mur de la médina Al-
Carrassine est une ville très poussiéreuse, faite de Ziyada Al-Chaytân, existe une surface de trente mètres
bâtiments bas aux toits plats (rarement plus de deux de large où l’on n’a jamais rien bâti de solide. C’est le
étages pour le commun). Ses rues fourmillent de mar- grand souk de Carrassine, la maison des pauvres et
chands ambulants, d’artistes de rue, d’animaux en des démunis, là où des milliers de tentes abritent des
liberté, de mendiants et de riches bourgeois, d’aven- milliers de familles. Les pauvres, les esclaves en fuite,
turiers et de voleurs. Bâtie sur un large rocher sur- les princes déchus, les petits criminels, les gladiateurs
plombant le golfe des Oxyrinques, elle offre des vues de rue, les lépreux et les pestiférés. C’est une cour des
vertigineuses depuis ses murailles-falaises. miracles où l’on peut trouver les marchandises les
Construite en terrasses, dix-huit en tout, Carrassine plus variées, mais aussi les façons les plus sordides de
est découpée en huit villes. Ces huit entités urbaines, mourir.
les médinas, ont toutes une forme d’étoile et sont La médina Al-Mardûk n’occupe qu’une terrasse, la
séparées les unes des autres par des fortifications. Au même que la médina Al-Ziyada Al-Chaytân.
plus bas de la ville, derrière la Ziyada Al-Chaytân, on
trouve les quartiers les plus pauvres, et au sommet, le Médina Al-Dhumma
zoo de Carrassine et ses jardins suspendus, que seules Sur cinq terrasses s’étale la partie principale de
surplombent les rues de la médina Al-Ziggourat, siège la ville, celle dite «  du couteau  », où chacun fait sa
du conseil et de la noblesse. place à la sueur de son front. On y trouve les quar-
tiers des artisans organisés par corporations (rues
des tanneurs, rues des potiers, rues des marchands
de thé, rues des forgerons, etc.). C’est aussi ici que

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Monde

se trouvent des auberges en nombre, les bureaux de tait ensuite jusqu’à la ziggourat, temple de Mardûk.
recrutement des légions et les sièges des guildes mar- Le tyran est à l’origine de la création du quartier des
chandes. La première terrasse de la médina abrite huit thermes et des soins, quartier aussi de la déviance
places marchandes : le marché aux épices, le marché sexuelle.
aux esclaves, le marché exotique (animaux, parfums, Les Agalanthéens détournèrent des sources d’eaux
produits étrangers), le marché aux chevaux, deux mar- chaudes naturelles qui naissaient sous le rocher pour
chés au bétail et les deux marchés mercenaires. Dans créer des thermes par dizaines. Il en découla une
ces deux derniers, des fonctionnaires de la Vème et de la culture des soins, du corps et finalement, du plaisir.
VIIème légion vendent les talents que propose Carras- Les siècles défilant, et la ville subissant l’influence
sine (toutes légions confondues) : combattants, éclai- de toutes les cultures, le quartier des ablutions (Al-
reurs, soigneurs, et même artistes, précepteurs, etc. Wudu) garda son importance et s’enrichit de bien des
La cinquième terrasse abrite les plus riches villas façons. Que l’on vienne à l’Al-Wudu pour se prélas-
bourgeoises de la ville, dont certaines n’ont rien à ser au hammam en parlant politique, pour se laisser
envier aux patios de l’Al-Yassine et aux palais de l’Al- aller aux plaisirs de la chair avec des femmes ou des
Ziggourat. hommes ou encore pour bénéficier des bienfaits de
massages et de médecines douces, il faudra toujours
Médina Al-Wudu montrer patte blanche. En effet, si le quartier est acces-
Lorsque Ianos Caliprax Avolonis la prit, Carrassine sible à tous, ses établissements, même gratuits, s’en-
s’arrêtait à la médina Al-Dhumma. Un chemin mon- gagent envers leur clientèle sur de nombreux points :

75
chapitre calliope

hygiène, calme, raffinement, sécurité. Il convient qui ouvrent le mur), on comprend vite qu’on n’est
donc de s’assurer qu’aucune personne de mauvaise ailleurs rien qu’en observant les drôles d’oiseaux qui
compagnie n’accède à ces lieux. Outre les soldats de en arpentent les rues. Entre les écoles d’arts divina-
la Vème légion affectés à la sécurité du quartier, chaque toires et celles des arts sacrés des muses (la peinture,
établissement se voit offrir par le prince Bakar Mani la mosaïque, la danse et le chant sont ici à l’honneur),
n’Bassal les services de l’un des élèves de son école de la chose la plus impressionnante reste le duel de poé-
gardes du corps eunuques. Tous les membres de la fra- sie épique. Il s’agit d’un affrontement verbal d’impro-
ternité des gardiens de la porte des dieux considèrent visation à la fois stylistique, structuraliste et inspira-
cette affectation comme une profession de foi et un toire pouvant concerner des sujets comme l’amour, la
apprentissage éprouvant leur volonté, leurs sens et religion, la politique ou l’histoire. S’ils sont purement
leur détermination. Le quartier est composé de deux abstraits, ces duels ont déjà par leur intensité (et par-
terrasses ; la première accueille tous les établissements fois leur longueur) causé la mort d’épuisement de cer-
accessibles aux salaires moyens (soldats, artisans, pe- tains bretteurs lyriques.
tits marchands…) ; la seconde, bien moins fréquen-
tée, n’accueille que des établissements dont seuls les Médina Al-Yassine
bourgeois fortunés, les nobles et les militaires gradés Sur trois terrasses s’étendent les jardins suspendus
peuvent s’offrir les services. de Carrassine. Courant le long de toits et d’escaliers, de
colonnes et de frontons, des plantes aux origines aussi
Médina Al-Arkân variées que leurs formes peuvent être surprenantes
Répartie sur deux terrasses, la ville universitaire est côtoient des animaux importés de toutes les régions
un endroit à l’architecture fine, mêlant les bulbes saabi du monde. Singes et fauves, chameaux et serpents, sau-
aux colonnes agalanthéennes. Les bibliothèques des riens et oiseaux multicolores, tous apprivoisés par les
sciences succèdent aux salons des lettrés, l’université soins des eunuques y vont et viennent à leur guise. Ces
de médecine et ses jardins déambulatoires laissent endroits sont sacrés et seule une permission du chef du
place au Gymnase, esplanade dédiée à la culture phy- conseil permet d’arpenter la médina Al-Yassine pour s’y
sique des étudiants. Enfin, d’escaliers de marbre en prélasser, philosopher, séduire. On dit que cette médina
traboules fleuries, de parvis à colonnettes en patios abrite aussi le harem sacré du roi-sénéchal.
d’étude, cet endroit, le plus calme de la cité, ouvre sur Par souci de fonctionnalité, de larges escaliers
l’esplanade des Philosophes, un point de vue sur la contournant ce dédale de contemplations ont été
mer comme il n’en existe que peu. Tous les ans, pour construits et relient directement Al-Moallaka à l’Al-
fêter le printemps, la médina Al-Arkân organise l’un Ziggourat.
des plus grands carnavals connus. L’esplanade des
Philosophes y accueille alors de nombreux bals où Médina Al-Ziggourat
les masques sont aussi excentriques que les corps fié- Sur quatre terrasses s’étalent enfin les villas et les
vreux sont dénudés. jardins privés des riches d’entre les riches. Ce quartier
Au quotidien, on trouve à l’université des enfants est plus animé qu’on pourrait l’imaginer, car nom-
de seigneurs venant de l’ensemble du monde connu. breux sont ceux qui, trop gras ou trop fainéants pour
se déplacer, font venir la ville à eux. On croise donc à
Médina Al-Moallaka la médina Al-Ziggourat des commerçants ambulants
Dans la droite lignée architecturale d’Al-Arkân, Al- et des troupes de théâtre, des colonnes militaires,
Moallaka est avant tout le quartier de la poésie épique. des médecins en grands débats, des marchands, des
Si l’on passe d’une médina à l’autre sans même s’en esclaves et des femmes à vendre dont la beauté, d’un
apercevoir (si ce n’est en franchissant l’une des arches simple regard, donnent envie de mourir pour ne se-
rait-ce que sentir le moindre de leur souffle sur soi.

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Monde

La dernière terrasse abrite la ziggourat même, tion secrète. Le premier à trouver cet endroit s’enri-
temple de Mardûk, palais du roi-sénéchal et siège du chira pour dix générations et avec lui ceux qu’il aura
conseil des princes. recrutés !
Notons que cette rumeur, vieille de plusieurs
siècles, réapparaît de façon cyclique.
De vent et de poussière
Le chantier de l’hippodrome Le sabre de Salima Bint Aziz
À force de se lancer des défis, de se provoquer en Abd-Al-Salif
courses de chevaux, de sauriens et d’organiser toutes Dans les bas quartiers de Carrassine existe un jeu
sortes de jeux virils pour se mesurer, confronter leurs appelé «  les gladiateurs de rues  ». De façon impro-
troupes, et leurs favoris, Zaïna Bint Khalil Abd-Al-Sa- visée, des guerriers se lancent des défis lorsqu’ils se
lif et Don Alejandro-Aranjuez ont décidé de financer croisent sur les pavés. Les témoins forment alors un
la construction d’un hippodrome à proximité du port, cercle et parient sur l’issue du combat. Lorsque l’un
à l’extérieur de la ville. À peine les travaux commen- des combattants est vaincu, c’est aux parieurs de déci-
cés, trois architectes sont morts dans des circons- der de sa mort ou de sa grâce. Nul besoin de préciser
tances étranges et plusieurs dizaines d’esclaves ont à que la frustration d’avoir perdu un pari peut transfor-
leur tour perdu la vie dans l’effondrement d’un écha- mer en assassin le plus doux des hommes.
faudage. Sabotage ou malédiction ? Les rumeurs vont Depuis peu, une femme au visage dissimulé sous
bon train. un masque de cuir a provoqué un à un, comme si
elle les avait traqués, les meilleurs gladiateurs de rue
Le cimetière des éléphants de Carrassine. Sept sont morts en deux mois et l’on
Une rumeur court depuis quelques semaines à Car- commence à s’inquiéter de cette affaire. Une rumeur
rassine, elle prétend qu’un riche bourgeois aurait loca- ajoute que deux étudiants ayant assisté à l’un des com-
lisé le mythique cimetière des éléphants. Paradis des bats ont affirmé reconnaître dans la main de la jeune
marchands d’ivoire, cet endroit caché aux tréfonds de femme le cimeterre de Salima Bint Aziz Abd-Al-Salif,
la jungle alfariqani ferait bientôt l’objet d’une expédi- âme damnée du fondateur de Carrassine, tel qu’on le
représente sur certaines mosaïques.

77
chapitre calliope

Fragrance

Rappel chronologique
862 : fondation de Fragrance par les Agalanthéens.
1540  : les Saabi prennent le contrôle de Fragrance et de la péninsule.
1984 : l’Empire agalanthéen reprend le contrôle de Jazîrat.
5988 : les Escartes prennent la ville de Fragrance.

La ville aux Mille Parfums L’histoire est écrite par les


Fragrance est la plus ancienne des cités du Caphar- vainqueurs
naüm, fondée par les Agalanthéens alors en pleine Les premiers temps
conquête du monde connu. Tout d’abord avant-poste
C’est durant le VIIIe siècle que la République
militaire, elle évolua pour devenir le lien entre Jazîrat
d’Agalanthe tourna ses ambitions vers Jazîrat. Lors
et l’Empire, entre les terres d’Occident et l’Orient
d’une campagne militaire menée de main de maître
mystérieux. Cité marchande, elle relie les peuples, les
par les Stratèges, les diverses tribus furent vaincues et
cultures et les nations qui toutes se mêlent au sein de
durent se soumettre à la domination agalanthéenne
son grand marché central. Sa magnificence, à peine
pour de nombreux siècles. La guerre dura finalement
altérée par les conflits récents, en impose même vis-
peu de temps et les envahisseurs n’avaient alors pas
à-vis de Jergath ou Sagrada. Son architecture, com-
pris la peine de se bâtir une solide forteresse d’où ré-
promis des influences agalanthéennes, jazîrati et plus
gner sur cette terre fort éloignée de leur république.
récemment escartes, lui confère un cachet intrigant et
Quelques fortins et villages-garnisons avaient été
étrangement attirant. Pour le voyageur de passage, nul
implantés le long des côtes et des routes, mais aucun
doute que Fragrance est une cité résultant de la colli-
digne de devenir la capitale agalanthéenne en Jazîrat.
sion entre tous les pays du monde en un seul endroit.
Ainsi il fut décidé par le Sénat de bâtir une puis-
Et pourtant, elle ne parvint jamais à devenir la cité
sante place forte qui serait le pivot de la domination
cosmopolite qu’est sa quasi-jumelle Carrassine. Dans
de la République sur les tribus. Son emplacement fut
la cité des Senteurs et des Épices, les communautés
le fruit d’un long débat : nombreux étaient ceux qui
vivent entre elles, au sein de quartiers enclavés, et se
souhaitaient la construire au sud de Jazîrat, mais les
méfient les unes des autres. Malgré son système de
Stratèges objectèrent qu’en cas de révolte, il serait im-
gouvernement par triumvirat assurant un équilibre
possible à des renforts de venir secourir les assiégés à
des pouvoirs, chaque faction se tient sur ses gardes,
temps. Il fut donc décidé de l’édifier sur la pointe de
dans l’attente de l’embrasement qui ne manquera pas
la péninsule du Nord-Est de Jazîrat, là où elle pourrait
de survenir un jour…
accueillir une importante garnison et permettre à la
fois de lancer des raids dans le Sud et le Nord-Ouest
et d’être à même de recevoir un soutien de la Répu-
blique en un temps réduit.

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Monde

Le chantier dura presque un an et un puissant fort que de rebâtir la forteresse de Bastion, il fut décidé
se dressa fièrement, entouré de nombreux ports de d’accueillir dans son enceinte un vaste marché afin de
débarquement. Rapidement, de nombreux civils, faire de la cité une place forte commerciale, dont les
autant Jazîrati qu’Agalanthéens, vinrent s’installer au- richesses permettraient à l’Empire de mettre sur pied
tour de la cité militaire et divers faubourgs commen- une armée capable de soumettre Kh’saaba la rebelle.
cèrent à se développer de façon anarchique, essaimant Au fil des années, le marché de la ville ancienne-
dans toutes les directions et abritant une population ment connue sous le nom de Bastion attira de plus
bigarrée. La forteresse n’avait pas réellement reçu en plus de caravanes venues de tout Jazîrat, ainsi que
de nom, mais elle fut vite connue comme le bastion des marchands agalanthéens et même quelques bar-
d’Agalanthe et la ville se vit ainsi nommée par tous. bares venus du nord ou de l’est. Soie, épices, myrrhe
Bastion était née. et encens se vendaient sur des étals croulant sous les
marchandises exotiques et de partout dans la ville, on
La naissance de Fragrance pouvait sentir les enivrants parfums venus du marché.
Bastion remplit son rôle durant plusieurs siècles, C’est ainsi que peu à peu, sans que l’on sache trop
avant-poste de la puissante République agalanthéenne comment, la ville en vint à être connue sous le nom de
en Jazîrat. Ses armées, capables de se rendre partout Fragrance. Et c’est en tant que telle que la cité devint
en très peu de temps, maintinrent la paix et bien que la capitale de la province agalanthéenne comprenant
les Jazîrati n’acceptèrent jamais réellement cette domi- le nord de Jazîrat.
nation, les tribus se tinrent tranquilles et la cité finit
par devenir davantage un lieu d’échange culturel et Les temps troublés
commercial qu’une forteresse. Mais l’Empire agalanthéen lui-même ne pouvait
Diverses autres cités apparurent un peu partout durer éternellement, même après avoir reconquis Ja-
sur Jazîrat et devinrent autant de satellites de Bastion. zîrat et soumis Kh’saaba. Crise après crise, ses institu-
Même Jergath, alors dirigée par un administrateur de tions finirent par se déliter et les diverses provinces et
la République, était inféodée à l’orgueilleuse ville du cités-États commencèrent à s’affranchir de sa tutelle.
Nord. Tout commença par la nouvelle révolte du royaume
Toutefois, cet âge d’or devait prendre fin un jour : saabi mené par les trois Prophètes. Le sud de Jazîrat,
au sud de Jazîrat, les tribus finirent par se soulever, bien que toujours soumis, gagna en indépendance et
profitant de l’affaiblissement du pouvoir agalanthéen put progressivement asseoir sa puissance pour ne plus
à Jergath. Ismet Ibn Sayed devint roi de Kh’saaba et dé- avoir à craindre les Agalanthéens. D’autre part, les Shi-
clara son indépendance vis-à-vis d’une république en radim, soumis aux Saabi, finirent par reprendre leur
pleine déliquescence. Il fallut encore quelques siècles liberté et s’installer dans le Nord, y fondant la ville de
aux Jazîrati pour se rendre maîtres de leur propre pays Jergathine qui devint une place forte et une puissance
et alors que sur les ruines d’un Sénat à sa botte, Anto- économique dont le rayonnement porta grandement
nicus Pachtius Maximus proclamait la naissance de atteinte aux affaires de Fragrance. Plus accessible, plus
l’Empire agalanthéen, les puissantes tribus de Kh’saa- dynamique et soutenue par Carrassine, Jergathine
ba déferlèrent sur le Nord. Bastion finit par tomber et en vint à supplanter un temps la cité agalanthéenne
les Jazîrati rasèrent la forteresse, mais laissèrent intacte jusqu’à ce que les Jazîrati aillent porter la guerre de-
la ville environnante dans laquelle nombre des leurs vant ses portes : Jergathine dut faire appel à l’Empire
vivaient avec leur famille. pour préserver son existence. De nombreux merce-
La victoire saabi fut de courte durée : asseyant son naires venus de Thérème via Fragrance chassèrent les
pouvoir, le nouvel empereur reconquit les territoires Saabi, mais prirent dans le même temps possession
perdus et, très vite, le nord de Jazîrat redevint une de la cité et Jergathine commença alors à régner sur
province agalanthéenne, nommée Exortivus. Plutôt le monde.

79
chapitre calliope

Fragrance n’était alors plus guère une cité d’impor- De nos jours
tance dans le Capharnaüm. Bien que son marché atti- Le Stratège qui avait mené la reconquête de Fra-
rât toujours autant les marchands de toutes origines, grance sut qu’il serait impossible de gouverner la ville
son rayonnement ne pouvait plus se comparer à ce- sans l’assentiment de toutes ses communautés. Pre-
lui de Jergathine ou de Carrassine. Le Capharnaüm nant le titre de Premier Archonte, il invita les Jazîrati
lui-même n’était finalement plus une province aga- et les Escartes survivants à nommer un chef parmi
lanthéenne et Fragrance semblait alors n’être que le les leurs. Celui-ci viendrait régner à ses côtés dans le
vestige d’une époque révolue, un reliquat du pouvoir but de rebâtir ensemble la cité et de lui redonner son
impérial mourant. Se repliant sur elle-même, la cité- lustre d’antan, en faisant d’elle une terre d’accueil pour
État ne fut qu’à peine touchée par la révolte de Jason toutes les nations. Le Triumvirat naquit de cette vo-
l’Escarte et les événements afférents. Ses dirigeants lonté de ressouder une ville traumatisée par des mas-
misaient alors tout sur le commerce et la politique sacres insensés, et cet équilibre des pouvoirs semble
avait cessé de les intéresser. depuis fonctionner.
Hector Caïus Sulos, Premier Archonte, dirige la cité
Le double sacrifice de et les terres environnantes en bonne entente avec le
Fragrance duc Charles d’Estang et l’amir Nousri Ibn Malik Abd-
Fragrance était finalement devenue une simple cité- Al-Hassan. Malgré ce gouvernement à trois têtes et la
État, dirigée par un pouvoir agalanthéen, mais peuplée reconstruction de la ville, la situation reste tendue  :
de tant de Jazîrati et de Shiradim qu’elle ne semblait Agalanthéens, Saabi et Escartes refusent de pardon-
guère différente des autres villes du Capharnaüm. ner les offenses passées et les Shiradim tentent comme
Et c’est à ce titre que, comme ses sœurs, elle fut ils peuvent tirer leur épingle du jeu…
victime des exactions des envahisseurs escartes venus
recouvrir une relique sacrée. Fragrance n’était abso-
lument pas préparée à une telle guerre ; aussi, quand Bédouins, pèlerins et
les Escartes se présentèrent devant ses murs, les Ar- caravaniers
chontes souhaitèrent négocier, mais la soif de sang des
assiégeants fut plus forte que la raison : Fragrance fut Sise au nord-est du Capharnaüm, Fragrance est par-
mise à sac et toute la noblesse agalanthéenne et jazîrati fois surnommée la Porte de l’Orient.
massacrée. Les Escartes s’installèrent dans la ville et Rendues fertiles par les nombreux travaux d’irri-
profitèrent de sa position pour envoyer des raids mari- gation menés par les industrieux Agalanthéens et un
times tout le long des côtes du nord du Capharnaüm. climat favorable, les terres qui entourent la cité sont
Même si l’Empire d’Agalanthe était alors fraction- parsemées de villages et de fermes, les paysans culti-
né, les autres cités-États ne pouvaient laisser un tel vant les champs et élevant divers bétails sur de riches
affront impuni : la querelle entre les Escartes et les Ja- pâturages. Bien que l’Est évolue en une steppe aride
zîrati ne les concernait pas et voilà que les barbares oc- jusqu’au plateau de Limher’k, la péninsule sur laquelle
cidentaux s’en prenaient aux leurs sans provocation ! Fragrance assied sa domination est une région riche et
Une flotte fut rapidement constituée et les Escartes généreuse.
apprirent pourquoi Agalanthe avait jadis régné sur le
monde : Fragrance fut reprise en un temps record et Les villages portuaires
les Escartes massacrés presque jusqu’au dernier. Bien que située presque en bord de mer, Fragrance
Mais de tels conflits ne peuvent laisser une cité et n’est pas un port. Ses bâtisseurs originels préférèrent
ses habitants intacts… Fragrance était alors en ruine, ériger la ville elle-même légèrement à l’intérieur des
sa population exsangue et ses diverses communautés terres afin qu’elle ne puisse être assaillie directement
prêtes à se sauter à la gorge à la moindre provocation. par une flotte. Toutefois, une quinzaine de villages

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Monde

navals répartis le long des côtes assurent la fonction souffle en permanence, des bêtes sauvages rôdent et
de ports. Nantis de docks et de petites garnisons, ils la solitude finit par avoir raison même de l’esprit le
servent autant au fret commercial qu’à l’entretien de plus équilibré. C’est pourquoi sont ici placés en poste
la flotte militaire de la ville. Aucun de ces villages ne les soldats et officiers en disgrâce et des volontaires
se situe à plus d’une journée de chevauchée de Fra- endurcis…
grance, à laquelle ils sont reliés par une large route
pavée et entretenue. Hélas ! Les récentes batailles lais-
sèrent des traces sur ces bourgs portuaires : trois ou Vivre à Fragrance
quatre sont actuellement encore en ruine et les auto- Peuple de tous les dieux
rités de Fragrance devront en chasser les bandits et Fragrance est une cité très peuplée, couvrant une
pirates avant de pouvoir les réhabiliter. vaste surface. Tous les peuples de Jazîrat et d’ailleurs
viennent la visiter et parfois même s’y installent défi-
Les Griffes de Chtonos nitivement, charmés par la grandeur et le poids histo-
Là où la plaine grasse se mue en steppe désolée et rique d’une telle ville.
où le vent ressemble à la plainte d’un spectre tourmen- De fait, au cours des siècles, Fragrance était princi-
té, existent depuis des siècles une douzaine de tours palement peuplée d’Agalanthéens et de Jazîrati, mais
de guet nommées les Griffes de Chtonos. Bâties de plus récemment d’importantes communautés shi-
pierres noires, pouvant abriter chacune un e vingtaine rades et escartes s’y sont installées. Cette immigration
d’hommes et espacées entre elles de quelques heures ne fut pas toujours pacifique : les Shiradim furent jadis
de chevauchée, elles sont là pour prévenir toute inva- déportés de Jergathine à Fragrance en tant qu’esclaves
sion venue de l’Est. et ils surent conquérir leur liberté par le sang et l’acier
Vivre dans ces tours est une épreuve de tous les quand leur peuple reprit son indépendance ; quant
jours  : un vent brûlant la journée et glacé la nuit aux Escartes, ils arrivèrent en conquérants avides de
massacres.
Bien que Fragrance se soit peu à peu reconstruite en
intégrant ces quatre importantes communautés, un tel
passé conditionne profondément la façon dont celles-
ci se comportent les unes envers les autres. Alors que
Carrassine est une cité cosmopolite au sein de laquelle
tous se mêlent, il n’en est pas de même à Fragrance :

81
chapitre calliope

ici les peuples vivent entre eux dans des quartiers De la même façon, lorsqu’un crime touchant des
enclavés et la méfiance, si ce n’est la haine de l’autre, membres de plusieurs communautés a lieu, un tribu-
est la norme. Les Jazîrati méprisent les Shiradim, les nal dont les juges sont choisis parmi les divers peuples
Agalanthéens prennent tous les autres peuples de haut arbitre l’affaire. Une milice commune de maintien de
et les Escartes vouent aux tourments des Limbes tous la paix, comprenant des escouades mises à disposi-
ceux qu’ils considèrent comme hérétiques. tion par chaque communauté, se charge quant à elle
L’ambiance n’est ainsi pas vraiment à la concorde de faire régner l’ordre et d’enquêter sur de tels crimes.
à Fragrance et rien ne permet d’espérer que ce sera le Là aussi la collaboration n’est pas toujours facile, mais
cas un jour… globalement le système fonctionne.
La défense militaire de la ville est, par tradition, du
La Parole et le sabre ressort des Agalanthéens. Ainsi, le Stratège Akileos
Du fait du communautarisme extrême qui y règne, Prospero Aerius est le général en chef des forces
la façon dont est gouvernée Fragrance est des plus ori- armées de Fragrance, elles-mêmes constituées aux
ginales. trois quarts de guerriers agalanthéens. On attend des
Ainsi, chaque communauté, vivant dans son propre autres communautés qu’elles participent à l’effort de
quartier, s’administre en toute autonomie pour tout guerre en déléguant officiers et hommes de troupe
ce qui concerne ses affaires internes (la justice, les pour compléter le dernier quart, mais les volontaires
impôts, le commerce, etc.). Ainsi, une affaire crimi- doivent accepter la prédominance agalanthéenne en
nelle qui ne concerne qu’un peuple et se déroule au matière militaire, ce qui ne va pas toujours de soi.
sein de son quartier dédié se réglera « en famille ».
Chaque communauté se dirige donc elle-même, de
la façon qui lui convient et qui bien souvent ne dif-
fère guère des usages habituels du peuple dont elle est
issue : les Shiradim ont à leur tête un conseil composé
de notables, les Saabi et les Escartes sont dirigés par
des nobles, etc.
Toutefois, la ville elle-même a à sa tête un Triumvi-
rat composé du Premier Archonte Hector Caïus Sulos,
de l’amir Nousri Ibn Malik Abd-Al-Hassan et du duc
Charles d’Estang (même si beaucoup murmurent que
ce Triumvirat est en fait une hydre à quatre têtes, dont
le dernier membre officieux serait le prince marchand
Salomon Bar Yonath). Chacun de ces puissants per-
sonnages est entouré d’une cour réduite de conseillers
et lorsqu’un problème concernant la gestion de la ville
dans son ensemble se présente, tous se réunissent et
forment une Assemblée pour décider des mesures à
appliquer. L’Assemblée administre également tous les
quartiers communs de la ville. Depuis que ce système
de gouvernance a été mis en place, et malgré quelques
heurts, Fragrance est bien dirigée, chacun des notables
à sa tête étant conscient que seule une telle union poli-
tique permettra à la cité de garder son statut parmi les
puissances du Capharnaüm.

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Monde

Ces noms qui font l’histoire


Hector Caïus Sulos, Premier dont la carrure rappelle son passé de Stratège.

Archonte Fin politicien, son seul défaut est finalement


d’être persuadé de la supériorité de son peuple
sur tous les autres, ce qui lui fait parfois négliger
les conseils ou recommandations des membres
de l’Assemblée.

Nousri Ibn Malik Abd-Al-


Hassan, amir fidèle à Kh’saaba

Hector Caïus Sulos était le Stratège chargé


de défendre Fragrance quand les Escartes atta-
quèrent la cité, il y a de cela neuf ans. À l’époque,
ses troupes n’étaient pas assez nombreuses face
à la horde occidentale, et ses hommes périrent
jusqu’au dernier pour protéger les murailles, le
temps d’organiser une inefficace évacuation des
civils. Finalement, les Escartes entrèrent dans la
Contrairement à ses frères de clan, Nousri
ville et massacrèrent ses habitants, mais Hector
Ibn Malik Abd-Al-Hassan est plus un politicien
put s’enfuir et rejoindre Étrusie, d’où il organisa
qu’un général, plus un courtisan qu’un soldat.
la riposte. C’est lui qui mena ainsi une armée aga-
Luxueusement vêtu et portant de riches bijoux,
lanthéenne réunifiée pour reprendre Fragrance.
son intelligence et sa culture font de lui un diri-
Rapidement cependant, il comprit qu’il serait
geant efficace et la communauté saabi de Fra-
impossible de gouverner cette cité sans l’assen-
grance ne peut que se féliciter d’avoir à sa tête
timent de toutes les communautés qui y avaient
un tel homme. En effet, bien qu’il soit entouré
élu domicile. Aussi eut-il l’idée du Triumvirat et
de nombreux conseillers Ibn Mussah Abd-Al-
Agalanthéens, Jazîrati et Escartes se virent repré-
Hassan, Nousri sait parfaitement défendre les
sentés à la tête de la ville. Toutefois, le Premier
intérêts de son peuple au sein de l’Assemblée et
Archonte commit alors une erreur  : il laissa de
il n’a besoin de personne pour démêler intrigues
côté les Shiradim qui depuis lui gardent une ran-
et complots.
cune tenace…
Et pourtant, ce puissant noble compte parmi
Approchant la soixantaine, Hector Caïus
ses plus proches amis et confidents le prince mar-
Sulos reste un homme bien fait de sa personne,

83
chapitre calliope

chand Salomon Bar Yonath. Les deux hommes se n’étaient plus à démontrer, mais sa capacité à di-
connaissent depuis l’enfance et, malgré les bar- riger des hommes fit défaut lorsqu’il ne put orga-
rières les séparant, leur amitié ne fit que croître niser suffisamment ses troupes pour empêcher
avec le temps. Lorsque les Escartes déferlèrent les Agalanthéens de reprendre Fragrance. Hector
sur la ville, c’est Salomon qui organisa la fuite de Caïus Sulos l’épargna cependant et lui proposa
la famille du Saabi vers une oasis tenue par une même de le rejoindre pour diriger la cité au sein
tribu shirade. Nousri remboursa en partie cette du Triumvirat.
dette de sang en faisant nommer Salomon maître Trop jeune, Charles n’est pas un homme rom-
du grand marché de Fragrance. Ainsi, le Saabi pu aux jeux de la politique telle qu’elle se pra-
dans le domaine politique et le Shiradi dans le tique à Jazîrat… Bien qu’il dispose de conseillers
domaine économique, ces deux hommes par- et de courtisans, ceux-ci semblent incapables
viennent à influencer durablement le destin de la d’adapter leur vision politique à la réalité jazîrati.
cité, au grand dam du Premier Archonte. De plus, ses prêtres l’exhortent à prendre la tête
Nousri Ibn Malik Abd-Al-Hassan est un bel d’un soulèvement afin de chasser tous les héré-
homme du haut de ses quarante ans. Sa voix tiques de Fragrance. Évidemment, le contingent
posée lui permet de mettre à l’aise ses interlocu- escarte présent dans les murailles de la ville n’est
teurs et ses manières sans défaut achèvent de les guère de taille à se mesurer aux forces agalan-
convaincre. Bien que Fragrantin de cœur, l’âme théennes. Charles a fini par comprendre que loin
de Nousri appartient au trône de Kh’saaba, en- de lui faire un honneur en l’invitant à gouverner
vers auquel il voue une loyauté sans faille. Fragrance, le Premier Archonte lui a en fait tendu
un piège subtil dont toute la population escarte
Charles d’E!ang, duc occidentin de la cité risque de payer le prix.
À moins de trente ans, Charles d’Estang est
un homme prématurément vieilli sur le plan
physique. Sa chevelure et sa barbe jadis noires se
teintent de fils gris et ses épaules se voûtent. Tou-
tefois, il reste un chevalier accompli, n’ayant que
peu de rivaux une épée à la main.

Salomon Bar Yonath, prince


marchand
Ami d’enfance de l’amir Nousri Ibn Malik
Abd-Al-Hassan, Salomon Bar Yonath représente
officieusement la communauté shirade au sein
de l’Assemblée et, pour beaucoup, il est le qua-
trième homme du Triumvirat, instance au sein
de laquelle il exerce une influence largement
Charles d’Estang n’était qu’un adolescent supérieure à celle du duc d’Estang.
lorsqu’il débarqua avec son père au Caphar- Riche marchand, à la tête de comptoirs épar-
naüm, afin de venir y châtier les hérétiques et pillés partout sur Jazîrat et dirigeant des cara-
récupérer les reliques saintes de Jason. Il se bat- vanes sillonnant tout le désert de Feu, il ne man-
tit férocement et devint un homme forgé dans quait que le pouvoir politique à Salomon pour
les affres de la guerre ; ses talents en la matière devenir l’un des hommes forts du Capharnaüm.

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Monde

Tarek Ibn Tarkan Min Mây-


dan, grand prêtre de la déesse
Merout
Dans le quartier du Carrefour — cf. encart
plus loin —, un homme revêt un statut plus
important que les autres  : le grand prêtre de la
déesse Merout. Il est essentiel à l’existence de
cette partie de la ville. Sans lui, pas de protection
de la déesse à l’égard des amoureux et pas de
sanctuaire qui pour faire prospérer l’économie
du quartier.
Si la position de ce grand personnage a tou-
Grâce à son amitié avec Nousri, il put accéder au jours été importante, l’homme qui remplit ac-
poste de maître du grand marché de Fragrance : tuellement cet office a amené la grande prêtrise
cette fonction d’une importance capitale pour la à un niveau jamais atteint.
ville lui permet enfin de mettre un pied sur l’échi- N’importe quel habitant de Fragrance le re-
quier politique de la région. Il put ainsi grande- connaît immédiatement, malgré le fait que ce
ment améliorer les conditions de vie des Shira- soit un homme relativement calme, discret et
dim et leur permettre d’être considérés comme réservé. De haute stature, chauve, habillé sim-
des citoyens de plein droit de la cité, au même plement de lin blanc, avec la peau caramel des
titre que les représentants des autres communau- Jazîrati qui ont beaucoup voyagé, ce qui frappe
tés. Sachant payer ses dettes, Salomon met toute chez lui au premier abord c’est son regard. Il ne
sa fortune et son pouvoir au service de son ami s’agit pas seulement de ses yeux qui semblent
jazîrati afin qu’ensemble ils puissent évincer Aga- vous transpercer l’âme, c’est plutôt la couleur
lanthéens et Escartes. Les deux hommes passent qui vous étonne et vous interroge. Elle ne peut
d’ailleurs de nombreuses soirées à boire du vin appartenir au monde des vivants : son regard est
et mettre au point l’alliance des deux peuples celui d’une créature céleste. La couleur est à la
autochtones de Jazîrat qui permettra de chasser fois celle de l’océan, des dunes, des oasis et des
les intrus de leur terre. terres sombres du Nord. Aucun des artistes qui
La ressemblance entre Salomon Bar Yonath se sont échinés à la reproduire n’a encore réussi
et Nousri Ibn Malik Abd-Al-Hassan est telle que à trouver la juste composition. Le seul adjectif
beaucoup murmurent que les deux hommes qui convienne est : divin. C’est cela qui a poussé
étaient frères dans une vie antérieure. Une des ses parents à le consacrer à la déesse Merout. Il
seules choses qui permettent de les différencier n’était pourtant pas l’aîné de la famille, mais sa
est leur façon de se vêtir  : le prince marchand caractéristique singulière indiquait qu’il ne pou-
porte des robes simples et n’arbore aucun signe vait appartenir au monde des hommes.
ostensible de fortune, contrairement à son ami
dont les tenues chatoyantes éclairent les réu-
nions de l’Assemblée.

85
chapitre calliope

Mourad Ibn Salif Min Mây- On raconte qu’une fois, un homme du désert est
venu lui demander un oiseau disparu depuis deux
dan, grand marchand de Mâydan cent ans. Celui-ci donna à Mourad un délai d’une
journée pour lui trouver un tel volatile. Au crépus-
Comme le dit l’adage, « Si tu cherches quelque
cule, il trouva devant la demeure où il logeait une
chose que tu ne trouves nulle part ailleurs, tu trouve-
corbeille contenant non pas un seul oiseau, mais
ras ton bonheur chez Mourad Ibn Salif Min Mây-
un couple et des œufs prêts d’éclore. Une fois de
dan ! Tu prendras bien un autre loukoum ? »
plus Mourad n’avait pas failli à sa réputation. Jamais
Et cette formule populaire est fondée. Per-
personne n’a su comment il a accompli ce miracle.
sonne n’a encore réussi à percer le secret de
Pour certains, il s’agit d’un très grand magicien, pour
Mourad, en une heure il est capable de vous trou-
d’autres d’un homme très influent disposant d’un
ver une armure agalanthéenne complète, alors
réseau qui couvre tout le monde connu. Quelques-
qu’il est impossible d’en obtenir, trois chameaux
uns, peu nombreux, pensent qu’il s’agit d’un dieu,
et leurs bagages, une troupe de mercenaires. Ou
incarné parmi les hommes pour les surveiller, mais
tout simplement des babouches, des atours à la
aussi pour leur dire que sur Jazîrat et dans la ville de
dernière mode, des tissus anciens, et même des
Fragrance, dans le quartier du Carrefour, rien n’est
gens qui louent, non pas des esclaves, mais des
impossible…
artistes ou des musiciens.
C’est un homme vêtu comme tous les mar-
chands jazîrati, avec de grandes tuniques et de Gaius Aphrokes Diocles, au-
grands sarouals. Il est de forte corpulence, il porte rige populaire à la retraite
une magnifique barbe rousse, teinte avec une Diocles est l’un des plus fameux auriges de
décoction de sa composition. C’est un homme Fragrance. En 24 ans de carrière, ce véritable
coquet, mais pas efféminé, qui aime le parfum et héros populaire a pris part à 4257 courses et en a
le maquillage. Il vous parle comme si vous étiez le remportées 1462. Il débuta sa carrière à 18 ans et
seul client dans son immense boutique qui se situe se fit vite remarquer par les chasseurs de têtes. Il
juste à l’orée de Min Mâydan. Un palmier gigan- est maintenant, depuis deux ans au repos, vivant
tesque en marque l’entrée et sur la devanture on paisiblement de ses gains qui, dit-on, sont plus
peut lire : « On trouve de tout chez Mourad Ibn Salif importants que l’héritage de bien des princes de
Min Mâydan. Tout client insatisfait est remboursé Jazîrat. Au terme de sa brillante carrière, il reçut
cent fois son préjudice en onces de cumin. » À ce jour, même le titre de meilleur aurige de l’Histoire.
aucun client de Mourad n’a porté réclamation. Et Diocles est encore aujourd’hui une vedette dans
cela fait quarante ans que cela dure. Ce Mourad tous le Capharnaüm et même au-delà.
est une véritable institution fragrantine.

Us et coutumes à participer à ces célébrations, quelles que soient son


Du fait de son fractionnement communautaire, origine et ses croyances. Ceci a pour but de jeter une
Fragrance n’a que peu de coutumes communes à l’en- passerelle entre les divers peuples habitant Fragrance,
semble de la cité. d’apporter un peu de tolérance dans une population
Dans chaque quartier, les peuples vivent selon plus encline à s’enferrer dans ses traditions propres
leurs habitudes, célèbrent les fêtes de leur religion, qu’à faire preuve d’ouverture d’esprit.
accomplissent les rites de leur culture. En ces occa- Il existe cependant une cérémonie commune à toute
sions cependant, les communautés essaient de faire la ville : le grand carnaval de l’été. Il a lieu lors du solstice
preuve d’une certaine ouverture et chacun est invité d’été, au cours de la nuit la plus courte de l’année. Dès

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Monde

le coucher du soleil, les portes des quartiers s’ouvrent gouvernement de Fragrance réclame cependant une
en grand et déversent dans les rues de Fragrance une contribution financière à chacune d’elle pour assurer
foule de gens déguisés. Les costumes, qui demandent le fonctionnement des services et quartiers communs
parfois jusqu’à un an de travail, sont toujours extra- (défense, milice, administration, etc.).
vagants et colorés et peuvent représenter n’importe Enfin, les provinces entourant Fragrance offrent
quoi  : animaux, objets, créatures fantastiques, divi- leurs richesses à la cité : ces terres rendues fertiles par
nités de toute confession, etc. Le but de ces déguise- les canaux et puits bâtis du temps de la splendeur de
ments est de permettre à chacun, de quelque peuple l’Empire agalanthéen sont intensément cultivées et
qu’il soit, de devenir anonyme au sein de la foule et de Fragrance peut ainsi exporter céréales, fruits et bétail
pouvoir aller et venir dans les quartiers, discuter avec dans tout le Capharnaüm et même au-delà des mers.
des membres d’autres communautés, conter fleurette
à de belles inconnues, etc. Ainsi, cette grande fête qui
dure jusqu’au petit matin est une catharsis nécessaire
Derrière les murs
permettant aux Fragrantins de se souvenir qu’ils vivent Fragrance est une vaste cité, dont les contours
ensemble et que les barrières culturelles ou religieuses font immanquablement penser à son origine aga-
ne doivent pas les empêcher de cohabiter en bonne lanthéenne. La cité possède cependant son identité
entente. Il n’y a que durant le carnaval de l’été que l’on propre et ne ressemble à aucune autre du fait du mé-
peut voir un prêtre shiradi débattre de philosophie lange d’architectures qui est la conséquence de l’ins-
avec un poète jazîrati, une danseuse aux clochettes tallation entre ses murs de tant de peuples différents.
vibrer au rythme de la mandoline d’un troubadour Ainsi, si le cœur de la cité paraît indubitablement
occidentin, un hoplite agalanthéen faire un bras de fer agalanthéen (larges rues pavées, bâtiments carrés
avec un homme à la peau d’ébène venu de l’ouest, etc. et soutenus par d’immenses colonnades de marbre
Des curieux et fêtards de tout Jazîrat viennent en cette blanc, fontaines lumineuses, etc.), chaque quartier res-
occasion à Fragrance afin de s’immerger dans cette semble à une ville en miniature bâtie selon les normes
atmosphère de relâchement et de communion. Signe de la communauté y vivant et ceinte d’une muraille
de la concorde qui règne durant cet événement, malgré séparant Fragrance en blocs identitaires pouvant vivre
la liesse et les excès en tout genre, la milice citadine n’a quasiment en autarcie. Chaque quartier dispose ainsi
que peu d’incidents à régler… de ses commerces, artisans, écoles, administrations,
etc. Le visiteur de passage ne manque jamais d’être
Ressources étonné lorsque, sortant d’une rue typiquement aga-
Comme presque toutes les cités importantes du lanthéenne, il se retrouve dans un quartier paraissant
Capharnaüm, Fragrance tire l’essentiel de ses res- tout droit tiré d’une lointaine ville occidentale alors
sources du commerce et des taxes afférentes. Ainsi, le qu’au loin il peut distinguer les coupoles colorées
grand marché central qui se tient au sein de l’ancienne d’un temple saabi…
forteresse de Bastion rapporte-t-il largement de quoi Ainsi est Fragrance  : une cité-puzzle, semblant
administrer la ville, car il attire des marchands venus constituée de fragments arrachés à diverses villes de par
de partout, prêts à payer rubis sur l’ongle le droit de le monde et ne tenant ensemble que par la volonté du
faire du commerce en son sein tant ils sont assurés de Triumvirat de faire cohabiter des habitants si différents.
repartir gagnants, leurs chariots remplis de produits
exotiques, rares et luxueux qu’ils négocieront à prix La vieille ville
d’or partout ailleurs sur Jazîrat. La vieille ville est le cœur de Fragrance, tout ce qu’il
Si chaque communauté vivant dans la ville est en reste de la cité originelle Bastion. Son apparence est
droit de s’administrer elle-même, pouvant préle- typique de celle des villes agalanthéennes  : les bâti-
ver pour ce faire impôts et taxes sur ses membres, le ments y sont hauts et carrés, faits d’un beau marbre

87
chapitre calliope

blanc qui réfléchit les rayons du soleil. Elle est entou- et parsemées de bancs et fontaines afin que chacun
rée d’une muraille percée de huit portes, dont la fonc- puisse se reposer tant la surface que représente le grand
tion est devenue avec le temps plus décorative que marché est immense. Au milieu de tout cela, les négo-
réellement défensive. Les nombreux visiteurs qui font ciants et colporteurs ont à leur disposition des étals de
halte à Fragrance peuvent, de son chemin de ronde, toutes tailles afin d’y exposer leurs marchandises. Et on
embrasser d’un regard panoramique toute la ville et trouve de tout au marché de Fragrance ! Armes saabi,
de la mer au nord. objets d’art agalanthéens, vêtements occidentaux, ou-
C’est dans la vieille ville que se trouvent tous les vrages shiradim, épices rares, soie venue du mystérieux
bâtiments officiels. S’y situe notamment le palais de Orient, encens en provenance de Kh’saaba, bijoux de
l’Assemblée, vaste bâtisse aux multiples salles dans luxe, jouets aux mécanismes ingénieux, outils de qua-
laquelle les membres du Triumvirat et leurs conseil- lité, cartes menant à des cités disparues, etc. : celui qui
lers décident de l’avenir de Fragrance ; il fait égale- ne trouve pas son bonheur ici ne le trouvera pas ailleurs,
ment office de palais de justice et de quartier général même dans le royaume des dieux !
de la milice urbaine. Les nombreux autres palais qui La caractéristique la plus étonnante de ce marché
parsèment la vieille ville abritent des ambassades, des est que les senteurs et parfums exhalés par les divers
résidences pour les visiteurs de marque ou des biblio- étals, loin de se mêler en une atroce odeur comme
thèques accueillant les archives. c’est généralement le cas, se mélangent et se répandent
dans toute la cité, diffusant de subtils et plaisants ef-
• Le forum : l’amphithéâtre qui se trouve légère- fluves au gré des rues de Fragrance, donnant ainsi tout
ment à l’écart de la vieille ville est l’une des curiosi- son sens harmonieux au nom de la ville.
tés de Fragrance. En effet, toute personne qui en fait
la demande auprès des autorités de la cité peut se le Le quartier agalanthéen
voir mis à disposition pour une demi-journée. De Si proche de la vieille ville qu’il semble en faire par-
nombreux érudits itinérants profitent de l’opportu- tie, le quartier agalanthéen paraît tout droit issu d’une
nité pour y donner des conférences et exposer leurs des cités-états de l’Empire fragmenté : rues pavées et
théories, des artistes viennent s’y produire afin de entretenues, villas aux impressionnantes colonnades,
se faire connaître, on y joue des pièces de théâtre, fontaines et bassins, etc. On y trouve toute la popula-
etc. Pour les spectateurs, l’accès est libre et gratuit tion agalanthéenne de Fragrance qui y trouve à dispo-
et on est ainsi assuré d’avoir un public conséquent, sition tout ce dont elle a besoin pour vivre sans avoir
quoi que l’on ait à y montrer. à se mêler aux peuples barbares avec lesquels elle par-
tage la cité.
Le grand marché central • Les arènes : il y a un lieu que toute la popula-
Là où se dressait autrefois l’impressionnante forteresse tion de Fragrance fréquente avec plaisir  : il s’agit
qui donna jadis son nom à Bastion, on trouve désormais des arènes dans lesquelles ont lieu toutes sortes de
le marché le plus connu de tout le Capharnaüm. spectacles, souvent violents et spectaculaires. Elles
Situé dans un immense édifice de plusieurs étages regroupent un ensemble d’édifices majestueux,
et disposant de niveaux souterrains, ce marché attire composé d’amphithéâtres de taille variée, de deux
chaque jour des milliers de commerçants et badauds petits et d’un grand hippodrome, ainsi que de bâti-
dont certains viennent parfois de très loin. À l’intérieur ments divers dédiés aux participants des jeux, aux
de la bâtisse, tout est fait pour qu’une foule dense puisse écuries et à l’organisation dans son ensemble.
se déplacer aisément entre les innombrables étals. Les Presque chaque semaine, on peut ainsi y admirer
étages sont ainsi reliés entre eux par de nombreux es- des combats de gladiateurs, des courses de chevaux
caliers et de larges rampes permettant de faire circu- ou de chars, des combats de fauves ou des mises à
ler deux chariots de front. Les allées sont spacieuses mort particulièrement cruelles.

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Monde

• L’université  : autre lieu particulièrement fré- l’avis de ses pairs, il a ouvert de nombreuses chaires
quenté par la population fragrantine, l’université de pour des professeurs issus d’autres peuples et on
la ville accueille des étudiants de tous les peuples, peut désormais assister à des cours de philosophie
pourvu qu’ils puissent payer leur inscription. shirade, de poésie jazîrati ou de théologie escarte
Le doyen actuel, Alexius Mercurios, est un vieil dans les salles des divers bâtiments qui constituent
homme particulièrement ouvert d’esprit  : contre l’université de Fragrance.

Les auriges
Les courses de chars constituent le sport vedette de la ville et les voyageurs viennent nombreux et parfois
de très loin pour y assister. Tirés par un, deux, trois ou quatre chevaux, les chars sont conduits par des auriges
qui bénéficient d’un statut et de revenus à la hauteur de leur popularité, qui est considérable.

Le quartier jazîrati Omhar Ibn Tufiq Abd-Al-Tarek, dont l’influence gran-


Les nombreuses villas du quartier jazîrati ont, au dissante et les diatribes anti-shiradim commencent à
cours des siècles, été transformées afin de ressembler inquiéter l’amir…
à des demeures typiques de Kh’saaba, avec leurs cou- Dans ce quartier vivent aussi de très nombreux res-
poles brillantes et leurs sols de marbre rose. Peu à peu, sortissants des royaumes caravaniers.
cette partie de Fragrance est ainsi devenue le reflet des
cités du royaume saabi et ceux qui y vivent se sentent Le quartier shiradi
proches de leur monde d’origine. Peuple nomade, sans cesse exilé, les Shiradim s’adaptent
C’est probablement dans le quartier jazîrati que l’on à tous les environnements et ne se sentent guère le besoin
recense le plus de temples et la population y est très de les faire à leur main. C’est ainsi que le quartier shiradi
pieuse, encouragée en cela par les prêches du kahini ressemble parfaitement au quartier agalanthéen : l’archi-

89
chapitre calliope

tecture originelle de Fragrance n’y a pas été modifiée et Le contraste est flagrant avec les autres parties de la
les Shiradim se sont contentés de prendre possession des ville et celui qui se perd dans les innombrables ruelles
lieux sans chercher à les transformer. du quartier escarte peut aisément se croire transporté
Le seul élément notable est le large et haut mur qui dans les lointaines terres d’Occident.
ceint le quartier  : bâti par les Shiradim après qu’ils
ont repris leur liberté des mains des Agalanthéens, il Le quartier des plaisirs
symbolise la méfiance qu’entretient le peuple du dieu Outre la vieille ville, il existe une autre partie de
unique à l’égard des autres et sa volonté de se défendre Fragrance commune à tous les peuples et dans la-
de toute agression. Patrouillé par des guerriers ashke- quelle chacun se rend, parfois ouvertement et parfois
nim d’élite, ce mur sauva le quartier des flammes lors en secret : le quartier des plaisirs est celui dans lequel
des deux grandes batailles récentes, dont les Shiradim tous peuvent trouver de quoi satisfaire leurs désirs.
n’eurent que peu à souffrir.
• Le haut-quartier, comme on l’appelle, est un
• L’hôpital : le seul édifice shiradi situé hors des faubourg plaisant, aux rues entretenues et aux bâti-
murs du quartier, un peu à l’écart, est le vaste hôpital ments lumineux. C’est ici que l’on trouve les ham-
dans lequel officient les célèbres membres du clan mams, thermes et bains publics dans lesquels les
des Salonim. habitants de la cité viennent se détendre, se puri-
Dirigé par Noam Bar Ezra, l’hôpital se veut un lieu fier et se faire masser. Il en existe pour toutes les
de paix et d’entente dans Fragrance et tous ceux bourses et il n’est pas rare que les communautés se
qui souffrent ont le droit de s’y faire soigner, sans mêlent ici.
considération de races, de croyances ou de barrières • Le bas-quartier est moins reluisant  : étroites
sociales. Deux jours par semaine, les nécessiteux ruelles, impasses coupe-gorge, etc. S’y trouvent
peuvent venir se faire ausculter gratuitement et, les bordels, maisons de jeu et auberges malfamées
pour des raisons de santé publique, l’hôpital reçoit de Fragrance. Une importante faune criminelle y
une confortable subvention de la ville (qui est éga- vit, rackettant les tenanciers de maisons closes et
lement un cadeau de Nousri Ibn Malik Abd-Al-Has- détroussant les badauds malheureux. La milice met
san pour son ami Salomon Bar Yonath). rarement les pieds dans ce quartier, estimant que
s’il existe une cour des miracles, mieux vaut qu’elle
Le quartier escarte soit dûment identifiée et délimitée à un seul quar-
Lorsque le Premier Archonte accepta d’accueillir les tier de Fragrance.
Escartes comme une communauté à part entière au sein • Yoelle Bint Miriam  : très jeune, l’orpheline
de Fragrance, nombreuses furent les protestations. Afin nommée Yoelle, dont les veines charrient autant de
de les faire taire, le duc d’Estang accepta que la partie de sang jazîrati qu’escarte et shiradi, comprit que son
la ville qui leur serait allouée soit celle qui avait le plus corps avantageux serait son véritable atout dans la
souffert de leurs exactions. Ainsi les Escartes s’instal- vie, en attendant d’avoir acquis assez de ressources
lèrent-ils dans un quartier en ruine, dans lequel tous les pour se mettre à l’abri des turpitudes du monde.
bâtiments avaient été détruits par le fer ou le feu. Âgée d’à peine douze ans, elle entra dans une mai-
En une décennie cependant, les nouveaux venus son close et finit par en devenir l’attraction princi-
surent-ils bâtir une cité miniature rappelant en tout pale. Ses clients étaient aussi éblouis par ses talents
point les villes occidentales : étroites rues de terre bat- de danseuse aux clochettes que par sa science
tue serpentant entre des maisons à colombages s’éle- amoureuse et, très vite, elle parvint à gagner assez
vant sur plusieurs étages, larges avenues pavées menant d’argent pour racheter sa liberté et la maison de
à des palais de pierre grise, église sise au centre d’une passe avec. Son ascension ne s’arrêta alors plus  :
organisation circulaire, etc. collectionnant les amants parmi les membres

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Monde

éminents de la pègre locale, elle les dressa les uns est restée la petite fille qui dut grandir trop vite et se
contre les autres et tira son épingle du jeu quand protéger derrière une carapace pour survivre.
tous finirent par s’entretuer pour elle. Elle devint
dès lors la maîtresse incontestée du crime organisé
à Fragrance, sur lequel elle règne depuis ses luxueux De vent et de poussière
appartements du bas quartier. Le défi du duc
À trente ans à peine et au faîte de sa beauté, Yoelle Charles d’Estang compte organiser des joutes dans
est l’une des personnalités les plus puissantes de Fra- les arènes du quartier agalanthéen, afin que des guer-
grance et les autorités préfèrent négocier avec elle riers en provenance du monde connu puissent venir
plutôt que de l’affronter directement. Dirigeant d’une s’y distinguer. À ceux qui sauront se démarquer par
poigne de fer son organisation, elle se montre impi- leur habileté martiale, le duc offrira une place de choix
toyable envers ceux qui la défient et tous craignent sa à ses côtés, qu’ils soient shiradim, jazîrati ou d’une
cruauté. Pourtant, au fond d’elle, Yoelle Bint Miriam autre origine.

Min Mâydan, un quartier singulier


Aux limites de la vieille ville et bordant le quartier des plaisirs, existe un petit quartier unique, le Carrefour
— Min Mâydan en Jazîrati — où tous les peuples se mélangent. Une anomalie, étant donné la situation de la
ville, dont l’origine est l’amour. En effet, au début de son histoire, cette portion de la ville était un territoire
sacré réservé à Merout, une déesse agalanthéenne locale dédiée à l’Amour. Un sanctuaire d’une très grande
superficie lui était dédié. Selon la légende, la déesse Merout donnait sa protection à tous les êtres qui s’ai-
maient quelles que soit leurs origines ou leurs croyances. Ainsi, les couples des jeunes amoureux dont l’union
était considérée comme illégitime par les familles, trouvaient-ils refuges dans le sanctuaire de la déesse qui
témoignait d’un esprit plus large que les habitants du monde connu. Grâce aux grands domaines agricoles et
aux ateliers de produits manufacturés attachés au sanctuaire, les amoureux pouvaient ainsi s’insérer dans la
vie économique de Fragrance.
Pour remercier la déesse, les couples lui consacraient en général leur enfant puîné, qui rejoignait le clergé. De
nos jours, malgré la tension qui règne en ville, le sanctuaire existe toujours. Tous ceux qui se sentent persécutés,
à Fragrance ou ailleurs, à cause de leur choix amoureux, trouvent ici un havre de paix où chacun est libre d’aimer.

Le patronyme du quartier du Carrefour


Du fait de la très grande hétérogénéité des peuples dans ce quartier, le patronyme des différents peuples
qui le composent ne peut être gardé tel quel. En effet, si un enfant est né d’une union entre un Agalanthéen et
une Shirade, il prendrait le patronyme de son père auquel sera rajoutée l’expression Min Mâydan, qui indique
que l’enfant est originaire du quartier du Carrefour à Fragrance.
Par exemple, le garçon né de l’union de Titus Hadrianus Maximus et de Sarah Bat Barka s’appelle Julius
Hadrianus Maximus Min Mâydan.
Bien sûr, si les parents le souhaitent l’enfant peut porter un prénom shiradi et un nom agalanthéen. Ce qui
importe c’est de ne pas oublier la fin du patronyme : Min Mâydan.

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chapitre calliope

Aramla El-Nar, le Il existe plusieurs types de dunes. Les plus fré-


quentes sont les « mers de sable » constituées de du-
désert de Feu nettes ressemblant à de petites ondulations ou même
parfois de grandes vagues. Il existe aussi les serpen-
Le désert Aramla El-Nar s’étend à perte de vue. taires. Ce sont de longues accumulations de sable, sé-
Les fils de Mogda le disent comme Shirad, à la fois parées par des couloirs de roches nues. Elles peuvent
unique et multiple. Unique, car le sable aux reflets atteindre 40 mètres de haut, 600 mètres de large et
roux est présent partout ; multiple, car il n’est jamais 400 kilomètres de long. Elles sont dans l’ensemble
le même et en perpétuelle mutation. Il y a, d’une part, perpendiculaires au vent, ondulant lentement, mais
des régions de dunes, dont la position n’est jamais fixe certaines ont parfois une forme de croissant. Enfin,
et, d’autre part, les régions des plaines de feu. Aramla il existe les grandes dunes, celles qui atteignent par-
El-Nar est le pays des nomades, des mystères et des fois 200 mètres de haut et plusieurs centaines de kilo-
djinns. Le désert, c’est le combat permanent de l’eau mètres de circonférence à la base. Elles sont les plus
contre le soleil, de la vie contre la mort. majestueuses, les reines du désert. On appelle ergs les
zones du désert envahies par les dunes de sable.
• Les serir (ou regs) sont de vastes étendues plates
Du sable à perte de vue… et caillouteuses. Elles constituent le paysage le plus
fréquent de la partie centre-ouest de l’Aramla El-
Le désert de Feu s’étend des plaines agraires du Ca-
Nar. Les serir sont particulièrement inhospitaliers,
pharnaüm aux vallées fertiles du royaume de Kh’saaba
car les points d’eau sont quasi inexistants.
et ce, sur toute la largeur de Jazîrat. Il est donc impos-
• Les dayas sont des cuvettes au fond argileux
sible aux voyageurs de l’ignorer. Le sable recouvre
dans lesquelles l’eau de ruissellement peut s’accu-
les trois quarts de la péninsule et chaque jazîrati a le
muler. Elles constituent des zones de végétation
désert gravé au fond de son cœur. Tous ne l’ont pas
persistantes qui font le bonheur des tribus nomades
traversé, non, loin de là, mais chacun vit avec au quo-
et de leurs troupeaux. On les rencontre surtout au
tidien tout en étant conscient de ses dangers. En plus
nord du désert, non loin des dernières terres culti-
des conditions climatiques insupportables, Aramla El-
vées du Capharnaüm.
Nar se plaît à perdre ceux qui osent le braver.
• Les sebkhas forment des marais salants tempo-
Le sable du désert de Feu varie en fonction des
raires. L’eau peut provenir du ruissellement ou de
régions, parfois très fin, s’écoulant alors comme de
sources occasionnelles. Certaines sont exploitées
l’eau, et parfois plus gros, semblable à de petits cail-
comme salines.
loux. Les teintes varient aussi, du blanc cassé à l’ocre,
• Les oueds ou wadi sont des cours d’eau tempo-
mais tous ces grains ont un point commun : un reflet
raires. La majorité du temps, ils sont à sec, mais en
roux sous le soleil au zénith. Tout à l’est de la pénin-
profondeur des poches d’eau durables peuvent per-
sule s’étend Halawoui, le fleuve présomptueux qui se
sister. Des crues violentes peuvent parfois se produire
joue des contraintes et qui apporte ses bienfaits à ceux
surtout dans les massifs montagneux. En dehors des
qui savent en tirer parti.
oasis, c’est le long de ces cours d’eau que l’on trouve
les seuls arbres en vie dans le désert de Feu.
Paysages
• Enfin, les djebels sont des monticules rocheux,
Les dunes sont les montagnes éphémères du désert. Ce
des amas de pierres et autres montagnes. Il y en a
sont d’immenses amas de sable entreposés ici et là par le
bon nombre, répartis un peu partout dans le désert.
souffle des dieux. Mais les dunes se déplacent bel et bien à
Ils offrent souvent de se rafraîchir dans leur ombre,
travers les déserts. Les vents, et donc les volontés divines,
de s’abriter d’une tempête et de profiter de leurs
sont à l’origine de ce miracle, poussant inlassablement le
hauteurs pour se repérer.
sable au-dessus des crêtes qui paraissent fumer.

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Monde

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chapitre calliope

Les oasis dance. Certaines ont besoin d’une main-d’œuvre


Quand l’eau est proche, l’aridité du désert laisse permanente pour être entretenues alors que d’autres
place aux oasis, lieux bénis des dieux. Des sédentaires y semblent placées sous la protection particulière d’un
vivent, vendant grains, légumes et fruits aux puissantes des mille et un dieux.
tribus nomades, et leur achètent leur protection contre Les oasis profondes sont les plus petites, mais elles
le paiement d’un tribut. Les oasis sont parfois situées contrôlent souvent de vastes territoires. Elles sont en
sur le lit de rivières venant se perdre dans le désert, effet placées sur des lieux stratégiques pour le com-
au pied de massifs produisant des sources ou encore merce ou l’armée. Elles résistent au désert grâce à
directement au-dessus de nappes phréatiques affleu- des aménagements complexes. Les contraintes sont
rantes ou peu profondes. Jardins irrigués aux confins énormes, car l’eau y est rare et il faut une main-d’œuvre
de l’Aramla El-Nar entre massifs montagneux et vastes très importante pour la tirer dans des nappes parfois
étendues désertiques, l’oasis est un havre de paix, un enfouies très profondément dans le sol. La terre y
lieu d’échange et d’entraide, une étape pour le voya- est partagée entre de nombreux petits producteurs.
geur. Autour des palmiers dattiers s’est épanouie une Les oasis aux pieds des djebels sont plus grandes que
culture riche de traditions avec ses règles de distribu- les précédentes, elles puisent directement l’eau des
tion de l’eau. Les oasis étonnent par la vie qui y grouille rivières issues de la montagne. Pour améliorer cette
dans des cités de plusieurs milliers d’habitants là où irrigation limitée à la saison humide, des barrages sont
le voyageur ne s’attend à trouver que quelques arbres, réalisés le long des oueds afin de redistribuer l’eau au
un petit plan d’eau et une paire de chèvres. Des villes cours de la saison sèche. Enfin, les plus courantes le
entières, organisées et généralement accueillantes, long de l’Halawoui, sont les oasis de plaine. Elles sont
profitent des sources d’eau. Ce sont de véritables mer- irriguées par des barrages qui stockent l’eau du fleuve
veilles de la nature, parfaites illustrations du combat de pour la redistribuer en période sèche.
la vie dans cette mer de sable et de désolation, traçant D’une manière générale, les oasis s’étalent sur une
dans le sable roux une ligne rendue éclatante du vert surface très limitée et pratiquent une agriculture inten-
des palmiers. sive et étagée (des palmiers dattiers, des arbres fruitiers,
Toutes les oasis ne sont pas égales. Ce qui les dif- des céréales et des légumes). Elles n’offrent que peu de
férencie ? La facilité de l’accès à l’eau et son abon- place pour les habitations qui se situent plus générale-
ment à l’extérieur de l’oasis et à l’abri des crues.

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Monde

Climat Vivre dans le désert


Le climat est très sec et très chaud. L’absence de La caravane porte, emporte, se charge, se décharge.
nuages fait que le soleil tape directement sur le sol du Elle part, s’arrête, repart et poursuit sa marche.
désert et le dessèche encore plus. Cela dit, la nuit, la Elle dresse le camp et ensuite sonne sa levée.
température chute de beaucoup passant parfois de Et vous la vivez plus que vous ne la suivez.
+75 °C au sol à -10 °C. Ce phénomène permet à un Elle vit, épousant le rythme du désert.
léger gel de se former et de produire au petit jour une À pied ou à dos de dromadaires,
rosée vitale à certaines espèces animales et végétales. Le rythme est celui des cimeterres,
Les précipitations sont très rares (moins de 5 cm/an) Vos guides, vos amis du désert.
et, dans certaines régions, quasiment inconnues, car il – Chanson traditionnelle bédouine.
n’y pleut qu’une fois tous les vingt-cinq ans.
Si les températures au sol atteignent les 75 °C quand Les peuples du désert se déplacent pour trouver
le soleil est au zénith et que le sable est roux, celle de de l’eau ; ce sont des nomades, sans cesse en mouve-
l’air est plus clémente. Il fait généralement plus de ment. Lorsque les réserves d’eau ou de gibier dimi-
40 °C en pleine journée et proche de 0 °C en pleine nuent, ils changent d’endroit. La chasse et la cueillette
nuit. sont impossibles dans le désert profond, les peuples
En outre, le vent souffle en permanence. Il y a deux nomades sillonnant le désert sont des bergers. Tous
grands courants qui traversent le désert. Un à l’ouest se protègent de la chaleur par de grands vêtements
que les Bédouins nomment le Souffle de Jergath et qui et dorment sous des tentes. Ils ont parfois aménagé
circule du sud vers le nord et un à l’est, le Souffle de quelques grottes qui leur servent d’étapes. Les tribus
Mardûk, qui court du nord vers le sud dans le sens op- du désert sont humbles, car lorsqu’on est confronté
posé du fleuve Halawoui, rendant sa navigation dange- aux éléments de la nature on découvre qu’on est bien
reuse en raison des nombreux rapides qui l’émaillent. peu de chose. Et si l’humilité ne s’empare pas de vous,
Entre les deux, une bande de terre que les voyageurs l’agressivité reste la seule arme pour survivre aux dé-
évitent, car il s’y forme fréquemment des tourbillons pens des autres.
et des tempêtes de sable. Les tribus nomades du désert nomment l’eau le
sang de Tiamat, tout comme ils associent le désert
Le règne animal au corps de la divinité. Selon certaines légendes an-
Dans les landes de la désolation, la vie ne règne pas ciennes, les dunes seraient même sa poitrine. En effet,
en maîtresse. Le soleil assassin est le seul roi et impose l’Aramla El-Nar sait être mortel pour ceux qui n’en
sa volonté à tous. Dans la chaleur accablante de la jour- connaissent pas les dangers. Évidemment, tous les
née, seuls les hommes et leurs caravanes se déplacent. voyageurs jazîrati savent s’en prévenir, et les règles
La faune et la flore semblent absentes, comme léthar- sont fort simples.
giques ; mais quand le monarque doré se couche, Tout d’abord, il faut économiser ses réserves d’eau,
l’activité animale renaît avec la froideur de la nuit. Les boire en petite quantité, mais régulièrement et ne pas
insectes en tout genre sortent de leurs cachettes, scara- trop manger. Il faut aussi se couvrir un maximum afin
bées, fourmis, ainsi que les scorpions, etc. Il faut aussi que les vêtements absorbent la transpiration. En effet,
compter sur les serpents, iguanes, gerbilles et autres chaque parcelle de peau découverte est offrande au
fennecs. Les plantes, quant à elles, semblent s’ouvrir, soleil assassin. Il faut respirer par le nez et éviter de
étirer toutes leurs fibres afin de capter la moindre gout- parler, ne jamais s’asseoir à même le sable brûlant et
telette d’humidité que la rosée veut bien leur accorder. traquer les zones d’ombre. Si un arrêt en pleine jour-
Elles sembleront se refermer à l’aube, prêtent à affron- née est obligatoire, il est conseillé de s’enterrer dans le
ter une nouvelle journée en enfer. sable. Si l’on trouve une personne en difficulté, il ne

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chapitre calliope

faut pas lui donner tout de suite de l’eau, mais l’hydra- la plus importante reste celle-ci  : toujours suivre les
ter petit à petit, goutte après goutte, sinon son orga- conseils du maître caravanier, même si ceux-ci pa-
nisme ne s’en remettra pas. Enfin, la recommandation raissent absurdes, il a très certainement raison.

Le thé
Le cérémonial du thé est une manière de manifester son hospitalité, et un prétexte pour discuter avec le
visiteur de passage. Il n’est pas très poli de refuser un thé ou de ne pas boire les trois thés. En effet, les mêmes
feuilles de thé vert sont utilisées pour confectionner trois services à la suite. Le premier breuvage est amer
comme la vie, le second est fort comme l’amour et le dernier est doux comme la mort.

Les pasteurs comme des adultes à part entière qu’une fois leur ma-
Leur marche constante dans le désert est dictée par riage consommé. Un jeune saabi doit, non seulement
le besoin de trouver de nouveaux pâturages pour leurs conquérir le cœur de sa belle, mais également dédom-
troupeaux d’animaux domestiques. Ils les conduisent mager sa tribu avant qu’elle ne puisse le rejoindre pour
d’une oasis à l’autre pour les abreuver. Dromadaires, partager son quotidien.
moutons et chèvres forment le plus gros des troupeaux De nombreux jeunes hommes saabi, trop laids ou
des nomades. Les Bédouins se nourrissent du lait trop pauvres pour trouver une compagne, ne peuvent
fourni par leurs animaux, mais ne mangent que rare- jamais atteindre le statut d’adulte dans leur tribu. Pas-
ment de la viande. Les peaux ont de multiples usages : sée leur vingt-cinquième année, ceux qui n’ont pu
elles peuvent être cousues pour former des tenues, des trouver d’épouse sont exilés. Ils ne pourront y revenir
outres et de nombreux autres objets d’équipement ou qu’avec une femme à leur côté. La plupart finissent par
d’habillement. Ce mode de vie difficile en a fait un rejoindre les pillards du désert, seuls à être prêts à les
peuple pour qui les liens communautaires sont très accueillir et être susceptibles de leur offrir la possibi-
importants. Organisés en petites tribus regroupant lité de devenir des adultes à part entière.
quelques familles, ils vivent la plus grande partie de Les tribus shirades organisent elles aussi des ren-
leur vie en autarcie. contres de grande ampleur, mais leur structure com-
Les Saabi de l’Aramla El-Nar organisent une se- munautaire les amène à se rencontrer beaucoup plus
maine de festivité tous les ans afin de réunir toutes souvent. Les mariages sont initiés tout au long de
les tribus saabi du désert et permettre aux jeunes des l’année avec moins de contraintes qu’au sein des tri-
différentes tribus de se rencontrer. Cet événement bus saabi, bien que le versement d’une dot par l’époux
est indispensable à la bonne entente des différentes à la famille de sa femme ait encore cours, mais le plus
tribus nomades. En effet, c’est au cours de cette réu- souvent sous une forme symbolique.
nion traditionnelle que les jeunes hommes feront Malgré la séparation identitaire forte entre ces
leur demande en mariage, invitant la femme choisie deux communautés, il n’est pas rare de voir des Saabi
à quitter sa tribu pour rejoindre celle de l’homme. conviés aux festivités shirades et inversement. L’adver-
Ces mariages ne sont pas arrangés par les familles sauf sité commune et l’entraide face au désert effacent par-
dans le cas de certaines familles très puissantes au sein fois des différents millénaires. Bien que rares, les ma-
de leur tribu afin de nouer des alliances. Les jeunes riages intercommunautaires existent, mais entraînent
hommes et les jeunes femmes ne seront considérés généralement la conversion de l’un des deux époux.

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Les caravanes Une caravane est toujours dirigée par son guide, pre-
En plus d’élever des animaux, certains nomades ont mier maître à bord après les divinités. Il est le seul à
aussi une autre occupation traditionnelle, le transport connaître les routes commerciales, à détenir les plans
de biens à travers le désert. Parfois, ces biens viennent mentionnant la localisation des puits et des oasis, et les
du désert lui-même, mais plus généralement il s’agit points d’embuscades préférés des pillards du désert.
de faire transiter des marchandises entre Kh’saaba et Les commerçants et les voyageurs souhaitant tra-
le Capharnaüm. Les transports commerciaux occa- verser le désert doivent réunir une somme suffisante
sionnent de longs déplacements, qui rassemblent en pour s’allouer les services d’un tel guide. Cette rétri-
caravanes un grand nombre d’hommes et d’animaux, bution comprend le salaire du conducteur de la cara-
parfois plusieurs centaines. Le dromadaire est la seule vane et de son équipe, de quoi se procurer de l’eau et
bête de somme avec l’abzoul qui puisse supporter les de la nourriture afin d’assurer l’alimentation de toute
conditions du désert de Feu. Les routes des caravanes la colonne pendant la durée du trajet, et de quoi enga-
suivent généralement la distance la plus courte reliant ger suffisamment de mercenaires pour son périple.
les oasis ou les puits. Dès lors, certaines oasis sont de- Le guide est généralement épaulé par deux ou trois
venues des rendez-vous commerciaux importants. Par lieutenants eux-mêmes chargés de la gestion de diffé-
ailleurs, là où la distance entre deux sources naturelles rents aspects de la vie de la caravane : les passagers, le
est trop grande, des puits sont souvent creusés pour bétail, les mercenaires, la logistique, etc. Chaque guide
atteindre l’eau sous la surface du désert. a sa propre conception de la manière dont son équipe
Une caravane ressemble étrangement à un navire doit gérer la vie dans le désert. S’il n’en a pas déjà fidé-
parti pour un long voyage sans escales. Elle rassemble lisé autour de lui, le guide doit également engager un
des passagers, des marins, un timonier, une infirmerie médecin et un cuisinier. Les caravanes pouvant comp-
et même un maître coq : autant d’individus qui s’en ter plusieurs centaines de membres, ces hommes ne
remettent à la grâce des dieux. sont pas engagés à la légère par le guide qui doit pou-
voir compter sur eux tout au long de la traversée.

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chapitre calliope

Les mercenaires perçoivent une avance dans la ville vanes comptent rarement moins d’une cinquantaine
de départ et leur solde à l’arrivée. Les mercenaires sont de membres et le double de tête de bétail, et ce pour
indispensables aux caravanes, ils sont les seuls aptes à les plus petites d’entre elles. Sur cette cinquantaine
la défendre contre les pillards. Et comme vous le diront de membres, on compte environ trente passagers et
les meilleurs guides de caravane de l’Aramla El-Nar, la moitié moins de mercenaires, le reste représentant
question n’est pas de savoir si la caravane sera attaquée, l’équipe du guide.
mais bien quand elle le sera : aurons-nous engagé suffi- Ainsi, une caravane parcourt entre trente et cin-
samment de mercenaires pour nous défendre ? quante kilomètres par jour. En effet, le temps de lever
Les caravanes sont d’une lenteur désespérante, le camp le matin et de le dresser le soir, de s’abriter
il leur faut des heures pour s’installer quand vient la de la chaleur du soleil de midi, une caravane ne passe
halte et autant pour plier le camp quand le moment qu’une demi-douzaine d’heures par jour sur les pistes.
du départ est venu. Ce rythme vient avant tout de Les caravanes voyagent toutes de jour, bien que la cha-
l’ampleur des caravanes traversant le désert, vu le prix leur soit accablante, les dangers sont moins nombreux
exorbitant pratiqué par les guides et les mercenaires, qu’en pleine nuit. Entre les pillards qui pourraient
les voyageurs doivent être suffisamment nombreux beaucoup plus facilement s’attaquer au convoi et les
pour réunir la somme demandée à chacun d’eux hommes et le bétail qui risqueraient de se perdre, les
pour organiser l’expédition. C’est pourquoi les cara- guides préfèrent affronter les rayons de l’astre d’or.

Le dhamet
Les jeux ont un grand intérêt chez les Bédouins qui sont par nature généralement joyeux.
Le plus répandu chez les hommes est le dhamet. Considéré comme un jeu d’intelligence, il est joué par les
hommes de tous âges. C’est un jeu tactique et stratégique qui ressemble vaguement à un croisement entre
un jeu de dames et le go. Il arrive même parfois que des conflits entre familles soient réglés par une partie de
dhamet. C’est en effet un des modes d’affrontement retenus avec le combat à main nue et la course de droma-
daires. Les femmes ont, elles aussi, leur jeu : le crour, où le héros gagne tout le capital de billes de l’autre partie.

Les pillards du désert Ces derniers obligent les nouveaux arrivants à pas-
Les pillards du désert ne forment pas une tribu à ser leur Am Tal avant de pouvoir faire partie intégrante
proprement parler. Disséminés dans l’ensemble de ce de la tribu. Pour satisfaire aux exigences de leur nou-
territoire, ils sont continuellement en déplacement à veau statut (après tout, la majorité des aspirants ne
la recherche de nouvelles proies qu’ils vont pouvoir sont pas encore considérés comme des hommes) les
dépouiller de leur or et, surtout, de leur eau et des den- exilés doivent retourner dans leur tribu et assassiner
rées qu’ils transportent. Privilégiant l’attaque de cara- leur père. Ils ne seront acceptés parmi les pillards que
vane, ils ne dédaignent pas les oasis isolées, des cibles s’ils réussissent à revenir avec sa tête. S’il ne s’exécu-
de choix pour le pillage. tait pas, s’il refusait l’horreur de cet acte, l’exilé finirait
Il existe de nombreuses tribus du désert, générale- probablement sa vie dans le désert en essayant d’en
ment saabi, qui ne vivent que des raids. On ne trouve sortir. Les chances pour un voyageur isolé de s’échap-
que des hommes dans ces tribus ; exilés pour une rai- per seul au piège du désert sont infimes et bien peu
son quelconque de leur communauté d’origine, ils peuvent se targuer d’y avoir survécu.
n’ont pas trouvé d’autres solution pour survivre que de Le style de vie des pillards ressemble beaucoup à
rejoindre les rangs des bandits. celui des autres tribus sillonnant le désert. En dehors

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de l’élevage qu’ils ne pratiquent pas, ils sont également la soif et une appétissante caravane manquant de
nomades. Au lieu de partir à la recherche de nouveaux protection…
pâturages, ils voyagent pour suivre leurs proies, prin- Toutefois, la majorité des mercenaires ne sortent
cipalement à proximité des routes commerciales em- des grandes cités en bordure du désert que pour ac-
pruntées par les caravanes. Les pillards ont une très compagner des caravanes se lançant dans une traver-
bonne connaissance du désert. Rares sont les guides sée périlleuse. Leur rôle se borne à tout faire pour que
de caravanes pouvant se vanter de connaître autant de ceux qu’ils escortent arrivent à bon port. Ils feront
points d’eau, autant d’oasis perdues, de routes aban- ainsi le voyage aller et retour, protégeant la même cara-
données et de ruines oubliées. vane tout au long du chemin. Ils dépenseront ensuite
Les pillards du désert sont liés entre eux par le prix leur or en ripaille et en commerce des femmes dans
du sang qu’ils ont tous dû payer. Ils vivent par et pour leur port d’attache avant de repartir pour une nouvelle
le sang, à leur mort leur corps est abandonné au dé- traversée.
sert. Les traîtres qui tentent d’échapper aux règles de Leur seule autre dépense consiste souvent en l’en-
la bande sont traqués et exécutés sans état d’âme : les tretien de leurs armes et armures, et, bien entendu,
pillards du désert constituent une famille que l’on ne de leur coursier. Nombreux sont d’ailleurs les merce-
peut pas abandonner. naires à préférer l’endurance du dromadaire au confort
du cheval. Certains soldats de fortune économisent
Les mercenaires leur or et gardent leurs yeux ouverts pendant les tra-
Tout comme les pillards, les mercenaires ont choisi versées. C’est souvent ces derniers que l’on pourra
de vivre par la violence au sein du désert. Peu de chose voir quelques années plus tard, devenu guides, riches
distingue les pillards et les mercenaires  : bien sou- d’une existence entière passée à lutter contre le désert,
vent ces derniers n’hésiteraient pas longtemps entre et d’une bonne quantité d’espèces sonnantes et trébu-

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chapitre calliope

chantes. De nombreuses fortunes se sont bâties sur les dans les cités et entraînent leur caravane dans un piège
rigueurs du désert. tendu par leurs complices. Au dernier instant, ils se
Certains parlent à mots couverts de l’existence d’une retournent contre leurs employeurs, s’ensuivrait alors
bande de pillards sans scrupules se faisant passer pour systématiquement un massacre effroyable…
des mercenaires. Ils se font embaucher en toute légalité

Au son du tam-tam
Le tam-tam est l’instrument par excellence du désert. Il est un outil d’information. Grâce à lui, on fait pas-
ser des messages : la nouvelle du retour d’un absent, les retrouvailles d’une personne ou d’un animal perdu,
l’approche de l’ennemi en temps de guerre. Les jours de fête ou lors des cérémonies de mariage, les percus-
sions des tam-tams se mêlent aux trilles des flûtes et aux sonorités des guitares traditionnelles.

La retraite spirituelle
Le désert comme lieu de soif, qui appelle à se laisser rassasier par un Autre. Le désert comme lieu de vide
pour mieux découvrir la présence divine. Le désert comme lieu de mort, qui appelle la vie. Très présent dans
les traditions saabi, shirade et même escarte, le désert de Feu est un lieu privilégié pour faire la vérité sur soi,
sous le regard de son dieu. La retraite spirituelle, au-delà de la marche et de la contemplation des paysages,
appelle à la profondeur, au cœur à cœur avec Houbal, Shirad ou Æther. La vie spirituelle y est forte : la céré-
monie, l’adoration, la prière, les temps d’enseignement, de silence, les temps de discussion et de partage. La
vie de communauté est aussi un des piliers de cette quête. Elle permet d’approfondir l’expérience personnelle
à la lumière de celles des autres. Elle permet également d’apprendre à mieux aimer ses frères. Ainsi existe-
t-il plusieurs temples parsemés sur le sable brûlant de l’Aramla El-Nar. Ces sanctuaires sont établis sur des
sources transformées en oasis à l’intérieur même des murs. Ils abritent en général une petite communauté
toujours prête à accueillir le voyageur dans le besoin.

Entre les dunes parate : il n’est pas rare d’y croiser des marchands
Le désert est vaste. Il est bien plus qu’une étendue conversant en toute civilité avec quelques membres
de sable et de dunes sans vie. Voici quelques illustra- de tribus nomades du désert venus vendre les pro-
tions de ce que l’on peut y croiser, à ses portes, comme duits de leur artisanat sur les marchés. Tout ce petit
en son cœur. monde cohabite bon gré mal gré, dans l’ambiance
• Les portes du désert : on appelle ainsi les grandes
électrique qui précède les voyages. En effet, un
cités établies en bordure de l’Aramla El-Nar. C’est départ de caravane est toujours imminent dans ces
dans ces villes que se préparent les expéditions qui cités. Entre les mercenaires qui vendent leurs bras à
vont braver le désert afin de faire du commerce avec la criée et les guides qui s’arrachent les contrats avec
les oasis en son cœur ou atteindre les villes situées les marchands, elles ne manquent jamais d’anima-
au-delà des dunes de sable. Les portes du désert tion. Joyeuses, colorées et animées, ces villes sont
sont des cités exclusivement marchandes. Pourtant, réputées dans tout le monde connu. Les artefacts
nombre d’entre elles sont fortifiées afin de se proté- proposés sur les marchés, qu’ils soient authenti-
ger des attaques des pillards du désert un peu trop quement issus des tribus nomades du désert ou
audacieux. On y trouve une population très dis- de vulgaires contrefaçons, sont vendus à prix d’or

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à tous les badauds venus frissonner aux abords des unique dans le désert. Les oasis ont elles aussi des
terres brûlantes. denrées à proposer aux cités en bordure de l’Aramla
Enfin, de nombreux habitants du désert ont préféré El-Nar. Du bétail, bien entendu, dromadaires et
fuir la rudesse de la vie dans les oasis et la frénésie chèvres étant les plus courants. L’artisanat des
de la vie au sein des portes du désert. Ils ont choisi nomades du désert est également très prisé par les
de s’installer dans de petits villages en bordure de citadins, les bijoux les plus simples représentant un
l’Aramla El-Nar. Vivant principalement de l’agri- luxe sans prix en raison de leur délicieux exotisme.
culture et de l’élevage, ces fermiers fournissent les Enfin, les oasis exportent également certaines den-
portes du désert en biens de première consomma- rées périssables, notamment des dattes.
tion (nourriture, laine et peau, etc.). Ces commu- Les dattes de l’oasis Iiménite (du nom de la tribu
nautés sont généralement établies près d’un cours devenue depuis longtemps sédentaire qui s’y est
d’eau suffisamment important pour leur permettre installée, les Iimines) sont les plus prisées par les
d’irriguer leurs champs et d’assurer une subsistance villes en bordure du désert. Séchées, confites ou
correcte à leur bétail. Peu de chance d’y trouver une fraîches, elles sont appréciées partout et nombre
occupation quelconque pour les aventuriers de pas- de caravanes font route vers l’oasis Iiménite afin
sages, ces lieux sont plus des hymnes à la tranquil- d’échanger leurs marchandises contre ces fruits
lité et à la monotonie que les points de départ des savoureux. La difficulté de la traversée du désert
grandes épopées. en fait des denrées revendues très cher et donc tout
• L’oasis Iiménite  : des dattes par milliers, les particulièrement prisés par les élites citadines.
meilleures de Jazîrat ! • La Cité de toiles  : plus un événement annuel
Il ne faut pas croire que le commerce se fait à sens qu’un lieu proprement dit, la Cité de toiles est une

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chapitre calliope

tradition des tribus jazîrati nomades du désert. de bas-reliefs taillés dans le jaspe et la cornaline,
Chaque année, le rendez-vous de toutes les tribus des mosaïques mêlant jade et rubis recouvrent ses
jazîrati, saabi ou non, est fixé dans un lieu et à une sols. Il est difficile aujourd’hui de faire la différence
date variant à chaque fois. C’est au cours de cette entre les parts de mythe et de réalité de ce récit. En
cérémonie que les jeunes gens pourront se cher- effet, le palais n’a plus été vu depuis au moins cinq
cher un époux ou une épouse afin de devenir des générations, totalement englouti par le désert. Par
adultes à part entière. Les mariages étant interdits ailleurs, même s’il venait à réapparaître, il est peu
au sein d’une même tribu, ce rassemblement est la probable que les pilleurs précédents aient laissé
seule occasion pour ces Jazîrati de fréquenter, pen- quelques trésors à dérober.
dant toute une semaine de festivités, les membres • Le monastère escarte de Saint-Jude  : le mo-
des autres communautés. nastère de Saint-Jude est construit au cœur d’une
C’est aussi lors de la Cité de toiles que les familles aride chaîne montagneuse surplombant le désert
les plus puissantes renouvelleront les pactes qui les de Feu. Beaucoup des moines qui y vivent ont
unissent et font des Jazîrati du désert une commu- choisi cette existence contemplative. Pour les
nauté certes dispersée, mais partageant la même âme. autres, cette retraite est avant tout un châtiment,
• Le cimetière des Dragons : chaîne montagneuse un lieu de pénitence où les hautes autorités escartes
sculptée par les vents ardents du désert, le cimetière exilent les membres les plus perturbateurs de leur
des Dragons doit son nom à sa géologie particu- communauté religieuse. Entre la chaleur écrasante,
lière. Succession de canyon, de crevasses et d’escar- l’austérité désespérante du paysage et l’ascétisme
pements déchiquetés, cette chaîne est un véritable imposé à tous, cet endroit ressemble aux Limbes
chaos minéral où le vent règne en maître. Paysage dont parle tant la religion escarte. Certains moines
torturé, il a inspiré de nombreuses légendes sur ce recherchent avec assiduité le recueillement qu’ils
qui a présidé à l’apparition de cet improbable relief peuvent trouver dans cet isolement total, mais pour
tourmenté. La légende la plus connue (à laquelle la les autres, être envoyé dans ce monastère est la pire
région doit son nom) voudrait que ces pics soient les punition que l’on puisse imaginer. Les suicides,
derniers vestiges de colossaux squelettes de dragons tellement réprouvés par les Escartes, sont malheu-
issus du fond des âges, venus mourir dans le désert. reusement courants parmi les jeunes novices qui
• La fontaine interdite : la fontaine interdite est ne supportent pas de se retrouver assignés à cette
une oasis perdue en plein cœur du désert. Objet de retraite loin de tout et de tous. Après tout, tenter de
nombreuses légendes, cette oasis recèlerait des tré- quitter le monastère et de rallier l’une des grandes
sors innombrables. cités en traversant le désert, n’est-ce pas une autre
• Le palais abandonné : au sein du désert, on peut façon de chercher à mettre fin à ses jours ?
trouver les ruines d’une cité antique construite par • Le Vent Sacré  : l’un des rites les plus connus
une civilisation aujourd’hui disparue. Cette cité se célébré dans le monastère escarte de Saint-Jude se
dévoile aux caravanes au gré des tempêtes de sable nomme le Vent sacré. Astuce visant à impression-
qui balaient le désert. De nombreuses expéditions ner les fidèles, cette cérémonie est avant tout une
sont parties à sa recherche, mais rares sont celles à utilisation judicieuse de l’architecture troglodyte
être rentrées triomphantes. Ces dernières parlent à du monastère héritée de ses précédents occupants
mots couverts d’étranges forces hantant encore ces dans des temps particulièrement reculés. En ou-
lieux désolés, peut-être les esprits de cette civilisa- vrant quelques panneaux, le vent vient s’engouffrer
tion des premiers âges. dans le réseau de grottes qui truffent la montagne,
Le site le plus emblématique de ces ruines est sans produisant un son particulièrement envoûtant que
conteste le grand palais. On raconte que ses cou- les prêtres désignent comme étant le souffle de
poles sont faites d’or fin, ses murs sont recouverts Dieu lui-même, venant purifier le monastère. Ce

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Monde

mugissement profond serait la preuve que Dieu est chissant les errants, il sait aussi se transformer en
satisfait de ses fidèles. cruelle morsure quand se déclenchent les gigan-
• L’épine vorace : la faune et la flore du désert se tesques tempêtes de sable qui balaient le désert
sont développées dans un environnement des plus d’un bout à l’autre, en propulsant devant elles de
rudes. Beaucoup d’animaux ont évolué pour s’adap- colossales murailles sableuses. Ces tempêtes remo-
ter à cette niche écologique. Ils ont une vie noc- dèlent complètement le paysage de l’Aramla El-Nar.
turne et nombre d’entre eux trouvent l’eau qui leur Il est très difficile de survivre à de tels ouragans car
est nécessaire dans le sang de leurs proies. Cepen- toute personne prise en leur sein sera recouverte de
dant, les animaux ne sont pas les seuls à connaître sable en quelques minutes seulement. Leurs bour-
cette soif de sang. Un cactus appelé l’épine vorace rasques sont également particulièrement abrasives,
a également développé cette méthode de survie. les parties du corps trop exposées subiront des lé-
Illustration parfaite de la main invisible qui semble sions particulièrement douloureuses, sinon fatales.
guider l’évolution naturelle des écosystèmes, ce Dire de ces tempêtes qu’elles écorchent leurs vic-
cactus est la copie conforme de celui duquel on times, arrachant la peau et la chair de leurs os, n’est
peut tirer un suc particulièrement désaltérant, pas qu’une image. Le vent inspire de nombreuses
bien connu des nomades du désert et des animaux légendes. Les sons qu’il produit en circulant entre
qui y vivent. Contrairement à cette espèce, ce cac- les dunes ont donné lieu à nombre de fables sur les
tus ne désaltère pas. Son suc empoisonne ses vic- esprits hurleurs du désert.
times, suffisamment pour qu’elles sombrent dans • Avalanche de dunes  : l’Aramla El-Nar recèle
l’inconscience. Ce n’est qu’ensuite que ses racines de nombreux dangers, et le sable n’en est pas le
préhensiles peuvent s’attaquer à ses proies afin moindre. L’avancée des dunes n’est pas sans risque
d’aspirer jusqu’à la dernière goutte de sang de leur pour les arpenteurs du désert. Sur le versant des
corps. C’est de cette manière que survit cette plante dunes non exposé, le vent provoque de nombreuses
particulièrement dangereuse. avalanches. Le versant sous le vent finit par s’écrou-
• Les papillons de feu  : on trouve une espèce ler sous le poids du sable, le dôme des dunes étant
de papillon particulièrement rare dans les oasis gonflé par le souffle. Ces avalanches sont particu-
de l’Aramla El-Nar. Ses ailes diaphanes, une fois lièrement dangereuses, surtout pour les aventuriers
déployées, mesurent plus d’un mètre d’envergure. ne connaissant pas les variations du désert. Mar-
Son apparition, rarissime, est un présage particu- cher au sommet d’une dune ou tenter de l’escalader
lièrement bénéfique pour ceux qui ont la chance par la face exposée au vent ne peut que provoquer
de l’apercevoir. Ses couleurs, variant d’un ocre très une avalanche meurtrière pour toute l’expédition.
sombre à un or particulièrement lumineux, sont en • Roses des sables  : héritage de l’époque où le
accord parfait avec le désert. Toutefois, on en ren- désert de Feu était encore une mer, les roses des
contre parfois d’un jaune totalement uni, couleur sables sont des cristaux de sel façonnés par le vent.
du deuil dans le désert, et sont alors considérés De nombreux nomades recherchent avidement ces
comme des signes de malheur. originalités géologiques : montées sur des parures
• Le chant des dunes  : murmurant entre les d’or ou d’argent, ce sont des bijoux particulière-
dunes, sanglotant dans le désert minéral, hurlant ment prisés par les étrangers venus s’encanailler
aux abords des oasis, le vent du désert, également dans les portes du désert. Les plus anciens nomades
appelé chant des dunes, est une composante avec supportent mal de voir ce qui constitue à leur sens
laquelle tous les nomades ont appris à vivre. Tan- l’un des biens les plus précieux du désert partir au
tôt compagnon, tantôt pire ennemi des caravanes, cou de quelques bourgeoises venues frissonner au
le vent permet la vie du désert, il le rend mouvant contact de l’Aramla El-Nar. C’est leur héritage qui
et indépendant. Parfois douces caresses rafraî- est pillé, le souvenir d’un temps où tout ce sable

103
chapitre calliope

n’était que le fond d’un océan sans bornes. Vendre Kh’saaba


les roses des sables, c’est vendre l’âme du désert,
son essence. Nombreux sont ceux qui pensent que Spectaculaires cultures en terrasses au flanc de
le jour où la dernière rose des sables aura quitté les montagnes vertigineuses, villages forteresses, hauts
dunes, le désert de Feu révèlera ce qu’est la réelle plateaux arides, végétation tropicale, désert de pierre
aridité et cessera de nourrir ses enfants. ou de sable, Kh’saaba offre une multitude de paysages
• Les sables mouvants : contrairement à la vase d’une époustouflante beauté. Pour beaucoup, Kh’saa-
des marais également appelée sables mouvants, ceux ba est le pays de la vie heureuse. De tout temps, les
que l’on trouve dans le désert sont bien plus prompts hommes se sont battus pour la contrôler et profiter de
à vous engloutir. Ils se forment par accumulation de ses richesses.
sable dans des cuvettes minérales. Le vent transporte
le sable des crêtes des dunes jusque dans ces cavités Un paysage à plusieurs niveaux
naturelles dont certaines sont également remplies Le royaume de Kh’saaba est bordé au nord par
par des avalanches de dune. Quiconque a le malheur l’Aramla El-Nar, le désert de Feu, à l’ouest par la
de s’aventurer sur ces sables mouvants va s’enfoncer baie des Dragons et au sud par Al Muhît El-Mandab,
très rapidement et même la technique consistant à l’océan des Lamentations. Le littoral est dominé par
s’allonger afin d’augmenter la portance de son corps un relief escarpé rendant les accès à la mer difficiles.
ne fait que ralentir de manière très provisoire la vi- Au sud-est, rayonne Jergath-la-Grande, la capitale mil-
tesse de l’engloutissement. Seule une réaction très lénaire sise au fond de sa combe et tout à l’est prend
rapide de tiers pourra sauver le malheureux, tout naissance le fleuve Halawoui qui traverse la péninsule
en prenant bien garde aux flancs particulièrement pour se jeter au loin au nord dans la mer Intérieure.
friables des dunes entourant généralement les cu- Le paysage de Kh’saaba est composé de hauts plateaux
vettes où le sable s’accumule. rocailleux entaillés de-ci de-là par des vallées luxu-
riantes où s’épanouit une civilisation prospère. Les

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Monde

villes et villages en briques d’argile semblent surgir où l’on trouve des forêts. Ces dernières s’étirent sur
du sol tant il est difficile de les distinguer des reliefs des kilomètres, car elles suivent les cours d’eau, mais
naturels. L’architecture saabi est caractérisée par des ne dépassent jamais la vingtaine de mètres de large.
volumes simples et homogènes. Les couleurs varient Kh’saaba est une région d’une grande richesse agri-
entre le gris, l’ocre et le blanc en passant par toutes les cole. On y cultive des céréales, des légumes, des fruits,
nuances possibles. Il existe aussi des villages fortifiés du café et du qât en alternant les cultures sur trois
bâtis sur des arêtes rocheuses couronnés de maisons ans avec un an de jachère afin de ne pas épuiser les
bâties en pierres sèches. richesses dont les dieux ont dotées la terre.
Grâce à son altitude, le royaume de Kh’saaba béné-
ficie d’une pluviométrie exceptionnelle par endroits. Sur les routes
Cela explique pourquoi la plupart des villes sont im- • Madina El-Sakhra : sur la route de cuivre et de
plantées en montagne et sur les hauts plateaux où de turquoise, au nord-ouest du royaume, isolé au fond
nombreuses plaines intérieures se prêtent à la culture. d’une vallée aride, le voyageur voit apparaître un
C’est dans cette région que se trouvent les plus hauts gigantesque rocher. Cet immense bloc de grès rose
sommets de Jazîrat dont le point culminant est le dje- accueille en son sein une véritable petite ville. La
bel Bru’tahyb (4 230 m). Les hauts plateaux du nord roche a été creusée afin de dégager une grande ca-
reçoivent en revanche peu de pluies, tout comme les vité en son centre et de nombreux couloirs et gale-
plaines côtières arides de la baie des Dragons à l’ouest ries mènent à une multitude alcôves qui font office
et le littoral au sud, à la végétation semi désertique. de gîte. Un petit millier d’habitants vit en perma-
nence à Madina El-Sakhra et un autre millier y est
Climat de passage. Cette ville modeste est une véritable
Le long de la baie des Dragons, le climat est chaud place forte ceinte de remparts naturels de plus de
et humide, donc très difficilement supportable les mois 40 m de haut et 10 m de large. Les accès sont rares,
d’été où il fait régulièrement plus de quarante degrés. étroits et très bien surveillés. Des réservoirs d’eau et
Le littoral sud présente à peu près les mêmes carac- des récupérateurs de pluie sont placés au sommet
téristiques en moins humide. Les moyens plateaux du rocher afin d’assurer la survie de ses habitants.
connaissent un climat tempéré et humide en été, sec en La ville est dirigée par Ali Ibn Yucef Abd-Al-Salif, et
hiver. Les températures grimpent souvent au-dessus de ses fils et gendres en occupent les postes clefs.
trente et ne baissent que très rarement en dessous de • Les avant-postes  : ils sont nombreux dans le
cinq degrés. Les précipitations sont légères, mais suf- nord du royaume le long de la frontière naturelle
fisantes pour que la végétation se développe. Ce sont qui sépare les plateaux et leurs vallées fertiles du
donc les zones les plus fertiles. Sur les hauts plateaux, désert de Feu. Ces tours rondes en pierres sèches
le fond de l’air est tempéré, mais soumis à une forte sont autant de relais surveillant les envahisseurs
amplitude thermique entre le jour et la nuit où il arrive susceptibles de venir du nord. Elles sont l’héritage
parfois qu’il gèle. Enfin, au nord, les hauts plateaux s’in- des guerres entre les Saabi et les Agalanthéens pour
clinent vers le grand désert. Températures très élevées le contrôle de la région. Elles sont toutes dotées de
et air sec, il s’agit des parties désertiques de Kh’saaba. greniers souterrains et d’une citerne. Placées sur les
Les précipitations sont très rares et l’eau manque par- sommets les plus hauts, elles communiquent entre
tout sauf dans les oasis et les zones irriguées. elles par des signaux lumineux générés par les reflets
du soleil sur un jeu de miroirs en bronze poli. En cas
Agriculture d’invasion, l’information circule ainsi d’avant-poste
Le sud de Jazîrat est assez humide. Avec la corne en avant-poste pour parvenir aux bastions et fortins
de Jazîrat à l’est, c’est le seul endroit de la péninsule afin de prévenir les garnisons sur les mouvements
ennemis.

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chapitre calliope

L’encens
Originellement, l’encens est la résine produite par un petit arbre que l’on trouve dans l’est du royaume
de Kh’saaba, mais de nos jours, d’autres résines pures comme l’oliban, la myrrhe ou le benjoin sont aussi
appelées encens. C’est une résine aromatique dont le parfum s’exhale lors de sa combustion lente. Le mode
de combustion le plus habituel et le plus traditionnel consiste donc à déposer cette ou ces résines sur un
charbon ardent ou, éventuellement, sur une pierre chauffée jusqu’à incandescence. L’art du parfumeur et
sa connaissance des différentes résines lui permettent, grâce à une infinité de mélanges subtils, de doser cet
encens en fonction de son utilisation et de sa destination, chaque dieu ayant ses préférences.
Quoi de plus fascinant, de plus ensorcelant, que des volutes de fumée odorante qui s’élèvent vers le ciel ?
L’offrande de l’encens crée le climat propice à l’élévation spirituelle et la purification du corps. Élément
essentiel du rite, l’encensoir occupe souvent la place centrale des temples ou autels.
Si les Saabi sont les premiers à avoir développé l’usage de l’encens durant leurs cérémonies, les autres
peuples n’ont pas tardé à les imiter. Les Shiradim procèdent à des offrandes régulières dont la composition
est sacrée. En outre, seul Shirad a le droit de profiter de ce mélange et il est interdit à son peuple d’en utiliser
pour ses propres besoins. Chez les Escartes, son usage est largement répandu pour les services religieux, les
processions, les funérailles. Quant aux Agalanthéens, ils apprécient la douce fragrance des parfums brûlés
qui plaisent aux dieux et qui les rendent plus réceptifs à leurs prières. Tous ces peuples se sont battus et
payent le prix fort pour obtenir de Kh’saaba quelques grammes quotidiens de cette richesse plus précieuse
que l’or. C’est, pour le royaume du sud, une véritable économie dont beaucoup dépendent.

La route de l’encens
Une bonne partie de l’encens récolté et produit à Kh’saaba est envoyée au nord pour être vendue aux né-
gociants agalanthéens, shiradim, escartes et sur les marchés du Capharnaüm. La navigation dans la baie des
Dragons est difficile et les navires qui font la traversée sont très rares. C’est pourquoi l’encens est acheminé
par les terres, grâce aux caravanes de dromadaires, véritables vaisseaux du désert. Cette route, du moins la
partie qui chemine entre les plateaux, est surveillée en permanence par l’armée de Kh’sabaa, mais les at-
taques des bandits sont néanmoins fréquentes. Le chemin est jalonné par plusieurs villages et places fortes,
servant de haltes aux caravanes. Parvenu au terme de cette voie, les courageux voyageurs sortent des terres
fertiles saabi et s’enfoncent dans le désert de Feu pour en ressortir — si les dieux sont avec eux — deux bons
mois plus tard, dans le Capharnaüm.

Le Sangdragon
Le Sangdragon est un encens sacré utilisé par les Saabi pour les rituels les plus importants. Il est récolté
une fois par an dans la forêt pétrifiée de la vallée interdite de Shoumkat. En effet, en dehors de la semaine
de récolte rituelle, il est interdit d’y pénétrer et plusieurs Mudjahidin sont chargés de faire appliquer cette loi
divine. Selon l’enseignement des kahini, c’est ici que Houbal-Jergath fut blessé, sous forme de dragon, lors
de son combat par une armée de djinns. Le sang céleste du dieu a alors imprégné la terre de la forêt et toute
la végétation se pétrifia. Aujourd’hui, la sève qui coule dans cette étrange végétation est récoltée et transfor-
mée en encens. Les fumigations de Sangdragon ont des vertus exceptionnelles.

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Monde

• Le fortin d’Al-Mayakit : Al-Mayakit est un vil- de danses et de chants. À l’issue de cette célébra-
lage riche et prospère, mais sa renommée est due tion, lorsque la fleur sort de sa gangue protectrice et
à son fortin, le plus grand de Kh’saaba. Bâti sur les qu’elle fait face au soleil, le plus âgé et le plus sage des
fondations d’une ruine agalanthéenne, à l’emplace- hommes-fleurs fait une prédiction, en fonction des
ment même où se dressait déjà il y a des millénaires couleurs des pétales, pour chacun des membres de
un bâtiment semblable, le fortin d’Al-Mayakit abrite la tribu. Au quotidien, cette peuplade accorde une
près de 4 000 hommes, pour ainsi dire presque tous grande importance à son esthétisme. Les hommes
Mudjahidin. Son emplacement est stratégique, car il portent une barbe bien taillée, des cheveux lissés et
se trouve au centre exact du royaume. Ainsi, en cas des habits frustres mais toujours impeccables. Tous,
de besoin, les hommes du général Khalil Ibn Malik quel que soit leur sexe, ont tête couronnée de fleurs ;
Abd-Al-Hassan peuvent intervenir rapidement sur ils cultivent d’ailleurs de somptueux jardins bota-
l’ensemble du territoire saabi. niques. Malgré cette apparence douce et paisible, il
• Les hommes-fleurs  : les hommes-fleurs faut se méfier des hommes-fleurs, car ils connaissent
constituent une petite tribu isolée d’une centaine les secrets d’un poison hautement mortel dans lequel
de membres vivants en autarcie la plus totale. Les ils trempent leurs lames.
hommes dominent leur petite société et les femmes • Les entrailles de Tiamat : à l’est du royaume
n’ont que très rarement le droit de sortir de leur ca- se trouvent les entrailles de Tiamat. Il s’agit d’une
bane. Ils vénèrent une déesse, une fleur multicolore, faille qui lézarde le sol et qui s’enfonce très profon-
géante et millénaire qui ne fleurit qu’une fois tous les dément dans le ventre de la terre. Il s’en échappe par
sept ans. Quand l’éclosion intervient, les hommes de endroits des fumerolles rougeâtres assez toxiques.
la tribu participent tous à une cérémonie rythmée On dit que c’est une des portes du chaos, que c’est

107
chapitre calliope

ici que Tiamat s’enfonça après sa défaite face à Mar- D’ailleurs, plus la réputation de Naji grandit favora-
dûk afin de se cacher, en vain. D’ailleurs, la nuit blement, plus ses prestations augmentent. Tant qu’il
tombée, des djinns en sortiraient pour se répandre est rétribué en temps et en heure, Naji et ses hommes
sur Jazîrat. Cette déchirure s’étend sur plus de trente sont des compagnons de voyage très agréables. Ils
kilomètres tant et si bien qu’il est difficile au voya- connaissent de nombreux chants, légendes et his-
geur de la contourner. Il y a de loin en loin quelques toires divertissantes qui permettent d’égayer le
ponts de singe séculaires, bâtis par de valeureux voyage et le rendre moins pénible. À ce titre, Naji
voyageurs. Quelques-uns pendent dans le vide de est toujours prêt à faire une petite ristourne si on lui
la faille, d’autres ne sont plus usités de peur qu’ils raconte une bonne plaisanterie qu’il ne connaît pas.
lâchent sous le poids de ceux qui les traversent, et • Les forges d’Ishankti : Ishankti est une grosse
rares sont ceux qui sont encore en bon état. ville à l’extrême-ouest du royaume, près de la baie
• Agramatra  : au sud de Kh’saaba, à quelques des Dragons. Sa renommée est due à ses forges,
kilomètres facilement franchissables en boutre, se multiples, qui sont en activité un peu partout dans
trouve l’île sanctuaire d’Agramatra. Cette petite île une ville qui est la capitale du métal, du fer et de
volcanique est le lieu de vie des lullibya, une peu- l’acier. De loin, on distingue une étendue grise de
plade étrange et envoûtante. Ces créatures femelles laquelle s’élèvent de nombreuses fumées. Quand
tiennent à la fois de la libellule et de la femme. Le on s’approche, on est pris à la gorge par cette odeur
haut de leur corps est tout ce qu’il y a de plus com- insupportable si caractéristique que les poètes n’ou-
mun, avec une tête, des bras et un torse, mais son blient jamais de mentionner. Ses rues sont sombres
prolongement est plutôt étrange puisqu’il com- et tortueuses, le vol et la corruption sont partout
bine deux paires d’ailes et une queue insectoïde. et on dit que ses habitants sont les plus sournois
Elles ne vivent que sur Agramatra et semblent ne et comploteurs de tout Jazîrat. C’est pourtant une
pas vouloir quitter ce paradis terrestre. Une fois par ville essentielle pour l’économie saabi et pour les
an, un groupe de dix hommes est envoyé sur l’île armées du roi. En effet, c’est ici que sont fabriqués
pour féconder les lullibya. Ceux-ci n’en reviennent en grande quantité les sabres, cimeterres, lances,
qu’au bout d’un mois sans aucune mémoire de leur casques, plastrons et toutes les pièces métalliques
voyage si ce n’est le vague souvenir d’avoir vécu servant à la défense du royaume. La cité abrite offi-
dans une grotte profonde. ciellement un peu plus de 20 000 habitants, mais il
• Agizul Naji Ibn Bichr Al-Cheik El-Gafla  : faut bien rajouter près de 5 000 mendiants errant
Naji, fils de Bichr, le courageux chef de caravanes dans les ruelles et dormant sous les porches. Omar
est un des hommes les plus connus des voyageurs Ibn Raman, l’administrateur d’Ishankti, est un
qui traversent régulièrement les plateaux et les val- proche du roi. Ces dernières années, il est victime
lées de Kh’saaba. C’est une région où le voyage est d’une étrange maladie qui le force à demeurer alité
ardu à cause du relief, mais aussi où il est difficile toute la journée. Sa première femme, Bettina Bint
de se repérer. Nombreux sont les aventuriers im- Harin, est maintenant celle qui tire les ficelles dans
prudents qui se perdent et qui n’atteignent jamais l’ombre avec l’aide de ses trois fils.
leur destination. Naji Ibn Bichr est un de ceux qui • Zamer Ibn Ghaleb, le joueur de flûte des
connaissent parfaitement chaque vallée, chaque hauts plateaux  : si un jour, alors que vous vous
rocher, chaque rivière de son pays. En effet, dès rendez à Jergath, vous entendez un sifflement en-
sa plus jeune enfance il voyageait aux côtés de son chanteur autour de vous, c’est que vous êtes proche
père qui était avant lui caravanier. Les services de de Zamer Ibn Ghaleb. En effet, le son de sa flûte
Naji constituent la meilleure garantie d’arriver à traditionnelle se répercute sur les parois des vallées
bon port vivant et avec ses marchandises en bon encaissées du sud-ouest de Kh’saaba. Les villageois
état. Évidemment, une telle assurance a un prix. et les voyageurs l’entendent à des kilomètres à la

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Monde

ronde. Zamer joue du lever du soleil à son coucher tant de plus en plus de membres parmi les femmes
sans interruption en se lançant dans de grandes violées et battues par leurs maris. Maintenant ce
improvisations qui durent des heures entières. Cer- sont elles qui inspirent la peur aux hommes.
tains prétendent que le chant de son instrument • Alayahba : situé sur un monticule rocheux do-
est magique. Il permettrait aux céréales de mieux minant un oued asséché plusieurs mois de l’année,
pousser, aux hommes de ne pas tomber malade, la ville d’Alayahba est avec ses 6  000 habitants la
aux femmes d’être fertiles et de rendre fous les mé- dernière cité de Kh’saaba avant le désert de Feu. La
créants. Cependant, Zamer reste insaisissable. On porte du désert, comme l’appellent les voyageurs,
le voit, on l’entend, mais on ne le trouve jamais. Il est donc le premier havre de paix que l’on peut
a toujours disparu avant qu’on ait pu l’approcher. trouver quand on arrive du nord et le dernier quand
• Mouhyl, le village aux perles : d’apparence, le on quitte le pays verdoyant. Ses activités sont prin-
petit village côtier de Mouhyl n’a rien de particulier cipalement centrées sur le commerce avec les tribus
et ressemble à tous les autres. Pourtant, ses habi- nomades du désert. Ses lois, relativement souples,
tants sont tous vêtus des soies les plus douces, des permettent à tout un chacun de participer à des
bijoux les plus éclatants et dégustent les mets les jeux d’argent, de se payer du bon temps, d’organiser
plus fins. Si les pécheurs de Mouhyl sont si riches, des orgies… La ville est un vrai centre caravanier et
c’est qu’ils ne ramènent pas que du poisson dans beaucoup d’expéditions s’y préparent, car ici il y a
leurs filets. En effet, au large, dans un endroit tenu tout ce qu’il faut pour traverser le désert.
secret, se trouve une colonie d’huîtres perlières Alayahba est dirigée par Hava Ibn Zarad Al-Galid.
géantes. La récolte de perles monumentales, réali- L’occupation principale de cet homme vieillissant
sée deux fois par an, permet aux villageois de vivre est de rédiger ses mémoires. Il s’enferme toute la
dans l’allégresse et le luxe. Il va de soi que tant de journée avec ses meilleurs scribes afin d’écrire et
richesse suscite des convoitises. C’est pourquoi, de réécrire ses exploits passés, du temps où il était
avec leur fortune, les villageois payent une milice un Mudjahid libre de parcourir Jazîrat. Mais au-
très bien équipée pour veiller sur leur sécurité et jourd’hui, son destin l’a rattrapé, il a dû reprendre
sur leurs intérêts. la charge qui était celle de son père et veiller à la
• Al-Hurr Haramit Zohra Bint Abbas  : la vo- prospérité d’Alayahba. Hava préfère déléguer ses
leuse libre Zohra fille d’Abbas est à la tête d’une pouvoirs à Toufiq Ibn Zael, son fidèle bras droit
bande de maraudeuses qui sévit sur les routes de qu’il connaît depuis son enfance, car il était déjà
Kh’saaba. L’histoire de Zohra est assez singulière. au service de son père. Hava a trois filles qui seront
Il y a quelques années de cela elle était la première bientôt en âge de se marier. En ville, les rumeurs
épouse du chef de son petit village, mais un jour, vont bon train. On dit que Toufiq, qui est le maître
une bande de voleurs rançonna la communauté. de la ville sans en avoir le titre, essaie de s’attirer les
Au bout de quelque temps, les villageois ne pou- faveurs de la fille aînée de Hava afin d’acquérir enfin
vant plus payer, les voleurs massacrèrent tous les le statut auquel il prétend.
hommes et violèrent les femmes. Après cette tra- • Zûlah, la croyante : à l’instar de Jergath, cette
gédie, les femmes durent prendre les devants pour cité est une nouvelle preuve du talent des Saabi pour
survivre et Zohra devint alors leur porte-parole. bâtir de magnifiques architectures au sein des dé-
Elles se rangèrent toutes derrière Zohra qui guida cors naturels, grandioses mais difficiles, de leur pays.
leur vengeance. Une fois les gorges des criminels Zûlah se situe en effet au sommet des montagnes
tranchées, les femmes de Zohra décidèrent de fertiles du centre-est de Kh’saaba. C’est au détour
conserver la liberté que le destin leur avait accor- d’une route de montagne que surgit soudainement,
dée. Depuis, elles errent sur les routes du royaume, au milieu d’une verdure chatoyante, l’immense pa-
rançonnant à leur tour des villages entiers et recru- lais perché — demeure secondaire du roi —, accolé

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chapitre calliope

à un tout aussi colossal temple, dédié principale- Zûlah est également réputée pour ses sources d’eau
ment à Houbal. À ces deux édifices, qui s’étagent en chaude souterraines et ses hammams, qui associent
innombrables jardins jusqu’à leur sommet, la ville les splendeurs naturelles brutes de la roche et du
s’étend sur l’adret de la montagne, envahie par la vé- végétal, à la beauté de l’art et de l’artisanat saabi —
gétation qui court le long de centaines de terrasses, parois couvertes de faïences, mosaïques, sculptures
de ruelles à pic et d’escaliers vertigineux. à l’aspect généralement léonin.
Ville de beauté et de foi, on dit de Zûlah qu’elle est Enfin, on dit que, sous le palais et le temple d’Hou-
bénie par les 1001 dieux, tant ses minarets et ses bal, la montagne est creusée de multiples galeries
tours aux bulbes bleu turquoise se marient parfai- qui mèneraient aux tombes d’antiques rois saabi.
tement aux ocres clairs des bâtisses et au vert des De nombreuses salles secrètes recèleraient des ar-
montagnes ; une puissante célébration du divin, chives et des bibliothèques interdites, renfermant
à n’en pas douter, pour les yeux émerveillés du des artefacts, des ouvrages et des rouleaux traitant
croyant. La route, très rude, est considérée comme des plus sensibles secrets politiques et religieux du
une épreuve par les pèlerins qui souhaitent at- royaume, depuis sa fondation par Aref Ibn Jeloul en
teindre ce haut lieu religieux, connu pour compter 618, et peut-être même avant. On dit aussi que Zû-
le plus grand nombre de temples dédiés aux dieux lah aurait été bâtie par les plus puissants Al-Kimyati
jazîrati sur toute la péninsule — il y en aurait 1001 royaux de l’époque et que cette magie perdure en-
tout rond dans la cité. core, protégeant la cité et ses secrets…

Gastronomie
Les Saabi mangent très vite en trempant un morceau de pain dans un plat commun, et ne traînent pas à
table. Ils consomment surtout des légumes, frais ou secs. Le poisson ne se trouve frais qu’au bord de la mer
et à Jergath. La base de l’alimentation, c’est le khobs, un pain rond agrémenté de céréales diverses. Pour l’ac-
compagner, on prépare des soupes à base de légumes, parfois de viande de mouton et de plantes longuement
bouillies et mélangées au ragoût. Les volailles sont très présentes dans les menus des Saabi et, plus rarement,
des pièces de viande de bœuf. Les épices jouent un rôle très important dans la gastronomie locale. Enfin,
les repas se terminent généralement par quelques douceurs au miel, aux amandes ou aux fruits séchés. La
boisson la plus répandue est le thé, souvent parfumé à la cardamome ou à la girofle et consommé très sucré.

Village typique de Kh’saaba


La grande majorité des villages saabi se trouvent au fond des vallées afin de profiter des bienfaits des cours
d’eau et de la végétation. Les maisons sont réparties de part et d’autre de la rivière et semblent littéralement
accrochées aux rives afin de laisser le plus de place possible aux terres cultivables. Les parcelles de terrain sont
irriguées et chacun est attributaire d’un lopin qui assure la subsistance de sa famille. Les champs se retrouvent
donc au milieu du village. L’essentiel de l’activité s’y déroule et c’est aussi ici que l’on célèbre les fêtes et évé-
nements. Les maisons elles-mêmes ont leur hiérarchie. Les plus hautes appartiennent aux familles les plus
riches et il n’est pas rare d’en voir quelques-unes perchées sur un rocher ou un piton rocheux. Les rues sont
très étroites et tortueuses, juste de quoi permettre la circulation d’une petite charrette. Enfin, un dernier élé-
ment d’importance, les terrasses. En effet, la maison saabi a un toit plat qui permet de profiter du soleil pour le
séchage, à contempler le ciel étoilé, à surveiller les allées et venues ou tout simplement à recevoir des visiteurs.

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Monde

Jergath-la-Grande par ce dernier qui avait adopté la forme d’un dragon.


Une partie de la ville a même été construite, dit-on,
par le dieu lui-même. Principal foyer de la religion
La cité des mille et un dieux saabi, la cité compte plus de temples que tout le reste
de la péninsule et attire à elle des pèlerins en grand
Jergath-la-Grande est une ville religieuse par es- nombre. Jergath est belle, immense, colorée, vivante,
sence. Bâtie sur un lieu saint dans le but de consacrer la plus belle ville du monde selon de nombreux grands
un endroit où révérer Houbal, elle a ensuite été libérée voyageurs. Il s’agit de la cité des superlatifs avant tout.

Rappel Chronologique
618 : Aref Ibn Jeloul pose les premières pierres de la ville.
804 : invasion par la République agalanthéenne.
1225 : sous l’influence du roi Ibn Sayed, la région se libère des Agalanthéens.
1984 : invasion par l’Empire agalanthéen.
2476 : intervention du dragon Houbal-Jergath qui instaura les grandes tribus et demanda aux Prophètes
de guider ses adorateurs vers le salut.
3536 : exil shiradi.

L’histoire est écrite par les plus de sa famille et de sa cour, les prêtres, pèlerins et
toute personne désireuse de s’y établir. Les bâtiments
vainqueurs fleurirent sur la rive nord, au pied de la falaise, tandis
qu’à l’intérieur du méandre, sur la rive sud, se déve-
La naissance
loppaient les cultures et l’élevage nécessaires à l’ali-
C’est au début du VIIème siècle que le premier roi mentation de cette colonie. Tout allait au mieux, et
jazîrati, Aref Ibn Jeloul, décida de se sédentariser et de très vite Jergath se développa.
poser les premières pierres d’une cité dédiée à la gloire
d’Houbal. Il choisit pour cela un lieu à la fois pratique La République agalanthéenne
et empreint de mysticisme, car ayant vu, selon la tra-
C’est en l’an 804  qu’Agalanthe prit Jazîrat, et la
dition, la défaite de Tiamat et d’Apsou à l’aube du
région de Kh’saaba en particulier. Les envahisseurs
monde : dans l’une des vallées parcourant le royaume
comprirent très vite l’intérêt de la situation de Jergath
de Kh’saaba, à l’endroit où les méandres d’une rivière
et y établirent leur propre capitale. Ils décidèrent ce-
avaient creusé un vaste espace. Cette rivière, la Kheit
pendant de ne pas se mêler à la population locale. La
Azrak, coule paisiblement vers le sud-ouest jusqu’à
cité agalanthéenne fut donc bâtie sur le haut plateau
l’océan des Lamentations, selon un cours permettant
situé au sommet de la falaise. Ses murs blancs bril-
la navigation. Depuis quelques générations déjà, dans
laient au soleil, solides murailles contre les résistants
les parois creusées des falaises de la rive nord, vivait
saabi. Les conflits furent d’ailleurs nombreux entre la
une tribu troglodyte, les Mouhafid, passant l’essentiel
population locale et les nouveaux arrivants. Ces der-
de son temps à vénérer Houbal et les mille et un dieux.
niers étaient plus puissants, ils pouvaient compter sur
Le roi Aref Ibn Jeloul vint avec ses proches en cette
d’importantes forces armées. Ils soumirent les Saabi,
terre sacrée. Pour rendre hommage à Houbal, il décida
les brimant dans l’expression de leur religion et de
d’y bâtir un temple ainsi qu’une ville pour abriter, en
leurs coutumes. Les fiers guerriers du désert ne pou-

111
chapitre calliope

vaient plus porter d’armes, n’occupaient plus aucun Grande en 950. À l’embouchure de la Kheit Azrak, on
poste décisionnel dans leur royaume et restaient can- établit même un port permettant d’accueillir les navires
tonnés à leurs habitats au pied de la falaise, sous l’œil trop gros pour remonter la rivière. Il s’agissait d’une
vigilant des Agalanthéens. sorte d’annexe de la ville, reliée à Jergath par voie mari-
Tout le commerce vers le sud et l’est passait par là, et time et par des pistes. Située sur la route de l’encens et
la nouvelle cité agalanthéenne se développa rapidement. des nombreuses marchandises venant de terres loin-
Les Agalanthéens lui donnèrent le nom de Jergath-la- taines, la cité devint un grand centre de commerce.

L’eau au sommet du plateau


L’alimentation en eau de Jergath se fait par la Kheit Azrak, ce qui a posé nombre de problèmes aux habi-
tants installés au sommet du plateau. Après diverses tentatives pour faire monter de grandes cuves via un sys-
tème de poulies et de cordes le long de la falaise, les Agalanthéens ont déployé des trésors d’ingénierie pour
forer des puits profonds dans la roche sous leur citadelle. Ils purent ainsi accéder aux nappes souterraines.
Cet aspect ne semble pas avoir été oublié par Houbal lors de l’édification de la cité divine puisque de
nouveaux puits ont fait leur apparition. Cette partie de la ville est même tellement bien irriguée que les plus
riches entretiennent de superbes jardins intérieurs. Le grand temple de Houbal contient même une source
qui ne s’arrête jamais et donne une eau des plus fraîches et des plus pures.

L’affranchissement provinces éloignées, de puissantes familles locales


La région se libéra en 1225 du joug agalanthéen, prenaient le pouvoir en s’affranchissant de Jergath. Le
sous l’impulsion du roi Ismet Ibn Sayed. Suite à la royaume s’effritait.
perte d’influence de l’administrateur agalanthéen, le
roi décida de ne plus payer le tribut qu’il devait à la Ré- L’Empire agalanthéen
publique et les représentants de cette dernière furent En 1984, l’Empire agalanthéen était une nation ex-
massacrés. Les Saabi reprirent par la force cette terre trêmement puissante, et les Saabi affaiblis ne purent ré-
qui était la leur et poussèrent leur conquête jusqu’au sister lors de la seconde invasion. À Jergath, les Agalan-
Capharnaüm. théens s’installèrent de nouveau dans leur cité en haut
Les deux siècles suivants furent une période de de la falaise, l’agrandissant et la fortifiant encore davan-
rapide extension du royaume de Kh’saaba. La ville tage. Tout en pesant fortement sur le peuple saabi sou-
en elle-même s’agrandit, et l’on bâtit les premières mis une seconde fois, les administrateurs mirent tout
murailles en bas de la falaise. Les Saabi gardèrent une en œuvre pour améliorer la situation commerciale de la
place dans la citadelle agalanthéenne édifiée sur le pla- ville, en développant les contacts avec les marchands et
teau, l’utilisant comme place forte et caserne. les circuits commerciaux, routes, et port. En renforçant
Alors que le roi Youssouf Ibn Marek venait de le pouvoir central de Jergath, ils étendirent l’emprise de
prendre Fragrance dans le nord, que Kh’saaba était la cité sur les autres régions de Jazîrat. Ils avaient amené
déjà une puissance commerciale importante, une avec eux de nombreuses idées modernes, que cela soit
crise affaiblit le pouvoir à la fin du XIXème siècle. Son au niveau social (intégration des femmes dans la socié-
souverain assassiné dans d’obscures circonstances, té), militaire (stratégies diverses et techniques de com-
ses dirigeants emmêlés dans des luttes mesquines et bat), ou encore architectural (constructions en pierre
devenus incapables de maintenir l’emprise sur leurs dure) ; tout cela influença bien sûr de façon décisive
vassaux, Kh’saaba commença à décliner. Dans les l’évolution de la ville.

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Monde

Le temps des Prophètes bal réunit les fameux Prophètes et leur assigna leurs
Après tous ces siècles de soumission et de douleur tâches. Bien entendu, des siècles d’esclavage n’avaient
pour le peuple saabi, Houbal décida qu’il était temps pas fait des Saabi de grands guerriers, et ils ne purent
d’en finir. Au cours de l’été 2476, il prit la forme d’un arrêter la contre-attaque agalanthéenne. Le joug aga-
terrible dragon qui surgit dans le ciel flamboyant d’un lanthéen fut maintenu, mais les choses avaient changé.
crépuscule doré. La cité agalanthéenne ne put résis- L’intervention du dieu avait redonné la foi au peuple
ter à sa puissance. Les guerriers de l’Empire, même de Jazîrat. L’intervention divine convainquit les Aga-
les solides myrmidons, ne purent rien faire face à la lanthéens de rester prudents, et plutôt que d’asservir
colère destructrice du dieu. Sa fureur dévasta toutes de nouveau ceux qu’un dieu venait de libérer, ils leur
les constructions agalanthéennes, massacrant les ha- permirent de régner sur Kh’saaba, tout en la mainte-
bitants et illuminant la nuit de mille feux mortels. Une nant sous le statut de province soumise.
fois la cité réduite à l’état de ruines, Houbal entreprit
d’en établir une autre, juste à côté, toujours au bord Ainsi commença le règne d’Hassan et de ses des-
de la falaise ; il abandonna ainsi les ruines fumantes, cendants Hassanides qui restaurèrent l’unité et la
témoignage de sa colère à l’encontre des ennemis de puissance du peuple saabi et du royaume de Kh’saaba.
son peuple. La nouvelle Jergath surgit du rocher et Les Saabi retrouveraient leur grandeur passée et do-
se dressa fièrement, ses bâtiments semblant consti- mineraient de nouveau l’essentiel de Jazîrat. Jergath-
tués d’une seule pièce, assis solidement sur le sol. De la-Grande gagnerait en puissance et en splendeur.
hautes tours étincelantes et de solides murailles virent Les constructions divines léguées par Houbal à son
le jour. Aucun homme n’aurait pu construire ainsi, peuple feraient de la cité un lieu hautement respecté,
surtout pas en une seule nuit. considéré sous la protection directe d’un dieu.
Cet événement annonça la libération du peuple
saabi. Au lendemain de cette nuit tragique, Hou-

113
chapitre calliope

Grandeur saabi toujours la route ; c’est un peu exagéré, mais pas tant
Depuis ce moment-là, le royaume de Kh’saaba ne fit que ça. Ainsi, en voyageant sur les hauts plateaux, le
que prospérer. Consolidant ses bases, il s’agrandit et voyageur découvre à l’horizon l’imposante cité divine
reprit en main les terres qui étaient siennes auparavant. et ses hautes tours élancées, érigées d’un bloc direc-
Jergath poursuivit elle aussi le même mouvement de tement à partir du sol par le dragon Houbal-Jergath.
prospérité. La ville évoluait sur ses deux pôles, le bas Ses murs d’un blanc d’ivoire reflètent suffisamment
se voyant paré de maisons dans la plus pure tradition le soleil pour captiver le regard sans l’incommoder ;
saabi accrochées à la paroi, ainsi que de cultures et cela permet de la situer de très loin et la ville sert de
de palmeraies dans les méandres de la rivière. La cité repère à bien des voyageurs. Ses formes harmonieuses
haute, appelée cité divine, devenait le centre du pou- et aériennes s’élèvent au-dessus de solides murailles
voir, et on y trouvait les plus grands temples, le palais, capables de repousser les plus grandes armées.
les résidences des grandes familles et des notables. L’autre moyen d’arriver à Jergath est en suivant
Cependant, tout pouvoir finit par se corrompre sous la route basse, c’est-à-dire celle située au fond de la
la main de l’homme, et Kh’saaba ne fit pas exception. vallée. Il existe en effet une piste qui longe la Kheit
Avec le temps, des remous, des tentatives de révoltes, Azrak, une voie de circulation large et solide reliant
des assassinats et autres courants libertaires mirent la cité et le port de Bassouhma au sud-ouest. Elle est
plusieurs fois à mal le pouvoir royal. L’un des coups très fréquentée par les caravanes marchandes qui vont
les plus durs fut l’exil des Shiradim, Et Gadol Galout, et viennent, et elle est même utilisée comme chemin
en 3536 ; ce peuple montrait ainsi son indépendance de halage pour certains navires ayant de la peine à re-
et surtout prouvait que l’on pouvait se libérer du joug monter le courant. Au-delà, vers l’intérieur des terres,
saabi. La lignée d’Hassan maintint son pouvoir coûte la route devient une piste qui s’enfonce entre les pla-
que coûte, tout en connaissant des hauts et des bas. teaux saabi.
Suite à la chute de l’Empire agalanthéen, Kh’saaba Il est encore possible d’atteindre la cité par les flots.
ne craignait plus grand monde. Le royaume s’affirma De Bassouhma à Jergath, la Kheit Azrak est navigable
comme la plus grande puissance du monde connu. par de petites et moyennes embarcations à fond plat.
En amont de Jergath, cela devient beaucoup plus pro-
De nos jours blématique, le cours de la rivière se faisant non seule-
ment moins large, mais également plus chaotique.
La force politique, militaire et culturelle de Jergath
est aujourd’hui titanesque. Nul ne peut compter sans
Bassouhma
ses armées, ses artistes, ses universités. Bien qu’éloi-
gnée du reste du monde, Jergath est la reine de Kh’saa- Il s’agit du port situé à distance de Jergath qui est un
ba, elle fait le jour et la nuit sur les deux tiers de Jazîrat, centre non seulement religieux, mais également com-
et pourrait bien s’étendre, tel un empire, sur les loin- mercial. Positionnée au cœur de la route de l’encens,
taines terres d’Occident si Aragón venait à tomber. la cité avait impérativement besoin d’un débouché
sur la mer, mais elle ne se trouvait pas sur la côte et la
rivière ne permettait pas la navigation pour les grands
Bédouins, pèlerins et bateaux commerciaux. C’est ainsi qu’au début du se-
cond millénaire, les envahisseurs agalanthéens entre-
caravaniers prirent la construction d’un port à l’embouchure de la
Jergath est située en plein pays saabi, terre de hauts Kheit Azrak. Bassouhma est un village tourné vers une
plateaux et de vallées enfoncées, le long de la rivière seule et unique activité : le transfert de marchandises
Kheit Azrak dans l’une de ses plus larges vallées. Un entre la route et l’eau. On y trouve d’immenses quais
fameux proverbe jazîrati dit que toutes les pistes répartis de chaque côté de l’estuaire de la Kheit Azrak,
mènent à Jergath et qu’un dromadaire en retrouvera bordés par des quantités astronomiques d’entrepôts.

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Monde

Bassouhma est aussi riche en tavernes, en bureaux de donner une idée du bonheur, des riches qui profitent
compagnies de transports, et en voleurs et crapules en de la beauté du lieu.
tout genre, qui profitent du mouvement perpétuel qui
préside à la vie de la bourgade maritime. Les ruines agalanthéennes
Juste à côté de la cité divine construite en une
Les grottes Mouhafid nuit par Houbal se trouvent les ruines de l’ancienne
Il s’agit des grottes où vit depuis longtemps la tribu ville fortifiée agalanthéenne. La puissance du dragon
troglodyte des Mouhafid, des ascètes ultra-traditiona- aurait pu la raser entièrement, mais Houbal a préféré
listes du culte de Houbal et des mille et un dieux. Ils laisser des débris pour montrer sa puissance afin que
se sont établis dans ces falaises karstiques des siècles les hommes ne l’oublient jamais. Il subsiste donc des
avant l’érection des premières demeures de ce qui al- fragments de bâtiments agalanthéens tenant encore
lait devenir Jergath, considérant ce lieu comme saint vaguement debout, mais on est bien loin de la fière ci-
dans la religion saabi. Les Mouhafid tentent de vivre tadelle établie ici il y a plusieurs siècles. Cette zone est
à l’écart des autres et ne communiquent que rarement habitée par quelques pauvres et elle est utilisée par des
avec leurs envahissants voisins. Ils se savent en infério- gens ayant à régler des affaires secrètes ; nombre de
rité numérique, mais refusent de se soumettre. Leurs discussions et de rencontres clandestines se déroulent
cavernes sont creusées très en profondeur et, bien que ici, à l’abri des larges colonnes délabrées.
situées entre les deux parties de Jergath, elles n’y sont
pas liées et possèdent leurs propres voies de déplace- La zone agricole
ment souterraines. Peu de gens hors de la commu- Dans le méandre de la Kheit Azrak a été établie la
nauté ont eu l’occasion d’y pénétrer, et l’on parle de zone de culture et d’élevage permettant de nourrir les
secrets mystiques fabuleux. Personne ne sait exacte- habitants de Jergath. Cela ne suffit plus maintenant vu
ment combien ils sont, mais leur population est esti- la taille de la cité, mais cette production est néanmoins
mée à environ quatre cents individus. Parmi les rares nécessaire pour assurer une base alimentaire. Le reste
non-Mouhafid à avoir pénétré ici, on compte surtout est assuré par le commerce. Ce vaste espace est qua-
des Tarekides (Bint Mimoun exceptées) et en parti- drillé par de petits canaux d’irrigation qui détournent
culier des membres éminents de la Califah al Sahla’ en partie le cours de la rivière. Le tout est organisé de
(cf. p.  177). La caravane a d’ailleurs tendance à être manière précise, des routes et des ponts permettant de
d’autant plus virulente à chaque fois que Malawi sort d’acheminer les récoltes vers la cité.
de ces grottes, comme s’il était revigoré par les idées
véhiculées en ces lieux.
Vivre à Jergath-la-Grande
La palmeraie Peuples de tous dieux
Située à l’extérieur des murailles de Jergath, la
La ville est avant tout jazîrati (et plus particuliè-
palmeraie est une zone de fraîcheur, de calme et de
rement saabi évidemment, en tant que capitale du
paix établie dans la partie inférieure du méandre de la
royaume) et aussi profondément religieuse. Ce peuple
Kheit Azrak. L’ombre des palmiers permet de se pro-
en constitue donc la plus grande partie des habitants,
mener sans souffrir de la chaleur sur les sentiers par-
près des deux tiers. Ils tiennent les rênes du pouvoir
courant l’endroit, de se prélasser auprès de bosquets
et occupent tous les postes d’importance ; ce sont en
embaumant, de s’arrêter pour regarder s’écouler les
particulier les grandes tribus qui ont les meilleures
petits cours d’eau issus de l’irrigation des champs en
places. Jergath ayant été bâtie dans un but religieux
amont. On y croise des penseurs en quête de calme,
d’hommage à Houbal, les temples y sont innom-
des couples d’amoureux, des familles qui partagent
brables, des plus monumentaux aux plus humbles.
un instant de sérénité, des pauvres qui cherchent à se

115
chapitre calliope

La vie s’articule entre les pôles du pouvoir royal et


du pouvoir religieux qui cohabitent en toute complé-
mentarité, puisque l’un vient de l’autre.
On se souvient que les Shiradim ont fui Jergath
sous l’impulsion de Mogda, mais tous ne sont pas Abdallah Ibn Malik Abd-
partis. Certaines familles sont restées, sans placer
leur confiance en ce nouveau chef. Depuis des géné-
Al-Hassan, grand roi de Jergath
rations, elles forment une communauté qui a réussi
en partie à s’émanciper de l’esclavage dont elles souf-
fraient à l’époque. Toujours considérés citoyens de
seconde zone, les Shiradim restent influents à Jergath
grâce à leurs contacts commerciaux dans le Caphar-
naüm ; la ville étant un centre de négoce, ses autorités
ne peuvent oublier cet atout majeur.
Depuis la chute de leur empire, et donc du risque
de voir leurs armées déferler sur la ville, les Agalan-
théens reviennent à Jergath par petits groupes. Com-
merçants, navigateurs, mercenaires, ils occupent diffé-
rents postes de la société, mais demeures stigmatisés
par un passé très mal perçu par les Jergathiens.
Les Escartes qui représentent les nations occiden-
tales sont également peu présents à Jergath. La Guerre
Sainte n’a pas concerné toute la péninsule, mais plutôt
le Capharnaüm, éloigné de Kh’saaba. Les guerriers Abdallah est l’actuel roi de Kh’saaba, et par
escartes ont cependant commis un crime aux yeux de extension le guide suprême du peuple saabi.
tous les Saabi : le vol de l’Épée sacrée de Muhammad. Descendant de la lignée de Malik, il a hérité du
En conséquence, les nations occidentales ont dépêché trône jeune, à seize ans, lorsque son père est
des ambassadeurs sur les terres de Jazîrat pour tenter mort de manière suspecte au cours d’un repas de
d’empêcher la situation de s’envenimer, mais celle-ci famille, étranglé semble-t-il par un aliment avalé
reste très tendue. de travers. Jeune homme à l’éducation déjà bien
avancée dans beaucoup de domaines, Abdallah
La Parole et le sabre a pris les rênes du royaume sans réelle visibilité
Toute la politique et la société de Jergath sont fon- sur l’avenir, guidé par les conseillers de feu son
dées sur le mode de vie jazîrati. On retrouve la segmen- père. Aujourd’hui âgé de trente ans, Abdallah
tation en trois classes : les nobles, vivant de manière est un souverain plutôt éclairé, d’un commerce
faste dans la cité divine ; le peuple de citoyens, qui agréable, et même combattant de valeur, mais
habitent essentiellement la vieille ville — à l’excep- bien que bon partout, il n’excelle nulle part. Rien
tion de quelques riches marchands et de prêtres qui de particulièrement exceptionnel ne singularise
peuvent se permettre de résider en haut de la falaise cet homme qui guide la plus puissante nation de
— ; les esclaves qui logent chez leurs maîtres. Les lois Jazîrat. Il sait parler en société, mais ne brille pas
en vigueur sont celles répondant de la tradition saabi. par son charisme. Il sait négocier, mais est loin
de figurer parmi les grands diplomates. Il sait
tenir un cimeterre, mais se ferait massacrer par
le premier guerrier expérimenté venu. Il n’est pas

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Monde

Ces noms qui font l’histoire


désagréable à regarder. Sa personnalité demeure
fade par rapport à sa noble lignée de prédéces-
seurs. Et cela se remarque lorsque l’on occupe
une telle position. Les rumeurs vont bon train,
et plus d’un groupe pense déjà probablement au
meilleur moyen de l’évincer du trône.

Melik Ibn Mussah Abd-Al-


Hassan, Grand kahini

Elle a passé l’essentiel de sa jeunesse à la cour


de Jergath, et c’est là que le futur roi Abdallah est
tombé éperdument amoureux de cette jolie fille
dont les yeux bleus comme la Kheit Azrak étin-
celaient au milieu d’un visage mat.

Omar Ibn Malik Abd-Al-


Hassan

L’homme le plus proche du roi est son plus


fidèle conseiller. C’est un homme très âgé et ex-
trêmement capable qui a longtemps servi le père
d’Abdallah avant de lui vouer son absolue loyauté.

Haynah Bint Yucef Abd-


Al-Salif
Première épouse du roi Abdallah, Haynah
joue un rôle primordial à Jergath et dans l’en-
semble du royaume. C’est une femme appro-
chant la quarantaine, née dans le clan Ibn Yucef
et donc experte dans l’art de la négociation, du Cousin du roi et général en chef des armées
dialogue et du marchandage. de Kh’saaba, Omar est décrit plus en détails au
chapitre Euterpe p.158.

117
chapitre calliope

Cet homme est le leader des Mouhafid vivant


Jafar Ibn Mussah Abd- dans la falaise de Jergath. Il tient à la tradition,
Al-Hassan aux anciennes lois, aux coutumes ancestrales, et
s’oppose à la modernité. On peut cependant le
croiser parfois dans les rues de Jergath, vêtu de
son sobre thawb gris et d’un turban assorti. Gro-
gnon et agressif, Tafir vaque à ses occupations de
chef de tribu tout en se débrouillant du mieux
qu’il peut pour se tenir à l’écart de ses voisins
urbains. Les siècles n’ont rien changé à l’attitude
défensive des Mouhafid qui voient toujours d’un
mauvais œil Jergath et son cortège de stupre
et de luxure. Guide spirituel, Tafir n’en est pas
moins un combattant respecté, et malheur à qui
se mettrait en travers de sa route ou chercherait à
critiquer son point de vue.

Mehdi Ibn Yucef Abd-Al-


Jafar est l’un des plus grands wazirs de la cour
de Jergath, conseillant le roi au mieux et tentant
Salif
d’obtenir son oreille. Âgé de plus de 50 ans, il
occupe cette place depuis de très nombreuses
années. C’est un esprit brillant, connu pour ses
qualités de gestionnaire et son pragmatisme.

Tafir Ibn Jamal Abd-Al-


Mouhafid

Membre influent du clan Ibn Yucef, Mehdi est


un négociateur hors pair, et un grand amateur
d’antiquités. Il a obtenu le titre de responsable
de Bassouhma. L’homme a donc pour charge de
veiller au bon fonctionnement du port distant
de Jergath, gérant les docks, les quais, les affrè-
tements, les cargaisons, les entrepôts, et l’écoule-
ment de toutes les marchandises qui y transitent.

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Monde

Derrière les murs


Us & Coutumes
La population grand-jergathine a pour habitude de La ville se divise en deux parties bien distinctes.
vaquer dans la palmeraie en soirée, entre la chaleur En bas de la falaise se trouve la vieille ville établie
étouffante de la journée et le froid parfois mordant de depuis l’origine autour de l’un des temples dédiés à
la nuit, à l’heure où le soleil allonge les ombres. C’est Houbal. Les bâtiments sont construits dans un tradi-
ainsi que le rythme effréné s’apaise en ville, que les tionnel mélange de boue séchée et de paille, édifiés
activités se limitent au strict minimum. La palmeraie au plus près du flanc de la paroi rocheuse pour laisser
voit arriver un flot de passants venant de toutes les l’espace nécessaire à l’agriculture et à l’élevage au bord
strates de la population, permettant ainsi la rencontre du méandre de la Kheit Azrak. Depuis ses origines,
entre des personnes qui n’auraient aucune chance de la partie ancienne de la ville s’est fortement étendue,
se croiser. Ce moment est traditionnellement devenu toujours le long de la falaise, où s’abrite l’essentiel de
celui des nouvelles alliances et de la préparation de la population.
traités. On y a déjà vu de petites gens aborder auda- En haut de la falaise s’étend la fabuleuse cité divine
cieusement de puissants nobles pour une entrevue créée par le dragon Houbal-Jergath. C’est cette par-
improbable, des dames apeurées obtenir la protection tie de la ville qui fait sa réputation. Les bâtiments
de grands Mudjahidin, ou encore des duels repoussés s’élancent de manière audacieuse directement du sol,
depuis des mois se régler enfin. comme nés de la roche. Les hautes tours sont parfois
Les Grands-Jergathins sont en général très pieux. reliées par de majestueux ponts. Ici vivent la noblesse
Chaque jour, au matin, les temples s’emplissent d’une et le haut clergé saabi. On y trouve également tous les
foule venue réclamer la bénédiction de l’un ou l’autre centres de pouvoir, qu’ils soient politiques, religieux,
des mille et un dieux en fonction des activités de la jour- commerciaux, militaires. Ici se nouent la plupart des
née à venir. La prière au temple constitue la première intrigues saabi. Lorsqu’on arrive à Jergath par le pla-
activité de la journée pour la plupart des habitants. teau et non par la vallée et le fleuve, on ne voit donc
que la cité divine. De bien loin, on aperçoit ses tours
Ressources élancées et ses coupoles d’or s’élever sous le soleil,
vision céleste que nul ne peut oublier.
Jergath vit du commerce et du voyage. Beaucoup de
gens passent par la ville  : pèlerins, marchands, négo-
ciants, mercenaires, simples voyageurs, diplomates, ou
encore tribus saabi. Que le but de leur périple soit pé-
cuniaire ou non, ils dépenseront toujours une partie de
leurs épices ou de leur or dans la ville, et celle-ci s’enri-
chit facilement. Capitale de Kh’saaba, Jergath attire ain-
si à elle un grand nombre de voyageurs d’importance,
aux bourses bien remplies. Elle est une ville mondiale-
ment réputée pour sa beauté (la cité divine constitue
en elle-même le plus bel ensemble architectural que
l’on connaisse). Placée sur la route de l’encens et du
commerce entre les différentes régions du monde, elle
accueille beaucoup de marchands et de transporteurs.
Siège de la religion saabi, ville construite pour (et en
partie par) Houbal, Jergath voit affluer un flot continu
de pèlerins, d’individus dont la ferveur religieuse les
entraîne dans la contemplation de ce lieu saint.

119
chapitre calliope

Le long de la falaise
Il existe plusieurs moyens de passer entre le bas et le haut de Jergath — et inversement. Le premier, le plus
utilisé, est d’emprunter les élévateurs, un ensemble de systèmes complexes de poulies, de cordes et de méca-
nismes divers. On peut monter sur des espèces de petites chaises individuelles, sur de grandes planches, dans
des paniers, des hamacs ; tout est disponible, plus ou moins confortable selon le prix que l’on met. De plus,
l’ascension ne se fait que rarement d’une seule traite jusqu’en haut. Il faut souvent changer d’élévateur au
milieu, en progresser par moments sur des échafaudages fixés à même la paroi (il est déconseillé d’être sujet
au vertige). Les élévateurs les plus sûrs ont été mis en place par les autorités et ils sont aussi les plus rapides,
mais également les plus chers ; leur utilisation est limitée par les gardes qui surveillent les postes à la montée
et à la descente vingt-quatre heures sur vingt-quatre. À noter que les membres des grandes tribus peuvent
généralement se voir exemptés du tarif réglementaire. Plusieurs entrepreneurs débrouillards ont monté leurs
propres systèmes d’élévateurs en parallèle, dont la qualité va de bonne à carrément désastreuse. La lutte fait
rage entre les concurrents, et les accidents occasionnels ne sont pas tous si accidentels que ça.
Il y a également la possibilité d’entreprendre le trajet à pied. C’est plus long, plus fatigant, mais au moins
c’est gratuit. Plusieurs chemins en zigzag ont été creusés à flanc de falaise et il existe aussi des passages en
escaliers passant à l’intérieur, par les failles de la roche karstique.
Les plus fortunés utiliseront la magie. Certains sorciers sans grande ambition vivent d’ailleurs de leurs ser-
vices de transport quasi instantané. Le plus impressionnant reste l’ascension par voie de tapis volant dompté
au son de la flûte d’un Al-Kimyat.
Tout cela fait que la roche de la falaise est devenue presque invisible derrière les cordages, poulies, écha-
faudages, passerelles, ponts et autres mécanismes agrippés à sa surface comme autant d’insectes.

Al Kasr Malaki, le palais royal sant tous d’un confort certain — en passant par des
Situé au cœur de la cité divine, le grand palais de Jer- cuisines fastueuses ou encore un hammam empreint
gath est l’un des bâtiments les plus connus à travers le de la plus grande sérénité. Au-delà de cette apparence
monde. Construit d’une seule pièce comme ceux qui de rêve, le palais reste le lieu de toutes les intrigues
l’entourent, semblant surgi du sol, il est constitué d’un et de tous les mensonges politiques. Alliances, trahi-
ensemble de bâtiments aux formes arrondies et lisses. sons, accords diplomatiques et déclarations de guerre
L’extérieur donne une impression de puissance et de peuvent s’y succéder dans la même journée.
pouvoir, dominant presque toutes les constructions en-
vironnantes. Une fois franchi le cordon de fiers gardes Le quartier des temples
surveillant l’accès par les différentes portes, le visiteur Bordant le grand palais, se trouve l’autre quartier
peut s’émerveiller des jardins ornés de plantes rares qui fait la réputation de Jergath, celui qui abrite les
aux senteurs exquises, se reposer à l’ombre d’arbres principaux temples de la religion saabi. Les mille et un
majestueux, traverser des passerelles qui commu- dieux n’y ont pas tous leur place personnelle, mais on
niquent telles des arabesques d’un bâtiment à l’autre, décompte ici plusieurs dizaines de demeures dédiées
se perdant dans un dédale de passages. Les intérieurs au culte. Le plus grand est bien sûr le temple dédié à
présentent des zones variées, de l’imposante salle du Houbal, al Mâabad al Kabir, seul bâtiment à dépas-
trône ornée de décorations richissimes aux logements ser le grand palais en hauteur, et couru de toutes les
des divers habitants — nobles comme esclaves jouis- régions. Les croyants saabi ne sont pas seuls à y venir,

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beaucoup de curieux ou d’esthètes se déplacent pour faisant partie intégrante de la ville, les contacts avec les
le voir au moins une fois dans leur vie. autochtones sont aisés.
Le quartier est en effervescence permanente, de
service religieux en procession, de prière en demande Ahlen Raha
de salut. Tout le monde s’y côtoie, bien que les fidèles Il s’agit de la plus grande auberge de Jergath. Située
les plus démunis préfèrent souvent les temples de la dans la vieille ville, à un jet de pierre du port et de la
vieille ville au pied de la falaise. porte ouest où aboutit la route venant de Bassouhma,
elle est constituée de tout un pâté de maisons et de la
Le port cour intérieure qu’ils forment — cette dernière étant
Bien que les gros navires doivent s’amarrer à Bas- utilisée comme terrasse. Des dizaines de chambres
souhma, Jergath peut accueillir un grand nombre s’égrènent dans les étages, réparties entre différents ni-
d’embarcations dans la partie avale du cours de la Kheit veaux de qualité et de tarifs. Les services à la clientèle
Azrak. Un grand port avec son complexe d’entrepôts sont nombreux et variés, la nourriture y est bonne, et
a été installé ici, au contact de la route qui vient de le patron est un homme respectable. Nombreux sont
Bassouhma. L’agitation qui règne ici couvre de grands les voyageurs qui y viennent pour de plus ou moins
mouvements d’argent, plus ou moins légaux. Ce port longs séjours. C’est un lieu de rencontres très impor-

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chapitre calliope

tant, idéal pour celles et ceux qui souhaitent entendre de confiance, Farouk Ibn Aziz Abd-Al-Salif, pour veiller
les dernières nouvelles du monde environnant. à la régulation de la criminalité de ce quartier. La milice
est également présente, mais plus discrète.
Al-Malikah Alsouk
Que serait une ville jazîrati sans souk ? Jergath ne Caserne
fait évidemment pas exception et son marché se doit Capitale du royaume, centre militaire, Jergath est
d’être le plus imposant et le mieux fourni de la pénin- dotée d’une imposante garnison. On ne parle pas ici
sule. En fait, la ville compte plusieurs petits souks de la milice spécifique à la ville, mais bien de l’armée
répartis dans l’ensemble de ses quartiers, ce qui aux du royaume saabi. Un quartier entier de la cité divine
habitants de se fournir en produits de consommation constitue une énorme caserne dans laquelle vit en per-
courante. Mais quand on parle du Marché, de l’Al-Ma- manence une division complète de l’armée royale. On
likah Alsouk, il s’agit du marché des rois de Kh’saaba. trouve de nombreux baraquements, à la qualité plus
Gigantesque souk établi à l’ouest de la ville basse et ou moins élevée selon les rangs, mais aussi des ter-
qui longe tout le rempart du port à la falaise. Impos- rains d’entraînement, des armureries, etc. Les jeunes
sible de l’éviter quand on vient de Bassouhma. Aucun hommes destinés à servir dans l’armée font toujours
endroit au monde ne comporte autant de couleurs, leurs premières armes dans cet endroit qui voit donc
de parfums, d’odeurs, de voix et de languages que ces passer les futures élites du royaume. La caserne est
avenues et ruelles coupées par des places envahies de évidemment essentiellement commandée par les
tentes. On y croise des marchands vantant les mérites Hassanides.
des produits les plus improbables et les plus exotiques.
Certains sont établis dans des demeures en dur depuis
des générations, gérant un commerce florissant, tan- De vent et de poussière
dis que d’autres ne sont que de passage, nomades Des rumeurs courent en grand nombre sur les
amenant les marchandises de leurs lointaines expédi- ruines agalanthéennes, et on parle à mots couverts
tions avant de repartir. de morts errants entre les colonnes et les pans à moi-
Bien sûr, l’endroit est également une source de tié écroulés, leurs esprits ne pouvant trouver la paix
revenus illimitée pour tous les malandrins et autres après le terrible massacre perpétré en ces lieux. De
crapules. Afin de ne pas faire fuir leur clientèle, les Ibn nombreuses personnes courageuses ou inconscientes
Aziz Abd-Al-Salif maintiennent d’une main de fer une s’aventurent dans les profondeurs de la ville détruite,
loi qui leur est propre, s’occupant des criminels indé- à la recherche des trésors qui doivent y être encore
pendants d’une manière impitoyables. Thalat Ibn Aziz enfouis, mais bien peu en reviennent.
Abd-Al-Salif a délégué directement l’un de ses hommes

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recrute les guerriers les plus passionnés pour en faire

Les royaumes ses Mudjahidin.


À Jergath-la-grande, on prend encore à la légère les
caravaniers allégations d’Ali Rabb Al-Kasir, mais si les raids contre les
caravanes de la cité marchande devaient s’intensifier, une
Cette appellation désigne toutes les entités poli- traque, suivie d’une guerre ouverte, seraient envisagées.
tiques mineures jazîrati. Tous sont donc des adora- • Relations avec Kh’saaba : hostiles.
teurs de Houbal et des 1001 dieux, mais pas néces- • Relations avec le Capharnaüm : hostiles, tout
sairement des disciples des Prophètes. Ces royaumes ce qui est lié de près ou de loin aux Shiradim est
existent par dizaines et la plupart comptent seulement considéré comme méprisable.
quelques centaines de nomades aussi pauvres que • Relations avec les autres royaumes carava-
leurs chèvres. Une poignée de ces royaumes a cepen- niers  : majoritairement hostiles, sauf envers les
dant une réelle existence politique, économique ou plus virulents intégristes.
culturelle, avec laquelle Kh’saaba et les villes du Ca-
pharnaüm sont bien forcées de composer.
Al-Mamlakah Djabali, le
Al-Kasir royaume des chameaux
Dans le nord-est de Jazîrat, alors que le Caphar-
Quelque part au cœur du désert de Feu, loin de toute
naüm laisse place à des steppes et des marécages, existe
civilisation, des hommes ont jadis bâti une oasis sur le
un petit royaume, à l’entrée du plateau de Limher’k.
plateau d’un imposant djebel monolithique. Avec le
Al-Mamlakah Djabali fut fondé il y a mille ans par un
temps, l’oasis est devenue un paradis de verdure. Un
chamelier saabi qui s’était prétendu plus riche que son
eden que l’on a enfermé dans des murailles de pierre,
prince. Pour punir l’arrogance de l’homme, le prince
au pied d’un massif château surplombant d’austères
l’avait nommé roi d’une terre de broussailles et de boue,
casernes. Les magnifiques jardins d’Al-Kasir servent
loin au nord. Installé avec sa famille et ses centaines de
de lieu de promenade et de divertissement aux cent
dromadaires, le chamelier commerça bien vite avec les
épouses du maître et aux fauves et rapaces domesti-
peuplades insoumises de l’est, telles que les tribus du
qués, sous l’œil vigilant d’eunuques alfariqani. Dans la
lointain Krek’kaos. Par ses relations avec les cavaliers
cour du château, s’entraînant malgré les morsures du
des steppes, il importa les premiers chameaux à Jazîrat.
soleil, des Mudjahidin vouent une passion farouche à
Royaume affable peuplé d’éleveurs sans ambitions
la discipline du Maître et à Houbal-Uqaytsir, l’incar-
guerrières ou lucratives, Al-Mamlakah Djabali est un en-
nation la plus violente du dieu.
droit de paix où les voyageurs sont aussi des philosophes.
Le Maître, Ali Rabb Al-Kasir, se prétend descen-
• Relations avec Kh’saaba  : quelques relations
dant de droite lignée de Tarek lui-même et dit dispo-
commerciales.
ser d’un parchemin ayant servi à sceller la volonté de
• Relations avec le Capharnaüm : quelques rela-
Houbal lorsqu’il s’entretint avec les Prophètes. Ce par-
tions commerciales.
chemin donnerait à Tarek et à ses descendants la res-
ponsabilité de régner sur les Saabi… De fait, Ali Rabb
Al-Kasir conspire, en s’appuyant sur de nombreuses
tribus nomades, pour mener la révolte contre les dy-
nasties en place et faire tomber le roi de Kh’saaba. Il
y parviendra par la politique et par la force prétend-
il, et nul n’ignore ses objectifs. À cette heure, Al-Kasir
s’enrichit en attaquant les caravanes marchandes, et

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chapitre calliope

Balzabaar, ou les Ponts cris d’animaux plus présents, la jungle alfariqani qui se
dévoile déjà à la lisière des auvents, ainsi qu’une foule
d’Émeraude d’autres détails font que l’on se sent immédiatement
en terre étrangère. Car telle est la force du continent
Suite à un long voyage dans les canyons encaissés
noir, que de happer les gens qui y mettent les pieds, de
de la route d’Al Fariq’n, à l’ouest du djebel Houmfirh,
par son omniprésence et son atmosphère mystérieuse
le marchand exténué parvient à une vaste esplanade
et ancienne.
écrasée par le soleil et recouverte d’innombrables
• Relations avec Kh’saaba  : allié du royaume
tentes bariolées et de constructions faites de bric et
saabi, de nombreux pactes, notamment commerciaux
de broc. Ville des caravanes qui filent vers Al Fariq’n
et de protection mutuelle les lient aux Abd-Al-Salif,
(ou l’inverse), on y trouve foule de marchandises exo-
notamment les Ibn Khalil et les Ibn Yucef.
tiques, ainsi que tous les services usuels nécessaires
• Relations avec le Capharnaüm  : excellentes,
aux voyageurs. Balzabaar est par ailleurs la dernière
tous les peuples sont les bienvenus dans cette ville où
étape avant la traversée pour les Walad Badiya, et  le
d’innombrables voyageurs transitent chaque jour.
plus important lieu de transit entre Al Fariq’n et Ja-
zîrat. Une partie de la ville est ainsi établie au bord
de la falaise qui plonge, plusieurs pieds en contrebas, Kathrat, le royaume
dans les eaux de la baie des Dragons. Tandis que se
dessinent au loin les troubles falaises d’Al Fariq’n, le d’Abondance
voyageur qui souhaite traverser le détroit a deux pos- Le plus important et le plus puissant des royaumes
sibilités. Il peut soit emprunter un système évolué de caravaniers est mitoyen à Kh’saaba, sur la côte sud-
bac, situé au pied de l’escarpement, soit passer par les est de Jazîrat. Il est bordé à l’ouest par un cours d’eau
immenses arches qui relient les différents melkets. Ces abondant : le wadi Al-Choukran, le fleuve des remer-
derniers ne sont autres que des blocs de falaise dis- ciements, un affluent du Halawoui qui le sépare de
persés entre les deux continents, immenses rocs ocre Kh’saaba. Il est ensuite encadré au nord par le désert
plantés dans le bleu marine de la mer. Nul, excepté les de Feu, à l’ouest par le golfe des Mardûk et au sud-
mille et un dieux ou les dragons, ne connaît l’origine ouest par le royaume de Kh’saaba.
et la raison d’être de ces étrangetés naturelles que l’on Ses terres arables sont aussi fertiles que les terres
ne trouve qu’en ce point précis de la baie des Dragons. saabi, mais bien moins vastes, ce qui explique sans
Toujours est-il que du temps de leur gloire, les Agalan- doute que ce royaume soit toujours resté dans l’ombre
théens s’étaient attelés à les relier entre elles par d’im- du premier. L’autre explication est, aux yeux des Saabi,
menses arches de pierre. Balzabaar, — jadis nommée le fait que les Prophètes ne soient pas révérés comme il
Phoseion Aledriaë, « les Ponts d’Émeraude » en Aga- se doit par les Kathrati. En ces terres, seul Hassan était
lanthéen —, était née. Aujourd’hui, en ces lieux, seuls un élu des dieux, les autres n’étaient que ses disciples.
ces titanesques édifices attestent de la grandeur pas- La société kathrati repose donc sur une tradition se
sée d’Agalanthe. De nouvelles habitations et d’autres revendiquant comme descendant de droite lignée de
commerces, de styles saabi et alfariqani, ont remplacé Hassan lui-même. Il n’y a pas plusieurs tribus comme
les architectures sophistiquées de l’Empire et au fil en Kh’saaba, mais une seule famille royale gouvernant
des ans s’est développée une nouvelle ville, sur les mel- les sept provinces — nommées aussi sultanats — qui
kets ou sur les anciennes arches. D’autres, plus séden- constituent le royaume.
taires, ont creusé les falaises pour s’établir définitive- Coupé du nord par l’Al-’Ardh Al-Char, « le monde
ment dans des demeures troglodytes. du mal  », une portion de désert de Feu extrême-
De l’autre côté de la mer se trouve une place simi- ment périlleuse, Kathrat s’est tournée vers l’Orient.
laire à celle située sur Jazîrat. Mais si le décor semble Son commerce repose donc essentiellement sur les
relativement identique, les rues plus poussiéreuses, les

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échanges avec son vaste voisin Nir Manel (myrrhe, ment les emportait, ils sombraient dans un sommeil
encens, soie, etc.) et sur la pourpre extraite du golfe de quelques heures avant de reprendre leur accouple-
des coraux-buffles. D’aucuns prétendent que les puis- ment avec frénésie.
sants de Kathrat entretiennent des relations étranges Nul ne sait comment cette histoire se termina, mais
avec les pirates des mers du Sud. nombreux sont ceux qui disent que la jungle épaisse
Mâdina Al-Muhît, cité de la mer, est la capitale du et grasse qui recouvre la corne de Jazîrat, à l’est, naquit
royaume. C’est un lieu de richesse et de culture où de leurs divines sécrétions et que le roi des singes est
un conseil des sectateurs assiste le roi dans ses déci- le fruit de cette union. Apparemment humain, cet être
sions. Hassan El-Emnir, fantasque roi de Kathrat, ne étrange aux grands pouvoirs, règne depuis lors sur la
s’exprime qu’en vers. Selon son humeur, ou la tonalité cité d’Opona où hommes et singes se côtoient, où les
d’une discussion, il s’impose de parler en octosyllabe, paons sont semble-t-il révérés et où chaque femme dé-
décasyllabes ou en agalanthins (vers de douze pieds tient des pouvoirs magiques terrifiants. Tous les trois
inventés par l’auteur de l’Agalanthéide). Hassan El- ans, Opona élit son champion à l’issue d’un grand
Emnir impose de surcroît à quiconque s’entretient tournoi qui oppose des combattants et des athlètes
avec lui d’utiliser la versification qu’il a choisie. On en provenance de l’ensemble du monde connu et par-
dit que ceux qui ne parviennent pas à mener à bien fois même d’au-delà. Ce champion d’Opona a ensuite
cet exercice ont la tête coupée sur l’instant. Fort heu- pour mission de diriger la caravane du roi des singes
reusement, lorsqu’une rencontre diplomatique a lieu, et de sillonner Jazîrat en redressant les torts sur son
le premier vizir, le grand Moumendar, joue les inter- passage. Hétéroclite, ce gigantesque convoi, consti-
prètes entre les vers de son roi et la prose de ses inter- tué de dresseurs de singes sacrés, de cracheurs de feu,
locuteurs. d’avaleurs de serpents et de guerriers en tout genre
• Relations avec Kh’saaba  : bien qu’indépen- est toujours une attraction pittoresque pour ceux qui
dant, le royaume d’abondance se considère comme la croisent. Il est aussi source de terreur pour les bri-
un allié de Kh’saaba. Il a d’ailleurs envoyé nombre de gands et autres tueurs du désert tels que les disciples
soldats en Aragón. d’Al-Kasir.
• Relations avec le Capharnaüm  : essentielle- • Relations avec Kh’saaba : respect mutuel.
ment commerciales, mais il n’est pas rare de croiser de • Relations avec le Capharnaüm : quasi aucune.
jeunes nobles kathrati dans les universités et les corps • Relations avec les autres royaumes carava-
militaires du Capharnaüm. niers  : majoritairement bonnes, sauf avec les tribus
gratuitement belliqueuses.
Note  : la caravane du roi des singes est décrite dans
Opona, la cité du roi le supplément PDF éponyme, téléchargeable gratuitement
des singes sur le site Web du Studio Deadcrows.

Une légende raconte qu’aux temps où les dieux


n’avaient pas encore créé les hommes, Dhûs-Sara, dieu
de la végétation et de la jouissance orgiaque, et Alma-
qah, dieu de la lune, furent victimes d’une mauvaise
farce d’Agushaya, que l’un et l’autre avaient trompée.
Désireuse de se venger, la belle Agushaya usa de ma-
gie, faisant croire à chacun que l’autre était la plus sé-
duisante créature qu’il avait jamais rencontrée… Les
deux dieux virils se livrèrent alors à de longs ébats et
cette orgie dura trois mois. Chaque fois que l’épuise-

125
chapitre calliope

Autres terres, Le cœur du continent serait parcouru par des sauriens,


bâtards de dragons dégénérés qui régneraient sans par-
autres peuples… tage sur cette partie du monde. On raconte aussi que ce
cimetière des loggh-o’donta contiendrait bien plus que de
Allez, voyageur, assieds-toi près du feu et excuse-moi de l’or blanc. En plus de cette richesse inestimable, il regor-
t’avoir accueilli avec mon cimeterre. Mais dans cette partie gerait de la mémoire de ces créatures quasi-immortelles.
isolée des terres, on ne sait jamais ce que votre feu peut atti- Une légende alfariqani raconte que ces créatures aussi
rer comme importun. Les mauvaises surprises sont malheu- âgées que notre monde connaissent la vérité sur le passé et le
reusement plus fréquentes que les bonnes. Mais tu tombes présent de Jazîrat et qu’en leur cimetière on peut consulter
bien, je n’ai rien contre un peu de bonne compagnie ce soir. la mémoire de leurs esprits. Mais la route est d’autant plus
périlleuse que pour trouver le lieu mythique il faut traverser
Mon nom est Kalamhakim Akhbal Ibn Khalil Abd-Al- des steppes arides et une jungle impénétrable où règnent en
Salif, ancien maître caravanier dont la réputation résonne maîtres les dragons bâtards, aussi violents que cruels…
dans tout Kh’saaba. Peut-être as-tu déjà entendu parler Mais je m’égare… Et je constate que tu frémis déjà.
de moi ? Non ? Voilà qui est curieux… Or donc, certains ont voulu explorer ces contrées. Il
Ainsi tu veux explorer le vaste monde ? Peut-être pour- s’agissait déjà là d’une gageure, rares sont ceux qui ont
rai-je t’en décourager… Ne me regarde pas comme cela. quitté en vie le royaume de Kumbra-Umbassaï, plus rares
Non ! Je n’ai pas visité ces lieux, mais je puis t’en parler, encore sont ceux qui ont pu s’enfoncer dans le continent.
contre quelques piécettes sonnantes et trébuchantes. En- T’ai-je dit que Kumbra-Umbassaï est un royaume diri-
suite, tu pourras te décider. Rentrer dans tes pénates ou gé par Tao-Kar, roi et grand prêtre d’un dieu nommé Ter-
partir vers un destin inconnu et certainement dangereux. nal ? Tu ne sais sans doute rien de ce dieu sanguinaire qui
Par où veux-tu que je commence ? Tu me laisses le aurait mille fois provoqué Houbal. Celui-ci, après l’avoir
choix ! Merci, mon ami. vaincu, a interdit à Ternal de revenir au Royaume céleste
Voyons… Essayons de ne pas trop t’effrayer dès le début… et l’a exilé dans ces contrées sauvages. Depuis, il ne ferait
Hum. À l’ouest se situe Al Fariq’n… Tu as sans doute plus qu’un avec cette nature hostile.
entendu parler de ce « continent noir » dont cependant On dit également que le seigneur de Kumbra-Umbassaï
bien peu de chose est connu. Quelques courageux voyageurs est assisté dans son règne par un collège de sept sorciers aux
y ont atteint un royaume nommé Kumbra-Umbassaï. Ils visages longs et monstrueux qui, à chaque nouvelle lune,
voulaient ouvrir une voie marchande vers des mines que prennent la forme des bêtes de la forêt. Le plus monstrueux
l’on dit richissimes, regorgeant d’or et de pierres précieuses, d’entre eux serait le fils du serpent. Celui-ci sillonnerait ces
les mines du roi Tao-Kar. Sais-tu que l’on dit que des ani- terres ingrates sous la forme d’un gigantesque reptile et sè-
maux titanesques, semblables aux éléphants que l’on voit merait mort et désolation, se repaissant des malheureux qui
parfois en propriété d’un riche Fragrantin ou dans les lé- auraient la malchance de croiser son chemin.
gions carrassinoises, posséderaient deux paires d’énormes Après s’être échappés de Kumbra-Umbassaï, les plus
défenses d’une matière appelée or blanc ? Les loggh-o’don- téméraires des aventuriers, ou devrais-je dire les plus incons-
ta, c’est ainsi qu’on les nomme, et il paraît qu’ils sont aussi cients, ont pu s’enfoncer dans les jungles luxuriantes et tropi-
intelligents que nous autres humains ! Tellement rare et si cales qui mènent au cœur du continent et qui regorgeraient
précieuse, leur ivoire est très convoitée, mais il est bien diffi- de trésors magnifiques. Trésors qui d’après les légendes
cile de se l’approprier… Tu comprendras pourquoi son prix rendraient déments ceux qui les regardent avec convoitise.
est exorbitant sur les marchés de Jazîrat. Mais dis-moi, connais-tu un homme qui ne considérerait
Il paraît que sentant la fin de leur vie, ces créatures re- pas avec convoitise un trésor des temps anciens ?
joignent un endroit secret où elles se laissent mourir. Ainsi Certains ont pu survivre aux essaims de moustiques
ce cimetière géant constituerait-il un gisement d’ivoire illi- longs comme une main et porteurs de terribles maladies,
mité et donc de richesse à portée de main. Mais tout n’est ou encore aux serpents venimeux et autres créatures su-
pas si simple et rien n’est sans danger dans ces territoires. ceuses de sang qui peuvent vider un homme de sa subs-

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tance de vie en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Et On raconte que le climat est si chaud et si humide que
ces dangers ne sont rien en comparaison de certaines plantes ! de simples poteaux de bois plantés dans le sol peuvent
Oui des plantes, je vois dans ton œil que cela te sur- fleurir en une semaine ! Un ancien maître caravanier
prend… Ces plantes s’étendent d’un bout à l’autre de la ayant eu des revers de fortune et que j’ai rencontré dans
forêt et, vois-tu, elles auraient le pouvoir de communiquer les rues de Carrassine m’a raconté qu’il s’y rendit il y a
entre elles pour tendre des pièges à leurs proies. On parle quelques années pour tenter d’ouvrir une « route de l’or
aussi du n’boko, un singe apparemment fait de boue et de blanc ». Son voyage s’effectua en pleine saison des pluies
lichens, dont la morsure vous fait prendre racine et régres- et il suffisait de laisser des calebasses coupées en deux à
ser peu à peu vers un état proche du sien… Ce n’est qu’une même le sol pour qu’elles se remplissent d’eau potable en
fois devenu n’boko à votre tour que vos jambes s’extirpent l’espace de quelques minutes…
du sol et que vous retrouvez la liberté, prêt à chasser ! Il paraît aussi qu’en ces lieux perdus, les dragons sont
Enfin, on parle de la fièvre des vierges, une maladie faits de terre et de pluie, que la boue est leur sang et les
contractée par la piqûre d’un moustique si minuscule arbres leurs écailles. Il se dit que des panthères aveugles y
que l’œil ne peut le voir, et qui attaque généralement par vivent perchées sur des arbres monstrueux et qu’elles pré-
nuages de plusieurs milliers d’individus. La fièvre des disent l’avenir à qui ose leur parler…
vierges, ou abasso-m’buka m’bkuba-maïma hassaï, crée Tu souris ! Incrédule !
de très violentes pulsions sexuelles chez ses victimes et ce D’autres auraient même vu ceux que l’on appelle les
dans les dix minutes suivant la piqûre des insectes. Les waladiya. Ces guerriers redoutables ne vivraient que pour
victimes se jettent alors les unes sur les autres, sans distinc- le combat et collectionneraient les têtes réduites de leurs
tion sociale ni sexuelle, et souvent même sans distinction malheureux adversaires vaincus.
d’espèce, pour ne se calmer que dans les cinq heures qui Ces lointains cousins des Walad Badiya que nous
suivent. Inutile que je te raconte l’effet que peut avoir un connaissons défendraient une mystérieuse cité où vivrait
tel nuage de moustiques lorsqu’il fond sur une caravane une civilisation perdue qui rendrait hommage à des hu-
ou, pire, sur une bourgade ! manoïdes géants et velus, effroyables de bestialité.

Les waladiya sont une peuplade guerrière. Cette tribu emploie pour monture des varans géants, à la tête
massive et à la queue puissante, qui possèdent une denture constituée de dents robustes et crénelées, mesurant
dix centimètres de long et incisées sur leur bord postérieur. Ces créatures disposent d’une peau granuleuse,
brune ou noirâtre, et possèdent de fortes griffes.

Je t’ai dissuadé de partir vers l’ouest ? d’argent… mais je m’égare encore une fois. Pardonne à un
Porte alors avec moi ton regard vers l’est. Très loin vieil homme son discours parfois décousu.
après le début du désert et bien au-delà du Rempart des Tu voudrais en savoir plus sur ses dix femmes. Que
dieux, l’aventurier courageux, s’il survit aux multiples te dire ?
dangers, peut arriver aux portes de l’Empire Asijawi. L’Amant céleste a mis à la tête de dix tribus ses dix
Tu en as entendu parler n’est-ce pas ? Et tu as sans doute femmes elles-mêmes élues par les dieux. Chacune de ses
aussi entendu parler de l’Amant céleste qui règne sur ces épouses entretiendrait un harem de 777 guerriers sacrés,
terres. On t’a sans doute vanté la beauté de sa capitale à la fois amants et chevaliers, nobles et esclaves.
Assoko et de son palais ainsi que de ses femmes ? Il en pos- Et chacune d’entre elles tente par tous les moyens d’être
sède dix tu le sais. Mais sais-tu que son palais accueillerait la seule et unique Élue. Pour quelle mystérieuse raison ?
plus de mille concubines, les plus belles du monde connu ? Tu m’en demandes beaucoup…
Ce palais, qui serait aussi grand qu’une ville, serait une Je vois ton œil s’éclairer, tu te vois déjà devenir l’un de
succession de terrasses chargées de toutes sortes d’arbres ces guerriers sacrés. Tu as sans doute raison de rêver. Le
et de plantes exotiques, le sol serait pavé de dalles d’or et rêve est le sel de la vie ! Sache cependant que la sélection

127
chapitre calliope

est rude, seuls les plus beaux et les plus forts sont sélection- place dans l’un de ces harems, encore faut-il tuer l’un de
nés, oui mon ami, comme du bétail. Mais pour gagner sa ses guerriers aguerris…

Les dix Maîtresses du Destin, puisque c’est ainsi qu’on les nomme, sont en fait le fruit de l’union contre-
nature d’une femme et d’un dragon. Elles ont le pouvoir de changer la réalité et les destinées. Toutes les dix se
font la guerre pour savoir laquelle sera choisie par l’Amant céleste au Jour du dernier Jugement.
Lorsque viendra ce temps, l’Amant céleste adoptera sa forme réelle, celle d’un dragon, et s’élèvera dans les
cieux avec sa céleste concubine pour prendre alors la place du soleil et de la lune et régner sur le monde.

Tu préférais plutôt partir vers le nord ? Grand bien t’en Ces pirates sanguinaires, sans foi ni loi, se cacheraient
fasse ! Au-delà du désert froid se situe le Krek’kaos la terre dans une cité flottante nommée Anvaros. Cette cité serait
des peuples nomades inhumains. Veux-tu que je t’en parle ? dirigée par un conseil d’une cinquantaine de capitaines.
Laisse-moi me souvenir... une goutte de cet alcool que tu as Oui, un conseil, car ils n’ont plus de roi depuis longtemps.
dans ta gourde m’aiderait sans doute… Merci, mon ami ! Une légende de marins, que l’on m’a relatée dans une ta-
Voyons, que ma mémoire ne me fasse pas défaut. Laisse- verne misérable un soir de grande solitude, prétend qu’il
moi réfléchir… Arkaï, Tarkaï, Karaï, Misaï et Gartaï… existe au cœur même d’Anvaros une propriété où som-
Les guerriers de ces cinq tribus sont redoutables et portent meille à jamais la veuve du seul roi ayant eu autorité sur
de nombreuses scarifications, symboles de leur courage la cité. Ce capitaine aventureux serait mort en partant
et marques de leurs exploits. Voir le visage d’un de ces explorer le fond des océans à bord d’une machine infer-
monstres, c’est, dit-on, voir la mort. Chaque tribu se déplace nale de sa conception.
sur de longues distances à bord d’immenses chariots tirés Il se dit que tant qu’un homme au cœur aussi vaillant
par de gigantesques ours aussi puissants que dangereux. que son époux ne saura la réveiller d’un baiser aimant, elle
Les tribus se mènent une guerre sans relâche ; les alliances restera figée dans son éternelle jeunesse, endormie. Si un tel
se font et se défont. Heureusement pour Jazîrat ! Je n’ose homme venait à se présenter, la belle s’éveillerait et ferait de
imaginer, si elles parvenaient à s’unir, le danger que repré- lui son époux, et accessoirement le nouveau roi des pirates
senteraient ces tribus pour nos contrées civilisées… des mers du Sud et d’Anvaros… Cela te tente, n’est-ce pas ?
Cependant, dans la Vallée des vents dévorants, où Non, je ne me moque pas de toi ! Qui oserait, vaillant
des îlots rocheux émergent de la brume comme des pans jeune homme ?
de murs calcinés, là où les broussailles sont roussies, où Sais-tu que ces pirates s’attaquent surtout aux navires
les arbrisseaux desséchés exhalent une odeur de mort, où marchands ? Y aurait-il un lien entre certains notables et
les squelettes blanchis des animaux plaquent des taches les pirates ? Ne me fais pas dire ce que ma langue n’a pas
sinistres sur le sol, une armée innombrable est peut-être en dit, même si mon esprit le pense… Toujours est-il que les
train de se former… pirates des mers du Sud ne s’en prennent qu’à des navires
Ne pâlis pas comme cela jeune homme ! Je ne parle que richement affrétés, en provenance de Nir Manel et d’Asi-
de murmures portés par les vents ! jawi. La route de la soie est bien périlleuse !
Rassieds-toi, je vais te parler de contrées plus agréables… Sache seulement que si un jour le navire dans lequel tu
Quoique… Laisse-moi réfléchir encore une fois. voyages est pris en abordage, tu n’auras que deux possibi-
Non, décidemment je n’en trouve pas… Peux-tu me lités, mourir ou devenir leur esclave…
passer encore une fois ta gourde, ami sincère ? Merci… Mais où vas-tu ?
cela fait du bien de rafraîchir son gosier. Tu te lèves pour retourner chez tes parents !
Que dis-tu ? Tu voudrais prendre la mer afin de visiter Ah, tu as oublié quelque chose d’important… Adieu,
d’autres contrées lointaines en évitant les terres que je t’ai donc…
nommées ? Ainsi, les pirates des eaux de Nir Manel ne te font Eh… Attends !
pas peur ? Tu as oublié de me donner les pièces promises !

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Peuples et société

Dans les vapeurs de musc


Luther sentit les douces mains abandonner son corps détendu. Il se redressa et esquissa une phrase dans un Agalan-
théen approximatif, oubliant que les masseuses n’en parlaient de toute façon pas un traître mot. Lui-même ne maîtri-
sait pas assez le Jazîrati, pour leur demander pourquoi elles partaient si précipitamment. Elles disparurent dans les
volutes de vapeur, leur rire cristallin résonnant sur les carreaux des murs du hammam.
Après sa victoire, on l’avait amené ici, soigné, lavé et laissé aux mains expertes de trois délicieuses créatures avec
lesquelles le chevalier s’était un peu amusé et qu’il espérait bien pilonner avant de quitter l’endroit. Avant cela, il avait
décidé de s’abandonner à la magie du lieu, une succession de salles d’eau au décor somptueux, éclairées par une mul-
titude de lampes à huile. Le chevalier avait pris des bains de vapeur de toutes les températures et il s’était baigné dans
des piscines de tous les parfums, et même dans une de lait. Que faisait-il là ? Qu’attendait-on de lui ? Il se le demandait
précisément quand les filles l’avaient abandonné.
Il s’apprêta à leur emboîter le pas quand un homme surgit de l’arche par laquelle elles venaient de disparaître. Plus
petit que Luther, comme la plupart des Jazîrati, l’homme n’en était pas moins sec et musclé, comme le chevalier ne
pouvait que le constater, puisque l’inconnu se présentait à lui nu comme un ver. Luther avait pris pour sa part le soin
de conserver son pagne. L’homme s’adressa à lui dans un Dorkade impeccable.
« Bien le bonjour champion. Je suis ravi de faire ta connaissance.
— Qui es-tu ?
— Peu importe mon nom pour l’instant, mais tu seras sans doute curieux d’apprendre ma fonction.
— Dis toujours !
— Je suis ton nouveau maître, et tu peux m’en remercier. Tu n’auras plus à combattre dans l’arène, car tel n’est pas mon bon
vouloir. Je t’offre d’échapper au sort commun à tous les gladiateurs : la disgrâce, que ce soit dans la mort ou l’infirmité.
— Que comptes-tu faire de moi, mécréant ?
— Voyons, voyons, laisse-moi réfléchir… Tu ferais un bon garde du corps, ou peut-être un parfait eunuque pour
garder le harem auquel appartiennent les filles qui te plaisaient tant tout à l’heure. À moins que tu ne fasses un bon
amant plutôt… »
L’étranger s’était approché et regardait Luther de ses yeux verts soulignés de khôl. Son regard lubrique aurait
mieux convenu à une femelle, dont il avait toute l’attitude. D’ailleurs, il tendit la main vers la poitrine du chevalier.
Luther s’en saisit, attira le corps léger contre lui, le retourna, tordit le bras dans son dos et coinça la gorge dans la sai-
gnée de son bras musclé, qu’il serra un peu.
« Sache que je n’ai pas de maître, et que je n’appartiens pas à ton peuple de sodomites ! Donne-moi une bonne
raison de ne pas te tuer !
— Étranger, je vais t’en donner deux, suffoqua le Jazîrati. La première, c’est la pression que tu sens contre ton aine.
Il s’agit du dard d’une bague empoisonnée. Si je meurs, tu meurs également. La deuxième, tu la trouveras en regardant
mon omoplate. »
Luther relâcha doucement l’homme qui prétendait être plus malin que lui. En effet, il portait à la main gauche une
bague de taille honorable dont une aiguille menaçante surgissait. Et là, dans son dos… Luther n’en revenait pas !
Très nettement dessinée se trouvait la marque de sa propre famille, celle du dragon des montagnes blanches. Et il ne
s’agissait pas d’un tatouage. Comment un païen pouvait-il en être imprégné ?
« Que fais-tu avec notre marque ?
— Il est des choses que tu ignores, jeune étranger. Mais sache que je suis de la même race que toi et que c’est pour
cette raison que j’ai demandé ta grâce au prince Mamoud tout à l’heure.
— Et pourquoi te l’aurait-il accordée ?
— Tsss… Ce ne sont pas tes affaires, mais disons que le prince a quelques dettes envers moi, et qu’un champion
tout frais, ça vaut son pesant d’or.
— Je ne t’aime pas. Comment t’appelles-tu que je prie tous les saints de te maudire ?
— Hafiz Thufir Jamil Ibn Rachid Abd-Al-Hassan, pour te servir. »

129
chapitre euterpe

Chapitre Euterpe
Peuples et Sociétés
Le monde connu est vaste, et les saabi aux mille et un dieux put enfin
peuples qui l’habitent sont aussi nombreux que prétendre au prestige et à l’influence qui tou-
leurs différences sont fortes. Le long chapitre qui jours auraient dû être siens.
suit vous permet de les découvrir en substance, de Aujourd’hui, ce sont les Saabi qui partent à la
connaître les us et coutumes, leurs habitudes vesti- conquête du monde afin de se venger du viol commis
mentaires, leurs cultes, etc. par les Occidentaux sur leur terre, la glorieuse Jazîrat.
Dans un premier temps seront décrites les trois tri-
bus nobles saabi et les clans qui les composent. En-
suite viendront les trois tribus shirades, les cités-États Vie quotidienne
agalanthéennes et, enfin, les trois nations escartes. Apparence
Les Saabi sont un peuple à l’apparence physique
Les Saabi relativement homogène, et ils partagent nombre de
leurs traits physiques avec les Shiradim, avec qui ils
ont une origine commune.
Histoire Les Saabi ont la peau sombre, et leurs yeux et leurs
Jazîrat ne fut jamais réellement le pays des Jazîrati, cheveux sont d’un noir profond. Le plus souvent, les
et c’est bien là l’injustice que les Saabi tentèrent de seuls individus qui s’éloignent de cette apparence
réparer tout au long de son histoire. archétypale sont des métis, dans les veines desquels
Très tôt envahis par les Agalanthéens, les Jazîrati coulent du sang agalanthéen ou escarte.
durent se résoudre à vivre sous le joug d’un peuple
étranger spoliant leurs terres et leur liberté. Tentant Les hommes arborent différentes coiffures. Géné-
de reprendre le contrôle de leur pays, ils parvinrent ralement, ils portent les cheveux courts ou les laissent
à acquérir une brève indépendance, mais les Agalan- pousser jusqu’à leurs épaules. Dans ce cas, ils peuvent
théens revinrent rapidement au pouvoir, quoiqu’un les laisser libres, mais certains aiment à les attacher en
pouvoir moins présent cette fois-ci. catogan, à la mode d’Aragón. La plupart des hommes
Puis ce furent les Shiradim de Mogda qui s’appro- saabi portent la barbe, la laissant pousser dès l’âge de
prièrent le nord de Jazîrat dont ils contrôlent toujours trente ans ; les plus jeunes désirent garder un visage
une bonne partie malgré les Agalanthéens puis les Es- juvénile par coquetterie ou parce qu’ils ne s’estiment
cartes qui déferlèrent sur les côtes, réclamant eux aussi pas encore assez sages pour arborer un tel attribut.
une partie de Jazîrat et de ses trésors. Les femmes portent les cheveux longs ou mi-longs,
Heureusement, le royaume de Kh’saaba se dressa et qu’elles laissent libres ou attachent en queue-de-che-
devint la puissance jazîrati grâce à laquelle le peuple val ou en natte. Les plus coquettes n’hésitent jamais à

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Peuples et sociétés

Saabi ? Jazîrati ?
Ceux qui se considèrent comme les Jazîrati sont souvent appelés Saabi par les autres peuples. Jazîrati
s’applique à tous les natifs de l’île, Saabi comme Shiradim, ou concerne le peuple saabi avant que l’île ne
soit envahie et que leur patrie ne devienne le royaume de Kh’saaba. Saabi s’applique généralement à toute
personne originaire de Jazîrat, priant les mille et un dieux et suivant la voie des trois Prophètes fondateurs
du royaume saabi, qu’elle soit à Kh’saaba ou dans le Capharnaüm. Ainsi, on nomme Jazîrati les hommes qui
peuplent les royaumes caravaniers.
Cette vision n’est d’ailleurs pas très éloignée de celles de certains puissants Saabi pour qui les Shiradim ne
sont qu’une branche dissidente et monothéiste du peuple qu’ils formaient tous ensemble autrefois. De plus,
il existe désormais une vraie scission dans leur esprit entre le sud de l’île, leur royaume de Kh’saaba à qui va
leur fidélité, et le nord hétéroclite, région du Capharnaüm.

faire de leur coiffure une œuvre d’art, les huilant pour Le thawb est ainsi la robe longue aux larges
les rendre plus brillants ou les enduisant de baumes manches que portent aussi bien les hommes que les
parfumés. femmes, et qui couvre les chevilles. Elle est privilégiée
par les tribus du désert car elle protège totalement le
Les vêtements traditionnels des Saabi sont mul- corps du soleil.
tiples et s’adaptent selon le climat ou les circonstances Le qumbaz est un long gilet croisé retenu par une
sociales. ceinture que les hommes arborent comme vêtement

147
chapitre euterpe

du dessus, contrairement au court gilet d’une pièce qui ensuite le peuple, vivant sous la bonne gouvernance
se porte sous la chemise nommée qamis. des nobles et assurant la bonne marche du pays. Enfin
Le saroual est le pantalon large qui peut se porter tout en bas de l’échelle sociale se trouvent les esclaves,
sous un thawb et avec une qamis ou un qumbaz. Il peut sans droit ni statut.
descendre jusqu’aux chevilles ou s’arrêter aux genoux. Les nobles peuvent porter divers titres, indiquant
Enfin la djellaba est un manteau long couvrant tout leur proximité avec le roi de Kh’saaba qui est considé-
le corps et muni d’une capuche. C’est le vêtement por- ré comme le plus puissant d’entre eux. On trouve tout
té lorsque l’on désire sortir à l’extérieur. d’abord le raiss, vassal mineur et noble local le plus
Hommes comme femmes se drapent fréquemment proche du peuple ; dans le désert un raiss dirige un
la tête d’un voile, aussi bien pour se protéger du soleil campement nomade. Le cheikh est un sage honoré, il
que par pudeur (ou souci de préserver son anonymat). s’agit du titre le plus élevé que puisse porter un noble
Les hommes portent également de petits bonnets non affilié à l’une des tribus ; parmi les nomades, le
nommés taquia, ou le traditionnel turban qui est privi- cheikh a plusieurs raiss sous ses ordres et dirige une
légié dans le désert. Les femmes peuvent ceindre leurs caravane ou une oasis. L’amir est un noble disposant
cheveux d’un bandeau ornementé nommé asaba. d’un pouvoir important ; ceux de Kh’saaba peuvent
Tous ces vêtements sont traditionnellement en laine, régner sur des fiefs comprenant plusieurs cités. Enfin
en coton ou en lin, la soie étant réservée aux plus riches. le wazir est un proche du roi, ayant souvent fonc-
Aux pieds, les Saabi portent la sandale traditionnelle tion de conseiller ou de ministre ; la grande majorité
et couvrante, nommée babouche, ou peuvent égale- d’entre eux vit à la cour de Jergath.
ment chausser des bottes de cuir. Parmi ces nobles, on distingue la petite noblesse,
dont les membres ne font pas partie d’une des tri-
Peuple aimant la beauté, les Saabi sont friands de bus et ne peuvent prétendre à un titre plus élevé que
bijoux. Les hommes portent chaînes en métaux pré- cheikh, et la grande noblesse qui fait partie intégrante
cieux et bracelets de cuir décorés, ainsi que bagues et des tribus. Une certaine mobilité sociale existe à ce
chevalières. Les femmes aiment à se parer de colliers, niveau : un noble mineur peut, s’il s’en montre digne,
bracelets et bagues précieuses ; elles portent également être invité à rejoindre un clan tandis qu’un haut noble
des boucles d’oreilles et des diadèmes. Plus intimes, les décadent pourra se voir déchoir de son affiliation à
pierres enchâssées dans le nombril sont réservées aux une tribu (même si cela reste rare).
plus entreprenantes… Tous les nobles saabi sont considérés comme sujets
du roi de Kh’saaba, qu’ils vivent à Jergath-la-Grande,
soient des nomades du désert ou habitent dans l’une des
Société cités du Capharnaüm. Évidemment, cela ne va pas sans
La société saabi n’est pas une, mais multiple selon que créer des conflits de vassalité, notamment lorsqu’un
ses ressortissants sont habitants de Jergath-la-Grande, noble occupe une position de pouvoir dans une cité
nomades du désert ou résidents des cités du Caphar- avec laquelle Kh’saaba se trouve à couteaux tirés. Dans
naüm. Toutefois, il existe une certaine unité issue princi- la plupart des cas, le noble renouvelle sa fidélité à celui
palement de la pyramide sociale de Kh’saaba, considérée qui se considère comme le roi de tous les Saabi, mais
comme la patrie de tous les Saabi où qu’ils se trouvent. il peut aussi choisir de rester neutre dans le conflit,
Ainsi la société saabi est de type féodal, composée n’avantageant aucune des deux parties ; cette attitude
de trois castes (auxquelles on peut ajouter celle des est tolérée à Jazîrat par tous les pouvoirs en présence.
prêtres). Au sommet se trouvent les nobles, destinés Le peuple est composé d’une infinité d’individus
par leur naissance à diriger leurs sujets ; cette noblesse de tous statuts : paysans, marchands, artisans, soldats,
se décline elle-même en deux catégories selon que l’on nomades, artistes, fonctionnaires, etc. Ils sont le corps
appartient ou non à une des trois grandes tribus. Vient et l’âme de Kh’saaba, voire de Jazîrat.

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Peuples et sociétés

Le Mudjahid
Le Mudjahid, guerrier sacré saabi, est le symbole éclatant de la ferveur que peuvent inspirer Kh’saaba et
ses mille et un dieux.
Un Mudjahid est un homme qui décide de consacrer sa vie à la protection de son royaume et son âme à
celle de ses dieux. Seuls les nobles peuvent prétendre devenir des Mudjahidin, et ils doivent s’en montrer
dignes en surmontant de nombreuses épreuves, tant physiques que spirituelles : le vrai guerrier sacré est
autant un escrimeur qu’un stratège, autant un meneur d’hommes qu’un érudit. Les rares qui parviennent à
franchir ces épreuves initiatiques sont présentés au roi et au Grand kahini pour recevoir le titre de Mudjahid
et la bénédiction des dieux. Ils se voient remettre un cimeterre consacré et richement décoré qui deviendra
le symbole de leur rang.
L’écrasante majorité des Mudjahidin est issue de la tribu hassanide, mais une proportion non négligeable
vient également des clans de la tribu tarekide. Il est possible à un noble sans tribu de devenir Mudjahid
mais cela demeure exceptionnel. Quant aux femmes, elles ne sont pas autorisées à prétendre devenir des
Mudjahidin, mais les légendes sont riches en héroïques combattantes qui n’auraient pas dépareillé parmi les
guerriers sacrés de Kh’saaba.
La plupart des Mudjahidin servent dans l’armée de Kh’saaba en tant qu’officiers supérieurs, mais nom-
breux également sont ceux qui décident de mener une vie d’errance, afin de défendre le petit peuple, d’aller
à la rencontre d’autres cultures, d’éprouver leur foi et leurs talents martiaux, etc. On trouve de tels Mudjahi-
din partout à Jazîrat, et certains acceptent de servir comme mercenaires ou gardes du corps, ou s’engagent
dans les armées des cités du Capharnaüm tant que leurs fonctions ne vont pas à l’encontre des intérêts de
leur patrie d’origine et de la religion qui y prédomine. Les puissants du Capharnaüm savent que la fidélité
des Mudjahidin envers Kh’saaba est inflexible, mais leur réputation de guerriers sans égaux leur assure de
toujours trouver un emploi où qu’ils soient dans le monde.

Enfin, les esclaves sont des individus sans aucun ouvriers ou bergers) se contentent ainsi d’une seule
droit et soumis à l’autorité d’un maître. Il peut s’agir femme tandis qu’il est courant, pour les nobles
de joueurs ruinés qui ne peuvent rembourser leurs membres des prestigieuses tribus, d’en entretenir plu-
dettes que de cette manière, de jeunes filles vendues sieurs.
par leurs parents, de prisonniers de guerre, de crimi- Le mariage, qui se célèbre au temple, permet aux
nels condamnés, etc. Parmi les asservis les plus cou- Saabi de conclure des alliances entre factions ou tri-
rants, on trouve les concubines, les eunuques chargés bus, les femmes représentant une monnaie d’échange
de garder les harems, les forçats, etc. dans les subtils jeux diplomatiques affectionnés par
ce peuple. La femme saabi n’a ainsi que peu de liberté
Famille et les rares qui refusent ces règles pour mener une vie
Pour les Saabi, une famille est composée de tous indépendante sont plus des exceptions que la norme,
ceux qui vivent sous l’autorité de l’homme de la mai- mais elles existent toutefois.
son. Cela comprend donc ses épouses, concubines Le rôle de chaque épouse au sein du foyer est régi
et enfants mineurs, mais également ses serviteurs ou par d’antiques règles. La première épouse est ainsi la
esclaves dans certains cas. maîtresse de maison, celle qui commande aux autres
La polygamie est la règle chez les Saabi. Selon sa et leur délègue des responsabilités. La deuxième a
richesse et son statut social, un homme peut prendre pour charge d’élever les enfants du foyer (les siens
jusqu’à cinq épouses. Les plus démunis (paysans, comme ceux des autres). La troisième s’occupe de

149
chapitre euterpe

l’intendance générale  : entretien, dépenses, organisa- que celle d’une fille est célébrée dans la discrétion.
tion des réceptions, etc. La quatrième est la maîtresse Quel que soit son sexe, l’enfant est présenté au kahini
des cuisines, elle décide du menu et fait le marché. En- quelques semaines après sa venue au monde afin que
fin la cinquième est chargée des questions religieuses : la bénédiction des dieux soit appelée sur lui. L’adop-
c’est elle qui prie les dieux, se fait la porte-parole du tion est fréquente chez les Saabi  : un homme sans
foyer auprès du kahini, etc. Évidemment, lorsqu’il y a garçon pourra ainsi adopter un héritier et celui-ci sera
moins de cinq épouses dans une maisonnée, les tâches considéré comme étant de son sang.
se répartissent entre les femmes. La hiérarchie des épouses conditionne celle des
Un homme peut répudier une de ses épouses, héritiers  : ainsi les enfants de la première épouse
mais doit pour cela fournir une justification étayée ont toujours la préséance sur ceux de la deuxième
de preuves (adultère, refus de partager sa couche, (et ce même s’ils sont plus jeunes) et ainsi de suite.
etc.)  : la loi coutumière saabi protège les femmes de Lorsqu’un Saabi adopte, il désigne généralement sa
ce genre d’abus, car une épouse répudiée n’a que peu première épouse comme mère de l’enfant afin d’enté-
de perspectives d’avenir (au mieux le remariage, sinon riner son statut de successeur.
la prostitution ou pire, le suicide). Une femme peut Les jeunes hommes deviennent majeurs à quinze
également demander à se séparer de son mari si elle ans. Ils se choisissent alors une divinité tutélaire au
peut prouver que celui-ci est stérile, ne remplit pas ses cours d’une cérémonie au temple (généralement un
devoirs conjugaux ou la brutalise. Le remariage est per- dieu en rapport avec le métier auquel ils se destinent)
mis aux femmes répudiées et à celles ayant pu obtenir et sont autorisés à quitter le foyer pour fonder le leur.
un divorce pour ces raisons. Les jeunes filles sont considérées comme des femmes
Enfin, prendre des concubines en plus de ses épouses dès leurs premières règles et leur père peut dès lors
est fréquent chez les Saabi nobles ou fortunés. Certains leur arranger un mariage.
cheikhs et amirs entretiennent de véritables harems gar- Lorsqu’un Saabi meurt, toute sa famille se réunit pour
dés par des esclaves eunuques. Les concubines elles- une veillée funèbre au cours de laquelle un strict silence
mêmes ont peu ou prou un statut d’esclaves : ce sont doit être observé afin de ne pas perturber le voyage du
des prostituées rachetées ou des jeunes filles vendues défunt vers l’après-vie et le jugement de Houbal. Puis
par leurs parents. son corps est inhumé après une cérémonie religieuse au
Engendrer un héritier mâle est une préoccupation temple, inhumé dans le tombeau de sa famille au sein
majeure pour les Saabi. Ainsi la naissance d’un gar- du cimetière local, que ses proches viendront honorer
çon est-elle l’occasion de grandes réjouissances tandis régulièrement en lui adressant une prière.

Les noms
Les Saabi utilisent pour se nommer un système souple composé de cinq éléments ; aucun n’est obligatoire
et l’ordre n’est pas fixe. Il s’agit de la fonction, du prénom, du surnom, du prénom du père et de l’origine
géographique. On insère Ibn (fils de) pour les hommes et Bint (fille de) pour les femmes devant le prénom
du père et « Abd », serviteur, devant la tribu s’il y a lieu.
Exemple : Cadi Mimoun Kafir Ibn Sufiène Al-jergathi (Juge Mimoun le mécréant, fils de Sufiène de la terre de
Jergath)
Pour les membres des tribus, on termine toujours le nom par : Ibn + nom du clan + Abd-Al- + nom de la
tribu.
Exemple : Habib Ibn Mussah Abd-Al-Hassan

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Peuples et sociétés

Activités courantes politiques, ils sont nombreux à avoir permis à leur


En tant que peuple majoritaire sur Jazîrat, les Saabi peuple de gagner en prestige et en influence, et de
sont présents à tous les échelons de la société, dans pouvoir désormais tutoyer la puissance (quoique dé-
toutes les villes et dans le désert. Ils exercent tous les sormais flétrie) des Agalanthéens ou de l’alliance des
métiers, de simple berger à puissant ministre d’une nations escartes. Ambassadeurs, ils excellent à obte-
cité du Capharnaüm. nir des privilèges et faveurs pour leur patrie ou cité.
Dans les terres fertiles du royaume de Kh’saaba et Otages politiques, ils parviennent habilement à utili-
du Capharnaüm, la grande majorité de la population ser tous les avantages inhérents à cette position pour
exerce un métier en rapport avec l’agriculture : fermier, obtenir les mêmes résultats.
éleveur, gardien de troupeau,  etc. Une grande partie Les membres des trois grandes tribus, élite de la
de Jazîrat est en effet recouverte par un désert et seules noblesse saabi, exercent quant à eux un métier direc-
les terres du Nord et du Sud offrent à l’homme leurs tement lié aux fonctions de leur clan : les Ibn Malik
trésors. Ainsi nombreux sont ceux dont la tâche est de Abd-Al-Hassan sont ainsi des officiers ou des merce-
faire fructifier les bienfaits du sol afin de nourrir une naires, les Ibn Yucef Abd-Al-Salif sont fréquemment
population nombreuse, que ce soit directement par le des commerçants ou des caravaniers, etc.
biais des cultures diverses ou de l’élevage de bétail ou Les loisirs saabi sont multiples et variés, nourris
indirectement en exerçant la fonction d’ingénieur agro- des apports de toutes les cultures ayant posé le pied à
nome ou de contremaître sur les chantiers d’irrigation. Jazîrat. Les échecs, les dés et les cartes sont les jeux les
Les Saabi sont d’habiles commerçants. Des guildes plus pratiqués, sous diverses variantes. Aller au spec-
marchandes sont en effet présentes dans chaque cité tacle, flâner sur les marchés, se rendre au hammam,
de Jazîrat et s’assurent que les règles séculaires du profiter du quartier des plaisirs sont autant d’exemples
commerce sont respectées partout de la même façon. de la façon dont un Saabi se divertit.
Ces guildes sont d’ailleurs en compétition avec les
organisations de marchands shirades, surtout dans le Culture
Capharnaüm tant la puissance économique du peuple La langue saabi est ancienne, issue de l’idiome
de Shirad y est palpable. C’est parfois une véritable parlé par les premières tribus qui peuplèrent Jazîrat.
guerre économique à laquelle se livrent négociants Le shiradi est d’ailleurs très proche de cette langue
shiradim et saabi, dans le but de contrôler les voies originelle. Puis le saabi évolua, tout en conservant sa
commerciales et les marchés des riches cités du Nord. structure et une grande partie de son vocabulaire, no-
Dans le désert, cette guerre commerciale se fait tamment au contact du parler agalanthéen. C’est dé-
parfois plus sanglante. Les tribus shirades contrôlent sormais une langue riche, qui a su intégrer les apports
en effet de nombreuses voies reliant le Nord au Sud d’autres cultures sans perdre sa spécificité. Bien que
depuis l’époque de Mogda, et leur influence est ren- des patois locaux existent, celui qui parle le saabi est
forcée par le sens de la solidarité des Shiradim. Les tri- assuré de se faire comprendre où qu’il aille à Jazîrat.
bus saabi avides d’acquérir une plus grande puissance L’écriture saabi est également très ancienne  : elle
au sein du désert se livrent ainsi à une lutte féroce est issue des signes de reconnaissance que les cara-
contre les Shiradim pour le contrôle des oasis et des vaniers du désert utilisaient pour signaler l’emplace-
routes commerciales. Toutefois, toutes les tribus saabi ment d’une route, d’une oasis, d’un danger, etc. Cette
ne sont pas aussi belliqueuses et de nombreux cheikhs écriture limitée évolua à mesure que la société se com-
préfèrent conclure des alliances avec les chefs shira- plexifiait et sut s’enrichir de l’influence de l’alphabet
dim, car les conditions de vie dans le désert sont trop agalanthéen. L’alphabet saabi en est d’ailleurs une dé-
rudes pour gaspiller inutilement des vies, selon eux. formation plus adaptée à la structure du langage saabi.
Adeptes des jeux de cour, les nobles saabi font de Le premier de tous les arts saabi est justement lié
bons diplomates et courtisans. Manipulateurs et fins à cette écriture : la calligraphie est l’art qui associe le

151
chapitre euterpe

savoir et la beauté. Il est l’apanage des poètes lettrés et thèques saabi, surtout si la calligraphie en est de qualité,
les meilleurs ouvrages sont richement enluminés par permettant à la forme d’être ainsi à la hauteur du fond.
les plus célèbres d’entre eux. L’art culinaire saabi est riche et propre à satisfaire le
De manière générale, les Saabi sont friands d’art palais du plus exigeant des gourmets. Viande de mou-
figuratif : tout ce qui flatte l’œil les interpelle. Ainsi la ton ou de bœuf rehaussée d’épices, fruits et légumes
peinture, peu pratiquée sur toile, est surtout utilisée secs et galettes de céréales constituent l’ordinaire, le
pour produire d’ambitieuses fresques sur les plafonds poisson pouvant remplacer la viande sur le littoral.
des palais, les murs des quartiers ou les enceintes des Les interdits alimentaires jazîrati sont peu ou prou les
marchés fermés. La mosaïque, art hérité des traditions mêmes que ceux des Shiradim (porc, cheval et fruits
agalanthéennes, met également en valeur les riches de mer), même si la justification en est médicale et
demeures, les bâtiments officiels et les places centrales non pas religieuse.
des diverses cités. La boisson par excellence est le thé à la menthe,
De fait, l’art visuel saabi n’est-il pas un art privé, dont on offre toujours une tasse à un hôte en signe de
égoïste, mais au contraire une forme d’expression vi- bienvenue. Les alcools (vins, liqueurs de fruits) sont
sant à toucher le plus de gens possible. réservés aux grandes occasions.
La musique occupe une place prépondérante dans la
vie festive saabi. Percussions, mandoline, flûte et cymbales Pratique religieuse
rythment des chants qui vont du poème joyeux à la lente Les Saabi sont polythéistes. Ils croient en un très
mélopée propice au recueillement. Tous les Saabi pos- grand nombre de dieux  : la tradition en dénombre
sèdent un instrument et même celui qui ne le maîtrise pas mille et un, mais sans doute en existe-t-il plus encore !
vraiment est invité à se joindre aux musiciens quand sonne En effet, les Saabi ont un dieu pour tout et certains
l’heure de remplir la nuit de notes et de chants. ne sont pas connus sous les mêmes noms selon les
La danse saabi est exclusivement une affaire de régions. Le panthéon a toutefois été fixé depuis la
femmes. La baladi ou danse des clochettes, ainsi nom- création du royaume de Kh’saaba, par le conseiller
mée en raison de la large ceinture garnie de grelots que spirituel du premier roi.
portent les danseuses, met à l’honneur des artistes à la Le dieu principal, considéré comme le maître des
grande beauté, aux seins généreux et aux hanches larges. divinités, est Houbal (dont le nom connaît parfois des
Tatouées au henné, portant bijoux et vêtements colorés variantes locales : Al, Al-lan, El, Ilân, Ilahân, Rahama-
(et fort peu couvrants…), elles se livrent à une danse nân, Ta’lab, etc.), le dieu de l’orage et de la pluie. Il
sensuelle et langoureuse, propre à séduire n’importe est un dieu double, à la fois mâle et femelle : ses deux
quel homme. Les danseuses aux clochettes sont grande- aspects ont engendré ensemble d’autres divinités.
ment estimées au sein de la population saabi et certaines La ville de Jergath-la-Grande est considérée comme
d’entre elles sont riches et entretiennent une cour de ayant été fondée par une incarnation de Houbal, le
soupirants pouvant compter d’éminents citoyens. grand dragon Jergath.
Les antiques dieux, ceux impliqués dans la création
La culture et l’érudition sont des qualités pour les du monde, sont actuellement peu vénérés, car trop
Saabi. Toutes les sciences intéressent ce peuple, et les éloignés de la réalité de l’homme. Seul Mardûk fait-il
mathématiques et l’astronomie sont souvent mises à encore l’objet d’un culte très fort (notamment à Car-
l’honneur. La poésie est l’enfant de ces deux sciences : rassine), ainsi que Enki le dieu des eaux (auprès des
des vers structurés selon une méthode arithmétique et marins et pêcheurs).
puisant leur inspiration dans les étoiles. Face à ces dieux innombrables se dressent des
La philosophie et la littérature sont également gran- ennemis. Tiamat et Apsou, qui furent tués à l’aube
dement estimées. Essais et romans, traités théologiques et des temps, engendrèrent monstres et démons qui au-
recueils de contes figurent en bonne place dans les biblio- jourd’hui encore tourmentent les humains et tentent

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de pervertir leurs âmes. Les djinns sont également cruels, leurs tours s’exercent bien souvent au détri-
considérés avec méfiance : esprits facétieux et parfois ment des hommes.

Les mille et un dieux


La religion saabi comprend un panthéon beaucoup trop vaste pour être présenté de façon exhaustive.
Voici donc les dieux les plus fréquemment loués par les Saabi et leurs voisins des royaumes caravaniers.

Les identités de Houbal


• Houbal-Shamîn
Incarnation principale du dieu, il est le Seigneur des Cieux. Dieu de l’orage et des pluies fertilisantes, on
le désigne le plus souvent par les épithètes Grand et Miséricordieux.
Autres noms : Houbal Athtar (Est de Jazîrat), Houbal Hadad (Carrassine).
• Houbal-Jergath
Il est dit que Jergath-la-Grande fut bâtie par un dragon nommé Jergath, incarnation terrestre du dieu
suprême Houbal.
• Houbal-Shirad
Dieu vénérée par le peuple, les ouvriers et les marchands. Dans la tradition saabi extrémiste, Houbal-Shi-
rad est le dieu des traîtres et des menteurs, à cause de la religion shirade jugée hérétique.
• Houbal-Uqaytsir
Il est l’aspect sacrificiel de Houbal dans les régions du Nord. Les habitants des tribus les plus isolées ont
pour habitude de sacrifier des animaux et des enfants pour obtenir la protection de cette incarnation de
Houbal. Par les libations et le culte du sang, ce visage du dieu bénit le guerrier, la famille, les récoltes, etc.
Il s’agit d’une adoration à la limite de l’hérésie, car le culte de Houbal-Uqaytsir ne reconnaît aucun des
autres dieux du panthéon saabi.
• Houbal-Uzza
Elle est la Déesse Mère, épouse de Houbal et aspect féminin de celui-ci. Elle donna naissance à Allath et
aida Houbal à façonner le rocher de Manat.

Serviteurs directs de Houbal, la cour des dieux


• Almaqah
Il est le seigneur-lune, l’aigle d’argent, astre nocturne au service du dieu suprême.
Autre nom : Aglibol dans l’Est de Jazîrat.
• Malakbel
Il est le véritable serviteur de Houbal. Il a participé à la création du monde physique en tant que guerrier
et artisan. Il a façonné le désert et les montagnes aux côtés de Houbal en affrontant Tiamat, l’eau primor-
diale et terrible. Il est la Terre.
• Sayyin
Il est le seigneur-soleil, l’aigle d’or, astre diurne au service du dieu suprême.
Autre nom : Iarhibol dans l’Est de Jazîrat

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chapitre euterpe

Les enfants de Houbal, dieux des dieux


• Allath
Fille de Houbal, elle est la divinité de la fertilité. C’est aussi la déesse-étoile qui guide les caravanes la nuit.
Elle est, dans certaines régions du Nord, considérée comme une déesse de la guerre et de la conquête.
Allath est la manifestation de l’amour de Houbal et d’Al-Uzza, elle est à la fois la fille et le double-enfant
d’Al-Uzza.
Autre nom : Atargatis
• Manat
Fille et mère de Houbal, elle naquit d’un rocher avant que Houbal et Malakbel ne fassent du monde ce qu’il
est aujourd’hui. Elle donna naissance au dieu des dieux. À son tour, Houbal fit de son rocher-mère une
déesse au corps de femme, sa fille et sa mère à la fois. Symbole de la mort, elle manipule les fils du destin
des hommes.
• Nabu
Le dieu Nabu est l’un des plus anciens dieux saabi. Fils de Houbal-Jergath, Nabu a pour mission de me-
ner l’humanité vers son destin, de la conduire vers les actions décidées lors de l’assemblée des dieux au
moment de la fête du Nouvel An. Il est également le patron des scribes, car lui-même écrit le destin des
hommes. On le considère comme un dieu sauveur, et il est vénéré par les hommes en tant que dieu de la
sagesse. C’est un dieu jeune, beau et musicien. Le serpent et le scorpion font partie de ses attributs.

Les dieux mineurs, à la fois enfants et serviteurs des dieux majeurs


Ces divinités sont souvent les enfants des dieux cités précédemment, mais certains d’entre eux sont des
djinns acceptés au sein de la cour céleste.

• Agushaya
La guerrière amoureuse, symbole de la guerre et de la passion, Agushaya, chevauche un lion ; elle est la
patronne des assassins, des danseuses aux clochettes et des prostituées.
• Arsu
Serviteur d’Allath, Arsu est un dieu mineur dans le panthéon, mais majeur pour les hommes, car il est le
patron des chameliers, protecteur des caravanes.
Autre nom : Ruda au Nord et à l’Est du Capharnaüm.
• Azzu et Monimos
Dieux jumeaux de la guerre, ils symbolisent la force, la puissance, mais aussi la dévotion et la fraternité.
Parfois, chez leurs adorateurs, l’homosexualité et l’onanisme sont considérés comme offrande divine et
pratique religieuse.
• Dhûs-Sara
Dieu de la végétation et des cultures, Dhûs-Sara est aussi le dieu orgiaque de la jouissance, de l’ivresse et
de la poésie. Il apparaît tantôt comme un taureau ou un aurochs protecteur de la végétation, tantôt comme
un humain barbu, vêtu d’une ample tunique plissée, portant une corne d’abondance.
• Djad Rabb al-Bakht (ou Djad tout court)
Dieu protecteur des hommes, il incarne le merveilleux naturel et ses manifestations dans le monde. Il est le
protecteur des villages et des familles, mais aussi des puits et des points d’eau.

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• Fals
Protecteur des fugitifs, Fals apparaît sous la forme d’un visage rouge dont la bouche est l’entrée d’une
grotte. Il accueille ceux qui fuient, qu’ils soient criminels ou simples persécutés, pour leur offrir l’asile, puis
une deuxième chance.
• Ruda
Identifiée à l’étoile du soir, elle est la jumelle d’Allath, née d’un songe de celle-ci. Apparaissant toujours
sous l’aspect d’une femme nue, elle est la protectrice de la royauté chez les hommes et dispense la sagesse,
la joie et l’amour. Elle est aussi la maîtresse de la vengeance, de la compassion, de la guérison et une déesse
protectrice et secourable. Les Mudjahidin s’en font souvent les chantres, car elle incarne les valeurs de la
chevalerie saabi.
• Shadrafa
Il est le dieu qui guérit, patron des médecins, des astrologues et des savants en général.

Les Saabi pensent qu’après la mort l’âme du défunt les kahini sont autant des prêtres que des devins et des
comparait devant Houbal qui juge si son existence ter- astrologues, chargés de porter la parole des dieux aux
restre a été conforme à l’idéal de vertu prônée par les puissants et de relayer les prières des hommes vers le
dieux. Selon la décision du dieu suprême, l’âme doit ciel.
alors errer plus ou moins longtemps parmi les étoiles Devenir kahini se décide au moment de la majorité,
afin d’apprendre des constellations la sagesse et  le le postulant entrant au temple comme apprenti auprès
courage. Après ce pèlerinage, l’âme revient sur terre du prêtre titulaire. Les jeunes filles peuvent également
et se réincarne afin que, dans sa nouvelle vie, l’être devenir kahini, cependant elles ont un statut inférieur
humain se montre enfin digne de rejoindre les mille et à un prêtre, dont elles deviennent les assistantes (et
une divinités parmi les étoiles. souvent les épouses). Les kahini ne sont ni des nobles
Paradoxalement pourtant, la religion saabi n’im- ni des roturiers, ils forment une caste à part accessible
pose pas à ses fidèles de lois précises, de code de à tous.
conduite strict. Chaque dieu prône certaines vertus et Un kahini ne se consacre pas à un dieu en particu-
condamne certains péchés et le croyant doit mener sa lier, il les vénère tous et doit donc tous les connaître.
vie en fonction de sa naissance et de son métier, selon Cependant, il peut se réclamer du patronage d’une
les commandements du dieu qui les patronne. divinité à condition que cela ne porte pas préjudice à
Il existe également un terrible lieu de perdition, le sa fonction.
Jahannam, un ardent désert sans fin où les âmes les plus Le kahini du temple est donc l’interlocuteur des
malchanceuses — car cela est contraire à la volonté dieux et le guide des hommes. Il est secondé dans sa
d’Houbal — peuvent s’égarer. Tourmentées par des dé- tâche par des assistants (jeunes kahini inexpérimentés,
mons, elles se vident peu à peu de leur substance divine prêtresses ou apprentis) qui s’occupent des relations
et deviennent elles-mêmes des créatures infernales. avec le tout-venant des fidèles. Le kahini n’accepte en
général de recevoir que les élites locales, le poids de
Les prêtres saabi sont nommés kahini. Ils incarnent ses charges l’empêche de rencontrer le peuple.
les intermédiaires entre la cour de Houbal et le monde Le Grand kahini est le conseiller spirituel du roi de
des hommes. Ils ont notamment pour rôle de célébrer Kh’saaba. Il dispose d’autant de pouvoir que les plus
les divers rites émaillant la vie d’un homme (présenta- influents des wazirs et il participe à toutes les décisions
tion aux dieux à la naissance, mariage, funérailles, etc.), de la cour. Nommé par le roi en personne, le Grand
mais surtout l’interprétation des volontés divines en kahini est aussi bien issu de la très haute noblesse que
vue de conseiller les nobles et les notables. En effet, du bas peuple.

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chapitre euterpe

Les temples saabi sont d’impressionnantes bâ- de Kh’saaba ainsi que les chefs naturels du peuple saa-
tisses, comportant souvent plusieurs étages et des bi dans son ensemble.
jardins d’agrément. Censés être la demeure des dieux
lorsqu’ils daignent se manifester sur terre, les temples
sont donc richement décorés, les murs s’ornant de Le clan Ibn Malik Abd-Al-
fresques épiques tandis que de multiples statues enjo- Hassan
livent les diverses salles et couloirs. La salle principale
permet d’accueillir les cérémonies importantes et les Histoire
célébrations du kahini. Les étages abritent les biblio- Malik était le jeune frère de Hassan, et son soutien
thèques, salles d’étude et appartements du prêtre et de le plus fidèle.
ses assistants. Toute son enfance et son adolescence, il vécut dans
Un temple n’est généralement pas dédié à un dieu en l’ombre d’un aîné admiré de tous, et promis, d’après
particulier, mais les petites chapelles qu’il abrite per- les étoiles, à un avenir glorieux. Des hommes à l’âme
mettent de mettre à l’honneur les divinités locales ou moins noble, prenant ombrage d’une telle situation, se
patronnant la cité. seraient aigris et auraient commencé à comploter dans
La vie religieuse des Saabi est rythmée par trois l’ombre, mais pas Malik. Aimant son frère plus que
messes quotidiennes  : une avant l’aube, la deuxième n’importe qui, il était heureux de pouvoir lui apporter
lorsque le soleil atteint son zénith et enfin la troisième son soutien, et s’il devait ne jamais voir son nom entrer
au crépuscule. Un fervent tâchera d’assister à chacun dans l’histoire, quelle importance ? Seule la grandeur du
de ces offices, mais la plupart des Saabi ne sont présents peuple saabi comptait alors et Hassan semblait le seul à
qu’à l’un d’entre eux. Les plus occupés se contentent pouvoir rendre au royaume son indépendance. Aussi le
d’ailleurs de se rendre au temple une à deux fois par jeune Malik resta-t-il toujours le fidèle bras droit de son
semaine. Toutefois, lorsque les cloches du temple frère, son homme-lige et son confident.
résonnent en ces occasions, tout Saabi adresse incon- Les hommes vertueux et désintéressés sont bénis
sciemment une prière à ses dieux, tant est profondé- des dieux, et la destinée de Malik ne dérogea pas à
ment ancrée en ce peuple la croyance en un panthéon cette règle. Après qu’Hassan, Salif et Tarek ont vaincu
céleste jugeant ses actes et décidant de son destin. l’envahisseur agalanthéen sous l’apparence du dragon
Jergath, Malik se vit confier la responsabilité — écra-

La tribu des sante, mais prestigieuse — de diriger le royaume de


Kh’saaba. Redevenu puissant, mais pas autonome, le
Hassanides royaume resta une puissante province agalanthéenne
pendant encore vingt siècles, mais le règne de Malik
Parmi les trois Prophètes jazîrati qui fondèrent la et les forces divines qui avaient fait de lui un roi obli-
caste des Mudjahidin et permirent à Houbal d’adopter gèrent l’Empire d’Agalanthe à considérer Kh’saaba
la forme du dragon Jergath pour balayer les forces aga- comme une province inféodée et alliée, mais pas
lanthéennes, Hassan était réputé comme le plus fier et comme un peuple soumis.
le plus brave. L’âme pure, le cœur noble et le bras vail- Malik fut un monarque juste et avisé, assurant la
lant, il était l’incarnation de l’idée du Mudjahid en tant consolidation du pays avant d’en étendre les fron-
que guerrier sacré d’Houbal et défenseur du royaume tières. Finalement, le jeune empereur, qui aimait tant
et de la foi saabi. son frère qu’il était prêt à sacrifier son nom pour le
Chef officieux des trois Prophètes, il légua à sa tribu servir, se vit honorer pour les siècles à venir comme
ce statut de dirigeant et conféra à sa parentèle des rôles le plus grand des souverains, celui qui fit de Kh’saaba
majeurs dans le destin des Saabi. Les Hassanides sont un puissant royaume jazîrati, une force avec laquelle
donc les nobles les plus influents et les plus puissants compter sur Jazîrat.

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Les nombreux chefs de tribus et seigneurs de plus, durant de nombreux siècles, qu’un confortable
guerre jazîrati qui acceptèrent de venir servir le protectorat pour les Saabi.
royaume se virent accorder le droit de porter le
titre de Ibn Malik Abd-Al-Hassan, et reçurent Après la trahison de Mogda Ibn Yucef,
la lourde tâche de donner à Kh’saaba une ar- frère de sang du roi, une nouvelle puis-
mée et des structures de commandement sance concurrente menaça la supréma-
efficaces et à même de faire trembler les tie de Kh’saaba  : Jergathine, la cité
puissances étrangères. Génération après shirade du Nord. Les Ibn Malik
génération, la lignée de Malik donna ne souffrirent pas un tel affront
un monarque au pays et les nobles de la part de leurs anciens es-
qui se réclamaient de son nom claves en fuite et une guerre
devinrent l’épine dorsale éclata, rythmée de raids sur
de sa force militaire. les caravanes marchandes,
d’intrigues politiques, de
Les premiers temps ne complots et d’assassinats
furent pas faciles  : cer- feutrés. Lorsque l’armée
taines cités du Nord, et les saabi vint faire le siège de
Agalanthéens (qui préle- Jergathine, les dirigeants
vaient leurs impôts tout en de la cité firent appel à des
laissant Kh’saaba s’autogé- mercenaires agalanthéens et
rer), pensaient pouvoir les Saabi durent se replier. Bien
profiter de l’instabi- leur en prit, car le Capharnaüm
lité ambiante pour fut bientôt plongé dans le chaos
pousser des tribus ou né de la venue de Jason, un chaos
des maisons nobles à la que le roi de Kh’saaba encouragea
révolte et ainsi miner le pouvoir de son mieux par diverses intrigues
de la renaissante Kh’saaba. Mais afin d’amoindrir la puissance des cités
le dévouement des fils de Malik, du Nord.
leur courage au combat et leur talent L’invasion escarte sur Jazîrat se res-
stratégique (ainsi que leur capacité treignit presque entièrement au Caphar-
à utiliser intelligemment les capacités naüm, aussi Kh’saaba n’eut pas à en
des autres clans hassanides) permirent souffrir directement, mais les Ibn
de juguler révoltes paysannes et guerres Malik envoyèrent de nombreuses
civiles. Le grand perdant fut l’Empire troupes soutenir leurs frères Ja-
agalanthéen qui jamais ne retrouva son zîrati contre les hérétiques. Lorsque
emprise totale sur le royaume et dut en- les Escartes firent l’affront suprême de dérober l’Épée
fin en reconnaître l’indépendance totale. de Muhammad, relique sacrée de tous les Jazîrati, le
Finalement, Kh’saaba devint un partenaire roi de Kh’saaba entra dans une grande colère et finan-
culturel et commercial à part entière. Une ère de pros- ça la campagne militaire destinée à récupérer l’arme
périté durable s’ouvrit alors grâce à la fermeté des Ibn vénérée. Fournissant équipement et soldats, les Ibn
Malik. On fixe traditionnellement la libération de Malik participèrent activement à l’attaque des nations
Kh’saaba par les forces agalanthéennes à la chute de occidentales et à l’invasion et l’occupation d’Aragón –
l’Empire, mais dans les faits, son emprise réelle s’es- l’Al-Ragón est depuis considéré comme une province
tompa progressivement à travers les ans, pour n’être vassale de Kh’saaba, bien que de nombreuses rumeurs

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chapitre euterpe

fassent état des velléités d’indépendance de Jalal Ibn tous les Ibn Malik diplômés n’entrent pas dans l’armée
Khalil Abd-Al-Salif, roi de ces terres occupées. régulière du royaume. Une partie d’entre eux fondent
ou rejoignent des compagnies de mercenaires, et les
Organisation plus avides de nouveauté demandent à être envoyés
Deux raisons expliquent la domination des fils de en Al-Ragón afin d’aider à la conquête des nations
Malik sur la tribu d’Hassan et donc sur le royaume occidentales. Enfin, quelques-uns se mettent au ser-
tout entier : le roi descend en droite ligne de Malik lui- vice des cités-États du Capharnaüm, afin de montrer
même et, surtout, Kh’saaba est une nation guerrière, le soutien de Kh’saaba à tous les Saabi où qu’ils se
faisant du courage et du talent martial deux qualités trouvent.
parmi les plus estimables.
Or, le clan des Ibn Malik Abd-Al-Hassan est essen- Le conseil qui met au point les épreuves pour deve-
tiellement composé d’officiers ; la tradition militaire nir Mudjahid et qui sélectionne ceux qui sont dignes
est très bien ancrée en son sein. Après tout, Malik était de cet honneur est composé en majorité d’Ibn Malik
presque aussi bon guerrier que son frère et, d’après la (et certaines mauvaises langues murmurent que c’est
légende, il fut le premier homme – hormis les trois Pro- la raison pour laquelle on trouve tant des leurs parmi
phètes –, à recevoir le titre de Mudjahid. Également, les les chevaliers sacrés de Houbal…). De fait, de par leur
premiers hommes à avoir juré fidélité à Malik étaient éducation militaire et leur rôle de chefs du peuple
des seigneurs de guerre, des généraux dont l’héritage saabi, les fils de Malik sont naturellement incités à
perdura à travers les siècles. intégrer cette caste prestigieuse : Malik lui-même ne
On attend ainsi de chaque enfant né dans le clan fut-il pas le premier Mudjahid adoubé par les trois Pro-
qu’il fasse très tôt preuve de force et d’audace (et les phètes ? Ceux qui se réclament de son nom paraissent
garçons reçoivent dès leur plus jeune âge un entraîne- donc prédestinés à devenir les défenseurs les plus fer-
ment complet aux armes). Mais la vigueur physique vents de Kh’saaba et de la foi saabi.
ne suffit pas pour commander des hommes : les aca-
démies militaires fondées par les fils de Malik forment Personnalité
des officiers accomplis, à la fois stratèges, meneurs • Omar Ibn Malik Abd-Al-Hassan
d’hommes et combattants émérites. Ces académies
ne sont pas limitées aux seuls Ibn Malik ; des membres
d’autres tribus et d’autres clans peuvent y entrer ainsi
que des nobles sans tribu s’ils y mettent le prix. Les
plus méritants d’entre eux peuvent d’ailleurs se voir
offrir l’opportunité de porter le titre d’Ibn Malik Abd-
Al-Hassan et le transmettre à leurs descendants s’ils se
montrent à la hauteur. Toutefois, chaque nouveau-né
Ibn Malik est inscrit dès sa venue au monde à l’acadé-
mie la plus proche de chez lui et rares sont ceux qui
optent pour une autre destinée.
Une fois formés, on attend des jeunes Ibn Malik
qu’ils prennent leurs fonctions dans la grande armée
de Kh’saaba. Commençant généralement comme
aides de camp d’officiers plus expérimentés, les meil- Cousin du roi de Kh’saaba, Omar fut élevé dans le
leurs d’entre eux montent très rapidement en grade : il but de le servir de son mieux tout au long de sa vie.
n’est pas rare de voir des généraux saabi âgés de moins Pour ce faire, il entra à l’académie militaire de Jergath,
de quarante ans commander de vastes armées. Mais la plus prestigieuse de toutes. Servir son roi était sa

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Peuples et sociétés

raison d’être, et cette motivation fit de lui le meilleur le nouveau monarque aussi bien qu’il l’avait fait avec
élève que l’académie n’ait jamais eu : bretteur de gé- lui-même. Mussah jura sur sa vie que lui, ses descen-
nie, tacticien sans pareil, il était également apprécié de dants et tous les serviteurs de sa maison épauleraient
tous ses camarades qui, loin de le jalouser, voyaient en toujours fidèlement le souverain afin de le guider dans
lui un modèle, un chef qu’ils suivraient sans hésitation le dur exercice du pouvoir.
aucune. Âgé d’à peine dix-neuf ans, Omar remporta C’est donc grâce aux conseils prudents de Mus-
une victoire décisive contre une alliance de pillards sah que Malik entreprit de consolider son assise sur
du désert et son intelligence stratégique permit de Kh’saaba avant de songer à en étendre les frontières,
protéger les cités frontalières tandis que le gros de ses au risque de fragiliser le royaume et de le voir s’effon-
troupes allait écraser les impudents directement sur drer de l’intérieur. Mussah et ses disciples, tous de fins
leur terrain. Ce triomphe fut le premier d’une longue politiciens et des courtisans émérites, essaimèrent
série qui lui permit de gravir les échelons plus vite dans les divers fiefs du royaume afin de se positionner
qu’aucun autre officier supérieur et, bien qu’il n’ait en qualité d’éminences grises auprès des nombreux
pas dépassé trente-cinq ans, Omar est aujourd’hui le
général en chef de toutes les armées de Kh’saaba, un
titre que lui octroya directement son cousin le roi. Il
vit en permanence à la cour de Jergath auprès de son
souverain, sauf lorsqu’il est en campagne, à la tête des
armées royales.

Le clan Ibn Mussah Abd-


Al-Hassan
Histoire
Mussah, l’un des trois compagnons d’Hassan, était
connu pour sa sagacité et son aisance sociale.
Il était en réalité le frère de sang du père d’Hassan et
Malik, son conseiller et son ami. Lorsque Hassan fut
révélé en tant que Prophète par la volonté d’Houbal,
Mussah se mit au service de celui qu’il avait vu grandir
et qu’il avait d’ailleurs contribué à éduquer. Hassan
était un homme avisé et brave, mais encore inexpéri-
menté et Mussah prit naturellement à ses côtés le rôle
qu’il tenait déjà auprès de son père : conseiller fidèle,
porte-parole et soutien indéfectible. Pour beau-
coup, sans la présence discrète de Mussah
derrière Hassan, celui-ci n’aurait pas
connu un destin aussi glorieux.
Quand Hassan confia les rênes
de Kh’saaba à son jeune frère,
il s’entretint longuement avec
Mussah afin de s’assurer que le
vieil homme saurait conseiller

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chapitre euterpe

amirs ayant récemment juré fidélité à la couronne. Ils la première à tomber fut Aragón, pourtant partenaire
scellèrent ainsi des accords solides afin de faire taire les commerciale de longue date de Kh’saaba. Afin de mi-
rivalités naturelles des seigneurs de guerre, des motifs nimiser les retombées politiques néfastes de l’occupa-
de division qui auraient pu mettre en péril la stabilité tion du sud de ce pays, des ambassadeurs Ibn Mussah
du royaume. Entremetteurs avisés, ils arrangèrent pour furent envoyés à la fois à la cour du roi Don Fernando
cela de nombreux mariages et engluèrent ainsi dans Anduña de Valladón y Aragón et à celle du chef des
une toile d’alliances et d’obligations réciproques tous légions jazîrati Jalal Ibn Khalil Abd-Al-Salif. Là, ils
les nobles de Kh’saaba. Ils en profitèrent également œuvrent de concert pour retarder l’inévitable guerre
pour nouer des contrats commerciaux avec les tribus qui risque d’éclater entre le Nord et le Sud d’Aragón…
du désert afin que les grandes routes marchandes soient
plus facilement accessibles aux sujets du royaume qu’à Organisation
l’occupant agalanthéen. Le clan Ibn Mussah Abd-Al-Hassan occupe une
Lorsque des complots furent tramés pour affaiblir fonction précise au sein de la tribu hassanide  : ses
le pouvoir à Kh’saaba, ce furent les Ibn Mussah qui membres sont les conseillers de la lignée royale et des
œuvrèrent sans relâche afin d’éviter que les révoltes et nobles de haut rang. Politiciens, ambassadeurs, chan-
conflits civils ne mettent en péril l’unité du royaume. Et celiers, éminences grises, leur rôle se borne à analyser
enfin, quand les Agalanthéens prirent conscience qu’il les diverses situations et à voir comment en tirer le
ne servait plus à rien de combattre le royaume du sud de meilleur parti, sur le plan politique, mais aussi écono-
Jazîrat, ce furent des ambassadeurs membres du clan qui mique, culturel et militaire. Le serment de Mussah de
allèrent négocier les traités commerciaux et politiques conseiller Malik implique ainsi que ceux qui se récla-
nécessaires à la bonne entente entre ces deux puissances. ment de son nom ne briguent pas le pouvoir pour eux-
Quand le traître Mogda s’exila au nord de Jazîrat mêmes, mais uniquement dans le meilleur intérêt de
avec les esclaves shiradim, les Ibn Malik supportèrent leurs seigneurs et du royaume de Kh’saaba.
mal l’affront et décidèrent d’en découdre pour anéan- Les hommes appartenant au clan sont éduqués dès
tir cette puissance nouvellement née. Les Ibn Mussah leur plus jeune âge de manière raffinée. Ils apprennent
virent là au contraire une opportunité de créer des liens très tôt à lire, et l’histoire comme la géographie font
politiques et commerciaux avec Jergathine, qui auraient partie des matières qu’ils étudient assidûment sous la
sans doute permis de renforcer les deux camps au dé- houlette de précepteurs particulièrement stricts. Il n’est
triment des Agalanthéens. Néanmoins leur opinion ne pas rare qu’un courtisan amène ses jeunes fils à la cour
fut pour une fois pas prise en compte. Au contraire, il avec lui, afin qu’ils puissent voir de leurs propres yeux
leur fut ordonné d’aider à entretenir le chaos politique dès l’enfance comment fonctionne le centre du pouvoir
et religieux du Capharnaüm par l’entremise de leurs et quelle puissance peuvent avoir les mots. Pour l’étran-
ambassadeurs vivant dans les cités du Nord. ger en visite officielle à Kh’saaba, c’est toujours une
L’arrivée des Escartes au Capharnaüm laissa les surprise de remarquer, au milieu de nobles gracieux et
fils de Mussah circonspects. Ne voulant pas lancer le de stricts courtisans, des bambins s’amuser entre eux et
royaume dans une guerre forcément coûteuse et sans courir autour des tables du banquet ; c’est pourtant là
doute peu rentable en termes politique, ils conseil- un spectacle plus que courant dans les palais saabi.
lèrent au roi de Kh’saaba de se contenter d’aider finan- Adolescents, ces jeunes Ibn Mussah étudient en
cièrement leurs frères du Nord sans s’engager plus général dans une quelconque université et certains
avant. Toutefois, le vol de l’Épée de Muhammad balaya n’hésitent pas à se rendre dans les cités du Caphar-
toute raison et les fanatiques religieux hurlèrent tant naüm pour se frotter au monde cosmopolite qu’ils de-
et si bien que leur voix couvrit celle des Ibn Mussah vront côtoyer dans le cadre de leurs fonctions. Là, ils
aux oreilles du monarque. Une expédition fut financée apprennent tout ce qu’un politicien doit savoir pour
pour mener la guerre dans les nations occidentales et défendre au mieux ses intérêts et donc ceux de son

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Peuples et sociétés

seigneur, avant d’être affectés à la cour du noble qu’ils il l’assuma presque jusqu’à la mort : sans cesse il fut
devront servir ou envoyés en terre étrangère pour ser- transpercé par des flèches ou tailladé par des dagues,
vir d’ambassadeurs ou de négociateurs. Ils n’occupent mais jamais sa volonté ne flancha jusqu’à ce qu’il ait
évidemment pas immédiatement une position de pu mettre le saint homme en sécurité. Rachid affronta
prestige, mais deviennent les assistants d’un Ibn Mus- et tua des dizaines d’assassins, envoyés aussi bien par
sah plus âgé auprès duquel ils acquerront l’expérience les Agalanthéens que par des chefs de tribus du désert,
nécessaire pour voler de leurs propres ailes. et il finit par connaître si bien leurs secrets qu’il parve-
Malgré le serment de Mussah, un grand nombre de nait à déjouer tous leurs plans avant même que ceux-ci
ses fils détiennent un pouvoir non négligeable. S’appli- ne soient mis en œuvre.
quant à eux-mêmes leurs bons conseils, ils règnent sur Cette volonté d’acier, cette loyauté sans borne, Has-
d’importants fiefs et parmi les wazirs de Kh’saaba, on san demanda à son cousin de la mettre au service de
compte une proportion non négligeable d’Ibn Mussah. Malik et de sa lignée afin que le trône de Kh’saaba n’ait
rien à craindre de ses ennemis. Rachid avait plus de
Personnalité quinze fils : il les forma tous à son image et ainsi fut
créé le clan des Ibn Rachid Abd-Al-Hassan.
• Saïd Ibn Mussah Abd-Al-Hassan Les fils de Rachid eurent fort à faire dès
Jeune ambassadeur encore inexpérimenté, les débuts du règne de Malik : les puis-
Saïd fut pourtant envoyé à la cour du roi d’Al- sances étrangères (Agalanthéens,
Ragón afin de servir auprès de Jalal Ibn Khalil cités avides d’indépendance, tribus
Abd-Al-Salif le porte-parole du souverain de hostiles) firent tout leur possible
Kh’saaba. Il a la difficile tâche de tempérer les pour déstabiliser le royaume.
ardeurs de ce redoutable guerrier du désert, dont De nombreux assassinats
la soif de conquête et de vengeance pourrait le furent perpétrés contre
pousser à mettre en péril les intérêts du royaume les seigneurs de guerre
en Al-Ragón. prêtant allégeance
à la couronne de
Kh’saaba et, bien-
Le clan Ibn Rachid tôt, il n’y eut plus de
Abd-Al-Hassan nobles pour venir s’age-
nouiller devant Malik ; le
Histoire royaume s’en trouva fragi-
Rachid : la muraille, le bouclier de lisé plus que jamais. Malik
la foi, l’immortel… Rare- décida alors d’étendre
ment un grand héros des la protection des Ibn
temps anciens fut dési- Rachid à tous ceux qui
gné par tant d’épithètes et lui jureraient fidélité ; à
rarement aussi ses exploits au- chaque seigneur qui ve-
ront été aussi ignorés que ceux du nait lui prêter serment
cousin d’Hassan. de vassalité, le souverain
Géant aussi silencieux qu’atten- offrait les services d’un
tif, Rachid n’attendit pas qu’Hassan garde du corps du clan.
lui confie une mission ; il décida lui- La légende de Rachid,
même de son destin en se faisant le la Muraille humaine,
garde du corps du Prophète. Ce rôle, était alors encore

161
chapitre euterpe

vivace et la consolidation de Kh’saaba put reprendre, Rachid sont affectés à la protection de tous les indivi-
grâce aux efforts conjoints des Hassanides unis. dus exerçant un certain pouvoir à Kh’saaba, et parfois
C’est à cette époque que le pouvoir saabi décida même à celle de personnes totalement étrangères au
de répliquer aux attaques dont il était victime avec les royaume tels des nobles jazîrati du Capharnaüm ou
mêmes armes que ses ennemis : si ceux-ci employaient des royaumes caravaniers, tels que de riches Shiradim
assassins et empoisonneurs, il fallait répliquer de la ou d’influents Escartes.
même façon afin que Kh’saaba soit crainte et respec- Les jeunes Ibn Rachid sont formés dans les mêmes
tée dans tout Jazîrat et au-delà des mers. Formés pour académies que les Ibn Malik, mais ils n’y suivent pas
prévenir toute tentative d’assassinat, les Ibn Rachid du tout le même entraînement. La première étape
se virent naturellement désignés pour mettre sur pied pour en faire de bons gardes du corps consiste à affi-
une faction de tueurs de l’ombre. ner leurs sens jusqu’à l’extrême ; un bon Ibn Rachid
Quand Mogda et ses Shiradim partirent fonder Jer- doit être capable d’isoler chaque murmure dans le
gathine et que les Ibn Malik décidèrent de laver cet brouhaha d’une foule, il doit pouvoir distinguer l’éclat
affront dans le sang, le clan des fils de Rachid dut se du soleil sur un poignard au beau milieu d’un marché
mobiliser presque entièrement. Les assassins furent fréquenté, sa langue doit discerner la saveur fielleuse
envoyés dans la cité shirade, y semer la mort afin de d’un poison dans une coupe de vin et son odorat
désorganiser le pouvoir de Mogda avant que les armées doit capter les effluves de la peur dans la sueur d’un
saabi n’arrivent. Les officiers de ces armées étaient homme et ses doigts distinguer la pulsation cardiaque
alors tous protégés par plusieurs gardes du corps Ibn d’une homme qui ment à travers sa peau. Celui qui
Rachid, car il était dorénavant connu que les Shiradim perçoit son environnement dans sa globalité et sait
possédaient leur propre caste d’assassins. analyser et classer chaque information que ses sens lui
L’invasion escarte nécessita également une inter- envoient peut réagir avec efficacité. C’est alors que la
vention des Ibn Rachid. Kh’saaba ne désirait pas en- seconde partie de l’entraînement commence : les Ibn
voyer ses troupes directement au combat, mais accepta Rachid sont bien sûr formés au maniement de nom-
d’aider les Jazîrati du Nord à lutter en leur envoyant des breuses armes, mais surtout, leur corps doit pouvoir
gardes du corps et des assassins afin de se protéger et supporter la pire des douleurs et la transcender afin de
de frapper l’ennemi hérétique. continuer à agir et à protéger leur maître. La volonté
Puis l’expédition punitive contre les nations occi- peut ainsi permettre à un blessé d’aller au-delà de ses
dentales emporta avec elle une fois de plus de nom- limites pour accomplir son rôle, comme Rachid le fit
breux Ibn Rachid. Étrangers dans les terres de l’Ouest, si souvent pour Hassan.
les généraux et diplomates saabi souhaitaient avoir Au sortir de l’académie, les jeunes Ibn Rachid sont
à disposition épées et boucliers afin de parer à toute affectés à la protection d’une personnalité. Les moins
éventualité. Les Ibn Rachid jouèrent ainsi un rôle dé- expérimentés deviennent généralement les gardes du
terminant dans la conquête d’Al-Ragón. corps d’individus d’importance secondaire (comme
un ambassadeur dans une cité mineure du Caphar-
Organisation naüm), mais ceux qui ont fait preuve d’un grand talent
Le clan des fils de Rachid est ambivalent car formant peuvent rejoindre la garde d’un noble influent.
aussi bien des gardes du corps que des assassins, mais Durant leur formation de garde du corps, les Ibn Ra-
cette apparente dichotomie s’explique en réalité très chid sont amenés à étudier les diverses stratégies em-
facilement au vu de son l’histoire. ployées par les assassins afin de mieux connaître leurs
Officiellement, le rôle des Ibn Rachid est d’assurer ennemis et leurs façons d’agir. Tous reçoivent un entraî-
la protection du roi, de sa famille et de tous ceux à qui nement de base de tueur : déplacement silencieux, uti-
il déciderait de faire l’honneur d’adjoindre un de ces lisation de poisons, maniement des armes secrètes, etc.
légendaires gardes du corps. Ainsi, dans les faits, les Ibn Théoriquement, cela leur permet de savoir comment

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Peuples et sociétés

réagir s’ils devaient un jour être confrontés à un adver-


saire recourant à ce genre de méthodes. Mais en réalité, La tribu des Salifah
cette formation permet de déceler ceux qui pourraient
rejoindre la caste des assassins du clan : les plus doués Salif le Vagabond, Salif l’Amoureux, Salif le Serpent.
se voient proposer de servir Kh’saaba de cette manière, Tels étaient trois des nombreux noms donnés à l’un
en devenant les agents de l’ombre du royaume, ceux qui des futurs Prophètes d’Houbal. Vagabond, car il
se meuvent dans les ténèbres. n’avait aucune attache bien que sa sagesse légendaire
Malgré leurs indéniables talents martiaux, peu de le fit mander par les plus grands. Amoureux, car il
fils de Rachid deviennent Mudjahid. Cela s’explique n’avait qu’un seul amour : son royaume, Kh’saaba la
par les obligations que leur impose leur mission et belle, Kh’saaba l’amante d’Houbal dans son esprit,
l’usage que fait le roi de leur service pour acheter la amour tel qu’il ne se maria jamais. Serpent, car jamais
fidélité de ses plus puissants vassaux ou de notables il ne succombait lors de ses voyages en solitaire, tou-
étrangers. La vie de guerrier sacré de Houbal impose jours il séduisait les brigands, voyageant avec eux, s’en
des engagements qui s’avèrent au final bien peu com- faisant des amis au lieu de finir mort au milieu du dé-
patibles avec le rôle de gardes du corps et d’assassins. sert comme tant d’autres.

Personnalité L’âge légendaire


• Lawari Ibn Rachid Abd-Al-Hassan
« Le cœur perçoit ce que l’œil ne voit pas. »
Vivant au sein des ténèbres, capable d’assumer une
– Dits de Salif
centaine d’identités, craint par les ennemis de Kh’saa-
ba, Lawari est un homme dont personne ne connaît le
Très tôt, Salif vit naître autour de lui une nouvelle
vrai visage et dont la fonction fait de lui l’un des indi-
famille composée de marchands et de brigands. C’est
vidus les plus puissants du royaume. Car Lawari est
pourquoi Hassan lui confia la fondation de la guilde
le chef du clan Ibn Rachid et le formateur en chef des
royale du commerce afin d’ouvrir les voies de Kh’saa-
assassins du clan.
ba vers l’extérieur. Salif s’entoura alors de deux de
ses neveux qui lui ressemblaient  : Yucef, l’homme à
la parole d’argent, et Aziz, capable de s’allier l’amitié
de n’importe quel homme. Ensemble ils tracèrent les
routes de topaze et de cuivre, négociant les marchan-
dises plus férocement que d’autres font la guerre, et
garantissant la protection des caravanes par ceux-là
mêmes qui hier les attaquaient.
Lorsque vint le temps des Prophètes, alors que
Houbal appelait Salif, Hassan et Tarek, Salif réunit
une dernière fois ses neveux, joignant à leur groupe
leur cousin Khalil le curieux. Lors de cette ultime nuit
d’adieu, il les chargea de continuer à servir Kh’saaba
la belle et de faire en sorte que les générations sui-
vantes veillent à jamais sur leur royaume tant aimé.
Yucef continuerait de diriger la guilde, Aziz pacifierait
les déserts et commanderait aux brigands devenus de
fidèles guerriers, et Khalil irait séduire les royaumes
étrangers pour Kh’saaba et son souverain.

163
chapitre euterpe

Dits de Salif
La réputation de sagesse de Salif était telle que nombre de proverbes et de maximes lui furent attribués.
Ses contemporains, et la tribu des Salifah encore aujourd’hui, parlaient de « dits de Salif » plutôt que de
proverbes ou maximes, tout en sachant pertinemment que seules quelques-unes de ces phrases sont réelle-
ment de lui. Sa sagesse était telle qu’il aurait sûrement pu toutes les prononcer.

Si la parole de Salif guide toujours sa tribu, c’est


dans l’esprit et non à la lettre, car les clans sont deve- L’âge du changement
nus autres, mais Salif n’aurait pas voulu qu’il en soit « La vérité ne peut être contenue dans un seul rêve. »
autrement. – Dits de Salif

Premier âge C’est en ces périodes de troubles que Khalil revint


«  Être homme est facile, être un homme est au pays accompagné de sa femme, de son fils en bas
difficile. » âge et d’une dizaine de guerriers qui avaient tous la
– Dits de Salif peau noire comme la nuit, mais cela n’était pas le plus
étonnant. Chaque adulte montait un petit dragon sans
Yucef était appelé l’homme aux paroles d’argent, ailes appelé abzoul. Khalil avait échoué dans sa mis-
car il était capable de sentir la valeur que les gens sion, mais avait trouvé foi et famille en Al Fariq’n où
accordaient réellement aux choses. Cela allait bien il était devenu le gardien des abzoulim et avait fondé
au-delà de l’aspect purement matériel, mais pou- les Walad Badiya, les enfants du désert, nom que se
vait également concerner des aspects plus essentiels donnaient les guerriers et les sauriens.
comme la vie d’un fils ou l’amour d’une femme. De Ce retour permit de redonner aux Salifah leur
cette compréhension innée il finit par tirer la Vision place au sein de la noblesse saabi, mais l’échec de la
d’or, don qu’il inculqua à son premier-né, Kalam, qui mission de Khalil fit douter la tribu du bien-fondé de
lui succéda à la tête du clan. ses croyances. Yucef, Khalil et Aziz partirent dans le
La tribu traversait une crise  : la pacification des désert où ils bravèrent les djinns pendant mille et une
déserts avait réussi au-delà de ses espérances, et une heures avant d’entendre la voix de Salif, disent les uns,
concurrence était naturellement apparue, la guilde la voix de Houbal, disent les seconds, la voix de Salif-
n’ayant pas l’exclusivité. Aziz avait réussi à amener qui-est-Houbal, disent les derniers.
à lui la lie de la société. La plupart d’entre eux véné- Lorsqu’ils revinrent, ils réorganisèrent les clans
raient désormais les mille et un dieux tant qu’ils pou- salifah. Yucef et son clan resteraient les commerçants
vaient continuer à voler, à extorquer, à assassiner et à de la tribu, apportant richesse et bijoux pour parer
exploiter le marché du sexe. Pour tous, son clan n’était Kh’saaba la douce. Ils seraient aussi les gardiens irré-
que brigandage et honte, et les autres tribus commen- prochables de la tradition, capables de contenter les
çaient à regarder d’un mauvais œil le devenir des Sali- plus virulents défenseurs de la foi en Houbal et les
fah, d’autant que Khalil semblait perdu corps et bien. mille et un dieux afin de permettre à la tribu de main-
La tribu n’avait plus de nouvelles de ce fils depuis si tenir une influence auprès de la noblesse saabi.
longtemps que l’idée d’une veillée funèbre pour per- Aziz et ses suivants seraient les financiers secrets de
mettre le repos de son âme commençait à se faire in- la tribu et du royaume. Avec Yucef, ils avaient depuis
sistante, au désespoir de Yucef qui refusait de considé- longtemps compris que le crime organisé rapportait
rer son cousin comme mort. bien plus que le négoce honnête. De plus, Khalil fit

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Peuples et sociétés

remarquer une chose qui avait échappé à Aziz  : les fah sont partout où le royaume a besoin d’eux, aussi
voleurs, les assassins et les mercenaires ne sont que bien à Kh’saaba que sur le reste de Jazîrat et dans les
peu de choses individuellement, mais en rassemblant royaumes voisins, occupant parfois le devant de la
leurs informations tout changeait… Quel meilleur scène, mais préférant souvent conseiller avec humilité
moyen de savoir qui avait commandité tel assassinat les Saabi exerçant le pouvoir. Une tribu au service de
ou vol qu’en étant soi-même l’exécuteur du contrat ? son royaume avant toute chose.
Le recueil de tous ces renseignements fit de ce clan le Pour tous, y compris les Saabi, la tribu ne semble
réseau d’espionnage le plus secret et pourtant le plus être qu’un assemblage hétéroclite d’hommes, de
visible de l’île. Ils devinrent ainsi les yeux de l’ombre femmes et d’enfants. Les Salifah tiennent à protéger le
pour Kh’saaba la révérée. secret de leur unité qui leur laisse une bien plus grande
Quant à Khalil, il répartit son clan entre Jazîrat et l’Al liberté d’action.
Fariq’n, se consacrant à l’étude et au développement Les Ibn Yucef constituent le squelette de la tribu. Ils
des abzoulim, et formant les Walad Badiya. Il fournit à assurent son unité et garantissent son intégration au
la tribu et à Kh’saaba la force des guerriers dont la fidé- sein de Kh’saaba. Ils continuent à être les marchands
lité est entièrement acquise aux dieux et au royaume. les plus prospères de la presqu’île, grâce à l’aide secrète
Les trois cousins et leur clan formaient désormais la des Ibn Aziz qui contrôlent le crime organisé de l’île et
tradition, l’intelligence et la force de la tribu au service font commerce de tous crimes et trafics. Les Ibn Kha-
de la mère des rois, leur mère à tous, Kh’saaba. lil sont quant à eux un peu hors des règles habituelles
du royaume, mi-jazîrati, mi-alfariqani. Leur férocité,
Jusqu’à nos jours leur foi et leur fidélité ne sont plus à prouver, et toutes
« S’attrister de l’avenir, c’est avoir l’esprit malade. » les tribus saabi font appel à eux pour assurer la garde
– Dits de Salif d’un palais, d’une oasis, d’une famille.
Tous attendent, parfois sans le savoir, un signe
La tribu avait trouvé là son équilibre qui perdure de leur clan ou de la tribu pour entrer au service de
jusqu’à nos jours malgré toutes les crises. Les Sali- Kh’saaba.

L’appartenance à un clan salifah


On appartient avant tout à la tribu et non à un clan. Il n’est pas exceptionnel de voir un individu né dans
un clan rejoindre un autre clan à l’âge adulte. Chaque clan accueille ces impétrants à bras ouvert, l’important
pour la tribu et pour Kh’saaba est que chacun soit là où il le désire. Dans la plupart des cas cependant, les
adolescents restent au sein de leur clan.
Certaines choses sont plus difficiles à changer toutefois : devenir Walad Badiya sans avoir été élevé au sein
des fils de Khalil est exceptionnel. Ne devient pas assassin Ibn Aziz qui veut non plus ; l’entraînement se
dispensant dès le plus jeune âge, ce n’est pas une carrière qui peut s’embrasser tardivement.
Cependant, rien n’est impossible ! Et ceux qui réussissent de telles entreprises sont parmi les plus respec-
tés et promis à un bel avenir au sein de la tribu.

165
chapitre euterpe

Le clan Ibn Yucef Abd-Al- hommes dépourvus d’ambitions mal placées. Le


clan épura plusieurs fois ses propres rangs, certains
Salif, la Tradition Ibn Yucef voulant fonder une nouvelle Kh’saaba, loin
de l’influence des autres tribus incapables de com-
prendre la beauté de leur mère à tous. Cette ambition
Histoire d’hommes effacés
fut toujours étouffée dans l’œuf.
« Si Yucef avait vécu à une autre époque que Salif, Selon les Salifah, il est nécessaire parfois de
une tribu serait sûrement aujourd’hui celle des Abd- blesser celle que l’on protège pour pouvoir
Al-Yucef. Yucef en était conscient, mais était satis- mieux la sauver. Diriger cette Kh’saaba ou
fait de sa vie au service des dieux, de Kh’saaba et une autre, c’est être son amant : une telle
de son oncle. » passion voile inévitablement les déci-
– Extrait de Ces hommes qui ont fait le monde, sions que l’on prend.
par Martéus de Thérème

Le clan Ibn Yucef fut toujours le clan


mis en avant par la tribu. Ils sont les Organisation
seuls interlocuteurs avec les Salifah,
Les fils de Yucef
y compris pour le recrutement
sont des voyageurs
des Walad Badiya. Cependant,
par essence, leur
le clan s’est toujours contenté
seule attache étant
de suivre et de servir les grands
Kh’saaba. Il est pos-
hommes, s’efforçant d’influen-
sible de les trouver
cer leurs actes pour le bien du
dans toutes les villes
royaume, à l’aune d’informa-
de la presqu’île, sur
tions qu’ils sont souvent les seuls
toutes les routes com-
à détenir grâce aux Ibn Aziz. Bien
merciales. Le clan se
des Hassanides, particulièrement
divise en deux tendances :
des Ibn Mussah, ont dans leur
les sédentaires qui organisent
suite des membres du clan qui les
les convois et recherchent les
servent, les conseillent, et jouent
cargaisons à confier aux cara-
souvent le rôle d’intendants.
vanes, occupent des postes
Il ne faut pas croire qu’ils
de négociants, d’intendants, de
ne font que s’effacer, nombre
conseillers, ou encore des fonc-
d’entre eux acceptent des postes
tions stratégiques dans la politique
d’importances tel le prince Ma-
locale, et les caravaniers regroupés
moud Ibn Yucef Abd-Al-Salif,
par famille de sang ou de cœur qui
chef de la Vème légion de Car-
voyagent de ville en ville.
rassine. Le profit et la réussite
Les adolescents du clan quittent
personnelle peuvent servir éga-
leur famille pour aller vivre du-
lement Kh’saaba et c’est à chaque
rant deux ans dans une famille
Salifah de choisir sa route en son
nomade. Ce brassage renforce les
âme et conscience.
liens entre les familles de la tribu  :
Il ne faut pas croire non plus
c’est d’ailleurs au sein du désert que les jeunes subissent
que le clan n’engendre que des
le rite du passage à l’âge adulte. Nombre de mariages se

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Peuples et sociétés

décident au cours de cette période, et les jeunes adultes défiant toute concurrence) et les nomades se chargent
nouent des connaissances précieuses qui leur serviront de convoyer les marchandises, quelles qu’elles soient
toute leur vie. à travers toute l’île.
En échange, les familles sédentaires accueillent et Historiquement, la succession du chef de clan est
garantissent l’apprentissage de tous les jeunes adultes toujours dévolue à son aîné, qu’il soit homme ou
désireux de se former à l’intendance et à la politique. femme. Aujourd’hui, le clan est dirigé par Farham Ibn
Il n’y a pas de familles héréditairement nomades ou de Yucef Abd-Al-Salif qui est au service du roi à Jergath-
familles sédentaires, chaque génération décide de la la-Grande. Sa fille, Dahabiya Bint Yucef Abd-Al-Salif,
place qu’elle veut occuper (même si certaines familles doit lui succéder un jour tandis que son fils, Ayman
font traditionnellement le même choix). Ibn Yucef Abd-Al-Salif, devrait devenir le trésorier du
Les deux composantes de la tribu sont tout autant roi, une position habituellement occupée par un Has-
essentielles : les sédentaires étudient les affaires à réa- sanide. Dahabiya est une jeune femme à l’intelligence
liser (ils sont souvent les premiers à dénicher la den- vive, la digne fille de son père. Elle est protégée par le
rée qui sera à la mode dans les grandes villes de Jazîrat Walad Badiya Warit Ibn Khalil Abd-Al-Salif, qui des-
ou les cargaisons qui pourront être achetées à des prix cend directement de Khalil lui-même.

Des bourgeois sans attache ?


Beaucoup considèrent comme tels les Ibn Yucef. Ils ne sont pas loin de la vérité : les Ibn Yucef continuent
à servir Kh’saaba, mais elle est si prospère qu’ils ne sont plus indispensables et commencent à se sentir inu-
tiles en tant que clan, bien que chaque individu puisse à son niveau apporter quelque chose à son royaume
d’appartenance.
Si quelque chose venait perturber Kh’saaba, le clan entrerait en guerre et se battrait pour rétablir l’ordre
établi, juste pour se prouver qu’il peut encore servir sa mère. Le clan ne prendrait même pas la peine de
déterminer si ce changement serait une bonne chose ou pas.

La Vision d’or
La Vision d’or, ou nasar dahab, fut appelée ainsi à cause de Yucef, l’homme à la parole d’argent qui déve-
loppa ce pouvoir. Les Ibn Yucef formés à la Vision d’or sont capables de déterminer la valeur pécuniaire et
affective de ce que les gens portent sur eux. La Vision d’or fait appel à une grande capacité d’observation
et à la vision de Houbal, selon un rituel qui se transmet de père en fils, ainsi qu’aux Ibn Yucef méritants. Le
partage de ce savoir se fait de manière parcimonieuse, un tel pouvoir étant susceptible de notamment désé-
quilibrer la sphère du commerce s’il était trop répandu.
Les Ibn Yucef qui sont au service de la diplomatie de Kh’saaba sont presque toujours dotés de la Vision
d’or. Une telle faculté peut s’avérer utile lors de négociations, bien qu’elle ne soit pas toujours suffisante pour
obtenir le résultat escompté.
La nasar dahab n’est pas une manifestation magique, c’est l’une des Paroles de Prophètes présentées
page 57 du Livre d’Al Rawi.

167
chapitre euterpe

Le clan Ibn Aziz Abd-Al-


Organisation
Salif, l’Intelligence « Si ta main droite ignore ce que fait la gauche, elle
n’avouera pas sous la torture. »
Histoire d’hommes de l’ombre – Dits de Salif
« La foi n’est pas affaire de morale. Les plus grands
Le clan est installé dans pratiquement toutes les
croyants ne sont pas toujours les hommes les plus
villes de la presqu’île, surtout dans les grandes, ainsi
sages, même si les plus sages sont souvent de grands
que dans quelques villes étrangères où il agit avec plus
croyants. »
de circonspection. Chaque ville accueillant le clan
– Salif à Aziz
possède un prince-voleur dirigeant l’essentiel
du crime organisé de la région. Il ne
Aziz était un homme qui suscitait naturel-
faut cependant jamais élimi-
lement l’amitié de ceux qu’il rencontrait. Il
ner toute la concurrence
semblait savoir les paroles à prononcer, les
sous peine de finir par
attentions à réserver, et les silences à respec-
se reposer sur ses
ter. Lorsque Salif quitta Jazîrat, les brigands
lauriers, s’affai-
des routes de topaze et de cuivre s’étaient
blir et finale-
convertis et protégeaient les caravanes que
ment devenir
naguère ils attaquaient. Ils faisaient main-
vulnérable.
tenant partie de la tribu des Salifah.
Le clan
Cependant, d’autres troupes de
fonctionne
brigands étaient apparues, et
de manière py-
leur conversion ne pourrait
ramidale. Chaque in-
pas être aussi aisée.
dividu ne rend compte
C’est sur les der-
qu’à son supérieur qui
niers conseils de Salif
lui-même ne connaît
qu’Aziz devint le
qu’un seul référent
premier Prince-Vo-
auquel il retrans-
leur de l’histoire
met l’ensemble
de Jazîrat, rassem-
des rapports de
blant, conseillant
ses subordonnés,
et dirigeant la lie de
et ainsi de suite
la société de l’île dans
jusqu’au prince de
toutes les villes de Jazîrat.
l’ombre, le chef des
Consacrant sa vie à Kh’saaba,
Ibn Aziz, qui est ac-
Aziz n’eut ni femme ni enfant
tuellement Thalat Ibn
(reconnu tout du moins). C’est
Aziz Abd-Al-Salif, prince-
son bras droit, un ancien gamin
voleur de Jergath-la-Grande.
des rues, qui lui succéda à la tête du
Pour s’élever dans la hiérarchie
clan, instituant la promotion au mé-
du clan, il est nécessaire de com-
rite au sein du clan, en opposition au
mencer en bas de l’échelle, la filia-
principe d’hérédité en vigueur dans
tion n’entre pas en ligne de compte.
les autres clans et tribus saabi.
Chaque membre est jugé sur ses

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Peuples et sociétés

actes, ses contrats, la qualité des rapports qu’il élabore, De nombreux trafics ou affaires illégales sont gérés
mais également au regard de son respect des règles, sa par les Ibn Aziz : vente d’esclaves, mendicité, prostitu-
fidélité aux mille et un dieux et à Kh’saaba. tion, vol, assassinat, extorsion de fonds, mercenariat.
Le clan favorise la mobilité de ses membres, c’est C’est le métier le plus prisé, car parmi les plus hon-
ainsi qu’il est possible de les tester avant une promo- nêtes et les plus facilement accessibles de ceux qui
tion. Ces rotations, ainsi que la transmission des cour- sont généralement exercés par les Ibn Aziz ; il repré-
riers secrets du clan, sont assurés exclusivement par sente d’ailleurs pratiquement la moitié des activités
les caravanes des Ibn Yucef. du clan.

Des contrats et de la fidélité à Kh’saaba


Le clan accepte tous les contrats y compris ceux qui semblent aller à l’encontre de Kh’saaba, et ses lois
l’obligent à remplir ces engagements du mieux qu’il le peut. Pour le clan, il est plus important de savoir qui
a commandité un meurtre que de l’empêcher. Le savoir est dans ce domaine l’arme la plus absolue dont
disposent les fils d’Aziz.
Cela n’empêchera pas le clan de tuer le commanditaire par la suite et d’aider secrètement l’héritier de
l’homme qu’ils ont éliminé afin de rétablir l’ordre, pour le bien de Kh’saaba, mais tout ceci doit se faire dans
la discrétion la plus complète afin d’être sûr que personne ne se doute du fonctionnement réel du clan, y
compris dans leur royaume.
Cette apparente désinvolture et vénalité ont toujours desservi les Ibn Aziz dans leurs relations avec les
Saabi. Les seuls à avoir pratiquement percé ce secret sont les Tarekides et leurs Vipères cornues, les Bint
Mimoun. Elles se sont depuis longtemps mêlées aux maisons closes salifah et se rendent compte que le clan
est bien plus que ce qu’il semble être.

Un réseau d’information tentaculaire


« Quoi ce gamin-là ? Non ce n’est qu’un pouilleux qui livre mes messages, tu peux parler devant lui pendant que
je rédige le courrier qu’il va porter à notre ami commun… »
Outre l’analyse des contrats passés auprès des Ibn Aziz, le clan possède une autre source d’information. Il
n’est pas rare que des mercenaires rentrent dans les grâces de leurs commanditaires et deviennent ainsi leur
confident. Certains esclaves compétents finissent par avoir accès à des informations confidentielles. Cer-
taines prostituées voient leurs clients revenir très régulièrement et il n’est pas rare qu’ils lâchent des confi-
dences sur l’oreiller. Partout où les hommes font appel à la lie de la société, il est probable qu’ils tombent
sur un fils d’Aziz qui saura se montrer de confiance et acquérir ainsi une position favorisant son accès à des
informations.
Certains de ces contacts sont établis des années avant qu’ils ne deviennent réellement utiles. Mais le clan
a tout le temps devant lui, et un membre qui sait faire preuve de patience est un membre précieux et respecté
dans le clan.

169
chapitre euterpe

Quelques règles du clan


Ta fidélité doit toujours aller aux dieux, à Kh’saaba, à ton clan, à ta famille, à ta tribu et à ton peuple ; dans
cet ordre-là.
Si tu acceptes un contrat, tu dois le remplir jusqu’à son terme, quelles qu’en soient les conséquences, sauf
si cela devait vraiment menacer ta famille.
Te souvenir est un devoir, et rendre compte une profession de foi en tes dieux et ton clan.

Personnalité –  Extrait de Ces hommes qui ont fait le monde par


• Thalat Ibn Aziz Abd-Al-Salif
Martéus de Thérème

De son voyage avant d’arriver en Al Fariq’n, Khalil


ne raconta que peu de chose. Les peuples qu’il croi-
sait étaient au mieux indifférents à ses paroles, au pire,
violents. Plus d’une fois, il fut emprisonné et châtié
pour avoir prêché ses croyances, plus d’une fois c’est
presque mort qu’il fut chassé d’une ville. La foi en
Houbal l’avait quitté lorsqu’il aborda les rives de l’Al
Fariq’n.
C’est en sauvant le fils du roi de la tribu des Unga-
ras, une grande tribu alfariqani, que Khalil se trouva
une nouvelle famille et une nouvelle patrie. Marié à
la princesse Tegest, il essaya d’oublier son échec et sa
Thalat est un jeune homme d’une trentaine d’an- foi en adoptant les coutumes et les croyances locales.
nées, exceptionnel au point d’être arrivé à la tête du C’est la mort du vieux chaman du clan qui ramena
clan en étant né dans la rue. On raconte que Thalat Khalil à sa foi en Houbal. Avant de mourir, ce der-
est capable d’être en plusieurs endroits à la fois, qu’il nier lui confia le secret du clan. Deux pierres mysté-
accomplit plus de travail qu’un homme normal, qu’il rieuses devaient continuellement être entourées d’eau
peut négocier plusieurs jours de suite sans dormir, et jusqu’au jour où l’élu se présenterait au clan. Le cha-
qu’il est entièrement dévoué à Kh’saaba. De fait, il est man était persuadé que Khalil était l’élu et il lui confia
également le Prince Voleur de Jergath-la-Grande. la mission d’aller enterrer les pierres dans le désert
en compagnie d’un ami proche et d’attendre que les
dieux se manifestent à lui comme l’annonçait la pro-
Le clan Ibn Khalil Abd-Al- phétie.
Par respect pour cet homme qui lui rappelait Salif,
Salif, la Force Khalil partit enterrer les deux pierres en compagnie
de Therk, un cousin de sa femme dont il était devenu
Histoire d’hommes à la peau aussi proche qu’un frère. Après plusieurs semaines
sombre où Khalil et son ami Therk surveillèrent les pierres,
celles-ci, qui étaient en fait des œufs, se fendillèrent
« Les Ibn Khalil sont toujours un mystère. Jazîrati
pour donner naissance à deux petits sauriens ressem-
et Alfariqani en même temps, ils semblent dévoués à
blant à des dragons sans ailes : les abzoulim. Chaque
Kh’saaba ! »
dragonnet choisit un humain et lui mordit la main,

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Peuples et sociétés

scellant ainsi le lien d’esprit à esprit


entre l’homme et lui.
Ces abzoulim pondirent d’autres
œufs qui donnèrent naissance à d’autres
abzoulim qui se lièrent à d’autres braves de la
tribu. C’est ainsi que naquirent les Walad Badiya
et que Khalil retrouva la foi en Houbal. Il réussit à
convertir toute la tribu qui vénéra rapidement les
mille et un dieux et qui aima Kh’saaba comme Khalil
l’aimait. Le Saabi avait échoué dans sa mission, mais
il avait trouvé son clan. Accompagné de sa femme qui
s’était également liée à un abzoul, de son fils en bas
âge et d’une dizaine de guerriers dont Therk, Khalil
retourna en son pays.
Aujourd’hui, le clan se répartit sur les deux terres et
les Walad Badiya partagent leur amour entre la terre
des Ungaras et Kh’saaba. Ils sont libres d’aller d’une
terre à l’autre et ne s’en privent pas.

Organisation
Le clan occupe plusieurs territoires, tout d’abord
l’antique terre des Ungaras en Al Fariq’n, Ma’Huloum
une oasis à moins d’une dizaine de jours d’abzoul de Jer-
gath-la-Grande (1500 km de distance), plus quelques
oasis plus modestes situées dans le désert de Feu.
Le chef du clan habite toujours Ma’Huloum même
s’il se rend régulièrement en Al Fariq’n. Il est tou-
jours choisi par le précédent dirigeant dans sa famille
(fils ou neveu). Les Ibn Khalil sont des mystiques
idéalistes. Les Ungaras ont fait leur la foi de Khalil et
son amour pour Kh’saaba, le clan sert fidèlement le
royaume allant là où Kh’saaba a besoin d’eux. Il peut
s’agir de mercenariat pour des raisons financières ou plats sont de
politiques, comme consister à servir une famille de nature à résister
la noblesse saabi si le clan estime que celle-ci s’en est à plusieurs jours de voyage
montrée digne. On n’achète pas la fidélité des Ibn dans le désert sans se dégrader ou perdre leurs
Khalil, on la mérite. qualités nutritives.
Outre les Walad Badiya, le clan est connu pour ses Le clan est dirigé par un vieil homme, Walad Ba-
élevages de chèvres, d’ânes et de dromadaires, ainsi diya, comme tous les chefs de clan depuis Khalil.
que de quelques créatures plus exotiques amenées Hakim Ibn Khalil Abd-Al-Salif est le grand-oncle du
d’Al Fariq’n. Ces troupeaux étaient tout d’abord né- roi actuel des Ungaras. Malgré son âge avancé, que
cessaires pour nourrir l’appétit féroce des abzoulim. Il certains estiment à 80 ans, Hakim possède encore une
est également réputé pour la qualité de sa cuisine, mé- vigueur étonnante et semble avoir encore de belles
langeant saveurs alfariqani et jazîrati. De plus, certains années devant lui.

171
chapitre euterpe

Les Walad Badiya


Walad Badiya désigne le couple homme/abzoul, et non seulement l’humain comme la majorité le pense.
Les abzoulim sont des créatures douées d’intelligence, mais s’exprimant par des sensations et non par des
mots (cf. Polymnie, encadré p.250). Il est difficile de faire comprendre à quelqu’un qui n’est pas Walad Ba-
diya le lien qui unit l’homme à l’abzoul.
Tous les membres du clan ne sont pas appelés à être des Walad Badiya. Les vieux guerriers savent reconnaître
la fièvre qui poussera un enfant à se lier à un abzoul. Lorsqu’une ponte est sur le point d’éclore, ceux qui doivent
se lier aux abzoulim deviennent nerveux, impatients, d’une manière qu’on ne peut simuler aux yeux de ceux
qui ont appris les rituels chamaniques légués par le sang alfariqani du clan. Il y a au plus autant d’enfants que
d’œufs ; s’il y en a moins, les œufs non éclos sont conservés dans des récipients remplis d’eau jusqu’au jour où
un enfant se sent poussé à l’en retirer et à l’enterrer. Tous les Walad Badiya, hommes et femmes, apprennent
à faire corps avec leur monture et se tournent généralement vers le métier des armes ; il existe des exceptions,
mais même ceux qui renoncent à cette voie se révèlent être de redoutables combattants.
Lorsque la fièvre propre à ce lien singulier se manifeste chez un étranger au clan, soit les Walad Badiya
savent pouvoir lui faire confiance et ils en font l’un des leurs ; soit ils le tuent, condamnant automatiquement
un des œufs à donner naissance à un abzoul mort-né. Les abzoulim sont trop sacrés pour être abandonnés au
hasard des desseins d’un inconnu.

Un clan à l’esprit ouvert


Cette répartition entre deux terres, deux cultures, et anciennement deux religions, en fait le clan à l’esprit
le plus ouvert aux autres de Kh’saaba, le plus apte à accueillir des étrangers, même de foi différente, en leur
sein (sans aller jusqu’à leur confier un œuf d’abzoul). L’histoire de Khalil et des Ungaras a prouvé que la force
et la sagesse ne sont pas affaire de religion.
La princesse Zaïna Bint Khalil Abd-Al-Salif qui commande la VIIIème légion de Carrassine est fille d’une
Walad Badiya qui lui enseigna tout ce qu’elle savait du métier des armes. Elle a su gagner l’admiration de
nombre de Walad Badiya par sa force, son courage et sa témérité. Ceux-là vinrent la servir à Carrassine.
Lorsqu’elle renonça à sa religion pour embrasser la foi shirade, leur admiration ne changea pas et ils conti-
nuèrent à la servir – jusqu’à ce jour – même s’ils espèrent qu’elle reviendra aux croyances de ses ancêtres.
Khalil lui-même n’a-t-il pas douté ?

Personnalités lature. Têtue et autoritaire, elle a décidé de rejoindre


• Princesse Tegest Bint Khalil Abd-Al-Salif
Jergath-la-Grande et sa famille proche de la noblesse
Descendante de Khalil et de la Tegest dont elle locale pour découvrir la terre de ses autres ancêtres.
porte le nom, arrière-petite-nièce d’Hakim Ibn Kha- Si sa beauté étrange a séduit plusieurs jeunes nobles
lil Abd-Al-Salif, la princesse Tegest Bint Khalil Abd- saabi, Tegest s’est vite ennuyée dans les soirées et elle
Al-Salif a été élevée en Al Fariq’n. Walad Badiya, c’est court désormais les rues et s’entraîne en compagnie
une adolescente à la peau noire déjà rompue aux arts de quelques fils d’Aziz et de son abzoul.
du combat, et son corps en a la souplesse et la muscu-

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Peuples et sociétés

va ainsi leur force et leur volonté. Ces brigands sans foi


ni loi se nommaient Tufiq, Mustafah et Mimoun.
Nul ne sait ce qu’il se dit lors de cet entretien
avec le Prophète. Pourtant, nos voleurs impitoyables
décidèrent de suivre les préceptes les plus durs de la
parole d’Houbal et de les répandre dans le monde
entier. C’est ainsi que naquit la tribu du chacal, de la
vipère cornue et du karacal, qui vit au dans le désert
et prône le retour à une vie de nomades en combat-
tant toutes les tentations terrestres. Les Tarekides se
battent d’ailleurs avec férocité contre la dépravation et
la décadence des Salifah, en employant certaines fois
les mêmes armes qu’eux (notamment le sexe).

Le drame des origines, deux his-


• Dawaq Ibn Khalil Abd-Al-Salif
toires différentes
Le plus grand cuisinier de tous les temps, c’est ainsi
Assez rapidement, les trois fondateurs se rappro-
que le chantent les poètes de la cour royale. Dawaq est
chèrent. Tandis que leurs clans se construisaient et
un ancien guerrier alfariqani qui a rejoint Jazîrat par
prospéraient, les liens qui unissaient le duo fraternel,
goût de l’aventure. Sa rencontre avec la cuisine locale
Tufiq et Mustafah, à la belle Mimoun se renforcèrent.
fut une vraie surprise pour lui et il se consacra à sont
Jusqu’à quel point, telle est la question. Des réponses,
art comme certains deviennent poètes ou peintres.
il en existe deux  : celle, bien ancrée dans l’histoire
Lorsqu’il est devenu le chef des cuisines royales,
saabi, que prônent les Tarekides « originels », les Ibn
beaucoup ont soupçonné Dawaq de vouloir empoi-
Tufiq et les Bint Mimoun, et celle que prône, depuis
sonner le roi. Depuis il goûte tous les plats qui sortent
peu, le jeune clan des Ibn Mammûd.
de ses cuisines, pour s’assurer de leur qualité, mais
Depuis des centaines d’années, l’histoire offi-
aussi prouver qu’aucun d’entre eux n’est empoisonné.
cielle raconte que les liens entre les trois fondateurs
ont toujours été de nature amicale, fondés sur un res-
Les Tarekides pect mutuel et une volonté de coopération solide,
entièrement centrée sur les objectifs de la tribu incul-
qués par Tarek. C’est lors d’une telle alliance, suite à la
traque d’un redoutable afreet qui dura plusieurs lunes,
La légende qu’advint la mort tragique de Mustafah. Pour Tufiq et
Tarek, le père des Tarekides, était l’un des trois Mimoun, cet événement révéla leur faillibilité, hon-
Prophètes qui permirent à Houbal de s’incarner et de teuse et inadmissible en rapport des valeurs qu’ils
construire Jergath-la-Grande. Lorsqu’il fut chargé de prônaient et de l’exemple qu’ils devaient donner. Ils
répandre la parole du Dieu Suprême, il décida de le devraient désormais être irréprochables en toutes cir-
faire en s’appuyant sur des hommes et des femmes au constances, car c’était là le seul moyen d’assurer l’inté-
caractère impitoyable. Tarek choisit ainsi de prendre grité et la noblesse de la tribu tarekide.
pour disciples d’anciens pillards du désert profond de Cette histoire est cependant remise en cause par
Jazîrat et de les convertir. Ces derniers formeront plus les Ibn Mammûd, qui affirment qu’il existait bien une
tard les clans que l’on connaît aujourd’hui. Il parla du- liaison secrète entre Mustafah et Mimoun. Afin de
rant neuf jours et neuf nuits avec eux dans le désert le ne pas fâcher Tufiq, de nature violente et dominante,
plus froid la nuit, et le plus brûlant la journée. Il éprou- Mimoun avait affirmé à ce dernier qu’il était préférable

173
chapitre euterpe

que seule l’amitié unisse les trois fondateurs. Cela ne ment. Afin d’épargner le nourrisson de la colère de Tu-
dura cependant que quelques mois, jusqu’à ce que la fiq, elle le confia à une raiss qui lui était proche et brûla
jeune femme tombe enceinte. Bien qu’elle put cacher un petit animal pour faire croire à la mort de l’enfant.
son état en prétextant une maladie, une servante finit Lorsque Tufiq rejoint Mimoun au petit matin, ils
par trahir le secret par maladresse. Tufiq tenta de faire décidèrent de passer un pacte sacré. En effet, Mimoun
cracher la vérité à son frère et, dans sa colère, lui prit la avait fauté en dehors des liens du mariage tandis que,
vie. Il resta prostré la nuit durant sans sa mukhayyam, de son côté, Tufiq avait tué un chef apprécié et res-
tandis qu’ailleurs, on apprenait la mort de Mustafah à pecté. Afin d’assurer l’avenir de leur clan et leur propre
Mimoun. Sous le choc, celle-ci accoucha prématuré- sécurité, il ne fallait jamais plus que cela se reproduise.

Dialectes sacrés
Traditionalistes à l’extrême, souvent opposés aux divers progrès et évolutions sociales, techniques et éco-
nomiques, les Tarekides sont des chantres des usages anciens. Cela se ressent fortement dans leur façon de
parler. Ils utilisent un dialecte qui leur est propre, et qui est probablement ce que l’on a de plus proche de la
langue jazîrati du temps des Prophètes. S’ils peuvent communiquer avec les Saabi et les Jazîrati en général,
il y a des termes propres aux traditions anciennes qu’ils n’ont pas remplacés par les termes modernes. Pas
question pour eux d’appeler leur mukhayyam ancestrale une « tente ».

Voici quelques mots couramment employés par les Tarekides :


Â’ila : groupement de familles nomades tarekides. Constitue une entité politique et religieuse à part entière.
Awwal-Malhud : nom propre, et sacré, désignant l’amir d’une â’ila.
Kitâba Nâder : nom propre, et sacré, désignant la magie créée par Mimoun.
Mukhayyam : tente traditionnelle des Tarekides.
Sabîl : territoire appartenant à un regroupement de familles tarekides.
Taalli’ : apprenti Mudjahid ou kahini.
Ta’awun : pénitent, volontaire ou sous prescription des kahini, qui se soumet durant une période donnée
à des travaux sans noblesse.

Un pacte écrit dans le sang Le clan Ibn Tufiq Abd-


Mimoun recueillit donc le sang à demi séché de
Mustafah (sur les griffes de l’afreet ou sur l’arme de Al-Tarek, les chacals du
Tufiq, selon la version de l’histoire) et en fit une sorte désert
d’encre avec son propre sang et celui de Tufiq. Elle
l’utilisa pour écrire le pacte qui devait décider du sort
des clans pour les siècles à venir. Dans ce pacte, elle Histoire
relata tout ce qu’il s’était passé, et tout ce qu’ils s’enga- Tufiq et Mustafah étaient des brigands notoires qui
geaient à ne pas faire. Elle affirma que si l’un d’entre écumaient avec une bande de voleurs les villages en
eux rompait ce contrat, l’autre le saurait immédiate- bordure du désert de Feu et qui se réfugiaient ensuite
ment et celui qui trahirait le pacte mourrait dans les dans des grottes situées dans le désert profond après
sept jours qui suivraient dans d’atroces souffrances. avoir commis leurs larcins.

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Peuples et sociétés

Du jour où son frère disparut tragiquement, Tu- rale ses ressources naturelles. Il prendra
fiq redoubla d’ardeur dans la quête sacrée que lui soin du fragile écosystème (en limitant
avait confiée Tarek. Il exterminait avec sauvagerie les périodes de campement dans les
tous les ennemis de sa religion. Très rapidement, oasis les plus fragiles), et devra assu-
son clan devint craint par tout un chacun, et cela, rer également sa sécurité et traquer
bien au-delà des limites de Jazîrat. tous ceux qui tenteraient de braconner
dessus, par exemple. L’Awwal-Mal-
Organisation hud devra également déloger les
À l’image de l’ensemble des Tarekides, nomades étrangers qui tenteraient
les fils de Tufiq sont basés sur une struc- de s’installer sur le sabîl.
ture très hiérarchisée et relativement
rigide. Pour connaître l’organisation Le premier cercle, les
de l’â’ila du clan, il suffit d’observer cheikhs  : les puînés de Tufiq
les positions des mukhayyami. La et de ses enfants ont moins
forme générale reprend de droits que les aînés, mais
celle de la coquille d’un jouissent cependant d’un
escargot, dont le centre certain nombre de privi-
est toujours constitué par lèges, tels que la possibi-
la mukhayyam de l’Awwal- lité d’intégrer les castes
Malhud. supérieures, d’être ser-
vis par les ta’awun et les
La mukhayyam de l’Awwal- taalli’ (cf. ci-dessous).
Malhud  : l’élément central La tente des cheikhs et
de l’organisation de ce de leurs familles est si-
clan est l’Awwal- tuée autour de celle de
Malhud, un amir l’Awwal-Malhud.
héritier en ligne
directe des aînés Le deuxième cercle,
de Tufiq lui- les kahini et les Mu-
même. Selon djahidin :
les kahini, Tu- • Les kahini sont les gar-
fiq eut vingt- diens de la foi, des docteurs
sept enfants, en religion et des chefs
quatorze garçons spirituels écoutés. Dans
et treize filles. Ses fils les â’ila, ils ont l’autorité
ont eu également à leur tour suprême après l’Awwal-
des enfants. Les aînés, que l’on Malhud et Rahal Ibn Tufiq
nomme les Awwal-Malhud, les Premiers-nés, auront Abd-Al-Tarek, le chef de la tribu. Ils se rassemblent
ensuite d’autres enfants, dont les aînés auront égale- une fois par mois chez un kahini différent et le der-
ment les droits d’un amir Awwal-Malhud. Celui-ci nier mois de l’année, ils se retrouvent dans l’oasis
dispose du droit de fonder son â’ila et d’exploiter le Nabiy. Ils sont protégés par quelques Mudjahidin.
sabîl. Le sabîl est un bout de désert sur lequel le clan a Par ailleurs, les kahini Tarekides jouissent d’une telle
le droit de dresser son campement, de chasser le gibier, réputation de sagesse religieuse, qu’ils sont fréquem-
de cultiver la terre et d’exploiter d’une manière géné- ment consultés par les autres tribus pour discuter

175
chapitre euterpe

de questions religieuses complexes. Les Hassanides se font engager comme mercenaires dans l’ensemble
eux-mêmes n’hésitent pas à les solliciter. Bien que les du monde connu et au-delà, menant à leur façon
gardiens de la foi refusent tout salaire, ils acceptent les une croisade rédemptrice contre la corruption qui
dons faits aux temples, ainsi que les cadeaux « utiles » gangrène les sociétés modernes. Les guerriers saints
(animaux, nourriture, esclaves…). Ce sont eux éga- sont intransigeants avec le message de Tarek et s’es-
lement qui arbitrent les problèmes religieux les plus criment à le faire respecter par tous. Certains d’entre
épineux, notamment avec les Vierges de Papier qui eux mènent la Califah al Sahla’, la Caravane de la
peuvent être amenées à se retrouver dans des situa- Purification. D’autre part, les Mudjahidin pratiquent
tions délicates. souvent la confiscation des biens des personnes
• Les Mudjahidin : l’élite guerrière est majoritai- ayant contrevenu aux règles religieuses. Ils sont aidés
rement partie en Occident mener la Quête Sainte. dans la plupart de leurs tâches par les taalli’ qui sou-
D’autres, tels des pèlerins en quête de vérités divines, haitent entrer dans cette caste.

Clan, â’ila, et sabîl


Le clan est constitué d’un certain nombre d’â’ila (autant que d’amir Awwal-Malhud). Un â’ila peut regrou-
per plusieurs familles, dont celle de l’Awwal-Malhud. Assez récemment, les kahini ont autorisé les cheikhs les
plus âgés d’un â’ila à reprendre un sabîl tombé en déchéance à la mort de l’amir, si ce dernier n’a pu avoir de
descendance mâle. Par ailleurs, lorsque l’Awwal-Malhud décède avant que sa descendance ne soit majeure
(quinze ans), c’est également le cheikh le plus vieux qui reprend la direction de l’â’ila jusqu’à sa majorité.

Le troisième cercle, les tababi et les taalli’ : comporter plus de cinq pièces, qui représentent les
• Les tababi : les sages d’un clan qui ont de nom- cinq épreuves décisives auxquelles les maîtres le sou-
breuses responsabilités. Ils s’occupent notamment mettront.
de certains rites de passage importants, tels que la
naissance, le passage à l’âge adulte, le mariage, le Le quatrième cercle, les bédouins et les ta’awun :
divorce, le décès, la scarification rituelle liée à cer- le quatrième cercle est composé de tous les nomades
taines étapes importantes (l’âge adulte, le premier « ordinaires », les bédouins, qui constituent le gros
enfant, le duel d’honneur). Les tababi ont un savoir du clan. Ces nomades endossent tous les métiers es-
médical assez poussé et sont souvent à même de sentiels au bon fonctionnement de la communauté.
soigner les membres d’un clan. Ils sont en quelque Ainsi, les forgerons s’occuperont des armes des chas-
sorte les suivants des kahini. seurs et des fers des chevaux ; les cultivateurs récu-
• Les taalli’ sont destinés à devenir un jour des péreront dans chacune des oasis qu’ils traverseront
Mudjahidin ou des kahini. les fruits de leur labeur ; les chasseurs ramèneront la
Cependant, même au sein de ce clan, on retrouve viande nécessaire ; les tanneurs s’occuperont de récu-
une structure très précise. Ils doivent pour parvenir à pérer les peaux pour confectionner de nouveaux ha-
devenir Mudjahid ou kahini réussir un certain nombre bits et entretenir les mukhayyami, ainsi que les affaires
d’épreuves. Chaque succès à une grande épreuve mar- des Tarekides du clan.
quera leur progression dans la hiérarchie des taalli’. On trouve aussi dans ce cercle des hommes placés
Pour distinguer le niveau d’un taalli’, on fixe géné- dans une situation particulière : les ta’awuni, « ceux
ralement une plaque de métal supplémentaire dans qui aident ». Un Tarekide doit accomplir la ta’awun
l’armure de l’apprenti. L’armure d’un taalli’ ne peut pour différentes raisons. Très souvent, ils le de-

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Peuples et sociétés

mandent eux-mêmes : on retrouve là, la volonté de ne de son adversaire. La durée pendant laquelle il est dé-
jamais faillir qui illustre la mentalité très exigeante de signé ta’awun est fixée par les tababi. Ce n’est en aucun
la tribu. Ainsi, la ta’awun peut être décrétée à plusieurs cas une situation dégradante, mais elle est bel et bien
occasions : à la suite d’une défaite lors d’un duel, le humiliante. Ce retour à l’humilité est un moyen de se
perdant demandera à pratiquer la ta’awun au service soumettre aux vérités de Houbal.

La Califah al Sahla’ ou la Caravane de la Purification


Cette gigantesque procession prend ses racines dans la quête que mena Mimoun lorsqu’elle était jeune
pour retrouver son fils — qu’elle eut avec l’un de ses nombreux amants — enlevé lors de son voyage en Nir
Manel (les Ibn Mammûd ne sont évidemment pas d’accord avec cette version de l’histoire). Avec le temps,
et les nombreuses déformations provoquées par les différents conteurs, l’histoire donna naissance à l’idée
que les Tarekides devaient se rendre en ville pour assainir le peuple corrompu. Cette procession se trans-
forma elle-même dans sa forme et dans ses motivations. Assez rapidement, la Califah se déplaça dans les
cités pour inciter les gens à se repentir, à renier leurs faux dieux, et à embrasser la vraie foi. La Califah avait la
réputation d’amener la mort là où elle passait. En parallèle, elle était une sorte d’épreuve auxquels devaient
se soumettre les taalli’, les jeunes apprentis. Elle partait de l’oasis Nabiy, pour se rendre au cœur des cités.
Durant plus de quatre-vingt-dix jours, les taalli’ devaient marcher aux côtés des Mudjahidin et des kahini qui
menaient la Califah.
Plus les années passèrent et plus la Califah grandissait en succès. Les Tarekides reçurent tellement de
demandes provenant des membres du bas peuple, qu’ils les autorisèrent à intégrer le rang des taalli’ durant
le passage de la Caravane. C’est ainsi que dans ses meilleures années, la procession fut formée de plus de six
cents hommes et femmes qui s’étaient rendus dans le désert profond, pour suivre la Califah al Sahla’.
Aujourd’hui encore, malgré la dureté du voyage, de nombreux pèlerins et apprentis sont présents. Ce-
pendant, les responsables des cités ont dû imposer aux Tarekides qui menaient cette procession d’être plus
« pacifiques » avec les habitants des villes. Du fait de leur popularité croissante, les dirigeants tarekides ont
accepté de transiger, faisant de cette Califah un événement plutôt bien perçu par l’ensemble de la population.
Cependant, les incidents ne sont pas rares, et certains extrémistes religieux (souvent rendus à moitié fous par
les conditions très pénibles de ce long voyage) n’hésitent pas à assassiner les gens qui s’écarteraient du droit
chemin (ou en tout cas de celui décidé par le fou religieux).
La Califah est l’occasion pour les Tarekides de punir tous ceux qui ont pêché, mais c’est également une
sorte de croque-mitaine pour le bas peuple, qui emploie souvent l’expression « si tu n’es pas sage, la pro-
chaine Califah t’emportera! »
Durant son passage, il n’est pas rare de voir des scènes de contrition et d’autoflagellation collective.

Personnalités Chef actuel des Tarekides, il est âgé de soixante-


• Rahal Ibn Tufiq Abd-Al-Tarek
dix ans, et dirige depuis près de 50 ans la tribu d’une
Si les clans comprennent de nombreux amirs, il main de fer. C’est une véritable force de la nature, qui
n’en est qu’un qui puisse s’asseoir à la table du roi de mesure près de deux mètres et pèse environ cent kilos.
Kh’saaba. Chef de son clan et de la tribu des Tare- Son regard bleu perçant a la réputation de vous glacer
kides, le prince Rahal Ibn Tufiq Abd-Al-Tarek a aussi le sang lorsqu’il est en colère contre vous. Il est éga-
pour fonction celle de wazir auprès du roi. lement un farouche combattant, qui jusqu’à l’âge de

177
chapitre euterpe

de Jazîrat et sont par conséquent des hommes très


puissants et très respectés. Ihul incarne la force du
guerrier, du soldat de Houbal et s’occupe de toutes
les questions séculières de la Califah (gestion des
troupes, organisation de la caravane elle-même, pro-
tection des invités…). Il s’agit d’un homme au phy-
sique très surprenant ; mesurant simplement un mètre
soixante-dix et ne pesant qu’environ soixante kilos, il
émane cependant de lui une force et une présence
physique imposantes. On dit de lui qu’il est aussi agile
que la panthère, aussi rapide que le guépard, mais aus-
si tranquille que le lion. Il a d’ailleurs une chevelure
qui évoque la crinière d’un félin.
Quant à Malawi, bien plus âgé (il est proche des
soixante-cinq ans, alors qu’Ihul n’en a que trente-
soixante ans dirigeait lui-même la Califah, alors qu’elle
deux), celui-ci incarne bien évidemment la spiritualité
n’était qu’une marche guerrière destinée à porter par
de la Califah et gère en conséquence toutes les ques-
les armes la parole de Tarek.
tions afférentes au domaine divin. Il donne les grandes
Aujourd’hui, Rahal est fatigué, et d’aucuns disent
orientations de la Caravane en début d’année, et veil-
qu’il serait temps qu’il se retire dans le désert, afin de
ler au jour le jour sur les relations avec les autres res-
laisser la place à son fils. Certains pensent même que
ponsables religieux qui sont en relation avec elle. C’est
c’est à cause de son grand âge qu’il a laissé Mammûd
lui aussi qui juge les mécréants et décide de leurs pu-
fonder son propre clan.
nitions lorsque la caravane se trouve en ville. Malawi
est un homme rusé et fanatique. Il offre cependant
• Ihul Ibn Tufiq Abd-Al-Tarek, et Malawi Ibn
une apparence chaleureuse et accueillante au premier
Tufiq Abd-Al-Tarek
abord. Ses cheveux gris, son visage buriné et ridé, lui
confèrent également une impression rassurante.

Le clan Bint Mimoun


Abd-Al-Tarek, les vipères
cornues

Histoire
Fondées dès la création des Tarekides par Mimoun
la Belle, les vipères cornues ont vu leur organisation et
leurs buts évoluer à la mort de Mimoun. En effet, en
développant un talent magique unique, que l’on nom-
mera plus tard la Kitâba Nâder, les vipères comprirent
qu’elles avaient à leur disposition une arme terrible,
Littéralement, le corps et l’esprit de la Califah al Sah- mais qui nécessiterait des aménagements profonds.
la’. Ihul est le chef des Mudjahidin et Malawi le kahini.
Ils dirigent à eux deux la plus puissante force religieuse

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Peuples et sociétés

Pour employer au mieux ce talent, elles se rendirent


compte qu’elles devraient se rendre là où il serait le
plus utile, c’est-à-dire dans les villes, et plus précisé-
ment dans les quartiers mal famés où la prostitution
est courante.

La mise en place du réseau : très tôt, les


vipères s’installèrent dans les villes, et très
tôt également elles rencontrèrent une diffi-
culté majeure dans leur plan : les quartiers
où elles souhaitaient s’installer étaient sous
la coupe de la pègre des déviants Salifah.
Contrairement à leurs frères guerriers,
les filles de Mimoun ne sont pas partisanes
de la méthode forte. Aussi décidèrent-elles
d’œuvrer discrètement et se firent passer
pour des prostituées ordinaires, en pro-
venance du désert. Ainsi progressivement,
infiltrèrent-elles les bordels des cités Jazîrati.
Conjointement, les détentrices du secret de
Mimoun fondèrent une école destinée à for-
mer les jeunes sœurs à cet art étrange qu’est la
Kitâba Nâder.

La création de l’ordre des Vierges de Pa-


pier  : reprenant en partie la structure d’un ordre
religieux, l’ordre des Vierges est gouverné depuis le
début de sa création par l’Umm Kabira, une prêtresse
ayant droit de vie et de mort sur ses « filles », qui est
toujours la descendante en ligne directe de Mimoun.
L’Umm Kabira est chargée de transmettre aux sœurs
l’Écriture Rare, et tous les autres enseignements de
Mimoun.

Organisation
L’ordre des Vierges de Papier : contrairement aux
Ibn Tufiq qui sont organisés en â’ila et vivent quasi Enfin, on retrouve plusieurs palais secrets dissémi-
exclusivement dans le désert, les Bint Mimoun vivent nés dans les cités jazîrati, dans lesquelles les mères tra-
dans les cités et sont organisées en ordres. vaillent patiemment les essences de ruh, habiles dis-
Les résidences des sœurs sont très souvent les bor- tillations des fluides corporels à des fins magiques (cf.
dels qui leur servent de lieu de travail, mais cependant, encadré La Kitâba Nâder).
les Vierges de Papier se retrouvent dans les temples de
la médina où les kahini du clan Ibn Tufiq leur offrent Umm Kabira, la Grande Mère : à l’image des Ibn
asile et protection. Tufiq, les Bint Mimoun sont dirigées par une descen-

179
chapitre euterpe

dante directe de Mimoun la fondatrice. Les Vierges qu’elle aura réussi l’épreuve imposée par le cercle des
sont cependant moins strictes concernant l’ascen- sœurs, un défi qui consiste à lire et à triompher du
dance, et peu importe qu’elle soit Awwal-Malhud Kitâb-Târîkh, le Livre-Histoire écrit par Mimoun elle-
ou cheikh, elle pourra régner sur l’ordre, du moment même sur ses derniers jours.

L’épreuve du Kitâb-Târîkh
Le Livre-Histoire est un recueil de nombreux parchemins constitué par Mimoun lorsqu’elle apprit à maî-
triser l’art de l’Écriture Rare. Elle s’essaya avec de nombreuses victimes, employant toutes leurs essences
intimes pour rédiger des textes étranges illustrant un aspect de la personnalité de la personne piégée. Avec le
temps, on dit que ces essences intimes se sont mélangées et que le puzzle formé par les milliers de bribes de
personnalités emprisonnées dans le livre a engendré une sorte de créature hybride et malsaine.
Les Umm Kabira sont capables de retirer des informations précises des personnes qui ont permis de
constituer ce livre, et ce, malgré la difficulté qu’elles rencontrent à démêler l’écheveau de pensées intimes et
obscènes de la créature. Il est arrivé à de nombreuses reprises dans le passé que des sœurs se perdent dans
le labyrinthe du Kitâb-Târîkh, éprouvant trop de plaisir à sa lecture. Les sœurs disent que l’esprit de la mal-
heureuse est en quelque sorte dissous et mélangé dans la mosaïque des aspects du livre. Aussi, les Mères en
ont-elles interdit la lecture sans une surveillance poussée par des personnes expérimentées et encore, en en
limitant son usage.
Elles en ont cependant, imaginé une épreuve qui impose à la candidate à la succession au titre d’Umm
Kabira, de lire le Kitâb-Târîkh et d’en retirer des informations précises sans être pervertie par son esprit pro-
fondément dépravant.
Ainsi depuis de nombreux siècles, les sœurs qui prétendent devenir l’Umm Kabira doivent-elles triom-
pher de sa lecture.

L’une des missions principales qui sont confiées tituée sur le territoire du clan Ibn Aziz Abd-Al-Salif.
à l’Umm Kabira est la réalisation de la quête sacrée De ce fait, elle est obligée d’employer en perma-
confiée par celle qu’elle a remplacée, qui elle-même nence des Mères (cf. ci-après) pour obtenir toujours
le tenait de sa devancière, etc., jusqu’à Mimoun elle- plus de fonds de la part de clients aisés qui, par le biais
même qui suivait ses visions obtenues lors du rite du de manipulations magiques, sont amenés à faire des
Mukhabbat (le voyage, seul, à travers le désert pour dons à l’ordre.
rejoindre l’oasis sacrée de Nabiy). D’un point de vue extérieur, l’ordre n’existe pas aux
Pour parvenir à sa conclusion, elle dispose d’une yeux des gens ; les Vierges sont considérées comme
vision d’ensemble des événements nécessaires, que des prostituées de luxe, jouissant d’une bonne répu-
l’on nomme le tableau de la Sahla’ (la Purification), tation.
et dispose de ses acolytes telle une joueuse d’échecs. Cependant, au niveau des dirigeants du crime orga-
En effet, si à l’image des fils de Tufiq, l’Umm Kabira nisé Ibn Aziz, la réalité est perçue bien différemment.
souhaite purifier la société, les moyens mis en œuvre En effet, ces derniers savent bien qu’une organisation
diffèrent fortement de ceux de ses cousins. existe, et devinent derrière les Vierges des plans com-
La principale difficulté que rencontre l’Umm Kabi- plexes. Par ailleurs, l’existence des Frères de l’ordre (cf.
ra est la concurrence féroce que lui tiennent les chefs plus loin), qui sont les gardes du corps des Vierges,
de la pègre, et la fortune qu’elle est obligée de dépen- prouve que l’ordre dispose de moyens considérables.
ser pour obtenir le droit d’exercer le métier de pros- En général, les maquereaux chapeautent une demi-

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Peuples et sociétés

douzaine de prostituées, alors que les Vierges sont La plupart du temps, les Mères travaillent en soli-
toutes protégées par leur propre garde du corps. Aussi, taire, confectionnant des mélanges d’essences de ruh
les dirigeants ne sont pas dupes et tentent régulière- les plus complexes qui soient, en vue d’élaborer des
ment d’enlever des Vierges pour obtenir plus d’infor- charmes puissants ou en réalisant des portraits les plus
mations sur les motivations réelles de l’ordre. détaillés possible. Cependant, il arrive que les travaux
Les différentes Umm Kabira, conscientes de ce qu’elles effectuent intéressent l’Umm Kabira pour la
danger, ont formé les Frères à prévenir ces tentatives, quête confiée par Mimoun à ses filles. Cette quête, qui
quitte à ce qu’ils y laissent la vie. Et comme cela ne peut se résumer par la destruction de la civilisation
suffisait pas à assurer la sécurité de l’ordre, elles ont corrompue, afin de nettoyer l’âme des pauvres hères
également entraîné les Vierges à se donner la mort en de toute perversion et toute tentation, nécessite de la
cas d’enlèvement. part de l’Umm Kabira toute sa vigilance et toute sa
subtilité – les chefs de la pègre salifah sont en effet de
Les Mères  : elles sont des Sœurs expérimentées redoutables ennemis qui ne se laissent pas faire.
qui maîtrisent parfaitement l’art de la Kitâba Nâder et Les Mères emploient leurs œuvres magiques pour
celui de l’Abat Ittijah. Mais au-delà de ces deux aspects manipuler des personnes précises afin de provoquer
fondamentaux, elles ont su démontrer qu’elles avaient crises et révoltes dans le bas peuple. Elles n’ont cepen-
le talent nécessaire pour confectionner des parche- dant pas une vision d’ensemble et travaillent donc sur
mins à partir d’essences de ruh d’origines variées. des éléments isolés sans savoir quelles peuvent être les
conséquences à plus grande échelle et sur le long terme.

La Kitâba Nâder
En concluant le Pacte de sang avec Tufiq, Mimoun découvrit par hasard les bases de la future Kitâba Na-
der : elle créa en effet pour la première fois des essences de ruh, à partir du sang des deux frères et du sien. À
force de recherches, elle découvrit que cette magie existait depuis des éons en Orient. Ainsi Mimoun voya-
gea-t-elle jusqu’en Nir Manel, à Naratmajah, et devint-elle la maîtresse de l’héritier du Maharadja, le prince
Sobir, afin de le séduire. Mais on dit que ce dernier la prit à son propre jeu. Après neuf nuits d’orgasmes si
forts qu’elle ne pouvait se relever le matin, le prince lui révéla le secret de son talent. La première nuit, il
avait volé ses fluides corporels et en avait fait un parfum enchanté par lequel il devenait maître de toutes les
émotions, tous les sentiments de la jeune femme. Ayant reconnu en elle son égal, le prince Sobir enseigna à
Mimoun l’art de la distillation des essences de ruh.
À la fin de son voyage, Mimoun revint en Jazîrat et s’enferma dix lunes durant dans un harem composé
des vingt amants les plus beaux et les plus athlétiques qu’elle put trouver. Elle entreprit alors de créer sa
propre version de cette magie venue de Nir Manel. Ainsi naquit la Kitâba Nâder, l’Écriture Rare.
Celle-ci consiste à utiliser des essences de ruh (issues de divers fluides corporels) sur des parchemins
comme lors du Pacte avec Tufiq, afin de charmer et manipuler magiquement autrui. Les effets sont plus
efficaces si les essences de ruh proviennent de la personne visée, autrement il suffit qu’elles aient pour ori-
gine une personne du même sexe. Cet art permet également de créer des œuvres littéraires et picturales de
meilleure qualité, la magie les rendant en quelque sorte plus agréables à l’œil. Les règles pour pratiquer la
Kitâba Nader sont développées p. 125 du Livre d’Al Rawi.

181
chapitre euterpe

Les Sœurs : ce sont des Vierges de Papier qui ont En plus d’être des adeptes émérites de l’art de
fini leur noviciat et qui ont acquis leur savoir-faire dans l’Écriture Rare, elles sont également des spécialistes
les bordels salifah les plus dangereux où elles ont su de l’Abat Ittijah.
triompher de nombreux périls. Ce sont elles qui ras- Les Sœurs peuvent également être amenées à cou-
semblent toutes les fioles contenant le ruh des amants cher avec des amants précis pour obtenir des essences
des jeunes filles du Tawl (l’Essaim) pour les distiller, de ruh nécessaires à la confection d’encres rares, ou
les classer et les employer éventuellement pour rédiger pour compléter le ruh d’une personne déterminée.
les parchemins de la Kitâba Nâder.

Abat Ittijah
Ou « Amour des Sens », est une méthode mise au point au fil des siècles par les Vierges de Papier qui leur
permet de provoquer l’orgasme le plus puissant chez leurs amants. L’Abat est également un entraînement
physique permettant aux Vierges de Papier de stimuler les sens de la manière la plus étendue possible, tout
en gardant soi-même contrôle de son corps. L’un des adages des Vierges de Papier est : « Donne autant de
plaisir que tu peux en absorber sans lever un cil ». Grâce à ce conditionnement, il leur est possible d’assouplir
au maximum leur hymen, et de rester techniquement encore vierge, d’où le nom de leur secte. Par ailleurs,
l’Abat Ittijah leur offre une protection mentale contre le plaisir emphatique qu’elles pourraient ressentir spon-
tanément. Elles restent ainsi mentalement vierges de toutes tentations.
Cela provoque cependant un antagonisme fort, qui conduit les jeunes Vierges de Papier à éprouver un cer-
tain malaise, ce qui a amené les Mères à suivre de très près toutes les Sœurs qui devaient exercer l’art de l’Abat.
Par ailleurs, elles sont régulièrement reçues en confession par les kahini de la médina.

Le Tawl, l’Essaim des Vierges  : il est constitué envoient régulièrement en confession auprès des kahi-
de jeunes filles qui deviendront des Vierges de Papier ni de la médina, au moins une fois par an. Les kahini
à part entière après avoir exercé les deux principaux les auscultent au plus profond de leur âme afin de dé-
aspects de la profession (la récolte des essences de tecter toutes les failles qui n’auraient pas été décelées
ruh nécessaires à la Kitâba Nâder et la pratique de par les Sœurs. Ces séances sont toujours une épreuve
l’Abat Ittijah). Pour devenir des Vierges, elles devront pour les jeunes novices qui craignent d’être purement
donc s’exercer dans les bordels et les maisons closes et simplement écartées de l’ordre.
des quartiers chauds des villes. Cependant, comme
il s’agit d’un métier dangereux, et que les novices Les Frères de l’ordre  : ce sont tous les hommes
sont souvent totalement inexpérimentées (elles ne du clan Bint Mimoun qui sont restés fidèles à l’esprit
connaissent pas l’amour physique, si ce n’est par le de la fondatrice. Ces hommes se font guerriers et plus
biais de l’apprentissage très théorique dispensé par les précisément gardes du corps des novices de l’essaim
Sœurs de l’ordre ; elles n’ont pas l’habitude de récolter et des Sœurs. Les novices disposent de la protection
les essences de ruh durant l’acte sexuel ; et bien sou- permanente d’un Frère de l’ordre. Ceux-ci sont sou-
vent, elles ne sont pas habituées à tous les dangers du vent de très bons combattants, rompus à toutes les
milieu de la prostitution), elles bénéficient de la pro- formes de combat urbain et experts à prévenir les inci-
tection des Frères de l’ordre. dents avec les clients indélicats. Par ailleurs, les Frères
Pour finir, et afin de vérifier si l’épreuve du noviciat sont des hommes totalement dévoués à la parole de
n’est pas trop éprouvante pour leur foi, les Sœurs les Tarek et de sa descendante, Mimoun. Par conséquent,

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Peuples et sociétés

ils sont capables de mourir pour les novices dont ils longtemps que l’actuelle Umm Kabira, Aila. En réa-
ont la protection. Une autre raison à leur indéfectible lité, il est son mari depuis vingt ans, et bien qu’il soit
loyauté est qu’ils sont promis à la jeune novice dont plus jeune (il a maintenant près de soixante-dix ans),
ils ont la garde ; le droit de se marier avec elles ne leur ils forment un couple exemplaire. Ahmel règne sur
sera donné qu’à la fin de leur noviciat. Avant cela, au- les Frères de l’ordre avec bienveillance et continue à
cune relation amoureuse ou sexuelle n’est permise. exercer sa fonction première, qui est de protéger une
Par la suite, les Sœurs vivent avec le Frère qui leur sœur, l’Umm Kabira en l’occurrence, avec toujours
était promis durant tout le restant de leur vie. autant d’assiduité et de vigilance. Bien que souvent à
proximité de sa femme, Ahmel Ikiba est également as-
Les waladi  : ce sont les servantes des Vierges de sez souvent sur le terrain, c’est-à-dire dans les bordels
Papier, qui les assistent dans le travail de tous les jours. et maisons closes où exercent les Sœurs. Cela lui per-
Elles ne sont pas déconsidérées pour autant. Les rela- met de ressentir l’ambiance de ces établissements et
tions entre les Vierges et les waladi sont subtiles, faites de percevoir les troubles éventuels. Dernièrement, il
d’un respect mutuel et d’une dépendance réciproque. a perçu quelques difficultés liées aux agissements des
La waladi travaille à la mission sacrée du clan, et en prêcheurs mutlaqi (cf. ci-après), mais également parmi
retour, elle est nourrie, soignée, habillée et équipée de les membres de la pègre.
façon à pouvoir accomplir sa tâche.

Personnalités Le clan Ibn Mammûd


• Aila Bint Mimoun Abd-Al-Tarek Abd-Al-Tarek, les rats du
Aila est l’Umm Kabira des Bint Mimoun. Elle a
atteint l’âge canonique de quatre-vingt-dix-neuf ans désert
il y a peu, battant son ancêtre, Mimoun la Belle. On
la surnomme la Dame Grise, car ses cheveux ont tou- Histoire
jours eu la teinte de la cendre. Elle tient son surnom
De Mustafah à Mammûd
également de sa grande sagesse et de son incroyable
Ce troisième clan trouve ses origines avec Musta-
sagacité qui firent d’elle une excellente conseillère,
fah, le frère jumeau de Tufiq. D’après l’histoire telle
l’éminence grise de plusieurs Umm Kabira dans le
que contée par les Ibn Mammûd, Mustafah eut un en-
passé. Elle a repris le flambeau lorsqu’elle atteint son
fant avec Mimoun, peu de temps avant d’être tué par
soixantième anniversaire et, depuis lors, elle dirige
son propre frère. Cet enfant fut confié à une raiss et à
l’ordre des Vierges de Papier avec beaucoup d’habile-
des tababi fidèles à Mimoun afin d’être élevé, pour sa
té. Cependant, ces derniers temps, cette grande dame
propre sécurité, loin des Tarekides. Il grandit sans savoir
rencontre quelques difficultés liées à la renaissance
quelles étaient ses origines, jusqu’au jour où il reçut la
du troisième clan de la tribu tarekide et de tous les
visite d’une jeune femme belle et triste qui lui apprit que
remous que cela provoque.
son père et sa mère avaient été tués par des barbares. Se
L’Umm Kabira loge dans un palais secret enfoui
qualifiant d’amie de ses parents, elle lui expliqua avoir
dans l’une des villes du sud de Jazîrat, mais la rumeur
décidé de le faire élever par des tababi. Adulte, il tomba
dit qu’elle se déplace souvent, malgré son grand âge,
amoureux de l’une des filles des tababi qui l’avaient
afin d’éviter les problèmes avec les agents salifah.
élevé, et avec elle, il fonda sa famille. C’est ainsi que la
descendance de Mustafah et Mimoun prospéra. Pen-
• Ahmel Ikiba Ibn Mimoun Abd-Al-Tarek, dit
dant plusieurs générations, les Umm Kabira eurent la
le Pilier
responsabilité de surveiller cette famille. La lecture du
Le maître des Frères, Ahmel Ikiba, est une force
Kitâb-Târîk leur avait en effet révélé la vérité et elles fai-
de la nature qui occupe le poste depuis presque aussi

183
chapitre euterpe

saient tout, depuis, pour que jamais personne ne puisse d’ordre psychologique : tous ceux qui l’avaient connu
découvrir les origines cachées de Mustafah. Pourtant, un trouvaient qu’il avait profondément changé, il sem-
jour, l’un des descendants échappa à leur vigilance. Il blait exalté et habité.
s’agissait de Mammûd, un jeune homme d’une Il parla avec de nombreux Tare-
vingtaine d’années, dernier et seul kides, bien que des Vierges
héritier de la famille. Il avait dis- de Papier tentèrent de l’en
paru dans le désert de Feu, c’était empêcher (suivant en cela
il y a cinq ans. les instructions de l’Umm
Kabira, sans savoir précisé-
La révélation de Mammûd ment pourquoi). Mais elles
Le jeune Mammûd avait très n’arrivèrent pas à le retenir,
tôt fait des rêves étranges, qui le et de nombreux nomades
menaient toujours dans le désert. écoutèrent ce qu’il avait
Ainsi un jour, il décida de fran- à dire. Son discours était
chir le pas. Déjouant la surveil- plaisant, convaincant et
lance des Bint Mimoun, il se exaltant. Par ailleurs,
rendit seul et à pied dans ce dé- il semblait sous-en-
sert (ce qui était pour le moins tendre que les dirigeants des
suicidaire). Il marcha durant de clans se fourvoyaient et que
nombreuses journées sans boire Houbal lui-même était mé-
ni manger et arriva agonisant à content de leurs agissements.
l’oasis Nabiy. Il se mit à méditer Son comportement
et eut quatre révélations. La pre- exemplaire incita d’autres
mière concernait ses origines. Tarekides à l’écouter plus
La seconde consistait en la vé- attentivement, voire pour
rité sur la mort de son père et certains à se laisser gagner
sur son meurtrier. La troisième par ses prêches. Petit à pe-
lui permit de découvrir quel tit, Mammûd trouva des
était le destin qui attendait les oreilles attentives, puis des
Tarekides s’ils continuaient alliés, et enfin des partisans
sur cette voie. Il apprit égale- acharnés. L’Awwal-Malhud
ment de cette révélation ce qui régnait sur l’â’ila où se
qu’il devait faire pour sau- passaient ces événements,
ver les Tarekides. Nul ne sut dut tenir compte de cet en-
ce qu’il apprit de la quatrième gouement rapide et décida, en
révélation. accord avec les autres Awwal-
Malhud du clan et les kahini, de
La (re)naissance du troisième chasser cet intrus.
clan tarekide Comme cela était prévisible, plu-
Lorsque Mammûd revint du désert, sieurs Tarekides décidèrent de suivre
il n’était plus le même. Le premier Mammûd. L’Awwal-Malhud resta ferme et
changement était d’ordre physique  : ses les condamna également à l’exil permanent,
yeux étaient voilés, il semblait être aveugle et pour- ainsi qu’à la confiscation de leurs biens.
tant voyait parfaitement. Le second changement était Cela stoppa l’hémorragie, mais ne découragea pas

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Peuples et sociétés

La Sunnah de Mammûd
Après son voyage dans le désert, Mammûd n’était plus le même. Sa vision du monde avait changé de façon
radicale. Houbal lui était apparu et lui avait révélé des vérités qu’il se devait de répandre sur Jazîrat. Compo-
sée de soixante-dix-sept hadiths, aussi appelés commandements divins, la Sunnah ne connaît pas encore de
forme écrite, mais les proches de Mammûd s’efforcent de la consigner au fil du temps.
Les hadiths les plus connus, ceux qui guident avec le plus de fermeté les disciples de Mammûd, sont aussi
ceux qui posent le plus de problèmes à l’ordre établi de Kh’saaba.
Hadith premier : Le véritable Tufiq, béni soit son nom, est mort au côté des trois Prophètes au village de Kfar
Nahum. Celui qui vécut sous son nom véritable était un djinn malfaisant qui n’avait d’autre but que de plonger
Kh’saaba dans mille siècles de ténèbres.
Hadith vingt-troisième : Les dieux savent nous tromper, car certains sont des diables. Tu ne vénéreras d’autre
dieu que Houbal le très saint, le miséricordieux, et mettras fin à l’idolâtrie fourbe entretenue par les kahini envers les
démons qui se font passer pour des dieux.
Hadith quarante-septième : Par la mort seule peut prendre fin le pire des mensonges.
Hadith soixante-treizième : Ibn Tufiq, Ibn Aziz, Ibn Khalil, trois noms portés par le mensonge, trois peuples
trahis par leurs pères qui, au nom de dieux faux, fourvoient la Vérité du seul dieu.
Hadith soixante-quinzième : Aux rois de la cité de Houbal tu prêteras allégeance et offriras ta vie afin que leurs
yeux ne voient plus que le véritable dieu.

Glissant violemment vers un monothéisme hérétique, les Ibn Mammûd pourraient bien connaître un
jour un sort similaire aux Shiradim de jadis. Cependant, plutôt que d’aspirer simplement au droit d’exister,
ceux-ci espèrent imposer les soixante-dix-sept vérités qui sont les leurs. Ce dessein passe par l’anéantisse-
ment du clan Ibn Tufiq et l’épuration de ceux qui se sont le plus éloignés du culte de Houbal : les Ibn Aziz et
les Ibn Khalil. Ainsi, les représentants de ces trois clans sont-ils les plus touchés par les actions véhémentes
des Ibn Mammûd. Curieusement, ce nouveau clan a reçu du roi et des grands kahini de Jergath l’accès à la
noblesse. S’il ne veut qu’une guerre ouverte ne secoue son royaume, le roi entend cependant rendre aux
descendants de Mustafah la place qui leur a été offerte, jadis, par Houbal.
Dans les faits, les hommes du clan de Mammûd usent plus de ruse et de politique que de violence pour
imposer leur culte rigoriste. Mais il est de plus en plus fréquent de les voir punir en place publique le chame-
lier qui a sacrifié à Arsu ou la femme qui a sacrifié à Shadrafa pour que son enfant malade guérisse. De plus,
on rapporte chaque semaine que des rencontres entre caravanes Ibn Tufiq et Ibn Mammûd se sont soldées
par un affrontement terrible, ne laissant que mort et désolation.
Nombreux, au sein du pouvoir politique, sont ceux qui s’inquiètent de l’émergence de ce clan virulent.
Encore plus nombreux sont ceux qui reprochent au roi de laisser cela advenir…

pour autant ceux qui avaient décidé de se joindre à Mammûd. Ceux qui prirent pour animal fétiche le rat
Mammûd. On appela ces hommes et femmes qui du désert (qui symbolisait l’intelligence et la sagesse
suivirent les rebelles, les mutlaqi. Ils formèrent avec dans la culture tarekide) s’installèrent en plein désert
Mammûd la base du futur clan tarekide. profond. Mammûd obligea tous ses partisans à passer
Au fil du temps, des nomades sans noblesse, mais le rite de Mukhabbat (le voyage dans le désert en di-
également certains Tarekides rejoignirent le clan de rection de l’oasis Nabiy, sans boire ni manger).

185
chapitre euterpe

Après avoir satisfait aux exigences de ce rite, Mammûd commencent à critiquer ouvertement les actes et les
les envoya seul ou en petit groupe se répandre sur Jazîrat propos des kahini Ibn Tufiq, cela risque de semer le
afin de planter les graines de la sédition un peu partout. doute dans l’esprit des gens et même de remettre en
question l’action de la Califah al Sahla’. Il est vrai que
Organisation ces inquiétudes sont fondées, puisque l’on voit chaque
Mammûd : Mammûd est bien évidemment le pilier année un peu plus de Jazîrati à l’écoute des prêches des
central de l’organisation du clan. Il se fait entourer de mutlaqi. Certains écoutent plus par rancœur envers les
sept femmes et sept hommes, qui forment sa garde kahini traditionnels, qui ont pu les punir par le passé,
d’honneur. Ces derniers furent les premiers à passer le ou par désir de rupture avec un ordre établi qui ne les
rite. Grâce à cette protection rapprochée, Mammûd a satisfait plus. Cependant, une bonne partie de ceux qui
pu survivre à plusieurs tentatives de meurtre fomen- dressent l’oreille aux prêches le fait simplement parce
tées par les fils de Tufiq, qui veulent en finir avec la ré- que certaines personnes pensent que Mammûd a tout
bellion. Cela ne décourage pas pour autant Mammûd, simplement raison et que les kahini se sont égarés.
bien au contraire, car ce dernier s’en sert pour haran-
guer encore un peu plus ses partisans, en démontrant Personnalités
que ces tentatives prouvent que sa parole est juste. • Mammûd Ibn Mustafah Abd-Al-Tarek, le chef
Récemment, des filles de Mimoun ont quitté leur des rats du Désert
tribu pour intégrer celle de Mammûd. Mammûd a tout du port impressionnant des guer-
riers saints. Il a cependant acquis de ses pérégrinations
La Garde d’Honneur : les premiers mutlaqi qui ont un regard bleu laiteux, qui semble vous transpercer
suivi Mammûd lors de son exil sont des fanatiques de l’âme. C’est un combattant hors pair, qui maîtrise
la première heure. Non seulement ils sont des guer- parfaitement les armes blanches, dont le khanjar.
riers farouches, des extrémistes prêts à risquer leurs Toujours sobrement vêtu de noir, équipé de grandes
vies pour Mammûd, mais en plus, en raison du rite du ceintures en argent et en cuir dans lesquelles sont glis-
Mukhabbat, ils auraient développé leurs cinq sens, et sés plusieurs khanjars, il est évident que Mammûd
pour certains, acquis quelques compétences surna- impressionne immédiatement, autant par sa prestance
turelles (telle que la vue dans le noir, une capacité à physique que par son grand calme apparent.
percevoir l’avenir immédiat, ou encore des réflexes ac- Mammûd a fait l’objet de plusieurs tentatives d’as-
crus…). Ce sont des combattants exceptionnels dont sassinat, mais d’aucuns affirment qu’il semble sentir le
on dit que leur vigilance ne peut être trompée. danger avant qu’il ne surgisse et que sa garde d’hon-
Ils sont écoutés et craints par tous. neur veille.
On peut le retrouver dans sa mukhayyam avec ses
Les fidèles de Mammûd : de plus en plus nombreux, sept femmes, qui sont toutes des expertes en combat
les fidèles de Mammûd ont pour mission principale de à mains nues.
sillonner le royaume afin de prêcher au nom d’Hou- Il lui arrive souvent de se rendre dans le désert, seul,
bal et de mettre en avant la vision de Mammûd. Il leur pour méditer et écouter le murmure du vent, et ce
demande de se rendre dans les cités où se trouvent les malgré l’inquiétude de sa Garde d’Honneur.
kahini des médinas, afin de leur faire de l’ombre, mais
également aux marchés nomades où se rendent les Ibn • Raissa, « fille du Vent », Bint Mammûd Abd-
Tufiq, toujours afin de prêcher la parole de Mammûd. Al-Tarek
Les fidèles ne sont pas toujours bien perçus par la La première épouse de l’amir des rats du désert
population, car certains voient en eux une menace est une jeune femme splendide, aux yeux clairs (ce
pour la stabilité de la tribu tout entière, mais aussi pour qui a été encore renforcé par le rite du Mukhabbat),
les tribus mineures et le peuple saabi. Si des Tarekides très svelte. On la surnomme fille du Vent, en raison

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Peuples et sociétés

de sa légèreté (elle ne fait jamais de bruit quand elle Vie quotidienne


marche), mais également en raison de sa rapidité
à manier ses armes. Elle est capable d’encocher une
flèche et de tirer dans le même mouvement en moins Apparence
d’une seconde. Elle maîtrise également à merveille le Physiquement, les Shiradim sont très proches des
lancer de couteaux. Cette femme-enfant est toujours Saabi et des habitants des royaumes caravaniers, avec
très rieuse et joyeuse, hormis lorsque l’on critique lesquels ils ne formaient qu’une seule ethnie, les Jazîra-
devant elle Mammûd ou ses convictions. Durant ces ti. La grande majorité d’entre eux a la peau basanée, les
moments-là, elle peut vous égorger avec son khanjar cheveux et les yeux noirs, mais une minorité (près d’un
en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Mam- quart) révèle un teint et une chevelure plus clairs.
mûd est régulièrement obligé de la retenir de com- Les hommes portent fréquemment la barbe et ne
mettre l’irréparable. laissent guère leurs cheveux descendre en dessous du
niveau de leurs épaules, à l’exception des membres de
Les Shiradim quelques factions ashkenes. Les femmes portent les
cheveux longs et les nouent en une lourde tresse ou
les laissent libres. Les Shiradim fortunés ou particu-
Histoire lièrement attentifs à leur apparence n’hésitent pas à
arborer des coiffures plus sophistiquées.
L’histoire des Shiradim est longue et tumultueuse.
Du point de vue vestimentaire, les Shiradim ne se
Elle débute à l’aube des temps avec trois figures
différencient guère des Saabi  : ceux qui vivent dans
mythiques, les trois hommes qui guidèrent une tribu
les villes portent djellaba, saroual, thawb et qamis et
jazîrati hors du désert en lui promettant une terre ac-
se chaussent de babouches. Les femmes portent des
cueillante aperçue en rêve. Il est difficile de savoir si
robes longues, avec ou sans manches, et se drapent
cette légende possède un fond de vérité, mais l’exis-
fréquemment les cheveux d’un châle leur permettant
tence des trois tribus shirades, qui portent les noms
au besoin de se voiler le visage. Les Shiradim vivant
de ces fondateurs, tend à accréditer le mythe. Ceux
dans le désert, hommes comme femmes, portent de
qui prirent le nom de Shiradim, en l’honneur de leur
larges robes couvrantes nommées talet afin de se pro-
dieu unique, vécurent ainsi des siècles dans un terri-
téger de la morsure du soleil et ils se couvrent la tête
toire à l’est de Jazîrat. Puis ils durent le quitter pour
pour la même raison. Chaussés de sandales à la se-
des raisons floues (des récits évoquent un cataclysme
melle épaisse (qui leur permettent de ne pas se brûler
naturel, d’autres un ennemi invincible) et revinrent à
les pieds sur le sable ou d’éviter la piqûre du scorpion
Jazîrat en pleine reconquête agalanthéenne.
embusqué), ils portent fréquemment des bottes pour
À partir de là, l’histoire des Shiradim est une longue
chevaucher leurs montures.
suite de souffrances et d’espoirs déçus. Esclaves des Saa-
Peuple réservé et habitué à ne pas attirer l’atten-
bi, puis libérés par Mogda, puis à nouveau esclaves des
tion, les Shiradim portent peu de bijoux. Les femmes
Agalanthéens et enfin trahis par l’ambition de Jason, le
peuvent éventuellement posséder bracelets, bagues
peuple de Shirad supporta toutes ces épreuves avec une
et colliers faits de matériaux modestes et il n’est pas
volonté de fer et un sens de la solidarité peu commun.
rare qu’elles les réservent pour s’en parer seulement au
Enfin l’histoire récente semble se montrer clémente
sein de leur foyer. Évidemment, là encore une certaine
avec les Shiradim. La reconquête de Carrassine par
partie des Shiradim, les fortunés ou les extravagants,
Sarah Bat Caleb leur a redonné confiance, la guerre
n’hésite pas à arborer de plus riches joyaux et d’orne-
contre les Escartes leur a permis de rebâtir leur puis-
ments tape-à-l’œil à l’image des nobles saabi.
sance économique et une partie du destin futur du
Enfin, les membres des tribus shirades ont pour
Capharnaüm s’écrira sans doute en langue shirade…
habitude de recourir à quelques signes de reconnais-

187
chapitre euterpe

sance : la couleur particulière d’une étoffe, une coiffure au-delà de l’union de deux êtres, il implique souvent
spécifique ou la manière de disposer un poignard dans l’alliance de deux familles. Les mariages arrangés sont
leur ceinture de laine. Ils se distinguent également par la norme chez les Shiradim de hautes lignées (celles
des gestes de salut, parfois très discrets, qui leur sont issues des tribus en particulier), et il arrive qu’ils
propres : les Ashkenim portent deux doigts à la garde soient conclus avant même la naissance des enfants
de leur poignard, les Pharatim en font de même à leur concernés. Le mariage, qui est célébré par un kahan au
front et les Salonim à leur cœur. sein du Sanctuaire, est un rite sacré et normalement
indissoluble  : unis aux yeux de Shirad, les époux ne
Société peuvent se séparer sauf si l’un des deux se révèle stérile
La société shirade ignore le concept de noblesse  : (le bénéfice du doute profite toujours à l’homme), ou
pour elle aucun homme n’est supérieur à un autre du si un cas d’adultère peut être prouvé.
fait de sa naissance, car tous sont les enfants de Shi- Dans les tribus du désert, la monogamie est également
rad. Bien sûr, concrètement, les Shiradim fortunés ou la norme, mais du fait des rudes conditions de vie et du
jouissants d’une influence politique deviennent les déficit d’hommes (dont la plupart meurent lors de raids
dirigeants naturels de leur peuple. ou pour défendre les leurs contre de telles attaques), il
En général, une communauté shirade (qu’elle soit cita- n’est pas rare qu’un homme prenne sous sa tente, en plus
dine ou issue du désert) est dirigée par un conseil. Celui-ci de son épouse légitime, une ou plusieurs concubines afin
comprend le kahan (ou les kahanim lorsque la population de s’assurer une descendance nombreuse.
est importante) ainsi que les notables locaux (riches mar- La naissance d’un enfant, qu’il soit fille ou garçon,
chands, vieillards reconnus pour leur sagesse, médecins est toujours l’occasion de grandes réjouissances au
réputés, etc.). Son rôle consiste à arbitrer les conflits pou- sein de toute la famille. Un mois après l’accouchement
vant naître au sein de la communauté lorsqu’ils sont trop (délai qui peut s’allonger à trois mois dans les tribus
complexes pour qu’un kahan s’en charge seul. Ce conseil du désert), quand il est certain que l’enfant vivra, une
fait également office de tribunal lorsqu’un crime est com- grande fête est donnée qui réunit toute la famille et se
mis par un Shiradi envers les siens. conclut par l’alliance entre l’enfant et Shirad au sein
du Sanctuaire, par une série de scarifications rituelles
Famille pratiquées par le kahan autour du nombril de l’enfant.
Chez les Shiradim, la famille est une entité très large L’adoption suit le même rituel, quel que soit l’âge de
qui englobe les grands-parents, les oncles et tantes, les l’enfant adopté : en effet, les Shiradim font peu de dif-
enfants de chacun, etc. De par leur longue et pénible férences entre les liens du sang et l’adoption tant leur
histoire, les Shiradim ont développé un sens de la soli- histoire est émaillée de conversions d’étrangers à leur
darité inédit chez les autres peuples et on a coutume religion (Mogda en étant l’exemple le plus fameux),
de dire que tous sont frères aux yeux de Shirad (et symbole de l’adoption d’un « enfant » dans la grande
c’est encore plus vrai pour ceux qui font partie d’une « famille » des Shiradim.
même tribu). Une cellule familiale simple se compose Un adolescent devient majeur à treize ans. C’est
toutefois des deux parents et de leurs enfants jusqu’à l’âge à partir duquel il peut se marier à son tour,
la majorité de ceux-ci pour les garçons ou jusqu’à leur avoir des enfants, exercer un métier (auparavant il ne
mariage pour les filles. peut prétendre qu’à un statut d’apprenti auprès d’un
Les Shiradim sont monogames  : dans les temps maître). Ce passage à l’âge adulte a lieu au cours de la
anciens ils étaient polygames à l’image des Saabi, mais cérémonie de dévoilement au monde. Une jeune fille
depuis l’exode de Mogda et les réformes du culte de devient symboliquement majeure un an plus tôt que
Shirad, il fut décrété que tout comme un homme ne les garçons, mais dans les faits, elle n’est considérée
pouvait avoir qu’un seul dieu, il ne devait avoir qu’une comme adulte qu’au moment de son mariage.
seule femme. Le mariage est une affaire sérieuse, car La mort d’un Shiradi cause toujours un grand

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Peuples et sociétés

chagrin au sein de son peuple. Durant trois jours, un linceul noir, à même la terre au sein d’un modeste
sa famille porte le deuil et veille le corps en priant cimetière. Sa tombe n’est signalée que par une pierre
pour son âme afin que Shirad l’accepte dans la Terre gravée. Souvent rejetés et forcés à l’exode, les Shira-
des Justes. Puis, le quatrième jour, une grande fête dim gardent, par leurs morts, le souvenir des terres
est donnée dans le but de célébrer l’existence du dé- où ils vécurent. En effet, même si de nombreux sites
funt  : sa famille et ses amis, au cours d’un banquet, funéraires sont oubliés ou laissés à l’abandon, le fait de
racontent de nombreuses anecdotes sur sa vie, narrant pouvoir dire « mon aïeul est enterré dans la vallée que
ses aventures et hauts faits. Enfin, le cinquième jour, surplombe Fragrance » est une façon de se souvenir
les funérailles sont célébrées religieusement au sein que les Shiradim sont présents dans cette cité depuis
du Sanctuaire par le kahan et le corps est inhumé dans déjà des siècles.

Les noms
Les Shiradim utilisent un couple prénom de la personne suivi du prénom de son père, et insèrent Bar (fils
de) ou Bat (fille de) entre les deux prénoms.
Exemple : Shimon Bar Ibrahim
Ainsi, les Shiradim peuvent théoriquement faire remonter leur généalogie jusqu’aux pèlerins qui accom-
pagnèrent Ashken, Pharat et Salone dans leur quête d’une terre d’accueil.
Lorsqu’un Shiradi ou une Shirade utilisent le prénom de leur mère au lieu de celui de leur père, c’est en
général que celui-ci n’est pas connu et que l’enfant est un bâtard.
Exemple : Miriam Bat Shirel

Prénoms masculins : Aaron, Avraham/Ibrahim, Ari, Ariel, Baru’kh, Binyamin, Boaz, Daniel, David, Eli,
Ezekiel, Ezra, Ebenazar, Gad, Hillel, Ioranan, Isaac, Isaiah, Levi, Matitiaou, Mena’khem, Morde’khaï, Mogda,
Nathan, Noam, Reuven, Shaül, Shimon, Shiran, Shlomo, Uriel, Yaacov, Yeremiah, Yergad, Yonathan, Yosef

Prénoms féminins : Ariel, Dara, Devrah, Esther, Hannah, Leah, Maya, Miriam, Naomi, Ophrah, Rachel,
Ruth, Sarah, Shayna, Shirel, Susanna, Tamar, Yudith, Zelda

Activités courantes
organiser la circulation des hommes et des marchan-
Les Shiradim sont un peuple industrieux et obstiné,
dises entre le sud de Jazîrat et le Capharnaüm.
et on retrouve ses représentants à tous les échelons de
De même, les Shiradim du Nord et du Sud
la société, dans les villes et le désert, exerçant les mé-
connurent à plusieurs reprises l’esclavage, ou au mieux
tiers les plus divers. Toutefois, il y a certaines activités
la relégation au statut de citoyen de seconde zone. Le
qui sont particulièrement privilégiées, du fait de l’his-
seul métier grâce auquel ils pouvaient encore exercer
toire ou des traditions shirades.
une certain influence était le commerce et ils déve-
Qu’ils habitent dans les cités du Capharnaüm ou
loppèrent un redoutable sens des affaires que même
dans les profondeurs du désert, les Shiradim sont un
les plus roublards des négociants saabi leur envient,
peuple marchand avant tout. Lors de l’exode de Mogda
d’autant qu’il s’accompagne en général d’une réputa-
vers le nord, nombreux furent les Shiradim à s’instal-
tion de stricte honnêteté et d’un grand sens de l’équité
ler dans le désert et à prendre le contrôle des multiples
commerciale.
oasis, créant ainsi des caravanes qui allaient rapidement

189
chapitre euterpe

Salone, l’un des trois Shiradim mythiques qui gui- Culture


dèrent leur peuple vers une terre promise et dont Si la transmission du savoir shiradi est traditionnel-
une tribu porte le nom, est considérée comme la plus lement orale, surtout dans les communautés rurales,
grande guérisseuse de l’histoire. Depuis son époque la reconquête de Carrassine et le renouveau culturel
lointaine, la tradition se perpétue et les Shiradim for- et religieux qui l’accompagna virent le développe-
ment parmi les médecins les plus compétents de Jazîrat. ment d’une langue shirade écrite. Celle-ci fut rapide-
Leur science rivalise sans peine avec celle, pourtant ment adoptée par les kahanim puis par l’ensemble des
fort avancée, des chirurgiens saabi ou agalanthéens. Et communautés citadines et des marchands (jusqu’ici,
comme pour les commerçants, les médecins shiradim la langue orale étant très proche du Saabi, les Shira-
jouissent d’une réputation de grand professionnalisme dim utilisaient l’écriture saabi). Cet alphabet a pour
qui leur assure une large population de patients de particularité d’associer chaque lettre et chaque mot à
toutes origines. une valeur numérique, ce qui pousse certains érudits
Tradition également issue de l’un des trois Shiradim à analyser les textes sacrés de Shirad pour y chercher
originels, Pharat le savant, la passion du savoir et du un sens caché.
débat d’idées est l’un des piliers de la société shirade. Toutefois, la tradition orale a perduré sous la forme
Ainsi, les érudits de ce peuple sont-ils réputés pour leur d’un art du conte  : les Shiradim aiment à se réunir
vaste domaine de connaissances, allant de l’histoire à pour des veillées au cours desquelles chacun peut
la stratégie en passant par les sciences, la philosophie s’essayer à raconter une histoire ou une légende à la-
ou la politique. Depuis leur retour en grâce au sein du quelle il aura à cœur d’apporter sa touche personnelle.
Capharnaüm, de nombreux Shiradim occupent des Cet art confine au rituel lorsque, au quatrième jour de
chaires universitaires, se voient attribuer des postes deuil, les proches du défunt se réunissent pour faire de
d’éminents professeurs ou sont employés comme pré- sa vie un conte.
cepteurs dans des familles aussi bien shirades que saabi
ou agalanthéennes. De crainte de se détourner de l’adoration de leur
Enfin, en plus de leur grand rôle commercial, les dieu au profit de son image, les Shiradim ont peu à peu
tribus shirades du désert sont immanquablement banni de leur culture toute représentation humaine et
composées de guerriers se réclamant de l’héritage du animale, favorisant la pensée abstraite et mathéma-
dernier des Shiradim originels : Ashken, le soldat mys- tique au détriment de l’art pictural figuratif.
tique. Ces talents de combattants sont essentiels à leur La musique a donc acquis une place prépondé-
survie dans le désert, pour protéger les troupeaux dont rante dans la vie quotidienne et quand hommes et
ils font l’élevage et pour défendre leurs camps et oasis femmes chantent la gloire de Shirad et les peines de
contre les raids des pillards. leurs cœurs, ils sont souvent accompagnés par les per-
Les loisirs shiradim ne se différencient guère de ceux cussions et les trompes nomades ou les lyres et harpes
pratiqués à l’endroit où ils vivent  : jeux divers, spec- citadines.
tacles et flâneries sur les marchés pour les citadins et Les danses, parfois complexes, se pratiquent sou-
chasse et course de chevaux ou de dromadaires pour vent en groupe à l’occasion des célébrations où il s’agit
ceux du désert par exemple. de se perdre un moment dans la joie et la communion.
Les Shiradim aiment à se réunir le soir en famille ou Plus élitistes, astronomie, mathématiques, poésie,
entre amis afin de partager un repas et de prendre des philosophie et littérature séduisent de nombreux let-
nouvelles des uns et des autres. Ce genre de rassem- trés shiradim dont les textes trouvent souvent écho
blement est précieux à leurs yeux, car il leur rappelle chez les penseurs du Capharnaüm, et même au-delà
que leur peuple est une grande famille dont seule une de la mer.
solidarité sans faille permet de subsister en ces temps
troublés.

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Peuples et sociétés

Celui qui le souhaite et qui vient sans haine ni cité, à la veille d’une bataille). C’est cela qui conduit
colère est toujours accueilli sous une tente ou à une souvent les Shiradim à qualifier Shirad de dieu unique,
table shirade et peut y goûter une nourriture faite de mais multiple, et socialement cette croyance permet
féculents, de céréales, de fruits et de poisson quand une bien meilleure entente avec les peuples poly-
la pêche a été bonne. Les fêtes sont l’occasion de tuer théistes, les Shiradim intégrant leurs dieux comme de
un mouton et de se délecter de miel en s’abreuvant nouvelles Faces de Shirad ou les assimilant à des Faces
d’hydromel et de vin. Quelques interdits préventifs déjà existantes.
(principalement s’abstenir de consommer du porc, du Outre Æther, les quelques Faces de Shi-
cheval et des fruits de mer) règlent la composition des rad suivantes sont parmi les plus connues,
repas et évitent intoxications et infections. Ces usages même s’il en existe bien d’autres  :
alimentaires sont entérinés par le dogme religieux, • Innpa : naissance, apparitions et miracles (fémi-
même l’invité s’y plie sous le toit de son hôte shiradi. nine).
Mal lui en prendrait également de s’approcher d’une • Caïya : fin, mort et renouveau (masculine).
femme de trop près, car celle-ci est considérée comme • Assiel : évolution, changement et temps (andro-
un trésor. Il est inconvenant pour un Shiradi qu’un gyne).
homme touche une femme qui n’est ni sa mère, ni sa • Mira : paix et amour (féminine). Néréa, déesse
femme ou sa fille. Les jeunes gens apprennent donc agalanthéenne de la lune lui est attribuée.
rapidement l’art de la discrétion...
Shirad impose à son peuple un ensemble de com-
Pratique religieuse mandements que les Shiradim doivent respecter
Les Shiradim, depuis leur exil en terre promise, s’ils désirent renaître dans la Terre des Justes après
vénèrent un dieu unique nommé Shirad. Celui-ci est leur mort. D’après les croyances, le ciel étoilé est un
omnipotent et omniscient, il créa le monde et règne reflet de ce paradis et les constellations symbolisent
sur la Terre des Justes, un paradis accessible aux ver- les ancêtres shiradim qui veillent sur leur peuple avec
tueux. Son existence fut révélée par Pharat, qui pré- l’accord bienveillant du dieu unique.
tendit que c’était ce dieu qui avait guidé tout son Ces commandements furent longtemps trans-
peuple vers une terre d’accueil. mis oralement, et parfois déformés ou oubliés. C’est
Jusqu’à la conversion de Mogda, les Shiradim ne Mogda qui décida de les formaliser afin de donner
voyaient dans les dieux des autres peuples que de aux Shiradim l’unité dont ils avaient besoin avant de
fausses idoles, mais le sauveur de leur peuple eut la se lancer dans la traversée du désert. Il les nomma les
révélation qu’en réalité toutes ces divinités n’étaient Lois de Shirad et elles devinrent les piliers de la socié-
que des aspects de Shirad, les Faces, grâce auxquelles té de son peuple. Bien sûr, les érudits shiradim ayant
il exerce son ubiquité et peut répondre aux prières de toujours à cœur d’exercer leur esprit critique, la portée
tous ses fidèles. Ainsi les polythéistes ne sont-ils en de ces Lois est depuis cette époque un grand sujet de
fait qu’aveugles à la réalité du seul dieu. Les Escartes débat  : certains pensent qu’elles doivent s’appliquer
constituent une exception, car ils reconnaissent Shi- en toutes circonstances, d’autres estiment qu’elles ne
rad, qu’ils appellent Æther et assimilent au soleil, mais concernent que les Shiradim et que, par exemple, es-
le dissocient de Mira, associée à la lune, et de Jason, croquer un incroyant ne constitue pas une transgres-
qui forme la troisième idole de leur trinité. sion de la Loi de la Propriété.
Si seul Shirad est digne d’adoration, ses Faces sont
néanmoins priées par les fidèles afin d’obtenir une
réponse ou une faveur en rapport avec leur domaine
(ainsi, un général shiradi de Carrassine priera Mar-
dûk, la Face qui est en charge de la protection de la

191
chapitre euterpe

Les Lois de Shirad


• La Loi de l’Âme : la foi d’un Shiradi se doit d’être sincère et l’amour qu’il a le devoir de porter à son
dieu et à son peuple est inconditionnel. Le scepticisme, l’athéisme ou la vénération d’autres divinités sont
ainsi des péchés, mais la laïcité est tolérable tant qu’elle n’empêche pas les fidèles de vivre selon les com-
mandements de Shirad.
• La Loi du Corps : pour les Shiradim, c’est un péché très grave que de blesser ou mutiler autrui, et un
encore plus grand que de tuer. Le meurtre est ainsi un interdit très fort dans la société shirade, mais la légi-
time défense est tolérée (ce qui inclut bien évidemment la guerre).
• La Loi du Cœur : mentir et tromper autrui sont les péchés que condamne cette Loi. Un Shiradi se doit
d’être sincère et honnête, car celui qui n’est pas franc avec les hommes, comment pourrait-il prétendre
l’être avec son dieu ? Les hommes doivent se respecter entre eux : les enfants respectent leurs parents, les
époux se respectent mutuellement, le marchand respecte son client, etc.
• La Loi du Couple : un homme ne peut avoir qu’une seule femme et une femme ne peut connaître qu’un
seul homme. L’adultère peut entraîner la séparation et jette l’opprobre sur les fautifs. Cependant, le remariage
en cas de veuvage précoce ou de rupture due à la stérilité d’un des conjoints est permis par cette Loi.
• La Loi de la Propriété : le vol, l’escroquerie, la malhonnêteté ne doivent pas entacher le peuple de
Shirad. Ce qu’un homme possède est à lui et le lui dérober par quelque moyen que ce soit est condam-
nable. De même, envier les biens d’autrui est considéré comme le premier pas qui conduit à enfreindre ce
commandement.

Les âmes pécheresses vont dans le Schéol (Séjour y ont consacrés, interprétant leur sens ou leur portée,
des Morts, Tombe commune ou encore Profondeur les confrontant aux réalités du monde et des époques.
de la Terre), un vaste néant, sans lumière ni bruit. Là, Le kahan a finalement moins un rôle de prêtre que
elles pourront essayer de prendre conscience de leurs de guide, de conseiller, voire de psychologue. S’il est
erreurs et se repentir. Celles qui auront trouvé l’illu- bien sûr amené à diriger des groupes de prière et à
mination pourront accéder à la Terre des Justes, tandis célébrer les différents rites qui jalonnent la vie d’un
que les autres se réincarneront sur Terre afin de vivre homme (alliance, dévoilement au monde, mariage,
en accord avec les Lois de Shirad. Plus rares sont celles funérailles, etc.), il passe en fait plus de temps à rece-
qui deviendront démentes à force de déni et se per- voir, écouter et conseiller les nombreux fidèles qui
dront ainsi à jamais. viennent chercher auprès de lui réponses et réconfort.
S’appuyant sur les enseignements de Shirad, il es-
Les prêtres shiradim sont nommés kahanim. Un saye d’orienter au mieux les siens en s’assurant qu’ils
kahan ou une kahana (la prêtrise est accessible aux agissent selon les Lois du dieu unique.
femmes bien qu’elles soient au final assez minori- La vie religieuse shirade se pratique au sein d’un
taires) trouve en général sa vocation très tôt (il est temple nommé Sanctuaire. Celui-ci n’a pas de forme
fréquent qu’un fils de kahan le devienne lui-même) définie, mais généralement il s’organise autour d’une
et commence dès sa cérémonie de dévoilement au grande salle commune qui est le théâtre des céré-
monde des études afin de se montrer digne de devenir monies d’importance (mariage, funérailles, etc.).
un guide spirituel pour son peuple. Ces études com- Habituellement, il compte également  une salle plus
portent ainsi la connaissance des Lois de Shirad, mais modeste afin d’accueillir des groupes de prières, et les
aussi celle des nombreux ouvrages que divers érudits appartements et le bureau du kahan. Dans le désert,

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Peuples et sociétés

bien souvent le Sanctuaire n’est rien de plus qu’un leur assemblée, qui est autant un groupe de prière
agrégat de tentes. qu’un forum de débat (les Shiradim sont friands de
Il n’existe pas d’office régulier chez les Shiradim. joutes verbales sur tous les sujets, et particulièrement
Chacun se rend au Sanctuaire lorsqu’il en ressent le leur religion). Enfin, chacun peut se présenter devant
besoin, afin de prier ou de se recueillir. Lorsque plu- le kahan pour s’entretenir avec lui, lui demander
sieurs personnes décident de s’y réunir en même conseil, lui faire arbitrer un conflit, etc.
temps, elles peuvent demander au kahan de présider

Tribus ou clans ?
Pour désigner les Pharatim, les Ashkenim ou les Salonim, certains utilisent le vocable tribu, d’autres lui
préfèrent celui de clan. Il s’agit bien de grandes et fières tribus, aussi vastes et influentes que trois nations au
sein d’un même empire. La confusion vient du fait que lorsqu’ils sont revenus sur Jazîrat, et qu’ils furent
réduits en esclavage par les Saabi, les Shiradim étaient dix fois moins nombreux que leurs nouveaux maîtres.
De ce fait, ce qu’ils appelaient tribu avait un effectif similaire à celui d’un clan saabi. La confusion est restée,
s’insinuant à travers les âges au gré des discussions, mais le terme est erratique. Il existe bien des clans chez
les Shiradim, mais ils ne dépassent que rarement l’envergure d’une grande famille et peuvent être comp-
tés par centaines au sein de chaque tribu. Ces clans n’ont d’influence que par la mémoire laissée par leurs
ancêtres et par les actes de leur lignée. Certains jouissent d’un poids politique considérable, d’une réputation
militaire terrifiante ou d’une richesse à faire pâlir les princes de Kh’saaba. D’autres sont aussi misérables que
s’ils n’avaient jamais pu s’extraire de leur ancienne condition d’esclaves.

Histoire
Les trois tribus Aux temps anciens où le peuple de Shirad n’avait
shirades jamais quitté Jazîrat, Ashken était une figure d’excep-
tion, l’incarnation de l’hédonisme. Artiste, musicien,
poète et surtout danseur exceptionnel, toutes les
Les Ashkenim cours se l’arrachaient et hommes et femmes s’offraient
Ashken était un artiste, conteur, danseur et musi- à lui sans retenue. Son appartenance n’avait alors pas
cien, qui dut apprendre à tuer pour protéger son plus d’importance aux yeux des autres qu’il ne lui en
peuple lors de son premier exil, en mettant à profit accordait lui-même.
sa connaissance du corps et du rythme. Ses disciples Lorsque Pharat, l’un des patriarches de sa tribu,
sont, depuis, les guerriers les plus redoutés du peuple prophétisa le départ des Shiradim hors de Jazîrat,
shiradi. Sous l’influence d’une inspiration divine, les Ashken s’opposa publiquement à lui et le railla, faisant
guerriers ashkenim considèrent souvent la danse et fi des espérances de son peuple et des promesses de
le combat comme les deux faces d’une même pièce. Shirad.
Mais les Ashkenim sont bien plus que cela, et la guerre Ashken avait accru sa popularité auprès des adora-
n’est pas leur seul domaine de prédilection. teurs de Houbal, mais cette gloire fut de courte durée,
car il fut finalement spolié de ses biens et privé de ses
droits et privilèges lorsqu’il fut découvert que la fille,
déjà promise, de l’un de ses protecteurs s’était laissée
séduire à son tour par les paroles et la grâce du Shiradi.

193
chapitre euterpe

En quelques semaines le flamboyant personnage taient à l’assaut. Sans le savoir, il se battait au son des
était devenu un vagabond misérable, rejeté par ses prières que Pharat murmurait.
anciens protecteurs et méprisé par son propre peuple. Les assaillants furent repoussés et Ashken devint
Il erra jusqu’à rejoindre un campement nomade aux ce jour un guerrier béni de Shirad. En conséquence,
abords du désert au moment même où Pharat venait y Pharat le prit comme garde et compagnon de route.
contrôler les préparatifs au grand départ. Lorsque son peuple s’exila enfin, Ashken continua à
C’était aussi l’endroit qu’un prince jazîrati avait s’illustrer et devint le chef des macchabim ; il super-
choisi pour dépêcher une escouade de guerriers visait lui-même leur entraînement et leur transmet-
abattre l’agitateur shiradi. Les spadassins commen- tait sa science du geste. Sa fréquentation des cours de
cèrent par mettre à sac le campement. Jazîrat avait fait de lui un fin stratège et sa foi nouvelle
Ashken, pris au piège, adressa la première prière de guidait  ses décisions, lui apportant clairvoyance et
sa vie à Shirad, et s’apprêta à mourir. Pourtant, lorsque détermination. Lorsqu’il tira sa révérence, Ashken put
les guerriers arrivèrent près de lui, il entama l’une de s’enorgueillir d’avoir assuré la survie de son peuple
ses danses, exécutant chaque mouvement à la perfec- tout au long de son périple vers la Terre des Justes : il
tion. Chaque geste devenait un coup mortel, une clef avait transmis son art du combat à ses généraux, illu-
ou une immobilisation. Au plus profond de son âme, miné son peuple de ses chorégraphies et enseigné ses
il entendait une mélopée qui le secrets les plus sensuels à ses nombreuses femmes et
poussait jusqu’au cœur de la mê- concubines. De retour à Jazîrat, les Shiradim furent
lée où Pharat et les guerriers bientôt asservis et la science du combat ashkene pro-
macchabim hibée. On opprima particulièrement les descen-
résis- dants de guerriers célèbres. Pourtant, clandes-
tinement, les tenants des secrets d’Ashken
perpétuaient leurs traditions. Sous cou-
vert de danses, les hommes enseignaient
des gestes mortels. Les filles de ces lignées,
gracieuses et sensuelles, étaient pour leur
part choisies comme esclaves sexuelles.
Lors du soulèvement des es-
claves, ces Ashkenim devinrent
la main armée de Mogda et per-
mirent la fuite de leur peuple au
prix de lourds sacrifices. Lorsque
le peuple de Shirad s’installa au Ca-
pharnaüm, la tradition ashkene se
scinda au fil du temps entre citadins
et ruraux  : les premiers perpétuèrent
l’héritage artistique ; les autres, souvent
nomades et plus exposés aux dangers,
le savoir martial. Puis revînt la domina-
tion agalanthéenne, et lorsqu’une fille
de berger, Sarah Bat Caleb, entreprit sa
marche vers Carrassine, ce furent des cen-
taines d’Ashkenim qui la suivirent, entraî-
nant avec eux leurs meilleurs macchabim.

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Peuples et sociétés

Organisation au premier sang pour les macchabim. Il arrive égale-


Il n’est pas toujours facile de voir le lien entre un ment que soient organisées des rencontres autour de
vieux guerrier endurci par la vie, un danseur délicat ou danses rituelles.
la prostituée qui vient se glisser dans le lit d’un prince, Parmi tous ces groupes ashkenim, il en est un dont
pourtant tous, à un moment de leur vie, ont entendu le nom et la réputation font frémir la plupart des
la musique sacrée de Shirad. Comme une mélopée de combattants du Capharnaüm : la fraternité des Lions
prières ou un air porté par le vent, elle s’est imposée rouges de Shirad. Ces guerriers d’élite craints de tous,
dans l’esprit de chaque membre de la tribu ashkene. guidés par quelques lettrés Pharatim, transcrivent en
Et avec la musique vient la grâce, la précision du geste, musique, puis en danses, les textes sacrés de Shirad,
l’élégance. C’est par ces signes que les aînés repèrent découvrant ainsi de nouveaux enchaînements mar-
ceux qui sont dignes d’apprendre. Tous les groupes tiaux destructeurs. Aucun puissant, quel que soit son
affiliés à la tribu commencent la formation de leurs peuple, ne peut contraindre un Lion rouge à le ser-
recrues par l’enseignement de danses rituelles, puis vir, car ce sont eux qui choisissent leurs allégeances
peu à peu, ces danses se complexifient, permettant et leurs inimitiés, guidés par les paroles de leur dieu.
aux maîtres ashkenim d’en dévoiler les applications, Pour tout seigneur du Capharnaüm, voir arriver à sa
qu’elles soient martiales, artistiques ou, dans certains cour un émissaire des Lions rouges est donc un grand
cas, sexuelles. moment de tension.
D’une manière générale, l’enseignement ashken, Enfin, les prostitués ashkenim, quel que soit leur
sa Parole, est prodigué au sein d’écoles et de cercles sexe, forment une caste isolée au sein de la tribu. Nul
secrets. Cette confidentialité se justifie, d’une part, ne daignerait contester leurs connaissances de l’hé-
par l’histoire douloureuse de la tribu au travers des ritage d’Ashken et tous les membres de la tribu les
siècles, mais surtout par le fait que l’héritage d’Ash- traitent avec respect. Cependant, la culture shirade a
ken est appréhendé comme un mystère que chaque évolué au cours des siècles et la sexualité fait l’objet
adepte se doit de décrypter au fur et à mesure de son de bien plus de tabous qu’au temps des fondateurs.
parcours initiatique. Celles et ceux qui choisissent cette voie s’installent
Légèrement différente d’un lieu d’apprentissage souvent hors de leurs communautés d’origine, le plus
à l’autre, il existe une sorte de hiérarchie parmi les couramment en ville, dans de superbes maisons des
Ashkenim, basée à la fois sur le savoir, le nombre de plaisirs. Une clientèle raffinée est prête à payer des for-
danses (le terme est commun en combat, danse ou tunes pour partager leur couche.
cour) connues et le niveau d’excellence de leur maî-
trise. Cette hiérarchie se traduit dans l’apparence des Personnalités
Ashkenim par le nombre et la matière des bijoux por- • Zvulon Bar Iorai
tés, mais aussi, ce qui constitue une exception pour Comme un vieux fauve dont les crocs se sont
les hommes au sein des Shiradim, par la longueur de émoussés et les griffes attendries, Zvulon Bar Iorai
leurs cheveux. Ainsi les maîtres ashkenim arborent-ils regarde souvent jouer les enfants de sa tribu. Sa tente
de longues et lourdes nattes parsemées d’ornements. est ouverte à tous et il y accueille la plupart des réu-
Un Ashken appartient à vie à l’école dont il a reçu nions des guerriers. Tous ne sont pas des Ashkenim,
l’enseignement, et même s’il se doit de vivre sa vie de mais ils sont enfants de Shirad et le vieux chef les traite
Shiradi en dehors de celle-ci, il répondra à son appel comme ses propres fils. Zvulon est veuf depuis vingt-
en cas de besoin et devra toujours défendre l’honneur cinq ans et ses enfants ont tous péri, à la guerre ou de
de ses maîtres. Il est courant de constater des rivalités maladies. Tous voient pourtant en ce vieux chef un
entre écoles ou entre cercles, des rapports conflictuels aimable grand-père. Peut-être ses yeux gris aiment-
qui donnent lieu à des tournois secrets ou à des duels ils percevoir cela dans le regard des autres. Tout le
monde connaît la voix de miel de Zvulon lorsqu’il

195
chapitre euterpe

de khôl. Il remarquerait la natte épaisse parsemée de


perles, d’or et de rubis rejoignant la longue barbe hui-
lée sur le torse drapé d’écarlate du colosse. Ce dernier
serait en train de chanter une prière de sa puissante
et profonde voix, rencontrant en écho celles de ses
hommes. Puis, lorsque la nuit se ferait plus profonde,
il enverrait trois de ses hommes les plus chers hors de
la ville, vers la bataille qui s’annonce. Trois, ce serait
largement suffisant.

• Meriem
« C’est d’abord une odeur, un parfum envoûtant,
puis un regard, vert émeraude, souligné de noir, au-
dessus des voiles. Ce sont des mains où s’entrelacent
des serpents de henné, et puis des cheveux ondoyant
chante pour les siens, mais personne n’est assez vieux au rythme de ses pas. Ce sont des jambes intermi-
pour se souvenir de ses danses virevoltantes, un sabre nables et cuivrées, enchaînées d’or et de lapis. Une
dans chaque main. Depuis longtemps déjà, Zvulon a voix, plus pure que le cristal.
veillé à ce que sa tribu vive en paix, dans la fraîcheur Puis, dans l’alcôve de la nuit, c’est un mystère, le
d’une oasis, loin du choc de l’acier et du bronze, loin chant d’un dieu et le corps d’une déesse. Une femme
du goût métallique du sang. qui offre, comme elle danse, un avant-goût des cieux,
Pourtant, la nuit, lorsque la lune est basse, le vieux bien que ceux-ci soient encore trop fades comparés à
fauve quitte sa tente et s’éloigne vers le désert. Là, il sa couche. Puis c’est un refus, une absence intolérable,
offre à son dieu et aux animaux du désert un spectacle le regret de sa bouche.
martial d’une terrifiante beauté. Enfin, c’est un désespoir brûlant, une douleur inal-
Zvulon sait qu’un danger guette et menace les siens, térable, sombre fille de Shirad. À leur or, Meriem, n’as-
Shirad le lui a dit. Lorsqu’il arrivera, Zvulon Bar Iorai tu préféré mon cœur blessé ? »
sera prêt. –  Sombre fille de Shirad, dernier texte du poète Ji-
bran Al-Wassari avant son suicide.
• Mordekhai Bar Ilan
Au cœur de Carrassine se trouve une très vieille bâ-
tisse, peut-être aussi ancienne que la ville elle-même. Les Pharatim
Personne ne se soucie de ses vieux murs tapissés de Les savants du peuple shiradi forment la tribu des
plantes grimpantes, pas plus que du mendiant qui Pharatim. Qu’ils soient prêtres, professeurs, sages ou
passe jour et nuit sur son perron. Pourtant, quiconque simples scribes, leur mémoire est celle des Shiradim
s’aventurerait au-delà de la porte de cuivre sale et ver- tout entier, de leur histoire, de leurs épreuves et de
die serait surpris d’y découvrir un intérieur luxueux leur grandeur, passée et à venir.
recelant mille trésors. Le visiteur découvrirait une
musique entêtante qui y retentit et, dans l’une des Histoire
salles, des hommes dansant, en transe, à l’unisson, Doyen d’une des innombrables tribus du désert à
répétant inlassablement les mêmes pas, les mêmes l’aube des temps, Pharat fut le premier homme à qui
figures. Au-dessus de sa tête, il observerait sur une Shirad s’adressa. Le dieu unique se révéla à lui et lui pro-
mezzanine un prêtre s’entretenant avec un homme mit de l’aider à guider les siens vers une terre fertile et
immense, au visage taillé à la serpe, les yeux soulignés hospitalière si ses commandements devenaient leur loi.

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Peuples et sociétés

Devenu Prophète, Pharat réunit sa tribu et lui parla


avec la voix sacrée du dieu. Il évoqua le pays riche qui
les attendait, et leur donna le courage de quitter Jazîrat
en quête d’un éden fécond dans lequel leurs des-
cendants mèneraient une vie heureuse, baignés par
l’amour de Shirad. En quelques mois, la petite tribu en
avait réuni bien d’autres autour d’elle et leurs mœurs
s’étaient peu à peu conformées aux lois édictées par
Pharat d’après les paroles de Shirad. Enfin, il fut temps
de se mettre en route.
Au cours du long et pénible exode qui devait mener
son peuple vers la félicité, Pharat se rendit compte que
prêcher la parole du dieu unique et rassurer ses fidèles
sur leur destin glorieux ne suffirait pas à les fédérer suf-
fisamment ni à leur donner le courage nécessaire pour
continuer à aller de l’avant malgré les difficultés et les
épreuves. Il décida alors de se destituer de son rôle de
guide pour se rapprocher des siens : il se fit conseiller,
confident, juge, et même ami. L’enseignement de Shi-
rad n’était pas fait pour être prêché vainement, mais
bien pour être vécu et montré par l’exemple. Ainsi
Pharat passa-t-il du rôle de Prophète à celui de pre-
mier kahan de son peuple. Il forma de nombreux dis-
ciples, dont la plupart suivirent ses traces et devinrent
prêtres, mais une partie préféra embrasser la voie de la
connaissance afin de devenir la mémoire d’un peuple
qui n’avait pas de tradition écrite.
Pharat, selon la tradition shirade, ne mourut jamais.
Au soir de sa vie, il alla se perdre dans le désert, et le
dieu unique vint en personne le chercher pour le gui-
der vers la Terre des Justes.

La longue et difficile histoire du peuple de Shirad


n’eut finalement que bien peu d’influence sur les Pha-
ratim.
Lors de leur retour à Jazîrat après presque vingt
siècles d’exil, les kahanim promirent aux Shiradim de
leur trouver une nouvelle terre d’accueil où ils pour-
raient prospérer. Quelque temps, ils crurent que le
sud de Jazîrat pourrait être cet endroit propice, mais
ils durent déchanter quand les Saabi les réduisirent en prendrait fin prochainement. Quand Mogda parvint
esclavage. Durant toute cette période d’humiliation et à libérer les Shiradim, il s’appuya sur la tribu pharate
de souffrance, les Pharatim essayèrent de garder vail- pour fédérer le peuple et s’assurer d’agir en accord
lant le cœur des leurs, leur promettant que l’indignité avec la volonté de Shirad.

197
chapitre euterpe

À nouveau, les Shiradim crurent que la région nord pouvaient exercer une influence politique bien plus
de Jazîrat pourrait être leur terre promise. Et à nouveau, importante que s’ils étaient restés cantonnés à un rôle
la déception fut au rendez-vous quand les Agalan- de prêtrise. De plus, de par leur statut d’enseignants,
théens les assujettirent dans les ténèbres de l’esclavage. ils pouvaient sinon neutraliser, du moins estomper
La crise la plus grave de la tribu eut alors lieu quand les préjugés nourris à l’égard des leurs par les autres
Jason se prétendit sauveur des Shiradim, mais créa en peuples vivant à Jazîrat. Car qu’ils soient enseignants
fait sa propre religion : une grande partie des kahanim assermentés, directeurs d’université ou simples ins-
se convertit à la nouvelle foi escarte et les Pharatim per- tituteurs, ils possèdent désormais un pouvoir sur
dirent un grand nombre des leurs. l’histoire qu’ils peuvent présenter sous l’angle qui les
Mais ces tourments semblent désormais derrière le arrange le plus.
peuple de Shirad : celui-ci est enfin libre et jouit d’une Les nombreux intellectuels pharatim participent
influence certaine dans le Capharnaüm. Carrassine a également à l’accroissement du prestige des Shiradim.
été reprise, elle est devenue une cité sous domination Les écrits de leurs philosophes, les cartes du ciel dres-
shirade à bien des égards, un alphabet en phase avec la sées par leurs astrologues, les théorèmes édictés par
volonté du dieu unique a vu le jour et, plus que jamais, leurs mathématiciens sont autant de preuve de la viva-
les Pharatim pensent que le Capharnaüm est bien la cité intellectuelle de ce peuple et il se dit que de nom-
terre promise sur laquelle les fidèles du dieu unique breux ouvrages shiradim font autorité jusque dans les
règneront prochainement. lointaines contrées d’Occident.

Organisation Même s’ils sont désormais moins nombreux


Pour être accepté au sein des Pharatim, point n’est qu’avant parmi la tribu pharate, les kahanim restent
besoin d’avoir écrit un ouvrage savant ou d’occuper une force avec qui compter.
une chaire importante. Seuls l’amour de la connais- Pharat se fit prêtre après avoir été Prophète et la tra-
sance et le désir de voir celle-ci progresser ouvrent les dition reste très implantée parmi les Pharatim : même
portes de la tribu. Ainsi, un modeste écrivain public se les savants laïcs sont de fervents croyants. La plupart
dévouant à sa tâche et enseignant des rudiments d’écri- des centres de formation religieux dont sont issus les
ture aux illettrés de sa communauté pourra-t-il se voir kahanim sont d’ailleurs dirigés par des Pharatim eux-
accepté tandis qu’un distingué professeur d’université mêmes prêtres.
ayant hérité de sa fonction grâce à ses relations ne sera Si les professeurs et savants pharatim permettent à la
jamais invité à devenir un disciple de Pharat. tribu — et à tout leur peuple à travers lui — de gagner
Il faut également noter que tous les prêtres de Shirad un pouvoir politique important, les kahanim pharatim
sont de fait des Pharatim en tant qu’héritiers du pre- sont les guides qui mènent les Shiradim à la vérité du
mier kahan. dieu unique et multiple. Ils sont les dépositaires de ses
Pendant longtemps, la grande majorité des Pharatim paroles sacrées, veillent à ce que leur peuple respecte
étaient des prêtres de Shirad, mais cela fait quelques les Lois de Shirad, se font conseillers ou arbitres en cas
décennies que leur prédominance au sein de la tribu de problème et siègent parmi les notables au conseil
est remise en cause par ceux qui embrassent la carrière dirigeant la communauté locale.
de savants ou d’érudits. Enfin, les kahanim appartenant à la tribu gardent
Aujourd’hui, la tribu pharate est donc composée un rôle des plus importants  : celui de mémoire du
pour sa plus grande partie d’intellectuels et de pen- peuple shiradi. Bien que les Shiradim aient désormais
seurs. Peu après le retour en grâce des Shiradim au leur propre écriture, des millénaires de tradition orale
Capharnaüm, ils s’affirmèrent en effet qu’en tant que ne peuvent disparaître ainsi et nombre de conserva-
précepteurs (souvent d’ailleurs auprès de familles non teurs font plus confiance à leur mémoire (supposée
shirades) ou professeurs d’université, les Pharatim infaillible) qu’à des documents falsifiables. Aussi la

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Peuples et sociétés

formation de base des kahanim comprend-elle une Personnalités


étude approfondie de l’histoire des Shiradim, depuis • Aaron Bar Yonathan
l’époque de Pharat jusqu’à aujourd’hui. Chaque étu-
diant doit être capable de réciter par cœur la totalité
de l’histoire shirade avant d’être consacré prêtre.
Désormais plus symbolique que réellement utile,
cette tradition qui fait des Pharatim la mémoire vi-
vante de leur peuple perdure encore.

Durant les premiers siècles de leur existence, les


Shiradim n’avaient aucune langue écrite et toutes leurs
connaissances se transmettaient oralement de généra-
tion en génération. Lorsqu’ils revinrent à Jazîrat, ils
adoptèrent l’alphabet saabi par nécessité, mais le consi-
dérèrent toujours comme un apport à leur culture, et
ne l’y intégrèrent jamais complètement. Durant le
règne de Mogda, divers lettrés jetèrent les bases d’une
écriture propre aux Shiradim afin de donner à leur
peuple une certaine indépendance culturelle, mais les
tourments qui s’abattirent sans cesse sur eux ne per-
mirent pas la poursuite de ce travail. Heureusement,
le renouveau culturel et religieux actuel a remis cette Enfant précoce à l’intelligence aiguë, Aaron n’em-
idée au goût du jour et de nombreux érudits et kaha- brassa pas la vocation de prêtre comme son père,
nim étudièrent et complétèrent récemment les travaux kahan lui-même, l’avait espéré. Passionné très tôt
de leurs ancêtres. par l’écriture, il décida de suivre des études de lin-
Enfin, les Shiradim disposent de leur propre alpha- guistique et apprit les mathématiques dans le même
bet, un alphabet conçu pour coller au plus près aux temps (car considérant celles-ci comme un langage
paroles de Shirad. Construit sur une base arithmé- à part entière). Rapidement, ses travaux et théories
tique, il a la particularité d’associer chaque lettre, ainsi trouvèrent des échos favorables parmi la communauté
que chaque mot et chaque phrase, à une valeur numé- des linguistes et son acceptation au sein des Pharatim
rique. Ainsi, divers chercheurs en linguistique et ma- se fit tout aussi naturellement que rapidement.
thématiques tentent de percer le secret des nombres Ayant à peine dépassé la trentaine d’années, Aaron
révélés par les Lois de Shirad, telles qu’elles furent dic- pensait pouvoir consacrer le reste de sa vie à ses tra-
tées à Pharat et formalisées par Mogda, tandis que les vaux quand la place de chef analyste de l’alphabet
théologiens de la tribu étudient la signification cachée shiradi lui fut proposée. S’étant empressé d’accepter
des mots correspondants aux valeurs mathématiques cet honneur, le jeune lettré est devenu désormais l’un
récurrentes que l’on retrouve dans de nombreux théo- des savants les plus en vue parmi les Shiradim et de
rèmes. grands espoirs reposent sur lui. Il a sous ses ordres des
Les Pharatim pensent que lorsque cet alphabet aura dizaines de linguistes, interprètes, kahanim et mathé-
permis de percer tous les secrets de l’univers, viendra maticiens dont il doit coordonner les travaux afin
alors le règne de Shirad sur Terre, précédé de la venue de comprendre la vérité inconnaissable que le dieu
au monde de son ultime Prophète. unique a cachée dans ses paroles – et dont l’écriture
shirade est sans aucun doute la seule clef.

199
chapitre euterpe

• Le Prêcheur Le don de la médecine était en elle et son intelligence,


Sur un des hauts-plateaux qui bordent le désert vit mêlée d’une grande curiosité, la poussa à s’intéresser à
un homme étrange, que les voyageurs et les pèlerins toutes les facettes du métier de guérisseur. Très vite, elle
ont baptisé le Prêcheur. devint indispensable à son peuple, alors projeté dans un
Vêtu de haillons, habitant une grotte, le Prêcheur exode pénible et mortel : ses dons de médecin sauvèrent
est un vieil homme aux membres noueux et aux longs des centaines de vies, permirent aux mères et aux nour-
cheveux blancs. Mais dans ses yeux, danse la flamme rissons de survivre dans des conditions difficiles, endi-
de l’enfance et une sagesse à nulle autre pareille, fas-
cinante et dérangeante à la fois. Nombreux sont les
Shiradim qui viennent écouter ses sermons ; parfois
sans queue ni tête, ceux-ci se situent régulièrement à la
limite de l’hérésie, mais ils contiennent également des
vérités et des théories si audacieuses et novatrices que
les Pharatim ont proposé plus d’une fois au vieillard de
rejoindre leurs rangs et de venir s’installer parmi eux.
Le Prêcheur s’est contenté de rire à gorge déployée à
chaque proposition de cette sorte.
Considéré par certains comme un fou et par d’autres
comme un Prophète, le Prêcheur semble toujours
avoir vécu dans sa grotte. On le croit immortel, mais
les plus cyniques pensent qu’il s’agit là d’une masca-
rade, le soi-disant Prêcheur étant régulièrement rem-
placé afin que la plaisanterie continue, au détriment
des Shiradim.

Les Salonim
Cette tribu se compose de médecins, d’apothi-
caires et de vétérinaires compétents, leur réputation
est telle qu’on les considère même comme les meil-
leurs guérisseurs du monde connu.

Histoire
Durant les temps anciens, lorsque la petite tribu
des Shiradim décida de quitter le désert pour trou-
ver la terre promise à l’est de Jazîrat, elle fut guidée
par un trio de Prophètes. Parmi ces guides spiri-
tuels, Salone était la seule femme.
On dit que de sa mère elle avait reçu l’enseignement
des sages-femmes et qu’elle s’était affirmée comme la
plus douée dans sa profession. Sa légende prétend
que jamais une femme ne mourut en couche alors
qu’elle l’assistait et que tous les enfants qu’elle mit
au monde devinrent de robustes chefs de clans.

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Peuples et sociétés

guèrent des épidémies inconnues, etc. Salone forma des nomique de leur peuple pour installer hôpitaux et
disciples, mais aucun homme, aucune femme n’était dispensaires dans les grandes villes du Capharnaüm,
aussi capable qu’elle et n’avait son don : personne n’était devenant professeurs dans les grandes universités et
capable comme elle de connaître parfaitement tous les partageant leurs connaissances avec tous les autres
domaines de la médecine. Aussi décida-t-elle d’étager peuples de Jazîrat.
son enseignement  : si chacun de ses élèves se voyait
transmettre la base de l’art des guérisseurs, ils suivaient Organisation
ensuite une des multiples voies de la médecine, selon Chez les Shiradim, l’art du guérisseur peut s’ap-
leurs affinités et compétences. Salone leur faisait alors prendre soit par l’apprentissage auprès d’un praticien
prononcer un vœu, resté célèbre sous le nom de Ser- déjà installé, soit à l’université en suivant le cursus
ment de Salone : « Tous les disciples de Salone ont pour approprié. Seuls les plus doués et les plus dévoués de
tâche sacrée de soigner, de guérir le peuple de Shirad, et de tous sont invités à entrer dans la tribu, mais tout Shiradi
le préserver de tout mal. » Elle les encourageait ensuite à souhaitant exercer le métier de médecin devra prêter le
travailler en groupe, afin que chaque maladie, chaque Serment de Salone. Bien qu’une grande majorité des
blessure puisse être examinée selon plusieurs points de Salonim soient médecins, certains embrassent égale-
vue différents. ment les professions de vétérinaires ou pharmaciens.
Les récits antiques disent que Salone mourut à l’âge Les Salonim travaillent rarement seuls. La plupart
avancé de deux cent quarante ans, laissant derrière elle du temps, ils se regroupent par trois ou quatre au sein
son peuple entre les mains sûres de ses innombrables d’un cabinet, ce qui leur permet de mettre en commun
disciples. leurs compétences afin que leurs patients puissent être
traités selon diverses méthodes. Ainsi, un cabinet ty-
Les Salonim connurent de nombreuses épreuves au pique pourra regrouper un chirurgien, un herboriste,
cours de la tumultueuse histoire des Shiradim. Quand un généraliste et un astrologue, chacun demandant à
les Saabi les réduisirent en esclavage, la dissolution des l’un de ses confrères son diagnostic sur tel ou tel cas
tribus les obligea à exercer leur art en secret, allant visiter afin de recouper les observations. Là se trouve l’ori-
leurs malades quand les pénibles travaux de la journée gine de la réputation flatteuse des Salonim : pour eux,
leur en laissaient le temps, devant se débrouiller avec toutes les voies de la médecine peuvent apporter une
une pharmacopée et des instruments rudimentaires. solution et c’est en les confrontant et les croisant que
La refondation des tribus sous l’égide de Mogda lors l’on parvient à traiter efficacement les malades.
du voyage vers le nord de Jazîrat permit aux Salonim de Dans les grandes cités comme Sagrada ou Fra-
revenir à la lumière et de soutenir leur peuple durant ce grance, les Shiradim les plus fortunés ont financé
nouvel exode, tandis que la branche secrète des assassins la construction de vastes hôpitaux dans lesquels les
venait au monde par décision du libérateur des Shiradim. Salonim peuvent recevoir et traiter de nombreux
Puis les Agalanthéens firent eux aussi subir aux Shi- patients. Il est fréquent que certaines journées soient
radim le joug de l’oppression, mais les tribus conti- dédiées aux pauvres et aux nécessiteux qui ne peuvent
nuèrent peu ou prou à exister et les Salonim purent payer et qui sont alors soignés gracieusement. Autant
exercer leur activité sans crainte de répression  : les dire que ces hôpitaux et leur fonctionnement sont un
Agalanthéens voulaient éviter que les bas-quartiers levier politique important pour les notables shiradim
où étaient cantonnés les Shiradim ne deviennent des qui souhaitent accroître l’influence de leur peuple au
cloaques risquant de répandre diverses épidémies à sein du Capharnaüm.
Jergathine ou Carrassine. Il est à noter que la tribu salone est composée pour
Enfin, depuis le départ des Escartes et la reprise moitié de femmes, en hommage à Salone ; les Shira-
de Carrassine par l’héroïne Sarah, les Salonim ont dim considèrent en effet que les femmes, qui donnent
pu prospérer, profitant de la nouvelle puissance éco- la vie, possèdent un certain don pour la médecine.

201
chapitre euterpe

Enfin, les Salonim, en tant que guérisseurs, corps humain ; certains font ainsi le choix d’utiliser ce
connaissent l’art des poisons et les points vitaux du savoir pour semer la mort…

Le Serment de Salone
« Tous les disciples de Salone ont pour tâche sacrée de soigner et guérir le peuple de Shirad, et de le pré-
server de tout mal. »

Les Shiradim sont friands de débats et de polémiques et l’interprétation de ce Serment est sujette à contro-
verse depuis la nuit des temps.
Ainsi, pour la grande majorité, le peuple de Shirad ne désigne que les Shiradim eux-mêmes, et ceux qui
se sont convertis à leur foi. D’autres pensent que le peuple de Shirad comprend l’humanité entière, car tous
les hommes furent créés par le dieu unique. C’est d’ailleurs en se réclamant un peu hypocritement de cette
interprétation que les mécènes ayant financé les hôpitaux shiradim invitent les miséreux et les indigents à
venir s’y faire soigner gratuitement, un geste qui a d’ailleurs fait beaucoup pour l’influence dont jouissent
actuellement les Shiradim au Capharnaüm.

Personnalités devint rapidement le meilleur élève de sa génération.


• Noam Bar Ezra, doyen de l’hôpital shiradi de Accepté au sein de la tribu salone avant même d’obte-
Fragrance nir son diplôme, ce fut un honneur dont il se promit
d’être digne.
À la fin de ses études, Noam partit en pèlerinage
dans le désert, allant de tribu en tribu proposer ses ser-
vices et apprenant autant qu’il aidait. Il fit également
partie d’une délégation salone envoyée à Kh’saaba
pour aider à y enrayer une épidémie mortelle ; le plus
expérimenté des médecins mourut de la mystérieuse
maladie et Noam en devint alors naturellement le nou-
veau chef. Pour son dévouement, le roi de Kh’saaba le
récompensa en l’autorisant à accompagner un corps
expéditionnaire en Al-Ragón. Et toujours Noam pro-
fita de ses voyages pour apprendre, encore et encore.
Désormais âgé de plus de cinquante ans, le médecin
Lui-même fils de médecin, Noam ne se souvient souhaite désormais se reposer et a accepté le poste de
pas avoir jamais voulu exercer un autre métier. Enfant, doyen de l’hôpital de Fragrance. Il fait de son mieux
sa salle de jeu était le cabinet de son père et ses jouets, pour que son établissement soit un espace d’entente
les instruments médicaux de celui-ci. Sachant se faire entre les peuples fort différents qui cohabitent tant
discret quand son père recevait des patients, Noam bien que mal dans la cité agalanthéenne.
écoutait tout ce qui se disait dans la salle de consul-
tation et même s’il n’y comprenait alors rien, tout • Shayna Bat Eli
s’imprimait dans sa mémoire. Shayna Bat Eli est une femme dans la force de l’âge,
Aussi lorsqu’il commença ses études de médecine, au physique passe-partout, qui va de village en village
d’abord comme apprenti dans le cabinet de son père proposer ses services en tant que sage-femme. Elle
et de ses associés puis à l’université de Carrassine, il excelle dans ce métier et sa science a permis à bien des

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Peuples et sociétés

enfants, tant shiradim que saabi, de venir au monde de Jazîrat, des vestiges de cet empire demeurent, mon-
en bonne santé, et à leurs mères de se remettre rapi- trant la grandeur des Agalanthéens jusqu’au fin fond
dement. Elle est d’ailleurs l’une des Salones les plus du désert. Avant la période impériale, les Agalanthéens
réputées et appréciées de sa tribu. Elle est souvent connurent la tyrannie des despotes et la grandeur de
accompagnée d’une apprentie qu’elle choisit au fil de la République. Aujourd’hui l’Empire n’est plus qu’un
ses pérégrinations et qu’elle forme avant d’en choisir souvenir et le peuple a perdu de sa superbe. Malgré tout,
une nouvelle. chez ces gens demeure un sentiment de fierté trouvant
sa source dans leur riche et très ancienne histoire. Mais
tout ceci n’est plus et chaque cité est devenue indépen-
dante de sa voisine. De plus, selon la conjoncture, elles
sont alliées ou ennemies.

Vie quotidienne
Pour la plupart des Agalanthéens, tous les jours se
ressemblent. Chaque journée est une épreuve où le
pauvre et l’indigent doivent survivre et les puissants
conserver leur place au sein de la société. Mais avant
d’en arriver là, il faut que les enfants aient acquis une
culture commune. Cela est très important pour toutes
Les Agalanthéens les familles agalanthéennes. Une institution spéciale
existe dans chaque cité digne de ce nom : le scolaria, un
établissement public chargé de l’instruction des plus
Histoire jeunes, filles et garçons, entre sept et treize ans. Un pré-
cepteur, le mestre, est chargé d’apprendre à ces petites
Grandeur et décadence
têtes blondes le calcul, l’écriture, la lecture, mais aussi
Il n’est pas une personne sur tout Jazîrat qui ignore
la littérature. Du moins, aborder les grands auteurs
l’histoire des Agalanthéens. Ce peuple du nord a réussi
vers l’âge de neuf ans. Les plus doués, mais surtout les
tout au long de son histoire à s’imposer aux autres pays
plus riches – car au-delà de treize ans le scolaria est à la
notamment durant la période impériale qui dura plus
charge des parents – peuvent continuer leur instruction
de quatre mille ans. Dans chaque pays, chaque province
auprès d’un magister. Là, les jeunes étudiants approfon-

L’Agalanthéide
Cette œuvre littéraire raconte la légende de la fondation de Thérème par le Héros Agalanthe. La vie glo-
rieuse de cet illustre personnage a été immortalisée par le plus grand poète de la civilisation agalanthéenne :
Maïus. Il retranscrit l’histoire d’un jeune homme, Agalanthe, le premier Héros, qui par la volonté des dieux
fonda la grande cité de Thérème. Maïus raconte dans sa grande épopée, de plus de trois mille vers, comment
le jeune homme a échappé au massacre de son peuple. En effet, les légendaires voyageurs des steppes furent
massacrés par des esprits démoniaques de Noxera. Les dieux épargnèrent la vie de ce frêle jeune homme et
lui donnèrent un destin. Ils dirent à Agalanthe : « Va vers le sud jusqu’au moment où tes jambes ne te porteront
plus. À cet endroit, construis-toi un abri. Quand les peuples viendront à toi écoute-les et rassemble-les, car tel est ton
destin. » C’est ainsi que fut fondée Thérème la millénaire. Aujourd’hui encore un temple à la gloire d’Aga-
lanthe ayant résisté à la destruction de la ville indique l’emplacement originel de sa cabane.

203
chapitre euterpe

La science des dragons


Les Agalanthéens ont toujours été les favoris des dieux, jusqu’à la chute de leur empire. Du moins le
pensent-ils. Ou bien leurs dieux étaient-ils plus puissants que ceux des autres peuples, leur conférant la su-
prématie qui fut la leur ? Nul en réalité ne sait vraiment pourquoi ni dans quelles conditions le Pacte advint,
mais il advint.
C’était en des temps très reculés, Agalanthe lui-même était encore en vie, seigneur vieillissant sur son
trône de marbre. Trois dragons, Arkitektonos, son épouse Sapientia et leur enfant Teknis se présentèrent
devant le palais pour demander audience au roi. C’est ainsi qu’Agalanthe et les trois dragons scellèrent dans
le marbre du palais de Thérème le Pacte qui unissait Agalanthéens, dieux et dragons. On dit que cet accord
engageait les Agalanthéens à propager, par la force s’il le fallait, leur civilisation et les cultes qui l’habitaient ;
en échange Arkitektonos, Sapientia et Teknis offraient aux despotes et aux générations politiques qui leur
succéderaient, le secret des Bâtisseurs de mondes. Les seigneurs de chaque ville d’importance se virent re-
mettre deux œufs de dragons et un grimoire sacré, objets nécessaires, était-il dit, à l’exercice de la mystérieuse
science transmise.
La suite se perd dans l’histoire, mais l’intervention d’Arkitektonos, Sapientia et Teknis transforma le des-
tin du peuple agalanthéen. Lui qui s’était uni derrière une prophétie, qui était né de la force et du charisme
d’un seul homme, venait enfin de recevoir la gratitude des dieux : la science des Œufs-univers. Ce savoir
permit l’édification de bâtiments défiant l’imagination et les lois de la physique, et ce en des temps records.
Il permit la création de machines de guerre stupéfiantes, certaines volantes, capables de voyager dix fois plus
vite qu’une armée en campagne et de tuer les ennemis par dizaines. Elle offrit le monde aux Agalanthéens.
Aujourd’hui, tout cela est perdu depuis longtemps, et on n’a pas vu trace de cette science surnaturelle
entre les mains des Agalanthéens depuis quelques centaines d’années. On ne sait pas vraiment pourquoi,
mais ce peuple perdit l’usage de la science des dragons quelque part entre l’an 4500 et l’an 5000. Un peu
plus de mille ans plus tard, on ne se souvient plus très bien des chars autonomes, des galères à vapeur, des
machines à faire trembler la terre et pleuvoir le feu, on a relégué aux côtés des légendes ces histoires de guer-
riers composés d’engrenages, ces gigantesques insectes de bois et d’acier, dévoreurs de villes, ces lions à trois
têtes, ces faucons doués d’intelligence humaine…

dissent leurs connaissances en algèbre, en grammaire, Les hommes portent les cheveux courts et sont im-
mais aussi en histoire. L’un des textes fondamentaux berbes. En effet, ils jugent que les poils sont sales et avi-
de tous les mestres est celui qui raconte la fondation de lissants. Exception faite de ceux qui se sont laissés hap-
Thérème par le Héros et roi Agalanthe. per par l’amour de la philosophie où barbe et cheveux
longs sont une marque de sagesse. Mais amoureux de la
Apparence philosophie ou pas, tous portent donc un grand soin à
Le peuple agalanthéen a une couleur de peau et de leur apparence et à leur hygiène de vie. Ils se vêtissent
cheveux plus claire que les peuples de Jazîrat. Ils sont d’une longue tunique attachée par des fibules et res-
blonds, voire légèrement roux, avec des yeux clairs serrée à la taille par une ceinture. Dans chaque cité, il
verts ou bleus. Il y a très peu de bruns. Les Agalan- est néanmoins possible de reconnaître les hommes qui
théens sont généralement un peu plus grands que les appartiennent à la haute société. Au bas de leur tunique
autres peuples. Certains l’expliquent par la grandeur blanche court une bande pourpre plus ou moins large
de leur histoire qui se serait ainsi marquée dans la selon l’importance de leur statut social.
chair et les os des sujets d’Agalanthe.

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Peuples et sociétés

L’habit des femmes est assez simple. Elles se maîtresse de maison doit cohabiter avec ses beaux-pa-
couvrent aussi d’une longue tunique retenue par une rents. Autrement dit, quand une femme épouse son
fibule qui est resserrée à la taille par une ceinture. Mal- mari, elle épouse aussi toute sa famille.
gré tout, ce vêtement est également soumis au caprice Quant aux enfants, filles ou garçons, ils sont élevés à
de la mode. La couleur de la tunique varie du beige au la fois par leur mère et leur grand-mère jusqu’à l’âge de
rouge en passant au vert selon les saisons. En effet, à sept ans. Si l’instruction de base est faite pour tous par
chaque saison correspond une couleur de vêtement et le scolaria, l’éducation pratique des garçons est prise
cette tendance est dictée par la plus riche femme de la en charge par les hommes jusqu’à leur majorité civile
ville. En outre, toujours selon la mode, les femmes se à l’âge de dix-huit ans. C’est à ce moment-là qu’ils sont
coiffent de différentes manières. Les cheveux peuvent officiellement inscrits dans la maison de leur père.
être laissés libres ou bien ramenés au sommet du Chez les Agalanthéens la maison n’a rien à voir avec
crâne en chignon. Les plus riches ajoutent des pos- une vision globale de la société. Il s’agit d’une circons-
tiches à leur coiffe. Peu d’Agalanthéennes possèdent cription civile qui fait d’un jeune garçon un homme
des bijoux, mais toutes se soucient beaucoup de leur et un citoyen. Seules les familles les plus aisées appar-
hygiène et utilisent nombre de cosmétiques, qui pour tiennent à une telle entité. Les femmes et les esclaves
blanchir son teint, qui pour teinter ses joues, qui pour en sont bien sûr exclus.
colorer sa chevelure. Les filles sont élevées comme de futures mères de
famille et de futures maîtresses de maison jusqu’à leur
Société mariage vers quinze ans. Ensuite, elles sont placées
La société agalanthéenne est passée par tous les sous l’autorité de leur belle-mère. Puis à leur tour, elles
stades. Aujourd’hui, plus de trois siècles après la chute deviennent des belles-mères puissantes. Dans les cas
de l’Empire, les villes sont devenues des cités-États de veuvage, il est très mal vu de se remarier, sauf si le
indépendantes. Le système politique est donc légère- médecin le recommande pour éviter l’hystérie due à
ment différent d’une cité à une autre. On y retrouve l’abstinence sexuelle. Ces veuves sont en général très
cependant une base commune. respectées de la population. Elles sont les pendants
Chaque cité domine un territoire qui l’entoure et les des sages et des philosophes.
villages qui s’y situent sont placés sous sa protection. Mais d’autres événements plus rares, tout aussi fon-
Les Archontes, charge héréditaire ou progressivement damentaux, régulent la vie des Agalanthéens.
acquise, sont les chefs de la cité et non ses souverains.
Ils sont entourés d’un conseil recruté de manière aris- La naissance et la mort
tocratique, mais dont les modalités dépendent des Lors des naissances, les veuves et les sages-femmes
villes. Dans tous les cas, ce cercle de notables est char- assistent la jeune mère accroupie sur des briques de
gé de conseiller et de contrôler les Archontes. Enfin, pierre. Durant cette épreuve de la vie, des femmes aux
la souveraineté appartient à l’Assemblée qui est com- pouvoirs magiques éloignant le mal et les démons,
posée de tous les citoyens de la ville. Elle a la charge jouent du tambourin et des sistres pour protéger celle
de voter les décisions qui s’imposent à l’ensemble de qui accouche ainsi que le nouveau-né . Les hommes
la communauté. Toutes les fonctions publiques sont sont absents de cette cérémonie. Lorsque l’enfant
assumées par des Magistrats. Le commandement de pousse son premier cri, une prêtresse de Néréa lui
l’armée de la cité est quant à lui confié au Stratège. donne un nom. Le père, ensuite prévenu, doit alors
accomplir un geste pour montrer qu’il accepte et re-
Famille connaît cet enfant. Il le présente aux dieux en l’élevant
Suite à la chute de l’Empire, les Agalanthéens se au-dessus de sa tête. Sans cela, le nourrisson est dé-
sont recentrés sur leur famille. Plusieurs générations posé sur le parvis de l’orphelinat du temple de Néréa.
d’Agalanthéens vivent sous le même toit et souvent la La mère n’a alors aucun pouvoir d’empêcher cet aban-

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chapitre euterpe

don. Ces cas de non-reconnaissance par le père sont as- rasent plus la barbe en signe de deuil. La toilette mor-
sez fréquents, surtout quand l’enfant est une fille. Son tuaire est effectuée par des prêtres ou des prêtresses
sort est alors remis entre les mains des dieux, puisqu’il de Chtonos dieu des Enfers, selon que le mort soit un
sera chargé de servir le temple de Néréa durant toute homme ou une femme. Pendant les trois jours et trois
son existence. nuits que dure le deuil, la famille fait ériger un bûcher
Comme la nuit qui tombe inévitablement chaque à l’extérieur de la ville, près du cimetière. Tout au long
soir, la vie s’achève un jour. Dès l’annonce du décès, de la procession funéraire, les femmes pleurent et les
la famille se réunit autour de la dépouille. Les femmes hommes chantent d’une voix grave les prières adres-
se frappent la poitrine et la tête tout en recouvrant sées au mort. Une fois arrivés au lieu de la crémation,
leur corps de poussières. Quant aux hommes, ils ne se les hommes hissent la dépouille sur le bûcher d’une

Des noms
Les Agalanthéens utilisent ce qu’ils nomment les tria nomina. Chaque homme a trois « noms ». Un pré-
nom, un nom de famille (suivi du suffixe – ius qui veut dire descendant) et un surnom.
Exemple : Marcus Tullius Callico.
Évidemment, ceci est le nom civil officiel d’un citoyen. Les esclaves n’ont en général qu’un seul nom et les
citoyens eux-mêmes n’utilisent pas leurs trois noms dans la vie courante.
Exemples de prénoms masculins : Antonius, Charon, Daiemon, Doros, Égée, Égisthe, Eschylles, Hippolyte,
Marcellus, Marcus, Paris, Périclès, Zénon…
Exemples de prénoms féminins : Antigone, Antonia, Aspasie, Cassandre, Cassiopée, Charybde, Circé, Di-
don, Julia, Junon, Nausicaa, Néréïde, Pénélope…

Les dieux agalanthéens


La religion agalanthéenne est une religion polythéiste qui s’inspire en grande partie de la nature qui l’en-
toure. Dans chaque arbre, chaque fleuve, chaque plante, les hommes voient une divinité. Il est donc impos-
sible d’en établir une liste exhaustive.
Utaax : le 1er dragon à l’origine du monde et des dieux. Il est la terre primordiale et la magie qui imprègne celle-ci.
Zamul : dieu primordial du temps. L’un des premiers dieux sortis de l’œuf d’Utaax.
Ioptis : soleil tout puissant, dieu des cieux immaculés, père des jumeaux Solphée et Sollyon, et de Eolys. L’un
des premiers dieux sortis de l’œuf d’Utaax.
Néréa : déesse de la lune, de la fertilité et de la mer. Première déesse sortie de l’œuf d’Utaax.
Kalos : dieu protecteur des mers et des fleuves, mari de Néréa. L’un des premiers dieux sortis de l’œuf d’Utaax.
Bacchoros : dieu de la vigne et des plaisirs.
Saphios : dieu de l’amour, du sexe et des alliances politiques (mariages arrangés). Père des Muses et frère de
Bacchoros.
Démétra : déesse de la nature et des récoltes, fille de Néréa et Kalos.
Velia : déesse des femmes, des épouses et de leurs mystères. Velia fait l’objet d’un culte mystique très coor-
donné, avec différents niveaux d’initiation et secrets. Les hommes acceptés sont castrés rituellement. Velia est
la fille de Néréa et Kalos.

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Peuples et sociétés

Chtonos  : dieu de la mort et des enfers de Noxera. L’un des premiers dieux sortis de l’œuf d’Utaax.
Tartarus : gardien et juge des enfers de Noxera, fils de Chtonos.
Mercurianus : dieu des marchands.
Solphée : déesse de la beauté et soleil aveuglant, celle qui fait perdre la tête aux hommes. Grande séductrice,
on lui prête intelligence et sens de la manipulation. Elle est la jumelle de Sollyon.
Sollyon : soleil bienfaiteur, il apporte lumière, illumination et raison. Il est vénéré par les philosophes. Il est le
jumeau de Solphée.
Noctée : déesse de la nuit, des désirs cachés et des secrets. Elle enveloppe chaque nuit Solphée afin que celle-ci
lui raconte les histoires de la journée précédente. Elle apprécie particulièrement de connaître quels hommes
ont été éblouis par l’une de ses priantes.
Noxera : pendant schizophrène de Noctée, les Ténèbres infernales.
Eolys : déesse des vents, des nuages et des pluies, mais aussi des humeurs changeantes.
Zeneus : dieu de la foudre et du tonnerre, fils d’Eolys.
Thalena : déesse de la chasse et de la mise à mort cruelle. Déesse vierge « barbare » patronnant les héros soli-
taires sans attache qu’elle conduit toujours à un destin funeste.
Urmos : dieu de la guerre civilisée, le stratège céleste. Dans les mythes agalanthéens, Urmos et Thalena se
chassent continuellement l’un l’autre, sans jamais consommer leur passion, car trop de choses les séparent.
Cerdus : dieu des indigents, des avares et des mendiants. Il dispose d’une pièce d’or à une seule face qu’il peut
récupérer à n’importe quel moment. Il est le frère mal-aimé de Mercurianus.
La Bavda (la « Catin » en Agalanthéen) : déesse sans nom qui symbolise la chance et le hasard. Personne ne
la prie publiquement, car lui confier son destin est déshonorant.
Mnémosyne : déesse de la mémoire et mère des Muses.
Calliope, Clio, Erato, Euterpe, Melpomène, Polymnie, Terpsichore, Thalie et Uranie sont muses agalan-
théennes des arts antiques (cf. La magie dans Capharnaüm en annexes, p.302). Elles sont les filles de Saphios
et Mnémosyne.
Atlas : dieu des voyageurs, des explorateurs et des cartographes. Il rapporte une partie de ses connaissances à
Sollyon depuis que ce dernier l’a aidé à trouver un sens à sa vie divine. Il était très révéré à l’époque de l’exten-
sion impériale.

Dans toutes les cités, on retrouve ces dieux, mais aussi beaucoup d’autres qui ne sont parfois connus que
dans un seul lieu, une seule cité. La pluralité et la diversité sont de mises dans la religion agalanthéenne. En
outre, chaque Agalanthéen a son dieu protecteur. En effet, tous portent sur eux de petites amulettes repré-
sentant leur divinité tutélaire afin d’en attirer les faveurs.

hauteur de cinq mètres environ. La famille est tenue Activités courantes


de rester tout le long de ce rituel. À la fin de celui-ci, Les Agalanthéens constituent un peuple de mar-
les cendres sont placées dans une urne funéraire qui chands, d’agriculteurs, mais aussi de marins. Même
est enterrée dans le cimetière. Quand la famille en a si aujourd’hui ils ont perdu de leur superbe, leurs
les moyens, elle peut faire édifier une stèle et graver qualités premières sont toujours présentes. En effet,
une épitaphe. Certaines font ériger de véritables tom- les terres fertiles du pays fournissent tout ce dont
beaux familiaux, mais cela est réservé à une élite.

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chapitre euterpe

le peuple a besoin pour se nourrir et même plus. La générations. Ce système permet aux marchands aga-
terre d’Agalanthe est en fait le véritable grenier à blé de lanthéens de ne connaître la banqueroute que très rare-
la Mer intérieure. ment, ce qui en a fait pendant longtemps les marchands
La pêche est une activité très lucrative également. les plus prospères du monde.
Les nombreuses îles offrent beaucoup de lieux pro- Outre les jeux du cirque décrits un peu plus loin, les
pices à la capture du poisson. En outre, les pêcheurs Agalanthéens pratiquent de nombreux loisirs comme
ont une technique de conservation extraordinaire dans écouter de la poésie, assister à des pièces de théâtre,
une boîte métallique. En effet, une fois la boîte ouverte, débattre sur divers sujets (politiques ou autres) ou
le poisson semble avoir été pêché la veille même s’il encore jouer à de multiples jeux de société, d’adresse
a été pris il y a des mois de cela. Le secret est détenu ou de dés. Ils apprécient particulièrement les com-
par les prêtres du temple de Kalos, dieu de la mer. Là, pétitions, sportives et artistiques, qu’ils nomment
les grands prêtres apportent la pêche dans une salle où Agôns  : courses diverses, humaines ou véhiculées
nul profane ne peut aller. Ils y restent pendant un jour (chars, bateaux...), lutte, épreuves de force ou d’agi-
et une nuit. À la fin de cette période, le pêcheur vient lité, danse, musique, beau parler, etc. Un Agôn se fait
reprendre sa marchandise qui est stockée dans cette toujours sous le patronage d’une divinité (locale ou
mystérieuse boîte métallique. D’aucuns ont voulu per- majeure et, en général, en rapport avec l’Agôn) et peut
cer le mystère des prêtres de Kalos, mais nul n’a jamais donner lieu à de grandes festivités ou ne rester qu’un
rien vu, ni rien trouvé pour expliquer cet étrange phé- petit événement qui rythme régulièrement la vie d’un
nomène, les pêcheurs eux-mêmes n’en savent rien. village ou d’un quartier.
Les bateaux agalanthéens se reconnaissent facile-
ment. Leurs coques arrondies s’élèvent à près de huit Culture
mètres au-dessus du niveau de la mer pour les navires La culture des Agalanthéens est passéiste. En effet, ils
les plus imposants. Les simples barques ont une coque considèrent les époques de la République et de l’Em-
dont le niveau du gaillard surplombe les flots jusqu’à pire comme étant leur âge d’or que cela soit pour la lit-
deux mètres. Les proues des navires, qu’ils soient mar- térature, la sculpture et l’art de vivre. Aujourd’hui ils ne
chands ou armés, sont ornées de l’œil de Kalos, parèdre font que recopier les grandes œuvres de jadis. Les plus
de Néréa et dieu de la mer pour les Agalanthéens. Cet riches se vantent d’orner leur maison des plus belles co-
œil est censé protéger le navire durant ses traversées et pies. La source d’inspiration de l’art agalanthéen est la
le guider à travers les épreuves de la mer. nature de la déesse Démétra, fille de Néréa. La faune et
Les marchands agalanthéens sont très nombreux dans la flore sont les sujets de fresques et de mosaïques dans
les îles et notamment dans le port franc d’Étrusie. De les maisons les plus cossues de Thérème ou de la cité
là, ils organisent de grandes expéditions qui rayonnent balnéaire de Thalassakala. Les sujets mythologiques
dans l’ensemble du monde connu. Ils ont même mis au sont aussi souvent représentés, notamment la vie de
point le système des assurances pour les voyages d’une Bacchoros, dieu de la vigne et des plaisirs.
durée supérieure à un an. Ce système a été adopté par la Mais il ne faut pas croire pour autant que toutes les
majorité des marchands de toutes les origines. Avant de maisons agalanthéennes sont pourvues de mosaïques,
prendre la mer, ou de s’élancer sur les routes commer- de statues ou de bibliothèques. Beaucoup n’ont pas
ciales, les marchands agalanthéens se rendent chez un accès à cet art. Seuls des endroits publics tels que les
assureur. Ils paient une somme équivalente à 15 % de la cirques ou les thermes leur montrent ce qui incarne le
valeur leurs marchandises. Si leur bateau sombre dans luxe et l’art.
une tempête, s’ils sont détroussés par des voleurs et des Les jeux du cirque sont plus que des divertisse-
brigands, leur cargaison étant assurée ils rentrent dans ments pour le peuple. Ce sont des fêtes religieuses qui
leurs frais. Bien souvent une famille de marchands tra- rendent honneur aux dieux tutélaires de la ville. Ces
vaille avec la même lignée d’assureurs depuis plusieurs spectacles sont en général payés par la cité, mais par-

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Peuples et sociétés

fois aussi par des notables, tel Marcus Tullus Severus moralité : elle peut inspirer le courage, l’envie de guer-
qui lors de son élection au sénat de Thérème paya sur royer, inciter à la retenue ou faire naître le désir par
sa fortune personnelle des jeux qui durèrent six mois. exemple. Les aèdes, les professionnels qui pratiquent
Il y laissa presque tous ses biens, mais la cité lui en fut cet art, peuvent utiliser, tout en chantant, la lyre, la ci-
pour toujours reconnaissante en lui élevant une sta- thare, l’aulos, la syringe (une sorte de flûte de pan), le
tue sur l’agorarium, la place principale qui regroupe le cornu, le tuba, ainsi que tambours et tambourins. La
marché, les bâtiments publics et administratifs et les musique invite à la danse, discipline qui est pratiquée,
principaux temples. là aussi, lors de fêtes saisonnières et de cérémonies
Les jeux du cirque s’ouvrent souvent par des repré- diverses.
sentations scéniques contant les déboires des dieux La littérature et la poésie agalanthéennes furent
qui sont jouées au milieu de l’arène. Les courses de d’une richesse inouïe et à l’origine de nombreux
chars qui suivent voient quatre équipages, correspon- genres comme l’épopée, la tragédie, la comédie, la
dant aux quatre saisons, se disputer la victoire. Les poésie lyrique, la philosophie, la rhétorique, etc. Rien
combats de gladiateurs et les exécutions des criminels moins que cinq des neuf Muses patronnent ce pan de
ont lieu à la fin des festivités et ce sont les jeux les plus la culture agalanthéenne !
appréciés. C’est souvent l’occasion d’y voir de terri- Par ailleurs, les Agalanthéens raffolent des fables
fiantes manticores et d’autres animaux fantastiques. et mythes où se côtoient divinités et Héros. Celles-ci
Les gladiateurs sont des prisonniers, des esclaves, sont apprises dès le scolaria, développant la vision du
et plus rarement des hommes libres, qui ont été choi- monde des Agalanthéens à travers un prisme mytho-
sis par le maître d’une école de gladiateurs. Ces écoles logique, intégrant, l’un dans l’autre, leur histoire et
sont très nombreuses, on n’en dénombre pas moins leurs mythes.
d’une vingtaine par ville. Elles forment des hommes à Enfin, la cuisine de ce peuple, riche et élaborée, se
se battre contre des fauves ou des monstres et, évidem- base sur le blé, l’huile d’olive et le vin. Elle se compose
ment, contre leurs semblables. Elles leur enseignent de galettes et gruau de céréales, de légumes variés
aussi à mourir dignement, à accepter la sentence avec (choux, oignons, lentilles, fèves…), de beaucoup de
fatalisme. Cependant, tous les gladiateurs ne meurent poissons et de viandes souvent grillées, ainsi que de
pas dans l’arène. À cet égard, l’histoire de Marcus est nombreux produits à base de lait. Les plats et fromages
édifiante. Cet homme combattit lors des jeux sécu- sont usuellement accompagnés d’herbes aromatiques
laires de l’année 4158. Armé d’une simple épée et d’un (thym, origan, menthe…), de raisins secs, de miel...
bouclier, il affronta plus d’une centaine d’adversaires
à la suite. Lors du dernier combat, il tomba. Le vain- Pratique religieuse
queur sollicita alors la sentence du public : la vie ou la Les Agalanthéens ne se contentent pas de croire en
mort. Le peuple, devant tant de courage et de force, leurs dieux. Ils les craignent. Toutes les cérémonies
décida de le gracier. Marcus devint un homme libre, religieuses doivent se dérouler parfaitement, sinon
car il put racheter sa liberté avec les gains de son com- la colère céleste pourrait s’abattre sur la nation aga-
bat avant de gravir les échelons et de devenir un grand lanthéenne. Dans l’esprit des gens du peuple, c’est
magistrat de Thérème. Il mourut à l’âge des sages, cent d’ailleurs la raison de l’effondrement de l’Empire. On
onze ans d’après son épitaphe que l’on peut toujours raconte en effet que, lors d’un sacrifice sanglant à la
voir dans le cimetière de Thérème. déesse Néréa, le prêtre chargé de l’office a commis
Inspirée par Euterpe, la musique tient une place trois erreurs rédhibitoires. La première fut d’avoir né-
importante dans la culture agalanthéenne. On l’uti- gligé ses ablutions et de s’être présenté impur devant
lise pour les fêtes, les cérémonies religieuses comme la statue cultuelle de la déesse. La deuxième fut de ne
profanes, en accompagnement d’une histoire... Pour pas avoir veillé à la pureté de la victime. Il ne sacri-
les Agalanthéens, la musique agit sur les passions et la fia pas le bon agneau. La troisième fut de ne pas avoir

209
chapitre euterpe

Les Héros
Dans la religion agalanthéenne, les Héros ont une place à part. Ce sont des hommes, plus rarement des
femmes, qui surpassent tous les autres. Ils ont de grandes capacités physiques, intellectuelles ou artistiques.
Depuis leur plus tendre enfance, il émane d’eux une aura particulière qui indique qu’ils ont un destin excep-
tionnel à accomplir. Ce destin peut être une terre à découvrir, une invention, un conflit pacifié entre deux
peuples qui se livraient une guerre sans merci depuis des générations. On présente l’enfant qui vient de
naître à un Oracle des dragons pour établir si le nouveau-né est un Héros ou non. Quand il est reconnu
comme tel, l’enfant est élevé en Héros. Pour faire son éducation, un maître particulier, le Sage, lui enseigne
toutes les histoires des Héros qui l’ont précédé. Il l’aide à trouver en lui l’Héritage des dragons pour qu’à son
tour, il puisse faire avancer l’histoire des Agalanthéens. Ainsi le terme Héros est préféré à celui d’Héritier
des dragons, bien qu’il désigne la même chose.

Quelques Héros célèbres :

• Agalanthe : fondateur d’Agalanthe, le plus grand Héros qui fut.


• Gracus : Héros mythique de Thérème dont seule la chance insolente lui permit de naître fils de men-
diante et d’accéder pourtant à l’un des postes les plus importants de la ville. Le peuple agalanthéen pense
que le gladiateur Marcus (cf. Culture), qui eut un destin similaire bien qu’il n’était pas un Héros, bénéfi-
ciait de la faveur de Gracus.
• Vigus : cet aurige extraordinaire joua sa vie lors d’une course avec Chtonos en personne. Il épuisa tant
ses chevaux qu’il dut les porter lui-même, en plus de tirer son char, avant de franchir ex-aequo la ligne
d’arrivée. Chtonos, impressionné, lui laissa la vie sauve.
• Plectoi Septimus Imos : attaqué par un kraken durant l’une de ses pêches, ce marin réussit miracu-
leusement à défaire le monstre, ce qui lui valut de s’attirer les foudres du dieu Kalos. Il dut alors fuir avec
sa famille, et erra 30 ans en bateau sur les flots, entre les royaumes humains et divins, vivant mille aven-
tures, avant de pouvoir s’installer de nouveau sur la terre ferme. On dit qu’il aurait cartographié les voies
aquatiques de Kalos, une route maritime qui relierait les mers d’Agalanthe à celles, divines, d’Olympos.
• Nomehia de Thérème : Nohémia est connue pour avoir sauvé plusieurs fois la cité des pillards, les
séduisant ou les humiliant lors de joutes martiales. Elle aurait engendré les Myrmidons modernes en
plongeant dans le lac de Thérème, et en implorant les dieux sinueux du fleuve pour qu’ils lui donnent les
vingt derniers Myrmidons insectoides originels afin d’en faire ses amants. Chacun lui fit douze fils.
• Ceraië : victime d’une terrible injustice par la faute du dieu Mercurianus, elle passa sa vie à obtenir de
lui réparation, jusqu’à ce qu’elle finisse par obtenir gain de cause. Incarnation de la persévérance, Ceraië
est invoquée par ceux qui luttent contre les épreuves de la vie ou l’adversité. On l’appelle aussi parfois
pour résoudre une injustice.
• Thémis : cette Héroïne diplomate voyagea dans toutes les provinces de l’Empire pour intervenir dans
nombre de situations extrêmement délicates. Juste et droite, elle était si douée que tous les partis s’incli-
naient devant elle à son départ. Les dieux eux-mêmes firent appel à ses compétences afin de régler cer-
tains de leurs problèmes.

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Peuples et sociétés

écouté son acolyte : celui-ci avait rêvé que la déesse


elle-même lui demandait de ne pas exécuter ce sacri-
Les Théréméens
fice, sinon l’Empire s’effondrerait. Origine
En effet, dès que la première goutte de sang de Être Théréméen c’est vivre dans un monde mou-
l’animal toucha l’autel, on dit que le ciel s’obscurcit rant. Les Théréméens se rendent compte que leur
soudainement et que les éléments se déchaînèrent. société, qui fut autrefois le centre du monde connu,
Partout dans l’Empire, les armées agalanthéennes cé- n’est plus qu’une ruine.
dèrent sous les poids des invasions barbares et la peste L’Agalanthéide conte comment Agalanthe, seul
s’abattit sur son territoire. survivant des Loups des steppes, trouva refuge près
Depuis, les prêtres sont plus rigoureux que par le du fleuve, là où les démons de Noxera n’osèrent pas
passé sur le déroulement des cérémonies. De simples le poursuivre. Encerclé par ses ennemis, sous la lu-
magistrats religieux, ils sont devenus les ardents dé- mière des étoiles, le jeune homme eut une vision dans
fenseurs des dieux. laquelle les dieux conclurent un pacte avec lui. En
La population agalanthéenne est une population échange de sa soumission, ils lui montreraient com-
très superstitieuse. Les dieux sont présents dans tout ment construire une ville éternelle. Les bornes de sa
son environnement et peuvent influencer sa destinée. civilisation repousseraient les démons de tous bords
Par exemple, si un marchand doit mener des négocia- et, alors que l’influence de son peuple s’étendrait, les
tions, avant de se rendre à son rendez-vous il ira faire démons n’auraient plus qu’à se cacher dans les lieux
une dévotion au dieu des marchands : Mercurianus. obscurs de la terre pour finalement disparaître. Aga-
Si une femme désire un enfant ou que son accouche- lanthe accepta et trouva près de lui, à son réveil, une
ment se déroule bien, elle ira faire une offrande à Né- règle d’or pour mesurer, un compas d’argent pour
réa, la déesse mère de toutes créations. Pour les Aga- délimiter et une épée de fer pour conquérir.
lanthéens faire une offrande ou une dévotion régulière Maïus révèle comment Agalanthe conquit à lui seul
aux dieux est une garantie pour son avenir. sa première tribu, les Sénégarques des monts Negra,
Ces dévotions et pratiques ont lieu au sein de en massacrant le conseil des anciens et épousant de
temples plus ou moins grands et majestueux, consa- force la plus jeune de leurs princesses. Ainsi commen-
crés à une ou plusieurs divinités. Elles peuvent aussi ça une série de victoires qui ne devaient s’interrompre
se faire devant l’un des innombrables autels que l’on qu’avec le cataclysme. À chaque tribu assujettie, Aga-
trouve dans les rues, sur les places, le long des routes… lanthe, puis ses successeurs, accordaient aux chefs de
Lorsque la vie d’un Agalanthéen se termine, l’âme communauté un statut de patricien et installaient ses
du défunt, après un voyage souterrain lors duquel il routes et ses bornes. L’Empire conquit les collines puis
aura rencontré la Grande Hydre à cinq têtes et payé redescendit le fleuve Kalixos jusqu’à la mer. Il diffusa
l’obole à Ratius, parvient finalement devant le fils de la civilisation, l’agriculture, la loi et la philosophie.
Chtonos : Tartarus. Ce dernier lui pose alors une ques- Le cataclysme de 5666 marqua la fin de cet âge d’or.
tion. Seuls les hommes ayant mené une vie vertueuse Thérème brisée, l’empereur mort et le Sénat abattu,
en détiennent la réponse, ils pourront ainsi accéder au les différentes cités de l’Empire firent sécession alors
mont Olympos où vivent les dieux, puis à l’Elysium, même que les peuples fédérés sous son autorité se
une vision parfaite de Thérème durant son âge d’or. rebellaient contre leurs anciens maîtres.
Celui qui se trompe est par contre condamné aux sup- Les Théréméens vivent aujourd’hui dans l’ombre
plices des Enfers de Noxera, une terre caillouteuse et de leur grandeur passée. Ils se glorifient de leur his-
monotone, qui résonne des cris des suppliciés et des toire et ne doutent pas qu’avec la mort de leur ville le
rires des bourreaux, et où stryges et furies le tourmen- monde entier ne coure à sa perte. Festivités et carna-
teront pour l’éternité. vals peinent à faire oublier un quotidien morose vécu
dans les ruines de ce qui fut le centre de l’univers.

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chapitre euterpe

Société voire de factions avides de s’attirer les faveurs des Hé-


La société théréméenne reste principalement une ros. Les descendants des grandes figures de la cité sont
méritocratie oligarchique. Les habitants, de l’esclave au tout aussi révérés, car le souvenir de leurs ancêtres se re-
tribun, vivent entourés de statues et de fresques com- trouve en eux. Pour un Théréméen, le descendant d’un
mémorant les légendes des fondateurs. La cité révère Héros reste un Héros et les vieilles familles conservent
donc ceux qui se couvrent de gloire et leur réserve une aujourd’hui encore la part du lion des richesses et des
vie confortable parsemée de fêtes somptueuses, de propriétés de la ville. Le revers de cette médaille est que
femmes faciles et de palais couverts de dorures. Les la ville déteste l’échec. Un simple revers de fortune peut
actions d’éclat ouvrent plus de portes que la richesse et coûter à un artisan sa demeure, son affaire et sa famille,
promettent la confiance de mécènes et d’investisseurs, alors que ses créanciers se jettent sur ses possessions
pour limiter leurs pertes et ne plus risquer d’être conta-
minés par l’infamie qui frappe le pauvre homme.
Au plus bas de l’échelle sociale se trouve l’esclave.
Dépourvu de droit, l’esclave est une marchandise, une
possession. Il ne peut que travailler, mais reste souvent
bien traité, parfois comme un membre de la famille, le
plus souvent comme un animal domestique.
Au-dessus, les hommes libres, capables de détenir
une entreprise et de se marier librement. Légèrement
moins nombreux que les esclaves, les hommes libres se
différencient de leurs semblables dans le reste du monde
par leur éducation et leur attitude. Tous connaissent
leur chance d’avoir étés éduqués au centre de la civi-
lisation et n’ont que pitié et mépris pour les barbares
étrangers qui ne se rendent même pas compte de la
tragédie que représente la destruction de Thérème.
Cette pitié n’est que haine pour les cités-États
agalanthéennes qui désireraient s’attaquer à leur
cité, et respect mêlé de crainte pour les Myrmi-
dons qui la défendent.
Les patriciens, enfin, représentent l’aristo-
cratie. En termes de loi, il suffit d’être père de
famille et de payer la taxe de vote pour devenir
patricien, mais, dans les faits, il faut également se
faire accepter de la vieille aristocratie, ce qui est
quasi-impossible à celui qui n’est ni un descendant
de Héros, ni couvert de gloire.
Il faut noter que les femmes possèdent sensible-
ment les mêmes droits que les hommes, et ce depuis
les temps antiques où la reine Sernemis fit appel aux
dieux pour libérer la ville des esprits de la lune qui en
avaient envoûté les hommes. Elle dut gouverner une
Thérème uniquement peuplée de femmes et d’enfants
pendant un mois. Elle s’acquitta si bien de sa tâche

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Peuples et sociétés

qu’à leur réveil, les habitants reconnurent la compé- port, qui est désormais relié par un système de montes
tence de leurs compagnes. charges au nouveau port construit sur pilotis, au bord
Enfin, les mendiants, voleurs et autres charlatans du fleuve.
restent considérés comme des habitants de la ville, La falaise en elle-même est parfois instable. On y
mais il est plus poli de faire comme s’ils n’existaient peint depuis trois ans une gigantesque fresque (7 km
pas. Tout du moins sont-ils des Théréméens et donc de long sur 30 m de haut) qui narrera l’Agalanthéide.
valent-ils mieux que les étrangers. Thérème bénéficie d’un arrière-pays enchanteur.
Deux factions se partagent le cœur des citoyens et Les champs nécessaires à la subsistance de ses habi-
peuvent ainsi faire la pluie et le beau temps en matière tants s’étendent sur des milliers hectares, jusqu’aux
politique ; elles sont donc craintes, mais courtisées, par collines à l’horizon. De loin en loin s’imposent les
les patriciens. Les Dévots pensent que le tremblement grandes forêts de chênes au cœur desquelles sont
de terre était une punition divine contre l’orgueil de construites les villas d’été de l’aristocratie. Autrefois,
l’Empire. Les Mécréants, quant à eux, estiment que les champs cédaient ici le pas aux vignobles d’où était
c’est le tremblement de terre qui a ôté à l’Empire la fa- tiré l’un des meilleurs vins au monde. Le climat est
veur des dieux. L’origine religieuse de cette querelle est doux, jamais trop froid en hiver, et rarement insuppor-
oubliée depuis bien longtemps, mais cela n’empêche table, bien que chaud en été. Le cataclysme a rendu ce
pas les deux factions de se détester et de s’affronter ré- paysage paisible et grandiose bien que mélancolique.
gulièrement lors des jeux du cirque ou au Sénat. La campagne autrefois régulière est désormais percée
par endroits de pics rocheux jaillis de nulle part alors
Aux abords du gouffre… qu’ailleurs s’ouvrent des gouffres ou des crevasses. Les
Thérème est construite sur les berges du grand champs sont toujours cultivés, mais la ville s’est repliée
fleuve Aestius dont le cours fut détourné lors du trem- sur les importations fluviales, diminuant d’autant plus
blement de terre. Une partie de la ville fut ainsi suré- le nombre d’exploitants que nombre d’entre eux ne
levée tandis que l’autre était engloutie par les eaux, survécurent pas au cataclysme. Le voyageur peut donc
créant un lac en son centre. voir des agriculteurs labourer la terre au bord des ves-
Sur la bande de terre située entre le lac et le pied tiges des anciens arcs de triomphe qui surplombaient
de la falaise se trouvent la vieille ville et ses palais, autrefois la route. La plupart des fermes ne sont plus
cœur de la vie patricienne. En face, de l’autre côté du que des ruines alors que, dans les collines, les maisons
lac, le marais et ses palais à moitié inondés, autrefois des patriciens semblent endormies sous le chant des
demeures des plus riches, sont aujourd’hui celles des cigales, alors que les tendrilles des vignobles abandon-
criminels et des mendiants. nés les recouvrent peu à peu. Inutile pour autant de
Dans les eaux du lac se dessinent encore les de- se risquer à les piller : les collines sont devenues les
meures englouties et certains monuments, dont terrains de chasse des Myrmidons et des molosses des
l’ancien Sénat est l’un des plus prestigieux. Miracu- veneurs impériaux. Ils y patrouillent inlassablement
leusement épargné par le tremblement de terre, cer- afin d’y traquer les ennemis de la cité.
tainement protégé par les dieux eux-mêmes, le temple
d’Agalanthe — construit là où le fondateur mythique Crimes et châtiments
avait établi sa cabane — se dresse seul sur un petit îlot, Le chaos et le fatalisme qui ont suivi le cataclysme
au milieu des eaux. ont donné naissance à un comportement étonnant
Au sommet de la falaise s’est créée la «  nouvelle chez les Théréméens. D’une part, ils ne se soucient
Thérème », la ville des nouveaux arrivants, qui abrite plus de la loi, engloutie pour eux au fond des eaux avec
les faubourgs bourgeois, le grand Colisée, le nouveau le Sénat. D’un autre côté, ils ont tant idéalisé la civili-
Sénat, le palais de l’Archonte, ainsi que le port suspen- sation agalanthéenne que la plupart défendent d’eux-
du. Cette curiosité de la ville n’est autre que l’ancien mêmes les lois de l’Empire. Les criminels existent bel

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chapitre euterpe

et bien. Quel commerçant ne cache pas ses bénéfices deuillé par la mort de son noble père deux ans aupara-
aux collecteurs impériaux ? Quel assassin ne vend pas vant, il s’est peu à peu effacé de la vie publique depuis.
ses talents devant la statue du dieu de la mort ? Quel Les Théréméens commencent ainsi à trouver le temps
voleur ne profite pas des jours de marché pour subtili- long, d’autant que la coutume veut qu’il prenne dé-
ser discrètement les bourses des marchands crédules ? sormais femme.
S’ils sont pris toutefois, ils ne peuvent qu’espérer être
arrêtés par la milice, aussi corrompue et désabusée
soit-elle. Les citoyens auront vite fait de juger qu’un
criminel fait affront au souvenir de l’Empire et de le
noyer dans le lac, voire de le jeter en pâture aux ani-
maux ou aux gladiateurs durant les jeux de la semaine.
Cette justice est celle des factions qui dirigent la ville.
Elle est rapide et expéditive. Le criminel intelligent sait
que la meilleure façon d’y échapper est de fuir dans la
vieille ville. Là, dans les ruines des marais, personne ne
s’intéresse à leurs forfaits, tant que le code des malan-
drins est respecté.
La justice et la loi impériales ne sont plus aujourd’hui
rendues que par les Myrmidons. Sans doute les meil-
leures troupes du monde connu, autrefois présents sur  
tous les fronts de l’Empire, les Myrmidons se replient • Vortis l’eunuque
aujourd’hui vers Thérème pour protéger leur ville mou- Vortis est le serviteur dévoué du trône et le conseil-
rante des agressions extérieures. Ils font appliquer les ler de Julius. C’est un diplomate âgé, à la santé défail-
lois du Sénat et de l’Archonte. Ils sont inflexibles, incor- lante, qui veille sur la ville et assure sa sécurité du
ruptibles et de moins en moins nombreux. La mélanco- mieux possible. Il a notamment créé des ministères et
lie et le laxisme ambiants empêchent de nouveaux en- des bureaux afin de gérer plus efficacement les nom-
trants de chercher la discipline nécessaire à la formation breuses tâches dont il a la charge.
d’un Myrmidon. Leur école est désertée et les troupes
passent le plus clair de leur temps à garder le palais et le • Nesphens Tremens
Sénat, ainsi qu’à protéger les abords de la cité. Le Chiromancien du palais de Thérème est un per-
Seuls les Myrmidons sont à même d’appliquer le sonnage énigmatique à l’âge indéfinissable et qui sem-
châtiment au pire crime reconnu en ces temps diffi-
ciles : la trahison contre la cité. Espionnage, agitation
politique ou sédition sont punis du même châtiment :
la crucifixion sur une route le visage tourné vers les
cités ennemies.

Personnalités
• Julius Nona Selens
Julius est l’Archonte de Thérème et a 15 ans. Fils
adoptif du précédent Archonte, il est issu des Haestes,
une famille héroïque éteinte. Il a appris les ficelles du
pouvoir grâce à feu son père, à l’eunuque Vortis et à
Nesphes Tremens, le Chiromancien du palais. En-

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Peuples et sociétés

blait d’ailleurs déjà particulièrement âgé à l’époque la caste dirigeante une peur de se faire dominer un
du père de Julius. On dit qu’il n’a plus toute sa raison, jour par Thérème ou Fragrance. Cela les conduisit à
mais peu de gens oseraient remettre en cause sa place construire sur chaque île une citadelle fortifiée, ados-
et sa compétence par crainte de la malédiction qu’il sée à une grande colline ou sur le front de mer, per-
pourrait prononcer. mettant le contrôle militaire du territoire et censée
prévenir une invasion. Les murailles sont constituées
de grands blocs pouvant atteindre jusqu’à huit mètres
Les Étrusiens, le peuple d’épaisseur, empilés les uns sur les autres sans argile
des îles pour les souder, ou bien de grandes pierres encastrées
entre elles. Cependant, au fil des années et devant le
Origine calme apparent des autres peuplades, les citadelles ont
D’origine agalanthéenne, les Étrusiens vivent sur peu à peu été désertées et sont le plus souvent en état
des îles situées en pleine Mer intérieure, à de décrépitude avancée.
presque égale distance des cités-États aga-
lanthéennes et de Carrassine. Depuis la Organisation
chute de l’Empire, ils n’entretiennent L’Étrusie, bien que
plus que des relations commerciales constituée d’un agglomé-
avec leur « patrie d’origine », les mar- rat d’îles plus ou moins
chands agalanthéens étant très nom- grandes et d’îlots, est une
breux dans les îles et notamment dans cité-État dirigée par un Ar-
le port franc d’Étrusie. Cepen- chonte dont le rôle est mili-
dant, si l’on gratte un peu sous taire, juridique et religieux.
le vernis des relations amicales Chaque espace insulaire est
et marchandes entre les peuples gouverné par un dignitaire, le
étrusiens et agalanthéens, on magistrat, à qui l’Archonte a dé-
peut identifier de nombreuses légué le pouvoir pour l’administra-
rivalités et points de discorde, en tion locale. Il s’agit très souvent d’un
particulier en ce qui concerne membre de la famille de l’Archonte,
la concurrence maritime. même si cela peut être un cousin par al-
La proximité de Carras- liance au douzième degré très souvent
sine et des cités-États agalan- incompétent. Ces derniers se reposent
théennes confère aux îles une sur l’administration pour la gestion de
position stratégique importante. leurs territoires, préférant profiter de
Il ne fait nul doute pour tout leurs richesses entre banquets, orgies,
Étrusien normalement constitué amants et maîtresses.
que cela représente à la fois une
force, mais aussi une source de Société et mode de vie
vulnérabilité de son peuple.
La société étrusienne est divi-
Plus que tout, les Étrusiens
sée en deux groupes d’hommes
redoutent de perdre leur indépen-
libres : l’entourage du magis-
dance relative, car même s’ils restent
trat, qui s’occupe de l’admi-
des Agalanthéens, leurs rapports avec
nistration, et le peuple qui
les autres cités-États sont distants et
vit dans les îles.
il existe au sein de la population et de

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chapitre euterpe

Au plus bas de l’échelle sociale se trouvent les « non Il n’existe que très peu de grands temples, l’essentiel
libres », c’est-à-dire les esclaves. Le plus souvent ils ne du culte étant un culte domestique, chaque foyer pos-
sont pas d’origine étrusienne, mais achetés à différents sédant un petit autel afin de prier le ou les dieux qui lui
marchands d’esclaves. convient ou peut l’aider dans une situation particulière.
Les Étrusiens sont avant tout un peuple de marins
bons vivants. Rien ne compte plus à leurs yeux que de Magie
rentrer d’un long périple en mer pour aller se saouler Les Étrusiens sont un peuple tourné vers la magie.
jusqu’à plus soif entre les bras, et les cuisses, de plusieurs C’est une magie simple, voire primaire, qui trouve ses
donzelles peu farouches, tout en se délectant de char- origines dans les libations et les orgies où alcool, nour-
cuterie fumée et de fromages. La production agricole riture (en excès) et sexe occupent une bonne part. Le
se compose essentiellement de céréales (blé et orge), fait de trouver sur les îles de nombreuses vignes n’est
d’oliviers et de vignes. Le vin étrusien est d’ailleurs l’un sans doute pas sans rapport.
des meilleurs que l’on puisse boire. Ils sont aussi recon- L’essentiel de la magie se traduit par la fabrication
nus pour leur maîtrise de la salaison (saucisses, jambons de tablettes d’argile enchantées, mais les Étrusiens
et poitrines), produits rares et très appréciés même en sont friands d’amulettes leur servant de porte-bon-
dehors de leurs frontières. Les plantations d’oliviers heur ou de protection contre le mal ou la sorcellerie.
permettent la production d’huile d’olive qui ne sert pas Ces talismans consistent en toutes sortes d’objets  :
uniquement à l’alimentation, mais également aux soins colliers, pierres précieuses, ornements et parchemins
corporels et à l’artisanat de la parfumerie. portant diverses inscriptions telles que des prières ou
Ils recherchent ailleurs les ressources que ne leur des incantations. Superstitieux, les Étrusiens pensent
offrent pas leurs îles, et la motivation première qui les que celui qui porte une amulette est protégé contre les
pousse vers d’autres rivages est essentiellement d’ordre accidents, la maladie ou les démons. Ces objets sont
mercantile. Ils entretiennent de bons rapports avec les parfois percés et portés en pendentifs, suspendus à un
autres peuples, tout en restant un rien méfiant. collier. Le plus souvent il s’agit d’ornement en forme
Les navires étrusiens ressemblent évidemment à de lunes, des croissants renversés.
ceux des autres Agalanthéens. Ce sont des trirèmes
relevées aux extrémités avec une tête d’animal comme Aspect
figure de proue, mues par des rameurs, le plus souvent Les Étrusiens ont gardé de leur origine agalan-
des esclaves. théenne une couleur de peau et de cheveux claire.
Mais on trouve aussi souvent des traits physiques rap-
Dieux pelant d’autres peuples de Jazîrat, les relations com-
Tout comme la religion agalanthéenne, la religion merciales ayant permis une mixité entre différentes
étrusienne est une religion polythéiste qui s’inspire origines.
de la nature. Le panthéon étrusien compte de nom- Cependant, une grande majorité d’Étrusiens
breuses divinités que l’on retrouve chez les Agalan- sont blonds, avec des yeux clairs bleus ou verts. Au
théens  : Mercurianus le dieu des marchands, Néréa, contraire des Agalanthéens, les Étrusiens portent des
la déesse mère de toutes créations, Kalos, parèdre de barbes et souvent des cheveux longs noués en cato-
Néréa et dieu de la mer, Bacchoros le dieu de la vigne gan. Ils arborent des tenues pratiques  : pantalons et
et des plaisirs, Démétra, déesse des récoltes et Chtonos tuniques courtes. Ils ont cependant gardé au moins un
est le dieu de la mort et des Enfers. Mais on y trouve code vestimentaire dérivé de celui des Agalanthéens :
également un ensemble de « Dames » (Potnia) liées au bas de leur tunique court une bande de couleur qui
à des lieux de culte. Par exemple la «  Dame du Laby- varie selon le statut social de l’individu : rouge pour
rinthe », la « Dame des vignes du Sud », etc. l’entourage du magistrat ou de l’Archonte, bleu pour
les hommes libres et noir pour les esclaves.

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Peuples et sociétés

L’habit des femmes est très simple et trouve son • Caïus Vitellius Minus
origine chez les Agalanthéens. L’Étrusienne porte le Ce marchand possède la flotte de navires mar-
plus souvent une longue tunique de couleur, retenue chands la plus importante d’Étrusie. Le Vif est le
par une fibule et qui est resserrée à la taille par une fleuron de sa flotte, il n’est que légèrement armé, mais
ceinture tressée selon des motifs variés et qui peut, sa rapidité sans égal en fait un adversaire redoutable.
pour les plus riches, être couturée de fils d’argent ou Caïus est âgé d’une quarantaine d’années, trapu, de
d’or. taille moyenne pour un Étrusien, le visage terne et
sans expression, souvent vêtu de noir. Sous ces dehors
Personnalités austères, c’est un esprit vif.

Les Fragrantins
Édifiée sous le nom de Bastion par les Agalanthéens
alors lancés en pleine conquête, Fragrance est la cité
la plus ancienne de la région. D’avant-poste militaire,
elle évolua en une véritable agglomération, tandis que
s’y formaient des faubourgs pour accueillir les familles
des soldats, puis des boutiquiers et des taverniers.
La ville aux Mille Senteurs, telle qu’elle est connue
aujourd’hui, forme un trait d’union commercial et
politique entre Jazîrat et l’Empire, entre les terres
• L’Archonte, Antonius Primus d’Occident et l’Orient mystérieux. Cité marchande,
Quand Antonius Valérius Torvus monta sur le elle relie les peuples, en mêlant cultures et nations au
trône, il prit le nom d’Antonius Valerius Primus. sein de son grand marché. Son architecture mélange
C’était son frère aîné qui devait accéder au pouvoir, les influences, ce qui lui confère un cachet intrigant
mais celui-ci mourut prématurément. Bien que la ru- et étrangement attirant. Pour le voyageur de passage,
meur courût que c’était Antonius qui l’avait fait em- nul doute que Fragrance est une cité résultant de la
poisonner, rien n’apparut jamais au grand jour. C’est collision entre tous les pays du monde, un carrefour
désormais devenu un secret de Polichinelle. unique en son genre. Pourtant, Fragrance n’est pas
Antonius Primus est un homme grand, vigoureux, une cité cosmopolite. Dans la cité des Senteurs et des
avec des yeux gris perçants. Il est aussi bien connu Épices, les communautés vivent entre elles, au sein de
pour être très cruel, que pour son goût prononcé pour quartiers enclavés fonctionnant selon leurs propres us
l’art. Il fait alterner les longues séances d’érudition et coutumes, et se méfient les unes des autres. Cha-
avec des courses, des chasses, du tir à l’arc, laissant à cune se tient sur ses gardes, dans l’attente de l’embra-
l’administration qui le sert le soin de gérer le territoire. sement qui ne manquera pas de survenir un jour, cha-
Ses soirées se passent en libations et orgies où des cun en est persuadé.
danseuses lascives et des courtisanes soumises ré- Outre son hôpital, tenu par les célèbres soigneurs
pondent à ses moindres désirs et à ceux de ses invités. salonim, et son grand marché central, dont la répu-
Antonius s’est constitué une garde chargée de sa tation dépasse les frontières de Jazîrat, Fragrance est
protection, la Garde écarlate (en rapport avec la cou- surtout connue pour ses combats de gladiateurs et
leur de la bande sur les vêtements portés par l’entou- ses courses de char. Véritable institution de la cité, ces
rage de l’Archonte). Elle se compose de mille hommes dernières attirent de nombreux étrangers qui viennent
d’élite dans les veines desquels ne doit courir que du s’enflammer pour les héros si populaires — et riches !
sang étrusien pur. — que sont les auriges fragrantins.

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chapitre euterpe

Gladiopolis
Cette ville a toujours été la petite sœur de Thérème.
Elle fut la deuxième, juste après Sénégarthia, à renier
ses dieux barbares pour rejoindre Agalanthe. Place
forte majeure, elle demeure aujourd’hui l’une des for-
teresses agalanthéennes les plus fières. Ses provinces
agricoles produisent un vin apprécié, et son huile
d’olive fait encore le plaisir de biens des palais à tra-
vers le monde. Ajoutons à cela que ses nombreuses
écoles militaires, en pleine activité, sont entièrement
dévouées à Thérème. Gladiopolis, il est vrai, vit encore
tout entière dans le fantasme de l’Empire, mais cela lui
permet de rester digne et très forte.

Melkidonia
Ville forte majoritairement en ruine, Melkidonia
fut l’enfer des peuples de Dorkadie pendant des mil-
lénaires. Avant de devenir Agalanthéenne, cette cité
était d’ailleurs l’une des rares places dorkades civili-
sées. Les plus barbares des Agalanthéens, les Melki-
doniens, n’ont jamais vraiment abandonné la hache
des montagnes et le kilt pour le glaive et la tunique.
Aujourd’hui encore, on pourrait prendre ces Agalan-
théens à peine parfumés et rarement coiffés, pour des
Dorkades n’ayant jamais rencontré Jason.

Néréktonia
Comme un adultère commis par Néréa et Chto-
nos, Néréktonia est le mariage de la lune et de la terre,
consommé sous le regard inquiet de la mer. Ville tro-
glodyte aux nombreuses mines d’orichalque encore
en activité, elle est avant tout l’un des plus grands
Les autres cités-États ports marchands de la Mer intérieure. Ses nombreuses
S’ils furent jadis unis, les Agalanthéens ne sont plus, falaises ont été creusées pour devenir des habitations,
depuis six siècles, que des voisins adorant les mêmes et de loin, la ville semble un visage d’albâtre percé de
dieux et partageant un glorieux passé commun. Depuis mille yeux.
la chute de l’Empire, les cités-États tentent de main- Située à l’embouchure du fleuve Kalixos, Nérék-
tenir un équilibre politique et économique, mais les tonia est un port fluvial considérable et le point focal
regards et intérêts sont désormais plus tournés vers d’une grande partie du commerce agalanthéen.
le Capharnaüm que vers les anciens territoires d’Aga-
lanthe. Thérème, moribonde, continue de faire tam- Ouranopolis
pon entre les différents Archontes, mais il est de plus Située en bord de mer, Ouranopolis n’a qu’une in-
en plus difficile de maintenir une unité agalanthéenne. fluence mineure dans le commerce maritime. Ce n’est
Voici ce qu’il reste de l’Empire.

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Peuples et sociétés

pas un hasard, car Ouranopolis a toujours été tournée Thalassakala


vers les cieux. Jadis, ses hautes tours d’ivoire servaient à Située à l’embouchure du fleuve Tyranos, Tha-
l’envol des créatures domptées par la science des Œufs- lassakala a toujours été la ville de loisir des princes
univers, don des dieux. Certains textes anciens parlent agalanthéens. Ses nombreuses sources d’eau chaude,
aussi des machines volantes qu’utilisait l’Empire pour voisinant avec les eaux froides dérivées du fleuve, ont
transporter ses troupes, bateaux aux voiles semblant permis la création de bains et de thermes qui firent
des ailes de papillon, traînant dans leur sillage aérien les beaux jours de la décadente luxure républicaine.
des barques élevées par des ballons d’air chaud. Tripots et salles de jeux, théâtres pornographiques et
Aujourd’hui, ces tours merveilleuses ne servent arènes aux affiches des plus exotiques, tout se trouve
plus qu’à abriter une administration décadente, tandis à Thalassakala, pour celui qui n’a pas froid aux yeux.
que dans les rues la criminalité ne fait qu’augmenter. Tirant profit des déviances de leurs concitoyens, les
magistrats et l’Archonte de Thalassakala ont une in-
Sénégarthia fluence mafieuse s’étendant de plus en plus sûrement
La plus ancienne des cités agalanthéennes, celle des vers les autres cités.
Sénégarques, est peuplée de montagnards et de mi-
neurs. Si les mines de pierre de lune, d’orichalque, sont
aujourd’hui presque épuisées, l’économie de la cité re- Les Escartes
pose encore sur l’extraction de ce métal, et sur sa forge.
Seule ville d’importance dans les monts Négra, Histoire
la cité des Sénégarques, les princes de lune, protège
quelques dizaines d’exploitations minières et une cen- Les trois nations qui forment ce que l’on appelle
taine de communautés forestières. maintenant l’Occident ou les nations escartes sont
On voue ici, plus que partout ailleurs, un culte nées sous leur découpage actuel vers l’an 5800 du ca-
à Chtonos. Selon la tradition locale, chaque mine lendrier jazîrati. Avant de parvenir à cette étape, des
d’orichalque serait en effet un passage ouvert vers le guerres, des alliances et parfois des trahisons les ont
royaume des morts et vers les Enfers de Noxera. Ex- progressivement façonnées.
traire la pierre de lune sans éveiller les démons n’est
possible qu’au prix de grandes cérémonies sacrifi- On trouve au sud Aragón, un vaste royaume à l’his-
cielles hebdomadaires. toire riche et flamboyante, la plus ancienne royauté de
l’Occident, mais qui a sombré dans la décadence du
Septra fait des rivalités opposant les riches seigneurs, proprié-
Au nord-est, dernier rempart avant les steppes de taires terriens. Ce peuple fier n’est plus que l’ombre
Noxera, se trouve la cité des loups, ville natale d’Aga- de lui-même tant la corruption comme les ambitions
lanthe. Dans un climat très froid, la ville domine personnelles ont pris le dessus et la voix du roi n’est
steppes et toundras, depuis les hauteurs d’un piton guère plus entendue que d’une poignée de seigneurs
rocheux. Un « nid d’aigle pour les loups » écrit Maïus loyaux aux traditions.
dans l’Agalanthéide. C’est depuis 5540 qu’Aragón a délimité ses fron-
Dans ce paysage lunaire, la cité-État continue de tières contemporaines. La royauté y est installée
faire barrage aux invasions du Krek’kaos, ainsi que depuis plus de mille ans. Isolée du reste des nations
de commercer avec l’Orient proche. Très souvent escartes par de hautes chaînes montagneuses, cette
cavaliers nomades, les Septriens aiment parcourir la nation n’a jamais eu de réelles ambitions d’expansion.
steppe et défier le blizzard, pour affronter les créatures Vaste et relativement peu peuplé, le royaume arako-
qu’abrite l’hiver éternel. gnan se suffisait à lui-même. On y a cependant déve-
loppé la navigation et le commerce maritime, faisant

219
chapitre euterpe

d’Aragón la plus grande puissance navale escarte. Ce nemis parmi la noblesse attachée à ses privilèges qui
sont d’ailleurs des vaisseaux arakognans qui transpor- ne voit pas d’un bon œil les prises de position autori-
tèrent la plus grande partie des troupes de Siméon IV taires du roi. Un de ses adversaires, et non le moindre,
lors de la Quête Sainte, en l’an 5987. n’est autre que son frère Abelard, son cadet de six ans.
Malgré un avantage maritime notable, Aragón n’a La décision de Siméon de conduire la Quête Sainte
pu empêcher l’invasion du sud de son territoire par les à la demande de l’Escarte Magister en a surpris plus
troupes jazîrati venues récupérer l’Épée de Muhammad. d’un. Mais le roi a réussi à affaiblir ses opposants en
Ses armées, désorganisées par des intérêts divergents, réquisitionnant leurs troupes les laissant à la merci
n’ont pu contenir les colonnes de farouches guerriers de ses propres soldats placés sous le commandement
particulièrement motivés par le brûlant désir de laver de son fils. La victoire éclatante du roi occidentin sur
l’affront qui leur avait été fait. De nombreuses cités Jazîrat lui a permis, à son retour, d’asseoir son pouvoir
sont dès lors tombées avant qu’enfin le flot ennemi ne même aux yeux de l’Escarte Magister.
soit endigué. Les Jazîrati ne progressent plus et se sont
retranchés dans les villes prises, livrant des combats spo- La Dorkadie unifiée est une réalité depuis environ
radiques contre les troupes arakognannes. En 5996, le deux cents ans. Avant l’avènement de l’empire dor-
roi Siméon IV d’Occidentine a envoyé son frère Abelard kade, les États qui la constituent toujours aujourd’hui
le fougueux avec deux compagnies de piquiers, autant étaient liés par leur langue commune, commerçant
d’archers et une centaine de chevaliers sous le prétexte régulièrement et guerroyant parfois. Leur culture par-
de porter assistance à l’Aragón. La méfiance que les tagée était cependant un puissant lien qui jamais ne
nobles arakognans portent envers leurs voisins du Nord se distendit vraiment. L’unification est l’œuvre d’un
a conduit à stationner les troupes occidentines loin à homme : Mandernick. Ce roi de ce qui deviendra la
l’écart des zones de combat. Abelard s’y morfond, ne province de Jarvisberg réussit ce tour de force grâce
décolérant pas, ce qui n’est pas sans amuser Siméon IV. à l’aide involontaire des Agalanthéens. Aux temps
troublés qui suivirent la destruction de Thérème,
Occidentine est née dans le sang, celui des tribus des hordes de pillards de l’empire déchu semèrent la
qui habitaient son territoire et qui se sont menées des destruction dans les royaumes de l’est de la Dorka-
guerres meurtrières depuis des temps immémoriaux. die, menaçant même d’entraîner leur chute. Mander-
Les premières unifications eurent lieu il y a huit cents nick parvint à force de persuasion à unifier les divers
ans, toujours par la conquête militaire, jusqu’à l’émer- royaumes et à lever une imposante armée de coalition
gence d’une dizaine de territoires tous dirigés par des qui repoussa les envahisseurs. S’ils étaient capables de
rois autoproclamés. Les combats continuèrent épi- battre un roi, les Agalanthéens ne pouvaient cepen-
sodiquement pendant les siècles suivants, jusqu’à ce dant rien contre l’alliance de dix monarques. La coa-
qu’un roi impose son autorité aux autres  : Adalbert lition perdura et finalement un empire naquit : Man-
Ier. Énergique, farouche, impitoyable, il réunifia ce qui dernick en devint le premier empereur.
deviendra Occidentine par le fer et le feu. En 5704, il Le système impérial dorkade est une chose étrange
fut couronné roi d’Occidentine et commença alors à pour bien des observateurs : composé de dix royaumes
renforcer sa position en instituant un système féodal indépendants qui partagent des lois communes et ont
rigide qui lui permettait de garantir la loyauté de ses juré fidélité et assistance à l’empire, l’empereur y joue
suivants. Adalbert a fondé la lignée qui occupe encore un rôle de grand ordonnateur de la vie commune. L’em-
actuellement le trône d’Occidentine. pereur est cependant puissant, chacun des royaumes
Siméon IV est monté sur le trône à l’âge de seize ans, composant son empire devrait répondre à son appel si,
en l’an  5958. Obstiné, machiavélique, excellent tacti- d’aventure, un des autres royaumes se montrait avide de
cien, il a toujours mené le royaume d’une main de fer changement. Depuis deux siècles, la stabilité est assurée
oubliant souvent le gant de velours. Il a nombre d’en- dans l’empire et le commerce est florissant.

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Peuples et sociétés

L’actuel empereur, Jorg le Loyal, surveille les fron- également leur corps, les hommes sont habituel-
tières de l’est et du nord de l’Occident. Les Agalan- lement solides et endurants. Le sud de l’Occiden-
théens ne semblent plus être une menace pour les tine bénéficie d’un climat ensoleillé qui bronze leur
trois nations occidentales. Les Asijawi se montrent peau plutôt pâle dans le reste du pays. Les cheveux
plutôt réservés et ne tentent aucune incursion vers sont de couleur variable : du blond pur au noir le
l’ouest. Au nord, les tribus nordiques, trop dispersées plus sombre, de même que la couleur des yeux.
géographiquement et non unifiées, ne représentent • L’archétype du Dorkade est un solide gaillard,
pas un adversaire dangereux. La Dorkadie entretient grand, blond aux yeux clairs. Mais aujourd’hui, on
d’ailleurs de bonnes relations commerciales avec elles. peut trouver un peu de tout dans l’empire dorkade
grâce aux fluctuations de population dues à sa posi-
tion géographique, son extraordinaire stabilité poli-
Vie quotidienne tique et le commerce qui s’est considérablement
Apparence développé. Souvent qualifiés de barbares blonds
Trois nations et autant d’apparences différentes : au temps des invasions, on trouve maintenant dans
• Les Arakognans sont de petite taille (165 cen- leurs armées un peu toutes les couleurs de peau, qui
timètres en moyenne pour les hommes et 158 pour restent pâles en raison d’un climat rude et peu géné-
les femmes), svelte, à la peau brunie par le soleil de reux en soleil. Les hommes mesurent en moyenne
leur pays. Leurs cheveux sont noirs ou brun foncé, 175 centimètres, et les femmes  165. On prétend
les yeux sont sombres. Les Arakognannes sont ré- que Gunhilde, la première épouse de l’empereur
putées pour leur beauté et leur sens de la famille. Jorg, décédée il y a peu, était la plus belle femme de
Les femmes de la noblesse aiment se protéger tout l’Occident.
du soleil pour avoir la peau la plus pâle possible,
sans bien entendu pouvoir faire concurrence aux Vêtements : les modes vestimentaires des nations
blondes habitantes de la Dorkadie. escartes sont liées au climat dominant. Leur ressem-
• Les Occidentins sont légèrement plus grands blance est forte et seules la coupe ou la couleur per-
que leurs homologues du Sud (170 centimètres mettent d’identifier un vêtement dorkade.
pour les hommes, 165 pour les femmes). Le passé Les hommes portent des pantalons et une tunique à
guerrier de la nation a forgé leur caractère, mais manches longues. En hiver, la tenue est complétée par

Le calendrier escarte
Le calendrier escarte diffère légèrement de son homologue jazîrati. En vigueur depuis plus de quatre
cents ans, il divise l’année en 12 mois de 30 jours.
Les mois sont désignés par : Januarius, Februarius, Martius, Aprilis, Masius, Junius, Julius, Augustus,
September, October, November, December. Le premier jour de l’année débute le 1 Januarius.
Les jours sont nommés par cycle de sept, tout d’abord Dies Dominicus, Prima, Secunda, Tertia, Quadria,
Quinta, Sexta. Le Dies Dominicus est le jour saint, le jour (du moins pour l’Église) de la mort de Jason.
Dans une année il y a 51 cycles plus 3 jours. Ces trois jours sont les derniers de l’année et sont nommés
Jason, Mira et Æther.
Le calendrier a pris comme référence pour l’année 0, celle de la mort de Jason — c’est-à-dire l’an 5422
du calendrier jazîrati. L’année 5997 correspond donc à l’an 575 du calendrier escarte. Pour les années anté-
rieures à la mort de Jason, on note le nombre d’années avec le suffixe AJ. Ainsi on parle de l’année 10 AJ (la
dixième année avant la mort de Jason).

221
chapitre euterpe

un manteau épais de laine de mouton ou, pour les habi- de pas moins de cent pierres précieuses de belle taille
tants du nord de la Dorkadie, de peaux de bêtes commer- et du plus gros diamant connu de l’Occident.
cées avec les tribus nordiques. Les Arakognans préfèrent
les tenues sombres (bleu foncé, noir), les autres Escartes Famille
utilisent toute une panoplie de couleurs en dehors du Naissance : un enfant, quel que soit son sexe, est pré-
pourpre qui est réservé à l’usage des gens d’Église. senté au soleil Æther, tout en haut de l’église dans le clo-
Le ceinturon de cuir est de mise, de même que le cher. Ainsi devient-il pleinement un Escarte. On lui ap-
chapeau (avec un bonnet de laine en hiver en Dorkadie plique ensuite un peu de terre sur les pieds (Jason), puis
et Occidentine). La forme du couvre-chef varie selon on l‘expose à la lumière sélène la nuit venue (Mira), où son
les nations et la classe sociale, il est en général à bord nom lui est enfin donné. Vers 10 ans, l’enfant confirmera
large en Aragón et proche d’un calot chez les autres. sa foi en Æther lors de l’Accord, en élevant une colombe
Les femmes portent des robes en toutes saisons et pendant trois mois, avant de la relâcher pour qu’elle porte
occasions. Elles sont longues, touchant le sol et ne révé- son message de foi vers les cieux divins.
lant rien de la poitrine de la personne qui la porte. Bien
entendu, la qualité de la robe varie avec le statut social Le mariage  : partout dans les nations escartes un
de celle qui la porte. Il est déplacé pour une femme de homme se définit par rapport à sa famille. Pour la noblesse,
porter un pantalon. En hiver, une cape est ajoutée à la le mariage est souvent arrangé, dicté par des besoins finan-
panoplie. En été, les Arakognannes arborent des om- ciers ou politiques, c’est bien moins vrai dans le reste de la
brelles soigneusement décorées. population. Une femme est réputée en âge de se marier à
Les Escartes utilisent des chausses en cuir souple quinze ans, un homme à seize. Un homme ne peut avoir
dont la semelle est en bois ou en cuir rigide. Les plus qu’une seule épouse devant Æther et réciproquement,
pauvres se contentent de marcher pieds nus ou en sa- ce qui n’empêche pas d’avoir une ou plusieurs maîtresses
bots de bois. Les chausses sont habituellement assez (l’adultère féminin est bien moins toléré, la femme adul-
hautes, couvrant le bas de la jambe. On les place sous tère se retrouvant le plus souvent cloîtrée dans quelque
les pantalons pour les hommes. lieu peu propice à la vie sociale).
Seule l’Église peut lier deux êtres par le mariage et
Bijoux : l’orfèvrerie a été élevée au rang d’art dans les rien ne peut délier le mariage, en dehors de la mort
nations escartes. De magnifiques bijoux en or, en argent ou d’un des époux. En cas de veuvage, un nouveau ma-
en alliage sont fabriqués par des artisans de renom, mais à riage peut être contracté sans que personne n’y voie
des prix les rendant inabordables pour la plupart des habi- rien à redire. La répudiation de l’épouse pour faute est
tants de ces royaumes. Tout seigneur se doit d’arborer au possible, mais elle doit être confirmée par l’Église (la
moins une chevalière ou un collier en or finement ouvragé. notion de faute est d’ailleurs assez lâche, permettant
Les femmes nobles sont plus enclines à porter ces beaux des répudiations d’épouses méritantes).
bijoux, mais quelques bourgeois fortunés n’hésitent pas La tradition de la dot de l’épousée est bien implan-
dépenser des fortunes pour un signe ostentatoire de ri- tée dans toutes les nations escartes.
chesse. Chez les personnes plus démunies, les bijoux sont
simples, souvent rudimentaires, fabriqués dans des maté- La femme a un rôle unique dans la société  : la
riaux moins nobles, comme le bois, ou avec des fruits secs famille. Cela comprend enfanter et élever son enfant,
et de la cordelette. chérir son mari et tenir sa demeure. Tout autre rôle
La joaillerie est le complément de la précédente, on lui est interdit. Elle ne peut pas travailler et n’a pas le
utilise beaucoup les cristaux, les émaux, mais aussi des droit d’acquérir ou de vendre des biens en son nom. À
pierres précieuses (rubis, améthyste, diamant). Elle est la mort de l’époux, un tuteur est désigné pour s’occu-
également réservée aux grands des nations escartes. La per des affaires de la veuve jusqu’à son remariage ou sa
couronne d’Occidentine est ainsi un lourd bijou serti mort car elle ne peut gérer seule son capital.

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Peuples et sociétés

Est-ce à dire que les femmes sont réduites à un rôle d’importance habituée à faire des donations — ou
de nourrice et de potiche ? Non, ce serait bien mal standard pour les autres. La dépouille est ensuite brû-
connaître les femmes escartes. Nombreuses sont celles lée par le feu purificateur d’Æther, car les flammes
qui influencent leurs époux et réussissent à manipuler séparent la chair de l’âme et empêche que la pourri-
leur entourage à l’avantage de leurs opinions et intérêts. ture des chairs n’atteigne cette dernière. Enfin, l’urne
Dans la noblesse, il n’est pas rare de voir un tuteur fina- contenant les cendres est enterrée au cimetière local
lement dépendre de la veuve qu’il est censé protéger. ou au plus proche d’un lieu saint (basilique, église,
Magisterium…) chez les nobles.
Héritage et filiation : le premier fils né hérite de son Ceux qui n’ont pas les moyens pour se faire inciné-
père, les autres devront se contenter de la générosité de rer sont enterrés tel quels dans un simple cercueil, ou
ce dernier qui leur doit moralement assistance. Aucun pire, dans une fosse commune. Leur âme impure fini-
héritage ne peut être transmis par une femme. L’his- ra dans le premier Cercle des Limbes. Aussi passe-t-on
toire des nations escartes est riche en épouses répudiées sa vie à économiser pour préparer sa mort ou essaye-t-
pour n’avoir pu donner un héritier mâle à leur époux. on de satisfaire le seigneur local afin qu’il finance une
Les enfants nés hors du mariage ne peuvent pas hériter, véritable incinération.
mais vivent le plus souvent, quand ils ont été reconnus,
dans la famille de leur père, élevés comme ses enfants légi- Culture
times. Il est de coutume que le premier né légitime donne Musique : elle n’occupe pas une place prépondé-
également assistance aux enfants illégitimes. rante dans les cultures escartes. Elle reste essentielle-
ment populaire, rythmant les travaux des champs ou
Les funérailles : suite au décès d’un Escarte, une les fêtes. Le plus souvent elle n’est pas transcrite, la tra-
messe réunissant la famille et les proches est orga- dition seule permettant sa transmission. Bien entendu,
nisée. Après les chants et prières traditionnels, le quelques musiciens professionnels sillonnent villes et
prêtre lit un texte personnalisé — pour une personne villages pour animer les nombreuses célébrations uti-

Le salut dans les nations escartes


Il n’existe pas de règle commune à l’ensemble des nations escartes en ce qui concerne le salut bien que la
plupart excluent le contact physique.
• En Aragón, le salut s’effectue habituellement pour les hommes à poser la main sur son cœur puis à
écarter le bras vers l’extérieur, paume levée en signe de paix et de bienvenue. Les femmes se contentent
d’un signe de tête. Il est également possible pour un homme d’étreindre contre son cœur un parent, un
allié ou toute personne que l’on souhaite honorer. C’est un signe de profonde estime.
• Chez les Occidentins, on se contente d’un signe de tête prononcé pour les hommes et d’un simple
hochement de tête pour les femmes. Cependant on baisse la tête devant un noble si on n’appartient pas
soi-même à l’aristocratie. Dans le cas d’un noble de haut rang, on baisse la tête en attendant que le noble
donne l’autorisation de relever la tête, dès qu’il commence à parler ou dès qu’il part. On se prosterne
devant un prince de sang royal et le roi. Enfin, un individu du peuple ne peut lever les yeux sur le roi sans
son autorisation. Les nobles sont dispensés de se prosterner devant le monarque, mais doivent adopter un
salut et une posture empreinte d’humilité et de soumission.
• Dans l’Empire dorkade, le salut n’est pas réellement formalisé. La plupart des gens se saluent d’un
geste de la tête ou de la main. Cependant on se fige devant l’empereur, les bras le long du corps en baissant
les yeux jusqu’à ce qu’il se soit éloigné de plus de dix pas.

223
chapitre euterpe

lisant le plus souvent des flûtes, des mandolines, des ( Jason arrachant ses chaînes est un grand classique)
cithares ou des tambours. La plupart des musiciens des et les portraits des fortunés ou des puissants. Plusieurs
nobles ne font qu’accompagner les chanteurs, il n’y a écoles cohabitent selon les sensibilités locales, mais
pas à proprement parler d’œuvre purement musicale. schématiquement on reconnaît les portraitistes dor-
Le chant est lui particulièrement développé dans kades, les œuvres religieuses occidentines et les narra-
toutes les nations escartes, transmis également par la tivistes arakognans (qui peignent pour témoigner de
tradition orale. Toute activité humaine peut ainsi être leur époque). Siméon IV a conduit en Jazîrat une di-
accompagnée d’un chant. Les cours disposent de trou- zaine de peintres chargés d’immortaliser ses victoires.
badours chantant les exploits des peuples escartes ou
des romances lors de véritables concerts. Ces artistes Cuisine  : la cuisine escarte dépend logiquement
sont cependant rares et souvent réputés. L’Église du royaume dans lequel elle est faite, des aliments dis-
escarte dispose de chœurs importants pour les célé- ponibles sur place, mais aussi des moyens de chacun.
brations. Composés exclusivement d’hommes ou En dehors des périodes de pénurie ou de famine, elle
d’enfants de sexe masculin, ces chorales sont dédiées à est riche et variée, et le peuple mange correctement,
chaque temple principal. Le Magisterium dispose d’un même chez les serfs d’Occidentine.
imposant chœur de plus de deux cents chanteurs. La base est le pain de gruau, pour le peuple, et de
farine blanche, pour la noblesse, auxquels s’ajoutent
Poésie et littérature  : les textes manuscrits sont fromages, racines, fruits et légumes (navet, chou,
exceptionnels en dehors des écrits saints. En effet, carotte, châtaigne, haricots, pois…). Cuits à l’huile
seuls les moines copistes œuvrent pour la diffusion d’olive, au lard ou au saindoux, les aliments sont agré-
des textes et ils se concentrent uniquement sur ceux à mentés d’épices (clous de girofle, gingembre, etc.) ou
caractère religieux. On peut trouver quelques œuvres d’herbes aromatiques. On consomme des viandes,
sur du parchemin, mais tout au plus en quelques exem- volailles et poissons de toutes sortes, parfois en tartes,
plaires. Par ailleurs, rares sont ceux capables de lire la tourtes, pâtés, terrines…
moindre ligne. On trouve très exceptionnellement des L’Église impose quelques jours maigres où viandes
petits romans (amour courtois, chevalerie…), écrits et gras d’animaux sont interdits.
par des bourgeois assez fortunés pour se payer un co-
piste. La poésie et les récits existent dans les nations es- Loisirs  : les Escartes, qu’ils soient citadins ou de
cartes. Mais là encore il s’agit d’une transmission orale, la campagne, apprécient les jeux de société et de balle
qui embellit les textes pour les faire varier d’une région divers. Ils les pratiquent lors des temps de repos ou
à une autre. Les conteurs qui voyagent de village en pendant les nombreuses fêtes qui ponctuent l’année.
village sont toujours attendus avec impatience, mêlant Qu’elles soient de village, carnavals ou religieuses, ces
le vrai et l’invention pour créer des épopées que l’on fêtes accueillent souvent des ménestrels, troubadours
n’oublie pas. La guerre dans le Capharnaüm a alimenté et autres acrobates. Les nobles escartes sont quant à
et alimente encore les récits de ces artistes de la parole. eux amateurs de tournois et joutes en tous genres. Sur
Ainsi tout le monde a pu entendre les récits de la Quête leurs terres, ils aiment chasser le gibier ou, parfois, des
Sainte même si d’un endroit à un autre, les événements bêtes plus coriaces, voire même inhabituelles… Ils
décrits ne sont pas toujours identiques. organisent également de nombreuses fêtes de cour, où
pourront se nouer les amitiés et s’affirmer les inimi-
Art pictural  : la peinture est paradoxalement l’art tiés, se conclure et se remettre en cause les alliances.
le plus développé dans les nations escartes et nombre
de peintres créent des œuvres qu’ils souhaitent impé- Pratique religieuse
rissables. Les thèmes abordés par ces artistes sont les Les préceptes de la religion escarte et la dévotion qui
guerres (et surtout les victoires illustres), la religion en découle sont plus ou moins forts selon le royaume.

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Peuples et sociétés

C’est en Occidentine qu’ils sont les plus suivis. L’Escarte typique est quelqu’un de très pieux,
il récite de nombreuses prières chaque jour, avant les
La religion escarte consacre la sainte trinité : repas ou à l’attention de quelqu’un par exemple. Une
Æther en est le dieu tout puissant, il est à l’origine messe est dite le matin du Dies Dominicus, ainsi que
de toute création et est associé au soleil. lors des jours saints et de cérémonies dédiées à cer-
Mira est sa femme, elle représente la paix et l’amour, taines occasions (naissance, Accord, funérailles, etc.).
bien qu’elle soit capable de guerroyer pour faire valoir
ces vertus. Elle est associée à la lune. Après la mort, les Limbes ou l’Eden :
Jason l’écartelé est leur enfant et celui qui révéla Tout le monde est concerné par le péché, même
Æther au monde. Il est associé à la terre dans ce qu’elle le plus véniel, si bien que chacun peut choir dans les
a de plus noble, la terre pure. Limbes. Heureusement, pour ceux qui ne se confor-
meraient pas aux préceptes de l’Escarte Magister, voix
L’Église escarte est très hiérarchisée. d’Æther sur terre — ce qui semble concerner tout le
Au sommet de celle-ci, l’Escarte Magister est la monde à un moment ou un autre de sa vie —, tout un
voix d’Æther sur terre. système de rachats et de confessions à l’Église permet
Les cardinaux sont des hauts dignitaires réunis en de sauver sa conscience. Le système fonctionne écono-
collège au Palais Magister, ils assistent ce dernier en se miquement très bien, nobles et bourgeois font de consé-
chargeant de tâches précises (finances, hérésies, etc.) quentes donations, d’autant que les offices à l’église et
et de missions diverses. Les episcopus s’occupent des les écrits saints détaillent tout ce qui attend le pêcheur
grandes régions et officient dans la basilique ou la ca- qui refuserait de s’amender. Austères, hiérarchisées et
thédrale de la ville principale. implacables, lieu de flammes et de soufre peuplé par
Les episcopus des régions de Jarvisberg (capitale les diables, les Limbes sont en effet constituées de neuf
dorkade), Valladón (capitale arakognanne) et Théo- Cercles, où les âmes subiront un sort adapté à leur(s)
donis (capitale occidentine) représentent également péché(s) pour l’éternité. Au centre s’élève la cité de Dis,
leur royaume et rendent donc parfois des comptes à sur laquelle règne le Grand Diable.
l’Escarte Magister, en plus des cardinaux. À ce titre, ils À l’opposé, celui dont la pureté de l’âme est telle
sont au-dessus des episcopus des autres régions, sans qu’il peut rejoindre l’Eden, poursuivra sa « vie » au
toutefois prétendre au titre de cardinal. sein d’un jardin céleste d’une beauté parfaite, béni par
Les grandes régions sont divisées en grandes pa- les très saints Æther, Mira et Jason, qui veillent sur les
roisses, sous la coupe d’un père supérieur (qui a aussi sa cieux pour l’éternité, du haut de leur palais de cristal.
propre église, généralement dans la plus grande ville),
elles-mêmes découpées en paroisses. Ces dernières
peuvent être attribuées, selon leur taille, à d’autres pères Les Arakognans
supérieurs ou à de « simples » pères (du curé de cam- Origine
pagne à celui d’une ville de taille modeste). Les Arakognans sont un peuple d’éleveurs et
Enfin, la population aide parfois l’Église dans ses d’artistes, de chevaliers et de marins. La plupart des
tâches : les Enfants d’Æther assistent ainsi les religieux habitants de cette vaste contrée sèche et hérissée de
à la préparation et au bon déroulement de nombreuses montagnes anciennes, cumulent deux de ces activités.
cérémonies. Des diacres, laïcs ou non, peuvent égale- Il n’est pas rare qu’un marin soit aussi musicien, qu’un
ment être employés comme secrétaires et se charger peintre ou un poète soit aussi un vaillant duelliste,
des affaires prosaïques. enfin, tous les maîtres fermiers sont aussi de farouches
Une église escarte adopte la forme typique d’un capitaines réservistes, et même souvent, des hidalgos.
Y : chaque branche représente un dieu de la trinité, la De tout temps, on les a connus ainsi  : insoumis,
branche « principale » étant attribuée à Jason. indépendants, fiers et farouches, incapables même

225
chapitre euterpe

ces pays, tandis que le Sud, Gitanilla (aujourd’hui appelé


Al-Ragón) en comprend trois. L’un des neuf pays domine
les autres, il s’agit de Valladón et tous les rois doivent allé-
geance à celui qui le gouverne. Dans les esprits, être roi de
Valladón revient à être roi d’Aragón. Même si cela est dif-
férent sur le papier, c’est toujours le roi de cette province
qui a gouverné l’Aragón et représenté ce pays devant les
souverains des autres nations.

Société
L’Aragón est féodal et escarte, autant qu’on peut
l’être. Divisé en royaumes, eux-mêmes subdivisés en
provinces, puis en duchés, puis en paroisses, on peut y
croiser des centaines de princes, ducs, comtes et che-
valiers. La noblesse représente le dessus du panier,
mais elle-même peut être séparée en deux branches
distinctes : les hidalgos et les campeadores. Les premiers
sont des nobles de cour, habitués à la vie des châteaux
et des villes. Ils sont doués pour les choses de la guerre
comme pour les affaires de société. Les seconds, sou-
vent surnommés « princes paysans » par la noblesse
de cape, sont le plus souvent des travailleurs anoblis.
Qu’il soit campeador de première génération ou que
cela remonte à ses aïeux, ce noble-là n’aime rien autant
que les champs : ceux des coteaux où galopent les che-
vaux qu’ils élèvent eux-mêmes, et ceux de bataille où
ils invoquent fièrement leur dieu, leur roi et leur sang,
avant de se jeter corps et âme dans le combat.
En dessous vit le peuple, ouvriers et artisans, en-
de fonder un royaume homogène. Fortement alliée à fants d’Æther, pour qui trois mots résument l’univers :
Occidentine par la piété de son peuple et leur religion Æther, l’Aragón et la familia.
commune, la fédération des royaumes arakognans est
avant tout plus escarte qu’occidentale, plus croyante Au nord, la Mancha
que religieuse, plus influencée par le sud et l’Orient,
Représentant les deux tiers du royaume, la Man-
par le soleil et la mer que par la politique des pays qui
cha est une succession de vallées fertiles, de plateaux
la réclament des leurs. Aragón est un joyau de feu et de
désertiques et de coteaux où sont élevés en liberté
passion, une danseuse au sang chaud et aux pieds nus,
chevaux, cochons et chèvres. Les oliviers et les dat-
un vin fort et épicé, un campeador à l’épée nerveuse…
tiers s’enchaînent à perte de vue, succédant aux rares
villages qu’annonce toujours un clocher. Parfois
Organisation
s’élèvent ici ou là les murs d’une ville majestueuse.
Il n’existe pas vraiment de nation en Aragón. Depuis tou- • Valladón, capitale du royaume et siège du
jours, le royaume est découpé en neuf pays, chacun ayant conseil arakognan. Les rois d’Aragón s’y succèdent
son propre roi et ses propres lois et portant le nom de sa depuis bien avant l’adoption de la religion escarte. 
ville principale. Le Nord, appelé Mancha comprend six de • Pamblósa, bien plus au nord, est une ville spé-

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Peuples et sociétés

Quijotes
Alonso Quisada, bourgeois et grand amateur d’histoires d’aventure et de chevalerie a toujours rêvé d’être
un chevalier. Mais son sang, comme son éducation, n’ont jamais fait de lui autre chose qu’un garçon de
poste, puis un responsable de ligne postale et enfin, un riche directeur de centre postal et financier. El Señor
Alonso Quisada aimait pourtant se parer en chevalier d’une vieille armure rouillée et défoncée, montant
une mule boiteuse et famélique ce qui faisait bien entendu de lui la risée de tous. Puis arrivèrent les Jazîrati
et Alonso Quisada décida qu’il était temps. Il s’offrit un faux nom de chevalier (on dit qu’il demanda à un
aubergiste de l’adouber) et arma un millier de paysans. Victoire minime selon certains, il parvint contre
toute attente à reprendre aux Jazîrati la ville de Sarajón et à empêcher symboliquement leur entrée dans la
Mancha. Celui que l’on appelle depuis El Quijote, chevalier fantasque et rêveur, siégea au conseil militaire
de Sarajón. Il a même fondé un ordre chevaleresque basé sur les vertus du cœur et de l’imagination. Ses
hommes, au mieux ignorés, mais le plus souvent méprisés par la noblesse, sont tous des chevaliers de bric et
de broc, issus du peuple, de ses champs, de ses tavernes et de ses théâtres à deux sous.
Il y a peu, Don Quijote est mort de vieillesse dans son sommeil et son ordre a été officiellement dissous.
Mais on dit que dans l’ombre, les Quijotes sont tous devenus des chevaliers errants, luttant pour la veuve et
l’orphelin et s’alliant parfois, au gré des rencontres, pour damer le pion à l’envahisseur jazîrati.
L’histoire d’Alonso Quisada est si puissante et si riche de symboles que, si un écrivain s’en empare un
jour, elle sera perpétuée pendant des siècles…

cialisée dans l’artisanat et le commerce. Célèbre le sud du pays et le nord du continent noir, la présence
pour sa flotte marchande, elle est l’un des princi- de peuples issus de Jazîrat en ces terres et les échanges
paux centres économiques de l’Occident. commerciaux, la curiosité culturelle, le cosmopoli-
• Candrúz et Sarajón au centre du pays, sont tisme naturel des peuples du soleil ont depuis des cen-
des villes d’altitude. Elles vivent essentiellement de taines d’années amenés Arakognans du sud et Unga-
l’agriculture et de l’élevage. Sarajón est la ville uni- ras d’Al Fariq’n à se mêler. Ainsi, mélange de culture
versitaire par excellence. Toutes deux sont les der- occidentale et orientale, de sédentarisme urbain et de
niers bastions escartes avant les terres conquises. nomadisme caravanier, le sud arakognan était depuis
• Grande Porto et Barcajoyosa sont les deux longtemps appelé Gitanilla, la terre des marcheurs.
ports militaires d’Aragón, respectivement au sud- Aujourd’hui, Olvidad, Gamiz et Seduña, les trois
ouest et au nord-est du pays. cités du sud, sont placées sous l’autorité du roi Jalal Ibn
Khalil Abd-Al-Salif. C’est lui-même qui déforma le
Au sud, Al-Ragón nom du pays pour lui donner une consonance jazîrati.
En 5995, en l’espace de quelques semaines, trois Désormais, il est roi d’Al-Ragón, bastion de Kh’saaba.
des provinces du pays tombèrent entre les mains des La situation dans le sud n’est pas simple. Contenues
Jazîrati partis en quête de l’épée volée de Muhammad. sur ces terres, les armées reprennent des forces avant
Bien que l’Aragón soit un pays divisé et que nombre de repartir vers le nord en quête de l’épée sacrée, mais
de ses guerriers fussent encore à l’époque en terre du déjà on parle d’un amollissement et d’une complai-
Capharnaüm, comment quelques milliers de soldats sance de certains seigneurs de la guerre, qui s’enlisent
ont-ils pu renverser et prendre tout le sud du pays ? dans la gouvernance moelleuse et décadente des cités
Contrairement à ce que l’on pense, les Jazîrati ne vassales al-ragoni.
sont pas arrivés en Aragón en 5995 : ils étaient là bien Les Arakognans qui sont restés sur ces terres sont
avant, depuis toujours sans doute. La proximité entre contenus dans leurs villages ou dans les murs des cités.

227
chapitre euterpe

Les garnisons jazîrati assurent une surveillance forte et ne sont à ses yeux que des Shiradim dégénérés. Autant
omniprésente pour les garder présents et en activité dire qu’ils ne valent pas grand-chose.
afin de maintenir la production des richesses al-ragoni.
Esclaves généralement bien traités, ils ne tentent que
rarement la fuite, se soumettant dans l’attente d’une
libération par leur roi. Régulièrement, des troupes ara-
kognannes tentent des percées au nord Al-Ragón, ce
qui provoque des échauffourées et des guerres régio-
nales, mais la situation n’a guère évolué au cours des
six derniers mois.

Personnalités
• Don Fernando Anduña de Valladón y Aragón,
el Rey Campeador
Roi vieillissant, Don Fernando a toujours été un
homme de terrain. Il a passé sa vie sur la scène mili-
taire et diplomatique de l’Occident comme de l’Orient,
ce qui lui valait d’être connu à Kh’saaba avant même
Les Dorkades
les attaques menées par Siméon  IV. Proche du roi de Origine
Kh’saaba de longue date, Don Fernando Anduña de Val- La nation dorkade s’est forgée sous l’impulsion
ladón y Aragón n’accepta d’envoyer des hommes vers le d’un homme  : Mandernick, qui deux siècles plus
Capharnaüm et de mettre sa marine à disposition qu’au tôt a unifié les dix royaumes qui formèrent l’empire
terme d’une très longue controverse. Le roi et quelques contre les dernières menaces agalanthéennes. Tous
intellectuels qui lui sont proches soutinrent longtemps les royaumes dorkades partageaient une culture com-
que cette guerre était inutile et stupide, menaçant même mune tant sur le plan de la langue que des us et cou-
de s’interposer sur la route des Escartes qui partiraient tumes ; ceci a naturellement facilité leur union sous
la livrer. Au rang des arguments de Siméon IV, il y en une seule bannière. Mandernick, roi de Jarvisberg,
eut un qui surpassa tous les autres : les Jazîrati et autres devint ainsi le premier empereur dorkade.
Shiradim étaient les ennemis du véritable dieu, Æther, Non content d’être un diplomate de talent, l’empe-
et avaient laissé mourir son fils, Jason. Ces gens n’avaient reur Mandernick était également particulièrement
pas d’âme et Æther demandait, sinon qu’on les extermi- astucieux et soucieux de maintenir l’unité de son
nât, au moins que l’on reprît la cité du fils du dieu. Face à empire. Il créa les premiers corps de fonctionnaires
cet argument, l’Escarte Magister prit position en faveur impériaux chargés des relations avec les neuf rois de
d’Occidentine, et Aragón dut choisir entre se rallier à l’empire dorkade. Ces fonctionnaires, zélés et bien
elle, ou être convaincue d’hérésie. À contrecœur, Don éduqués, devinrent la cheville ouvrière de la prise de
Fernando, le roi aventurier, qui fut élevé comme un pay- pouvoir effective de Mandernick et en quelques an-
san et gagna son trône par la bravoure et la sagesse, dut nées plus aucun des royaumes membres de l’empire
livrer sa première guerre injuste. ne pouvait se passer de leurs compétences de gestion-
naires et de comptables. L’union scellée dans l’adver-
• Jalal Ibn Khalil Abd-Al-Salif sité devint la force de l’empire, qui connut son âge d’or
Nouveau roi du sud de l’Aragón, Jalal Ibn Khalil est avec un développement rapide de son économie grâce
un guerrier terrifiant et un seigneur sanguinaire. Il n’a aux commerces avec les autres puissances, y compris
d’autre justice que celle de Houbal et contrairement à les Agalanthéens. L’empire se développa également
ce qu’en pensent les intellectuels jazîrati, les Escartes sur le plan géographique en reprenant les terres

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Peuples et sociétés

conquises par les Agalanthéens à l’est et en repoussant neurs dans les strates dominantes de la société dorkade.
les troupes occidentines au-delà du fleuve Noir. Les classes supérieures sont occupées par les nobles,
Le règne de Mandernick dura 27 ans. À sa mort, son les officiers des armées et les membres du clergé. Bien
fils devint empereur après un vote des dix entendu, plus on s’élève dans la hiérarchie
rois dorkades sous le nom d’Olaf Ier. Il nobiliaire et moins on tend à considérer
poursuivit l’œuvre de son père tout en les autres membres de la classe supé-
se rapprochant de l’Église escarte puis rieure comme des égaux. Les officiers des
en reconnaissant la religion escarte armées dorkades jouissent d’un prestige
comme religion officielle de l’em- important dans l’empire même si leur
pire peu de temps avant sa mort. sens stratégique ou tactique n’a pas
Les années ont passé et l’em- été mis en pratique depuis de très
pire est maintenant déchiré nombreuses années.
par les luttes intestines entre
les dix royaumes. Personne Au-dessus de tous, s’im-
ne remet pour l’instant en posent les rois dorkades et les
cause ouvertement le pou- princes de sang. Il y a dix rois
voir de l’empereur actuel  : gouvernant chacun une des pro-
Jorg le Loyal. C’est un diri- vinces royales de l’empire. L’un
geant avisé qui a su ménager d’entre eux est
les susceptibilités et maintenir élu par ses pairs
un commerce florissant avec pour devenir
ses voisins. Le temps des empereur. Il n’y
menaces d’invasions a donc pas de
est loin et certaines droit du sang
velléités indépendan- en ce qui le
tistes semblent vouloir fleurir au grand concerne (mais
plaisir du voisin occidentin. à l’inverse c’est
la règle dans les
Société lignées royales) cepen-
La société dorkade est basée sur dant, depuis la fondation de l’empire,
un système de castes. Tout en bas, se c’est toujours un descendant direct de
situent les paysans, les militaires du Mandernick qui a accédé au trône su-
rang, les employés et les manouvriers prême (et donc le roi de Jarvisberg).
qui sont, et de loin, les plus nombreux. Il L’empereur est au-dessus de tous dans
n’y a pas d’esclavage dans l’empire et tous la société. On ne peut s’adresser à lui que si on y a été
les citoyens sont libres d’aller et venir. Les invité et personne ne peut porter ses yeux sur lui sans
paysans ne sont pas, officiellement, attachés à appartenir aux classes supérieures.
la terre qu’ils cultivent (souvent pour un noble ou un Les Dorkades sont parfois considérés comme des
riche propriétaire), mais rares sont ceux qui quittent la êtres frustres sans éducation, voire barbares, par les
maison où leur père et le père de leur père ont grandi. autres Escartes, en raison de certaines coutumes plutôt
Juste au-dessus, s’intercalent les bourgeois et les petits brutales, de leur goût immodéré pour les armes à deux
propriétaires qui possèdent quelques biens et peuvent mains lourdes, de leur propension assez peu ordinaire
prétendre avoir des domestiques. Certains d’entre eux à se saouler à la bière à la moindre occasion et d’autres
sont cependant fort riches et sont reçus avec les hon- menus détails. Ils sont cependant beaucoup plus tour-

229
chapitre euterpe

nés vers le commerce que vers la guerre, mais conservent À l’est, les frontières sont marquées par des terrains
quelques rites ancestraux particuliers comme le rite du vallonnés et difficiles. Du temps des guerres agalan-
passage à l’âge adulte, le suhrein sihr : l’adolescent doit théennes persistent une longue série d’ouvrages dé-
survivre trois jours et trois nuits dans une forêt au sols- fensifs pas toujours entretenus actuellement.
tice d’hiver avec pour seul recours un poignard et ses Le centre du pays et les zones côtières sont consti-
ressources propres. Celui qui revient avant la fin du troi- tués de plaines étendues bien irriguées et de rares ré-
sième jour est considéré comme un bon à rien et il doit gions couvertes de collines. Ces zones concentrent les
souvent quitter son village pour vivre paisiblement. Bien 4/5èmes de la population.
entendu, les citadins considèrent ces rites comme l’ex- Le nord du pays est plus aride, le terrain beaucoup
pression du passéisme (pour ne pas dire de l’arriération) plus accidenté. On trouve dans cette zone deux grandes
des gens de la campagne. étendues de marais désertées par les populations où on
L’Église, bien qu’officiellement religion d’État, oc- trouverait encore quelques créatures fabuleuses.
cupe une place moindre que dans les autres royaumes Les villes dorkades sont habituellement fortifiées
escartes. Les clercs sont écoutés, mais pas toujours et situées sur des axes commerciaux importants. La
entendus, la population rechigne parfois à souscrire à plupart des rois dorkades maintiennent une ou deux
tous les rites et les temples font rarement le plein. places fortes susceptibles de stopper un ennemi ou
Les Dorkades qui habitent les régions sauvages, ainsi tout au moins de permettre la tenue d’un siège dans de
que les paysans, honorent encore plus ou moins d’an- bonnes conditions pour les défenseurs. La population
ciens dieux, tels Nor, le père de l’hiver, Frissye, symbole des villes est bien entendu variable, mais oscille entre
de la nature féconde, Hiverrun qui protège les foyers 5 000 et 20 000 habitants, de nombreux villages sont
et les couples, ou encore Morhlrijgg, incarnation de la disséminés dans tout le pays. Outre le port de Russo,
nature sauvage, violente et indomptable. Cette mytholo- la ville la plus importante est Jarvisberg, actuelle capi-
gie évoque l’Arbre-monde, couronné à son sommet par tale de l’empire. Au cours des deux derniers siècles, elle
le Walhalla, où de puissants et fiers guerriers dorkades s’est développée pour finalement accueillir maintenant
guerroient et festoient pour l’éternité. 120 000 habitants ce qui n’est pas sans poser parfois des
problèmes logistiques, mais aussi sanitaires.
Un pays rude Les dix royaumes de l’empire dorkade portent
Alors qu’Occidentine bénéficie d’un climat et d’une le nom de la ville où siège leur cour royale. Ils sont
géographie agréables, la Dorkadie peut s’enorgueillir Russo, port de commerce sur la Mer intérieure ; Jar-
d’avoir prospéré dans des conditions parfois difficiles. visberg, capitale de l’empire ; Heckland, cité élancée
Le climat est de type continental sur la plus grande au milieu d’une épaisse forêt réputée magique ; El-
partie de l’empire, tempéré au sud et froid au nord. La bowmnir et Ravenshill tous deux au nord, donnant
neige recouvre les trois quarts du pays dès les premiers sur la mer ; Nigginstadt, royaume nordique très mon-
mois d’hiver et seule la partie sud bordant la mer des tagneux ; Lothringen, royaume agricole servant de
Gorgones échappe à ce sort assurant les ressources ali- grenier à l’empire ; Gertenheim, le royaume aux mille
mentaires jusqu’à November. forteresses, fondé par sainte Gerta, constituant une
L’ouest de l’empire est essentiellement en contact avec partie de la frontière agalanthéenne ; Grünwald, non
Occidentine au travers du fleuve Noir. La côte jouxtant la loin de la frontière avec le Krek’kaos et enfin Alwen-
mer des Gorgones abrite le plus grand port de l’empire : sberg, royaume de pêcheurs situé sur un rocher au
Russo, une ville de 30 000 habitants qui offre ainsi aux cœur des tourments de la mer nordique.
Dorkades la possibilité de commercer vers le sud et sur-
tout de pêcher en toutes saisons alors que les mers au nord Armée, milice et justice
commencent à geler ou que les glaciers dérivent, faisant L’empire dorkade est un empire fédéral, c’est-à-
courir des risques aux embarcations. dire constitué de sous-éléments qui jouissent d’une

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Peuples et sociétés

certaine forme d’autonomie dont un gouvernement rés par les rois dorkades. Les sanctions sont habituel-
propre, et cela se ressent dans l’organisation des forces lement semblables dans tout l’empire, mais certains
armées, de milice et la justice. royaumes ont des droits locaux plus ou moins permis-
L’armée dorkade est réputée pour la qualité de ses sifs, ainsi le royaume d’Heckland condamne à mort
fantassins lourds et de sa cavalerie lourde. Mais ses sol- les braconniers qui ne sont habituellement que sou-
dats ont tendance à manifester un orgueil et un senti- mis à quelques coups de fouet et l’amputation de la
ment d’invulnérabilité qui peut leur porter préjudice. main gauche dans les autres royaumes. Il n’y a pas de
Elle est cependant surclassée en nombre et en qualité tribunaux religieux et toute affaire concernant l’Église
par les armées occidentines. Les officiers dorkades est jugée par les tribunaux habituels.
tendent à privilégier l’action en force, négligeant le
risque face à des troupes mobiles et bien équipées. Personnalités
L’empire maintient une force armée composée de • Jorg le Loyal
régiments des divers royaumes, stationnés dans les
zones les plus exposées. L’empereur dispose égale-
ment de forces propres qu’il utilise pour contrôler les
régions à problèmes et assurer la sécurité de ses terres
et de ses gens. Chaque roi peut entretenir une armée
pour son compte en plus des régiments qu’il fournit à
l’empereur. Cependant, cette armée ne peut représen-
ter plus du tiers de l’armée impériale au total. Habi-
tuellement, les troupes fournies par un royaume sont
stationnées dans un autre royaume de l’empire.
La milice est assurée par l’armée impériale. Ce sont
le plus souvent des personnels engagés par les préfets
régionaux (les préfets sont des officiers impériaux Empereur depuis 8 ans, Jorg s’est taillé une répu-
appointés par le gouvernement central). Il s’agit donc tation de redoutable orateur et de diplomate égal à
d’une fonction d’empire et les forces de sécurité in- Mandernick lui-même. Il a su maintenir la cohésion
térieure et de milice ne rendent de compte qu’à leur de l’empire même si de nombreuses dissensions appa-
hiérarchie centrale. Cependant, en ce qui concerne la raissent parfois au grand jour parmi ses royaux sujets.
noblesse, seul le roi dont dépend le noble peut enga- Le peuple le considère comme un bon empereur qui
ger une opération de milice. prend soin des plus faibles.
L’empereur peut toujours demander l’incarcéra- Méfiant en ce qui concerne l’Église, il n’a pas mon-
tion d’un noble, mais c’est au monarque du royaume tré une promptitude exceptionnelle à soutenir la
concerné d’en décider en dernier recours. Ainsi, si les Quête Sainte, ce qui lui a valu de nombreux entretiens
gens du commun sont protégés des manigances des avec les envoyés de l’Escarte Magister Deogratus. Il a
grands des cours royales, il n’en est pas de même de finalement symboliquement envoyé à peine plus de
la noblesse (ce qui finalement ne semble que justice quatre cents cavaliers et autant de fantassins, prenant
pour le peuple). Dans les cas les plus difficiles, le pré- à sa charge leur transport vers Jazîrat.
fet régional peut demander l’assistance de l’armée Jorg est un homme de cinquante-et-un ans, grand,
impériale. bien proportionné et plutôt séduisant. Sa chevelure
La justice est rendue dans les tribunaux royaux. blonde laisse apparaître des tempes grisonnantes qui
Seuls les crimes touchant une famille royale ou la donnent l’apparence de la sagesse de l’âge. Il est ath-
sécurité de l’empire sont jugés dans les tribunaux létique, bon escrimeur, excellent cavalier. Intelligent
impériaux. Les magistrats sont nommés et rémuné- et obstiné, il sait se prémunir des manigances de ses

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chapitre euterpe

ennemis et s’assurer de la loyauté de ses alliés. Veuf nées. Il connaît bien Jorg le Loyal et les rois dorkades,
depuis peu, on murmure qu’il cherche à se remarier. de même que les rouages de la politique et de la diplo-
matie. Il sait qu’il ne faut pas brusquer les Dorkades et
• Oedrick Von Mahlersberg, roi de Lothringen il a donc été confronté à une situation assez difficile
Le jeune roi Oedrick est monté il y a cinq ans sur le lors de la Quête Sainte durant laquelle l’opposition de
trône de la Lothringen alors qu’il n’avait que dix-sept l’empereur s’est faite sentir. Il a finalement obtenu une
ans. Il a rapidement démontré toutes ses capacités à di- aide symbolique de Jorg qui n’a cependant pas apaisé
riger son royaume en répudiant d’abord le régent puis l’Escarte Magister. La participation dorkade a cepen-
les ministres de son père. Il a concentré une grande dant été plus importante que celle d’Aragón ce que n’a
partie du pouvoir entre ses mains, ne déléguant les pas manqué de faire remarquer Roderick. Pour autant,
autres ministères qu’à des hommes en qui il avait toute des rumeurs courent sur son éventuel remplacement.
confiance. Impétueux, entreprenant et ambitieux, il in- Roderick est un homme de petite taille, maigre,
quiète fortement ses voisins qui le jugent trop prompt d’une soixantaine d’années, au visage ravagé par des
à s’emporter et à prendre des décisions parfois impor- vestiges de variole, aux cheveux rares. Sa voix a un teint
tantes rapidement. étrange et envoûtant et il sait l’utiliser à bon escient.

La Lothringen est le royaume le plus proche d’Occi-


dentine et à ce titre Oedrick maintient des relations im-
portantes avec ses voisins occidentins. Siméon IV a fait
le voyage jusqu’à Lothringen, capitale d’Oedrick, pour Les Occidentins
l’accession au trône de ce dernier. Les relations entre les Origine
deux hommes sont de l’avis de tous excellentes.
Les Occidentins sont traditionnellement des éle-
Oedrick est un homme jeune, dont le tempérament
veurs et des agriculteurs, mais aussi des soldats. La
exalté, voire violent, s’exprime dans la façon de bou-
société occidentine est issue de la fusion dans la vio-
ger, de parler, de vivre en société. Il ne tolère pas qu’on
lence de nombreuses tribus elles-mêmes constituées
s’oppose à lui. Il est plutôt quelconque physiquement,
autrefois en petits royaumes.
mais jouit d’un certain charisme auprès de ses subor-
On prétend qu’Æther a créé Occidentine à l’image
donnés et sait galvaniser ses troupes.
de l’Eden tant la contrée semble hospitalière, le climat
est tempéré et permet le développement de vastes
• Roderick Von Altwald, Episcopus de Jarvisberg
étendues agricoles. Les forêts sont giboyeuses et les
L’Episcopus Roderick occupe le poste d’ambassadeur
rivières poissonneuses.
de l’Église escarte à Jarvisberg depuis une dizaine d’an-

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Peuples et sociétés

De son passé tumultueux, le paysage occidentin


conserve de nombreuses fortifications qui parsèment
le territoire du royaume. La population est répartie
sur l’ensemble du pays et les plus grandes villes ac-
cueillent en moyenne seulement 25 000 habitants.
La nation occidentine est unie sous le règne de son
roi Siméon IV, qui jouit d’un prestige impressionnant
depuis son retour de Jazîrat avec la Mirabilis Calva
Reliquiae. Il s’appuie principalement sur la noblesse
et l’Église pour diriger son royaume. Chaque seigneur
s’est vu confier un territoire dont il peut jouir à condi-
tion de payer une redevance à la couronne chaque
année. Il gère son domaine et doit assistance au roi
militairement dès que ce dernier le lui demande. En
théorie le roi peut confisquer tout ou partie d’un do-
maine, mais c’est un choix risqué (que Siméon IV n’a
pas hésité à faire par l’intermédiaire de son fils pen-
dant la Quête Sainte).
Les lettrés de l’Église gèrent toute l’administration en
dehors des villes, le corps des administrateurs créé par le
roi ne s’occupant que des villes les plus importantes.

Société
De toutes les nations escartes, Occidentine est la
seule qui maintienne un esclavage sous la forme du
servage. Les serfs sont attachés à un domaine, ils ne
peuvent le quitter et doivent travailler pour le sei-
gneur dont dépend le domaine. Ils ne possèdent pas
les terres qu’ils cultivent et remettent tout le fruit des
récoltes au seigneur. En contrepartie, ce dernier ga-
rantit leur subsistance et leur protection. Les serfs ne
peuvent se marier qu’avec l’accord du seigneur qui fixe
ensuite leur lieu de vie.
Au-dessus des serfs, on trouve les paysans qu’ils
soient propriétaires de leur terre ou simples métayers.
Leur sort n’est pas toujours plus enviable que celui des
serfs, mais ils peuvent aller et venir à leur guise et pro- regroupant tout à la fois les marchands, les banquiers et
fitent du produit de leur labeur tout en payant l’impôt. les paysans ayant acquis un vaste domaine au sein des-
Le commun des habitants des villes est celui d’un quels ils emploient d’autres paysans.
homme libre d’aller et venir, mais opprimé par quelque
patron peu amène. Les artisans sont les mieux considé- Un pays béni par aether
rés surtout ceux qui ont des compétences reconnues. Occidentine est un vaste royaume, bien protégé
En dessous de la noblesse (souvent dénommée les sei- au sud par une chaîne montagneuse aux passes bien
gneurs), on trouve les bourgeois, vaste classe sociale connues, praticables en dehors des périodes hiver-

233
chapitre euterpe

La fronde
L’histoire récente d’Occidentine a été marquée par la rébellion de certains seigneurs, et non des moindres,
contre le pouvoir central du roi. Cette fronde des seigneurs s’est traduite par un refus de payer l’impôt sur le
bétail puis, pour certains, par le refus de fournir au roi des hommes de troupe. Ces oppositions ont le plus
souvent conduit à des interventions de l’armée royale avec à la clef l’exécution du frondeur, ce qui a suscité
un véritable esprit de vengeance parmi les familles frappées par la rancœur du monarque. Depuis la lutte
est devenue plus insidieuse, faite de complots visant à s’emparer de postes importants de l’administration, à
compromettre un proche du roi ou le monarque lui-même. Il est de notoriété publique qu’Abélard, le frère
du roi, serait un des instigateurs de la fronde pour son propre intérêt. La récente Quête Sainte a permis à
Siméon IV de reprendre l’avantage en affaiblissant militairement et financièrement plusieurs seigneurs a
priori hostiles à son régime.

nales. Ces montagnes forment une frontière naturelle L’Escarte Magister y occupe un palais semblable à une
avec les voisins arakognans. La frontière nord-est avec cité, avec son port propre, ses multiples lieux de prière,
l’empire dorkade suit habituellement les cours d’eau ses casernes, ses monastères. L’Église escarte dirige de
(en particulier le fleuve), qui séparent les deux pays fait la cité même si une autorité laïque est censée y as-
sur plus de la moitié de leur zone commune). L’est de surer les fonctions administratives et légiférer. Dans les
la frontière est marqué par des zones accidentées et faits, aucune décision n’est prise sans l’accord de l’Es-
une chaîne de montagnes basses. carte Magister. Véritable État dans l’État, le Magiste-
Les villes sont peu développées, mais relativement rium dispose d’une armée appointée par l’Église forte
nombreuses, la plupart accueillent entre 15  000 et d’un millier d’hommes dévoués. Elle peut compter
35 000 personnes, beaucoup sont fortifiées. La plus sur les quelques 15 000 ecclésiastiques qui vivent dans
grande cité est Théodonis, capitale du royaume. l’enceinte du Palais Magister. Au total, 32  000 habi-
Autrefois Facavalle, elle fut rebaptisée en l’honneur tants vivent dans la cité. Toutes les nations escartes, y
d’Æther et de la conversion des rois occidentins à compris Occidentine, et beaucoup d’autres ont installé
la nouvelle religion. Elle abrite 200  000 citoyens et un ou plusieurs ambassadeurs dans la cité sainte.
l’ensemble des grandes institutions du royaume. Le
roi y réside en automne et hiver, tandis qu’il visite le Armée, milice et justice
royaume au printemps et en été. Théodonis est une Tout seigneur est en droit de maintenir une armée
ville protégée par de hautes murailles de pierre jaune pour assurer la sécurité de ses terres, c’est un droit
qui s’élèvent fièrement près de vingt mètres au-dessus fondateur du royaume occidentin. Le monarque dis-
du sol. Bâtie sur des terres arables d’excellente qua- pose lui-même d’une armée, souvent composée de
lité, elle jouit de ressources alimentaires importantes mercenaires, et dont les troupes sont réparties sur
qui font que la population ne manque de rien. Cela l’ensemble du territoire. Les seigneurs doivent assis-
contribue à en faire un centre attractif pour de nom- tance financière et militaire au roi, en fournissant des
breux artistes et artisans de renom. combattants à la demande de ce dernier. La plupart
Occidentine accueille également la capitale spiri- des seigneurs utilisent le service de mercenaires qui
tuelle des nations escartes : le Magisterium. Fondée là parfois se transforment en bandes de pillards lorsque
où débarquèrent les premiers disciples d’Æther au tout les fonds viennent à manquer.
début de l’évangélisation escarte, la ville s’est rapide- La milice est à la charge du seigneur dont dépend
ment imposée comme le centre de la nouvelle religion. le territoire (ville comprise). Il doit assurer la sécurité

234

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Peuples et sociétés

de ses sujets, tant au plan physique que sur celui des la finalité n’apparaîtra que des mois, voire des années plus
biens. La milice est confiée à des prévôts qui organisent tard. Redoutable négociateur et stratège, il s’est attiré la
selon les besoins et les moyens des services municipaux haine de nombreux seigneurs en raison d’un ego plutôt
ou ruraux. La brutalité des miliciens chargés des opé- démesuré et de sa volonté de tout diriger.
rations de milice est légendaire dans tout le royaume, Son départ pour la Quête Sainte a, un moment, paru
leur corruptibilité également. La milice de Théodonis être une folie, mais c’était sans compter sur l’habileté
est réglée par la prévôté royale, un corps spécialisé de de l’homme qui, en se faisant le chantre de l’Église, ne
l’armée du roi. Elle est certainement la plus efficace de put qu’obtenir son soutien et qui a pu, grâce à l’action
tout le royaume, y compris sur le plan des crimes poli- de son propre fils, affaiblir ses opposants les plus fa-
tiques. C’est l’Église qui a pris la charge de la milice du rouches. Sa victoire magistrale en Jazîrat lui a permis
Magisterium, comptant sur ses nombreux fidèles tou- de récupérer bien plus qu’il n’espérait.
jours prêts à collaborer avec les prévôts du Magister.
Siméon IV a institué depuis une dizaine d’années • Deogratus Ier
des tribunaux populaires. Avant cette mesure, le sei- L’Escarte Magister Deogratus Ier occupe ce poste glo-
gneur était le juge de toutes les affaires de sa juridic- rieux depuis une quinzaine d’années. Ancien marin des
tion (ou tout au moins la justice était rendue par des îles de la Mer intérieure, il jeta l’ancre au Magisterium à
juges soumis aux seigneurs). Cette justice populaire l’âge de 20 ans pour embrasser une carrière religieuse très
s’applique désormais à tous les délits et crimes de fructueuse. Helias Mantes est devenu l’Escarte Magister
droits communs. Chaque tribunal (en général un tri- Deogratus I à 48 ans. Depuis il asseoit avec habileté son
bunal siège dans toute grande ville, couvrant un rayon emprise sur le clergé escarte et tous les fidèles.
de trente à quarante kilomètres de juridiction) est le monde connu est vaste, et les peuples qui l’habitent
siège d’un juge nommé par le roi et de onze jurés po- sont aussi nombreux que leurs différences sont fortes.
pulaires désignés par tirage au sort chaque année par- Le long chapitre qui suit vous permet de les découvrir
mi les hommes prenant épouse dans l’année. Le juge en substance, de connaître les us et coutumes, leurs
propose la peine et le soumet au vote des jurés. Tout habitudes vestimentaires, leurs cultes, etc.
accusé a le droit de se défendre soit lui-même soit par Dans un premier temps seront décrites les trois tri-
l’intermédiaire d’un tiers désigné par lui. bus nobles saabi et les clans qui les composent. En-
Il existe une autre voie de justice : celle de l’Église. suite viendront les trois tribus shirades, les cité-États
En effet, l’institution religieuse dispose en Occiden- agalanthéennes et enfin, les trois nations escartes.
tine d’un pouvoir judiciaire concernant toutes les
affaires qui concernent la sphère de la religion, ses
biens ou ses personnes. La justice est rendue par trois
juges de l’Ordo Inquisitorum, après interrogatoire par
ses membres. L’accusé a le droit de se défendre, mais
ne peut être représenté. Le procès n’est jamais public.
Au Magisterium, l’Ordo Inquisitorum dispose donc de
tous les pouvoirs concernant la milice et la justice.

Personnalités
• Siméon IV l’Orgueilleux
Roi d’Occidentine, Siméon IV est un robuste gaillard
de 55 ans, de grande taille et à la musculature saillante.
Loin d’être impulsif, il témoigne d’un esprit d’analyse
effilé, qui le rend capable d’entreprendre des actions dont

235
chapitre polymnie

Aux portes du désert


Thufir vit enfin la silhouette blanche du caravansérail se dessiner sur la toile écarlate de l’Aramla El-Nar, le
désert de Feu. Il éperonna son pur-sang et fondit sur l’auberge, carrefour de tous les commerces, dernier bastion de
ce qu’il appelait la civilisation, avant une étendue infinie de barbarie. À propos de barbare, il espérait que le sien
serait arrivé à bon port et qu’il aurait obtenu les renseignements dont ils avaient besoin.
En franchissant le portail sous l’œil attentif des gardes enturbannés, il remarqua tout de suite que s’affrontaient
là deux humeurs distinctes. À gauche, les hommes étaient tendus, inquiets, comme chacun l’était avant de s’élancer
sur le sable brûlant. Ils comptaient les vivres et l’eau, s’occupaient des montures, priaient les dieux que le désert
soit clément. À droite, on riait, on chantait et on buvait sans retenue, le signe du repos après de longues semaines
passées sous le soleil implacable. Les houris dansaient pour eux et pour l’or qu’ils ramenaient, victorieux, des
confins du monde. Même si Thufir s’apprêtait à emprunter le chemin des premiers, il espérait que son compagnon
aurait élu domicile avec les seconds.
Houbal soit loué ! Le Dorkade se trouvait au fond de la salle avec, sur ses genoux une fille qu’il laissa tomber,
au sens propre du terme, à l’approche de Thufir. Il avait l’air énervé et la mine avinée.
« Te voilà enfin, maudit païen ! Je n’en peux plus de t’attendre parmi ces dégénérés.
— Excuse-moi, porc parmi les porcs, mais j’ai été retenu par les femmes de la tribu des Bint Mimoun Abd-Al-
Tarek…
— J’espère que tu as trouvé notre équipage au moins, espèce de chien lubrique !
— Je n’ai rien à t’envier de ce côté-là, répondit Thufir en jetant un œil approbateur à la fille qui se relevait et
venait réclamer son dû au chevalier dorkade. Mais ne t’inquiète pas, le meilleur guide caravanier de tout Jazîrat
est déjà en route. Il nous rejoindra à la prochaine oasis avec vivres, montures et escortes. Et toi, as-tu trouvé le lieu
où ton aïeul a disparu ?
— Oui, il s’agit d’un village du nom de Calamar-Grande-Tour, ou quelque chose comme ça.
— Khal-Ahmar Ban’Thour, je suppose. Et où en était-il de sa quête, l’ancêtre ?
— J’ai rencontré un prêtre de Houbal avec qui a discuté Ingmar Björnson, père de mon père, chevalier du
Grünwald, loué soit son nom. Il semble que les runes que mon grand-père a découvertes dans nos contrées ré-
sonnent du même mystère que l’histoire de vos Prophètes. Si bien que les deux vieillards sont arrivés à la conclu-
sion que vos trois saints ont un jour visité mon Septentrion natal.
— Intéressant, mais assez peu probable. Tu m’as bien dit que tes runes avaient au plus mille ans ? Cela fait plus
de trois millénaires que nos Prophètes ont disparu. »
Le chevalier parut exaspéré, mais Thufir ne sut dire qui de lui ou de la prostituée qui réclamait son argent en
était la cause. Un talent d’or jeté dans le décolleté la fit battre en retraite. Le chevalier reprit :
« J’ai parlé à beaucoup de gens depuis que je suis là à t’attendre. En particulier à des nomades des tribus du
désert. Tous ne s’accordent pas sur ta version de l’histoire. D’aucuns disent même que les Prophètes seraient encore
vivants…
— Balivernes ! Mais peu importe. À nous de voir. En sais-tu plus sur le lieu décrit par les runes ?
— Malheureusement non. Mon grand-père semblait en avoir décodé une partie et ses pas le menaient vers ce
village. Ce serait le dernier endroit où on l’ait vu. Les trésors des Prophètes, les joyaux que mentionnent les runes
ne doivent pas en être loin… 
— Laisse-moi en douter tant que nous ne les aurons pas sous les yeux… »
Thufir déplia une carte détaillée de Jazîrat, parcourut la côte orientale du doigt et s’arrêta sur quelques pattes
de mouche : Khal-Ahmar Ban’Thour. Il regretta immédiatement d’avoir déjà payé maître Said Ibn Salah qui loin

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Création de personnages

d’être le meilleur caravanier de Jazîrat restait un guide excellent et donc coûteux. Il y avait moyen de rejoindre le
village en longeant le désert par le nord, sans prendre trop de risque, sans s’enfoncer dans ses confins les plus brû-
lants. Mais peu importait, le jeu en valait sûrement la chandelle. Quoi que l’honorable grand-père ait déniché, s’il
était vrai qu’il portât la marque des dragons malgré son grand âge, cela méritait que lui, Hafiz Thufir Jamil Ibn
Rachid Abd-Al-Hassan y prête attention. Alors qu’il se perdait dans l’évocation de trésors rutilants, de puissantes
reliques, de créatures magiques, de pierres précieuses et de parchemins sacrés — Houbal seul savait ce qui l’atten-
dait au bout du chemin — la voix forte du Dorkade le ramena à la réalité du caravansérail où ils se trouvaient
encore.
« Sais-tu jouer au Dhamet ? J’ai eu l’occasion d’apprendre en t’attendant…
— Bien sûr ! Tous les Jazîrati le pratiquent ! Et je suis même le meilleur joueur de la cour du prince Mamoud.
Ne le répète pas, mais je le bats même en privé.
— D’accord, si tu me bats, je promets de tenir ma langue. »

237
chapitre polymnie

Chapitre Polymnie
création de personnages
Dans CAPHARNAÜM : L’Héritage De tout temps, les dragons, liés à
des dragons, les joueurs sont appelés à toutes les cultures, ont accompagné les
incarner un être hors du commun, un Héritier des peuples dans leurs croyances et dans leur chemin
dragons. vers l’au-delà. Psychopompes et gardiens des secrets
Les Héritiers sont des humains choisis parmi les célestes, ils sont les serviteurs des dieux et ont pour mis-
descendants des dieux pour devenir, dans l’idéal, sion de guider les meilleurs des hommes sur les chemins
leurs agents sur terre et gagner un jour leur place au tortueux de l’aventure humaine. Peu avant la naissance
Royaume céleste. Cependant, aucun dieu ne peut dé- d’un élu, les dragons apparaissent à la mère enceinte
cider à la place de l’humain. Ainsi les Héritiers, bien et apposent leur sceau sur son ventre. Si la femme n’en
que choisis par les dieux, restent-ils libres dans leurs garde aucune trace, l’enfant en revanche naît avec une
actes et de leurs choix. tache de naissance dont la forme évoque une empreinte
Ces personnages mènent avant tout une existence de dragon, dans le dos, à l’emplacement du cœur.
traditionnelle, ils grandissent dans leur famille d’ori- La femme n’est pas toujours crue, l’enfant est par-
gine, vont à l’école, apprennent un métier et fondent fois considéré comme un monstre. Les vies et les cas
une famille. C’est pourquoi le présent système de créa- diffèrent, mais toujours, il y a un dragon derrière, pour
tion de personnages s’attache aussi et surtout à la vie guider l’Héritier sur une voie connue seulement des
humaine du personnage. Le joueur devra donc choisir dieux. Certains se laisseront tenter par le mal, alors
le Sang de son Héritier (origine familiale et géogra- que d’autres, plus nombreux, mourront en chemin.
phique de son personnage), ainsi que sa Parole (la dis- Une grande majorité refusera l’Héritage ou n’y croi-
cipline martiale, magique, ou sociale qu’il a suivi toute ra pas, mais certains, soyons-en sûrs, accéderont au
sa vie) et enfin son métier. Royaume céleste et prendront place sur les trônes
d’étoiles aux côtés de Houbal, Shirad, Æther et Kalos.

Jouer un Héritier Il y a presque six siècles, sans que l’on sache pourquoi,
les naissances d’enfants marqués par les dragons ces-
des dragons sèrent brusquement. Comme si les dragons regardaient
ailleurs… On ne vit naître de nouveaux Héritiers qu’il
Il y a le commun des mortels et ceux qui s’élèvent y a peu, au cours du présent siècle. Certains prétendent
parmi la masse. Ceux-là, sont les héros, les chefs de que c’était il y a près de quarante ans, mais nul ne sait
guerre, les grands penseurs et les amants légendaires… vraiment quand cela a vraiment recommencé. Nonobs-
Parmi ces êtres d’exception, parmi même la race des tant, ce « retour » resta très discret et l’on ne compte pas
héros, certains brillent bien plus encore, ou du moins plus d’un millier d’Héritiers nés à cette époque. Les per-
peuvent briller. Héros d’entre les héros, ils sont les Hé- sonnages incarnés par les joueurs de CAPHARNAÜM :
ritiers des dragons. L’Héritage des dragons, font partie de ceux-là.

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Création de personnages

Tout semble désormais s’être accéléré. Les kahini,


kahanim et prêtres de tous horizons sont formels
quant à un fait inexplicable, mais bien réel : depuis la
fin de la Quête Sainte, on compte les naissances d’en-
fants marqués par dizaines !
Les personnages incarnés par les joueurs de CA-
PHARNAÜM : L’Héritage des dragons ont été choisis
peu avant leur naissance par des créatures d’essence
divine, les serviteurs des dieux que sont les dragons.
Ils ont une mission à accomplir dans ce monde, mais
quelle est-elle ? Quels en sont les enjeux ? Le gain sera-
t-il proportionnel au risque ? La seule chose certaine
est que cela fait d’eux des héros en puissance, parfois
craints et rejetés, parfois adulés…

Étape 1 : Le Sang et
la Parole
Lors de cette première étape, le joueur doit se de-
mander quelle est l’origine sociale et géographique
de son personnage, ainsi que sa place dans ce monde.
Est-il un Saabi ou un Shiradi, un Escarte ou un Aga-
lanthéen ? On dit qu’il choisit son Sang.
Le choix du Sang rapporte 1 point dans une Carac-
téristique et 3 points de Compétences (de façon spé-
cifique, comme décrit ci-après pour chaque origine).
Le joueur doit aussi choisir à quelle voie il a voué sa
vie au sein de son clan, de sa nation, etc. On dit qu’il
choisit sa Parole (ce sera le terme générique, bien que
les Agalanthéens préfèrent le mot « École » et que les
Escartes utilisent le terme « Académie »). Le choix
de la Parole ouvre à l’Héritier les portes d’une institu-
tion (école d’escrime, secte guerrière, école de magie, Note : un personnage n’est pas obligé de choisir la Pa-
tradition alchimique, etc.). role présentée avec son Sang, il peut en choisir une autre
Chaque institution offre un point de Caracté- du moment qu’elle reste liée à son clan (pour les Saabi)
ristique, trois points de Compétences et une tech- ou à son peuple en général pour les autres (cf. Rebelles,
nique spéciale appelée tout simplement «  Première dissidents, métisses, cousins et autres traîtres...).
Parole » (de façon spécifique, comme décrit ci-après Il existe de nombreuses autres Paroles dans chacune
pour chaque origine). Lors de la création de person- des origines, toutes ne sont pas décrites dans ce livre. Vous
nages, un Héritier ne peut avoir accès qu’à la Parole trouverez ici les plus représentatives et les plus connues,
de niveau 1. Ces Premières Paroles sont présentées ainsi que des Paroles «  communes  »  personnalisables
ci-après, mais il existe six niveaux pour chaque Parole basées sur des grandes Figures tel le Prince, le Guerrier, le
Sorcier, le Malandrin, etc.

239
chapitre polymnie

Enfin, choisir un Sang et une Parole vous permettra des existences et des points de vue très différents. De
de connaître les références culturelles et sociales qui même, un Templier escarte resté au Capharnaüm peut
vont vous guider dans l’interprétation du personnage, très bien aujourd’hui être défroqué et mener une vie
mais cela ne doit pas non plus vous mettre des chaînes de débauche...
aux pieds  : un Mudjahid hassanide vivant à Kh’saaba Note : la Parole n’est pas le métier de l’Héritier, mais
et son cousin devenu mercenaire à Carrassine auront une discipline qu’il a décidé de suivre, une profession de

Dragons et civilisations
Les dragons sont présents dans toutes les cultures de notre monde, mais on ne les considère pas partout
de la même façon. De même, les Héritiers des dragons, les personnages des joueurs et leurs semblables
seront plus ou moins bien accueillis. Comment leurs familles ont interprété l’Héritage ? Comment les
membres de leurs villages ont-ils réagi ? Comment les héros en devenir ont-ils grandi ? Voici quelques no-
tions pour imaginer la place des dragons et des Héritiers selon les différentes cultures du Capharnaüm. Du
reste, joueurs et Al-Rawi sont libres d’imaginer les histoires les plus folles, car comme toujours, un bon récit
justifie tous les excès…
Les Shiradim savent que les constellations que l’on voit dans le ciel sont la manifestation céleste des
dragons. Ils sont en fait les esprits des anciens, conseillers bienveillants et soumis à la volonté de Shirad. Ils
vivent dans un monde au-delà et ont leurs propres querelles, incompréhensibles pour de simples humains,
mais choisissent des Héritiers pour servir Shirad et véhiculer sa sagesse.
Les Escartes voient les dragons comme des créatures envoyées par Æther pour punir tous ceux qui ne
sont pas vertueux. Les maladies, folies, tempêtes, tremblements de terre, etc., sont les manifestations de leur
colère et de leur pouvoir. Ils sont le bras punitif de leur dieu, Æther, et de ses trinitaires Mira et Jason. Les
Héritiers sont des serviteurs des dragons et donc de la divinité, qu’on la perçoive comme un dieu d’amour
ou plutôt comme un dieu de conquête.
Les Agalanthéens révèrent les dragons comme d’anciens Héros ayant rejoint les dieux. Durant leur vie
terrestre, les Héros font vivre et avancer le monde, ils écrivent l’histoire, réalisent les grandes découvertes
et résolvent les drames humains. À leur mort, généralement épique, ils deviennent des dragons à leur tour,
serviteurs des dieux et guides des nouveaux Héros. Héros et Héritiers désignent la même chose, mais un
Agalanthéen préférera toujours la première appellation.
Chez les Saabi, les dragons sont les proches, les alliés et les serviteurs des dieux, mais aussi parfois leurs
rivaux et leurs ennemis. Selon les régions et les tribus, il n’est pas rare de rencontrer des visions différentes,
mais les dragons sont toujours présentés comme des guides, des accompagnateurs et des tuteurs, qu’ils
soient bons ou mauvais. Comme chez les Agalanthéens, les Héritiers sont des humains choisis par les dra-
gons pour devenir des serviteurs de leurs maîtres et tuteurs. Il s’agit ici de Houbal et sa cour céleste. S’ils
s’acquittent de cette mission avec passion, les Héritiers deviendront des dragons à leur tour. C’est pour cela
que les Saabi adjoignent au nom des dragons un qualificatif ou un nom d’animal, symbole de leur vie ter-
restre passée : Hassan le dragon Roi, Salif le dragon Nuit, Tarek le dragon Lion, etc.
Pour finir, quelle que soit son origine, un Héritier des dragons ressent qu’il est naturellement
supérieur aux autres mortels. De ce fait, il a conscience que porter la marque des dragons est une
preuve de l’existence des dieux, et de tous les dieux d’ailleurs, puisqu’il y a des Héritiers de toutes
origines. Ainsi, même s’il est un fanatique religieux, il accordera toujours au moins son respect à un
Héritier des dragons adorant d’autres dieux que les siens.

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Création de personnages

foi, un code de conduite… Par exemple, un guerrier Mu- ces voies, mais ce ne sont pas ceux que l’on est censé
djahid suivant la Parole dite du Soupçon des traîtres peut jouer) et la grande majorité de ceux qui suivent la même
très bien avoir pour Figure principale (métier) le Sage (cf. Parole/Académie/École n’est pas Héritier des dragons.
Étape 4) et être délégué par Kh’saaba comme ambas- Voici un petit glossaire pour vous faciliter la tâche :
sadeur à Fragrance. Un personnage sorti de l’Académie • Figures : les corps de métiers ou archétypes qui
arakognanne de San Llorente de Valladón peut être en servent à définir un personnage (celui-ci est surtout
réalité un artiste itinérant et appartenir à une troupe de un Aventurier, mais aussi un peu un Sage, celui-là
théâtre ambulante. Il aura comme Parole l’école sus-citée est un Guerrier, mais il est un peu Poète et parfois
et comme métier la Figure du Poète. même Malandrin, etc.).
• Parole : une discipline philosophique, militaire,
Résumé de l’Étape 1 : religieuse, etc., que le personnage a suivie et suit en-
Choisir son Sang (origine géographique) et core. Elle est généralement rattachée à un person-
noter sur la fiche d’Héritier le point de Caractéris- nage important dans l’histoire des peuples. Ces Pa-
tique et les points de Compétences ainsi obtenus. roles, leurs aspects techniques, mais aussi sociaux,
Choisir sa Parole (la voie suivie, l’appartenance sont décrites amplement dans le Livre d’Al-Rawi.
morale) et noter sur la fiche d’Héritier le point de • Sang  : l’origine du personnage (sa famille, ses
Caractéristique et les points de Compétences ob- ancêtres, son pays...).
tenus, ainsi que la technique de Première Parole et
ses paramètres. Rebelles, dissidents, métisses,
cousins et autres traîtres...
La plupart du temps, les personnages créés par les
Sang, Parole, Héritiers, joueurs de CAPHARNAÜM : L’Héritage des dragons
Figures... Quel charabia ! sont censés suivre une Parole liée à leur Sang, ou éven-
tuellement, une Parole commune. Cela n’est en rien
Comment se représenter un personnage de CA-
obligatoire et l’inventivité est même encouragée, car
PHARNAÜM ? Qu’a-t-on exactement le droit de jouer ?
il est tout à fait possible qu’un Héritier soit complète-
Peut-on jouer des méchants ? Des non-humains ?
ment en rupture avec son passé, ou qu’il ait été élevé
Le personnage d’un joueur de CAPHARNAÜM est
par d’autres et que sa culture soit toute différente.
un humain qui sort de l’ordinaire pour diverses raisons.
On part généralement du principe que le Sang
La première : pour une raison qu’il ignore, les dieux
reste inchangé, mais que la Parole peut être différente.
et les dragons l’ont choisi. Il a reçu l’Héritage des dra-
Tout ce qui compte, c’est que le joueur le justifie par
gons, une empreinte qui, semble-t-il, le rend meilleur.
une bonne histoire : le fils d’un seigneur agalanthéen
Tous les Héritiers ont en effet quelques points de
et d’une prostituée saabi pourra être Agalanthéen de
Caractéristiques de plus que le commun des mortels.
Sang, mais avoir été élevé par sa mère et avoir suivi la
Peut-être même appartient-il à une lignée d’Héritiers
parole de Mimoun Abd-Al-Tarek. Un voyageur shiradi
des dragons, son père, son grand-père et bien d’autres
pourrait s’être converti et être devenu Templier es-
avant lui, ont été des élus célestes (pour le savoir, se
carte, etc. Avec une bonne histoire, tout est acceptable.
reporter à la table aléatoire Héritage des dragons, à la fin
Il faudra cependant respecter certaines règles :
de la création de personnages).
Si le joueur décide d’interpréter un personnage
La seconde : pour des raisons laissées au choix des
ayant complètement rompu avec son Sang ou sa
joueurs, les Héritiers qu’ils incarnent ont suivi une Pa-
Parole (voire les deux) il dispose toutefois des avan-
role ou intégré à un moment de leur vie une Académie
tages offerts par ceux-ci lors de la phase de création.
ou une École. Cela n’est en rien réservé aux élus des dra-
Ce personnage est donc créé normalement à l’excep-
gons (nombre d’Héritiers des dragons ne suivent pas
tion de l’une des Vertus héroïques  : il faut fixer im-

241
chapitre polymnie

médiatement la Fidélité du personnage à 0. Ce chiffre Autres sentiers...


n’évoluera qu’en cours de jeu et ne dépassera jamais un Bien que cela soit déconseillé, certains joueurs pré-
maximum de 4. D’autre part, il ne pourra pas bénéfi- fèrent émanciper leur Héritier de toute obligation et ne
cier des niveaux de Parole supérieurs au premier, sauf pas suivre de Parole. Si un tel cas se produit et que Al-
si au gré des aventures (et au jugement d’Al-Rawi) il Rawi accepte l’histoire proposée par le joueur (nous le
venait à renouer avec son milieu d’origine. Il ne répartit rappelons : une bonne histoire vaut toutes les règles), il
que 7 points entre les deux autres Vertus héroïques. est possible de créer un Héritier « indépendant ».
Si le joueur décide que son personnage a tou- Pour cela, le joueur ajoutera 1 point dans une Ca-
jours été affilié à une Parole différente de son Sang ractéristique de son choix et seulement 2 points de
(métisse, confié par un ami de son père, ou à un cou- Compétences, sans dépasser 4 et sans attribuer les 2
sin, ayant fui dès son plus jeune âge et été élevé par des points à la même Compétence.
étrangers, etc.) : Ces personnages sont considérés comme des gens
Personnage élevé au sein de la même tribu, mais du commun et disposent des Vertus héroïques d’un
suivant une Parole d’autre clan (ex  : un Ibn Malik Héritier normal. Ils ne maîtrisent aucune technique
suivant une Parole Ibn Mussah) : création de person- issue d’une Parole, mais peuvent être de grands
nages inchangée. Il en va de même pour un Shiradi guerriers, des sages renommés, des bandits réputés
choisissant une Parole shirade différente de sa Tribu et autres sorciers mystérieux au même titre que les
(un Ashken suivant une Parole pharate par exemple). autres.
Personnage élevé au sein d’un même peuple,
mais suivant une Parole d’une autre Tribu, nation
ou cité (un Occidentin dans une Académie dorkade, Saabi
un Fragrantin dans une École de Thérème, un Hassa-
Les Héritiers saabi sont tous issus de l’une des trois
nide suivant une Parole salifah, etc.)  : le personnage
tribus descendantes des Prophètes. Ainsi, ils sont
est mal vu et sa Fidélité de départ est égale à 0. Elle ne
considérés comme des nobles, plus ou moins proches
pourra jamais dépasser un maximum de 4. De plus, le
de la couronne (selon les envies du joueur), que le
joueur ne répartit pas les 10 points de Vertus héroïques
personnage soit un Mudjahid, un sorcier, une garde du
alloués, mais seulement 7 (cf. Étape 2 : Vertus héroïques)
corps, un voleur ou une prostituée.
et ne peut investir aucun de ces points en Fidélité.
Personnage élevé ou non par son peuple et sui-
La tribu des Hassanides
vant une Parole d’un autre peuple (Saabi suivant
une Parole shirade, Escarte dans une École agalan- Hassan était le plus grand guerrier, dans sa lignée se
théenne, etc.) : le personnage est très mal vu, souvent trouvent les meilleurs porteurs de sabre, les meilleurs
agressé, chassé, par les représentants des deux peuples. lanciers. Cette tribu est sédentarisée dans les villes
Sa Fidélité de départ est de 0 et ne dépassera jamais un comme les oasis et représente aujourd’hui la majorité
maximum de 2. De plus, le joueur ne répartit pas les 10 des généraux saabi.
points de Vertus héroïques alloués, mais seulement 7
(cf. Étape 2 : Vertus héroïques) et ne peut investir aucun Clan Ibn Malik Abd-Al-Hassan : la lignée dont est
de ces points en Fidélité. issu le roi de Kh’saaba donne naissance aux meilleurs
généraux saabi, à leurs meilleurs hommes d’honneur,
aux chefs de troupes les plus admirés, ainsi qu’aux hé-
ros du peuple débordant de foi et de courage. Nombre
de Mudjahidin sont originaires de cette famille.
Sang : Coordination ou Puissance + 1, Arme + 1,
Commander + 1, Entraînement + 1

242

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Création de personnages

Parole suggérée : l’une des Paroles de Malik Abd- Parole suggérée : l’une des Paroles de Yucef Abd-
Al-Hassan, aussi appelée Sentier des cimeterres de feu. Al-Salif aussi appelée Parole des Dunes de safran.

Clan Ibn Mussah Abd-Al-Hassan : les Ibn Mus- Clan Ibn Aziz Abd-Al-Salif : s’il n’était pas tenu par
sah sont les éminences grises, ceux qui conseillent, qui un certain code de l’honneur, ce clan engendrerait sû-
intriguent et dont l’habileté politique et commerciale rement des hommes de la pire espèce... Plutôt princes-
est vouée à renforcer la puissance de Kh’saaba. voleurs que bandits sans foi ni loi, ils sont à l’origine
Sang : Charme + 1, Ne pas perdre la face + 1, Élé- de la plupart des activités illégales de l’île (prostitu-
gance + 1, Flatter + 1 tion, vol, assassinat, maisons closes...) et représentent
Parole suggérée  : l’une des Paroles de Mussah une grande partie des mercenaires se vendant au plus
Abd-Al-Hassan aussi appelée l’Alchimie des hommes. offrant sans se soucier de la moindre morale. En appa-
rence du moins ! Ils se trouvent partout où il y a une
Clan Ibn Rachid Abd-Al-Hassan : les Ibn Rachid concentration humaine sur l’île. Ayant échappé à tout
forment une lignée ambiguë. Ils sont à la fois les gardes contrôle depuis très longtemps, ce clan s’est lui-même
du corps les plus fidèles que l’on puisse trouver, mais scindé en deux branches ayant des conceptions assez
peuvent également devenir des assassins impitoyables voisines de la notion de commerce : le premier a parti-
lorsque leur fonction l’exige. cipé à la fondation de Carrassine et s’est spécialisé dans
Sang : Souffle + 1, Arme + 1, Assassinat + 1, Poésie + 1 le mercenariat, le second est devenu son côté obscur, le
Parole suggérée  : l’une des Paroles de Rachid crime organisé, la rafle, le négoce d’esclaves...
Abd-Al-Hassan aussi appelée le Soupçon des traîtres. Sang : Coordination + 1, Arme + 1, Détrousser + 1,
Négoce & Salamalecs + 1
La tribu des Salifah Parole suggérée : l’une des Paroles de Aziz Abd-
Les Salifah possèdent les talents qui ordonnent Ja- Al-Salif aussi appelée Parole des Enfants du souk.
zîrat : celui de la route et celui du négoce. Marchands
ou caravaniers, explorateurs ou criminels, les Salifah, Clan Ibn Khalil Abd-Al-Salif  : ils constituent le
chacun à leur façon, sont avant tout insaisissables. plus étrange des clans saabi, car une grande partie
de ses membres est originaire d’Al Fariq’n et nombre
Clan Ibn Yucef Abd-Al-Salif  : commerçants, né- d’entre eux ont la peau noire ou métissée. Les fils de
gociants et caravaniers par excellence, les fils de Yucef Khalil sont célèbres pour leurs combattants montés
sont présents dans tout Jazîrat et sont aussi bien séden- à dos d’abzoulim, ces petits dragons, gros comme
taires que nomades. Ils sont partout où on les attend et deux bœufs, dont les services s’arrachent à prix d’or
où l’on ne les attend pas, aussi bien dirigeants locaux, lorsqu’ils les vendent. Il est possible de trouver les Ibn
intendants d’un puissant ou simples caravaniers du dé- Khalil Abd-Al-Salif  essentiellement sur la côte proche
sert. Le clan est animé par une forte cohésion et un fort et en Al Fariq’n, mais il n’est pas rare qu’un fils de Kha-
esprit de famille vis-à-vis de la tribu, il est le ciment des lil quitte le clan pour découvrir Jazîrat. Ce sont les plus
enfants de Salif. Restés ancrés dans la plus pure tradi- fameux explorateurs saabi. Ils ont voyagé jusqu’aux
tion des caravaniers saabi, ils comptent les plus grands extrêmes limites de l’Orient et se sont profondément
marchands, possèdent des caravanes interminables, enfoncés en terre d’Occident. Ils connaissent les mys-
des comptoirs richissimes, des oasis prisées, etc. Cer- tères des mondes voisins et se sentent facilement su-
tains maîtriseraient même une sorte de magie dont les périeurs à leurs semblables.
enchantements favorisent le commerce… Sang : Souffle + 1, Agriculture + 1, Équitation + 1,
Sang : Sagesse ou Charme + 1, Flatter + 1, Négoce Périples + 1
& Salamalecs + 1, Périples + 1 Parole suggérée : l’une des Paroles de Khalil Abd-
Al-Salif aussi appelée Parole des Walad Badiya.

243
chapitre polymnie

La tribu des Tarekides Parole suggérée  : l’une des Paroles de Mimoun


Les plus pauvres, les plus virulents, les intégristes… Abd-Al-Tarek aussi appelée Parole des Filles aimées
Les Tarekides vivent en petits groupes extrêmement d’Agushaya.
violents dans le désert et livrent une guerre perma- Clan Ibn Mammûd Abd-Al-Tarek  : c’est le troi-
nente aux Salifah dont ils estiment qu’ils ont sombré sième clan des Tarekides, dont le fondateur est un
dans la débauche et la décadence. lointain descendant de Mustafah, qui fut lui-même
l’un des trois disciples de Tarek. Mammûd et ses
Clan Ibn Tufiq Abd-Al-Tarek : un clan d’une vio- suivants sont des fous mystiques, qui pratiquent la
lence inouïe dont les membres sont à la fois des guer- méditation et l’ascétisme à l’extrême dans des grottes
riers et des religieux extrémistes, prêchant la parole au plus profond du désert de Feu. La plupart des
du dieu Houbal, du bout de leur lame. Les Chacals, membres de cette tribu sont des pèlerins solitaires, ou
comme ils se font appeler, sont des nomades qui évoluant en petits groupes dans les villes de Jazîrat. À
vivent essentiellement dans l’Aramla El-Nar. Ils sont l’instar de leur chef, leur regard noir est troublant et
en guerre permanente contre les Salifah qu’ils jugent laisse supposer, comme la rumeur le dit, qu’ils ont eu
impurs et décadents. Ils sont si violents et si effrayants une révélation et sont dotés de pouvoirs étranges. Ils
que les Hassanides les consultent avant de prendre les sont également en opposition avec les Ibn Tufiq, dont
décisions importantes. La présence de l’un de leurs ils sont issus à l’origine.
princes dans une ville est synonyme d’inquisition, de Sang : Coordination ou Charme + 1, Périples + 1,
mort et d’épuration… Prière + 1, Verbe sacré + 1
Sang : Puissance + 1, Arme + 1, Entraînement + 1, Parole suggérée : l’une des Paroles de Mammûd
Prière + 1 Abd-Al-Tarek aussi appelée Parole des Prieurs des
Parole suggérée : l’une des Paroles de Tufiq Abd- sables.
Al-Tarek aussi appelée Parole des Marcheurs aux se-
melles de sang. Les tribus shirades
Clan Bint Mimoun Abd-al-Tarek  : composé en Proches physiquement et culturellement de leurs
grande partie de femmes, ce clan fut fondé par Mi- cousins saabi, les Shiradim ne prient en revanche
moun, qui est à l’origine d’un art étrange et magique qu’un seul dieu  : Shirad, le dieu unique et multiple.
nommé la Kitâba Nâder. Ses membres, les Vierges Les tribus shirades furent longtemps persécutées par
de Papier, pratiquent cet art en ayant des rapports les autres peuples. Elles se sont toujours battues pour
sexuels avec leurs victimes afin de les manipuler par le garder leur dignité et l’exemple le plus flagrant en est
biais d’essences magiques issues de fluides corporels. le Grand Exil de Kh’saaba vers le Capharnaüm mené
Les Vierges de Papier sont des sortes de courtisanes par Mogda, ainsi que la fondation de Sagrada.
artistes qui pratiquent la prostitution afin d’abattre
la civilisation corrompue des cités jazîrati, rejoignant Tribu des Ashkenim : les Ashkenim sont les guer-
en cela leurs frères, les Ibn Tufiq. S’ils sont rares, les riers d’élite du peuple shiradi. Leur art du combat,
Vierges de Papier de sexe masculin existent bel et bien. très voisin de la danse, est gracieusement mortel. Les
Au sein de ce clan, on trouve aussi des proxénètes agis- plus redoutables d’entre eux effectuent une danse de
sant au sein de bandes organisées urbaines s’opposant la mort sur le rythme des textes sacrés du dieu unique
aux Salifah, etc. afin de bénéficier de l’inspiration divine.
Sang : Charme + 1, Assassinat + 1 ou Verbe sacré Sang : Coordination ou Charme + 1, Arme + 1, Ne
+ 1, Discrétion + 1, Flatter + 1 pas perdre la face + 1, Élégance + 1
Parole suggérée : la Parole ashkene dite des Lions
rouges de Shirad.

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Création de personnages

Tribu des Pharatim : prêtres, érudits, professeurs, nière d’un marais depuis le cataclysme de 5666 et dé-
les Pharatim sont tout cela et bien plus. Ils sont la mé- sormais tombée aux mains des mendiants.
moire vivante de l’histoire du peuple shiradi, les gar- Sang : Coordination + 1, Arme + 1, Équitation + 1,
diens des paroles sacrées du dieu unique, les créateurs Élégance + 1
du seul alphabet de Jazîrat à même de retranscrire les Parole suggérée  : l’une des Écoles militaires de
commandements de Shirad. Thérème dite de l’Ordre des Myrmidons.
Sang : Sagesse + 1, Enseignement + 1, Peuples &
Histoire + 1, Science + 1 Cité-État de Fragrance : ville des épices et des par-
Parole suggérée : la Parole pharate dite de la Voix fums, elle est située dans le Capharnaüm et constitue
céleste de Shirad. le plus vieux bastion agalanthéen encore en activité
sur la terre jazîrati. Laissée partiellement en ruines
Tribu des Salonim : médecins à la réputation flat- par la Quête Sainte, celle qu’on appelle la porte de
teuse, les Salonim respectent le Serment de Salone, un l’Orient est pourtant toujours la ville des plaisirs. On
sacerdoce impliquant de soigner les enfants de Shi- y forme les meilleurs auriges du monde.
rad et de les prévenir de tout mal. Si les médecins ap- Sang : Coordination ou Charme + 1, Agriculture
pliquent la première partie du serment (« soigner »), + 1, Équitation + 1, Élégance + 1
la seconde (« prévenir ») est parfois mise en œuvre Parole suggérée  : l’une des Écoles militaires de
par certains Salonim, qui utilisent ainsi leur savoir et Fragrance, appelée École des Auriges fragrantins.
leurs connaissances du corps humain pour créer des
poisons et donner la mort. Cité-État d’Étrusie  : ville insulaire, au confluent
Sang : Sagesse + 1, Assassinat + 1, Science + 2 de l’Occident, de l’Orient, de Jazîrat et d’Al Fariq’n,
Parole suggérée  : la Parole salone dite du Cœur Étrusie est une ville colorée que l’on dit bénie des
sacré de Shirad. dieux. On prétend aussi que certains d’entre eux y
sont nés. Elle est réputée pour ses écoles de magie,
mais aussi pour son excellent vin.
Les cités d’Agalanthe Sang : Souffle ou Charme + 1, Agriculture + 1, Te-
Jadis les Agalanthéens dominèrent les terres et les nir le coup + 1, Élégance + 1
mers grâce à une science aujourd’hui oubliée, que Parole suggérée : l’une des Écoles de magie mysti-
les dragons eux-mêmes leur avaient offerte. Jazîrat co-philosophique agalanthéennes, appelée École des
comme les autres régions du monde connu était sous Bacchorantes.
leur domination. Mais un jour, il y a six siècles, alors
que l’Empire était déjà engagé sur la pente d’un long
déclin, sa capitale Thérème la flamboyante s’écroula.
Les nations escartes
La colère des dieux était à l’œuvre et les Agalanthéens L’écartèlement du héros Jason par les Agalanthéens
perdirent de leur superbe. L’Empire se morcela, il n’en il y a quelques siècles et la survie miraculeuse de celui-
reste aujourd’hui que des cités-États indépendantes ci ont inspiré certains hommes de l’époque, au point
renouant pas après pas avec l’expérience de la démo- de donner naissance à une nouvelle religion. Au point
cratie. de bouleverser les peuples et de faire émerger un
nouveau modèle de civilisation. Adorateurs de Jason
Cité-État de Thérème : ancienne capitale, la ville l’Escarte, le dieu écartelé fils de Æther et Mira, les Oc-
de Thérème forme, dit-on, les meilleurs soldats d’élite cidentaux sont organisés en trois royaumes féodaux
de l’ancien empire. Elle est connue pour ses théâtres, qui, il y a peu, attaquèrent le Capharnaüm, en quête
ses monuments à la gloire des dieux, son sénat et ses de la dépouille du fils d’Æther : Jason l’insoumis. Au-
jeux du cirque, mais aussi pour sa vieille ville, prison- jourd’hui, si la paix est revenue et que la Quête Sainte

245
chapitre polymnie

est terminée, nombre d’Escartes demeurent à Jazîrat. lanthéennes et condamné au nord à survivre face au
Sagrada est actuellement entre leurs mains. froid et aux attaques des barbares du Krek’kaos, est
un monde morcelé composé de tribus brutales et san-
Aragón : peuple situé le plus au sud des terres oc- guinaires. Solides guerriers habitués à des conditions
cidentales, les Arakognans sont familiers des terres climatiques extrêmes, les Dorkades forment l’un des
sèches, des montagnes rocailleuses et des grandes ca- peuples les plus effrayants au monde.
valcades. Aussi pieux que fiers et courageux, ces dres- Sang : Puissance ou Souffle + 1, Arme + 1, Épreuve
seurs de chevaux et grands cavaliers apprécient autant + 1, Périples + 1
les chevauchées guerrières que les bruyantes réunions Parole suggérée  : Académie dorkade de Sainte
de famille avinées se prolongeant autour d’un feu de Gerta qui pourfendit le dragon.
camp, devant lequel femmes et jeunes sœurs se livrent
aux pas endiablés de la gitanilla. Occidentine  : les terres centrales de l’Occident
Sang  : Coordination ou Charme +  1, Agriculture sont aussi les plus évoluées et les plus civilisées. Cé-
+ 1, Équitation + 1, Élégance + 1 lèbres pour leur raffinement et leurs vins, les Occiden-
Parole suggérée : l’Académie arakognanne de San tins sont aussi les instigateurs de l’attaque sur Sagrada,
Llorente de Valladón. à l’initiative du roi Siméon IV, soutenu par l’Escarte
Magister.
Dorkadie  : Empire unifié depuis seulement deux Sang : Puissance ou Sagesse + 1, Agriculture + 1,
siècles, la Dorkadie est constituée de très nombreux Ne pas perdre la face + 1, Élégance + 1
duchés. Si le centre de cet empire est civilisé, son Parole suggérée  : Académie occidentine de
pourtour, longtemps exposé à l’est aux attaques aga- l’Ordre du Temple de Sagrada.

Premières Paroles
Les techniques énumérées ci-dessous ne sont que les premières de chaque Parole, Académie ou École.
Elles sont donc ce qu’un personnage (Héritier ou non) sait faire au début de sa carrière. Par la suite, tout
disciple pourra apprendre les techniques correspondant aux niveaux suivants (six au total par Parole/Aca-
démie/École).
Note : Toutes les techniques de niveau 1 sont activées en cours de jeu par l’obtention d’au moins trois dés iden-
tiques lors d’un jet, c’est ce que l’on appelle une Constellation. S’il n’obtient pas le triple nécessaire au déclenchement
de la technique, un personnage peut dépenser des points de l’une de ses Vertus héroïques pour combler le manque.
Si par exemple il n’a obtenu qu’un double, il lui faudra dépenser 1 point pour symboliser le dé manquant. Enfin,
s’il n’a obtenu que des dés différents, il lui faudra dépenser 2 points. Chaque technique précise quelle Vertu héroïque
peut être utilisée. Chaque niveau de Vertu Héroïque comporte cinq points. Lorsque les cinq points d’un niveau sont
dépensés, la Vertu baisse d’un niveau.

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Création de personnages

Premières Paroles saabi fins sociales (aider, soigner, réconcilier, etc.) et qu’il
obtient une Constellation sur son jet de dés, le TA est
Réservées à l’élite de la civilisation saabi, ces écoles augmenté d’un nombre de points égal à son score de
n’ont quasiment jamais accueilli des personnes n’ap- Charme.
partenant pas aux trois tribus sacrées. Vertu héroïque de substitut : Fidélité
Style : charismatiques et posés, ceux qui suivent la
Parole de Malik Abd-Al-Hassan : Parole de l’Alchimie des hommes sont des humanistes
le Sentier des cimeterres de feu convaincus et souvent même des altruistes. La bonté
Statut social  : Mudjahid et membre de la famille s’exprime souvent dans leur regard et chacun de leurs
royale (le degré de proximité est à définir par le joueur gestes est empli de douceur bienveillante. Symboles
en accord avec Al-Rawi : un proche du roi aura beau- de sagesse, ils portent généralement une barbe four-
coup de responsabilités et de pouvoir, mais peu de nie élégamment tressée, dont la pointe est teinte au
liberté pour partir à l’aventure) henné.
Caractéristique : Coordination + 1
Compétences : Arme + 1, Épreuve + 1, Verbe sacré Parole de Rachid Abd-Al-Has-
+ 1 san : le Soupçon des traîtres
Technique : le guerrier Ibn Malik est un danseur Statut social : Mudjahid et garde du corps
de guerre, une furie de combat capable de se faufiler Caractéristique : Sagesse + 1
au cœur d’une mêlée, vif comme une flamme et de la Compétences : Assassinat + 1, Discrétion +1, Élé-
traverser en blessant sans être blessé. Techniquement, gance + 1
si un combat implique plus de deux personnes et que Technique : le Mudjahid qui suit la Parole de Ra-
le guerrier Ibn Malik obtient une Constellation sur chid sait déceler les traîtres et les assassins là où ils
un jet d’Attaque, il applique la règle de mise hors de sont. Lorsqu’il a un doute sur une personne, il peut
combat des Traîne-babouches et ajoute son score de demander à effectuer un jet d’Assassinat basé sur la
Bravoure au nombre d’adversaires mis hors d’état de Sagesse et dont le SD est égal à trois fois le score d’As-
nuire. sassinat de la personne en question, plus 6.
Note : s’applique contre les Vaillants Capitaines et les Une réussite, permet de confirmer que la personne
Traîne-babouches, mais pas contre les Champions ! à de mauvaises intentions. Si en revanche une Constel-
Vertu héroïque de substitut : Bravoure lation est obtenue lors de ce jet, le Mudjahid dispose
Style  : Aussi félins que puissants, les Mudjahidin d’un avantage considérable pour plus tard : s’il devait
Ibn Malik allient force et finesse à tout moment et se battre un jour contre cette personne, il aurait le
dans tous leurs gestes. Même blessés, ils sont élégants droit d’ajouter son score de Fidélité aux TA de tous
et tiennent autant du lion que du singe. ses jets défensifs (ainsi qu’à sa Défense passive).
Note  : il s’agit de soupçons à l’encontre d’un traître
Parole de Mussah Abd-Al-Has- éventuel  : aucun Mudjahid ne peut effectuer ce jet en
san : l’Alchimie des hommes sachant pertinemment qu’il a en face de lui un ennemi
Statut Social : Al-Kimyat et homme de science confirmé. De plus, cette Parole demande une forte concen-
Caractéristique : Sagesse + 1 tration, elle ne peut être tentée qu’une seule et unique fois
Compétences : Inspiration + 1, Science + 1, Verbe contre un même personnage lors d’une séance de jeu.
sacré + 1 Vertu héroïque de substitut : Fidélité
Technique : l’Al-Kimyat qui suit cette Parole est un Style  : les meilleurs gardes du corps, comme les
magicien des cours, des universités, des jardins et des meilleurs assassins, sont ceux que l’on ne peut soup-
palais. Techniquement, lorsqu’il use de magie à des çonner. Les Mudjahidin du Soupçon des traîtres
n’ont pas de style particulier, pas de signes distinctifs,

247
chapitre polymnie

ce sont des courtisans, des aventuriers, des soldats, Vertu héroïque de substitut : Fidélité
comme les autres... Style : ils n’ont pas de style particulier, si ce n’est
une préférence pour les vêtements sombres et le port
Parole de Yucef Abd-Al-Salif : d’un voile dissimulant les cheveux et les joues, mais
les Dunes de safran pas le visage.
Statut social : Al-Kimyat et maître négociant
Caractéristique : Sagesse + 1 Parole de Khalil Abd-Al-Salif :
Compétences  : Flatter +  1, Négoce & Salamalecs les Walad Badiya
+ 1, Verbe sacré + 1 Statut social : Mudjahid et aventurier
Technique : lorsqu’il réussit un jet de Confronta- Caractéristique : Coordination + 1
tion en Négoce & Salamalecs pour vendre quelque Compétences : Arme + 1, Équitation + 1, Contes + 1
chose (nourriture, bijoux, palais...) et qu’il obtient Technique  : en combat, le Mudjahid et son
une Constellation, l’alchimiste parvient à augmenter le abzoul ne forment qu’un seul être, le Walad Badiya.
coût de 50 %. Lorsqu’il effectue un jet de Négoce & Lorsqu’ils obtiennent une Constellation (que ce soit
Salamalecs pour acheter quelque chose et qu’il obtient sur une Attaque ou une Défense), les guerriers Walad
une Constellation, l’alchimiste parvient à diminuer le Badiya peuvent :
coût de 50 %. – ajouter la Puissance de leur abzoul aux dégâts s’ils
Vertu héroïque de substitut : Foi effectuaient une Attaque ;
Style : généralement riches, du moins en apparence, – retirer la Coordination de l’abzoul des dégâts su-
les Al-Kimyati suivant la Parole des Dunes de safran ai- bis, s’ils effectuaient une Défense active.
ment à se parer richement et à arborer de multiples bi- Vertu héroïque de substitut : Bravoure
joux, tous plus gros les uns que les autres. Tous portent Style : les guerriers Walad Badiya vivent, dorment
une chevalière d’or représentant une dune, que tout un et mangent à dos d’abzoulim. Ils arborent de surcroît
chacun peut identifier comme signe d’appartenance des tatouages symboliques sur le visage, les épaules et
aux Dunes de safran... Libre à eux d’acheter ou non. les bras, qui renforcent, pensent-ils, le lien entretenu
avec la moitié saurienne du Walad Badiya. La lance,
Parole de Aziz Abd-Al-Salif : les qui se prête bien à un combat monté, est l’arme préfé-
Enfants du souk rée de ces guerriers.
Statut social  : sans statut honorifique particulier Spécial  : les joueurs décidant que leur Héritier
(mercenaire ou voleur) suit la Parole de Khalil Abd-Al-Salif doivent, en plus
Caractéristique : Charme + 1 de l’Héritier, créer l’abzoul qui lui sert de monture
Compétences  : Détrousser +  1, Discrétion +  1, et d’alter ego. Les règles concernant la création des
S’introduire + 1 abzoulim sont présentées ci-dessous dans un encadré
Technique : à chaque fois qu’il tente d’organiser un dédié.
cambriolage, une embuscade ou toute autre opération Parole de Tufiq Abd-Al-Tarek :
risquée et secrète, mais pas forcément illégale (libérer les Marcheurs aux semelles de
un otage, délester un prince voleur de ses biens, etc.) en sang
effectuant un jet de Détrousser SD 9 et qu’il obtient une Statut social : Mudjahid et bédouin
Constellation, le personnage trouve, en moins d’une de- Caractéristique : Puissance + 1
mi-journée, un nombre d’hommes de main égal à (son Compétences  : Arme +  1, Impressionner +  1,
niveau de Charme x son niveau actuel de Fidélité). Prière + 1
Ces hommes de main seront sûrs et travailleront Technique  : lors d’un combat, le Mudjahid peut
pour la cause, ne demandant qu’à se payer un peu « sur utiliser sa Compétence Prière à la place de la Com-
la bête » (au choix d’Al-Rawi). pétence Arme pour toutes ses actions offensives et

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Création de personnages

défensives. De surcroît, si l’un des jets effectués offre Vertu héroïque de substitut : Foi
une Constellation, le Mudjahid peut ajouter son score Style  : les Filles (ou Fils) aimées d’Agushaya
de Foi aux Dégâts en Attaque ou au TA de la Défense vouent leur vie entière au plaisir, qu’il soit intellec-
active. tuel ou physique. Elles fréquentent donc aussi bien les
Note : le principal désavantage de cette Parole est que, lieux de culture que les cours ou les thermes. Le seul
quel que soit son niveau de Prière, le personnage ne peut en moyen de les distinguer d’un individu normal, hormis
aucun cas s’y spécialiser dans le maniement d’une arme (cf. leur beauté, est un petit point tatoué à la base du rachis
p. 40, Spécialisation et Expertise dans le Livre d’Al-Rawi), lombaire, juste à la naissance des fesses.
contrairement à la Compétence Arme.
Vertu héroïque de substitut : Foi Parole de Mammûd Abd-Al-Ta-
Style : ils ont pour coutume de trancher les testi- rek : les Prieurs des sables
cules de leurs victimes et de les leur fourrer dans la Statut social : Mudjahid intégriste et vagabond à la
bouche après leur mort. limite de l’hérésie
Caractéristique : Sagesse + 1
Parole de Mimoun Abd-Al-Ta- Compétences : Épreuve + 1, Périples + 1, Prière + 1
rek : les Filles aimées d’Agushaya Technique : lorsqu’il assassine quelqu’un de façon
Statut social : Al-Kimyat et Vierge de Papier violente (poignarder, égorger, etc., mais pas empoi-
Caractéristique : Charme + 1 sonner) le personnage peut utiliser sa Compétence
Compétences : Détrousser + 1, Flatter + 1, Comé- Prière plutôt qu’Assassinat pour accomplir cette ac-
die + 1 ou Poésie + 1 ou Musique + 1 tion. Si le jet de dés effectué (le plus souvent sur un jet
Technique  : artistes, courtisanes, amantes et de Confrontation ou une action de combat) offre une
tueuses redoutables, les Filles aimées d’Agushaya sont Constellation, le joueur peut ajouter le double de son
de grandes adoratrices de la déesse guerrière amou- score de Foi aux dégâts obtenus.
reuse et c’est de là que vient tout leur talent. Techni- Note : le principal désavantage de cette Parole est que,
quement, lorsqu’elles se livrent à l’acte sexuel, elles quel que soit son niveau de Prière, le personnage ne peut
ont le droit d’effectuer un jet de Flatter (avec Charme en aucun cas s’y spécialiser dans un type d’assassinat (cf.
et contre un SD égal à trois fois la Sagesse de leur par- p.40, Spécialisation et Expertise dans le Livre d’Al-Rawi),
tenaire). Si ce jet offre une Constellation, elles gagnent contrairement à la Compétence Assassinat.
1 point d’Héroïsme qui devra être dépensé avant la fin Vertu héroïque de substitut : Foi
de la partie (dans la limite d’un maximum de 6). Style  : les Ibn Mammûd affectent un style ascé-
tique, dépouillé et dénué de tout signe de richesse.

249
chapitre polymnie

Les abzoulim
Originaires d’Al Fariq’n, les abzoulim ressemblent à des lézards gros comme deux bœufs. Certains disent
que ce sont des dragons dégénérés, et ils rappellent effectivement les dragons des grandes fresques murales que
l’on trouve, ici ou là, dans le monde entier. Leur couleur peut varier du blanc au noir en passant par des teintes
vertes, bleues, mauves. La légende raconte qu’il existait autrefois des abzoulim aux écailles rouge sang et à la
férocité légendaire, mais ceux-ci semblent s’être éteints avec l’antique disparition des abzoulim, quelques siècles
avant l’avènement des Prophètes. L’espèce ne réapparut ensuite qu’avec la visite de Khalil Abd-Al-Salif dans la
tribu des Ungaras (cf. Chapitre Euterpe p.170). La tribu s’était vue confier deux pierres quasi sphériques par un
de ses chamans. Ces pierres s’avérèrent être des œufs d’abzoulim. Khalil découvrit que ces sauriens se liaient à
l’esprit d’un homme, ne faisant plus qu’un avec lui, une communauté d’esprit appelée Walad Badiya.
Les abzoulim n’existent pas à l’état sauvage, ils ne survivent pas à la naissance s’ils ne se lient pas à un homme, et la
mort du cavalier auquel l’animal est lié entraîne irréversiblement sa mort également — l’inverse, la mort de l’abzoul
avant le cavalier, provoque aussi très régulièrement la mort de l’humain par suicide, chagrin ou folie. Cependant,
quelques rares cavaliers parviennent parfois à survivre à cette rupture terrible et extrêmement violente.
La méthode de reproduction des abzoulim reste obscure. Ils semblent hermaphrodites et pondent 3 à 4 œufs
tous les 10 ans. Maintenus dans l’eau, ces œufs peuvent être conservés plusieurs centaines d’années sans éclore.
Seule une personne poussée par la fièvre du Walad Badiya sera autorisée à sortir un œuf de l’eau, à l’enterrer
dans le sable brûlant afin de faire éclore l’abzoul. Si cette fièvre était simulée, l’œuf ne donnerait naissance qu’à
un abzoul mort-né, ce qui pousse le clan Ibn Khalil Abd-Al-Salif à protéger précieusement les œufs.
Omnivores, les abzoulim sont de plus capables de survivre plusieurs semaines sans boire ni manger, ce qui
n’est pas le cas des Mudjahidin auxquels ils sont liés.

Gérer l’abzoul en jeu


L’abzoul est un PNJ ayant son caractère propre qui doit être géré par le joueur interprétant son cavalier.
Cependant, Al-Rawi est invité à profiter de la présence d’un abzoul à sa table pour sublimer ses mises en
scène, car un tel animal influence forcément une aventure.Le lien empathique entre l’homme et l’abzoul
passe essentiellement par des émotions, des sensations, non pas par des pensées. Ainsi un abzoul détectant
un danger transmettra un sentiment d’urgence et de risque à son cavalier sans pouvoir lui dire cependant
quelle est la source exacte du péril.
Al-Rawi est également invité à donner des Dés Bonus au cavalier en présence de l’abzoul lorsque la situa-
tion le permet et que le joueur exprime bien le fait qu’il réalise cette action de concert avec son abzoul.
Des informations supplémentaires sur les abzoulim sont données dans le supplément Fables & Chimères, p.48.

Un abzoul typique
Compétences communes : Caractéristiques
Épreuve 4, Tenir le coup 4, Arme (Gueule) 4 Coordination 4 Initiative 5
Résistance à la magie 12 Puissance 8 Trempe 12
Armure (déjà comptée dans la Trempe) : Sagesse 2 PV 70
Peau épaisse (+2)
Charme 1 Défense passive 14
Souffle 7 Légende 3***

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Création de personnages

Arme Attaque & Défense active Dégâts


Morsure* 8/4 +18 sur une base de (Puissance x 2) + 2
Percussion** n.a 13 sur une base de (Puissance +5)

(*) En combat, l’abzoul peut utiliser sa gueule pourvue d’une redoutable dentition. S’il est monté par
toute autre personne que son Walad Badiya, ce cavalier éventuel doit effectuer un jet d’Équitation SD 15
pour se maintenir en selle au moment où l’abzoul tente de mordre un adversaire.
(**) La plupart des cibles de taille humaine subissent des attaques de percussion lorsque l’abzoul combat à
proximité. Ainsi, toute personne située à moins de (Coordination de l’abzoul/2) mètres du saurien lors d’une
Passe d’Armes doit réussir un jet de Puissance + Épreuve SD 9 ou encaisser 13 points de Dégâts.
(***) Une fois par séance de jeu, l’abzoul peut offrir un point de Légende au Mudjahid auquel il est lié. Ce
point de Légende est converti en point d’Héroïsme (note : le score de points de Légende correspond globa-
lement au score d’Héroïsme pour les animaux et créatures de CAPHARNAÜM. Plus de détails sont donnés
à leur propos dans le Livre d’Al-Rawi).

Créer son abzoul


À la création de personnages, le joueur ayant choisi un personnage Walad Badiya doit créer l’abzoul avec
lequel il est lié.
La majorité de ces créatures correspondent à l’abzoul typique présenté ci-dessous, mais le joueur peut y
apporter quelques modifications :
• déplacer trois points de Caractéristique (sans dépasser un niveau de 3 en Sagesse et de 1 en Charme, et
sans descendre en dessous de 6 en Puissance) ;
• lancer 1D6 pour déterminer les points de Légende au lieu des trois proposés ;
• répartir différemment les 12 points de Compétence.

Exemple : Nadège est en train de terminer la création de son personnage, Farda Ibn Khalil Abd-Al-Salif. Celui-ci
n’étant pas une brute épaisse, mais plutôt « tout en finesse » et tourné vers l’investigation mystérieuse que vers le
combat, elle décide de revoir les valeurs de ses Caractéristiques. Ainsi, elle décide de déplacer un point de Souffle vers
Sagesse, qui sont désormais respectivement de 6 et 3. Elle déplace aussi un dernier point de Puissance vers Coordina-
tion, qui sont désormais respectivement de 7 et de 5. Elle lance un dé pour déterminer ses points de Légende et obtient
5. Enfin, elle répartit les 12 points de Compétences de la sorte : Épreuve 5, Tenir le coup 5, Armes (Gueule) 2.
Au final, voici Haji, l’abzoul de Farda :

Compétences communes :
Épreuve 5, Tenir le coup 5, Arme (Gueule) 2
Caractéristiques
Armure (déjà comptée dans la Trempe) :
Coordination 5 Initiative 5
Peau épaisse (+2)
Puissance 7 Trempe 13
Arme Attaque & Défense active Dégâts
Sagesse 3 PV 60
Morsure* 7/5 +16 Charme 1 Défense passive 16
Percussion** n.a 12 Souffle 6 Légende 5

251
chapitre polymnie

Premières Paroles shirades à un problème, il peut tenter un jet de Peuples & His-
toire ou de Science pour se préparer à l’affronter. S’il
Dans la société shirade, les Paroles sont tout aussi obtient une Constellation sur le jet de Peuples & His-
sacrées que chez les Saabi. Il ne s’agit cependant pas ici toire ou de Science, il ajoute son score de Foi au TA
de voies édictées par des humains, mais bien d’inter- des jets visant à résoudre ce problème. Il peut s’agir
prétations des commandements de Shirad, appliquées de jets de stratégie militaire (Commander), de diplo-
à la guerre, le savoir ou la magie. matie (toutes les Compétences du Prince), de survie
Considérées comme des sectes officielles dont les (Périples, Tenir le coup), de soins (Science), etc. Plus
représentants les plus éminents ont un rôle politique à rarement, il s’agira de jets liés au combat ou à la sor-
jouer au sein de la société, les Paroles shirades sont des cellerie, mais Al-Rawi doit veiller à ce que cette Parole
institutions sacrées, rigoureuses et difficiles à intégrer. du savoir ne soit pas systématiquement utilisée de
cette façon : il s’agit bien de tirer une leçon de sagesse
Parole ashkene : les Lions rouges permettant de résoudre un problème global et non de
de Shirad petites astuces pour sa réussite individuelle.
Statut social : macchabah, guerrier sacré de Shirad Si le problème n’est pas résolu le jour même, le sa-
et soldat d’élite vant doit effectuer un nouveau jet de Peuples & His-
Caractéristique : Coordination + 1 toire ou de Science s’il veut à nouveau bénéficier d’un
Compétences : Arme + 1, Entraînement + 1, Prière + 1 bonus.
Technique  : par une rapide prière exécutée à la Vertu héroïque de substitut : Foi
déclaration d’un combat (ne coûte aucune Phase), le Style : les savants de la Voix céleste de Shirad ont
macchabah entre dans une transe mystique qui rend tous au creux de la main gauche un tatouage jaune
ses actions de combat (même magiques) bien plus représentant le soleil du savoir (cette représentation
efficaces. Si ce jet de Prière (contre un SD de 9) offre n’est pas religieuse, mais symbolique et elle ne figure
une Constellation, le macchabah peut ajouter son score donc pas Shirad dont aucune icône n’est autorisée par
de Foi aux TA de ses jets d’Attaques, de Défenses, de le dogme shiradi).
déplacements, de sorts, etc.
Vertu héroïque de substitut : Foi Parole Salone : le Cœur sacré de
Style : hauts en couleur, les Lions rouges de Shirad Shirad
tranchent avec la discrétion habituelle des Shiradim. Statut social : kahan et médecin populaire
Ils affectionnent les vêtements pourpres et les bijoux Caractéristique : Sagesse + 1
en or, particulièrement les boucles d’oreilles et les Compétences : Science + 3 ou Science + 2 et Dis-
perles aux arcades sourcilières. crétion + 1 (cf. Spécial, ci-dessous)
Technique  : lorsqu’il effectue un jet de Science
Parole pharate : la Voix céleste dans le but d’opérer un blessé, de diagnostiquer une
de Shirad maladie ou de soigner quelqu’un, s’il obtient une
Statut social  : kahan et savant aussi reconnu que Constellation, le personnage ajoute son score de Fidé-
populaire lité au TA.
Caractéristique : Charme + 1 Vertu héroïque de substitut : Fidélité
Compétences  : Enseigner +  1, Verbe sacré +  1, Style : les médecins du Cœur sacré de Shirad ont
Science + 1 ou Peuples & Histoire + 1 tous sur la poitrine, à l’emplacement du cœur, un
Technique  : du fait du savoir accumulé au cours tatouage rouge représentant le soleil du savoir (cette
des siècles, le savant est capable de tirer un fait ou une représentation n’est pas religieuse, mais symbolique et
anecdote de toute cette connaissance pour le guider elle ne figure donc pas Shirad dont aucune icône n’est
dans ses choix et dans ses actes. Lorsqu’il est confronté autorisée par le dogme shiradi).

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Création de personnages

Spécial : si le joueur décide que son Héritier des hommes pour défendre les portes des Enfers. Certains
dragons dispose de + 2 en Science et + 1 en Discrétion gagnèrent le monde des hommes et fondèrent cet ordre.
plutôt que + 3 en Science, il fait le choix d’utiliser son C’est la raison pour laquelle les Myrmidons portent des
savoir médical et sa connaissance aiguisée du corps armures noires évoquant la carapace de chitine de l’in-
humain pour porter la mort. Dans ce cas-là, votre Al- secte. Nul doute que leur allure contribue largement à
Rawi pourra vous guider plus précisément sur le sujet, leur terrifiante réputation de démons insectoïdes enfuis
en consultant les détails p.267 du Livre d’Al-Rawi. des enfers... Dès sa création, le personnage est doté de
l’armure traditionnelle des Myrmidons.

Premières Paroles Cité-État de Fragrance : les Au-


agalanthéennes riges fragrantins
Statut social : célébrité à échelle de son talent, le
Les cités-États d’Agalanthe, si elles n’ont plus leur
conducteur de char est un héros du peuple et un objet
splendeur et leur grandeur d’antan, conservent dans
de fascination pour les riches.
bien des domaines une réputation d’excellence. C’est
Caractéristique : Coordination +1
en partie dû à leurs Écoles, dont l’enseignement re-
Compétences : Équitation + 2, Flatter + 1
pose bien souvent sur des savoirs millénaires. Contrai-
Technique  : lorsqu’il effectue une Charge (cf.
rement aux Paroles jazîrati, les Écoles agalanthéennes
Annexes, Le Combat p.289) en pilotant son char, s’il
sont accessibles à tous, pour peu que la famille ait les
obtient une Constellation, l’aurige ne consomme que
moyens de payer un tel enseignement à ses enfants. Il
deux Phases au lieu de trois.
n’est pas rare non plus de voir certaines Écoles recru-
Vertu héroïque de substitut : Bravoure
ter parmi la plèbe en organisant des tournois ou des
Style : l’École n’a pas de signe distinctif particulier,
concours en tout genre et l’on voit alors des jeunes
mais il est fréquent en revanche qu’un aurige affiche
gens se bousculer depuis les quatre coins du monde
les couleurs de son écurie, celles d’un mécène ou
connu pour gagner leur place dans l’une de ces presti-
celles de son maître si toutefois il est esclave.
gieuses institutions.
Cité-État d’Étrusie : les Baccho-
Cité-État de Thérème : l’Ordre rantes étrusiens
des Myrmidons théréméens
Statut social : sorcier populaire, ermite et ivrogne
Statut social : légionnaire d’élite
Caractéristique : Souffle + 1
Caractéristique : Coordination + 1
Compétences : Agriculture + 1, Flatter + 1, Sacri-
Compétences  : Entraînement +  2, Commander
fice + 1
+ 1
Technique : le stupre, l’alcool et les arts décadents
Technique  : membres d’une unité d’élite dont la
sont au centre des préoccupations du Bacchorante.
fondation remonte à la grandeur passée d’Agalanthe,
En effet, plus qu’une simple extase, il en tire une éner-
les Myrmidons sont des guerriers d’une efficacité ter-
gie qui lui facilite la pratique de la magie. Lorsqu’il se
rifiante. Lorsqu’ils obtiennent une Constellation lors
livre à une orgie, il peut tenter un jet de Flatter (avec
d’un jet d’Entraînement visant à gagner des Dés Bo-
Charme, pour un rapport sexuel) ou de Tenir le coup
nus pour une Passe d’Armes, ils gagnent un nombre
(avec Souffle, pour supporter l’ivresse). S’il obtient
de Dés Bonus supplémentaires égal à la moitié de leur
une Constellation à l’un de ces jets, le Bacchorante
score d’Héroïsme, arrondi à l’inférieur.
gagne un bonus égal à son score de Foi à ajouter aux
Vertu héroïque de substitut : Fidélité
TA de tous ses jets de Verbe sacré. La durée de ce bo-
Style : la légende veut que les premiers Myrmidons
nus, en nombre d’heures, est égale à la valeur du dé de
fussent des fourmis soldats que Chtonos transforma en
la Constellation.

253
chapitre polymnie

Vertu héroïque de substitut : Foi attaquer l’adversaire qui vient d’être touché au fouet,
Style : les Bacchorantes sont généralement un peu il ne s’agit pas d’aller où l’on veut). Si l’adversaire n’est
forts et portent certains stigmates de l’alcoolisme pas à portée de fouet (cinq mètres environ), la tech-
(teint couperosé, nez d’ivrogne, etc.). nique est impossible à effectuer.
Vertu héroïque de substitut : Fidélité
Style : les Duellistes portent souvent un masque de
Premières Paroles escartes théâtre représentant un personnage en train de pleu-
Très longtemps les nations escartes n’ont été que rer. À défaut, ils se distinguent par une larme tatouée,
des peuples voisins, adorant des dieux différents et se ou seulement peinte, sous l’œil gauche (le côté du
livrant des guerres ancestrales dont le but réel n’était cœur, symbole de la sincérité).
que de se disputer un peu de territoire. Si certaines de
leurs Académies puisent dans une tradition ancienne
et peuvent dater de plusieurs siècles, la majeure partie
d’entre elles est récente. C’est le cas des trois Acadé-
mies présentées ci-dessous. Correspondant aussi bien
à des ordres militaires qu’à des écoles de prestige, elles
sont réservées aux individus issus de la noblesse ou
recommandés par elle. Ainsi, pour justifier son appar-
tenance à son Académie, un personnage escarte de-
vra être d’extraction noble ou avoir accompli un
haut fait (au choix du joueur) qui lui aura donné
accès à cet enseignement.

Académie arakognanne : les Duel-


listes de San Llorente de Valladón
Statut social : hidalgo ou campeador, selon la vision
du joueur (personnage issu de la noblesse de cape ou
de la noblesse d’épée).
Caractéristique : Coordination + 1
Compétences : Arme + 1, Équitation + 1, Agri-
culture + 1
Technique : lorsqu’il attaque avec un fouet, s’il
obtient au moins une Constellation, celui qui maî-
trise la technique de San Llorente a le droit d’ef-
fectuer une Attaque gratuite avec une seconde arme
(épée, hache, lance, poing, etc.) que celle-ci soit prête
à l’usage (dégainée) ou non (l’acte de dégainer devient
donc gratuit, ne coûte pas d’action de combat et se ré-
sout à la même Phase de la Passe d’Armes que l’attaque
au fouet). Si le combattant utilisant cette technique
n’est pas à portée pour effectuer sa deuxième Attaque
(un fouet est plus long qu’une dague ou qu’une épée),
le déplacement est gratuit et compris dans la même
Phase (attention, ce déplacement ne peut servir qu’à

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Création de personnages

Académie dorkade : Sainte Ger-


ta qui pourfendit le dragon Étape 2 : Vertus
Statut social : chevalier héroïques
Caractéristique : Puissance + 1
Compétences : Arme + 1, Entraînement + 1, Im- Les Vertus héroïques sont notées sur 6 pour les Hé-
pressionner + 1 ritiers des dragons et seulement sur 3 pour les autres
Technique  : le membre de cette Académie peut humains. Elles permettent de se représenter le com-
mobiliser la force de justice de sainte Gerta. Lors portement romanesque et dramatique du personnage.
d’un combat, s’il obtient une Constellation sur une Elles peuvent varier en cours de jeu selon les actions
Attaque, il bénéficie d’un bonus aux Dégâts égal à son d’un personnage. Elles jouent un rôle très important,
niveau dans la Caractéristique Puissance. car en plus de situer le personnage dans la société, elles
Vertu héroïque de substitut : Bravoure influent sur ses techniques de Parole/Académie/École.
Style  : les membres de cette Académie ont cou-
tume de se faire marquer à même la peau, par brûlure,
la croix de l’écartelé. Généralement, le signe apparaît
Vertus héroïques
au moins en petit à leur poignet, mais il est fréquent de Bravoure : mesure le tempérament du personnage
rencontrer des combattants dont le front porte ce stig- face au danger. Un score de Bravoure élevé indique
mate. Enfin, les plus fanatiques, ou les plus passionnés, que le personnage n’hésite pas à prendre des risques
arborent, en plus de celle du front, une seconde brû- en combat et à se mettre en danger pour les autres.
lure en grand, dans leur dos. Fidélité : mesure la dévotion du personnage envers
son clan, ses ancêtres, sa famille, sa cité, etc., ainsi
Académie Occidentine : Ordre qu’envers ses compagnons d’aventures, Héritiers des
du Temple de Sagrada dragons ou non.
Statut social : moine chevalier Foi : mesure la dévotion et la pratique religieuse du
Caractéristique : Coordination + 1 personnage. Prie-t-il ? Sacrifie-t-il à ses dieux ? Donne-
Compétences : Arme + 1, Prière + 1, Verbe sacré t-il de lui pour propager sa foi ?
+ 1 Héroïsme : moyenne des trois valeurs mentionnées
Technique  : aussi à l’aise pour les choses de la ci-dessus (arrondie à l’entier inférieur), l’Héroïsme se
guerre que pour l’usage magique des saintes paroles, recalcule à la fin de chaque aventure et sert à déterminer
le Templier d’Occidentine peut, à l’obtention d’une le nombre de Points d’Aventure gagnés. Il entre aussi en
Constellation lors d’un jet de combat (offensif ou compte dans le calcul des Points de Vie et sert de limi-
défensif), ou lors d’un jet de Verbe sacré, ajouter son tant au nombre de niveaux de Vantardise qu’un person-
score de Foi au calcul de sa QR. nage peut prendre pour accomplir une action.
Vertu héroïque de substitut : Foi Note : en cours de jeu, Bravoure, Fidélité et Foi aug-
Style : à la fois moines et chevaliers, les Templiers mentent et diminuent sans cesse. Ce n’est pas le cas de
arborent la tonsure cruciforme des religieux et l’ar- l’Héroïsme, qui est calculé au début de chaque aventure
mure lourde des combattants. Leur tenue militaire est et qui ne change en cours de jeu que quand les joueurs in-
complétée par un surcot frappé de la croix rouge de terrogent Ourim et Tourim, les pierres des Prophètes (cf.
l’ordre. Règles avancées).
Chaque joueur attribue 10 points de Vertu à son
Héritier à répartir entre Bravoure, Fidélité et Foi. Le
minimum de chaque Vertu est 1 à la création de per-
sonnage (elles peuvent passer à 0 en cours de jeu) et
le maximum 6. Il doit enfin faire la moyenne, arrondie

255
chapitre polymnie

à l’entier inférieur, de ses trois Vertus héroïques pour Exemple  : François a décidé de créer un petit mar-
déterminer son score d’Héroïsme de départ. chand légèrement timide, plus attaché à son argent qu’à
Note : si dans l’Étape 1 : Le Sang et la Parole, un joueur son honneur ou même à ses dieux. Pour cela, il préfère
a choisi que son personnage a un Sang et une Parole qui créer un personnage endurant, qui saura survivre aux
ne sont pas liés, reportez-vous à l’encart intitulé Rebelles, attaques assez longtemps pour prendre la fuite, mais pas
dissidents, métisses, cousins et autres traîtres... plus doué que cela pour le combat. Il décide de favoriser le
Souffle (pour avoir plus de Points de Vie !) et la Sagesse,
Résumé de l’Étape 2 : la Caractéristique, selon lui, de ceux qui ont plus d’esprit
Répartir 10 points entre Bravoure, Fidélité et que de muscle et qui vivent plus longtemps. Or, à l’étape
Foi. Minimum 1, maximum 6. La moyenne de la 1, François a noté que son Sang (Ibn Yucef Abd-Al-Salif)
Bravoure, de la Foi et de la Fidélité, arrondie à l’en- et sa Parole (celle des Dunes de safran) lui offraient tous
tier inférieur, donne le score d’Héroïsme du per- deux un bonus d’un point en Sagesse, qui commence donc
sonnage (soit 3 à la création du personnage sauf en à une valeur de 3. Ainsi, dès le début de la création de
cas de modification à l’Étape 5). personnages, le personnage de François a les Caractéris-
tiques suivantes : Coordination 2, Puissance 1, Sagesse 4,

Étape 3 : Charme 2 et Souffle 4. Notons que son Sang offre le choix


entre un bonus en Sagesse ou en Charme, François aurait
Caractéristiques donc très bien pu ne pas choisir le bonus de un point en
Sagesse (sa Parole lui en offrant déjà un) et de choisir le
Au nombre de cinq, les Caractéristiques repré- bonus de Charme.
sentent les facultés initiales du personnage, ce qu’il n’a Il se moque que les autres puissent le prendre pour un
pas eu à apprendre. Pour bien comprendre la différence lâche, car il sait bien que sa Sagesse lui permettra de rester
entre une Caractéristique et une Compétence, pensez caché en attendant la fin de l’orage et que son Souffle lui
à la différence entre « être » et « savoir ». permettra de prendre quelques coups sans trop en souffrir.
Si je peux dire : « Mon personnage est intelligent ! », Marina, qui préfère orienter son personnage vers le
c’est qu’il a une Caractéristique de Sagesse dévelop- combat épique et le style coloré des guerriers au sang
pée. Il peut en revanche ne jamais avoir mis les pieds chaud, crée Doña Gabriela, fière duelliste arakognanne.
dans une université. En répartissant ses points spontanément, elle donne à son
Si je peux dire  : «  Mon personnage sait de nom- alter ego les bases suivantes : Coordination 3, Puissance 2,
breuses choses !  », c’est qu’il a une Compétence de Sagesse 1, Charme 3 et Souffle 2. Pour affiner Doña Ga-
Science ou de Peuples & Histoire développée. Peut-être briela, Marina décide que bien que bonne combattante,
est-il bête comme ses pieds, mais au moins, il a étudié ! elle est du genre à vite s’épuiser et qu’en plus elle est un
Cela fonctionne aussi avec le physique : « Mon per- peu étourdie. Compte tenu des points déjà attribués par
sonnage est fort !  » (Caractéristique) et «  Mon per- l’Étape 1, (Sang arakognan + 1 en Charme, Académie de
sonnage sait se battre ! » (Compétence d’Arme). San Llorente + 1 en Coordination) elle se retrouve finale-
Bien entendu, on peut coupler les deux, être fort et ment avec un score de 4 en Coordination et en Charme.
savoir se battre, être intelligent et cultivé…
Chaque personnage commence avec une base de 1 Résumé de l’Étape 3 :
dans ses cinq Caractéristiques et avec 6 points à répar- Attribuer 1 point à chaque Caractéristique. Ré-
tir. Ces points sont à additionner avec ceux que le per- partir 6 points entre toutes les Caractéristiques en
sonnage a reçus à l’Étape 1. y ajoutant les éventuels bonus acquis à l’étape 1,
Il n’est pas possible d’aller au-delà d’une valeur de sans dépasser un score de 4.
4 dans une Caractéristique lors de la création du per-
sonnage.

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Création de personnages

Coordination Sagesse
Mesure l’adresse, la rapidité, l’agilité, la souplesse, Mesure l’intelligence, la mémoire et l’esprit logique
etc., d’un personnage. du personnage, mais aussi l’acuité de ses sens.
1 : Pas très habitué à se servir de son corps, le per- 1 : Comprend les histoires des conteurs, mais rare-
sonnage peut cependant survivre à un bal popu- ment ce qu’elles contiennent d’implicite.
laire. 2 : Dans la moyenne. Suffisant pour un aventurier
2 : Dans la moyenne, mais il va falloir s’entraîner un vagabond, mais pas de quoi faire un grand sorcier !
peu avant de se lancer dans un tournoi. 3  : Jouit d’une bonne capacité d’attention et de
3  : Commence à devenir inquiétant pour ses ad- déduction.
versaires et ses partenaires sexuels apprécient ses 4 : Aime retenir les contes et les arranger à sa façon.
formes. 5  : Fin, sensible, sans doute un grand écrivain en
4 : Son arme est probablement son objet favori. puissance !
5  : L’âme d’un grand acrobate ou d’un duelliste 6 : On dit que les penseurs sont souvent distraits. Ce-
hors pair ! lui-ci peut lire un traité de mathématiques d’un œil,
6  : Marcher sur un fil tendu au-dessus de la ville apprendre une pièce de théâtre de l’autre tout en se
en esquivant des projectiles venant de tous côtés ? servant de ses mains pour écrire une missive à sa mère.
Pourquoi pas ?

Charme
Puissance
Mesure le magnétisme, le charisme, la beauté mais
Mesure la force physique pure, la puissance de aussi la qualité d’expression d’un personnage.
frappe et la capacité à infliger des blessures d’un per- 1 : Pas le genre d’individu sur lequel on se retourne
sonnage. dans la rue.
1 : L’universitaire ou le bureaucrate moyen. Il peut 2 : Dans la moyenne. Suffisamment bien fait de sa
soulever dix litres d’eau et c’est déjà bien assez ! personne pour espérer séduire quelqu’un et parve-
2 : Dans la moyenne. Peut soulever jusqu’à une fois nir à se marier un jour.
et demie son poids. 3 : La plupart de ses conquêtes d’une nuit n’oublie-
3  : Peut combattre torse nu sans rougir de ses ront pas son nom.
formes. De plus, s’il frappe, ses coups commencent 4 : Quand il ouvre la bouche, on est généralement
à faire mal ! pendu à ses lèvres. Les membres du sexe opposé ne
4 : Il y a probablement de jolis muscles qui roulent passent jamais à côté sans le voir.
sous cette tunique ! Le personnage a tout d’un 5 : Il arrive qu’il doive fuir un village avec une horde
champion de lutte de village ou d’un bon garde de de maris et de femmes jaloux aux fesses.
la ville. 6 : Quand ils n’en sont pas les créateurs, les dieux
5  : Toute la musculature nécessaire pour faire un s’offusquent d’une telle beauté !
bon forgeron. Le métal se tord presque de lui-
même dans ses mains.
6 : Il est des hommes que l’on surnomme « frappe- Souffle
qu’un-coup », « brise-fer ». Un personnage ayant Mesure la capacité d’encaissement d’un person-
un tel niveau de force a généralement une muscu- nage, son endurance face à la douleur et aux blessures,
lature plus qu’impressionnante. Si fort et si grand sa résistance à la maladie, ainsi que sa capacité d’ac-
qu’il fait froid dans son ombre ! tion avant l’essoufflement. Elle permet aussi parfois
de mesurer sa pugnacité, sa détermination.

257
chapitre polymnie

1 : Peut courir presque un kilomètre sans s’arrêter et tante, quelle que soit leur origine, ne sont pas forcé-
en moins d’un quart d’heure ! ment éduqués pour la lecture, eux aussi devront s’en
2 : Dans la moyenne. Peut courir cinq kilomètres en remettre à leur plus faible Compétence de Sage pour
moins d’une demi-heure et sans s’arrêter. Faire la lire, écrire et compter. En revanche, les personnages
fête une nuit entière avant d’attaquer une journée de ayant le Sage comme Figure principale, utilisent leur
marche dans le désert commence à devenir envisa- plus haute Compétence de Sage pour lire, écrire et
geable. compter.
3  : Enfant, il demandait à ses amis de lui jeter des Le joueur doit maintenant classer toutes les Figures
pierres pour voir si cela faisait mal… par ordre décroissant de correspondance avec son
4 : Tout d’un athlète agalanthéen : infatigable, solide personnage. La première obtient un score de 3, la sui-
comme un roc, que ce soit sous un soleil de plomb vante un score de 2, les trois suivantes un score de 1
ou par une froide nuit. et les trois dernières un score de 0. Toutes les Com-
5 : S’il faut un messager pour relier à pied, en temps pétences reçoivent un score égal à celui de la Figure
de guerre, deux villes séparées par plus de quarante dont elles dépendent. Ces scores sont à cumuler avec
kilomètres, ce sera lui ! les points de Compétences obtenus à l’Étape 1 sans
6 : Cinq minutes de combat en apnée contre un Kra- dépasser une valeur maximum de 5 par Compétence.
ken ? Allons-y ! Exemple  : le joueur de Don Miguel estime que son
personnage, parti de chez lui à l’âge de quinze ans pour

Étapes 4 : Figures et découvrir le monde, est avant tout Aventurier. C’est à la


Figure de l’Aventurier (et donc aux Compétences Épreuve,
Compétences Équitation, Contes et Périples) qu’il attribue le score de 3.
Sa Compétence d’Équitation dispose déjà d’une valeur
En plus de son engagement dans l’une des Paroles de 2 (obtenu par le + 1 du Sang arakognan et le + 1 de
(qui lui donne un statut social de Mudjahid, macchabah, Parole de l’Académie de San Llorente), ce qui donne un
Al-Kimyat, Myrmidon, Templier, campeadore, etc.), un total de 5 dans cette Compétence.
personnage est défini par des Figures. On appelle Fi- Ensuite, le joueur estime que son personnage est un
gure un profil type regroupant des aptitudes. C’est une Guerrier (il a passé une grande partie de sa jeunesse à
sorte de « portefeuille de Compétences » qui permet apprendre les arts de la guerre et a même combattu à
aussi d’établir une carte d’identité du personnage. Sagrada : niveau 2). Bien que ses parents soient des petits
Les Figures sont l’Aventurier, le Guerrier, le Sage, nobles et que lui-même soit considéré comme un hidalgo,
le Poète, le Prince, le Malandrin, le Sorcier et le Tra- il ne sait que peu de chose du monde des princes et de la
vailleur. Chaque Figure donne accès à quatre Compé- cour, même s’il aime courtiser les femmes fortunées (Le
tences et c’est donc en choisissant une Figure que le Prince 1 et le Poète 1). Enfin, il n’est pas vraiment manuel
joueur permettra à son personnage d’avoir ou non telle (Le Travailleur 1), il n’est pas dans ses habitudes de voler,
ou telle aptitude. mentir ou se cacher (Le Malandrin 0). Enfin il aime trop
Avant toute chose, chaque personnage reçoit 1 point courir les jupons pour être considéré comme un Sage (Le
dans chacune des Compétences suivantes : Négoce & Sage 0) et il ne connaît absolument rien à la sorcellerie, se
Salamalecs, Inspiration, Prière et Tenir le coup. contentant d’être un bon croyant (Le Sorcier 0).
D’autre part, il est admis que tout personnage sait Note : il est impossible de dépasser un score de 5 dans
à peu près compter jusqu’à 10, mais ne sait pas forcé- une Compétence lors de la création de personnages. Si le
ment lire et écrire. Au-delà de 10, tenir une compta- cas se produit, le joueur doit mettre ses points de côté pour
bilité précise, lire et écrire, sont des actions effectuées les ajouter aux points de répartition libre de l’Étape 5.
avec le score de la plus petite Compétence de Sage. Les
personnages dont le Poète est la Figure la plus impor-

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Création de personnages

Résumé de l’Étape 4 : attribuer les scores suivants : 3, 2, 1, 1, 1, 0, 0 et 0.


D’abord, noter 1 niveau dans les Compétences Enfin, attribuer aux Compétences le score de la Fi-
Négoce & Salamalecs, Inspiration, Prière et Tenir gure dont elles découlent, sans oublier les acquis
le coup. Puis, classer les Figures par ordre décrois- de l’Étape 1 (Maximum 5).
sant de correspondance avec le personnage et leur

Jouer un sorcier ?
Pour incarner un sorcier dans CAPHARNAÜM : L’Héritage des dragons, le procédé est assez simple. En
effet, tout le monde n’est pas soit magicien, soit non magicien. On peut tenir de sa grand-mère une recette
qui guérit tous les petits maux, avoir appris d’un maître d’escrime deux ou trois tours qui rendent service en
combat, sans pour autant vouer sa vie à la recherche alchimique et à la sorcellerie.
Toute personne ayant un score de Verbe sacré supérieur ou égal à 1 peut pratiquer un peu la magie (en
dessous, il n’en est qu’à ses balbutiements théoriques) et lancer un sort. Ce sort peut-être extrêmement
puissant comme complètement inutile.
On considère qu’à partir d’un score de 4, un magicien est un professionnel accompli.
Voici comment procéder pour savoir ce qu’un personnage escarte, saabi ou shiradi connaît de la magie :
• Si la Compétence Verbe sacré a un niveau de 1 au moins, le personnage connaît un verbe magique.
À partir d’un niveau de 3, il connaît un deuxième verbe. Il faudra attendre d’avoir un niveau de 6 pour
connaître le troisième verbe.
• Un personnage connaît un nombre d’Éléments magiques égal à deux fois son score de Verbe sacré.
Exemple : Un personnage avec un score de 4 peut connaître deux verbes et 8 Éléments magiques.
• Les verbes et les domaines magiques doivent être choisis dans la magie liée au Sang du personnage.
Exemple : un personnage saabi devra choisir la magie saabi, un Shiradi la magie shirade, etc.
• La magie fonctionne par combinaisons de verbes et de domaines magiques appelés Éléments. Pour
plus de renseignements sur l’utilisation de la magie en jeu (et pour le choix précis des verbes et domaines),
reportez-vous aux Annexes — La magie dans Capharnaüm, p.301.
Voici comment procéder pour savoir ce qu’un personnage agalanthéen connaît de la magie :
Si la Compétence Verbe sacré a un niveau de 1 ou de 2 : choisir trois sorts dont le SD est à 9 ou moins et
deux sorts dont le SD est à 12 ou moins.
Si la Compétence Verbe sacré a un niveau de 3 ou de 4 : choisir quatre sorts dont le SD est à 9 ou moins
et trois sorts dont le SD est à 12 ou moins.
Si la Compétence Verbe sacré a un niveau de 5 ou de 6 : choisir quatre sorts dont le SD est à 9 ou moins,
deux sorts dont le SD est à 12 ou moins et un sort dont le SD est à 15 ou moins.
Note : si Al-Rawi ou ses joueurs désirent, pour des raisons laissées à leur jugement, de ne pas utiliser le système
de magie combinatoire et de lui préférer le système à base de listes de sorts, il est possible d’appliquer cette même
méthode pour déterminer le nombre de sorts à choisir.

259
chapitre polymnie

NIveaux de Compétence
0  Jamais entendu parler
1  Débutant
2 Professionnel moyen (ouvrier, soldat, tuteur universitaire...)
3 Professionnel qualifié (contremaître, capitaine, professeur...)
4 Champion de son village
5 Exceptionnel
6 Légende vivante. Maître fondateur ! De ceux qui créent leurs écoles et révolutionnent un domaine
de compétence

Figures et Compétences d’élever des bêtes ou d’en raffiner les produits (pro-
duits laitiers, vins, légumes et fruits séchés, etc.).
associées Avec Coordination ou Puissance : tus les travaux
manuels pouvant demander de l’adresse ou de la force.
L’Aventurier  : Épreuve, Équitation, Contes*, Pé-
Avec Sagesse : aider une bête à mettre bas, organi-
riples
ser ses plantations, imaginer un système d’irrigation,
Le Guerrier : Arme, Commander, Entraînement,
raffiner de l’alcool, etc.
Impressionner*
Avec Souffle : tout travail de longue haleine effec-
Le Sage : Science, Enseigner*, Peuples & Histoire,
tué qu’il pleuve ou qu’il vente, que les sables se sou-
Percevoir
lèvent ou que la terre tremble…
Le Poète : Galvaniser*, Comédie, Poésie, Musique
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
Le Prince : Ne pas perdre la face, Élégance, Flat-
élevage, irrigation, plantations fruitières, céréales, etc.
ter*, Négoce & Salamalecs
Le Malandrin  : Assassinat*, Détrousser, Discré-
Arme
tion, S’introduire
Le Sorcier  : Inspiration*, Prière, Sacrifice, Verbe Le maniement d’une arme ou le combat à mains
sacré nues, qu’il s’agisse d’attaquer ou de se défendre, est
Le Travailleur  : Agriculture, Artisanat, Compa- géré par une seule et unique Compétence. Ainsi, toute
gnonnage, Tenir le coup* personne sachant un minimum se battre sera en me-
(*) Ces Compétences induisent, en plus de leur sure de mener un combat s’il a une épée à portée de
utilisation normale, une fonction spéciale dite « par main, une lance, un arc ou ses simples poings.
transcendance  ». Cette utilisation avancée est gra- Avec Coordination ou Puissance : la plupart des
tuite (mais demande obligatoirement de prendre une actions de Combat sont effectuées avec la Coordina-
Vantardise lors du jet), et fonctionne dès lorsqu’un tion (la Puissance entrant en compte pour les Dégâts
personnage a un niveau de 1 au moins dans une Com- et le Souffle pour les points de vie). Cependant, cer-
pétence concernée. Un résumé du fonctionnement de taines Attaques spécifiques, comme l’Attaque brutale
chacune est donné ci-dessous, leur utilisation étant par exemple, utilisent la Caractéristique Puissance.
présentée plus en détails dans le Livre d’Al-Rawi, par- Reportez-vous au résumé des règles de combat p.289
tie Règles Avancées du chapitre Thalie, p. 41. pour de plus amples précisions.
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
Agriculture armes articulées, armes contondantes, armes d’hast,
armes de jet, armes de trait, armes tranchantes, com-
L’agriculture est un ensemble très général d’apti-
bat à mains nues.
tudes permettant aussi bien de travailler la terre que

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Création de personnages

Artisanat la Compétence Science) le droit de concevoir un anti-


Comme Agriculture, l’Artisanat est un ensemble dote ou un médicament, utilisable dans le cadre des
très général d’aptitudes permettant aussi bien de tra- règles de soins, moyennant une augmentation du SD
vailler le métal que le bois, la pierre, la terre ou encore (cf. Annexes - Soins, médecine et chirurgie, page 298).
le verre, le tissu, etc. Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
Avec Coordination ou Puissance  : tous les tra- égorgement, empoisonnement, strangulation, etc.
vaux manuels pouvant demander de l’adresse ou de la Transcendance  : assassiner sournoisement im-
force lors d’une confection, quelle qu’elle soit. plique un jet de Confrontation entre Coordination
Avec Sagesse : penser de nouveaux procédés, repé- + Discrétion de l’assassin et Sagesse + Percevoir de
rer une faiblesse dans un produit, évaluer la durée des la victime (1 Vantardise minimum pour l’assassin sur
travaux, etc. ce jet). Si l’approche est réussie, le jet d’Attaque avec
Avec Souffle : tout travail de longue haleine effec- la Compétence Arme ou Assassinat se fait (sans Van-
tué qu’il pleuve ou qu’il vente, que les sables se sou- tardise obligatoire) contre
lèvent ou que la terre tremble… la Défense passive de
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  : l’adversaire (+ ou - les
armurerie, maçonnerie, menuiserie, mosaïque, po- modificateurs à l’At-
terie, verre soufflé, etc. taque). Le bonus aux
Dégâts est égal à trois
Assassinat* fois le score d’Assassinat.
Il est également possible
L’Assassinat est un vaste domaine,
de combattre sournoisement
qui recoupe bien des aspects
en mêlée — au prix de la perte
d’activités et de connaissance. Il
de 1 point de Bravoure —, en
permet le plus souvent d’éla-
utilisant les points faibles de
borer un poison en en trou-
ses adversaires. Il suffit sim-
vant les ingrédients et d’éta-
plement de le déclarer
blir le meilleur plan possible
pour bénéficier d’un
pour l’administrer à sa vic-
nombre de Dés Bonus à
time.
l’Attaque égal au score de
Avec Coordination  :
la Compétence Assassinat. Ces
lorsque sa victime n’est pas
Dés Bonus peuvent être répartis
en mesure de le voir agir,
librement sur la durée de l’affron-
l’Héritier peut choisir
tement.
d’utiliser Assassinat à
la place de n’importe
Comédie
quelle Compétence
d’arme pour attaquer. L’art dramatique (et ses
Avec Sagesse  : ap- deux formes majeures que
prendre une recette sont Comédie et Tragé-
de poison, se souvenir die), est né en terre d’Aga-
d’une recette de poison, lanthe il y a fort longtemps,
reconnaître les plantes ou autres ingrédients néces- lors de processions religieuses sacrificielles. Il existe
saires à l’élaboration d’un poison, les trouver, élaborer aujourd’hui mille formes de représentations théâ-
le poison en question. Un Al-Rawi magnanime peut, trales à travers le monde. Des tragédies et comédies
s’il le veut, accorder par cette Compétence (au lieu de agalanthéennes qui mettent en scène des épisodes

261
chapitre polymnie

mythologiques pour évoquer les véritables problèmes voire un travail d’appoint. Cette Compétence permet
des hommes, aux Mystères et aux Fabliaux escartes mis aussi de percevoir les relations et tensions au sein d’un
en langage théâtral et joués tantôt dans les églises, tan- groupe de travailleurs.
tôt en place publique ; le théâtre est une composante Note : Cette Compétence entre dans le calcul des points
sociale et culturelle très importante. de contact du personnage à la création de personnages (cf.
Celui qui maîtrise l’art de la Comédie sait se mettre Amis et relations p.278).
en avant en public, jouer un rôle, se faire passer pour Avec Charme  : trouver le gîte, obtenir un travail
autrui, sans laisser entrevoir sa véritable personnalité. rapidement, un repas gratuit contre un service.
Avec Charme  : Séduire, manipuler, amuser ou at- Avec Sagesse  : reconnaître le chef au sein d’un
trister autrui, etc. groupe, repérer un réseau mafieux au sein d’un groupe
Avec Coordination : Déguiser, maquiller autrui ou de travailleurs, etc.
soi-même… Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
Avec Sagesse : Mentir, citer un texte théâtral, mon- travailleurs de la terre, un type d’artisanat, etc.
ter un spectacle et en assurer scénographie et mise en
scène, etc. Contes*
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  : Le conte est l’ami du voyageur, il permet de se rap-
baratin, déguisement, dramaturgie, mensonge, etc. procher le soir au coin du feu, d’échanger des histoires
mêlant expériences personnelles, culture populaire
Commander et rêves éveillés. Le conte est présent dans toutes les
L’art du commandement est fondamental en ma- cultures existantes et il a le grand intérêt de représen-
tière d’art de la guerre. S’il consiste avant tout à se faire ter la culture générale d’un personnage ayant voyagé,
obéir de ses hommes, il permet aussi d’élaborer une parlé et écouté. Al-Rawi demandera des jets de Contes
stratégie de bataille, de reconnaître les armoiries d’une aux joueurs lorsqu’il éprouvera leur culture générale.
armée, d’évaluer les forces ennemies, d’analyser leurs Jamais il ne donnera de notions précises ni de détails
mouvements, etc. historiques (pour cela il faut un jet de Peuples & His-
Avec Charme : s’exprimer devant les troupes pour toire), mais il pourra en revanche dire aux joueurs ce
leur intimer un ordre, donner des consignes, expliquer que la rumeur raconte sur tel prince, telle caravane,
une stratégie, etc. telle légende des sables…
Avec Sagesse : élaborer une stratégie, reconnaître des La Compétence Contes n’est pas une science exacte ;
unités militaires, analyser une situation de guerre, etc. elle ne sert qu’à mesurer une culture basique et popu-
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  : laire, concernant autant les légendes que les faits réels.
héraldique, ordonner, stratégie, etc. Avec Charme : raconter, interpréter un conte pour
divertir un auditoire.
Compagnonnage Avec Sagesse : tester sa culture générale, se souve-
Quand on n’a pas l’argent ou le pouvoir, on a parfois nir d’histoires locales et folkloriques, etc.
d’autres avantages, qui peuvent être l’amitié virile, la Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
confiance, la reconnaissance, etc. contes & légendes, rumeurs, us & coutumes
Les classes laborieuses, partout dans le monde, ont Transcendance : écouter un conte peut donner du
un code tacite basé sur l’entraide. Il n’existe aucune courage, rassurer, aider, soutenir, autrui, grâce à un jet
trace écrite, aucune organisation, juste un sentiment de Contes + Charme (1 Vantardise obligatoire mini-
commun de devoir mutuel et réciproque. mum) dont le SD dépend du moral de l’auditoire (12
Ainsi, où qu’il se trouve, le travailleur pourra tenter s’il est bas ou 6 s’il est joyeux par exemple). QR x 10
un jet de Compagnonnage SD 9 dans le but de trouver personnes sont ainsi touchées et gagnent 1 Dé Bonus
un logement temporaire, un toit pour la nuit, un repas, durant une journée (ou une semaine si la QR est de 6) à

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Création de personnages

tous leurs jets d’Épreuve et de Tenir le coup. Pour fonc- Avec Charme : détourner l’attention ou la conver-
tionner, cette transcendance demande de disposer d’un sation, etc.
feu (de camp ou de cheminée) et d’un public attentif. Avec Coordination : Se cacher, se faufiler, etc.
Avec Sagesse : analyser un lieu pour y prévoir des
Détrousser caches, contrôler son souffle, doser les informations
Tous les actes pouvant être considérés comme des à donner à un curieux, trouver une personne ou un
vols sont regroupés sous cette Compétence. Allant objet caché, etc.
du simple vol à l’étalage au pickpocket en passant Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
par l’embuscade en bande ou la tricherie au jeu, cette camouflage, déplacement silencieux, interrogatoire.
Compétence couvre un très vaste champ d’action. Exemple : après avoir dérobé un magnifique cimeterre
Avec Coordination  : couper la bourse, faire les sur l’un des marchés de la médina Al-Dhumma de Car-
poches, etc. rassine, la jeune voleuse Oda Bint Aziz Abd-Al-Salif a
Avec Sagesse : connaître les bandes et le crime orga- été arrêtée par les miliciens de la VIIe légion. S’étant déjà
nisé, dresser un plan pour tendre une embuscade, orga- débarrassée de l’arme (revendue à un marchand ambulant
niser un racket, repérer une bourse bien remplie, etc. qui l’a payée grassement) elle ne peut dire où se trouve l’ob-
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  : jet sans trahir le serment de la vente. Il lui faut donc faire
connaissance des bandes, pickpocket, vol à la tire, etc. preuve de discrétion à ce sujet. Al-Rawi annonce que les
miliciens n’ont pas de témoins oculaires et qu’ils ne peuvent
Discrétion donc l’arrêter de façon formelle, mais ils ont de tels soupçons
Que l’on soit voleur, espion ou simple esclave, il faut que leurs questions se font de plus en plus pressantes… En
bien souvent savoir se faire oublier. Se dissimuler dans conséquence, il fixe le SD à 15. Le joueur interprétant Oda
l’ombre, se cacher derrière une draperie, approcher pourrait décider que la voleuse tente d’égarer ses interroga-
sans faire de bruit ou attaquer par-derrière sans que teurs par l’usage de la Sagesse, mais il préfère s’en remettre
la victime n’ait la moindre chance. Autant d’occasions au Charme de son personnage pour tenter de les amadouer.
où il faudra faire preuve de discrétion. Savoir être dis- Al-Rawi accorde un jet de Discrétion basé sur le Charme.
cret, c’est aussi parfois savoir tenir sa langue, diffuser Obtenant un total de 19, Oda a su jouer de candeur et se
l’information avec parcimonie et savoir détourner un débarrasser des miliciens sans la moindre violence. Ceux-ci
interrogatoire en sa faveur. ne l’inquiéteront plus au sujet de ce vol.

Culture générale vs Connaissance


Parfois, Al-Rawi hésitera entre Contes et Peuples & Histoire pour évaluer ce que sait un personnage.
Comme toujours, cela se réglera à l’aune du bon sens.
Contes est davantage lié au voyage, au peuple et à la connaissance triviale. Lorsque l’on arrive dans un
campement, Contes permet de savoir qu’un jour un prince est tombé ici amoureux de la plus belle femme
qu’il lui ait été donné de voir. Il la suivit dans le désert en pleine nuit et on ne retrouva son corps brûlé par
le soleil que trois jours plus tard… La femme était un mirage néfaste et elle continue de séduire les hommes
faibles et concupiscents. Peuples & Histoire permettra de savoir que ce campement permanent a été instauré
à la demande du raiss Soulem Ibn-Assali en l’an 2037 pour permettre à ses caravanes de ne pas traverser le
désert sans pouvoir compter sur un port d’attache.
Tout ce qui est lié au quotidien et au trivial, tout ce qui peut être appris oralement dans la rue, dans une
taverne ou une oasis est de l’ordre des Contes. Tout ce qui nécessite la lecture, l’étude, l’entrée dans une aca-
démie ou une université, relève de Peuples & Histoire.

263
chapitre polymnie

Élégance Enseigner*
Si pour le paysan, l’esclave ou le bédouin il importe Éduquer, transmettre, enseigner, construire un
peu d’être bien vêtu ou de sentir bon, il en est tout savoir… Autant de termes proches les uns des autres
autrement pour les hommes de cour, les marchands et qui ont des acceptations aussi variées que contra-
ou encore certains artistes. La Compétence Élégance dictoires lorsque l’on passe d’un cercle de savants à
permet de choisir un parfum, d’accommoder ses vê- un autre. Cette Compétence mesure la maîtrise d’un
tements, mais aussi de savoir se comporter de façon personnage en matière de pédagogie et de didac-
adaptée en société. tique en général. D’un point de vue purement pra-
Avec Charme : savoir faire preuve de raffinement, tique, cette Compétence permettra surtout au per-
d’élégance de langage, de distinction et de bonnes ma- sonnage de construire un argumentaire rhétorique
nières. pour convaincre autrui. Il ne s’agit pas de s’énerver,
Avec Sagesse  : choisir une tenue, un parfum, des de hurler ou de mentir, mais bien de manipuler des
bijoux, etc. adaptés à une situation précise. mécanismes dialectiques et cognitifs pour mener un
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  : auditoire à la conscience d’une vérité. Un jet d’Ensei-
danses, mode, politesse, etc. gner contre un SD fixé par Al-Rawi en fonction de
l’entêtement ou de l’opposition de la cible permettra
de convaincre celle-ci, de lui faire changer d’avis, de la
calmer, de la ranger de son côté, etc.
Avec Sagesse : cette Compétence fonctionne avec
Sagesse uniquement.
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
histoire, philosophie, politique, science, etc.
Transcendance  : il s’agit d’ouvrir l’esprit d’une
personne, de l’amener à se poser des questions, de
développer une curiosité et d’en faire un étudiant
permanent et un philosophe en puissance. Bref, le
passionner. Pour ce faire, il faut d’abord créer un lien,
une confiance, une proximité durant au moins une se-
maine (deux heures par jour) à discuter « sagesse ».
Ensuite, un jet d’Enseigner + Sagesse (1 Vantar-
dise obligatoire minimum) contre un SD de (20
– niveau de Sagesse de l’élève) permettra de faire
bénéficier à cet élève, en cas de Réussite, d’un Dé
Bonus à tous ses jets utilisant sa Caractéristique
Sagesse durant QR jours.

Entraînement
Un guerrier, qu’il soit simple gar-
dien des portes de la ville, Mudja-
hid passionné ou gladiateur, ne sur-
vit que s’il cherche l’excellence en
s’entraînant encore et encore. Il est de
nombreux guerriers qui se reposent sur
leurs acquis et ne prennent pas la peine de

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Création de personnages

chercher à s’améliorer, pas même à s’entretenir. Ceux- Avec Coordination  : acrobaties, sauts et autres
là ne font pas long feu. On simule l’exercice et l’entraî- roulés-boulés, etc.
nement d’un personnage avec son score d’Entraîne- Avec Puissance  : arracher, soulever, défoncer,
ment. sprinter, etc.
Un personnage entraîné se bat mieux, il est plus ef- Avec Souffle : course d’endurance, etc.
ficace et sait mieux s’adapter aux situations de combat. Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
Lors de la déclaration d’initiative d’une Passe acrobatie, athlétisme, escalade, jeux de force, etc.
d’Armes, les personnages ayant la Compétence
Entraînement peuvent, effectuer un jet de Souffle Équitation
+ Entraînement SD 6. Chaque niveau de QR obtenu Dans un monde aussi vaste et varié, nombreuses
octroie au personnage un Dé Bonus pour l’affronte- sont les créatures que les Héritiers peuvent avoir à che-
ment (cf. Combat). Ces dés sont à utiliser à n’importe vaucher. Qu’il s’agisse d’un cheval, d’un dromadaire,
quel moment du combat : pour une Attaque, pour une d’un pégase ou d’un saurien ; que cet animal coure,
Défense, pour s’enfuir, pour effectuer une acrobatie, nage ou vole, Al-Rawi demandera un jet d’Équitation.
etc. Ces actions doivent cependant être à caractère Cette Compétence permet aussi de conduire un attelage.
physique. Avec Coordination  : monter une bête, aller au
Le joueur est libre de choisir quand et combien il galop, etc.
en utilise. Il n’y a aucune restriction. Si l’affrontement Avec Souffle  : lorsqu’une chevauchée devient de
se conclut sans qu’un joueur ait utilisé tous les Dés longue haleine, Al-Rawi peut décider que le Souffle
Bonus octroyés à son personnage, ils sont perdus. Un doit être utilisé plutôt que la Coordination.
combat est composé de plusieurs affrontements. Si un Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
personnage défait son adversaire (ou s’enfuit) et qu’il un type de monture (abzoul, cheval, dromadaire…),
s’engage dans un nouvel affrontement, il peut faire un un milieu (désert, ville…), un véhicule (char, tapis
nouveau jet d’Entraînement. volant…), etc.
Avec Souffle : toutes les actions d’Entraînement se
font avec Souffle. Flatter
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  : Aux quatre coins du monde, l’art de la flatterie est
armes articulées, armes contondantes, armes d’hast, omniprésent. Il intervient dans les jeux de cour des
armes de jet, armes de trait, armes tranchantes, com- princes, dans les manigances des marchands comme
bat à mains nues. dans les suppliques des esclaves cherchant à s’épar-
gner les coups de fouet. Flatter permet de dire ce
Épreuve qu’autrui veut entendre, de caresser dans le sens du
CAPHARNAÜM est un jeu d’aventures et de poil les fauves les plus dangereux. Réussir un jet de
voyages sur fond d’héroïsme et de prouesses en tout Flatter contre un SD égal à trois fois la Sagesse d’une
genre. Lorsque toutes les capacités physiques d’un personne +  6 permet de l’amadouer par une jolie
personnage sont mobilisées, qu’il doit se surpasser phrase, une esquive verbale, amusante ou attendris-
pour sauter d’un toit à un autre, rouler dans les esca- sante. Un mari jaloux qui voulait vous tuer se ravisera,
liers sans se blesser, sauter depuis une fenêtre pour les gardes de la ville vous laisseront passer, etc.
atterrir sur le dos de son cheval, enchaîner les acro- La personne flattée finit presque toujours par se
baties, enfoncer une porte ou lancer un tronc d’arbre rendre compte de la supercherie. Un prince malin et
tout en courant en équilibre sur un fil à linge, on dit joueur tirera un trait jusqu’à la prochaine fois, mais
qu’il affronte une Épreuve. le mari jaloux cherchera peut-être à se venger et les
Note : pour nager, utilisez plutôt la Compétence Tenir gardes reprendront la poursuite. D’un point de vue
le coup. technique, une Réussite normale permet de se tirer

265
chapitre polymnie

temporairement d’affaire et de prendre quelques mi- 6 mois. En conséquence, ses partenaires potentiels se
nutes d’avance, et une Réussite critique permet d’ama- montreront très attentionnés, ce qui pourra permettre
douer son monde jusqu’à la prochaine erreur. au personnage de bénéficier de Dés Bonus ou de di-
D’autre part, la flatterie est aussi l’art de séduire et de minutions de SD (selon le bon vouloir d’Al-Rawi) lors
faire l’amour. de jets relationnels avec ceux-ci.
Note  : flatter pour se tirer d’un mauvais pas est une À noter que les jeux de l’amour sur Jazîrat sont
preuve de finesse d’esprit. S’en servir pour éviter un combat considérés comme une vertu esthétique  : ils ne
n’est jamais perçu comme de la lâcheté et ne fait pas perdre donnent donc jamais une mauvaise réputation, pour
de points de Bravoure. les hommes comme pour les femmes, sauf en cas
Avec Charme : séduire. d’Échec critique (on devient alors un gougeât ou une
Avec Sagesse  : se tirer d’un mauvais pas par de mangeuse d’hommes).
belles phrases ou un bon mot.
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  : Galvaniser*
bon mot, séduction, etc. Parler à un public est une chose, réussir à l’inspirer
Exemple : Rashi Bar Pharat a été provoqué en duel par en est une autre. Un poète, un comédien ou n’importe
un chevalier escarte dont il sait, de réputation, qu’il est bien quel autre individu désirant transmettre une émotion
plus fort que lui. Il est persuadé que le combat tournera à durable et forte à un public (un prince voulant rassu-
son désavantage, alors il décide de détourner l’attention de rer son peuple, un marchand voulant enthousiasmer
son adversaire par une petite entourloupe : « Il fait bien une assemblée, etc.) utilisera cette Compétence. Elle
chaud monsieur, pour se battre, et je dois avouer qu’il me permet d’enflammer les foules, de remonter le moral,
sera impossible de vous vaincre sans m’être au préalable de donner du courage, etc.
prélassé dans un bon bain aux herbes. D’autre part, mon Avec Charme : Émouvoir, troubler, exciter un au-
arme est bien plus courte que la vôtre et je présume que ditoire par la poésie ou de belles tirades.
vous ne tirez aucun déplaisir à laisser un homme de ma Avec Puissance ou Souffle  : tenir un discours
condition aller profiter de ses dernières heures en ce monde d’une voix puissante, imposante, énergique.
pour prendre un dernier bain et acheter une lame digne de Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
la vôtre, s’il s’en peut trouver une si loin de vos terres ! ». discours artistique, discours militaire, discours poli-
Le niveau de Sagesse du chevalier étant de 3, le SD est donc tique, etc.
fixé à 15 (3x3+6). Pas facile ! Mais Rashi obtient cepen- Transcendance  : Galvaniser permet de préparer
dant un 16, ce qui lui permet de convaincre le chevalier que ses hommes à la bataille. Réussir un jet de Galvani-
son adversaire veut juste se préparer pour avoir une chance ser + Puissance ou  Souffle (1 Vantardise obligatoire
de mourir dignement. Rashi quitte la place et dispose de minimum) contre un SD de 9 permet de conférer des
quelques minutes pour s’enfuir de la ville ou aller très vite points supplémentaires aux TA de tous les jets de ses
se cacher dans un trou où on ne le cherchera jamais, car hommes durant la bataille. Ce nombre de points est
bientôt le chevalier comprendra qu’on s’est moqué de lui, et égal à la QR du jet de Galvaniser. Un seul jet est au-
ses hommes prendront Rashi en chasse. torisé (sans cumul possible) et ses effets ne sont pas
Transcendance : faire — bien — l’amour avec une applicables à l’orateur. Dans un groupe d’Héritiers, le
personne d’un milieu choisi (prostituées, bourgeois, personnage avec le niveau de Puissance ou Souffle le
nobles, soldats…) peut influer sur la réputation du plus élevé fait le jet (avant une bataille, un duel, etc.)
personnage dans ledit milieu. En réussissant un jet pour motiver le ou les autres.
de Flatter + Charme (1 Vantardise obligatoire mini-
mum) SD 9, le personnage bénéficiera en effet d’une Impressionner*
réputation d’amant surdoué avec tous les membres du Il suffit parfois de jouer sur les apparences et de
sexe opposé (toujours du même milieu) durant QR x tromper la sensibilité d’autrui pour obtenir ce que

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Création de personnages

l’on veut. Impressionner permet souvent de calmer les pour survivre à une attaque surnaturelle. L’Inspiration
ardeurs d’un adversaire au sang trop chaud, de faire est une capacité psychique, intérieure, spirituelle, elle
ravaler ses paroles à un arrogant et même de mettre en est un équivalent métaphysique des Compétences
fuite des brigands sans honneur ! Un jet d’impression- Percevoir et Tenir le coup.
ner contre un SD égal à trois fois la Caractéristique de Pour plus de détails sur son utilisation, repor-
Sagesse d’un individu + 6 permet de remettre celui-ci tez-vous aux Annexes – La magie dans Capharnaüm,
à sa place, le rendant moins dangereux qu’un enfant p.301.
de six ans, parfois aussi soumis qu’un esclave. Au juge- Avec Sagesse : toutes les utilisations d’Inspiration
ment d’Al-Rawi, un PNJ, selon son importance dans se font avec Sagesse.
l’histoire, aura l’une des attitudes suivantes : Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
Réussite normale  : un personnage sans impor- percevoir ou résister à un type de magie particulier
tance se ravisera et passera son chemin, éventuelle- (escarte, shirade, etc.).
ment il proposera son aide pour se faire pardonner. Transcendance  : un joueur peut demander à ce
Un personnage important, ennemi ou non, même le que son personnage puisse « sentir » si quelque chose
grand méchant du scénario, reconnaîtra la bravoure ne tourne pas rond (sorcellerie, possession démo-
et avouera dignement qu’il est impressionné. Celui-ci niaque, présence d’un Mirage, etc.). Il tente donc un
proposera une discussion, laissera quelques minutes jet d’Inspiration + Sagesse (1 Vantardise obligatoire
au personnage pour s’enfuir, etc. minimum) SD 9 pour en avoir le cœur net. S’il réussit,
Réussite critique  : un personnage sans impor- il a la certitude que la situation est emprunte de magie
tance s’agenouillera, implorera le pardon et se mettra et bénéficiera dès lors de +1 par point de QR à tous
au service de celui qui l’a impressionné. Un person- ses TA sur les jets de Verbe sacré et/ou d’Inspiration
nage plus important reconnaîtra celui qui l’a impres- à venir, afin de se protéger de ce phénomène magique
sionné comme son égal et le traitera comme tel. (dissiper un Mirage, exorciser un possédé, etc.).
Avec Puissance  : quelle que soit l’action choisie,
c’est son intensité qui compte, c’est pourquoi on im- Musique
pressionne toujours avec la Puissance. Dans toutes les cultures, la musique est présente,
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  : qu’on la chante ou qu’on la joue sur des instruments.
aucune, Impressionner est une action naturelle. Cette Compétence permet aussi de mesurer la qualité
Transcendance : lors d’une confrontation avec un d’une œuvre créée par un personnage, ou la qualité de
adversaire pour la première fois, le personnage peut son interprétation.
tenter un jet d’Impressionner + Puissance (1 Vantar- Avec Charme : chanter, jouer d’un instrument.
dise obligatoire minimum) contre un SD de Sagesse x Avec Sagesse : composer, évaluer une œuvre.
3 + 6 de l’adversaire. En cas de réussite, chaque point Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
de QR ajoute +1 point aux TA de tous ses jets d’At- musique agalanthéenne, musique escarte, musique
taque contre cet adversaire durant ce combat. saabi, musique shirade, etc.

Inspiration* Négoce & Salamalecs


Qu’on la perçoive comme un acte de foi ou une Le commerce est sans doute le seul domaine qui
simple preuve de volonté, l’Inspiration est la manifes- parvienne réellement à unir les peuples et à faire ou-
tation d’une force intérieure brute que le personnage blier les intérêts guerriers des uns ou des autres. Les
parvient à contrôler pour lutter contre les attaques uns ont toujours besoin de denrées produites par les
surnaturelles. Utilisée par le sorcier à la fois pour per- autres et c’est ce qui, bien avant les guerres, a permis
cevoir la magie ou lui résister, elle sert au prêtre pour de confronter les différentes cultures. Être familier
mener un exorcisme et même au commun des mortels du négoce permet d’évaluer un objet à sa juste valeur

267
chapitre polymnie

— pierres précieuses et objets d’art inclus — et d’en Avec Charme : tous les jets de Ne pas perdre la face
discuter le prix avec un marchand. Enfin, cette Compé- se font avec le Charme.
tence offre à tous la possibilité de communiquer dans Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
une langue faite de mots et de signes, empruntant à duel armé, duel athlétique, joute verbale, etc.
toutes les cultures du monde. Ainsi, un Agalanthéen ne
parlant pas un mot de Shiradi sera-t-il toujours en me- Percevoir
sure de communiquer sommairement avec des compa- « L’idiot sait voir, le sage sait regarder.
gnons appartenant à ce peuple ; un Escarte égaré dans Chacun sait entendre, mais qui sait écouter ? »
le désert saura demander sa route et échanger avec des Ce vieux dicton saabi illustre bien l’usage de cette
nomades saabi, etc. Compétence  : remarquer sur les lieux du crime le
Avec Sagesse : toutes les actions de Négoce & Sala- détail qui permettra de confondre l’assassin, entendre
malecs utilisent la Sagesse. à travers une porte la discussion des conspirateurs,
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  : trouver un passage secret grâce aux aspérités d’un
évaluer un objet commun, évaluer une œuvre d’art, mur, sentir qu’un vin est peut-être empoisonné, etc.
évaluer une pierre précieuse, vendre, etc. Avec Sagesse  : tous les jets de Percevoir se font
avec Sagesse.
Ne pas perdre la face Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
Qu’il soit simple paysan ou philosophe, esclave ou l’un des cinq sens, percevoir les pièges, les embus-
chevalier, nul ne prend un duel à la légère. Pour tous, cades, les défauts architecturaux, etc.
un combat d’homme à homme est une affaire de no-
blesse d’âme (c’est pourquoi cette Compétence est Périples
liée à la figure du Prince). Lorsque deux personnes Dans ce monde sauvage, aride, peuplé de fauves
s’affrontent, que le combat soit rituel ou improvisé, et de créatures inquiétantes, rendu menaçant par des
que l’on respecte des règles ou non, il importe, non princes ténébreux et des sorciers malintentionnés,
pas de gagner, mais de garder la face et de briller. La l’aventure est au coin de chaque rue, cachée derrière
Compétence Ne pas perdre la face ne permet donc pas chaque dune, tapie dans l’ombre de chaque oasis.
de survivre à un combat, mais bien d’avoir le panache Périples permet de survivre et de se repérer en toutes
qui assurera que l’affrontement ait sa place dans les circonstances. Elle permet également de reconnaître
livres d’histoire. Qu’il s’agisse d’un duel guerrier (à les racines ou les épices qui soignent les petits maux
mains nues ou armé), d’une compétition d’athlétisme et les plantes dont on peut se nourrir. Périples permet
(Épreuve) ou encore d’une joute verbale entre poètes aussi de pister et de chasser un animal, de lui tendre
(Poésie ou Comédie), un joueur peut décider après un piège ainsi que de savoir faire le feu pour le cuire
un échec d’effectuer un jet de Ne pas perdre la face et se réchauffer. Trouver de l’eau, prévoir les tempêtes,
+ Charme contre un SD laissé au choix d’Al-Rawi selon s’orienter grâce aux étoiles, réduire les fractures et
l’ampleur de l’échec (à partir de 6). Si le jet de Ne pas cautériser les plaies (cf. Annexes - Soins, médecine et
perdre la face est réussi, le personnage parvient à tirer la chirurgie p.298), etc.
situation à son avantage : tous seront convaincus qu’il Avec Sagesse : toutes les actions de Périples sont
a laissé l’autre gagner pour une raison ou une autre et empruntes de bon sens, de prudence et de vigilance,
il ne fera aucun doute qu’il est bien le vainqueur de ce elles s’accomplissent toutes avec Sagesse.
duel. Chaque niveau de Vantardise pris lors du jet de Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
Ne pas perdre la face octroie au personnage 1 point de chasse, herboristerie, orientation et navigation, pre-
Bravoure. miers soins, etc.
Parfois, l’échec vous rend plus fort, tout est une
question de philosophie et de panache.

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Création de personnages

Peuples & Histoire


L’histoire du monde, des peuples et des
nations est si riche qu’il faudrait plusieurs
dizaines de vies humaines pour en connaître
les moindres détails. Ainsi, un Héritier pos-
sédant cette Compétence pourra savoir un
certain nombre de choses, mais jamais la
totalité des événements liés à une époque,
un pays, une personnalité… Cette
Compétence s’acquiert dans les uni-
versités, les bibliothèques, auprès des
pédagogues et des philosophes.
Avec Sagesse : toutes les actions
de Peuples & Histoire se font avec
Sagesse.
Règles avancées (Spécialisation et
Expertise) : Aragón, Carrassine, désert
de Feu, Dorkadie, Étrusie, Fragrance,
Jergath-la-Grande, mythes agalan-
théens, Occidentine, philosophes
agalanthéens, poètes saabi, reli-
gion shirade, Sagrada, Thérème,
etc.

Langues
Un personnage, quel qu’il soit, connaît en plus de sa langue maternelle suffisamment de rudiments de
Jazîrati pour évoluer au quotidien à Jazîrat. De plus, il parle autant de langues que son niveau de Peuples &
Histoire. Les langues connues sont à choisir parmi les suivantes :
Agalanthéen Asijawi
Saabi Krekk
Shiradi Alfariqani
Escarte Manavi (Nir Manel)

Poésie poésie, c’est aussi imprégner de philosophie et de reli-


Comme la musique, la poésie est pratiquée par tous gion le moindre de ses mots, c’est l’art de bien s’expri-
les peuples. Que l’on soit Agalanthéen, Escarte, Ja- mer et d’être bien entendu. Dans ce cas précis, il ne
zîrati ou Shiradi, la poésie n’est jamais perçue comme s’agit pas de faire des vers, mais de savoir choisir les
un luxe ou une affaire d’intellectuels. La poésie est mots et les images les plus forts et les plus pertinents.
un moyen d’expression, écrit comme oral, considéré Écrire un poème, un roman ou une pièce de théâtre
comme noble à toutes les échelles sociales. Parler avec relève aussi de cette Compétence.

269
chapitre polymnie

Avec Charme : tenir une discussion habile, réciter égorge une bête (et parfois même un humain chez les
une poésie, lire un texte à voix haute, etc. Agalanthéens) selon des codes établis. Une personne
Avec Sagesse : composer une œuvre, comprendre ayant un niveau de 1 au moins dans cette Compétence
la poésie, etc. connaît les rituels de base nécessaires aux sacrifices
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  : qu’il désire accomplir.
composition, discussion, interprétation, etc. Un jet de Sacrifice s’effectue contre un SD déter-
miné par le nombre de personnes qu’il est censé af-
Prière fecter (cf. Encadré). Si ce jet se solde par une Réussite
Invoquer ses dieux et leur rendre hommage est un normale, toute personne affectée verra son prochain
acte de chaque jour et même pour certains de chaque Échec critique (quelle que soit l’action entreprise et
instant. Selon les cultures, le moindre geste, le moindre quel que soit le temps écoulé) transformé en Échec
repas peut être consacré. La Compétence Prière n’est normal. Si ce jet se solde par une Réussite critique,
pas nécessaire à l’exercice de la prière, car en réalité les toute personne affectée verra son prochain Échec cri-
dieux n’ont que faire du rituel, seul compte la foi. tique transformé en Réussite normale.
Cette Compétence sert, lorsqu’un personnage a Un personnage ne peut tenter plus d’un jet de Sa-
perdu des points de Foi, à pratiquer les rituels de contri- crifice par semaine.
tion, de méditation ou de dévotion qui permettent de Avec Sagesse : comme la prière, le sacrifice est un
regagner ces points. Un personnage doit consacrer au acte long et éprouvant, on l’exécute avec le Souffle.
moins une demi-journée ou une nuit à la prière avant Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
d’effectuer son jet. Le SD du jet est généralement fixé foi agalanthéenne, foi escarte, etc.
à 9, mais les icônes, l’encens, l’exercice dans un temple
ou sur une terre sacrée peuvent éventuellement l’amoin-
drir. Une Réussite normale permet de regagner tous les
points perdus ou dépensés durant la séance de jeu ; une
Réussite critique permet de regagner tous les points per-
dus ou dépensés durant la séance de jeu, plus 1 étoile !
Notes :
• On ne peut regagner des points perdus lors d’une
partie précédente.
• La prière est un acte long, sauf lorsqu’elle est associée
à certaines techniques de Paroles. Dans ces cas d’excep-
tion, la description de la technique en fait mention.
Avec Souffle : la prière est un acte long et éprou-
vant, on l’exécute avec le Souffle.
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
foi agalanthéenne, foi escarte, etc.

Sacrifice
Chacune à leur façon, les religions du monde de
CAPHARNAÜM, utilisent le sacrifice. On sacri-
fie généralement pour apaiser un dieu, ou
gagner son soutien.
Le sacrifice correspond à la réalisation
d’un rituel bien précis, durant lequel on

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Création de personnages

SD de Sacrifice
SD de sacrifice Le SD du jet peut être réduit par diffé-
rents paramètres si le joueur fait l’effort de
1 personne affectée SD 9
raconter la mise en scène et de se procurer
5 personnes affectées  SD 12 des ingrédients particuliers : icônes, encens,
10 personnes affectées SD 15 henné, drogues, vierges, animaux rares.
20 personnes affectées  SD 18 L’exercice dans un temple ou sur une terre
40 personnes affectées SD 21 sacrée peut éventuellement l’amoindrir.
80 personnes affectées SD 24 Quoi qu’il en soit, Al-Rawi ne permet-
160 personnes affectées SD 30 tra jamais la diminution du SD de plus de
2 seuils.

Note : si les personnes que l’on veut « bénir » par le sacrifice sont d’une religion différente de celle du dieu à qui
le sacrifice est dédié, le SD est augmenté de 2 seuils.

Science
Aussi vaste que passionnant, le domaine des S’introduire
sciences ne cesse de s’étendre, d’être remis en ques- Très complémentaire de la Compétence Discré-
tion et de permettre des découvertes toujours aussi tion, S’introduire est la faculté miracle du voleur, de
surprenantes que terrifiantes. Bien que parfois très l’assassin ou de l’espion. Elle permet en effet de savoir
évoluée (chirurgie, mathématiques, astronomie, etc.) rapidement quel est le meilleur moyen de s’introduire
la science de tous les peuples présents dans l’univers dans un bâtiment ou de s’en enfuir. Elle permet aussi
de CAPHARNAÜM en est pourtant à ses balbutie- de crocheter tous les types de serrures, de déceler les
ments et les frontières entre ses différents domaines pièges (même en extérieur) et de se fabriquer en l’es-
ne sont pas toujours très claires. pace de quelques minutes le nécessaire pour crocheter
Avec Coordination  : opérer un blessé, faire une un mécanisme de fermeture.
manipulation pratique quelle que soit la science Avec Coordination  : escalader tout rempart ou
concernée, doser une potion de soins, etc. mur construit par l’homme (en décelant ses aspérités
Avec Sagesse : diagnostiquer une maladie, recon- et ses failles), se faufiler dans un boyau étroit, rebondir
naître une plante, connaître le mode de vie de telle sur un auvent, crocheter une serrure, etc.
espèce animale, connaître les noms des constellations, Avec Sagesse : étudier un plan de bâtiment, détec-
l’anatomie d’une créature surnaturelle, analyser l’éco- ter un piège, fabriquer un nécessaire de crochetage.
système d’un Mirage, etc. Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  : contorsion, crochetage, évasion, intrusion, etc.
corpus de la vie (botanique, chirurgie, géologie, mé-
decine, zoologie, etc.), corpus de l’esprit (astrologie, Tenir le coup*
chimie, mathématiques, Œufs-univers, phénomènes Que l’on soit nomade ou sédentaire, travailleur ou
physiques, etc.), corpus de l’âme (les Mirages, la vie aventurier, on est souvent confronté à des épreuves de
après la mort, la démonologie, la psychologie, etc.) longue haleine, aux intempéries, à un soleil mordant,

271
chapitre polymnie

à la faim et à la soif. Résister à la chaleur, marcher qu’il Points de répartition libre


pleuve ou qu’il vente, nager malgré la tempête... Toutes
ces épreuves où le monde lui-même vous pousse au- Le monde est vaste et ses chemins sont sinueux.
delà de vos limites d’endurance et de volonté sont Deux personnes nées au même endroit et ayant suivi
simulées par Tenir le coup. De même, lorsqu’un per- le même enseignement ne seront pour autant jamais
sonnage est exposé à la maladie ou à un poison, c’est sa identiques. Chaque joueur reçoit 5 points à répartir
Compétence Tenir le coup qui pourra le tirer d’affaire dans les Compétences de son personnage, comme
(cf. Transcendance ci-dessous). bon lui semble à condition de ne pas attribuer plus de
Note : on ne nage pas pour le plaisir ni pour le sport, 2 points de cette façon à une même Compétence et de
mais pour survivre ; c’est donc avec Tenir le Coup que l’on ne pas dépasser un niveau maximum de 5.
nage et non pas avec Épreuve. Si des points de Compétences ont été mis de côté
Avec Souffle : tenir le coup est une mise à l’épreuve lors des étapes précédentes, ils sont répartis lors de la
de l’endurance et de la pugnacité du personnage, elle présente étape.
fonctionne toujours avec le Souffle.
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  :
résister au chaud, résister au froid, supporter la faim et
La légende
la soif, nager, etc. Il est temps de donner de la couleur au vécu de
Transcendance  : il est possible de récupérer plus l’Héritier des dragons ! Les tables aléatoires propo-
vite si le personnage est blessé, empoisonné ou malade, sées ci-après permettent d’ajouter jalons dans la vie
en faisant un jet de Souffle + Tenir le coup (1 Vantar- passée du personnage. Leur but n’est en aucun cas
dise obligatoire minimum) SD 6. Ce jet peut être réa- de contredire ou de déformer ce qu’a pu imaginer le
lisé une fois par jour et permet de récupérer QR Points joueur. Chacune d’entre elles pourra donc être adap-
de Vie, en plus du score de Trempe habituel. tée pour coller au mieux au concept de l’Héritier, en
accord avec le joueur et Al-Rawi.
Verbe sacré Premier temps : tirer deux fois sur la table de Sang
Cette Compétence est celle grâce à laquelle les ma- du personnage et appliquer les effets décrits.
giciens et sorciers de toutes cultures et de tous ordres Si pour une raison ou une autre le personnage suit
prononcent ou tracent les termes magiques nécessaires une Parole d’un pays différent de son Sang, tirer une
à l’accomplissement de leurs sorts. fois sur la table de son Sang et une fois sur celle du
Avec Sagesse : lancer un sort, improviser un sort, Sang correspondant à sa Parole.
mémoriser une formule, etc. Exemple : un Saabi ayant suivi l’enseignement d’une
Règles avancées (Spécialisation et Expertise)  : Académie escarte, tirera une fois sur la table des Saabi et
Créer, Transformer, Détruire. une fois sur celle des Escartes.
Second temps  : tirer une fois sur la table corres-
Étape 5 : Finitions pondant à la Figure principale du personnage et appli-
Durant cette ultime étape seront données quelques quer les effets décrits.
touches complémentaires au personnage. C’est le mo- Troisième temps : tirer deux fois sur la table des
ment de le personnaliser une dernière fois, de connaître Figures. Chaque tirage vous indique dans quelle table
son niveau de richesse et ses possessions, de détermi- spécifique un second tirage devra être effectué. Appli-
ner ses Points de Vie et son Initiative pour le combat, quer enfin les effets décrits pour ces derniers tirages.
ainsi que de déterminer aléatoirement quelques événe- Quatrième temps : tirer une fois sur la table Héri-
ments pour illustrer son destin. tage des dragons.
Note : si un tirage devait faire dépasser au personnage le
niveau maximum de 5 (Compétence) ou de 4 (Caractéris-

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Création de personnages

tique) alors que le texte n’en spécifie pas la possibilité, le joueur Escarte
devrait effectuer un nouveau jet de dé en remplacement. Lancer 2d6
Note 2 : certains descriptifs des tables aléatoires sont 2 : Pèlerinage au Magisterium : Foi + 1.
frappés d’un astérisque. Un astérisque (*) signifie que le 3  : A passé une partie de son enfance à exercer
personnage gagne 1 point de contact. Deux astérisques comme enfant d’Æther dans une église : Prière + 1.*
(**) signifient qu’il en gagne 3 (cf. Amis et relations 4 : Famille ravagée par la peste, a été élevé par un
p.278). représentant important de son Académie (cf. Pa-
roles) : Fidélité + 1.**
Agalanthéen 5  : A passé une partie de son enfance à exercer
Lancer 2d6 comme serviteur attitré d’un maître de son Aca-
2 : Pèlerinage sur le lieu où Agalanthe fut épargné démie (cf. Paroles). Le personnage gagne un bonus
par les dieux : Foi + 1. de + 1 dans l’une des Compétences favorisées par
3  : A passé une partie de son enfance à exercer l’École.**
comme apprenti et serviteur dans un temple  : 6 : A mené une expédition en territoire hostile pour
Prière ou Sacrifice + 1.* sauver sa ville de la famine : Bravoure + 1.*
4 : Parents tués par des pillards dorkades, a été éle- 7 : A participé lors de sa jeunesse à un pogrom es-
vé par un représentant important de son École (cf. carte (massacre de païens non convertis, chasse aux
Paroles) : Fidélité + 1.** Shiradim, chasse aux sorcières, etc.) : Sacrifice + 1.
5  : A passé une partie de son enfance à exercer 8 : Lointaine origine arakognanne (si Sang arako-
comme serviteur attitré d’un maître de son École gnan, annuler ce jet et recommencer) : Équitation
(cf. Paroles). Outre le lien filial et indéfectible qui + 1.
a pu se créer, le personnage gagne un bonus de 9  : Lors d’un périple en Aragón, a brillé pendant
+  1 dans l’une des Compétences favorisées par une bataille visant à empêcher l’avancée saabi  :
l’École.** Commandement + 1.**
6 : A combattu dans l’arène pour sauver des inno- 10  : Lointaine origine dorkade (si Sang dorkade,
cents : Bravoure + 1.* annuler ce jet et recommencer) : Épreuve + 1.
7  : A participé dans sa jeunesse à des courses de 11 : Lors d’un périple en Dorkadie, a participé à un
chars : Équitation + 1. long voyage (commercial, militaire, d’exploration,
8 : Lointaine origine théréméenne (si Sang théré- etc.) dans les glaciales et hostiles terres du septen-
méen, annuler ce jet et recommencer) : Arme + 1. trion : Périples + 1.*
9 : De passage quelques semaines, mois ou années, 12 : Lointaine origine occidentine (si Sang occiden-
dans une cité, le personnage a appartenu à une tin, annuler ce jet et recommencer) : Élégance + 1.
troupe de théâtre : Comédie + 1, ou Poésie + 1, ou
Musique + 1.* Saabi
10 : Lointaine origine fragrantine (si Sang fragran- Lancer 3d6
tin, annuler ce jet et recommencer) : Élégance + 1. 3  : Pèlerinage sur les ruines du village des Pro-
11 : De passage quelques semaines, mois ou années, phètes : Foi + 1.
dans une cité, le personnage a travaillé comme 4 : A été le serviteur personnel d’un kahini durant
soigneur pour les chevaux d’une écurie d’auriges une grande partie de son enfance : Prière + 1.**
(Agriculture +  1), ou comme masseur-parfumeur 5 : Parents tués par des pillards, a été élevé par un
pour les coureurs (Flatter + 1).* représentant important de sa Parole : Fidélité + 1.**
12 : Lointaine origine étrusienne (si Sang étrusien, 6  : A participé, au nom de sa Parole, à une mis-
annuler ce jet et recommencer)  : Équitation ou sion de conciliation ou de conflit entre Jergath-la-
Périples + 1. Grande et l’un des royaumes caravaniers : + 1 dans

273
chapitre polymnie

l’une des Compétences favorisées par la Parole.** 10  : Lointaine origine ashkene (si Sang ashken,
7  : A traversé un territoire djinn sans arme pour annuler ce jet et recommencer) : Ne pas perdre la
prouver son amour à une femme : Bravoure + 1. face + 1.
8 : A voyagé durant quelque temps, par obligation 11 : A vécu dans une enclave shirade en Occident :
ou par choix, avec la Califah al Sahla’ (la Caravane Flatter + 1.**
de la Purification des Tarekides) : Sacrifice + 1.* 12 : Lointaine origine salone (si Sang saloni, annuler
9  : Lointaine origine hassanide (si Sang Abd-Al- ce jet et recommencer) : Science ou Assassinat + 1.
Hassan, annuler ce jet et recommencer) : Entraîne-
ment + 1. Figures
10 : A travaillé un temps dans une école militaire de Lancer 1d8 ou choisir
Jergath-la-Grande : Arme ou Commandement + 1.* 1 - L’Aventurier
11 : Lointaine origine salifah (si Sang Abd-Al-Salif, 2 - Le Guerrier
annuler ce jet et recommencer) : Élégance + 1. 3 - Le Sage
12 : A vécu à Jergath-la-Grande, ou dans toute autre 4 - Le Poète
grande ville saabi : Négoce & Salamalecs + 1.* 5 - Le Prince
13 : Lointaine origine tarekide (si Sang Abd-Al-Ta- 6 - Le Malandrin
rek, annuler ce jet et recommencer) : Assassinat + 1. 7 - Le Sorcier
14 : Sur la route ! A vécu parmi les bédouins durant 8 - Le Travailleur
de longs mois : Périples + 1.*
15 : A vécu dans une enclave saabi en Aragón pen- L’Aventurier
dant quelques temps : Agriculture + 1 ou Contes + 1 Lancer 2d6
ou Peuples & Histoire + 1.* 2 : Possède un objet rare et mystérieux (tapis volant,
16-17-18 : A participé à la Quête Sainte lors de l’in- lampe magique, etc.) à décider avec Al-Rawi (qui pour-
vasion escarte : Tenir le coup + 1. ra se reporter aux chapitres Terpsichore et Erato du
Livre d’Al-Rawi afin de trouver des exemples d’objets).
Shiradim 3-4  : A disputé les épreuves d’athlétisme d’une
Lancer 2d6 grande cité : Épreuve + 1.
2 : Pèlerinage au temple de Sagrada : Foi + 1. 5-6 : A participé à une course montée très réputée (tra-
3  : A passé une partie de son enfance à exercer versée du désert, course de chars, etc.) : Équitation + 1.*
comme serviteur d’un kahan : Prière + 1.** 7-8 : A survécu à un voyage périlleux : Périples + 1.
4 : Parents tués par des pillards tarekides, a pris en 9-10 : Traversée du désert avec des inconnus deve-
charge ses frères et sœurs de Parole : Fidélité + 1.* nus des amis* : Contes + 1.
5  : A passé une partie de son enfance à exercer 11-12 : Voyage fabuleux à travers le monde : Contes
comme serviteur attitré d’un Sage de sa Parole. Le + 1, Périples + 1.
personnage gagne un bonus de + 1 dans l’une des
Compétences favorisées par la Parole.** Le Guerrier
6  : A traversé un territoire djinn sans arme pour Lancer 2d6
prouver son amour à une femme : Bravoure + 1. 2 : Possède une armure ou une arme de qualité ex-
7  : A été persécuté par des intégristes escartes ou ceptionnelle (+ 2 aux Dégâts pour l’arme, ou + 2 au
saabi : Tenir le coup + 1. Seuil de Protection de l’armure).
8 : Lointaine origine pharate (si Sang pharati, annu- 3-4 : A participé à une bataille célèbre : Arme + 1.
ler ce jet et recommencer) : Enseignement + 1. 5-6 : A dû, par la force des choses, prendre la tête
9 : A participé à la Quête Sainte et défendu Sagrada : d’un groupe de civils (paysans, esclaves, carava-
Arme + 1. niers) pour les aider à se défendre lors d’un siège :

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Création de personnages

Commander + 1.* 11-12 : Possède un instrument de musique dont le


7-8  : A eu pour ami, ou pour maître, un célèbre son endort les animaux d’une espèce particulière
guerrier appartenant à une armée d’élite : Entraîne- (à déterminer avec Al-Rawi : félins, canins, reptiles,
ment + 1.* etc., tout sauf les abzoulim) en 1D6 secondes.
9-10 : Lorsque le personnage est en danger, une lé-
gère aura pourpre semble émaner de son empreinte Le Prince
du dragon : Impressionner + 1. Lancer 2d6
11-12 : Vétéran, même s’il est jeune, le personnage 2 : Possède une guilde commerçante ou toute autre
a derrière lui une solide expérience du combat et il entreprise qui lui rapporte de l’argent sans qu’il ait à
est difficile de l’ignorer : Entraînement + 1, Impres- lever le petit doigt. Son niveau de Richesse est aug-
sionner + 1. menté de 2.*
3-4 : A été courtisan dans l’une des grandes cités de
Le Sage son pays : Ne pas perdre la face + 1.*
Lancer 2d6 5-6 : A été ambassadeur, consul, ou tout autre re-
2 : A lu un manuscrit datant des Prophètes (de Ja- présentant de son roi à l’étranger : Élégance + 1.*
son pour les Escartes, ou de la République pour les 7-8 : A été l’un des favoris de son prince (ou de sa
Agalanthéens) chez un savant aujourd’hui décédé princesse) : Flatter + 1.*
(le texte a disparu avec lui) : Sagesse + 1. 9-10  : A protégé et administré d’importantes ri-
3-4 : A voyagé aux côtés d’un célèbre médecin shi- chesses pour sa tribu, voire pour son royaume  :
radi : Science + 1.* Négoce & Salamalecs + 1.* Son niveau de Richesse
5-6 : A étudié dans une université agalanthéenne : est désormais de 4.
Enseigner + 1. 11-12 : Est, ou a été (cf. Richesse et Possessions), sei-
7-8 : A assisté un historien dans la rédaction d’un gneur d’une région, maître d’un palais, chef d’un
traité encyclopédique : Peuples & Histoire + 1.* clan mineur : Négoce & Salamalecs + 1, Flatter + 1.**
9-10 : A été le médecin et/ou confident d’une prin- Son niveau de Richesse est désormais de 5.
cesse (ou d’un prince) : Flatter + 1, Poésie + 1.**
11-12 : A été le médecin et/ou l’amant d’une prin- Le Malandrin
cesse (ou d’un prince) : Élégance + 1, Flatter + 1.** Lancer 2d6
2 : A trouvé un trésor, détroussé un riche bourgeois
Le Poète ou mis en place un réseau de prostitution et de racket
Lancer 2d6 qui lui rapporte de l’argent sans qu’il ait à lever le pe-
2  : A lu l’Agalanthéide (ou tout autre livre fonda- tit doigt. Son niveau de Richesse est augmenté de 1.*
teur) sur un manuscrit très ancien, peut-être même 3-4 : A assassiné un homme riche et célèbre : Assas-
d’époque, possédé par un vieil histrion aujourd’hui sinat + 1.
décédé (le texte a disparu avec lui) : Charme + 1. 5-6 : A organisé le détournement d’une importante
3-4 : A joué la pièce d’un grand auteur, ou participé caravane : Détrousser + 1.
à des duels de poésie, durant un festival très impor- 7-8  : A été espion pour un seigneur ou un riche
tant : Galvaniser + 1. bourgeois : Discrétion + 1.**
5-6 : A sauvé un village entier d’un massacre grâce à 9-10  : S’est échappé d’une terrible prison (ou-
son bagout : Comédie + 1.* bliettes escartes, labyrinthe agalanthéen, etc.)  :
7-8 : A écrit une pièce de théâtre, ou une épopée S’introduire + 1.
poétique qui a connu un certain succès : Poésie + 1. 11-12 : A servi les intérêts d’un réseau criminel tout
9-10 : A fait partie d’une célèbre troupe d’artistes en étant infiltré chez un seigneur : Discrétion + 1,
ambulants : Musique + 1.* S’introduire + 1.**

275
chapitre polymnie

Le Sorcier 6  : Appartient à une lignée d’Héritiers. L’un des


Lancer 2d6 lointains ancêtres du personnage (il y a au moins six
2 : Possède une relique à l’effigie d’un des dieux de siècles) a affronté un seigneur des mondes inférieurs
son peuple. Tant qu’il la possède, la QR de tous ses en combat singulier et l’a vaincu : Bravoure +1.
jets de Verbe sacré est augmentée de 1. 7  : Appartient à une lignée d’Héritiers. L’un des
3-4 : A vécu une expérience mystique, une sorte de lointains ancêtres du personnage (il y a au moins
voyage astral (traversée des enfers, combat spirituel six siècles) était et reste considéré comme une divi-
contre une créature démoniaque, etc.) : Inspiration nité mineure, un esprit de la nature, un djinn, etc.
+ 1. (au choix du joueur) par les habitants de la région :
5-6 : A servi de guide spirituel à une personne im- Foi +1.
portante de son peuple : Prière + 1.** 8  : Appartient à une lignée d’Héritiers. L’un des
7-8 : A été employé dans un temple : Sacrifice + 1. lointains ancêtres du personnage (il y a au moins six
9-10 : A été le disciple d’un célèbre sorcier : Verbe siècles) a participé à la fondation de sa propre École
sacré + 1.** ou Académie ou a propagé sa propre interprétation
11-12 : A été membre d’une puissante secte (prônant de sa Parole (et demeure reconnu par la Parole offi-
le bien ou le mal) : Sacrifice + 1, Verbe sacré + 1.** cielle) : Fidélité +1.
9 : Un personnage étrange, homme du désert vêtu
Le Travailleur de noir et dont le visage dissimulé sous un voile
semble être fait d’argent, suit l’Héritier qui l’entre-
Lancer 2d6
voit souvent, au détour d’une rue, en haut d’une
2  : Esclave affranchi pour son dévouement et son
dune… Il se sent étrangement lié avec cette insai-
opiniâtreté : Souffle + 1.
sissable personne. L’Héritier gagne un point dans
3-4 : A travaillé dans les jardins suspendus de Car-
une Compétence d’Aventurier ou de Travailleur de
rassine (ou toute autre structure de cette ampleur) :
son choix, avec possibilité de dépasser le score de 5.
Agriculture + 1.
10 : Par deux fois, manquant de mourir au combat,
5-6  : A servi chez l’un des plus grands artisans de
l’Héritier fut sauvé par une flèche qui, semblant
Fragrance : Artisanat + 1.*
sortie de nulle part, vint se ficher dans la gorge de
7-8 : Pris au service d’un seigneur de Sagrada, le per-
son agresseur… Il n’a vu personne, mais a l’étrange
sonnage a beaucoup voyagé et exercé de nombreux
sentiment que cela pourrait se reproduire (au choix
métiers : Compagnonnage + 1.**
d’Al-Rawi) et qu’un lien existe entre le tireur invi-
9-10 : A travaillé de force dans un moulin à eau, une
sible et lui-même. L’Héritier gagne un point dans
galère ou une mine : Tenir le coup + 1.
une Compétence de Guerrier de son choix, avec
11-12  : Possède un atelier ou une petite manufac-
possibilité de dépasser le score de 5.
ture. Son niveau de Richesse est augmenté de 1.*
11 : La marque du dragon que porte l’Héritier dans
le dos brille d’une légère aura bleutée. L’Héritier
Héritage des dragons gagne un point dans une Compétence de Sage de
Lancer 3d6 son choix, avec possibilité de dépasser le score de 5.
1-5  : Appartient à une lignée d’Héritiers. Bien 12  : Lorsqu’il compose une œuvre musicale, un
qu’il n’y ait plus eu d’Héritiers des dragons dans poème ou une pièce de théâtre, ou bien lorsqu’il est
sa famille depuis des siècles, la tradition parle de devant un public pour interpréter une œuvre, l’Hé-
nombreux héros flamboyants parmi ses lointains ritier entend les voix des muses qui lui susurrent à
ancêtres. Il gagne deux points à répartir dans deux l’oreille quelques conseils. Étrange au début, cette
Compétences de sa Figure principale et peut dépas- sensation est aujourd’hui entrée dans ses habitudes.
ser le maximum de 5. L’Héritier gagne un point dans une Compétence de

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Création de personnages

Poète de son choix, avec possibilité de dépasser le le dos brille d’une aura couleur de feu. Lorsqu’il
score de 5. combat en plein jour (et uniquement en plein
13 : L’Héritier a d’étranges intuitions dès qu’il s’agit jour) le héros est particulièrement sujet au Souffle
de commettre un certain type d’infraction aux lois des dragons : son Dé Dragon est relancé lorsqu’il
et traditions. Il sent le danger ou bien comprend donne un 6, ainsi que lorsqu’il donne un 5 !
le fonctionnement des serrures avec une facilité Note : cette spécificité ne s’applique pas aux Dés Dra-
incroyable… L’Héritier gagne un point dans une gons acquis ultérieurement, après la phase initiale de créa-
Compétence de Malandrin de son choix, avec pos- tion du personnage.
sibilité de dépasser le score de 5.
14  : Les démons, les djinns et les autres créatures
des mondes mystérieux sont semble-t-il, en perma-
Un passé
nence en train de veiller sur l’Héritier. Sans qu’il Le personnage a un nom, une famille, des amis,
sache qui exactement est à ses côtés pour l’aider, une vie bien remplie. Certains éléments sont fournis
dieux ou diables, il sent une force magique l’emplir par les étapes précédentes, mais pour le reste c’est au
de puissance et l’aider dans ses actions magiques. joueur de compléter. Le personnage a-t-il un but dans
L’Héritier gagne un point dans une Compétence la vie ? Des principes ? Un code de conduite ? Com-
de Sorcier de son choix, avec possibilité de dépas- ment perçoit-il les autres peuples ? A-t-il déjà voyagé ?
ser le score de 5. De surcroît, il gagne 1D6 Points Jusqu’où est-il allé ? Que représente pour lui l’Héri-
d’Aventure supplémentaires pour créer son shaytan tage des dragons ? Et pour ses proches ?
(à gérer avec votre Al-Rawi, qui se reportera pour Enfin, il est important que le joueur ait une vision
se faire au chapitre Terpsichore du Livre d’Al-Rawi, assez claire de ce que son personnage a fait durant la
p.116). Quête Sainte. En effet, ces événements récents ont
15 : Fait un rêve récurrent : un Agalanthéen armé bouleversé le monde et nul au Capharnaüm n’a pu
d’un cimeterre saabi se dirige vers un trône dans une l’ignorer. La plupart des personnages escartes seront
vaste et luxueuse demeure. L’homme s’assied sur le d’anciens soldats, soigneurs, aumôniers militaires,
trône fait d’or et de pierres précieuses et contemple etc. engagés de gré ou de force et restés refaire leur vie
un triste spectacle : mille et un cadavres dont il est sur Jazîrat pour des raisons personnelles. Des Agalan-
l’auteur. L’Héritier se réveille alors en sueur avec la théens seront sans doute là pour des raisons similaires,
sensation de pouvoir en faire autant et régner sur le mais ils peuvent aussi avoir toujours vécu dans l’une
monde ! Il gagne un point dans une Compétence des grandes villes du Capharnaüm. Pour des Saabi ou
de Prince de son choix, avec possibilité de dépasser des Shiradim, la question sera encore plus simple : il
le score de 5. s’agit de leur terre !
16  : Se réveille parfois à plusieurs kilomètres de
là où il s’était endormi, avec l’étrange impression
d’avoir marché toute la nuit. Parfois il a du sang
sur les mains et un étrange sentiment de joie et de
victoire qu’il n’explique pas. Il gagne un point en
Coordination ou Puissance (au choix), avec la pos-
sibilité de dépasser le score de 4.
17  : Fait un rêve récurrent  : un homme, qui ne
semble pas être lui, s’ébat amoureusement avec une
déesse : Souffle, Charme ou Sagesse (au choix) +1,
avec la possibilité de dépasser le score de 4.
18 : La marque du dragon que porte l’Héritier dans

277
chapitre polymnie

Racisme et intégrisme sont à proscrire !


Bien que la religion soit au cœur des intrigues de CAPHARNAÜM, il revient à Al-Rawi et à ses joueurs
de veiller à ce que leurs parties ne soient pas gâchées par d’incessantes attaques sur la religion de l’un ou de
l’autre. Il est évident que les Saabi prennent un peu de haut les Shiradim, qui considèrent les Agalanthéens
comme des brutes dégénérées. Quant aux Escartes, leur religion les pousse à détruire ceux qui n’adorent pas
Æther et Jason. Il y a de surcroît fort à craindre de la présence de Tarekides à une table, car par définition cette
tribu est peuplée d’intégristes.
Comment le gérer ? Par les vertus que nous entendons promouvoir dans ce jeu : le romanesque, l’amitié, la
camaraderie ! Des personnages d’horizons et de passés différents, même ennemis, vont se retrouver unis par
une même cause le temps d’un premier scénario. La réussite de cette aventure passera avant les convictions
de chacun et des liens d’amitié vont se tisser. Au-delà, ils se trouveront un but commun sur le long terme :
l’Héritage des dragons.
Bien entendu, les divergences d’opinions demeureront au nom du roleplaying, mais elles ne doivent en
aucun cas prendre le pas sur le plaisir de chacun. Si un problème persiste, Al-Rawi aura soin de rappeler à cha-
cun que Monsieur de Rochefort et le Gascon d’Artagnan sont au final devenus les meilleurs amis du monde !

Amis et relations (optionnel) un point et un contact de niveau 2 coûte trois points.


Au cours de sa vie passée, l’Héritier s’est créé des Exemple  : Amin a un niveau de Fidélité de 3 et un
amitiés et des relations en tout genre. Lors du tirage niveau de Compagnonnage de 3, il a donc six points pour
sur les tables aléatoires, chaque résultat soldé d’une s’inventer des contacts. Le joueur estime qu’Amin s’est
(*) permet de choisir un contact de niveau 1 (une lié d’amitié avec son maître d’escrime, un certain Salim
Connaissance) et chaque résultat soldé de (**) per- Ibn Malik. En dépensant trois points, il fait de Salim un
met de choisir un contact de niveau 2 (un Allié). Les contact de niveau 2. Ce maître sera toujours là pour lui
Connaissances peuvent fournir des informations au enseigner les Paroles suivantes lorsque Amin sera prêt.
personnage ou lui donner accès à une ressource qui ne Avec les quatre points suivants sont créés quatre contacts
met pas en péril son propre confort, celui de ses inté- de niveau 1 : Brijda, prostituée dorkade habitant à Fra-
rêts ou encore celui de ses proches Un Allié peut en grance, Tabir, lointain cousin tenant une échoppe d’épices
revanche s’impliquer dans la requête du personnage. à Sagrada, Ismaïl, compagnon d’armes rencontré sur les
Il pourra aller chercher de l’information, se mettre en bancs de l’école et Yacubi, médecin et apothicaire shiradi
danger pour obtenir une ressource, etc. officiant à Carrassine.
Dans tous les cas, chaque service est à charge de re-
vanche. Il est impossible de solliciter un nouveau contact Survie et Initiative
tant que le personnage ne lui a pas rendu la pareille. Al-
Rawi pourra trouver d’autres informations à leur sujet Lors de ses aventures, la santé d’un personnage
dans le Livre d’Al-Rawi, chapitre Melpomène p. 246. est souvent mise à rude épreuve. D’autre part, il est
De plus, chaque personnage dispose d’un nombre souvent confronté à des situations de combat et il est
de points égal à la somme de son score de Fidélité et important de connaître dès à présent son score d’Ini-
de Compagnonnage pour déterminer les contacts liés tiative maximale (cf. Annexes - Le Combat, p.289) .
à son Sang, à sa Parole ou à sa Figure principale. Libre La santé d’un personnage est définie par deux para-
au joueur de s’imaginer un mentor, un maître à pen- mètres extrêmement importants  : ses Points de Vie
ser, un meilleur ami, etc. Un contact de niveau 1 coûte (PV) et sa Trempe.

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Création de personnages

Les Points de Vie représentent l’état de santé réel du Le Guerrier  : une armure légère, trois armes au
personnage. Ils sont égaux à dix fois la Caractéristique choix (1D6 x 10 flèches pour les archers), une tenue
de Souffle du personnage. Si en cours de jeu ces points de ville, un cheval ou un dromadaire.
sont réduits à zéro, le personnage tombe dans le coma Le Sage  : trois tenues de ville, un khanjar, 3D6
et peut éventuellement mourir s’il n’est pas soigné. livres ou parchemins (sujets au choix), un nécessaire
La Trempe se recalcule au début de chaque séance de calligraphie, un nécessaire d’orientation astrono-
de jeu (en même temps que l’Héroïsme) et reste va- mique, une grotte d’ermite ou une chambre universi-
lable tant que l’Héroïsme n’est pas modifié (les joueurs taire ou une maison (au choix, rester cohérent avec le
peuvent dépenser des points d’Héroïsme dans cer- niveau de Richesse du personnage).
taines circonstances). Elle est égale à la somme des Le Poète : trois tenues de spectacle, une tenue de
scores de Souffle et d’Héroïsme. Le Seuil de Protection ville, un nécessaire de peinture ou un nécessaire de
d’une armure ou bouclier vient se rajouter à ce total. jonglerie, ou un instrument de musique, ou trois livres
L’Initiative maximale est égale à la moyenne des ou parchemins de poésie ou de théâtre.
scores de Coordination, de Souffle et de Sagesse du Le Prince : des terres et un bien immobilier (châ-
personnage plus 1. teau, villa urbaine, etc., rester cohérent avec le niveau
La Défense passive sera utilisée lorsque le person- de Richesse du personnage), cinq armes au choix
nage se retrouvera sans défense lors d’un combat ou (1D6 x 10 flèches pour les archers), une armure légère
qu’il décidera de ne pas utiliser de Phase pour se dé- ou lourde (au choix), un harem de 3D6 concubines
fendre (cf. Annexes —Le Combat, Attaque, p.290). Elle et 1D6 épouses (pour les personnages masculins) ou
est égale à la somme de la Coordination et du score de
la Compétence Épreuve plus 6.
Init-max = 1 +  (Coordination +  Souffle +  Sa-
gesse) / 3
Trempe = Souffle + Héroïsme (+ armure)
PV = Souffle x 10
Défense passive = Coordination + Épreuve + 6

Richesse & Possessions


Voici donc l’Héritier fin prêt à partir à l’aven-
ture, mais on ne va pas le laisser embrasser sa des-
tinée les mains vides. Il est temps de déterminer
ses possessions.
Dans un premier temps, le joueur doit prendre en
compte sa Figure principale. Celle-ci lui attribue un
certain nombre de biens.
L’Aventurier : une arme au choix, un jambiya, un
arc court et quinze flèches ou un javelot, une tenue de
ville, une tenue complète de voyage dans le désert, des
chaussures confortables ou des sandales, une
tente, un dromadaire ou un cheval, vingt
mètres de corde, trois larges sacs de cuir,
cinq torches, un brûloir à encens portatif.

279
chapitre polymnie

1D6 amants éperdus et dévoués et 2D6 dromadaires • Niveau de Richesse 0  : personnage pauvre,
(pour les personnages féminins), 2D6 esclaves pour les matériel de mauvaise qualité. Argent de départ  :
Saabi et les Agalanthéens. Il s’agit de serfs pour les Oc- Négoce & Salamalecs x 10 onces de cumin.
cidentins et de serviteurs dévoués pour les Shiradim, • Niveau de Richesse 1 : personnage peu aisé,
les Arakognans et les Dorkades. matériel de qualité moyenne. Argent de départ  :
Le Malandrin : trois tenues de ville, un nécessaire Négoce & Salamalecs x 50 onces de cumin.
de crochetage, un khanjar, une arme au choix (plus • Niveau de Richesse 2 : personnage aisé, maté-
1D6 flèches s’il s’agit d’un arc). riel de bonne qualité. Argent de départ : Négoce &
Le Sorcier : une tenue de cérémonie, une tenue de Salamalecs x 100 onces de cumin.
ville, 1D6 parchemins ou grimoires contenant chacun • Niveau de Richesse 3 : personnage riche, maté-
trois sorts (ou Éléments magiques) que le personnage riel de très bonne qualité. Argent de départ  : Né-
n’a pas encore appris. goce & Salamalecs x 500 onces de cumin.
Le Travailleur : une tenue de travail, une tenue de Niveaux de Richesse supérieurs obtenus lors du
ville, un nécessaire lié à son artisanat et selon sa prédi- tirage de la Légende du personnage.
lection : une tenue complète de voyage dans le désert • Niveau de Richesse 4 : personnage richissime,
(L’Aventurier), une arme au choix (Le Guerrier), un matériel de qualité supérieure. Argent de départ  :
nécessaire de calligraphie (Le Sage), un nécessaire ar- Négoce & Salamalecs x 1000 onces de cumin.
tistique ou un instrument de musique (Le Poète), une • Niveau de Richesse 5 : personnage extraordi-
arme au choix (Le Prince), un nécessaire de crochetage nairement riche, matériel de qualité exceptionnelle.
(Le Malandrin), une tenue de cérémonie (Le Sorcier). Argent de départ  : Négoce & Salamalecs  x  5000
onces de cumin.
Dans un second temps, il faut déterminer la qualité Enfin, avec l’argent de départ, chaque joueur n’a plus
du matériel possédé par le personnage en fonction du qu’à acheter le matériel complémentaire qu’il désire.
classement attribué par le joueur à la Figure du Prince.

Qualité du matériel et de l’équipement


La gestion de la qualité des objets est laissée à la discrétion d’Al-Rawi, mais voici quelques applications
possibles pour le guider :
• Les objets de mauvaise qualité ne réduisent pas les capacités d’un personnage, mais deviennent inu-
tilisables au moindre Échec critique (une arme se brise, un vêtement se déchire, un bâtiment s’écroule, etc.).
• Les objets de qualité moyenne, bonne ou très bonne, ne changent pas non plus les capacités d’un
personnage, mais peuvent jouer en sa faveur lors d’un échange social (des vêtements de qualité moyenne
seront moins favorables que des vêtements de qualité supérieure, etc.).
• Les objets de très bonne qualité, même endommagés, sont toujours réparables.
• Les objets de qualité supérieure ont des effets majorants (par exemple, les Dégâts causés par une
arme sont majorés d’un point, le Seuil de Protection d’une armure augmente d’un point, un cheval aug-
mente d’un niveau la QR de tous les jets d’Équitation, etc.).
• Les objets de qualité exceptionnelle ont des effets majorants (par exemple, les dégâts causés par une
arme sont majorés de deux points, le Seuil de Protection d’une armure augmente de deux points, un cheval
augmente de deux niveaux la QR de tous les jets d’Équitation, etc.).

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Création de personnages

Résumé de l’Étape 5 : la table d’Héritage des dragons. Inventer le passé


Répartir librement 5 points de Compétences du personnage et l’agrémenter des résultats des
(pas plus de 2 points dans une même Compétence tables aléatoires.
et interdiction de dépasser un niveau de 5). Déterminer ses contacts et relations.
Tirer aléatoirement  : deux fois sur la table de Calculer sa Trempe, ses Points de Vie, son Init-
Sang, une fois sur la table de la Figure principale, max et sa Défense passive. Déterminer son équipe-
deux fois sur la table des Figures et une fois sur ment et son niveau de Richesse.

Création alternative ?
À chaque table de jeu de rôle, il se trouve toujours un joueur pour trouver le système de création trop étri-
qué, trop étroit pour son immense talent créatif. Soit ! Il est possible de s’affranchir de la présente création
de personnages en répartissant librement les points suivants :
• 13 points à répartir dans les Caractéristiques, sans dépasser le niveau de 4.
• 47 points à répartir dans les Compétences, sans dépasser le niveau de 5.
• 7 points à répartir dans les Vertus héroïques Bravoure et Foi (Fidélité est à 0 pour le moment, car il
ne suit pas de Parole et n’a pas encore de véritables compagnons d’aventure), sans dépasser le niveau de 6.
• Le personnage doit toutefois déterminer à quel Sang il est lié (mais il n’en applique pas les bonus) et
classer les Figures afin de pouvoir consulter normalement les tables aléatoires de l’Étape 5. Si les résultats
des tirages sur les tables aléatoires font référence à la Parole suivie par le personnage, le joueur devra effec-
tuer un nouveau jet de dés — théoriquement, il ne suit en effet aucune Parole.

Note : l’étape 5 est appliquée normalement, à l’exception des points de répartition libre qui sont déjà comptés
dans les 47 répartis ci-dessus.

Un personnage créé de cette façon ne peut théoriquement pas suivre une Parole, mais si le joueur tient à
suivre absolument une Parole sans entrer dans le moule de la Caractéristique et des Compétences offertes,
Al-Rawi peut lui accorder la technique de Première parole (sans les bonus de Caractéristique et de Compé-
tences). Dans ce cas précis, les points de Vertus héroïques à répartir ne sont plus au nombre de 7, mais de 10.
Enfin, le personnage, quel qu’il soit, doit être un Héritier des dragons. Si le joueur ne veut pas remplir
cette condition, qu’il aille gentiment faire le thé pour ses camarades et qu’il les laisse jouer à CAPHAR-
NAÜM : L’Héritage des dragons.
Pour finir, Al-Rawi doit savoir que bien que possible, cette méthode de création n’est pas recommandée,
car elle bouleverse certains équilibres du jeu et s’éloigne de son esprit central.

281
chapitre polymnie

Exemple de création de personnages


Silvère s’apprête à créer son premier Héritier des dragons. Après une courte présentation de l’univers par
Al-Rawi, le joueur se plonge dans une lecture rapide du cahier couleur de CAPHARNAÜM : l’Héritage des
dragons. Il visualise désormais un peu mieux ce que sont les différents peuples, ainsi que les ambiances du jeu.
Il s’attaque à la première étape en sachant précisément ce qu’il désire jouer : un guerrier du désert traquant
les démons, jusqu’en enfer s’il le faut !

Étape 1 : choisir son Sang (origine géographique) et noter sur la fiche d’Héritier le point de Carac-
téristique et les points de Compétences offerts.
Silvère décide que son personnage sera un Saabi, de la tribu des Tarekides. Désireux d’une certaine liberté
de culte, il préfère choisir le clan Ibn Mammûd. Il s’appellera Djaïd Ibn Mammûd Abd-Al-Tarek.
Il note ensuite sur sa feuille de personnage les bonus suivants : Coordination + 1 (Djaïd sera plus un com-
battant qu’un prêcheur !), Périples + 1, Prière + 1 et Verbe sacré + 1.
Choisir sa Parole (la voie suivie, l’appartenance morale) et noter sur la fiche d’Héritier le point de Carac-
téristique et les points de Compétences offerts, ainsi que la technique de Première Parole et ses paramètres.
Silvère décide ensuite que Djaïd suivra la Parole de Mammûd, celle conseillée pour un personnage de son
clan. Il note le bonus de Sagesse de + 1 et ceux d’Épreuve + 1, Périples + 1 et Prière + 1. Il recopie sur sa fiche
la technique de sa Parole, ainsi que son statut social (Mudjahid intégriste et vagabond à la limite de l’hérésie)
et sa Vertu héroïque de substitut (Foi).

Étape 2 : répartir 10 points entre Bravoure, Fidélité et Foi. Minimum 1, maximum 6. La moyenne
de la Bravoure, de la Foi et de la Fidélité, arrondie à l’entier inférieur, donne le score d’Héroïsme du
personnage (soit 3 à la création du personnage sauf en cas de modification à l’Étape 5).
Désireux de disposer d’un maximum de points pour activer sa Parole lorsqu’il n’obtiendra pas de Constel-
lation, Silvère décide d’attribuer beaucoup de points à sa Foi. De plus, Djaïd n’a pour l’heure que peu d’amis
et n’est pas du genre à se sacrifier pour des inconnus. Sa Foi sera de 5, sa Fidélité de 2 et sa Bravoure de 3.
Moyenne de ces trois valeurs, son niveau d’Héroïsme est de 3.

Étape 3 : attribuer 1 point à chaque Caractéristique. Répartir 6 points entre toutes les Caractéris-
tiques en additionnant avec les éventuels bonus acquis à l’étape 1, sans dépasser un score de 4.
Djaïd sera un combattant, mais Silvère décide de miser davantage sur l’adresse, la rapidité et l’encaissement
que sur les dégâts. En attribuant un premier point gratuit à chaque Caractéristique et en tenant compte des
bonus acquis à l’Étape 1, ses niveaux sont pour le moment : Coordination 2, Puissance 1, Sagesse 2, Charme
1, Souffle 1. Il lui reste maintenant à répartir 6 points sans dépasser le niveau maximal de 4. Favorisant la
Coordination, la Sagesse et le Souffle, car elles permettent d’avoir un bon score d’Initiative maximale, mais
sans pour autant négliger sa force de frappe, Silvère répartit les derniers points comme suit : Coordination 4,
Puissance 2, Sagesse 3, Charme 1, Souffle 3. Pour justifier un score aussi bas en Charme, Silvère décide que
Djaïd a été défiguré lors d’un combat contre une créature démoniaque.

Étape 4 : d’abord, noter 1 niveau dans les Compétences Négoce & Salamalecs, Inspiration, Prière
et Tenir le coup.

282

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Création de personnages

Silvère note sur sa feuille de personnage les points offerts à cette étape. Cumulés avec ceux de l’Étape 1,
ils lui donnent des niveaux de 1 en Négoce & Salamalecs, en Tenir le coup et en Inspiration, mais déjà de 3
en Prière.
Puis, classer les Figures par ordre décroissant de correspondance avec le personnage et leur attri-
buer les scores suivants : 3, 2, 1, 1, 1, 0, 0 et 0. Enfin, attribuer aux Compétences le score de la Figure
dont elles découlent, sans oublier les acquis de l’Étape 1 (maximum 5).
Djaïd est avant tout un combattant (Le Guerrier 3) téméraire (L’Aventurier 2), mais pour chasser les
démons, il fait aussi souvent appel à la sorcellerie (Le Sorcier 1). Souvent, il doit faire appel à un savoir-
faire d’artisan ou à des compétences d’éleveur pour survivre (Le Travailleur 1) et il n’est pas rare qu’il soit
obligé de voler, de s’introduire dans des lieux interdits, voire d’assassiner lorsque le besoin s’en fait sentir (Le
Malandrin 1). Enfin, il n’est pas un grand homme de lettres (Le Sage 0, Le Poète 0) et bien qu’il appartienne
d’une certaine façon à la noblesse saabi, sa place est plus dans le désert que dans un palais (Le Prince 0).
Ses scores de Compétences sont donc :
• Compétences d’Aventurier (2) : Épreuve 3 (1+ 2), Équitation 2, Contes 2, Périples 4 (1 + 1 + 2)
• Compétences de Guerrier (3) : Arme 3, Commander 3, Entraînement 3, Impressionner 3
• Compétences de Sage (0) : Science 0, Enseigner 0, Peuples & Histoire 0, Percevoir 0
• Compétences de Poète (0) : Galvaniser 0, Comédie 0, Poésie 0, Musique 0
• Compétences de Prince (0) : Ne pas perdre la face 0, Élégance 0, Flatter 0, Négoce & Salamalecs 1 (1 + 0)
• Compétences de Malandrin (1) : Assassinat 1, Détrousser 1, Discrétion 1, S’introduire 1
• Compétences de Sorcier (1) : Inspiration 2 (1 + 1), Prière 4 (1 + 1 + 1 + 1), Sacrifice 1, Verbe sacré 2 (1 + 1)
• Compétences de Travailleur (1) : Agriculture 1, Artisanat 1, Compagnonnage 1, Tenir le coup 2 (1 + 1)
Al-Rawi fait ensuite remarquer à Silvère que, son niveau de Verbe sacré étant supérieur à 0, son Héritier
de dragons a été initié à la Sorcellerie. Il doit donc choisir un Verbe sacré (un seul, son niveau étant inférieur
à 3) et un nombre d’Éléments magiques égal au double de son score de Verbe sacré, soit 4. Djaïd étant chas-
seur de démons, Silvère décide d’orienter sa magie dans ce sens. Il choisit comme Verbe sacré Détruire et
comme Éléments : Démon, Jahannam et Peur dans le Monde Chimérique et Flamme dans le Monde Pro-
saïque. Silvère s’imagine déjà déclamant une destruction par les flammes des démons enfuis du Jahannam ! Et
si ceux-ci sont trop effrayants, il détruira la peur insufflée par le démon enfui du Jahannam… Il réfléchira plus
tard à d’autres combinaisons, mais il est déjà bien content d’avoir trouvé ces deux-là qui, il n’en doute pas, lui
rendront déjà bien des services !

Étape 5 : répartir librement 5 points de Compétences (pas plus de 2 points dans une même Com-
pétence et interdiction de dépasser un niveau de 5).
Silvère décide de monter ses niveaux d’Arme et d’Épreuve à 5. Enfin, il place le dernier point qu’il lui reste
en Percevoir. Cela pourrait lui éviter bien des mauvaises surprises.
Tirer aléatoirement : deux fois sur la table de Sang, une fois sur la table de la Figure principale,
deux fois sur la table des Figures et une fois sur la table d’Héritage des dragons. Inventer le passé du
personnage et l’agrémenter des résultats des tables aléatoires.
Silvère lance deux fois 3D6 sur la table des Saabi et obtient les résultats suivants :
• A été le serviteur personnel d’un kahini durant une grande partie de son enfance : Prière + 1**.
• Lointaine origine hassanide (si Sang Abd-Al-Hassan, annuler ce jet et recommencer) : Entraînement + 1.
Son score de Prière est désormais de 5 et celui d’Entraînement de 4.
Avec 2D6 sur la table du Guerrier, Silvère obtient :

283
chapitre polymnie

• Lorsque le personnage est en danger, une légère aura pourpre semble émaner de son empreinte du dra-
gon : Impressionner + 1.
Son score d’Impressionner est désormais de 4.
Sur la table des Figures, Silvère lance deux fois 2D6 et obtient 4 (Le Poète) et 6 (Le Malandrin). En lançant
2D6 sur chacune de ces tables, Silvère obtient :
• A fait partie d’une célèbre troupe d’artistes ambulants : Musique + 1*.
• S’est échappé d’une terrible prison (oubliettes escartes, labyrinthe agalanthéen, etc.) : S’introduire + 1.
Son score de Musique est désormais de 1 et celui de S’introduire est de 2.
Enfin, Silvère lance 3D6 sur la table d’Héritage des dragons et obtient 9 :
• Un personnage étrange, homme du désert vêtu de noir et dont le visage dissimulé sous un voile semble être fait
d’argent, suit l’Héritier qui l’entrevoit souvent, au détour d’une rue, en haut d’une dune… Il se sent étrangement lié
avec cette insaisissable personne. L’Héritier gagne un point dans une Compétence d’Aventurier ou de Travailleur de
son choix, avec possibilité de dépasser le score de 5.
Désireux d’optimiser un peu, Silvère augmente ainsi son Épreuve à 6.
Liant toutes ces orientations à son histoire de base (un chasseur de démons errant), Silvère invente l’histoire
de Djaïd : fils d’un kahini, il avait tout pour devenir un sage à son tour, mais Djaïd était aussi l’arrière arrière-pe-
tit-fils bâtard d’un grand Mudjahid hassanide. La famille de ce Mudjahid n’ayant plus de descendant mâle, Djaïd
fut envoyé, par décret royal, dans une académie militaire Abd-Al-Hassan. Insoumis, il fut fouetté et condamné à
mourir de faim dans une prison à vingt pieds sous terre… mais il parvint à s’en échapper et se cacha pendant un
an dans une troupe d’artistes vagabonds sous une fausse identité. Un jour, l’homme au visage d’argent est apparu
à l’Héritier et depuis, la marque du dragon qu’il porte dans le dos s’illumine lorsqu’un danger est proche. C’est
d’ailleurs grâce à cette aura qu’il a pu comprendre qu’un terrible danger menaçait lorsqu’une horde de démons
est venue massacrer ses amis artistes. Effrayé par cette étrange faculté, Djaïd a d’abord fui et, quand il revint, tous
ses amis étaient morts. Depuis, il s’est juré de retrouver les démons et de les tuer tous, sans exception !
Déterminer ses contacts et relations.
Les tirages sur les tables aléatoires ont attribué à Djaïd un contact à 3 points et un autre à 1 point. Silvère
décide que le premier est son propre père, un kahini influent au sein de son clan et que le second est un riche
caravanier qui servit jadis de mécène à sa troupe d’artistes.
D’autre part, en additionnant son score de Fidélité (2) à celui de Compagnonnage (1), Silvère obtient un
total de 3. Ces points lui servent à imaginer des relations à son personnage. Un point permettant d’avoir un
contact de niveau 1 et trois points un contact de niveau 2. Silvère décide que son oncle Djibril, frère de son
père, est l’homme qui fit de lui un Mudjahid de la Parole de Mammûd. Djibril sera toujours prêt à accueillir
son neveu pour l’aider à perfectionner son interprétation des Paroles (et accéder aux niveaux supérieurs !).
Ce contact de niveau 2 lui coûte 3 points.
Calculer sa Trempe, ses Points de Vie, son Init-max et sa Défense passive. Déterminer son équipe-
ment et son niveau de Richesse.
La Trempe de départ de Djaïd (Souffle + Héroïsme) est de 6, ses PV (Souffle x 10) de 30, son Init-Max (1
+ moyenne de Souffle, Coordination et Sagesse) de 4, sa Défense passive (Coordination + Épreuve + 6) de
16 et son niveau de Richesse (déterminé par la Figure du Prince) de 0 (Personnage pauvre).
Djaïd possède donc : un cimeterre, un jambiya, un javelot, une tenue de ville, une tenue complète de voyage
dans le désert, des chaussures confortables, une tente, un dromadaire, vingt mètres de corde, trois larges sacs
de cuir, cinq torches, un brûloir à encens portatif, le tout de mauvaise qualité. Il dispose de 10 onces de cumin
pour s’acheter du matériel supplémentaire.

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Résumé des règles du jeu

Annexe 1
résume des règles de jeu
Résolution d’un Khanjar, la qualité de la réussite
permettra d’évaluer de combien vous
des actions réussissez à faire baisser le prix.

Lorsque l’issue est incertaine, Al-Rawi vous de- Test de Compétence


mandera de jeter les dés afin de déterminer si l’action
est réussie ou non et de quelle manière. Il s’agit du test le plus courant que vous allez réali-
Un jet de dés permet en effet d’obtenir deux infor- ser. Pour illustrer les explications nous allons considé-
mations : l’action est-elle réussie ? Et avec quelle qua- rer que vous essayer de sauter par dessus un précipice.
lité ?
Pour la plupart des actions, il suffit de savoir si elles Première étape : le Seuil de Dif-
sont réussies ou non. Par exemple, si vous décidez ficulté (SD).
de sauter par dessus un précipice, il suffit de savoir si Le SD est un chiffre à battre pour réussir l’action. Il
vous atteignez l’autre côté. En revanche, pour d’autres est déterminé par Al-Rawi. Plus l’action sera compli-
d’actions, il est important de connaître le degré de quée, plus le SD sera élevé. Al-Rawi peut garder secret
réussite ou d’échec, la qualité de l’action. C’est parti- le SD pour maintenir la tension.
culièrement vrai pour tous les arts, y compris le com- Exemple : Al-Rawi estime que la distance à sauter est
bat. Par exemple, si vous essayez de négocier le prix importante et donc que le SD sera de 15.

Seuils de Difficulté
SD6 : Action commune
SD9 : Action moyennement difficile
SD12 : Action difficile
SD15 : Action héroïque
SD18 : Action follement héroïque
SD21 : Action fabuleuse
SD30 : Action légendaire

285
Annexe 1

Deuxième étape : la Vantardise la Caractéristique utilisée. Il suffit de faire la somme


Se vanter, c’est prendre des risques, pour briller des meilleurs résultats et la comparer au SD. L’autre
davantage, mais on risque aussi de se faire beaucoup groupe sert à calculer la Qualité de l’action.
plus mal ! On appelle « prendre des niveaux de Van- Selon le type d’action, le joueur garde un certain
tardise  » ou «  prendre des Vantardises  » le fait de nombre de ces dés et en additionne les résultats.
garder des dés en moins pour vaincre le SD, afin de Ce nombre de dés est TOUJOURS déterminé par
laisser des dés en plus pour calculer la Qualité (cf. ci- le niveau de la Caractéristique utilisée, qu’il s’agisse
dessous). Vous n’avez pas le droit de prendre plus de d’un jet de Caractéristique, de Compétence, d’un jet
niveaux de Vantardise que votre niveau d’Héroïsme. Il sans Compétence ou d’un jet de Confrontation (cf. ci-
est de bon ton d’accompagner une Vantardise par une après). La somme totale des dés gardés dans ce calcul
phrase ou un geste. est appelée Total d’Accomplissement (TA).Exemple :
Exemple  : Afin d’attirer sur vous le respect des Al-Rawi vous annonce que la Caractérisque utilisée sera
membres de votre escapade, vous annoncez à Al-Rawi Coordination et la Compétence Épreuve. Vous avez 4 en
que vous allez prendre une Vantardise et vous déclarez Coordination et 3 en Épreuve. Vous lancez donc 7 dés (6,
à vos compagnons « Courage mes frères, suivez-moi, je 5, 5, 3, 2, 1, 1). Vous devriez garder les 4 meilleurs pour
vous ouvre la route ! ». le calcul du TA, mais comme vous avez pris 1 Vantardise,
vous en garderez 1 de moins, soit 3. Votre TA est donc de
Troisième étape : l’instant de vérité 16 (6+5+5). L’action est réussie.
Il est maintenant temps de lancer les dés. Vous de-
Quatrième étape : la Qualité
vez lancer un nombre de dés égal à la somme d’une
Caractéristique et d’une Compétence choisies par Si Al-Rawi le demande, il faut alors additionner les
Al-Rawi. Une fois jetés, vous allez répartir ces dés résultats de l’autre groupe de dés et le diviser par 3
en deux groupes : le premier groupe est appelé Total afin de connaître la Qualité de Réussite ou la Qualité
d’Accomplissement (TA), c’est lui qui va déterminer d’Échec (QR ou QÉ).
si l’action est réussie. Sa taille est égale au niveau de

Qualités
Total QR/QÉ Réussite Échec
0-2 0 Réussi de justesse Raté de peu
3-5 1 Réussite normale, sans panache Échec normal, sans catastrophe
6-8 2 Belle réussite Échec cinglant
9-11 3 Très belle réussite Échec douloureux
12-14 4 Réussite mémorable Échec mémorable
15-17 5 Réussite exceptionnelle Échec catastrophique
18-20 6 Réussite critique Échec critique
21 et + 7 Réussite légendaire Échec légendaire

Exemple : Vous avez obtenu les résultats suivants sur les dés pour le calcul de la Qualité de Réussite : 1, 1, 2, 3,
soit un total de 7. Votre QR finale est de 2.

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Résumé des règles du jeu

Règle optionnelle : Calculs simplifiés des Qualités


Voici une méthode alternative, plus simple et plus fluide pour calculer les qualités. Les dés non gardés
dans le calcul du Total d’Accomplissement (TA) servent toujours à calculer la Qualité de Réussite (QR) ou
la Qualité d’Échec (QÉ).
La face du dé indique le bonus de qualité :
• 1 : +0
• 2 : +1
• 3 : +1
• 4 : +1
• 5 : +1
• 6 : +2

Exemple : Vous avez obtenu les résultats suivant sur les dés pour le calcul de la Qualité de Réussite : 1, 1, 2, 3.
Votre QR finale est de 2.
Note : Si une Parole ou un autre point de règle précise d’ajouter une quelconque valeur au calcul de la QR, on
l’appliquera de la même manière.

Autres tests
Vous venez de voir en détail le test de Compétence. C’est le test le plus fréquent, mais il en existe trois
variantes :
• Test sans Compétence : si vous ne possédez pas la Compétence, le principe est exactement le même
sauf que vous n’avez aucun niveau de Compétence à ajouter. Ainsi la Qualité est forcément nulle et votre
action réussie de justesse à moins que vous n’usiez de Vantardise.
• Test de Caractéristique : parfois, Al-Rawi estimera qu’aucune Compétence ne peut simuler l’action
en cours. Il s’en remettra alors au test de Caractéristique : le niveau de Compétence est remplacé par le
niveau actuel d’Héroïsme.
• Test de Confrontation : parfois, vous serez confronté à d’autres personnages, on parle d’une Confron-
tation. Dans ce cas, chacun effectue son jet et l’on compare les TA. Le plus haut l’emporte. En cas d’égalité,
on compare les Qualités afin de déterminer le vainqueur. Les Qualités sont ensuite calculées normalement.

Résumé des jets • Jet de Confrontation : Jet normal/Jet de l’ad-


versaire => Comparaison des TA (puis des QR en
• Jet de Compétence : lancer autant de dés que cas d’égalité)
Caractéristique + Compétence • Total d’Accomplissement = Somme des dés
• Jet de Caractéristique  : lancer autant de dés gardés (qui sont obligatoirement les meilleurs)
que Caractéristique + Héroïsme pour vaincre le SD
• Jet sans Compétence : lancer autant de dés que • Qualité = Somme divisée par 3 des dés non
Caractéristique gardés.

287
Annexe 1

Résumé des étapes du jet


• Première étape : Al-Rawi détermine le SD.
• Deuxième étape (optionnelle) : Se vanter. Le joueur peut, s’il le veut, réduire le nombre de dés qu’il
garde pour son Total d’Accomplissement et ainsi obtenir des Qualités plus impressionnantes. C’est l’étape
de la Vantardise !
• Troisième étape : L’instant de vérité. Le joueur lance les dés et compare le résultat obtenu au SD final.
Si le résultat obtenu est supérieur ou égal au SD, c’est une Réussite. Si le résultat est strictement inférieur,
l’action est un Échec.
• Quatrième étape (optionnelle) : Si Al-Rawi désire quantifier la Réussite ou l’Échec, il demande au
joueur de calculer sa QR ou sa QÉ.

Caprices de dés… • Premièrement, elles permettent d’activer


certaines techniques de la Parole que vous
suivez. Pour qu’une Constellation soit prise en
Les Dés Dragons compte, il faut bien entendu que le jet soit réussi.
Serviteurs des dieux, les dragons veillent sur vous Il est possible de provoquer l’illumination d’une
et vous accompagnent dans votre légende person- Constellation même si les dés ne l’ont pas fait eux-
nelle. En termes de jeu, vous possédez au moins un mêmes. Pour cela il faut dépenser 1 étoile de votre
Dé Dragon. Vous devez utiliser un dé spécifique d’une Vertu héroïque de substitut s’il a obtenu au moins
couleur différente des autres dés lancés afin de bien le un double ; 2 étoiles s’il n’a même pas un double.
distinguer. • Deuxièmement, les Constellations servent
• Si ce Dé Dragon donne un 6, on dit qu’il est por- en combat contre certains adversaires. Ce point
té par le Souffle des dragons... il faut alors le relan- de règle est détaillé un peu plus loin, dans les règles
cer et additionner son nouveau résultat au 6 obtenu spécifiques au combat.
en premier lieu.
• Tant que soufflent les dragons, les Dés Dragons Dés Bonus
sont rejetés ! Ainsi, un dé ayant donné un 6 et re- Dans certaines situations, vous pouvez disposer
donnant un 6 une fois relancé, sera lancé une troi- d’un avantage particulier, Al-Rawi peut alors décider
sième fois, etc. de vous offrir des Dés Bonus. Un Dé Bonus corres-
• Les Dés Dragons ne sont pas obligatoirement pond à un dé à lancer en plus, mais pas à garder dans
gardés dans le TA sous prétexte qu’ils font partie le TA. Il augmente donc systématiquement la Qualité.
des meilleurs. Ils peuvent être choisis pour la Quali-
té ou l’inverse. Les Dés Dragons sont des dés libres.

Constellations
Parfois, plusieurs dés offrent un même résultat, on
dit alors qu’une Constellation s’est illuminée. Qu’il y
ait 3, 4, 5 (ou plus) dés donnant un même résultat ne
compte pas ; trois dés identiques suffisent.
Les Constellations servent à deux choses :

288

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Résumé des règles du jeu

Le Combat Lorsque la Passe d’Armes commence, lancez 1D6.


Le résultat indique votre Initiative (et donc le nombre
de Phases dont vous disposez) pour cette Passe
Le combat est simulé avec des tests de Compé-
d’Armes :
tences (Coordination + Arme, en général). Il fait
• Si le résultat du dé est supérieur ou égal à l’Init-
néanmoins intervenir d’autres règles.
max de votre personnage, alors l’Initiative est égale
à celle-ci.
Première étape : calcul de • Si le résultat est strictement inférieur à l’Init-
max, alors l’Initiative est égale au chiffre indiqué
l’Initiative par le dé.
Un combat est découpé en Passes d’Armes d’une Initiative héroïque : Avec cette option votre per-
minute environ. Pour déterminer le nombre d’actions sonnage peut dépenser 1 point d’Héroïsme pour ob-
que peut accomplir un personnage durant la Passe tenir une Initiative égale à son Init-max pour la durée
d’Armes, celle-ci est découpée en Phases. Selon leur complète du combat. Cette dépense doit se faire au
complexité, les actions entreprises consomment un début d’une nouvelle Passe d’Armes, avant ou après
certain nombre de Phases. avoir tiré l’Initiative. Ainsi un mauvais résultat dans un
Il y a différente manière de déterminer votre Initia- moment critique peut être remplacé par la valeur de
tive. Demandez à Al-Rawi quelle règle il a choisi. Voici l’Init-max.
la règle standard :

Règle optionnelle : Passe d’Armes simplifiée


À chaque Passe d’Armes, le personnage joue uniquement à son rang d’Initiative (peu importe l’option de
calcul choisie) et peut réaliser :
• Gratuitement des actions libres : parler, lâcher un objet, regarder, petit mouvement, etc.
• 2 Phases d’action (mais une seule et unique attaque) : attaque, défense, parade, mouvements com-
plexes, saut, manipulation, etc.
Ainsi, réaliser une Attaque brutale (2 Phases) occupe toute la Passe d’Armes d’un personnage, il ne pourra
donc pas défendre. Une Charge (3 Phases) devra s’étaler sur deux tours.

Exemple : Le personnage de Raphaël a une Initiative de 4 pour la Passe d’Armes. Il jouera ses deux Phases à son
tour quand Al-Rawi appellera le rang 4, puis il attendra une nouvelle Passe d’Armes pour pouvoir rejouer.

Deuxième étape : test Troisième étape :


d’Entraînement déroulement des Phases
Vous pouvez, au début de chaque affrontement, et des Passes d’Armes
effectuer un jet de Souffle + Entraînement SD  6.
Dès le début de la Passe d’Armes, Al-Rawi appelle
Chaque niveau de QR obtenu vous octroie un Dé Bo-
le score d’Initiative le plus haut. Ceux qui ont atteint
nus à utiliser pendant l’affrontement (cf. Compétence
ce score d’Initiative peuvent donc annoncer l’action
Entraînement p.264).
qu’ils entreprennent. Dans une même Phase, c’est

289
Annexe 1

le personnage qui a le plus haut score d’Init-max qui • Charge : se jeter en courant sur son adversaire
commence. En cas d’égalité, c’est le plus haut score de durant 3 Phases permet d’effectuer une Charge et
Coordination qui agit en premier. En cas de nouvelle d’infliger des Dégâts +10. Le jet se fait au choix avec
égalité, il faudra faire un jet de Confrontation sur la Puissance ou Coordination + Arme. Conditions : 2
Coordination pour départager les personnages. Une mètres minimum entre la cible et l’attaquant.
fois toutes les actions d’une Phase résolues, Al-Rawi La charge montée demande une distance de 4
appelle la Phase suivante, et ainsi de suite, poursuivant mètres minimum et permet d’ajouter le niveau
son compte à rebours jusqu’à 1. Le Rawi annonce en- d’Équitation du cavalier aux Dégâts, ce qui donne
fin la fin de la Passe d’Armes et le début de la suivante si des Dégâts +10 + niveau d’Équitation (+ éventuels
les protagonistes veulent continuer à se battre. bonus de Parole). Notez qu’un cavalier peut géné-
Les actions possibles et le nombre de Phases ralement bénéficier aussi d’un SD-3 à son Attaque
qu’elles prennent sont décrites ci-dessous. Une action du fait de sa position en surplomb, tandis que son
qui prend plusieurs Phases prend effet lorsqu’elle ar- adversaire subit un SD+3 à son Attaque du fait
rive à son terme (par exemple, sur les 3 Phases qu’elle dêtre en contrebas.
consomme, une Charge prend effet à la dernière de • Attaque à distance : c’est une Attaque normale
celles-ci). Tant qu’une action n’est pas terminée, le mais avec des modificateurs au TA selon la distance
personnage est engagé et ne peut rien faire d’autre que de la cible (cf. tableau des armes p.293). Le
se reposer sur sa Défense passive. Il peut cependant an- temps en Phases dépend
nuler son action en cours et effectuer immédiatement du type d’arme à
une Défense active. distance utilisé.

Attaque
Faites un test de Coordination + Arme ou Puis-
sance + Arme (selon le type d’Attaque choi-
sie) et comparez votre TA à la Défense
passive de votre adversaire ou au TA de
sa Défense active si celui-ci choisit de
se défendre à cette Phase. Si deux per-
sonnages s’attaquent mutuellement à
la même Phase, les TA de chacun sont
comparés à la Défense passive de
leur adversaire.
Note : Prendre des Vantardises
sur ce test bénéficie à la QR et
donc au calcul des Dégâts.
Il existe différents types d’at-
taques, au choix du joueur :
• Attaque normale : l’at-
taque standard prend une
simple Phase.
• Attaque brutale : une at-
taque en force, plus lente, qui
se fait avec Puissance + Arme
et inflige des Dégâts +6

290

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Résumé des règles du jeu

• Défenses passive et active : la Défense passive générale). Le résultat de la Défense active est au
est une défense automatique, sans jet de dés, qui re- minimum égal à la Défense passive.
présente le SD du jet d’Attaque de l’attaquant. Une • Déplacement : faire Coordination mètres prend
Défense active demande 1 Phase et se fait par un jet une Phase.
de Coordination + Arme (Parade) ou Épreuve (Es- • Dégainer : ramasser ou sortir une arme de son
quive). Le TA de ce jet sera le SD du jet d’Attaque fourreau en 1 Phase. Ramasser une arme située à
de l’attaquant. Un joueur peut à tout moment de la moins de sa Coordination en mètres prend aussi 1
Passe d’Armes dépenser une de ses Phases pour se Phase.
défendre, même si ce n’est pas à son tour de jouer, • Désengagement  : deux Phases pour se mettre
et même si il est au-dessus de son Initiative dans hors de portée, avec éventuellement un jet d’Épreuve
cette Passe d’Armes (et de son Init-max de façon ou de Discrétion pour simuler le déplacement.

Durée des actions en combat


Parler 0 Phase Réussite automatique
Déplacement 1 Phase Coordination x mètres
Dégainer 1 Phase Réussite automatique
Attaque normale 1 Phase Coordination + Arme
Attaque brutale* 2 Phases Puissance + Arme ; Dégâts : +6
Charge* 3 Phases Puissance ou Coordination + Arme ; Dégâts : +10
Lancer / Jet 1 Phase Coordination + Armes ; Attaque à distance
Arc court ou recourbé* 2 Phases Coordination + Armes ; Attaque à distance
Arc long* 3 Phases Coordination + Armes ; Attaque à distance
Défense active 1 Phase Coordination + Arme
Défense passive 0 Phase Coordination + Épreuve + 6
Désengagement* 2 Phases Coordination + Épreuve ou Discrétion
Lancer un sort 1 Phase Sagesse + Verbe sacré
Briser une tablette 1 Phase Réussite automatique
Viser +1 Phase 1 Dé Bonus, non cumulable

(*) L’action peut être annulée pour une Défense active

Combattre à deux armes : Dégâts


Conditions : Coordination 4 ; Sagesse 4 ; Arme 4 Si vous réussissez à toucher votre adversaire, il faut
Avantages : Défense passive +3 et Défense active + 3 déterminer les Dégâts. Selon la Qualité de l’attaque,
Si Réussite critique (QR 6) sur une Attaque ou une l’arme utilisée et la force du personnage, les Dégâts
Défense : Attaque normale gratuite dans la même Phase. seront plus ou moins importants.
Si Attaque avec les deux armes simultanément : Dégâts = Dégâts de l’arme + QR — Trempe de la
Un seul jet est effectué. Ajouter le score de Compé- cible – Armure de la cible
tence dans l’arme secondaire au TA de l’Attaque de
l’arme principale. Ajouter le niveau d’Héroïsme aux
Dégâts.

291
Annexe 1

Lorsqu’un personnage obtient une Réussite critique en (1 jet d’Attaque et 1 jet de Dégâts). Ils décampent
combat (QR de 6 et +), il gagne automatiquement : s’il n’en reste que 1 ou 2 parmi leur groupe de 6.
• En attaque : les Dégâts sont appliqués sans tenir 1 Vantardise permet d’en défaire un +, si une
compte du score de Trempe de son adversaire. Constellation est obtenue, le nombre de dés au résul-
• En défense : il s’assure d’agir avant son adversaire tat identique. Sans Vantardise il faut toucher deux fois
à la Phase suivante, de plus il bénéficiera de 1 Dé un Traine-babouches pour le vaincre
Bonus, quelle que soit l’action entreprise. Alternative  optionnelle (voir avec votre Rawi)  :
QR Traine-babouches mis hors d’état de nuire.
Lorsqu’un personnage obtient un Échec critique
en combat (QÉ de 6 et +) : Mourir ou pas (0 pts de vie… et après ?)  : en
• En attaque : il assure à son adversaire d’agir avant termes de jeu, lorsqu’un personnage tombe incons-
lui à la Phase suivante où celui-ci bénéficiera de 1 Dé cient, il ne meurt pas immédiatement. À moins que
Bonus. nul ne puisse le soigner (cf. Santé et blessures), il ne
• En défense : les Dégâts sont appliqués sans tenir mourra pas.
compte du score de Trempe du personnage. Pour qu’un personnage, quel qu’il soit, soit tué, il
faut qu’au moment de porter l’attaque, l’assaillant an-
Si une Réussite critique s’oppose à un Échec nonce qu’il désire que le coup soit mortel. Si la victime
critique : est déjà tombée en dessous de 0 PV, il est possible de
• En attaque : en plus d’un des effets précédents, l’achever. On ne compte pas les points de Dégâts en
le défenseur est désarmé, à terre, à la merci de l’atta- dessous de 0.
quant.
• En défense : en plus d’un des effets précédents, le
défenseur retourne les Dégâts de l’attaquant contre
lui-même.

Coups non létaux : les Dégâts infligés par des coups


de poing, de pieds ou encore de bâtons, de manches de
pioche et de pieds de chaises sont considérés comme
non létaux. Ainsi, ils assomment, mais ne tuent jamais
(sauf si le vainqueur décide d’achever son adversaire).
La moitié des Dégâts reçus (arrondis à l’entier supé-
rieur) de cette façon sont annulés dans les cinq minutes
qui suivent la fin du combat.

Traine-babouches, Vaillants Capitaines et


Champions :
Il existe différents types d’adversaires, plus ou moins
solides, plus ou moins faciles à vaincre.
• Les Champions suivent exactement les mêmes
règles que les personnages des joueurs.
• Les Vaillants Capitaines sont vain-
cus par une Réussite critique (QR 6).
• Les Traine-babouches fonctionnent par six  et
ne font qu’un seul jet vers une seule cible pour tous

292

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Résumé des règles du jeu

Tables des armes


Armes courtes et armes non létales
Coup de poing Puiss. x 2 Non létal. La moitié des Dégâts sont récupérés au
bout de 5 minutes
Coup de pied (Puiss. x 2) + 3 Non létal. La moitié des Dégâts sont récupérés au
bout de 5 minutes
Choora Puiss. + 6 Dissimuler un Choora = 1 Dé Bonus.
Fouet arakognan Puiss. + 4 Portée = 6m
Jambiya Puiss. + 5 Parade vs poignards, épées, sabres = 1 Dé Bonus à
Défense active
Khanjar Puiss. + 6 Armure – 3 pts

Armes à une main


Armes bâtardes : Dégâts +3, si Attaque à deux mains.
Armes à deux mains : Dégâts +6 (Pas de bouclier ) ; 5 en Puiss. = utilisable à 1 main (+6 en Dégâts toujours)

Espada valladeña Puiss. + 8 Si Attaque brutale réussie avec Dégâts = Trempe x2


de la cible, la cible est assommée si elle rate un jet de
Souffle SD 18 (QÉ x 1mn) 
Épée de la Quête Sainte Puiss. + 8 1 Dé Bonus contre Traîne-babouches
Fléau d’arme Puiss. + 8 1 Dé Bonus contre Traîne-babouches, Défense ac-
tive avec TA – 3
Glaive agalanthéen Puiss. + 8 Si Combat avec 2 glaives, Défense passive +6, Dé-
fense active et Attaque + 1 Dé Bonus
Haches communes Puiss. + Défense active avec TA – 3
10
Hache dorkade Puiss. + Défense active avec TA – 6
12
Masse de guerre Puiss. + 9 Attaque avec QR 5 = Arme de l’adversaire brisée ou
contusions (Tous ses TA – 3pts)
Sayf Puiss. + 6 Si Attaque ratée (QÉ <2) contre armure lourde
(Protection 6) = Snde attaque gratuite (TA -3) (Max 1
fois par Passe d’armes et sayf)
Spatha / Kaskara (Agalanthe / Ja- Puiss. + 9 Défense active avec TA – 3 si Puiss. et Souffle < 4
zîrat)
Suyuf / Shimshir (Capharnaüm / Puiss. + Coordination + Arme
Kh’saaba) 10

293
Annexe 1

294

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Résumé des règles du jeu

Armes longues 
TA -3 (Attaque et Déf. Active) dans les espaces difficiles ( marchés, places bondées, bâtiments étroits, etc.)

Rumh Puiss. + 8 1 Dé Bonus contre Traîne-babouches


Lance escarte Puiss. + 8 Charge à cheval = Dégâts +12
Lance hoplite Puiss. + 10 1 Dé Bonus à l’Attaque contre une Charge
Trident agalanthéen Puiss. + 8 Défense active avec QR de 5 = Arme brisée ou ad-
versaire désarmé.
Armes de jet
Portée max = Puissance x 10m     >20m : TA -6    >40m : TA -12 

Fronde Puiss. + 1 Quasiment impossible d’être à court de munitions


Couteaux, javelot et Puiss. + 8 (haches & 2m min pour lancer ; Si lancer < Déplacement maxi-
hache de lancer javelots) ; Puiss. +6 cou- mal du personnage (Coord. mètres) = 1Phase pour
teaux) récupérer l’arme 
Armes de tir
Portée : Malus au TA indiqué entre parenthèses
Arc court Puiss. + 6 8 - Coord. mètres min pour tirer. + de 30 m (-3) ; + de 60 m (-6) ; +
de 120 m (-12) ; + de 150 m (impossible)
Arc long Puiss. + 9 2 Dés Bonus si Visée +1 Phase (4 Phases au total donc). 12 - Coord.
mètres min pour tirer. + de 60 m (-3) ; + de 120 m (-6) ; + de 200 m
(-12) ; + de 250 m (impossible)
Arc recourbé jazîrati Puiss. + 7 10 - Coord. mètres min pour tirer. + de 60 m (-4) ; + de 120 m (-8) ;
+ de 200 m (-16) ; + de 250 m (impossible)

Tables des armures


Armures
NB : Nager en armure : Coord. + Héroïsme SD 6 (Légère/Myrmidon) ou 15 (Lourde).

Bouclier +1 1 Dé Bonus à la Défense active.


Armure partielle +1 (+2) 2 Dés Bonus si Visée +1 Phase (4 Phases au total donc). 12 -
Coord. mètres min pour tirer. + de 60 m (-3) ; + de 120 m (-6) ; + de
200 m (-12) ; + de 250 m (impossible)
Armure légère + 3 (+4) 10 - Coord. mètres min pour tirer. + de 60 m (-4) ; + de 120 m
(-8) ; + de 200 m (-16) ; + de 250 m (impossible)
Armure lourde +6(+7) SD +3 pour Épreuve, Équitation, Assassiner, Détrousser, Discré-
tion, et S’introduire
Armure de Myrmidon +6 (+7)

295
Annexe 1

296

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Résumé des règles du jeu

Santé et Blessures intense sans subir de Dégâts. Au delà de ce délais,


il perd un Point de Vie par tranche de 2 heures sup-
plémentaires passées dans les mêmes conditions.
• Noyade et asphyxie : Lorsqu’un personnage est
Santé et Trempe confronté à un risque de noyade ou d’asphyxie, il
doit réussir un jet de Souffle + Tenir le coup toutes
Un humain a généralement entre 10 et 60 Points de les minutes. Le SD dépend des conditions (6 dans
Vie. Lorsque cette réserve tombe à 0, un personnage une eau calme, 15 dans petit torrent, etc.). À chaque
tombe dans l’inconscience. Il ne peut plus agir et doit Échec, le personnage perd autant de PV que sa QÉ.
être soigné pour retrouver ses esprits et sa santé. Un La Trempe n’est pas soustraite aux Dégâts dus à la
personnage ne meurt que lorsqu’il est achevé après noyade et à l’asphyxie.
être tombé inconscient. • Chutes : Lorsqu’un personnage tombe d’une
Vous possédez un score de Trempe. La Trempe re- hauteur au moins égale à la sienne, il est possible
présente votre combativité et votre endurance. qu’il se blesse.
Lorsqu’un personnage reçoit des points de Dégâts, Al-Rawi lance alors 1 dé par tranche de deux
on leur soustrait d’abord un nombre égal à sa Trempe. mètres. Le total obtenu par ces dés détermine les
Il n’y a pas de malus liés à l’état de santé du personnage. Dégâts, on lui soustrait donc le score du Trempe du
personnage avant d’en appliquer les conséquences.
Principales causes de Si la hauteur de chute est inférieure à la Trempe du
personnage convertie en mètres, celui-ci a droit à
blessures et de mortalité un jet d’Épreuve (avec Coordination contre un SD
égal à la hauteur en mètres x 6) pour se rétablir cor-
• Faim et soif : Un personnage peut rester Trempe
rectement. En cas de Réussite, les Dégâts sont divi-
jours sans manger et Trempe x 6 heures sans boire.
sés par deux avant de soustraire la Trempe.
Au delà de ce délais, il subit un malus cumulatif de
• Fatigue  : Un personnage peut tenir Trempe x
-1 aux TA de tous ses jets par journée sans manger
6 Heures heures sans dormir et sans subir aucun
ou par heure sans boire.
malus. Au delà de ce délais, il subit un malus cumu-
La mort intervient au bout de Trempe semaines
latif de -1 aux TA de tous ses jets par tranches de 2
sans manger et Trempe/2 jours sans boire.
heures supplémentaires. Le personnage tombe de
• Intempéries, insolations et engelures  : Un
fatigue au bout du double de cette durée.
personnage peut rester Trempe x 2 heures sous un
soleil ardent, en pleine chaleur ou dans un froid

Résister
En dépensant 1 point d’Héroïsme, un Héritier peut annuler l’ensemble des malus et dégâts liés à la résis-
tance (faim, soif, intempéries et fatigue) et à l’encombrement pour une journée entière !

297
Annexe 1

Maladies, poisons et venins Techniquement, ces Caractéristiques sont utilisées


ainsi :
Ces menaces sont définies par trois Caractéristiques Temps d’activation ou d’incubation : Trempe —
qui vont de 1 à 6. Le total de ces trois Caractéristiques Foudroyant minutes (ou jours)
permet d’évaluer la dangerosité, sachant qu’il ne peut Malus au TA : Incapacitant x 3 pts
dépasser 12 points. Durée du Malus : Incapacitant jours
Total de 6 : Courant, peu dangereux. Jet de Dégâts : Mortel/Mortel — Trempe
Total de 8 : Particulièrement dangereux. Note : Toutes les Trempe minutes (ou jours), on
Total de 10 : Rare et dangereux. refait un jet de Dégâts. Le nombre total de ces jets de
Total de 12 : Rarissime et extrêmement dangereux. Dégâts est égal au score de Foudroyant.
Mortel  : Cette Caractéristique détermine le degré
de létalité de la substance ou de la maladie une fois
contractée, ingérée ou injectée dans le sang. Soins, médecine et
Incapacitant  : Cette Caractéristique détermine chirurgie
les handicaps engendrés. Certains poisons, venins ou
maladies ne tuent pas forcément, mais créent des han- Lorsqu’un personnage est blessé ou malade, Al-
dicaps sévères. Rawi doit déterminer quels sont les besoins et jets de
Foudroyant : Une maladie, un poison ou un venin dés à faire en se servant de la table des soins. Des jets
est considéré comme actif au bout d’un nombre de réussis permettent de récupérer un certain nombre de
minutes (poison et venin) ou de jours (maladie) qui Points de Vie de façon immédiate, puis généralement
dépend de cette Caractéristique. par période régulière.

Tables des soins


Soins Jet Gain en PV
Maladies, Sagesse + Science SD Carac max de la QR en 12 heures, puis Niveau de Trempe
poisons, venins menace. x2 ou Sagesse + Périples SD Carac par jour de repos ou Niveau de Trempe / 2
max de la menace x2 +6 par jour d’activité

Fracture Sagesse + Périples SD 15 ou Sagesse QR en 1 semaine, puis Niveau de Trempe


+ Science SD 9 par semaine de repos ou Niveau de Trempe
/ 2 par semaine d’activité

Plaie Sagesse + Périples SD 15 ou Sagesse + QR en 24 heures, puis Niveau de Trempe


Science SD 9 afin de fabriquer un désin- par jour de repos ou Niveau de Trempe / 2
fectant. Puis Sagesse + Périples ou Sagesse + par jour d’activité
Science SD 6 pour l’appliquer
Contusions Sagesse + Périples ou Sagesse + QR x2 en 12 heures, puis Niveau de
Science SD 9 Trempe par demi-journée.

Dégats non létaux Moitié des PV récupérés dans les Parade vs poignards, épées, sabres = 1 Dé
5mn qui suivent la fin du combat Bonus à Défense active

298

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Résumé des règles du jeu

Règles diverses kilogramme supplémentaire inflige un malus de -1


aux TA de toutes ses actions physiques [qui utilisent
Coordination, Souffle ou Puissance].
Héroïsme et Vertus Exemples de poids = voir avec votre Rawi, des indi-
cations étant données dans le Livre du’Al Rawi p. 29.
héroïques
Vos Vertus héroïques fluctuent en fonction des ac- Ourim et Tourim
tions que vous accomplissez. Les Vertus ont un niveau
(de 0 à 6) qui doit gagner de une à cinq étoiles avant Au centre de la table est posée une petite poche
de progresser au niveau supérieur. (exemple  : votre avec deux dés (ou galets, jetons)] de taille identique
personnage a sa Foi au niveau 2 [5 étoiles]. Dès qu’il mais de couleur différente (idéalement, un blanc et un
en gagne une, il passe au niveau 3 [0 étoile]. Attention, noir).
le niveau 6 est le tout dernier et ne peut pas posséder Avant un tirage  : se poser éventuellement une
d’étoiles. question à laquelle on peut répondre par oui ou par
Lorsque vous puisez ou gagnez des points de Ver- non. Le dé noir répond OUI, alors que le dé blanc
tus, il s’agit donc d’étoiles et non de niveaux. Votre répond NON.
Parole détermine une Vertu héroïque de substitut. Interroger les pierres du destin pour :
Celle-ci permet de pousser le destin en réalisant des • Retenter un test suite à un Échec (quelqu’en soit
Constellations (voir Constellations p.288). l’ampleur)  : 1 point d’Héroïsme. Si le dé noir est
tiré, l’action est considérée comme une Réussite
normale malgré l’échec aux dés, sinon elle demeure
Bravoure : mesure le tempérament du personnage un Échec.
face au danger. • Modifier la description d’Al-Rawi (en la com-
Fidélité : mesure la dévotion du personnage envers plétant, mais jamais en la contredisant, et toujours
ses origines et ses compagnons d’aventures. à sa libre appréciation*)  : 1 point d’Héroïsme. Si
Foi : mesure la dévotion et l’assiduité religieuse du la pierre noire est tirée, la modification proposée
personnage. par le joueur est acceptée, dans le cas contraire, les
La moyenne de ces trois Vertus donne le score dieux auront décidé de ne pas en tenir compte.
d’Héroïsme. Celui-ci sert à plusieurs choses : • Al-Rawi peut aussi vous demander un tirage
• À calculer votre Trempe. pour simuler un jet de chance.
• À interroger Ourim et Tourim. [*] : Vous pouvez modifier un décor, ajouter des ob-
• À déterminer le nombre maximum de Vantar- jets, distinguer des personnages mineurs de la masse
dises par action. (un bon guide, le meilleur forgeron de la rue…). En
• À effectuer des jets de Caractéristique. aucun cas vous ne pouvez agir sur des éléments ma-
• À utiliser certaines Paroles. jeurs susceptibles d’influer directement la trame du
• À occasionner plus de dégâts lors des doubles scénario.
attaques.

L’encombrement
Un être humain peut porter en permanence une
charge égale à [Souffle + Puissance] x 5 kilogrammes
sans subir aucun malus. Au delà de ce total, chaque

299
Annexe 1

Expérience maître accepte de vous l’enseigner.


[**] : Pour que le nouveau Dé Dragon soit effectif,
le personnage doit réaliser une action véritablement
La dépense de Points héroïque en cours de jeu.

d’Aventure
La progression magique
Afin de faire évoluer votre personnage, vous gagne-
rez des Points d’Aventure [PA]. Voici comment les La magie combinatoire :
dépenser : • Lors de la réalisation d’un sortilège, une Réussite
• Compétences : niveau convoité x 10 PA. critique permet d’apprendre un nouvel Élément en
• Élément  : 15  PA pour chaque nouvel Élément rapport avec ce sortilège.
magique. • Sinon, il est possible d’acheter un nouvel Élé-
• Spécialisation & Expertise : elles n’évoluent pas ment au prix de 15 PA.
indépendamment de la Compétence dont elles sont • Le nombre de Verbes sacrés maîtrisés dépend du
issues, il faut donc faire évoluer la Compétence et score de la Compétence idoine :
recalculer le bonus de Spécialisation ou d’Expertise • de 1 à 2 : un seul Verbe de votre choix
en conséquence. • de 3 à 5  : un deuxième Verbe [si vous
• Caractéristiques : niveau convoité x 20 PA connaissez déjà Créer ou Détruire, vous devez
• Deuxième Parole  : avoir toutes les Compé- choisir Transformer]
tences offertes par la Parole au niveau 2 au moins et • 6 : le dernier Verbe manquant
dépenser 40 PA*. La magie des tablettes :
• Troisième Parole : avoir toutes les Compétences • Apprendre un nouveau sort en étudiant une ta-
offertes par la Parole au niveau 3 au moins, avoir au blette déjà écrite : Sagesse + Verbe sacré SD du sort
moins 3 en Fidélité et dépenser 50 PA*. à apprendre. Une Réussite critique est obligatoire.
• Quatrième Parole  : avoir toutes les Compé- • La progression de la Compétence Verbe sacré
tences offertes par la Parole au niveau  4 au moins, est normale et ne concerne que Transformer.
avoir au moins 4 en Fidélité et dépenser 60 PA*.
• Cinquième Parole  : avoir toutes les Compé-
tences offertes par la Parole au niveau  5 au moins,
avoir au moins 5 en Fidélité et dépenser 70 PA*.
• Sixième Parole : avoir toutes les Compétences
offertes par la Parole au niveau 6, avoir 6 en Fidélité
et dépenser 80 PA*.
• Nouvelle Parole ou changement de Paroles : cf.
Livre d’Al-Rawi p.84.
• 2ème Dé Dragon  : avoir au minimum  5 en Hé-
roïsme et dépenser 50 PA**. Si en cours de partie,
l’Héroïsme descend en dessous de 5, le Dé Dragon
est temporairement perdu.
• 3ème Dé Dragon  : avoir au minimum  6 en Hé-
roïsme et dépenser 100 PA**. Si en cours de partie,
l’Héroïsme descend en dessous de 6, le Dé Dragon
est temporairement perdu.
[*] : Acquérir une nouvelle Parole nécessite qu’un

300

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La magie dans Capharnaüm

Annexe 2
la magie dans capharnaüm

La magie est un ingrédient essentiel de l’univers. Les Al-Kimyati


D’origine divine, elle est présente partout, les contes Poètes, musiciens ou peintres, les sorciers saabi
et légendes en sont remplis et tout le monde à l’occa- sont capables d’invoquer l’étincelle divine en eux,
sion de voir un phénomène magique au cours de sa créant un lien empathique avec le monde et manipu-
vie. lant leur environnement par leur simple volonté.
Les pratiquants des arts magiques ne sont pas Les Al-Kimyati nomades  sont humbles, simples
nombreux, mais ils ne sont pas rares non plus. Il est et respectés, leur vie est austère et faite d’abnégation.
possible d’en rencontrer assez aisément. Certains ont Les Al-Kimyati citadins sont des artistes qui
pignon sur rue dans les grandes villes, ou passent de exercent souvent en tant que courtisans et diplo-
village en village pour vendre leur talent. mates. On s’en méfie, car ce sont des intrigants, et, par
Il existe différentes formes de magie et différentes conséquent, on ne les vexe pas et on les visite avec ap-
approches en fonction des peuples et des religions. préhension… Ainsi, y a-t-il peu de personnes intéres-
sées pour devenir Al-Kimyati, en dehors de quelques
La magie maîtres artistes.

combinatoire Le Teime Chek


Ce terme signifie «  Transcendance  », «  Illumi-
La magie combinatoire est la forme de magie la plus nation », « Inspiration » en langue saabi, ce qui fait
présente et la plus libre. Elle permet de combiner un allusion à l’éclair de génie artistique qui frappe l’Al-Ki-
Verbe sacré avec un ou plusieurs Éléments pour réali- myat qui lance une Œuvre (un sort).
ser un effet. Pour se faire, le sorcier se concentre un court mo-
ment afin d’entrer en résonance avec son étincelle
Magie saabi divine. Une fois en harmonie avec celle-ci, il peut
faire appel à un ou plusieurs Éléments des Mondes
magiques, afin d’interagir avec son environnement,
Origine en utilisant les Verbes sacrés Créer (Houbal), Trans-
Mardûk créa les hommes à partir de la chair et du former (Al-Uzzâ) ou Détruire (Manat). Il lance alors
sang de Tiamat. Les Saabi possèdent ainsi en eux une son Œuvre en focalisant son action à travers un Art
infime parcelle de la déesse originelle, ce qui leur per- antique, lui donnant consistance et affinant l’effet ob-
met d’utiliser la magie. tenu selon la Muse choisie.

301
Annexe 2

Les Mondes magiques Le Monde Chimérique représente le monde de


Le Monde Prosaïque  représente le monde phy- l’inexplicable, les intuitions, les éclairs de génie, les
sique, les 5 sens, la nature, le vivant, les objets, les sen- arts, les rêves, les fantasmes, les phobies, les concepts
sations physiques, le cosmos, les matières et textures, universels comme la vie, la mort, le temps, les djinns,
etc. les dragons, les dieux, les émotions comme la joie, la
Le Monde Philosophique représente le monde tristesse, la colère, l’amour, le bonheur, l’amitié, etc.
spirituel, les pensées, le jugement, l’imagination, les Note : certains Éléments peuvent appartenir à plu-
concepts philosophiques, les comportements hu- sieurs Mondes (ex : « Peur » raisonnée dans le Philo-
mains, etc. sophique, « Peur » irréfléchie dans le Chimérique).

Les Arts antiques :


Héritage des Agalanthéens, les Arts antiques ont intégré la culture saabi. L’Art représente la façon dont le
sortilège s’exécute et la façon dont le personnage le lance. Chaque Tribu saabi a un Art de prédilection lui
octroyant un Dé Bonus lors de son utilisation à des fins magiques.
Uranie et les étoiles (Astronomie et Astrologie / Ibn Yucef) : Orientation, voyage, destinée, divin,
désert, mer, nuit, cycles, vœux et présages…
Le sorcier trace du bout des doigts une constellation, devant lui en direction de sa cible. La cible est persua-
dée d’accomplir son destin, elle se sent désorientée et perdue, elle éprouve le besoin d’un renouveau…
Thalie et le mensonge (Comédie / Ibn Mussah) : Émotions heureuses et agréables, mensonges, quipro-
quos, mise en scène, faux-semblants, révélations…
Le sorcier met ses mains en porte-voix et récite une brève tirade comique (la cible doit l’entendre, mais
pas forcément la comprendre). La cible sera flouée par le sorcier, le prendra pour ce qu’il n’est pas, se sentira
immensément bien, pensera avoir eu une révélation…
Terpsichore la chorégraphe (Danse / Ibn Khalil) : Grâce, beauté, légèreté, mouvement, changements,
rythme, liberté, imprévisibilité, efforts, persévérance, couple…
Le sorcier exécute une brève danse rythmée selon les effets désirés, pas forcément visible par la cible. La
cible se sent en état de grâce, intouchable, a envie d’être plus souple avec son entourage, éprouve un besoin de chan-
gement ou croira en percevoir un…
Polymnie et la rhétorique (Littérature et Pantomime / Ibn Mammûd) : Réflexion, calme, silence,
précision, concentration, créativité et création, narration, inspiration, persuasion, philosophie, aventure,
merveilleux, manipulation, imitation, dérision…
Le sorcier écrit un bref texte (pas forcément lu par leur cible) ou mime une action. La cible a le syndrome
de la page blanche, se sent l’âme d’un conteur, n’a plus envie de parler…
Clio et la grandeur passée (Histoire / Ibn Rachid) : Sagesse, érudition, grandeur, décadence, mémoire,
amnésie, incertitude, expérience, vieillesse, mort, synthétisation, incompréhension, légendaire, anticipation…
Le sorcier ferme les yeux et visualise une scène historique passée, dont le type affecte l’effet désiré. La cible a le sen-
timent de connaître les coutumes d’un peuple, a la mémoire embrouillée, sent qu’elle peut tirer des leçons d’une situation…
Euterpe la mélodieuse (Musique / Ibn Malik) : Créativité, beauté, jeu, improvisation, partage, sensibilité,
générosité, union, écoute, envoûtement, charme, charisme, admiration, mœurs, subtilité, délicatesse…
Le sorcier joue, fredonne ou siffle une mélodie ou un rythme (la cible doit l’entendre). La cible se sent plus
sensible et vulnérable, voit son attention accaparée par quelque chose choisie par le sorcier, a l’air plus charismatique…

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La magie dans Capharnaüm

Calliope l’éloquente (Poésie épique / Ibn Tufiq) : Éloquence, spectaculaire, violence, force, subju-
gation, foules, fougue, jeunesse, morale, insouciance, courage, rébellion, épreuves, physique, moral, fantas-
tique, sagas et odyssées, noblesse de cœur, grands sentiments…
Le sorcier récite avec ferveur un poème épique (la cible doit l’entendre). La cible se sent subjuguée par
quelque chose ou quelqu’un, est complètement démoralisée, est impressionnée, se sent l’âme d’un héros…
Érato la fougueuse (Poésie lyrique et érotique / Bint Mimoun) : Charme physique, puissance, fougue
spirituelle et physique, envol, finesse, attirance, dépassement de soi, sexe, amour, trahison, vengeance, per-
fection, repos, prière, enivrement…
Le sorcier déclame quelques vers (la cible doit l’entendre). La cible se sent au-dessus de tout, ressent de trou-
blantes émotions, est attirée physiquement par quelqu’un, veut dépasser ses limites…
Melpomène et le chagrin (Tragédie / Ibn Aziz) : Tristesse, désespoir, mélancolie, nostalgie, peur et terreur,
trac, mal-être, malaise, appréhension, amertume, pitié, abandon, traîtrise, lâcheté, mort, jalousie, douleur, folie…
Le sorcier récite une réplique tragique (la cible doit l’entendre). La cible se sent accablée, n’a plus le courage
de combattre, éprouve une jalousie non fondée…

La Kitâba Nâder
Bien qu’elle ne soit pas à proprement parler de la magie combinatoire, la Kitâba Nâder est fortement liée
à l’un des Clans saabi, les fameuses Bint Mimoun Abd-Al-Tarek.
Pratiquer la Kitâba Nader nécessite une encre composée d’essences de ruh distillées magiquement à partir
de fluides corporels (sueur, sang, sperme, salive…), et d’un support d’écriture, de peinture, etc. (générale-
ment un parchemin, mais ça peut être aussi une toile, du parfum…). L’objet ainsi créé pourra être conservé
indéfiniment jusqu’à son utilisation effective, une seule et unique fois (il se désenchante alors de lui-même).
La distance entre l’objet et la Vierge quand il est utilisé n’a pas d’importance.
Distiller les essences de ruh  (Vierges de Papier uniquement) :
Recueillir au moins trois des ingrédients suivants et réussir un test de Sagesse + Science SD 9 (Bonus
doublés en cas de Réussite critique) :
• Trois gouttes de sueur
• Une goutte de sang
• Un peu de fluides sexuels
• Trois gouttes de salive
Note : Si tous les ingrédients sont réunis et que le test de distillation offre une Réussite critique, les bonus sont
doublés.
Utiliser une compétence relationnelle (Flatter, Commander, Poésie, Comédie…) ou lancer un sort
de séduction, de manipulation ou toute autre action de type relationnelle – le magicien doit se parfu-
mer avec l’essence : :
• 1 Dé Bonus au test contre quelqu’un de la même orientation sexuelle que la personne dont est tirée
l’essence de ruh utilisée.
• 2 Dés Bonus au test contre la personne dont vient l’essence de ruh utilisée sur le support.
Créer une œuvre littéraire ou picturale en utilisant l’essence de ruh en guise d’encre : 1 Dé Bonus

303
Annexe 2

Magie shirade Les Verbes sacrés sont associés à une Face de Shirad :
• Créer est lié à Innpa, Face féminine de Shirad in-
Origine carnant la naissance, les apparitions et les miracles.
La magie n’est pas de ce monde, c’est Shirad qui • Détruire est lié à Caïya, Face masculine incar-
exauce les prières des Séphirim en utilisant sa puis- nant la fin, la mort et le renouveau.
sance pour manipuler sa création – le monde. • Transformer est lié à Assiel, Face androgyne in-
La sagesse infinie des dragons (esprits des anciens carnant l’évolution, le changement et le temps.
Shiradim) modère les hommes dans cette pratique Les Mots sont les Éléments magiques utilisés pour
magique. Ainsi la nuit, les étoiles (incarnation des dra- créer le sort. Leur nombre est quasiment infini, ils
gons) illuminent le ciel pour que tous n’oublient jamais sont toujours et uniquement des noms de la langue
que la magie doit être un hymne à la vie et à la sagesse, française (jamais d’adjectifs, d’adverbes, de pro-
et qu’il ne faut pas en abuser. noms, etc.), invariables et au singulier.
Chaque Tribu shirade a une spécialisation ma-
Les Séphirim gique qui lui octroie un Dé Bonus lorsque la situa-
Les sorciers shiradim ont appris à user de leur art se- tion est propice :
crètement, durant les années d’esclavage que leur peuple • Les Ashkenim sont familiers des Mots liés d’une
a subi. Ainsi leur sorcellerie est-elle restée uniquement manière ou d’une autre aux batailles et aux alterca-
orale, même une fois leur liberté retrouvée, et s’est-elle tions physiques (agilité, puissance, réflexes…)
répandue bien plus grandement que pour les autres • Les Pharatim sont familiers des Mots liés à la
peuples (par une sorte d’effet de « fin d’interdit »). pensée (mémoire, réflexion, philosophie…)
Les Séphirim sont égaux aux autres Shiradim, ils • Les Salonim sont familiers des Mots liés à la vie
n’ont pas de privilèges particuliers. Du fait de l’ora- (soins, torture, naissance, mort…)
lité de leur pratique, ils sont conteurs, messagers ou
poètes. Quelques-uns, plus rares, sont devenus scribes Magie escarte
et historiens, et racontent les aventures et légendes des
héros shiradim. Il existe une rivalité teintée de mépris Origine
entre ces derniers, plus « écrivains », et les premiers. Après avoir créé les humains, Æther décida de leur
tracer un chemin : le Grand Dessein, une vaste route,
Le Tasannu’ aux nombreux croisements, sur laquelle les hommes
Ce terme qui désigne la magie shirade représente avanceraient comme bon leur semble.
le panache et l’énergie dans l’énonciation d’un dis- Il créa ensuite les dragons, espèce supérieure des-
cours. Il s’agit de parler avec emphase, sur un ton gran- tinée à remettre dans le droit chemin ceux qui pour-
diloquent — par exemple en usant de belles phrases raient en dériver. Mais pour que les hommes puissent
sophistiquées — et de mettre une grande conviction éviter un tel châtiment draconique, Æther leur donna
dans ses paroles. la magie, de façon à ce qu’ils puissent se réaliser eux-
Les Séphirim formulent ainsi une Alliance avec mêmes et donc aider à réaliser le Grand Dessein.
Shirad en composant des phrases à partir d’un Verbe Le Grand dessein : À chaque Volitia (sort lancé),
sacré et de Mots, de façon à ce que le dieu réalise leur le sorcier escarte fait inconsciemment un pas de plus
sortilège. La phrase construite, il l’énonce, l’incante, la sur le chemin de la lumière, répondant à une demande
chuchote, la hurle… en fonction de son contenu ou de latente d’Æther qui le guide hors des ténèbres du pé-
l’effet voulu. Shirad réalise alors le sortilège si le lan- ché. Le pas est minuscule, mais signifiant pour réaliser
ceur en est digne : savoir faire résonner des mots afin le Grand Dessein, un concept qu’il ne pourra jamais
de se faire entendre par Shirad est en effet un tour de effleurer, car les hommes sont trop faibles pour pré-
force que l’on peut qualifier de magique.

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La magie dans Capharnaüm

tendre à cela. La magie, ainsi que la volonté même de « Sois loué », « Père des justes », « Protecteur des
l’utiliser, vient donc du dieu et non de l’homme. hommes », « Créateur de toute chose », « Béni sois-
tu  », «  Je te servirai jusqu’à ma mort  », «  Dans ta
Les Thaumaturges grande sagesse », « Je ne suis pas digne »…
Élus d’Æther et de Jason, les sorciers escartes ont
été choisis pour faire évoluer et accomplir le Grand Les Domaines spirituels
Dessein. Ils sont peu nombreux, ceux disposant de L’Église enseigne qu’il existe trois Domaines —
telles capacités étant repérés dès leur plus jeune âge correspondant chacun à une partie de l’être humain
par les autorités religieuses, qui les prendront ensuite — qui recouvrent la totalité de ce qui peut exister.
en charge pour leur apprentissage. Ceux qui arrivent Chaque royaume escarte est lié à un Domaine
au bout de celui-ci sauront alors réciter les bonnes qui octroie à ses Thaumaturges un Dé Bonus
prières. Être Thaumaturge n’est donc pas un choix, lorsqu’il utilise au moins un Élément qui en est
mais un devoir. issu.
Les magies étrangères sont jugées maléfiques L’Éphémère (Arakognans) est le corps, il re-
et hérétiques, car elles ne sont pas utilisées pour ai- groupe tout ce qui concerne le monde physique et le
der Æther, mais par profit personnel. Les pires sont palpable, ainsi que les cinq sens humains : la nature,
les Shiradim qui demandent au dieu directement de les êtres vivants, les astres, les éléments, etc.
réaliser leur souhait, ce qui est vaniteux, irrévéren- L’Éternité (Dorkades) représente l’esprit, elle est
cieux et blasphématoire : les Escartes sont au service liée à la spiritualité et à la réflexion : les pensées, les
d’Æther, non l’inverse. Les Escartes se doivent donc opinions, les idées, les préjugés, la sagesse, la médita-
d’éviter tout contact avec les sorciers qui ne sont pas tion, la concentration, les maladies mentales, la philo-
Thaumaturges. Les Thaumaturges doivent quant à eux sophie, etc.
lutter contre ces infidèles qui trahissent la confiance Le Réceptacle (Occidentins) est l’âme, ce qui
d’Æther. englobe le rêve, l’art et les fantasmes : les cauchemars,
les délires, les coups de foudre, les idées de génie, les
Le Recueillement émotions, les dieux et les dragons, les Héritiers, la vie
Les Thaumaturges combinent un Verbe sacré par- et la mort, les mystères, etc.
mi Créer (Æther), Transformer (Mira) ou Détruire Note  : certains Éléments peuvent appartenir à
( Jason) avec l’Élément d’un Domaine (Éphémère, plusieurs Domaines, le sorcier doit alors choisir à
Éternité ou Réceptacle), formulant ainsi une prière quel Domaine il appartient lors de l’apprentissage de
— muette, murmurée, incantée, criée… – adressée l’Élément.
à Æther. Ils peuvent l’agrémenter d’un ou plusieurs
Hommages, marque de politesse et de servitude, afin
de plaire au dieu et attirer sa bénédiction. Ces Hom-
Pratiquer la magie
mages augmentent les chances de réussite, mais aussi combinatoire
la durée de la prière (+1 Phase par Hommage, mais
SD -1 pour chaque). Beaucoup de Thaumaturges uti-
lisent aussi des chapelets ou des rosaires. Ils lancent
Lancer un sortilège
alors une Volitia du dieu, accomplissant inconsciem- Pour lancer un sortilège vous devez utiliser Sagesse
ment l’une de ses volontés et leur permettant de fran- + Verbe sacré. Le SD est fixé par Al-Rawi en fonction
chir un pas de plus dans le Grand Dessein du Tout- des circonstances et de la puissance de l’effet. En cas
Puissant. de réussite, vous devez alors répartir vos QR entre les
Quelques Hommages  : «  Seigneur tout-puis- différents paramètres du sortilège.
sant », « Que ton règne vienne », « Gloire à toi »,

305
Annexe 2

SD en fonction de l’effet
SD de base Description
9 Création d’élément simple (eau, feu, air, sable…), soins, etc.
12 Création d’élément complexe ou rare (métal, bois, pierre précieuse...), dégât direct, etc.
15 Transformation corporelle, déplacement dans l’espace, contrôle spirituel, etc.
18 Création d’un être animé, déplacement dans le temps de quelques secondes, etc.
21 Utilisation d’une force naturelle (tremblement de terre, éclair…), etc.
30 et + Tout ce qui nuit à la cohérence de l’univers ou à la campagne.

Règle optionnelle : SD simplifié


Avec cette règle optionnelle, le SD d’un sort dépend uniquement de la nature de la cible :
Cible inerte (objet, bâtiment, éléments naturels, etc.) : SD = 15
Cible consciente (humain, créature, etc.) : SD = Test de Confrontation de Sagesse + Inspiration

Modificateurs au SD d’un sortilège


Situation Bonus/Malus au SD
Environnement bruyant :
Taverne +1
Foule +2
Champ de bataille +3
Foi à 0 +6
Élément Restrictif -3
Élément Neutre +0
Élément Générique +3
Improvisation +6*
Élément pertinent non nécessaire -3**
Par Phase de concentration -2
Silence total -1
Lieu de culte -1
Brûler de l’encens (Al-Kimyati) -1
Porter la tenue rituelle (Séphirim) -1
Brûler un cierge (Thaumaturges) -1
Faire un acte de foi (jeûne…) -1
Terre sacrée -3

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La magie dans Capharnaüm

Nous invitons Al-Rawi à adapter ces exemples et à (*) Par Élément nécessaire au sortilège mais non
imposer des bonus ou malus à ses joueurs en fonction connu par le sorcier
des situations rencontrées au cours de leurs aventures. (**) Par Élément de ce type, utile mais non obliga-
toire pour lancer le sortilège
QR Durée Portée Cibles Surface/ PV Augmentations
Volume*
Carac. Vertu Comp.
0 1 Passe d’Armes 1 m 1 1 5 +0 +0 +1
1 1 minute 10 m 2 2 10 +1 +0 +2
2 1 heure 50 m 5 5 20 +2 +1 +3
3 1 jour 100 m 10 10 30 +3 +1 +4
4 1 mois 1 km 50 50 40 +4 +2 +5
5 1 an 10 km 100 100 50 +5 +2 +6
6 1 vie 100 km 1000 1000 80 +6 +3 +8
7 Permanent Infini Infini Infini 100 +7 +3 +10

* : L’unité de surface est le m2, l’unité de volume le Note : Tout effet non quantifiable dans cette table doit
litre, sauf pour les matières rares ou précieuses auquel être pris en compte dans la détermination du SD.
cas l’unité de mesure est l’once.

Règle optionnelle : Puissance des sortilèges


Avec l’expérience, les Héritiers maîtrisant la magie deviennent vraiment très puissants. Ainsi, si vous
comptez jouer en campagne avec des personnages qui progressent sur le long terme, nous vous conseillons
d’utiliser la table ci-dessous. La précédente étant plutôt destinée aux parties occasionnelles afin d’avoir des
personnages débutants capables de réaliser des prodiges.

QR Durée Portée Cibles Surface/ PV Augmentations


Volume*
Carac. Vertu Comp.
0 +0 1 m 1 1 5 +0 +0 +1
1 1 Passe d’Armes 5 m 2 2 10 +1 +0 +1
2 1 minute 10 m 5 5 20 +1 +1 +2
3 15 min 50 m 10 10 30 +2 +1 +3
4 1 heure 100 m 20 20 40 +2 +1 +4
5 4 heures 500 m 50 50 50 +3 +2 +5
6 1 jour 1 km 100 100 60 +3 +2 +6
7 1 semaine 5 km 200 200 70 +4 +2 +7
8 1 mois 10 km 500 500 80 +4 +3 +8
9 1 an 50 km 1000 1000 90 +5 +3 +9
10 1 vie 2000 2000 100 +5 +3 +10

307
Annexe 2

Verbe sacré et Éléments un ou plusieurs Éléments. Plus un Élément est large,


La compétence Verbe sacré symbolise votre ca- plus il est utile. Le système de magie prend ceci en
pacité à faire appel aux dieux afin d’obtenir un effet compte, octroyant un -3 au SD par Élément Restrictif
magique. Le Verbe sacré est divisé en trois sous-com- utilisé dans un sortilège et un +3 aux SD par Élément
pétences  : Créer, Transformer et Détruire. Avant de Générique utilisé dans un sortilège.
jeter les dés, vous devez combiner un Verbe sacré avec

Comment choisir un Élément ?


Les Éléments sont toujours et uniquement des noms de la langue française (jamais d’adjectifs, d’adverbes,
de pronoms, etc.), invariables et au singulier.
Un Élément est soit Générique, soit Neutre, soit Restrictif. C’est Al-Rawi qui le décide à l’acquisition
de l’Élément par le personnage.
Le joueur peut s’il le désire classer ses Éléments selon les Mondes magiques pour les Saabi ou selon les
Domaines pour les Escartes, mais cela n’est pas une obligation. La distinction ne sert pas en termes de jeu,
elle permet juste de donner une cohérence philosophique au personnage.

La cible d’un sort en tant qu’Élément


Généralement, la nécessité de posséder un Élément comme Cible dépend du Verbe sacré utilisé. Ne pas
posséder un Élément nécessaire augmente le SD de lancer du sort de +6 par Élément manquant.
Transformer : les deux Éléments sont nécessaires (on transforme un Élément en un autre Élément).
Créer : l’objet de la création est un Élément nécessaire, mais il ne nécessite pas forcément quelque chose
– un matériau par exemple - de préexistant (on crée quelque chose ex-nihilo). En revanche, l’Élément ciblé
par la création n’est généralement pas nécessaire, mais il est possible de réduire le SD de -3 si un Élément
pertinent est utilisé (cf. encadré Modificateurs au SD d’un sortilège).
Exemple : Créer Vent afin de détourner une nuée de scarabées volants agressifs. Les scarabées sont ciblés indirec-
tement par le sort, il n’est donc pas utile d’en connaître l’Élément. Cependant, avoir Scarabée ou Insecte ou Animal
permet de rajouter un Élément pertinent (Créer Vent contre Scarabée) et de baisser ainsi le SD de -3
Détruire : l’objet de la destruction est un Élément nécessaire.
Note : les règles exposées dans ce chapitre sont des indications générales. En pratique, le Rawi a toujours
le dernier mot pour estimer s’il manque un ou des Éléments nécessaires pour lancer un sort. Par exemple,
dans certains cas, le sort pourrait manquer de bien trop de précision sans l’utilisation de certains Éléments,
qu’ils soient des Éléments Cible ou autre.

Quelques exemples d’Éléments


Élément Genre Élément Genre
Animal G Végétal G
Félin N Arbre N
Chat R Palmier R

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La magie dans Capharnaüm

Élément Genre Élément Genre


Soleil N Arc R
Lumière R Feu N
Pensée G Eau N
Émotion N Air N
Peur R Terre N
Outil G Flamme R
Arme N Sable R
Épée R

Note : attention, certains Éléments pourraient être considérés comme Restrictif alors qu’ils peuvent
être utilisés de manière plus large. Nous vous conseillons de considérer ces Éléments comme Neutre.
Par exemple, une hiérarchie Humain (G) > Homme/Femme/Enfant/Corps (N) > Organe/Membre/Es-
prit (R) pourrait être valide. Cependant, Organe/Membre/Esprit peuvent aussi être utilisés dans le cas des
animaux ou de diverses créatures. Il est donc conseillé de les considérer plutôt comme des Éléments Neutre.

Apprendre de nouveaux Éléments


Apprendre un Élément en jeu : 1 Réussite critique lors d’un lancer de sort. L’Élément doit être lié au
sortilège.
Étude de grimoires : consultez votre Rawi, les informations concernant les grimoires se trouvent p. 111
du Livre d’Al-Rawi.
Dépense de Points d’Aventure : 15 PA par Élément appris.

Lancer un sortilège - Récapitulatif


• Décrivez à Al-Rawi l’effet du sortilège que vous voulez lancer.
• Indiquez quel est le Verbe sacré utilisé et quels sont les Éléments employés.
• Al-Rawi détermine si les Éléments nécessaires sont présents et fixe le SD du sortilège.
• Prenez éventuellement des Vantardises et lancez Sagesse + Verbe sacré.
• En cas de Réussite, répartissez vos QR dans la table des paramètres.
• Al-Rawi décrit ce qu’il se produit.

309
Annexe 2

La magie des tablettes offrir à ses proches est très fréquent, que cela soit
pour lutter contre la maladie, affiner sa concentration,
d’argile réussir quelque chose, qu’une situation se passe bien,
etc. Les voyageurs s’en procurent pour faciliter leur
La magie des tablettes est une forme de magie plus
voyage et bénéficier d’un temps favorable, d’eau po-
classique, basée sur des listes de sort. Une fois que la
table, s’orienter convenablement... Beaucoup d’achats
tablette est créée avec un sort, il n’est pas possible d’en
sont aussi faits pour attirer la chance ou provoquer
changer. Elle est donc moins souple que la magie com-
la malchance (lors des grandes courses de char par
binatoire. En revanche, une fois la tablette créée, elle
exemple où les effets antagonistes des tablettes s’an-
peut être utilisée par n’importe qui. Cela est un avan-
nulent généralement).
tage non négligeable.
Son plus gros inconvénient, qui limite son succès
en plus du coût d’achat, est la fragilité de la tablette.
Origine
Volumineuses et lourdes, celles-ci supportent très
Le Monde fut engendré par le sacrifice du premier mal les voyages et les changements de climats. Elles
dragon, Utaax, qui donna aussi naissance aux dieux, à peuvent ainsi se casser facilement et, pire, déclencher
la flore, à la faune puis aux hommes. Après avoir donné le sort qu’elles contiennent.
la mission aux dieux de lui créer des successeurs draco-
niques chargés de veiller sur le monde et les hommes, Les Chiromanciens
l’âme d’Utaax s’éleva au plus haut point du firmament,
Les Chiromanciens bénéficient d’un grand prestige
puis explosa en une infinité de fragments. Ceux-ci re-
parmi leur peuple et d’une toute aussi grande fortune,
tombèrent sur terre et imprégnèrent toute chose. La
le commerce de tablettes étant florissant. Ils sont très
magie est donc à la fois l’héritage du grand Créateur et
souvent vus comme des héros légendaires qui ont le
un principe qui lie chaque chose et chaque être vivant,
pouvoir d’interpeller les dieux, afin d’écrire l’histoire
donnant au monde sa cohérence et sa cohésion.
à leur convenance.
Devenir Chiromancien se fait au cours d’une for-
La Chiromancie
mation longue et difficile, réservée aux plus endu-
Elle est la magie du destin, celle qui permet de mo- rants. Ceux qui en viennent à bout jouissent d’une
difier la destinée des gens, des animaux ou des choses grande admiration.
en appelant les dieux à intervenir par l’intermédiaire Le scolaria de Chiromancie est exclusif aux
d’une tablette d’argile qu’il faut briser contre un mur, hommes. Son accès est très ardu — il implique
une table, son genou ou avec un marteau, etc. des épreuves d’habileté, de mémoire et d’atten-
Les Chiromanciens imprègnent l’argile de la tion — et donc les étudiants peu nombreux. L’ap-
requête aux dieux. L’argile est en effet un bon récep- prenti doit avoir un mentor dès le début, qui lui
tacle magique, car il est imprégné de la nature divine apprendra la plus grande partie de ses sorts — no-
d’Utaax. Ainsi, briser une tablette, c’est rappeler leur tamment les communs et les basiques —, à l’excep-
devoir aux dieux, dragons, Héros et Muses envers leur tion de variations personnelles gardées jalouse-
père Utaax et les prier d’intercéder en la faveur des ment. Ses premières tablettes créées, il participe au
hommes. financement de l’école en servant quelques mois
De par sa nature, c’est une magie commerciale. dans l’une des boutiques chiromanciennes de la ville.
Elle est considérée avec condescendance par les autres La dernière partie du scolaria est particulièrement
peuples, dont la magie est instantanée, libre et élitiste, dure, elle peut durer plusieurs années lors desquelles
au contraire de la Chiromancie qui est disponible pour l’étudiant est corvéable à merci – surtout pour
tout un chacun grâce à l’achat de tablettes. Les tablettes quelques mentors peu sympathiques. Il suivra son
sont d’ailleurs des objets quotidiens en Agalanthe, en mentor et apprendra ses sorts les plus secrets et exer-

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La magie dans Capharnaüm

Histoire de la Chiromancie
L’ancienne Chiromancie  est celle qui manipule les lignes de la main afin de changer la destinée
d’un homme. Elle consiste à prendre l’empreinte d’une paume pour en modifier les lignes, puis de bri-
ser la tablette. Les lignes de la main se redessinent alors, changeant l’avenir de leur propriétaire. C’est
une magie très imprécise et difficile à contrôler, il est en effet aisé de changer l’avenir en mal par erreur.
Ancienne sorcellerie ancrée dans la culture populaire agalanthéenne, elle est encore pratiquée par de vieilles
sorcières dont on dit qu’elles sont responsables de tous les maux de la région. En réalité, c’est une magie
féminine utilisée avec grandes précautions dans le but d’altérer très légèrement la destinée des gens proches.
La nouvelle Chiromancie  naquit lorsque se développa l’écriture  : les tablettes devinrent alors
plus précises et permirent d’appeler les enfants d’Utaax (dieux, dragons, etc.). On la doit à Erius
l’Ancien, qui étudia l’ancienne Chiromancie pour en faire une science par l’Écriture. Il n’y par-
vint pas, mais il apprit à connaître l’argile au mieux, si bien que les tablettes d’aujourd’hui sont tou-
jours fabriquées en respectant ses études, qui forment des fondamentaux de la Chiromancie.
Erius le Jeune reprit les travaux de son père et parvint enfin à créer une tablette. Avec ses 18 enfants, ses
premiers apprentis, ils posèrent les préceptes de la Chiromancie moderne. Certaines personnes pensent que
la nouvelle Chiromancie modifie toujours les lignes de la main, mais si infiniment que c’est imperceptible à
l’œil.

cera le vrai métier de Chiromancien (de nombreux s’il est brillant, une place définitive au service d’une
mentors sont d’ailleurs inquiets que leur apprenti ne cité-État et exercera dès lors comme conseiller, méde-
leur vole des clients), le temps de gagner en connais- cin ou sur les champs de bataille. D’autres ouvriront
sances et compétences. un cabinet privé ou s’engageront au sein d’une com-
Il est possible de se passer de scolaria si un men- pagnie mercenaire.
tor décide de prendre sous son aile un enfant (très Les femmes ne peuvent se former dans un scola-
jeune) dont il reconnaît que les dieux se sont penchés ria et doivent donc chercher d’autres moyens pour
sur lui ou bien qu’il estime qu’il aura une grande desti- se faire. Celles qui y parviennent ne trouvent cepen-
née par exemple. Ces mentors, très rares, sont souvent dant que rarement un Archonte prêt à les prendre
itinérants. Bien que les scolarias refusent de le recon- à son service afin de faire son conscriptorium.
naître, ces Chiromanciens sont généralement parmi Aussi ne peuvent-elles pas exercer le métier et se
les meilleurs de leur profession. tournent généralement vers l’ancienne Chiromancie.
Le conscriptorium est obligatoire pour prati-
quer la Chiromancie*, que l’étudiant soit passé (*) Il est toutefois possible de connaître quelques
par un scolaria ou non. C’est une sorte de service tours sans passer par le conscriptorium, ces personnes
militaire associé à la magie, d’une durée de 2 ans, étant considérées comme des devins et non de vrais
pendant lesquels le Chiromancien est lié par ser- Chiromanciens.
ment à un Archonte et il devra servir au mieux ce
dernier en toutes circonstances. Ce sacrifice et la
dureté de ces deux années finissent par découra-
ger les derniers Chiromanciens indignes de cet art.
À la fin du conscriptorium, le Chiromancien obtient,

311
Annexe 2

Pratiquer la Chiromancie Avant toute chose, il est obligatoire de connaître


un sort ou de le créer avec votre Rawi, cf. Livre d’Al-
Cette magie se base sur l’utilisation du Verbe sacré Rawi p. 138. Il s’agit ensuite de fabriquer la tablette,
Transformer. Elle se pratique en deux temps. Il faut au puis d’écrire le sort sur celle-ci.
préalable créer la tablette et ensuite l’utiliser en la bri-
sant.

Les Règles d’or de la Chiromancie


Les Règles d’or de la Chiromancie ont été établies par Erius le Jeune. Elles sont les suivantes :
• Faire appel à un dieu ou un Héros connu pour être capable d’exercer l’influence désirée (Néréa pour la
fertilité, Chtonos pour la mort ou la maladie, Thalie pour égayer, etc.)
• Le faire avec humilité, les dieux et les Héros n’ont plus rien à prouver, contrairement aux Chiromanciens.
• Écrire le plus précisément possible quelle influence il doit amener : comment, à quel degré, sur qui ? Si des
informations manquent, la réalisation sera alors plus difficile.
Condition de façonnage : la croyance en les dieux agalanthéens et ses Héros est indispensable, elle influe
directement sur la capacité à pratiquer la Chiromancie et à la qualité de réalisation.
Créer est impossible, car Utaax est le seul Créateur.
Transformer est le plus commun, il influence le destin de ce qui existe en le transformant.
Détruire est réservé aux prêtres de Chtonos (car seul ce dieu peut détruire), qui sont souvent estropiés,
amputés ou bardés de cicatrices…

Fabriquer une tablette Choisir l’argile : Sagesse + Inspiration.


Une tablette fait deux longueurs de main pour Choisir la meilleure argile dans son stock person-
deux largeurs de main, son épaisseur est de 2 doigts. nel : SD 9
  Il s’agit avant tout de trouver l’argile, en l’achetant Déterminer la qualité de l’argile extraite d’un gise-
ou dans un gisement, puis d’évaluer son imprégnation ment connu : SD 12 (trouver un gisement : Sagesse +
par l’essence d’Utaax. Il convient ensuite de l’assai- Périple SD 9 à 20)
• Mauvaise qualité : 1 talent d’or* à l’achat
nir en nettoyant les impuretés, de la préparer en fine
• Qualité moyenne : 2 talents d’or* à l’achat, 1 Dé
plaque et enfin de la faire cuire. Les bonnes tablettes
se brisent en centaines de petits morceaux, officielle- Bonus lors de la fabrication de la tablette
• Très bonne qualité : 5 talents d’or* à l’achat, 3
ment car les prières sont ainsi mieux entendues par les
dieux et les Héros – officieusement afin d’éviter le vol Dés Bonus lors de la fabrication de la tablette
de sorts par d’autres Chiromanciens. (*) Les prix sont multipliés par deux dans les
Il est conseillé de réaliser ses tablettes soi-même grandes villes jazîrati et par 4 ou 5 dans les villes com-
pour mieux appréhender le tout lors de l’écriture du merçantes de Jazîrat. Il est presque impossible de se
sort. Certains choisissent ou préparent leur argile selon procurer de l’argile dans les campements ou dans les
le sort désiré (Appel à Démétra = argile ramassée près villes et villages jazîrati n’ayant aucun contact direct
d’un champ ; Kalos = eau de mer pour pétrir l’argile, ou indirect avec le continent.
etc.) et la teinte pour la même raison (vert = moisson,
rouge = amour, noir = maladie…). Il n’y a cependant Modeler l’argile  : Coordination + Artisanat SD  12
aucune preuve que cela influence vraiment la création. (avec Dés Bonus éventuels) (2 heures). La QR donne un
nombre de Dés Bonus à ajouter au jet pour écrire le sort.

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La magie dans Capharnaüm

Écrire le sort sur la tablette L’écriture doit être parfaite, sans faute ou hésitation, car
C’est un processus plus ou moins long, selon s’il une erreur peut modifier plus ou moins la requête et pro-
faut en créer un tout nouveau – avec la recherche voquer des conséquences qui vont de mineures à graves.
du dieu ou Héros idéal qui va avec – ou adapter, al- Les informations manquantes peuvent être com-
térer des sorts connus – cas le plus fréquent. Plus plétées par des dessins ou l’incrustation d’éléments
le sort est difficile, plus l’écriture sera elle-même concernés (exemple : dessiner une plante ou incruster
compliquée et longue – de 1 heure à 1 journée. une fleur séchée dont on ne connaît pas le nom).

Déterminer le SD du sort :
Par information non précisée, à prononcer à voix haute +5
au moment du bris
• Commun : 9 Par information remplacée par un dessin ou une para- +3
• Moyen : 12 phrase
• Difficile : 15 Par précision supplémentaire demandée +3
• Très difficile : 18 Pour une personne supplémentaire +3
• Inouï : 21 Pour passer d’une personne à un groupe d’une dizaine +9
de personnes
Par point de Foi -1

Écrire le sort : Sagesse + Verbe sacré SD déterminé qué pour le sort + 1D6.
ci-dessus. (SD x SD minutes). En cas de Réussite cri- Ne pas résister à un sort de Chiromancie demande
tique, Al-Rawi peut considérer que le Chiromancien que la personne visée soit bien consciente d’être la
a créé une variante suffisamment importante du sort cible du sort.
pour en faire un nouveau sort.
Échec de l’écriture : Il est parfois possible de récu-
pérer son argile. Sentir la magie
Réussite critique : un Chiromancien peut décou-
Vous pouvez détecter la présence de magie en effec-
vrir une variante du sort qu’il a tenté d’écrire.
tuant un test de Sagesse + Inspiration contre un SD
déterminé par Al-Rawi, en fonction de la proximité
Ensuite, il suffit à quiconque de briser cette tablette
et de la puissance de la manifestation magique. En
pour lancer le sort. Cette action est considérée comme
fonction de votre QR, vous obtiendrez plus ou moins
une réussite automatique.
d’informations.T1

Résistance
Vous pouvez résister à un sortilège en effectuant
un test de Confrontation avec Sagesse + Inspiration
contre le TA du lanceur ou le TA de l’écriture de la
tablette. Lors de l’achat d’une tablette ou si vous ne
connaissez pas ce TA, considérez-le égal au SD indi-

313
Annexe 3

Annexe 3
les tablettes
agalanthéennes
Les sorts sée dans l’effet du sort, il s’agit de la QR d’écriture
de la tablette. Les prix indiqués ci-dessous le sont
accessibles à tous pour un sort avec toutes les informations précisées
et pour une QR de 1. Pour chaque information non
Voici quelques sorts que tout Chiromancien peut précisée, doublez le prix de la tablette, et pour chaque
apprendre dans leur scolaria. Lorsqu’une QR est préci- point de QR supplémentaire augmentez le prix d’en-
viron 20 %.

Calculer les prix


La méthode donnée ici permet d’évaluer le prix d’une tablette afin d’établir une échelle de valeurs. Le lieu
de vente, le Chiromancien, le client, la célébrité du sort ainsi que tout un tas d’autres paramètres peuvent
rentrer en compte. Cette méthode est proposée aux Rawi et aux joueurs Chiromanciens afin d’avoir une base
de calcul.
Le prix de base d’une tablette et de 1 talent d’or. Cela concerne une tablette de SD 9 à l’écriture (malus et
bonus compris) avec une QR de 0, même si une tablette de QR de 0 n’a que rarement d’intérêt.
Il suffit de multiplier par 2 le prix pour chaque tranche de 3 points de SD supplémentaires (2 talents pour
un SD de 12, 4 talents pour un SD de 15, etc.) et de l’augmenter de 20 % par point de QR supplémentaire
(+20 % pour une QR de 1, +60 % pour une QR de 3, +120 % pour une QR de 6…).

Tablette : Enfanter Effet : Les chances de mener la grossesse à terme


Ô Néréa, aide cette femme à accéder au plus beau sont multipliées par la QR d’écriture de la tablette.
cadeau des dieux, et permet-lui de donner la vie. Coût : 2,4 talents d’or
Verbe : Transformer
Appel : Néréa, déesse de la fertilité Tablette : Contre vents et marée
SD : 12 Ô, Kalos, que ta force et ton courage aident cet
Informations à préciser  : le nom de la femme ou homme, capitaine de ce bateau à trouver sa route par-
de l’animal, les problèmes rencontrés lors des précé- mi les embûches que la mer, les vents et les courants
dentes grossesses. dresseront sur son chemin.
Verbe : Transformer

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Les tablettes agalanthéennes

Appel : Kalos, dieu de la mer Tablette : Ô Joie, illumine son


SD : 12 visage
Informations à préciser  : le nom du capitaine, le Ô Thalie toi dont le sourire appelle le sourire, égaye
nom du bateau, le nom des mers, des courants et/ou le cœur de cette personne.
des vents Verbe : Transformer
Effet : permet de baisser les SD d’autant de points Appel : Thalie, Muse de la Comédie
que la QR d’écriture de tous les tests liés au voyage en SD : 12
mer pendant une journée. Informations à préciser : le nom de la cible
Coût : 2,4 talents d’or Effet  : la cible verra son humeur s’alléger, devenir
plus joyeuse comme s’il venait d’entendre une histoire
Tablette : Chance prêtant à sourire, voire à rire selon la QR. Al-Rawi est
Gracus, toi que la chance a tant aimé qu’elle fit de libre d’interpréter les bénéfices de cette humeur sur les
toi son enfant béni, demande-lui de poser son regard relations entre la cible et les personnes autour de lui.
quelques instants sur cette personne lorsqu’elle es- Coût : 2,4 talents d’or
sayera de réaliser cette action.
Verbe : Transformer Tablette : Trouver son chemin
Appel  : Gracus — Gracus est un des héros my- Ô, Uranie, toi dont le regard brille comme les
thiques de Thérème dont la légende dit qu’il passa de étoiles dans la nuit, aide cette personne à trouver cette
fils de mendiante à un des postes les plus importants constellation.
de la ville uniquement par la chance, l’homme n’ayant Verbe : Transformer
aucune qualité sortant du commun en dehors de sa Appel : Uranie, Muse de l’Astronomie
chance devenue proverbiale. SD : 12
SD : 9 Informations à préciser : la constellation, le nom de
Informations à préciser  : le nom du bénéficiaire, la cible
l’action sur laquelle la chance doit porter Effet : grâce à ce sort, la constellation que cherche le
Effet : le bénéficiaire peut choisir QR dés (au choix voyageur va briller dans le ciel pendant QR secondes.
du joueur) à relancer suite au jet d’action concerné. Suffisamment pour qu’il la voie, et ce, quel que soient
Coût : 1,2 talent d’or les conditions atmosphériques ou l’heure de la journée.
Coût : 2,4 talents d’or
Tablette : Malchance
Ô, Chtonos, pardonne-moi de te déranger, mais Tablette : Soigne cette maladie
cette personne ne mérite pas de réussir son action. Ô Démétra, reine de la Terre, aide cette personne
Peux-tu Ô, Chtonos, la contrer ? à guérir de cette maladie. Toi qui contrôles la Nature,
Verbe : Transformer chasse la maladie de son corps.
Appel : Chtonos, le dieu de la mort Verbe : Transformer
SD : 9 Appel : Démétra, déesse de la Nature
Informations à préciser : le nom de la cible, l’action SD : 15
sur laquelle la malchance doit porter Effet : la personne mettra QR fois moins de temps
Effet : le bénéficiaire relancera ses QR meilleurs dés pour recouvrer la santé, tout en stoppant l’avancée de
lors du jet d’action concerné. la maladie. Cela n’agit pas sur une maladie incurable,
Coût : 1,2 talent d’or et n’agira que très lentement sur une maladie grave
traitée tardivement.
Coût : 4,8 talents d’or

315
Annexe 3

Sorts spécifiques Tablette : Grande Malchance


Ô, Chtonos, dieu de la mort, je ne suis qu’un
Les sorts suivants ne peuvent être appris qu’auprès humble humain et je serai ton humble serviteur dans
d’un mentor possédant ce savoir, ou en ayant fait soi- la mort. Intercède pour moi afin que cette personne
même suffisamment de recherches pour pouvoir les échoue dans cette action.
créer soi-même. Les coûts indiqués ne sont qu’indica- Verbe : Transformer
tifs. De telles tablettes se monnaient dans le plus grand Appel : Chtonos, le dieu de la mort
secret afin de permettre aux Chiromanciens de garder SD : 15
leurs sorts secrets. Informations à préciser : le nom de la cible, l’action
Le prix de ces sorts est à la discrétion des Chiroman- sur laquelle la malchance doit porter
ciens qui les connaissent. Par rapport aux sorts com- Effet : le bénéficiaire lancera et gardera QR dés de
muns, ils peuvent être plus chers de 10 à 20 %, pour moins sur le jet d’action concerné.
arriver à des sommes astronomiques pour un sort tout
juste découvert et qui révolutionnerait la vie de ceux Tablette : Prête-moi ta force
qui l’emploieraient. Vigus, toi dont la force fut reconnue des dieux,
prête-moi ta force jusqu’au coucher du soleil !
Tablette : Grande Chance Verbe : Transformer
Ô, Démétra, demande à la Nature qui est tienne, aux Appel : Vigus, un aurige célèbre pour avoir terminé
éléments, aux vents, à la terre, à l’eau aux plantes et à une course contre Chtonos dans laquelle il jouait sa
tout ce qui vit ou ne vit pas d’aider cette personne à vie. Ayant épuisé ses chevaux, il termina la course au
réaliser cette action. coucher du soleil en les portant et en tirant le char. Il
Verbe : Transformer arriva ex aequo avec Chtonos qui, impressionné, lui
Appel  : Démétra, déesse de la Nature — seule la laissa la vie sauve.
Nature peut provoquer une chance aussi grande en SD : 15
s’influençant elle-même ! Informations à préciser : le nom de la cible
SD : 15 Effet : jusqu’au prochain coucher du soleil, la cible
Informations à préciser  : le nom du bénéficiaire, bénéficie de 2 + QR Dés Bonus à lancer sur ses jets de
l’action sur laquelle la chance doit porter Puissance.
Effet : le bénéficiaire lancera QR Dés Bonus supplé-
mentaires lors du jet d’action concerné.

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Les tablettes agalanthéennes

Tablette : Tremblement de terre Effet : en fonction de la QR et des nuages, ce sor-


Ô Démétra, laisse s’exprimer ta colère, et que le sol tilège dissipera plus ou moins le mauvais temps qui
tremble en ces lieux selon cette intensité. menace de s’abattre sur une région donnée. Ce sorti-
Verbe : Transformer lège est très prisé par les nobles agalanthéens soucieux
Appel : Démétra, déesse de la Nature de la réussite de leur petite fête privée.
SD : 18 Coût : 4,8 talents d’or
Informations à préciser : le lieu
Effet  : Un tremblement de terre secoue le lieu Tablette : Détruire ce mur
désigné dont l’intensité dépend de la QR obtenue. Ô, Chtonos, écoute notre prière et exprime ta co-
Ce sortilège fait partie des sortilèges craints, car il a lère en détruisant tel mur de telle construction.
provoqué la perte de plusieurs villes lors des guerres SD : 21
intestines qui ont secoué l’Empire agalanthéen puis Éléments à préciser  : la construction et le mur
les cités-États. concerné.
Effet : Ce sortilège, généralement écrit à plusieurs

Sortilèges de mains, permet de faire s’écrouler un mur. Le niveau


de destruction du mur dépend de la QR — et il est
Chtonos recommandé de s’abriter en cas de très forte QR sous
peine d’être blessé par des projections de pierres. Ce
Il existe des Chiromanciens travaillant au profit des sortilège n’est pas vendu à n’importe qui, surtout sans
temples pour tous les dieux importants du panthéon préciser la construction ou le mur !
agalanthéen. Ils créent des tablettes faisant appel au Coût : 38,4 talents d’or
dieu concerné, tablettes qui seront vendues ou of-
fertes aux fidèles. Tablette : Détruire la vie
Les Chiromanciens attachés à Chtonos font cepen- Ô, Chtonos, écoute ma prière et aide cette per-
dant exception, car ce sont uniquement des prêtres sonne à mourir !
de Chtonos qui apprendront à maîtriser, en plus du SD : 15
Verbe sacré Transformer, le Verbe sacré Détruire et Éléments à préciser : la cible
les sortilèges de Chiromancie qu’ils peuvent réaliser Effet : Plus la QR sera grande, moins la personne
avec. mettra de temps à mourir.
Les sortilèges suivants ne peuvent être créés que Coût : Officiellement cette tablette n’est pas vendue.
par les Chiromanciens et prêtres de Chtonos, mais Elle est réservée aux personnes en grande souffrance
peuvent tout à fait être achetés auprès d’un temple de désirant quitter ce monde le plus doucement possible.
Chtonos. Ils font tous appel à Chtonos en utilisant le Les prêtres de Chtonos demandent à rencontrer la
Verbe sacré Détruire (Verbe : Détruire / Appel : Ch- personne concernée et brisent eux-mêmes la tablette
tonos). Le prix d’achat est doublé par rapport à une afin d’éviter d’être complices involontaires d’assassi-
tablette classique et les prix indiqués le sont toujours nat. Officieusement, c’est une autre histoire…
pour une QR de 1.

Tablette : Détruire les nuages


Ô Chtonos, écoute ma prière et fait valoir ta toute-
puissance en détruisant les nuages qui menacent ce lieu.
SD : 12
Éléments à préciser : le lieu

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chapitre clio

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Histoire

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chapitre clio

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