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«La question de l’ennui au travail est

taboue»

carrières

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S’ennuyer au travail est fréquent, révèle un travail de doctorat.
Mais son auteur Yann Vaucher, spécialiste en management,
estime que les entreprises peuvent agir pour endiguer ce
phénomène

Image d'illustration. — © Unsplash

Publié jeudi 8 décembre 2022 à 11:55


Modifié jeudi 8 décembre 2022 à 13:58
Vous êtes-vous déjà ennuyé au travail? Si vous répondez oui,
vous faites partie des 83% des personnes qui disent s’ennuyer
«entre une heure par jour, et plus de la moitié de leur temps de
travail». Sur Google, la recherche des termes «ennui au
travail» a connu une progression de +2208% entre 2015 et
2021. Des chiffres impressionnants.

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Ces résultats sont issus d’une enquête menée dans le cadre


d’un doctorat en business administration (DBA) intitulé La
perception de l’ennui au travail, effectué par Yann Vaucher
pendant quatre ans à l’International Management School
Geneva. Ce spécialiste accompagne, depuis plus de dix ans,
des entreprises en recherche de nouvelles solutions
managériales et il a poursuivi le développement de la
méthode Leonardo3.4.5, crée dans les années 2000, qui
identifie les potentiels au sein d’un environnement de travail.

Pour comprendre les enjeux de l’ennui dans le monde


professionnel, Yann Vaucher s’est appuyé sur la littérature
existante, mais il a aussi soumis plusieurs questionnaires
scientifiques à quelque 250 personnes en emploi, en
s’assurant d’avoir un échantillon représentatif de la
population. Il revient pour Le Temps sur cette thématique qui
est tout sauf… ennuyeuse.

Le Temps: Pourquoi avoir décidé de réaliser un doctorat sur


l’ennui au travail?

Yann Vaucher: Je suis indépendant depuis l’âge de dix-neuf


ans et je me suis rendu compte qu’on pouvait vite démotiver
les collaborateurs. Mais, dès qu’on parle de bore-out
(syndrome d’épuisement professionnel par l’ennui), ou de
brown-out (perte de sens dans le monde du travail), tout le
monde est un peu un «sachant» sans avoir de bases
scientifiques solides. J’ai eu envie de comprendre de quoi il
s’agissait vraiment.

On parle souvent de perte de sens, moins d’ennui à


proprement parler. S’agit-il d’un sujet tabou?

Oui. Il est tabou de parler d’ennui au travail parce que l’on y


perçoit un salaire. Il est d’une certaine manière acceptable,
tant pour les employés que les managers, de s’ennuyer contre
rémunération. Le tabou vient aussi d’une des causes de cet
ennui: la préoccupation des entreprises pour les besoins de
leurs clients uniquement. Elles engagent un candidat en
s’assurant qu’il a les compétences pour remplir son cahier
des charges, mais rarement que son travail va correspondre à
ses préférences et à qui il est.

Vos recherches montrent que 83% des personnes disent


s’ennuyer «entre une heure par jour et plus de la moitié de
leur temps de travail». Pourtant, 99% des mêmes personnes
déclarent important d’avoir un travail qui a du sens.
Comment expliquez-vous ce décalage?

Je pense que nous avons davantage conscience aujourd’hui


qu’il est important d’avoir un travail qui soit épanouissant,
mais que la réalité quotidienne est différente. Beaucoup de
gens s’ennuient mais décident de rester dans cette situation.
L’individu a donc sa part de responsabilité, même si elle est
évidemment à mettre en relation avec l’obligation de payer
ses factures.

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