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Plaisir visuel et cinéma narratif 1 deux niveaux : comme objet érotique d’une

La femme comme image, l’homme comme 50 part pour les personnages de l’histoire et
porteur du regard d’autre part pour les spectateurs dans la salle,
A. Dans un monde gouverné par avec une tension entre les regards d’un côté
5 l’inégalité entre les sexes, le plaisir de regarder et de l’autre de l’écran. Par exemple, le
se partage entre l’homme, élément actif et la recours au personnage de la show-girl permet
femme, élément passif. Le regard 55 l’unification technique de ces deux regards
déterminant de l’homme projette ses sans apparente rupture de la diégèse. Une
fantasmes sur la figure féminine que l’on femme s’offre en spectacle à l’intérieur du
10 modèle en conséquence. Dans le rôle récit ; le regard du spectateur et celui du
exhibitionniste qui leur est traditionnellement personnage masculin du film se combinent
imparti, les femmes sont simultanément 60 habilement sans rompre la vraisemblance du
regardées et exhibées ; leur apparence est récit. Pendant un instant, l’impact sexuel de
codée pour produire un fort impact visuel et l’actrice sur scène transporte le film dans un
15 érotique qui connote « le-fait-d’être- « no man’s land », en dehors de son propre
regardé ». La femme exhibée comme objet temps et de son propre espace. Voyez la
sexuel est le leitmotiv du spectacle érotique : 65 première apparition de Marilyn Monroe dans
des pin-ups au strip-tease, de Ziegfeld à River of No Return (Rivière sans retour, Otto
Busby Berkeley, c’est sur elle que le regard Preminger) et les chansons de Lauren Bacall
20 s’arrête, son jeu s’adresse au désir masculin dans To Have and Have Not (Le port de l’angoisse,
qu’elle signifie. Les films commerciaux savent Howard Hawks). De la même façon, les gros
fort bien combiner spectacle et récit (il faut 70 plans sur les jambes (Dietrich, par exemple)
noter, cependant, que dans la comédie et le visage (Garbo) sont une convention qui
musicale les numéros chantés et dansés intègre un mode différent d’érotisme au récit.
25 rompent le déroulement de l’action). La Quand on présente un corps en fragments on
présence de la femme est un élément de détruit l’espace codifié depuis la Renaissance
spectacle indispensable aux films narratifs 75 ainsi que l’illusion de profondeur nécessaire à
standards. Pourtant sa présence visuelle tend tout récit. L’image sur l’écran en devient
à empêcher le développement de l’intrigue, à plate, comme celle des découpages de papier
30 suspendre le cours de l’action en des instants ou des icônes, perdant toute ressemblance
de contemplation érotique. Cette présence avec la réalité.
« étrangère » doit alors être intégrée de façon 80 B. Une même division hétérosexuelle du
cohérente à l’histoire. Voici ce que dit le travail entre fonction active et passive
réalisateur Budd Boetticher : « Ce qui compte contrôle la structure narrative. Selon les
35 c’est ce que l’héroïne provoque, ou plutôt ce qu’elle principes de l’idéologie dominante et les
représente. C’est elle, ou plutôt l’amour ou la peur structures psychiques qui la soutiennent, le
qu’elle suscite chez le héros, ou bien l’intérêt qu’il 85 personnage masculin ne peut endosser le rôle
éprouve à son égard, qui le pousse à l’action. En elle- d’objet sexuel. L’homme éprouve une
même, la femme n’a pas la moindre importance. » certaine réticence à contempler
40 (Une tendance à se débarrasser l’exhibitionnisme de son semblable. Par
complètement de ce problème s’est conséquent la division entre spectacle et récit
récemment manifestée dans le cinéma 90 conforte l’homme dans le rôle actif de celui
narratif ; on voit ainsi apparaître ce que Molly qui fait progresser l’histoire, qui agit.
Haskell appelle « les films de copains » où L’homme contrôle les fantasmes du film et
45 l’érotisme homosexuel actif des principaux émerge ainsi en détenteur d’un pouvoir qui va
personnages masculins permet à l’histoire de plus loin : il est le médiateur du regard du
se dérouler sans interruption.) 95 spectateur, celui par qui ce regard est
Traditionnellement, on exhibe la femme à transféré de l’autre côté de l’écran, ce qui

1 Laura Mulvey, « Plaisir visuel et cinéma narratif »,


trad. par Valérie Hébert et Bérénice Reynaud,
CinémAction, no 67 (1993): 17-23.

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permet de neutraliser le caractère extra- scopophilique direct avec la silhouette
diégétique représenté par la femme-spectacle. féminine que l’on exhibe pour son plaisir (et
Ceci est possible grâce aux processus mis en 150 qui connote ici le fantasme masculin) et celui
100 œuvre lors de la structuration du film autour du spectateur, fasciné par l’image de son
d’un personnage central qui contrôle le semblable placé au sein de l’illusion d’un
déroulement de l’action et avec qui le espace naturel, contrôlant et possédant à
spectateur peut s’identifier. En s’identifiant travers lui la femme au sein de la diégèse.
avec le héros, le spectateur projette son 155 (Cette tension et ce passage de l’un à l’autre
105 regard sur son semblable, son substitut à peuvent structurer un seul texte. Ainsi, aussi
l’écran. Ainsi le pouvoir du héros qui a la bien dans Only Angels Have Wings [Seuls les
situation en main coïncide avec le pouvoir anges ont des ailes, Howard Hawks) que dans To
actif du regard érotique pour créer un Have and Have Not, le film s’ouvre sur la
sentiment satisfaisant de toute puissance. Les 160 présentation de la femme comme objet des
110 caractéristiques de la séduction chez la star regards conjugués des spectateurs et de tous
masculine ne sont pas celles de l’objet les personnages masculins du film. Elle est
érotique du regard, mais celles du moi idéal isolée, provocante, exhibée et sexualisée.
plus parfait, plus complet et plus puissant tel Mais au fur et à mesure que l’histoire se
qu’il est conçu au moment originel de la 165 développe, elle tombe amoureuse du héros et
115 reconnaissance dans le miroir. Le personnage en devient la propriété, perdant alors tout ce
de l’histoire peut agir sur les choses et qui dans son apparence la rendait provocante
contrôler les événements mieux que le – sa sexualité envahissante, ses connotations
spectateur/sujet, tout comme, chez l’enfant, de show-girl : son érotisme ne s’adresse plus
l’image dans le miroir exerçait un meilleur 170 qu’à la star masculine. En s’identifiant avec ce
120 contrôle de la coordination motrice. dernier, en partageant son pouvoir, le
Contrairement au personnage féminin spectateur peut indirectement la posséder lui
défini comme une icône, le personnage aussi.)
masculin actif (l’idéal du moi du processus Mais en termes psychanalytiques, le
d’identification) a besoin d’un espace 175 personnage féminin pose un problème plus
125 tridimensionnel sur le modèle du moment de sérieux. Elle connote aussi quelque chose
la reconnaissance dans le miroir, au cours autour duquel ne cesse de tourner le regard,
duquel le sujet aliéné intériorise la mais qu’il réfute : l’absence de pénis chez elle,
représentation qu’il se fait de son existence qui implique une menace de castration et
imaginaire. Il est une figure au sein d’un 180 donc le non-plaisir. En fin de compte, ce que
130 paysage. Là, la fonction du film est de représente la femme, c’est la différence
reproduire aussi fidèlement que possible les sexuelle, l’absence du pénis vérifiable de visu,
conditions soi-disant naturelles de la la preuve matérielle sur laquelle se fonde le
perception humaine. Les techniques complexe de castration, essentiel pour
cinématographiques (la profondeur de champ 185 accéder à l’ordre symbolique et à la loi du
135 en particulier) et les mouvements de caméra père. Donc la femme-icône, offerte au plaisir
(qui suivent ceux du héros), en se combinant visuel des hommes qui contrôlent activement
au montage invisible (tel que l’exige le le regard, menace en permanence d’évoquer
réalisme) tendent à effacer les limites de l’angoisse qu’elle signifiait originellement.
l’écran. Le héros domine la scène, une scène 190 Deux alternatives s’offrent à l’inconscient
140 d’illusion spatiale où il structure le regard et masculin pour échapper à l’angoisse de
crée l’action. castration. Soit il travaille à reconstituer le
C. Dans ce qui précède nous avons mis au traumatisme originel (scruter les mystères de
jour une tension entre un mode de la femme, chercher à les percer) ce qu’il
représentation de la femme au cinéma et les 195 compense en rabaissant, punissant ou
145 conventions qui entourent la diégèse. À sauvant l’objet coupable (un bon exemple de
chacune de ces instances correspond un cette solution étant la problématique du film
regard : celui du spectateur en contact noir); soit il dénie complètement la castration

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en y substituant un objet fétiche ou en 250 où le regard dominant de l’homme (qui
200 transformant en fétiche la figure représentée caractérise le cinéma narratif traditionnel) est
elle-même afin de la rendre rassurante plutôt détruit au profit de l’image en rapport
que dangereuse (de là naît la surévaluation, le érotique direct avec le spectateur. On assiste
culte de la star féminine). à une fusion entre l’espace de l’écran et la
La deuxième solution, la scopophilie 255 beauté de la femme comme objet ; elle n’est
205 fétichiste, rehausse la beauté de l’objet, le plus porteuse de culpabilité mais devient un
transformant en quelque chose de satisfaisant produit parfait dont le corps, stylisé et
en soi. En revanche, la première solution, le fragmenté par les gros plans, constitue le
voyeurisme, a des relents de sadisme ; dans ce contenu du film, et auquel s’adresse
cas, le plaisir – pour le sujet masculin – 260 directement le regard du spectateur.
210 provient de la constatation de la culpabilité Sternberg a peu recours à l’illusion créée
chez la coupable (liée immédiatement à la par la profondeur de champ ; son écran a
castration), de la prise de contrôle et son tendance à être un espace unidimensionnel
assujettissement en la punissant ou en lui où jeux d’ombre et de lumière, dentelles,
offrant le pardon. Cet aspect sadique va bien 265 volutes, feuillages, tulle, banderoles et autres
215 avec la forme narrative. Le sadisme exige une éléments produisent un champ visuel réduit.
histoire, il dépend d’une dynamique, du Le regard ne passe pratiquement pas par la
changement que l’on impose à autrui, d’un médiation des yeux du héros. Au contraire,
conflit physique ou mental d’une opposition des présences un peu falotes, comme celles de
entre victoire et défaite – toujours dans le 270 La Bessière dans Morocco (Cœurs brûlés), avec
220 cadre d’un temps linéaire avec un début et lesquelles le spectateur ne peut s’identifier,
une fin. La scopophilie fétichiste, quant à elle, servent de substitut au metteur en scène.
peut exister hors du temps linéaire puis que Malgré l’insistance avec laquelle Sternberg
l’instinct érotique se concentre sur le seul affirme que les histoires qu’il raconte n’ont
regard. On trouve facilement des illustrations 275 aucune importance, il est significatif que ses
225 de ces contradictions et de ces ambiguïtés récits traitent d’une situation plutôt que de
dans l’œuvre d’Hitchcock et de Sternberg, qui reposer sur le suspense et possèdent une
ont tous deux pratiquement fait du regard le temporalité cyclique plutôt que linéaire,
contenu ou le sujet d’un bon nombre de leurs tandis que les complications des intrigues
films. Hitchcock est plus complexe puisqu’il 280 sont le résultat d’un malentendu plutôt que
230 a recours aux deux mécanismes. L’œuvre de d’un conflit. Le grand absent, c’est le regard
Sternberg, quant à elle, offre de nombreux dominant de l’homme au sein de la scène de
exemples de pure scopophilie fétichiste. l’écran. Le paroxysme du drame émotionnel
D. Sternberg a dit un jour qu’il serait tout dans les films les plus typiques de Marlene
à fait d’accord que l’on montre ses films à 285 Dietrich, les moments où la signification
235 l’envers pour que ni l’histoire ni érotique de cette dernière est la plus chargée,
l’identification aux personnages n’interfèrent ont lieu en l’absence de l’homme qu’elle aime
chez le spectateur avec la pure appréciation dans la fiction. Il y a d’autres témoins, d’autres
de l’image à l’écran. Cette affirmation est spectateurs qui la regardent dans le film ; leur
révélatrice mais naïve : naïve, car ses films 290 regard ne fait qu’un avec celui du public
240 exigent que la figure féminine (Dietrich, dans plutôt que d’en être le substitut. À la fin de
le cycle des films qu’il a faits avec elle, en Morocco, Tom Brown a déjà disparu dans le
constituant l’exemple le plus parfait) soit désert quand Amy Jolly enlève ses sandales
identifiable. Mais elle est révélatrice car elle dorées et le suit à la marche. À la fin de
met l’accent sur le fait que pour lui, ce qui 295 Dishonored (Agent X 27), Kranau est
245 compte c’est l’espace pictural contenu par le indifférent au destin de Magda. Dans les deux
cadre plutôt que le récit ou les processus cas, l’impact érotique, sanctifié par la mort,
d’identification. Hitchcock investit l’aspect est offert en spectacle au public. Le héros ne
fouineur du voyeurisme. Sternberg, lui, comprend pas et, surtout, ne voit pas.
produit le fétiche ultime, l’amenant au point

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300 En revanche, chez Hitchcock, le héros barrière entre sa chambre et le bâtiment d’en
voit très précisément ce que le public voit. face, leur relation retrouve une dimension
Bien que la fascination pour une image érotique. Il ne se contente pas de la regarder
perçue par le biais de l’érotisme à travers son objectif, comme une lointaine
scopophilique puisse être le sujet du film, 355 image chargée de sens, il la voit aussi comme
305 c’est au héros qu’il incombe d’incarner les une intruse coupable, confondue par un
contradictions et la tension ressenties par le homme dangereux qui menace de la punir, ce
spectateur. Dans Vertigo (Sueurs froides) en qui lui fournit en fin de compte une chance
particulier, mais aussi dans Marnie (Pas de de la sauver. L’exhibitionnisme de Lisa nous
printemps pour Marnie) et dans Rear Window 360 avait déjà été communiqué par son obsession
310 (Fenêtre sur cour), le regard est un élément pour les vêtements et la mode, par son désir
central de l’intrigue ; il oscille entre de faire d’elle-même une image passive de
voyeurisme et fascination fétichiste. perfection plastique. Quant au voyeurisme et
Hitchcock n’a jamais caché son intérêt pour à l’activité de « spectateur professionnel » de
le voyeurisme au cinéma et ailleurs. Ses héros 365 Jeffries, ils avaient aussi été établis par son
315 sont des parangons de l’ordre symbolique et travail de journaliste-reporter : c’est un
de la loi – un policier (Vertigo), un homme raconteur d’histoire et un chasseur d’images.
dominateur qui possède argent et pouvoir Cependant son inactivité forcée le cloue à son
(Marnie) – mais leurs pulsions érotiques les fauteuil comme un spectateur de cinéma, et le
mettent dans des situations 370 met carrément dans la position fantasmatique
320 compromettantes. Le pouvoir de soumettre occupée par le public.
autrui à sa volonté (sadisme) ou à son regard Dans Vertigo, la prise de vue subjective
(voyeurisme) prend, dans les deux cas, la domine. Mis à part un flash-back du point de
femme comme objet. Le pouvoir s’appuie sur vue de Judy, le récit s’élabore autour de ce que
l’assurance du bon droit et sur la culpabilité 375 Scottie voit ou ne voit pas. C’est précisément
325 établie de la femme (qui évoque la castration de son point de vue que le public voit croître
d’un point de vue psychanalytique). Une son obsession et le désespoir qui en résulte.
véritable perversion se cache à peine sous un Le voyeurisme de Scottie est flagrant : il
léger masque de correction idéologique : tombe amoureux d’une femme qu’il suit et
l’homme est du bon côté de la loi, la femme 380 qu’il épie sans jamais lui parler. Son côté
330 du mauvais. L’utilisation habile des processus sadique n’est pas moins flagrant : il a choisi
d’identification chez Hitchcock, et son (et de son plein gré, après avoir connu la
recours fréquent à la caméra subjective qui réussite comme avocat) de devenir policier,
exprime le point de vue du héros entraînent avec toutes les possibilités de poursuites et
les spectateurs au cœur de la position de ce 385 d’enquêtes que recèle la profession. Le
335 dernier et leur font partager son regard gêné. résultat est qu’il prend en filature et surveille
Le spectateur est plongé dans une situation de une représentation parfaite de la beauté et du
voyeurisme au sein de la scène de l’écran et mystère de la féminité, dont il tombe
de la diégèse, ce qui parodie sa propre amoureux. Après sa confrontation avec elle,
situation de voyeur dans la salle de cinéma. 390 sa pulsion érotique le pousse à la détruire et à
340 Dans son analyse de Rear Window, Jean l’obliger à parler en lui faisant subir un
Douchet voit le film comme une métaphore interrogatoire en règle.
du cinéma. Jeffries est le public, les Dans la seconde partie du film, il
événements qui se déroulent dans reconstitue son intérêt obsessionnel pour
l’appartement d’en face correspondent à 395 l’image qu’il aimait observer en secret. Il
345 l’écran. Quand il épie par la fenêtre, son reconstruit Judy pour en faire Madeleine, la
regard, élément central du drame, en acquiert forçant à reproduire les moindres détails de
une dimension érotique. Tant qu’elle restait l’apparence physique de son fétiche.
du côté du spectateur, son amie Lisa L’exhibitionnisme et le masochisme de Judy
l’ennuyait, il n’éprouvait qu’un faible désir 400 en font le contrepoint idéal (passif) du
350 sexuel à son égard. Lorsqu’elle franchit la voyeurisme sadique (actif) de Scottie. Elle sait

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que son rôle c’est de s’offrir en spectacle –
que c’est seulement en jouant ce rôle jusqu’au
bout et, ensuite, en le rejouant qu’elle peut
405 maintenir l’intérêt érotique de Scottie. Mais
au cours de ce processus de répétition, il la
détruit et réussit à montrer sa culpabilité. La
curiosité de l’homme l’emporte ; la femme est
punie.
410 Ainsi donc, dans Vertigo, l’engagement
érotique avec le regard fait boomerang : la
fascination du spectateur se révèle comme un
voyeurisme illicite à mesure que le contenu
narratif développe les processus et les plaisirs
415 dont il fait preuve et auxquels il prend plaisir.
Ici, le héros hitchcockien est fermement
positionné au sein de l’ordre symbolique, en
termes narratifs. Il possède tous les attributs
du surmoi patriarcal. Par conséquent le
420 spectateur, que la légalité apparente de son
substitut avait apaisé en un faux sentiment de
sécurité, perce à jour la nature du regard et se
trouve dévoilé comme complice, prisonnier
de l’ambiguïté morale de son regard. Loin de
425 constituer une sorte d’aparté sur les
perversions de la police, Vertigo traite des
implications de la division entre l’élément
actif qui regarde et l’élément passif qui est
regardé en termes de la différence sexuelle et
430 du pouvoir de la symbolique masculine que le
héros représente. Marnie, elle aussi, s’offre en
spectacle pour le regard de Mark Rutland et
se fait passer pour l’image-parfaite-à-regarder.
Rutland est, lui aussi, du côté de la loi jusqu’au
435 moment où poussé par son obsession pour la
culpabilité de Marnie, pour son secret, il est
possédé de l’envie de la voir en train de
commettre un délit, de la faire avouer, et,
ainsi, de la sauver. Donc lui aussi se fait
440 complice quand il exploite les prérogatives de
son pouvoir. Il contrôle l’argent et les mots ;
il garde « le beurre et l’argent du beurre ».

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