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PIERRE KLOSSOWSKI

PIERRE KLOSSOWSKI

CATHERlNE GRENIER
BERNARD BUSTÈNE
CLAUDE RITSCHARD
PASCAL BONITZER
MAR IE-DOMINIQUE WICKER

ANTHOLOGIE DES ÉCRITS DE PIERRE KLOSSOWSKI SUR L'ART

FRANCO CAGNETr A
ANDRE MASSON
PIERRE ZUCCA

L'ÉTAT DES LIEUX


LA DIFFERENCE/CENTRE NATIONAL DES ARTS PLASTIQUES
Anthologie des écrits de Pierre Klossowski sur l'art
La Judith de Frédéri c Tonnerre *

Maintes fois traité par le� anciens maitres. quant à la facture et la mise en page. témoigne
plus rarement par les modernes jusqu'à dispa­ de l'identité entre la nature et Je style que tous
raitre tout à fait. le s'Ujet de Judith et Holo­ les maîtres du genre ont observée.·-- dégageant
pheme a été repris par 'fonnerre de façon le style dans la nature en effet. élaborant leur
répréhensible. mais avec l'aplomb qui caracté­ vision de la nudité féminine d'après un en­

rise les travaux de sa meilleure quoique brève semble de points de repères émotifs, les
période (1865-73). - si toutefois l'on consent à accentuant tantôt ici. tantôt là selon li! tempéra­
admettre sa manière d'imagier subcil sous son ment et l'humeur. les agençant à la faveur de tel
apparente vulgarité, au lieu de condamner en ou tel aperçu du corps dans l'espace. Et il n'y
bloc ses travaux comme autant d'appendices aurait point de style :;i les structures naturelles
inévolués de la grande peinture, et particulière­ ne coïncidaient. de façon contrariante, éprou­
ment sa Judith. et cela au nom d'une tradition vante pour le savoir-faire de l'artiste, avec les
i<:onographiq ue dont ce tableau semble se points de repères émotifs que sont toujours tant
réclamer frauduleusement. pour le contemplateur que pour l'artiste. les
Le réalisme. tempéré de rêverie et de reflets différentes zones du corps féminin : col.
néoclassicistes, qu'il tient d'une triple. succes­ épaules, seins, ventre. flancs. chute des reins.
sive influence (Courbet dont il fut l'élève, après cuisses, genoux et mollets, que les attitudes,
Chassériau et Ingres) n'en est pas moins soit de tnise en mouvement. soit de repos. soit
fortement équilibré par un métier accompli et de la position à la renverse ou de la station
sans tricherie. et une franchise pleinement debout. doivent mettre en valeur. Or. dans le
éduquée. qui le préserve de tomber dans les Nu-sujet. les attitudes quelles qu'elles soient.
déliquescences poétiques où un Gustave Mo­ restent, quant à l'effet totalement subordon­
reau a fini par se complaire. nées à l'ex.pression de la physionomie même en
Aussi bien pour juger sa Judith et la décrire. laquelle se reflètent encore une fois toutes les
faudrait-il retrouver la sobriété sinon la naïveté nuances d'un état actif ou passif, et qui permet
convenue d'un amateur des Salons de Diderot, à pareilles œuvres d'enfermer le contemplateur
- d'autant que pareille entreprise ne disposait dans leur nécessité.
encore d'aucune théorie ni d'aucune subversion Sur un fond vaporeux de tentures bleu
systématique pour se défendre. et ne prétendait sombre se détache, de face. dans toute sa
non plus à aucune démonstration académique. nudité, la grande jeune femme accroupie. le
si ce n'est d'affirmer avec de solides moyens le front incliné, ceint d'un diadème, couvant du
plaisir de représenter ses émotions. regard l'énorme tête de I' Assyrien décapité
Et puisque nous avons affaire ici à l'un des qu'elle tient entre ses cuisses - visage de
Nus de Tonnerre, - mais quel ! - voyons ce madone aux paupières baissées. les ailes du nez
qui empêcherait de ranger cet élève oublié de fortement accusées. humant presque le pos­
Courbet parmi les maitres du Nu traditionnel, thume assouvissement de l'homme puni, mais
du Nu en tant que sujet, dès lors que sa Judith, respirant le sien propre.
Les fossettes aux joues. la moue de ses lèvres
satisfaites plutôt que priantes, l'immodestie de
ses triomphants appas, l'indécence de la pos­
ture donnée à cette figure monumentale - si
' ln figv.rt�. septembre 1961. Paris. Holopherne sans tête se fût avisé lui-même de

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la peindre, l'effet n·en eût pas été plus ma léfi­ S'appuyant de la main sur la tête tranchée
que! d 'Holopherne. elle est campée, le mollet au
Observons l'élan du buste et du torse de ce puissant galbe ramené contre la cuisse. le pied
corps féminin. haut et immobile. suivons. dans posé sur le linge du lit, un peu en deçà du
ses angles et ses courbes. le mouvement des niveau où gît ia tète de l'homme - ce qui, en
bras. qui va s'articulant depui� les doigts de la contraste avec le rayonnant visage qui domine.
main écartant le voile jusqu'à l'extrémité de a pour effet d'accentuer le caractère animal de
l'autre main. qui repose sur la face d' Holo­ la posture. réservant à la vue en cett:� partie
pherne dans la partie inférieure du tahieau. inférieure l'en-dessous de la cuisse écartée dont
Et d'abord. la force pleine. comme soupesée. on remonte le muscle en saillie et dont on
des épaules et des seins à l'épiderme poli. aux retrouve. sous le mollet. au niveau de la
teintes ivoirines. la le gère torsion du cou cheville. le pli sïncurvant à la naissance de la
transparent. commandée par l'inclinaison i1 fesse lëgèrement rebondie - là où se renouvel­
peine indiquée du front el du visage aux .ioues lent des nuances de jaune moyen et de
veloutées. A hauteur desquelles. perpendicu­ vermillon. tandis que l'autre jambe offre, ù
laire. 1 ·avant-hras dres.�e. retournant. vers gauche du tableau. le. volume en fuseau de la
l" oreille. la main vue de dos, d'un geste c uis.�e étalée que frôle la chevelure de l'homme.
désinvolte de ses doigts effilés re_jetant le voile jusqu·au genou au bord de la couche dont le
qui. attaché au diadème. flotte dessus l'épaule. linge forme. la hase du tableau.
geste valant un soupçon de coquetterie. dans le Quant à Holopherne. quant à ce qui reste de
rapport de la main au contour du visage. lui - plus qu'ailleurs ici la partie vaut le tout !
rehaussant le plein des joues. les arcades des Ouelle lubricité s'en alla avec le tronc. la tête.
sourcib. les paupières baissées ; l'intense recti­ par sa seule dimension. en serait le gage. qui.
tude du neL. les lèvres bien fendues.. les retranchée dans l'ivresse. en concentre pour
fosse.ttes du sourire et la presque vorace lors la sinistre amertume -- sa barbe nous cache
fermeté du menton. A quoi s'ajoute la ligne sa plaie : mais, tel quel. réduit ù la seule
ondoyante du cou. la rondeur des epaules. expression d'un regard éteint. à rout jamais fixe
l'onctueuse sphericité des seins. qui sollicitent a sur la cause même de son extinction. gisant là. ü
l'excès la tactilité même du contemplateur. défaut du corps - quel cri véhément frustre sa
Le geste de la main écartant le voile haus�e bouche. horriblement béante entre les cuisses
légèrement le contour de l'épaule. ménagea
. nt de sa meurtrière. prompte à noyer dans le sang
un vide où se découpe la longue encolure. l'infamie assumee. tant que docile i1 l'odieuse
l'autre épaule sïnf!échissant d'un degré dans étreinte ·1

l'allongement du bras gauche, lequeL pressé Or. pareille té.te ne différerait en rien de celle
contre le sein. en r.elève un peu le mamelon. plus d'une fois entrevue. livide. dans 1 'iconogra­
mettant une asymétrie dans la disposition de la phie biblique. de Goliath, pendue aux frêles
gorge. bien soutenue. en des teintes de jaune phalanges des doigts du pâtre, ni celle du
moyen et de Sienne' naturelle. et donnant de Baptiste sur le plat de la danseuse - n'était ici
l'animation dans la région dessus le dôme du le lieu où Tonnerre a choisi de la disposer et la
ventre, d'un ocre scintillant. que. contourne faire figurer sur son tableau. placée sur le linge
ravant-bras dessus le pubis sans pour autant le du lit, contre le pubis de son exécutrice. mélant
dissimuier. mais avanç<mt la main. appuyée de sa chevelure crêpelée et sanglante ft la fauvi:
ses longs doigts sur les paupières entrouvertes toison. naguère. visitée, de l'héroïne, que Ton­
d · H'o loph erne . nerre osa peindre-·- n'était la main de Judith.
Mais à quelques pas de recul. la configuration n'etaient ses doigts. lesquels. après un jeu de
de cette Judith ne laisse pas d'évoquer celle feinte docilité, viennent, de leur pulpe. effleu­
d'une immense locuste. rer le� paupières du décapité.

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Quelle est ici l'idée de Tonnerre ? Quelle est quelques promeneurs dont une famille, përe,
cette pudeur inversée de Judith '? Craint-elle mere et enfants. s·attardent devant un mar­
encore d"étre vue par lui davantage qu'elle ne chand de limonade. Cet arriëre-plan de loisirs
se montre au contemplateur. ou Holopherne citadins est tracé en retrait sur une ligne
voit-il dës ce moment I� ciel ? L'artiste a-t-il d'omhre un peu au-dessus de la partie de la
cedé à la tentation de montrer deux choses dans cuisse. cernant l'énorme tète au premier plan.
un seul geste. quïl appartient pour lors au comme si la tente se dressait telle une baraque
contemplateur de démëler ? N'a-t-il pas voulu foraine en pleine promenade parisienne.
trop insister sur un mouvement dans l'âme de la · Est-ce un mouvement d'humeur de !"artiste,
justiciëre qui exclurait chez elle la simplicité de un besoin de respirer l'air pur de la banalité
l'héroïne, la candeur de la sainte ? Ses doigts quotidienne qui l'a poussé à ouvrir sur des
allongés. et peints avec tant de délicatesse. et extérieurs familiers et contemporains une issue
qui font de cette main féminine et hardie une à l'insoutenable vision enclose dans le clair­
tache chaude sur le fond cireux de la tëte obscur du tabernacle où s'abrite sa songerie ?
exsangue. traduiraient un ultime ressentiment. Je pense bien plutôt qu'il a recherché le
l'omhre d'une émotion que !'Esprit saint aurait moyen de situer exactement la maniëre libre de
laissé subsister en elle. à l'intention de la son interprétation : les gens que l'on. distingue
peinture peut-être ... là-bas déambulant en toute quiétude (et qui
Mettons que Tonnerre se soit ëgaré à choisir nous dit qu'ils ne viennent de traverser la tente
ce. sujet biblique pour se livrer à une démons­ d'Holopherne sans se douter de rien) évoquent,
tration de ce genre. qu'un autre détail permet­ avec l'aperçu des jardins de la ville. le monde
tra peut-être d'éclaircir. Il a voulu rompre avec incrédule et capon pour lequel Tonnerre a
la tradition qui nous montrait Judith. vêtue et travaillé. Ce monde-là malgré ses propres vices
armée du cimeterre. foulant aux pieds la tête et à cause de sa propre frivolité. marque une
d'Holopherne. Mais s'il a voulu exploiter le indifférence si assurée à l'égard d'une sem­
therne légendaire quitte â le défigurer. c'est blable vision, que l'événement qu'elle repré­
qu'il ne pouvait pas non plus se passer de cet sente. pour n'avoir pas été prévu. peut éclater â
ëpisode de la Bihle pour faire ce tableau. tout moment avec d'autant plus de force dans
Cédant â la magie du titre, dans la crainte de les consciences, d'abord en ruiner quelques­
faire un assemblage de figures qui lui paraiss�it unes et bientôt un plus grand nombre. A
autrement ahsurde. il l'a intitulé Judith pour l'opposé de ce monde, le nôtre, en revanche.
rendre sa composition viahle pendant qu'il y produit en série des Judith sans Holopherne et
travaillait, quand ce titre. au point de départ de des tëtes d'Holopherne sans Judith. à telle
son improvisation. la rendait impossible dës enseigne que ces deux noms sont devenus
qu'il l'avait achevée. Tout de mëme il retient de totalement superflus. D'où il résulte que de nos
la légende biblique l es quelques notations jours le sort de Tonnerre ne serait pas plus
requises : le fond évoque bien l'intérieur orien­ enviable qu'il ne le fut en son temps. Il avait
t:il de la tente assyrienne. mais un rideau de donc raison de peindre son tableau et de
cette tente est �;oulevé et laisse entrevoir des l'intituler Judith et Holopherne. Voilà qui
lointains qui n'ont plus de rapport aucun avec explique à la fois le caractère provocant de sa
l'action du premier plan -- mais plus d'un peinture et son exclusion d'une chance. quelcon­
maître primitif et précisément ces maitres que de succës. Car. quand par ce détail
n'ont-ils pas usé maintes fois de pareil contraste apparemment secondaire de sa toile, Tonnerre
comme d'un stratagëme pictural et métaphysi­ aurait prétendu amadouer l'improbable ama­
que ? : sous les plis de ce rideau soulevé teur de son tableau. il se serait trompé.
apparaît en échappée. haignée de la lumiëre du Incapable. de se soustraire â sa hantise là Dieu
couchant, une allée des Champs-Elyséc:s où ne plaise !) mais désireux d'expier sa franchise

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« ocul ai re », i l a tenu à rappeler que lui non expliquer ni à excuser la complaisan ce e.t la
plus n'était pas insensible il c:es divertissements fureur quïl mettait à pein dre des scènes aussi
paisible s. Je doute seulement que ceci suffise ;\ épouvanta bit!,\.
La décadence du nu *

Quelqu'un nous dira : le Nu est toujours le avons fait du reste une " catégorie ., de l'ex­

Nu. Dans les académies, il y a toujours des pression grâce au surréalisme, q u i nous le rend

modèles. Quant a savoir si c'est du Nu que l'on parfaitement acceptable - ce mauvais gout

y enseigne. qui donc oserait le croire ou le n'en appartient pas moins au " palpahle ., -

prétendre ? Comment cela fut-il jamais pos­ donc a l'espace où l'éclairage n'est pas encore la

sible? " clarté diffuse. '" mais conspire a lu vision

Voilà un genre de question que l'on ne se d'autant plus obsédante qu'elle est convention­

posait évidemment pas aux environs de 1800. nelle de ces formes, oblongues, rondes et

Mais dès 1899. à Munich, Klee. alors élève d e courbes qui con�tituent le corps féminin. oppo­

Knirr. avait d éja l e vague sentiment d e perdre sées à celles angulaires de l'homme. Une
Femme-Homme notoire - on sait l'importance
son temps. Au sortir de son apprentissage chez
Stuck. venu a Rome avec Haller. il voulut une que les titres allaient prendre dans l'œuvre de

fois de plus s'astreind re a travailler d'après Klee - cette « légende" équivoque rend

nature. donc a étudier le Nu. et de retour à compte à elle seule de cette affinité profonde

Berne, ses sc rupules le poussèrent jusqu'ù. e�tre l'artiste et le corps féminin qu'il projette.

l'anatomie. Ici, l'androgynie purement anecdotique n'en


traduit pas moins une �ynthèse psychique
« L'anatomie, cette science affreuse ! " s'é­
tait écrié Ingres soixante ans auparavant. sous-jacente. préalable il cette circonstance :

faire du Nu.
Nous avons précisément de sa période d'ap­
prentissage a l'atelier Knirr. une esquisse de " De même que l'hnmme - note Klee-. Je

Nu. intitulée : Une Femme-Homme notoire. tableau lui aussi a un squelette, des muscles.

Dans le contexte de ses aventures d'alors et de une peau. On peut parler d'une anatomie

ses tentations érotiques. notées dans son Jour­ particulière du tableau. Un tableau ayant pour

;'lal. ce dessin vigoureux . avec la vision du sujet" un homme nu .. n'est pas �1 figurer selon

modèle que caractérise le titre. n'est pas sans l'anatomie humaine. mais selon celle du ta­
bleau. On commence a construire une char­
révéle-r tout un substrat affectif dont Klee
voulut par la suite se libérer en même temps pente pour la peinture ;, b:itir. Jusqu'a quel

t1ue des moyens plastiques alors enseignés dans deg ré s'en écarter. voilà qui est facultatif: dès

ce milieu fort trouble. �;·en débarrasser pour la charpente se peut exercer un effet pictural

devenir lui-mème. pour accéder a la « peinture plus profond qu'a partir de la seule surface. n

polyphonique "·lui. l'ancien élève de S tuck. de (Paul Klee. Journal).


ce maitre « dépourvu du sens de la couleur .. Le cas si particulie.r de Klee. contemporain, �1

lequel nous a laissé entre autres ces visions de ses débuti;, de la seconde periode de l'impres­

femmes lascives accouplées avec des serpents. sionnisme, offre historiquemenl un point de

Et pourtant. le mauvais goût de Stuck - repère de premier ordre pour la conception du

" mauvais gout ,, Je cette epoque dont nous tahleau " en-soi "· telle. qu'elle s·est imposée
aux touks dernières tendances. En 1905. Klee
note encore :
« � sujet en-soi est définitivement mort.
• "'!.;1 déc.idcncc du nu tThc f:illin� Nymphs t . . in ..\ri
News Annu:1J n'' '.\. 11167. tcaJuH 10 /.<".< •·uhii·r.t ,/11 ('hemin. C'est la sensibilité qui, n:•lativement au sujet.
l•:iri•. (;,,mmanl. 1971>. 111 f.u Rt•.u1•mMum·•". Pierre Kfos. passe ;1u premier plan. La prépondér;mce des
"'w'ki. Ed. R�rnin·j1. �far.cille. 1014. �uj ets érotiques qui n-.:st pas un phénomène

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exclusivement français. dénote plutôt une pré­ d'lngres ou de la Femnu' au perroquet de
dilection pour tout ce qui flatte· particulière­ Delacroix ? Evidemment non. ces tableaux
ment la sensihilité. La forme extérieure de ce montrent exactement ce que le titre indiqut> . .
fait devient particulièrement variahle et se meut L'« anatomie ,, du tahleau est-elle ici distincte
sur toute la gamme des tempéraments. Selon la de i·anatomie des femmes représentées '>
souplesse de l'index, pourrait-on dire en l'oc­ Au juste. qu'est-ce que la " belle nudité .•.· �

currence. Conformément à quoi varient le s Ët par rapport à celle-ci. qu·est-ce donc que le
techniques de la représentation. L" éc ole du Nu ·.> Terme purement académique propre
genre "vieux-maitres .. est certainement liqui­ d'une part à rassurer le contemplateur et
dée. ,, d'autre part à garantir des intentions de l'artiste
Klee attrihue la variété des moyens techni­ qui plaide son droit d'étudier la " nature '"
ques à l'épanouissement de la sensihilité et cet Tout le monde sait. tout le monde savait encore
épanouissement�· " la prépondérance de su.jets il y a piu s de cent ans. que c'était !"occasion
érotiques "p our autant qu ïls flattent la sensihi­ ofrerte. à la faveur des prestiges d'un maître. de
lité picturale. C'est ainsi que les moyens mis e n considérer une « helle dame nue ». Point de
teuvre pour la fi n sensihle finissent par l'empor­ vue de lycéen, songerie de puhère. sans doute
ter. se suh ordonnent la fin, et nous ohtenons l a exploitée par une statuaire et une peinture
notion intellectualiste d u tahleau en soi. L'an::1- douteuses. dénoncée selon le critère du « bon "
tomie humaine de la " bdk� nudité ,; se trouve et du « mauvais goût ., (d'après lequel même
résorhée dans I«'. anatomie du tableau "· La Delacroix réprouvait certains nus de Courhetj.
« bel le nudité ,, (le Nu en tant que sujet) l e Mais de nos jours. alors que le renouvellement
c ède a u Nu motif. au Nu fortuit, e t ce dernier des techniques dans les arts plastiques a assuré
peu à peu, neutralisé d'abord. se désarticule ou l'universalisation du « bon goû t », - les
se dissout selon les lois propres désormais au « moins de seize ans » savent que pour v oir les
tableau en soi. belles nudités, ce n 'est pas dans les musées qu ïl
Que le nu s oit à figurer. non selon l'anatomie faut aller. mais au cinéma. Quel progrès !
humaine mais sel o n l"anatomie du tableau, cela Après la photographie, le cinéma aura, à plus
signi fierait simplement que la syntaxe du ta­ forte raison, « libéré la pei nture du besoin
bleau - c ou leurs étalées sur une surface plane d'imiter la nature ».

- doit être avant tout respectée indépendam­ Entre 1800 et 1899 cependant. l'artiste. dût-il
ment de notre optique naturel le pour traduire se nommer M. Ingres. autant que le contempla­
d"autant mieux notre contenu d'expérience par teur de ses tableaux, garde l'âme du lycéen.
des équivalences. Tous les maîtres n'ont-ils pas avec ses songeries de pubère. La désabusée
travaillé ainsi '! conclusion des héros de !"Education sentimen­
Mai s ce n·est pas simplement cela que Klee tale: " C'est peut-étre ce que nous arnns eu de
veut dire : l'anatomie du tableau suppose que le meilleur • - voilà qui forme le fond de la
tableau est un en-.wi qui s'anime. qui respire sensibilité, tant à la fin du siècle dernier qu·au
selon ses lois propres. peu importe ce qu'on lui début du nôtre. et cela indifféremment. chez les
cionne à dévorer pour le sustenter. barbouilleurs, chez les grands maîtres et leurs
Est-ce que. par hasard, LJ1 Grande Odalisque publics respectifs. Mais au fur et à mesure que
d'lngres ou Les Grandes Baigneuçes de Renoir les crises et les malheurs sociaux menacent, que
ne présu pposeraient pa s cette anatomie du les convulsions du monde moderne se font de
tableau. indépendamment de l'anatomie des pl us en pl us a c cabla ntes. la rnau vaise
Nu s qu'il représente ? Sans aucun doute. conscience attaque cette naïveté et ses forces
Allons-nous subtiliser et dire que l e tahleau. impulsives tant dans la peinture que partout
et. « en-soi ''· donne un Nu qui est un autre ailleurs. Les symptômes que l'on peut relever
• en-soi '" dès lors qu'il s'agit d'une Odalisque jusque dans la vision picturale du Nu. de cette

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ambiance délétère du malheur et de l'angoisse cences pompéiennes dans le nu de La Toilette.
de la vie moderne, ces symptômes n'ont rien de Dans le contexte de ce crépuscule de la
commun avec ce qui a pu se manifester sous ce légende du corps féminin. le cas de Gauguin est
rapport aux époques antérieures. l'agressivité significat if : le type exotique des jeunes filles
même d'un Goya se fait complice des malheurs tahitiennes apparaît dans ses nus comme une
sociaux jusqu'à exploiter l'angoisse aux fins de réhabilitation de la nature en t ant que style.
son art. Il se garde d'exprimer cette angoisse Dans quel sens � fit l'émancipation qu'ap­
extérieure dans ses nus si ce n'est par sa propre portait Gauguin pour qui la"' barbarie était un
émotion ressentie devant son modèle. rajeunissement "· lui qui disait s'être reculé
Tout le contraire se passe pour nous autres, bien au-delà des chevaux du Parthénon. jus­
depuis les quarante dernières années. Scrupules qu'au dada de son enfance ? Je vais répondre
humanitaires. révoltes devant la misère collec­ ici par quelque chose de tout à fait à côté. qui
tive se combinant çà et là avec des visions n'a rien à voir avec le renouvellement des
individuelles désespérées, tout un climat de techniques picturales. mais tout de même avec
revendications ne t olérant plus la vision naïve et le" dada de l'enfance>) : la sérénité animale du
immédiate des images de ce. monde. climat type exotique de ses jeunes Tahitiennes marque
essentiellement iconoclaste, voil3 qui au lende­ une nouvelle rupture avec un élément impor­
main du modern'style, au crépuscule de l'im­ t ant de la vision traditionnelle de la " belle
pressionnisme, prépare les conditions favo­ nudité " : à savoir l'auto-exhibitionnisme de la
rables à la " nouvelle objectivité », chez des femme, inhérent au Nu t raditionnel. Comment
tempéraments germaniques notamment. qui remarquer l'absence de cet élément dans les
prétendront déceler dans les images d'une tableaux tahitiens de Gauguin ? On touche ici à
sérénité révolue, relies qu'elles survivent en­ un complexe spécifiquement occidental dont la
core chez quelques derniers maîtres français, peinture moderne a voulu se purger · le
des signes de décadence " latine » - tempéra­ complexe du dévoilement.
ments qui, avec une disposition innée pour le Les maîtres du Nu traditionnel -- du Nu en
cafard. interpréteront Van Gogh à partir du cas t ant que sujet distinct du Nu fortuit - ont en
pathologique de ce maître. et exploiteront son effet observé dans leur expression picturale
trait et sa ligne de manière à prolonger dans l'identité entre la natu re et le sryle et dégagé le
l'expressionnisme leur propension à la catas­ style dans la nature, élaborant leur vision de la
trophe. nudité féminine d'après un ensemble de points
De-s nostalgies de. fin de siècle, en particulier de repère émotifs les accentuant tantôt ici,
des hantises hermaphrodisiaques. prononcées t antôt là. selon leur t empérament et leur
dans l'ornementalisme du modern'style. annon­ humeur, les agençant à la faveur de rel ou tel
çaienr chez Beardsley, mais aussi dans la Vierge aperçu du corps dans l'espace. Et il n'y aurait
dans l'arbre de Klee, le " Nu angoissé par son point de style si les structures naturelles ne
indétermination sexuelle " - expression esthé­ coïncidaient avec des points de repère émotifs,
tique des revendications pédérasto-féministes. c'est-à-dire les différentes zones du corps
contemporaines des enquètes de Havelock Ellis féminin ; col. épaules, seins. ventre. flancs.
-- idéal éphémè.re et inconsistant opposé à chute de reins. cuisses, genoux et mollets que
cette C:poque aux fortes et terribles évocations les attitudes soit de mise en mouvement. soit de
des " prostituées »de Lautrec. Picasso qui. à ce repos. soit la position à la renverse ou la station
1noment. n'avait pas encore déployé les res- debout. doivent mettre en valeur. Mais. par­
50urces infinies de son artisanale polyvalence. dessus tout. le moyen le plus conventionnel en
semble avoir fait ironiquement écho à l'idéal de apparence. mais le plus subtil en réalité quant à
ce « Nu angoissé » dans les Deux s<:�urs. l'intention de l'ensemble, résidait dans la
quoiqu'il eût d'autre part exprimé des réminis- physionomie du modèle féminin er parfois dans

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les mains. exprimant chez. la femme la dans une chamhre - de Delacroix. pour autant
conscience d"être vue ou de se voir elle-même qu'émerge de l'ohscure intimité de sa chamhre
dans le secret. de sïnventmier ou de se faire l'éveil de son animalité sous les prestige� de son
voir ou encore de s'ahandonner à une éventelle corps. apparaît sur le tahleau comme un dehors
indiscrétion. capté au--dedam de la femme même.
Aux époques classiques le genre convention­ Les maîtres modernes. qui ont conservé le
nel des scènes légendaires permettait de varier Nu dans sa vision traditionnelle. ohservent en
à !"infini la dramaturgie du Nu en tant que sujet effet le style dans la nature, lïdentité entre la
(surprise. pudeur. violence) suggérant parfois nature et le style. Mais dans leur représentation
toutes les phases de J"hahillé au dévêtement. de la femme nue - qu'il s'agisse d'une
jusqu'à la nudité totale. selon les préte xte� dormeuse. d'une haigneuse. ou d'une femm«
fournis par les thèmes traités. Avec l"ahandon oisive - c·est toujours d'une manière quelcon­
progressif des thèmes légendaire� pour les que le sentiment de sa propre nudité qui
aspects de la vie quotidienne jusqu"à lïnstaura­ culmine dans l'attitude de la t ête ou dans
tic.in du Nu comme « instantané " · la dmmatur­ l'expression du visage. Or. ce r.entiment
gie du Nu s'est intériorisée. après que Frago­ conscient. chez la femme. de sa propre nudilé.
nard eut pour sa part développé une mimique que les maitres expriment par un .ieu quelcon­
tour en se jouant des dangers du maniérisme que de physionomie, si111e le moment "ani­
qu'elle risquait d'apporter. Comment dès lors le mal » de sa présence corporelle en tant que
Nu. dépourvu de prétextes avouahles autres motif pictural. On touche ici à un ensemhle
que celui de !'« étude académique ». aurait-il d'opérations mentales. â un jeu de miroirs sans
pu se soutenir sinon traité comme sujet ? lequel le Nu traditionnel, le Nu sujet n·aurait
Ce que !"on est convenu de qualifier d'anec­ jamais pu s'e.xpliciter dans la peinture.
dotique aujourd'hui. je voudrais l'attrihuer ici Qu'il s'agisse d'un sentiment narcissique ou
au contenu dramatique du Nu chez Ingres. d"une joui�sance de sa propre corporéité, c'est
Chassériau, Delacroix. Courhet. Manet et Re.­ ce sentiment méme qui. dans la physionomie de
noir. Selon cette conception. l'apparence mani­ la femme représentée. reflète le regard ·du
feste de la nudité cèle un insaisissahle secret. peintre. Dans l'assoupissement des [)eux amie.�
Dans la peinture traditionnelle le Nu figure de Courhet - Le Sommeil - les visages des
hahituellement au-dehors. mais un dehorJ lé· deux fille. s d"expressions très différenies même
genduire. imaginatif qui est comme émane de la dans pareil ensommeillement gardent. le mas·
vision du Nu (mythologique). Dans la peinture que d"une conscience. d'un état de veille
romantique. la nudité réinvestit ce dehors assumé par l"artiste.
légendaire dès qu'elle se dévoile dans un e.�pace Autre chose est de reproduire l"ohjet qui
clos. émeut. autre chose de reproduire cette émotion
Des Nus situés dans un paysage. la peinture même, soit par une vihrarion lumineuse. soit
dite"' réaliste "·donc antérieure f1 lïmpression­ m ême en reconstruisant un ensemhle de cou­
nisme. - je songe à Courhet surtout - ne les leurs qui la signifierait : nous sommes dans un
assimile pas dans une lumière diffuse. aux autre monde.. où l'on ne communique plus que
aspects naturels de l"amhiance, comme le fera par des idéogrammes avec lïncommunicahle
la pe. inture de plein air. mais elle a plutôt pour expérience que chacun peut avoir soit de la
effet de révéler la nudité comme quelque chose nudité soit de l'univers tout entier.
de secret dans l'ouvert du paysage - nu couché Et cepe.ndant il y a eu dans chacun de ce�
sur la he.rge, au hord de la mer - ou sous maitres quelque chose d'incommunicahle. une
d'épaisses e. t ohscures frondaisons. au-dessus de idiosyncrasie qu'il leur fallait sans doute renon­
ronde. cer à exprimer : c'est peut-être ce renonceme.nt
Une nudité féminine dans un e. space clos. - qui rend d'autant plus intenses les accents de

l.6�
leur expression sciemment la plus convention­ cette neutralisation n·a été qu'au prix de œ fait
nelle. primitif.
En tant que contemplateur d'un tableau de C'est dans Je regard profanateur du corps
l'un de ces ma"itres je me garderai bien de féminin que con sistait la violence primitive dont
refaire avec lui les étapes de son élaboration ; œ n'est ici que Je simulacre. En soL le simulacre
je la possède du premier coup d'œil dans l'effet est Je fruit du travail : il n'en reste pas moins
produit sur moi. Mais. par là j'entends que violence simulée du contemplateur. Le simu­
j'effect. ue le processus inverse et rejoins immé­ lacre est ù la fois en deçà et au-delà de la
diatement le point de départ a savoir !"émotion violence. tour entière dans le regard. Mais c'est
initiale. Tel est Je résultat même du tableau. par Je regard que le simulacre de la mise ü nu
Mais pour que cette émotion me parvienne ou s'approprie le corps de la femme imaginaire et
pour que je la trouve il a fallu que le peintre ait que la femme imaginairement réelle, expro­
précisément parcouru les étapes de son élabora­ priée de son corps. se reconstitue imaginative­
tion. Bien entendu il ne s'agit pas ici de tableau ment en tant que nudité sous le regard du
;, ache.vé ,; ou '< inachevé "· La moindre es­ contemplateur.
quisse, Je dessin le plus ténu peut le contenir Un tableau dit� érotique .. , représentant une
tout entier. scène de viol. n'a cependant rien de commun
Je parle ici du tableau en tant que contempla­ avec Je simulacre de l'appropriation du corps
teur non prévenu de œ que Je tableau repré­ féminin par sa vision en tant q�e nudité.
sente : en l'occurrence une femme nue. Je ne Pareille représentation n'est qu'explication for­
veux du tout savoir que la photographie de La tuite de la violence primitive inhérente au
Grande Odalisque, je dirai ici qu'elle m'en­ regard jeté sur la nudité. Le tableau « éroti­
chante presque autant que l'original que je puis que ,, vide et purge le regard
de tout le
aller voir à chaque instant au Louvre. Mais c'est potentiel explosif dont Je Nu traditionnel reste
une pure coïncidence ... toujours chargé.
Il était sans doute utile de rappeler que l'art Pour Je public contemporain du l>éjewier sur
n'est pas une copie documentaire de la réalité l'herbe •�t de r Olympia. pareille vision équiva­
immédiate à l'instar de la photographie. mais lait encore à une déchirure de la banalité
une interprétation. Mais cet argument peut-il quotidienne. donc. à une ouverture sur une
encore nous retenir ? Oui ne s'aperçoit. qui ne région interdite. Mais nous autres vivons tout
sait aujourd'hui que la photographie est à son entiers dans un ouvert illimité. La peinture
tour une interprétation? Ce n'est jamais l a aujourd'hui y semble dérouler cette mile sans
réalité q u e l'on appréhende, mais u ne vue de fin qu'imaginait Delaunay, qui est la négation
l'esprit. Le naturalisme en peinture comme en même de la durée implicite à la vision du motif.
littérature n'est qu'une forme de lyrisme. implicite. à la vision de la nudité. Dans notre
Il s';,gissait hier de réfuter la superstitieuse univers. le principe même du regard est remis
objectivité scientifique. Mais que nous importe en cause.
aujourd'hui l'objectivité de la représentation� Nous voici loin du fait primitif : Join de cet
Le Nu reproduii hier. se représerue au,iourd'hui espace, intérieur au regard. où le motif a été
en photographie. appréhendé. senti et conçu. là c)Ù J'œil de
La notion même du Nu n'est qu'une 11eutrali­ l'artiste et l'tx:il du contemplateur s'identifient
sa1io11 -- un compromis esthétique ec social - un instant ; l'instant de l'émotion initiale. Ici Je
d'un fait primil�f et dc>lcmt : c'est contre cette contemplateur comme dans une reminiscence,
neutralisation que les tempéraments les plus trouve la référence de son propre trouble dans
subversifs de la peinture moderne se sont l'expérience de l'Autre. l'artiste. qui est l'autre
insurgés. Résultat étrange : leur insurrection a par excellence. <'!t qui par son témoignage.
détruit ce qu'ils voulaient libérer, la rupture de apporte au contemplateur le commentaire

1.70
d'une émotion commune. Cest ce commentaire effet. la réminiscence de la nudité féminine
qui. si j'ose dire, fait la rumeur d'un tableau et dans la •· facture " traditionnelle du Nu a ccom·
qui nous retient par la durëe de cette rumeur : plit une fonction analogue à celle de la
c'est lâ que s·a ccomplit la réminiscence. Et en ressemblance dam le portrait.

171
On peut toujours dire que le trait . .. *

On peut toujours dire que le trait (ou la tache du geste la veut réduire au silence d'un motif
de couleur) vaut pour l'artiste ce que la phrase irréductible. Faire voir. et se taire en montrant.
vaut pour l"écrivain. Admettons qu'il en soit est une opération incompatible avec faire
ainsi : la phrase. sinon un seul mO! ou le entendre et démomrer à condition de ne rien
mouvement d'un texte écrit. répondent au mmurt•r. Dans le sens de Nietzsche : " Voir et
mouvement d'une ligne tracée dans un dessin. tout de même ne pas croire. �

Pure analogie qui reconnaît la même contrainte L'in.rt.ant spatial (chez l'artiste) n'est que le
d'un motif obsessionnel dans des domaines phamasme du corp.I' mème, en tant que foyer
d'expression totalement différents. Mais alors d'une résistance corporelle. qu'il projette et
le motif obsessionnel serait toujours convertible délimite en tam que lieu conquis sur la
�n n'importe quelle expression (voire fabrica­ résistance externe ou au contraire en tant que
tion industrielle qui aurait cette vertu expressi­ lieu imposé par l'obsession même : évidence
ve), tout de mème que l'espace mental serait irréversible qui fonde le phénomène des arts
préalablement dans toutes sortes d'espaces plastiques et que seule escamote l'inversion
empiriques réalisant une présence corporelle. pure et simple du faire voir en un faire
soit partout et nulle part. cvmprmdre " pictural »· Les fabrications de
H semble que déjâ le choix du mode l'académisme « bourgeois ,, parfaitement " ré­
d'expression dans l'un ou l'autre espace soit trogrades » (quant à toutes les actuelles théo­
déterminé par le motif obsessionnel. Qu'à son ries littéraires et scientifiques néo-bourgeoises
tour l'intention de faire voir. plutôt que celle de ou industrialisantes ... ) représentent au mieux
faire emendre. suppose. chez l'obsédé, non et dans le pire des cas l'instant spatial obses­
seulement que son obsession est spatiale spéci­ sionnel dans sa nécessité authentique.
fiquement, mais que l'espace du faire voir la Ma vision " réaliste " des corps que je
rend proprement étrangère â celui du faire dessine reste soumise à la "" syntaxe ,., de
entendre. ou bien que la sensation corporelle. l'espace où ces corps se meuvent. autant que les
par exemple du toucher. suggérée par le faire mots qu'ils font surgir dans le texte de mes
Mir apporte â celui qui la projette par son livres demeurent fonction du mutisme anatomi­
mode d'expression une satisfaction exclusive - que de ces figures. Texte qui a le défaut
dès que lui-même n'a d'autre souci que de faire d'inclure la spatialité ta1..ite de ces corps. tout de
partager l'évidence incompréhensible de son même que mes dessins seraient discutables en
motif. ce qu'ils se chargeraient de la " programma­
- aque langue oppose à une autre
Comme ch tion » du texte. Et malgré l'apparence du
ses propres idiomatismes et que d'un idioma­ contraire. mes dessins se dessinent dans une
tisme à un autre il n'y a pas de commune parfaite ignorance du texte écrit ou â écrire.
mesure d'expérience. ainsi chaque mode d'ex­ autant que ce texte parle de leurs motifs comme
pression oppose son propre idiomatisme à un s'ils n'avaient jamais été dessines par moi­
autre mode : région du geste muet que la parole même. mais étaient susceptibles de l'être par
cherche toujours à exorciser, quand le mutisme qui s'abstiendrait de les écrire.

• Préface du catalogue publié par la galerie Andre­


François Petit. Paris. 1971

172
L'on me demandait naguère pourquoi. .. *

L'on me demandait naguère pourquoi je ne hens1on " naturaliste ,, des physionomies -·­

m'en tenais systématiquement au noir et blanc jusqu'au besoin d'imiter la texture de l'épi­
de mes mines de plomb pour mettre en scène derme - besoin exclusif à la fois de tout
des situations et des personnages décrits dans commentaire lt'Xtut•I et de toute " innovation »

mes livres : car malgré leur caractère anecdoti­ technique.


que. ces dessins. exé.cutés en grand format, Or les nuances. les gammes de teinte\; que
échappant pratiquement aux normes de l'impri­ j'inclinais a choisir à cet effet, dénotent un oubii
merie. prétendaient aux dimensions de pein­ délibéré de toute l'évolution de la peinture
tures murales : toutefois. ils se présentaient occidentale depuis le début du siècle : car se

moins comme des projets ambitieux de fresques pourrait-il que l'on jugeât autrement une
ou de sculptures inexé.cutables que comme des tentative qui ne laisse pas de se ressentir d'une
instantanés de séquences du vieux film muet prédi le ct icin pour l'i diosyncrasi e li né aire
dont parfois mon propos était de rendre la d 'Ingres comme aussi d'une. hantise persisrante
grisaille argentine : et l'on pensait que je de l'imagerie popula ire selon un réalisme n<1ïf,
poursuivais de la sorte des matérialisations de brut<il, «indiscret ,, et cynique. apte à nourrir
quelque rêverie incolore. les ph<tntasmes que suscite Ü' fuit di�ers - ou
Il se peut que sous ce rapport ces dessins encore quelque instant épisodique isolé. dans
trahissent une opération mentale encore trop son contexte feuilletonniste, rom<mesque ou
proche de l'écriture : et que pour rompre historique, réuc:tuuli.w? hic t'l nunc. - ce dont le
absolument avec celle.-ci, ils semblent la prolon­ Petit Journu/ illustré comme aussi les affiches de
ger . Car mes livres n'étant qu'une transcription spectacle du premier cinéma offraient des
de motifs perçus et vécus d'abord en tant que spécimens caractéristiques. Elaborer quelques
tableaux, que figures muettes, - tout ce que nuances de ceux-ci - non s.ms une réminis­
j'en avais cédé à i·expression écrite, il m'avait cence des peintres photographes anglo-saxons
fallu !e récupérer comme appartenant primiti­ er des préraphaélites, mais sans aucun" symbo­
vement au mutisme de la vision pour la lisme." -- voilà. qui. somme toute. reviendrait a
communiq.uer dans son état premier. mettre le. « chromo ,, à l'usage de. la vie
La nouvelle série de compositions. traitées phant<1smatique du désir - il réhabiliter avec la
aux cr<iyons de couleur. corn me des agrandisse­ notion discréditée du «sujet,, la fonction
ments de ..: chromos ". ne. diffère en rien de la •· utilitaire ,; du tableau en tant qu'instrument
conception anecdotique des dessins il la mine dt' de contemplation. de. méditation dût-il s·agir en
plomb, si ce n'est qu'elle l'accentue au l'occurrence d'une pure et simple délectation
contraire, d'autant plus que la coule-ur loin de morose. Bref. il sanctionner des états qui ne
vouloir s 'affirmer comme un « en soi » pictural, sont répréhensibles et morbides que dans la
reste entièrement subordonnée au caractère mesure où l'industrialisation de la réceptivité
scénique du tableau -- notamment i1 la drama­ sensible a fait perdre sinon supprimé totale­
turgie du corps dénudé --- au principe du ment jusqu'au sens méme de la « pratique »des
simulacre simulant ici les obsessions de l'appré- images : perte et suppres.�ion auxquelles se sont
évertuées conjointement les techniques indus­
trielles de reproduction ei toute peinture qui va
• Pn!lac<: tlu c:>ilak>gu<: puhlic. par la g;olcric Bt•nrnlor. chercher dans celles-là un moyen de survivre et
Gt<nhc. 197:1. de se légitimer.
La description, l'argumentation, le récit... *

:;on attitude : de dénégation ? d'aveu l ou


La description. 1'.1rgumentation. le récit ré­
valant les deux à lu fois ?
p ondraient-ils dans mes livres il la dii:­
Deux espaces s·ouvrent id dont l'un semble
composition d'un tableau préalahle '? soit \a
projection d'une scène. séquem.-e d'une action \'analogue de l'autre. alors qu'ils ne sonr pas
intercltangt•ab/es.
se déroulant fortuitement mais nécessairement
Dilemme : ou bien celui mental de la scène
à chaque fois en un seul lieu ? Ou en plusieurs
se ramenant toujour5 en c<..·lui du tableau ?
décrite. du dialogue. de \'argumentation - Je
modèle dé�avouant l'identitii: du portrait. soit sa
Certes, si le tableau ne dit pas autrement que
par son lieu propre cela même qui �'eut son physionomie et du même coup l'interprétation
que les comparses donnent de son gc.�te. ainsi
rassemblement de figures.
Du point de vu� pictural. les opérations divulgué :
ou bien celui de l'espace corporel (soit de la
matérielles aboutissant au t;i bleau ne requiè­
statuaire. soit projeté sur le tableau) la scène
rent pas seulement des considérations techni­
peinte, qui reproduit dans son mustisme même
ques, mais encore subordonnent ces dernières à
le geste interprétable, suggérant d 'autres gestes
-
des interprétations prévisibles de la part du
possibles et contradictoires.
contemplateur : si l'artiste choisit telle techni­
Voilà pour ce qui est du caractère théâtral de
que de préférence à une autre. c'est que son
mes compositions : une pantomime des esprits.
humeur lui fait porter un jugement discrimina­
La présence spatiale du simulacre (au sens de
toire sur la manière contemp�raine d'appréhen­
der les objets. Il tient avant tout à justifier sa la statuaire de \'antiquité latine : simulacrum ) ,
évoquée dans Lt' Bain dt• Diane. m'amena peu
propre optique. eu égard tant au passé qu"à
l'avenir. à peu à développer l'acception de ce terme dans
sa s ignification implicite de simulation - soit
Sous ce rapport. la mienne à vrai dire
pratiquement à justifier la propension imitative
dépendrait entièrement du molif ou sujet qui a
de l 'art traditionnel.
déterminé sa mise en œuvre : à telle enseüine
Le terme de simulacre. avant même que je
que si le tableau n'avait tout d'abord prév:11u
non pas seulement en tant que tableau. mais puisse \'invoquer pour mon propre compte,
prète on ne peut plus à confusion.
encore par la façon d'en concevoir le mode.
Tant dans le langage que dans la figuration
donc !"esprit de sa fabrication -- peut-être
plastique il y a un rapport variable entre le
n'<.mrais-je alors Jamais écrit la Trilogie dt•
simulacre et le stéréotype.
Roberte ni Le Bain de Diane ni Le Baphomet.
Le simulacre au sens imitaci( est actualisation
La pensée qui s'y exprime n'est obscure ou .
de quelque chose d'incommunicable en soi ou
plus généralement abstraite dans ses démons­
dïrreprésentable : proprement le phantasme
trati6ns théoriques que pour la raison qu ·à
l'origine s'imposait à moi quelque chose d'aussi dans sa cu11lrainte obseSSÜ)nne\le.
Pour ·�n signaler la présence - faste ou
concret et inélucidab\e que peut l'être la
persistante vision d'un geste. néfaste - la fonction du simulacre est d'abord
exorcisante : mais pour exorciser l'obsession ·­
Geste d'une physionomie muette figée dans
le simulacre imite ce qu'il appréhende dans l e
phantasme. Dans cette double fonction relati­
• Préface du c.1tak>guc put>liè par la gakric Le B�ceau­ Diane. ca 1952
Lavoir, hris. !�75 : repris Jans k '"lt<i.lo\\ue pul>fici pîir /:i vement à ce qu'il tend à reproduire soit
(œuvr� cri : t')antc:sl
galerie L.:n�. Anwrs l9Î7. l'ùzdiâble ou l"immontrahle selon la censure aqu:ircllc. S-i°" �I Clll

174
s ociti le. religieuse ou momie, comment le pératif de reproduire " ob.iectivement » la " na­
prononce-t-il i m i ta t i v e m e n t � En e m p r u n t a n t . ture " -- b e s oin d ' i n sister s ur le contact du
pour les re.tourner au profit de s o n i mi tation. le-s corps avec l e s objets, s ur la résistance que lui
stéréotypes i n s t i t ut ionnels donc c on ve n t i o n n e l s oppose cfautres corps - tout ceci relève d ' u n e
du dicible et du mo ntrable. obsession phantas matiq ue moderne.
Le stéréotype méme répond d " a bord a ux Le s i mulacre ne s imule efficace m e n t la
s chèmes normatifs de notre appré hen s i on v i ­ contra i n t e du p h a n t asme q u · e n exagé ra n t les
s ue lle. ta ctile o u a ud itive . schémati s a t i on q u i schèmes s t é r é otypes : renchérir s ur le stéréo­
c on ditionne n ot r e réceptivité p r e m i e r e. lnsti tu­ type et ra ccentuer c'est y accuser ! "obsess ion
tionnalisés s elon des motifs s o c i a ux toujours dont il constitue la r é p l ique. Et déjü une science
variable�. ces schcmes en t;mt que stéréotypes consommée des stéréoty pe� caractérise de�
serviront ü prévenir leur moindre. a ltéra tion par g é n i e s aussi opp o s é s que l e sont Ingres et
quelque fait vécu d'une perception ou d ' u n e Courbet. l e p r e m i e r p a r son exploi ta tion du
r é ceptivité phantasma goriq u e . monstrueuse ou schème clas s i q ue. le second ptlI celle de
perverse. !"imagerie popula ire .
Or c'est a p a r t i r de cette prévention que La des truc t i on pure et s imple du s t é r é otypt�
commence le double jeu du simulacre . dans la peinture au début de notre si ècle
Toute i n v e n tion d'un s imulacre présuppose le annonce le r ej e t d u rôle i m i t a t i f donc exorcisant
règne de stéréotypes prévalants : c ' e s t avec les du simula cre et du méme coup ! "abandon du
é l é me n t s décompos é s de. ceux-ci que l a fabrica­ " s u.kt ,., _ Le t a b l e a u cesse d'être un s i mul acre
tion d"un s i m ul acre p a rv i e n t seulement à l'im­ pour devenir un en-soi .
p o s e r à s o n tour comnw un " stéreorype "· Deux observations de Klee sont ici décisives.
En effet. au niveau de l ' e x pression t a n t du qui concernent l e stéréotype du " n u " e t du
langage que de la figuration pla s ti q u e . - les " ge n r e vi eux - m a i tre » .

stéréot y p e s ne sont que l e s r é s i dus de s imu­ u De même q u e l " h o m m e . le tableau lui aussi
l a c r e s p h a n t a s m a t i qucs tombés dans l ' usage a un s q u e l e t t e . d e s mus cles. une p e a u . On peut
coura nt, abandonnés il une i nterprétation com­ p;i rler d"une <matomie particulière d u t a b l e a u .
mune : m a i s en tant que s i m ul acres dégradés. Un t a b l e a u apmt pour sujet " u n homme n u ,,
i l s reflète nt une réaction i n d i v i d u e l l e ou collec­ n ' e s t pas à figurer selon l'anatomie h u m a i n e .
tive à quelque p h a n t a s m e vidé de son contenu. m a i s selon c e l l e d u t a b l ea u . On commence à
L I n v e n t i o n du simulacre p rocède toujours de construire une ch;i rpente pour la peinture à
la com.;ci ence. de ce p rocessus : les schemes b â t i r . J u s q u " à q u e l degré s'en écarter. voilii q u i
perceptif!--; s téréotypés. notamment le schème e s t fa cultatif : d è s la charpente s e p e u t exercer
visuel du corps h u m a i n . du paysage. des nb . iets un effet pictura l p l us profond qu"h p a r t i· r de la
- t e l s q u ï ls s ·e x p r i m e n t dans l a repré s e n t a tion s eule surface . "

c o n v e n t i o n n e l l e -- n·en s o n t p a s m o i n s suscep­ " Le s uj e t en soi est définitivement m ort.


tibles d ' u n e interpréta tion i d i osyncra s i q u t . soit C ' e s t l a s e n s i b i l i t é q u i . relativement au s ujet.
disproportionnée par rapport a u schème per­ passe au premier pl<m. La prépondérance des
ceptif, donc p ropre il faire resurgir un p h a n ­ suje.t s érotique s n · e s t pas un phénomène exclu­
t a s m e occul té p < i r la s téré.otypie usuelle. C'est lit s ivement f ra n ç a h ; . elle dénote plutôt une prédi·
cc que ré vèlent les impro visations pictura les lection pour tout ce qui flatte particulièrement
a u x q u e l l e s la première photographie donna lieu la s e n s i b ilit é . La forme extérieure de ce fait
ù la s uite de Da guerre. not amment chez des d e v i e n t pa rticulièr e m e n t variable et se meut sur
<irtistes a m é r i c a i n s . toute la gamme des tempéra m e n t s . Selon la
A t o u t prendre l a sup e rstit ion " r é a li s t e ., ou souplesse de l ' i n d e x . pourrait-on d i r e en !"oc­
« na tura liste » n·a é té a utre chose que le currence. Conformé ment à quoi v a rient les
« dél ire d ï nte rprétation ,, d ' une é poque. L ' i m - techniques d e l a représcnta lion. L"école du
genre ''vieux-maitre" est certainement liqui­ tabl e a u x . Simulacres de :>imulacres ? - donc
d é e . ,. imitan i non plus q u e l q u e phantasme intime
Ce qui se résume ainsi : la liquidation du mais simulant dans ma s ensibilité. objectivant.
genr e "vie ux-maitr e"' i m p lique la liquidation critiquant en elle la survivance de stéreotypes
même du Nu en· ran r qu e sujet. révolus ?
Remarquons-le. K l e e attribue la variété d e s Ainsi transparaîtraie nt en eux des réminis­
moye n s techniqu e s à l'épanouissement de la cences d'une démodée façon " populaire " de
s e ns ibilité e t cet épanouissement à « l a prépon­ faire voir dont je me déclare le contemporain à
dérance de sujets érotiques " pour autant q u ' ils bon e sc i e nt L'évocation du fait diver s par l e s
.
tlattent l a s ensibilité picturale. C'est ains i que artiste s d u Petit Jou rn al et a u tr e s affreux
l e s moy ens mis en œuvre pour la fin s e ns i bl e , hebdomadair e s de fin de siècle ou du début d u
fi nissent par l ' e m p o r t e r , s e subordonnent la f i n . nôtr e, n'es t pas s a n s avoir contribué à dévelop­
e t n o u s obt e nons l a notion inte llectualiste d u per en moi dès l'e nfance l'obsession vim elle du
tableau en :soi. L' anatomie humaine de la geste muet. Le fait divers illuscré n ' e s t au fond
" be lle nudité » se trouve résorbée dans l'ana­ que la mise en scène i nsinuante de notre
tom ie du tableau L u belle n u dité (le Nu en tant discontinuité moderne : subite v i s i o n de l'ina­
que sujet) le cède au Nu-motif. au Nu fortuit, et perçu. fait accompli entr e avan t et après. Ce qui
ce d e r n i e r peu à peu. neutralisé d'abord. s e exige la reproduction la plus hy stér iquement
désar ticule o u s e dissout s elon l e s lois propres f i dè le du phénomène anti nomique implicite au
désormais au tableau e n soi. fait divers : la r upture du quotidie n par quelque
Le tableau désormais n ' e s t plus l e simulacre chose d'appare mment quotidien.
exor ci sant d e quelque obsession phantas mati­ Conçu de la sorte, le tableau convertit le
que prée xistante. puisqu'il n'imite pai; m a i s temps e n espace vécu où l e moment révolu se
s'achève d a n s sa propre « anatomie ». Or. peut perpétuellement revivre : la présence
com m e nt n i e r que les compositions de Klee ne corporelle s'y réactualise toujours dans telle
simulent précisément des phantasmes au plus attitude que la s i m p l e descri ption abolit après
haut degré ? N'a-t-il pas parodié la stér éotypie coup.
obse s s i onnelle avec une céleste ironie ·? Et Tandis que dans son "' c a h i e r de libre
nonobstant, il n'est que de constater, dans les examen » ( la
Révocation de !'Ed it de Nan œs )
.
généra tions ultérieures, à quoi devait a boutir Roberte récapitule les se nsations diverses qu i
l ' application scolai r e de son principe théori­ l'agitaient alors qu'un maniaque l ' attachait aux
que : une production arbitrair e de phantas mes barres parallèles d'un g y m n ase à seule fin de lui
sans nulle contrainte intérie ur e e t de ce fait. léche r la paume - le fai t m ental de cette
non p l u s susceptible d'e n exercer moralement récapitulation donne lieu à un tableau : l'inci­
aucune . dent (soi t le fait accompli) se reconstitue dans
C o m m e il apparaissait que dans m e s minei; de ses propres contingence s spatiales s ous les
plomb ( a v a n t m e s crayons de couleur), je ne e spèces qui le composent d ' e m blée au premier
faisais que reprendr e c e r taines s i tuations e t les coup d'u:il . Il va sans dire qu'au sens anecdoti­
physionomies que j'ava i s a l t e r nativ e m e nt com­ que ( l i t t . " ce qui n'e s t pas donné au dehors »)
m enté e s ou décrites dans rnes livres - l'on se - que parfois l'on reprochait à mes dessins -
m ettait non pas à regarder la façon dont j'usais les élé.m e nts du tableau préexistaient à la
d e mes cra yons m a i s à lire m e s compositions des cription : le commentaire que Roberte
com m e un s up p l é m e n t graphique de mes élucu­ donne e l l e - même de son expéri e nc e , est main­
brati ons - sans autrement comprendre ma tenant totale ment r ésorbé dans le regard J e
recherche que t e l l e une diversion c a l l i graphi­ l'invisible témoin. li ne s'agissait pas de « retra­
que. L e s résultats de mon e ntre p rise se raient duir e " en des é quivalences de formes et de
donc moins d e s tabl e aux que des simulacres de tonalités la tournur e des phases explicitant l e s

l76
s e n s atio ns de Roberte - m ais b i e n de s o l liciter une fesse - : plutôt dirai-je avant q u ' o n m'en
chez le c o n t e mp l a t e u r du tableau une d o u b l e fasse grief. " ceci n 'est pas un tableau » mais
i n t e lhgence : c e l l e de l ï n c o n g r u i t é de la s c è n e e n c o r e une f01s un s i m u l acre d e tout ce que j e
e t l a façon c h o i s ie p o u r l a r e p r é s e n t e r . L ï m a g e t i e n s à montrer s elon 1 ' o p t i q u e gullivérienne du
du l i e u . des i n s t r u m e n t s . des c o s t u m e s . du g e s t e Doyen de Dublin . - cette o ptiq ue q u i l ' a
respectif d e s t rois p e r s o n nages : - le m a n ia­ dégoûtt� de " p eind r e » , m a i s q u e j ' avais d e
q u e . son comp l i c e , !"élégante dame attachée l o n g u e d11te contractée comme u n e infirm ité,
aux lanière� - y compris le détail de li• l a n g u e soit une attentio n m o r bide, d'une insistance
s u r la p a u m e - t o u t c e c i e.s t requis pour disproportio nnée - sans que cette dispropor­
i.us tenter ce q u e Kiee nomme l ' a nato m ie du tion indiscrète ait jamais pu s atisfaire à l ' o b j ec­
tableau. tive anatomie du t a b le a u . et tant s · e n faut q u e
Aussi n ' i r ai-j e p a s p r é ve n i r le contemp lateur celle-ci s e soit iamnis confondue a s s e z avec
à la manière du s u b til Magritte : Ceci n'est pas l ' a n atomie de R o b er t e .
Robe rte e t la coiffeuse *

plus par la seule coïncidence d u n o m . m a is


Une scène décrne et la même scène en tant
comme phys i o n o mie . jusqu'al ors e x t é r i e ure à
q u e ta b l e a u s o n t d e ux m o d e s cLippréhe n s i o n
ce signe. q ui l ' a v a i t recouverte de son ombre.
a u s s i diffé r e n t s e ntre. eux que leur o bjet m è m e
l a description de !"ombre même revint à
s e m b l e ra it i d en ti q u e . La d e s cription peut se
é t a b l i r les contours de ia physionomi e comme
d évelopper en co mmenta ire s et en discussions
sa participation à l a réalité e x t é r i e u r e .
implicites à la sc ène et cependant e l l e nous
et c e t t e phys ionomie s o r t i t comme d ' e l l e ­
t ransport e a i l l e u r s . sur d'autres plans q u i n ' o n t
méme de l 'o mbre portée s u r la r é a l i t é p a r l e
nen de commun avec la scène t e l l e qu'elle s e
�igne ;
prés ente sur le. t a b l e a u. d û t - e l l e dissimuler les
d ' o u une interférence entre Je s i gne et la
a utres p l a n s . Or le tableau ni ne commente ni
physionomie .
n ' é n u mère de détails p u i s q u 1 1 les s a i s i t d ' e m ­
s o i t une i nversion de la fonction du sii?ne e n
b l é e . d a n s l e ur opposition ou leur c o n n e x i o n ,
de t e l l e s o r t e que ce lles-(:i a i?issem a v e c d 'au­
t a n t q u e n o m . remplie j u s q u'alors p a r l a pensée
d e son plus haut degré d ï n t e n s i t é , ma is pour
tant plus de force q u ' e l l e s ci conscrivent dans �
lors vacante tant que la physionomie ne l a
toutes les parties du tableau le s ilence . so it
remplirait pas e l l e - m ê m e . sous c e nom.
!'absence du commentaire a ins i refo u l é .
une i nv e rsion d e la fonction du nom e n tant
Et i l e n e s t a i n s i d e l ' a r t d a n s s a fonction
q u e signe. qua nd le vocable Roberte ne répon­
i m i t a tive parfaitement l égitime : car cette
dait que de la propriété d ' une physionomie :
,, imitation " n'a jamais été documentaire.
la physionomie v a l a n t d é s o rmais po ur le
comme o n a voulu le fa ire cro i r e . pour d e s
. s'rgne. appeiée \par s o n nom ) à vé rifier e l l e ­
q u e s t i o n s de m é t i e r e t de technique. m a i s e l l e.
mème l e s énoncés (ges t e s , s ituations. parole s ) ,
repose s u r u n e s ci e nce des stéréotypes telle q u e
soit les qual i t é s que 1 e signe as signait :1 son
des maîtres d e différentes é c o l e s l ' o n t pratiquée
norn ;
- de là l e s t y lt� - et que s e ul un public ignare
quand le nom lui garanti s s a i t la proprié té de
devait co mpromettre par sa c.onfusion des
ces mêmes q u a l i t é s il l' ombre du signe .
stéréotypes aw:c le " principe de réalité "·
le �igne œ v al a n t p l u s que pi> ur œ l u i d ' u n e
De nos j o ur s . l'expulsion du motif revient
e xpropriation de la p h ysionomie tant q u 'e lle
_justement ù r é i ntroduire récriture dans le
participait à la r é a l i t é e x t é ri eure.
gra p hique et le pict ura l. à a ss i m i l e r les rè1!les de
s o i t pour une. div ulgation des q u alités que Je
la technique aux règles d1:: la synta x e . don aussi �
signe assignait a u nom de Robert e .
il renouveler la technique conformément à une
Perpé t � er s a d i v u l g a t i o n par c e s igne q u i
s y ntaxe d ésarticul é e . afin que le tableau soit .
1 e x p mpne d ' elle-même. n ' é t a i t-ce pas �1ussi
·�sse n tiel l e m e n t u n simulacre de réflexion ( d u
préparer cette physionomie il l ' i m po sture ! Dès
t ab l e a u par le tab l e a u l u i -mê:neJ sur �a situa­
lors qu'il est s i gne de son expropri ation.
tion dépla cée dans le contexte i n d u s t r i e l .
com m e n t ce nom de Roberte la tie ndrait-il
Dès que j e r ne mis :·1 décrire c e t t e physiono­
encore pour êgale ù e l l e- même sous .:ette
mie rn érn e dans la not:ition d e s é noncés dé.cou­
l a nt. hors du te mps, de ce nom de R o b e r te. et physionomie ·)
Le signe q u ' e l l e é t a i t de\'enue d on na i t au
que. d a n s ce s faits d i s c o n t"m us, e l l e f i gura. non
nom de Roberte une fonction d é vo i l a n t e .
D a ns Robe rre. c: e soir s e d é m o ntre l ' étroite
' ln Ol>liqY<'.I'. 11·• 1 . n uméro ,pèc1i1I Strmd�rg . ! '173. interdé pendance entre ( la magie d e. ) l':irgumen-

178
t a t i o n et le rab/eau . l e q u e l ;) la fois se construit à e t i n d u s t n a ! i s a n t e s . . . ) representent a u m i e u x e t
p a r t i r d: l 'obsession e t recon s t r u i t cette d e r ­ d a n s le p i r e d e s c a s l ï ns t a n t s p a t i a l obsess ionnel
n i i: r e à mesure qu e les arguments t o u r à t o u r dans sa nécess ite a u th e n t i qu e .
a v a nces s ï n firment ou s e co nfirment. O u e ce Le passage a lter n a t i f de l ' expression graphi­
premier aspect de Ro bene a i t donne lieu i l d e u x que ou pict ura le à l'ecri ture. de c e l k-,·i à
a u t r e s versions réside d a n s la n a t u r e méme d u c e l l e -l à . ne rèvèle pas néc e s s a i r e m e n t u n e s e u l e
triple rapport (obs ess ion. argume nta t io n . ta­ pro p e ns i o n originaire. m a i s u n e m a n i i: r e d ' é ­
b le a u ) . pro u v e r d e s i n s t a n t s obsess ionnels d a n s d e u x
Dans l a r é u nio n d e s tro i s versions e n forme espaces différ e nts . d û t - i l s'agir d u m é m e mo tif
de t r i l o g i e . Roberte ce soir est au centre en ta nt prov oquant u n e appreh e ns i o n diffe rente .
que cha rnière . se r�·anc de réfcrence ;\ la prt:­ Le cas du peintre-ecrivain ou du poètc­
mii:re e t i t l a dernii:re a c t i o n . Par rapport ii d e s s i n a t e u r . o u graveur. permett r a i t , en ce quïl
rune er ù l 'a u t re. l ' a c t i o n centra le de Roberte ce li de r a r e ou cft•xc e p t i o nn e l . d e se référer i i
s oi r se caractéris e en tant que t able a u v i v a n t o u lïnc1dence grapho lo giqu e. comni<: i l lu s tra n t . s i
t a b l e a u p u r e t s i mp l e , c o n t e n a n t un portrait. Le _i 'ose d i r e , !"alternance e n t r e respace d u geste
portra i t a son modèle d a n s l ' u n e et l ' au tre chiffre e.t ! " espace d u geste muet - ne fai!'ait
a ct'lon. lequel. pour désavouer k portr a i t d'aille urs que symboliser mate ri e l l e m e n t . a
(désa v e u . a rgumentatio n ) requien des per­ partir du fa i t primitif de rracer. la rupture de
s onnes e x t er i e u r e s à s o n g e s t e �· i n terprété pa r l ' h a b i t u d e fonctionn e l l e des s ig n e s , au profit de
l ' a u t e u r du portra it . l i n e a m e n t s propreme n t i ns i g n i f i a nts. mai s signi­
()ue l'inswnt s p a t i a l ( c h e z ie creai e ur) n·est fiable s apri:s coup. Quelle q u e s o i t la s in g u l a r i t é
q u e le p hantasme du corps méme, en t a n t qu e grapho logiqu e d'u n e è c r i t u r e . ce t t e s ingulari t é
foyer de c e t t e resistance. q u ' i l pro je.tt e et l i m i te res t e astreinte automati q u e m e n t au trace fonc­
f'.n tant que lieu conqui� �;ur ln résistance t i o n n e l des s ignes. Or. chez le peintre ou le
externe ou au cont raire. e n tant qu e lieu impose d e s sina t e u r le mém�· tracè graphologiqu e récu­
par l ' obse.ssion même, c'est là une evidence. pi:re son a u t o nomie pour s e déchaîner " calli­
irrt�versible q u i fonde le p h e n o mène d e s arts gra phique.m e n t " en " caractères '" divagants
plast ique s e t que seuk e s ca m o t e l ïn v e rsion par ra pport à ,·eux d e l ' é c r i t u r e . Ces caractères
pure et s i m pl e du faire l'Oir en un faire divaganH;, ce sont c.eux des objets (réels ou
comprendre " pict ural ». Les fabricati o n s de i maginaires) a uxquels s ' ide n t i f i e desormais le
l ' académi sme. « bourgeois " parfaiteme n t ,. re­ tracè d a ns son mutis me .
trogrades ,. ( q u a n t il toutes les actuelles t h e o -

179
Lettre à Patrick Waldberg *

Est-ce b ien là ton portrait . tracé par moi voici p o m p i é r i s me du p l u s mauvais aloi - comme
près de vingt ans, que tu as chois i de p lacer en menant un pauvre. dé sespéré combat d'arrière­
tête de t o n ouvrage ? garde i la suite de ce mouve m e n t dont tu
Dès q u e j e me mif, â consid é r e r le contour de rassemb les depuis un q u art de s iècle. dispersées
ton cràne ovoïde, tes yeux à fleur de p e a u . <.'â et ! à . les prestigieuses reliq ues pour les
parfois d ' u ne d u r e t é i n q u i é t a n t e . ces reflets d e po rter de façon process i o n n el l e à travers le
colère co ntenue, prête à ex p l o s er s u r le malheu­ monde.
reux q u i l a p r o vo q u erai t . tout ceci contrastan t Chanson de gestes d onc. I(! présent recuei l ,
avec. d e s oudains attendrissements. - je n e p u s s o i t à t o u t prendre l a convers ation dt� cet art d e
m e s o u s traire à u n e double présence que je .wurds-muet.r q u e sont les p eintres e n u n texte
dénommai au ssitôt Néron et Hérode : Né ro n qui décrit l a manière op iniâtre avec l a q u e l l e ces
dont ton hilarité parodiait la convo itis e et hommes ont lié leur sort il celu i des s i m ulacres
l ' ex h i b i t i o n n i s m e : Hérode dont l ' affliction fabriqués de leurs m a i n s .
sem b l ait p ar instants baigner t o n regard : l ' u n A l i r e t o n l i v r e . j e m e s u i s i d e n t ifi é à u n
e t l ' a u tre s e d i s p u tant l'app arence de ta p r o p r e lecteur n o n p r é ve n u , ignorant t o u t ce dont t u
p hy s i o n o m i e ; s i l ' a p l o m b de t o n b u s t e r é p o n ­ p a r l e s . p o u r q u i t o n exégèse n e s erait en f i n d e
d a i t a u p remier, toutefois t e s yeu x si lo urds compte que diverses phases de ta propre
p arais s aient char g é s de la terrible e x p é rience du imagination : ces œuvres. ces hommes n ' e x i s te­
second - l a danse de Salomé au p r i x de l a tète raient p as. en deh o r s de toi-rnème . confidences
de Jean-le- Baptiseur - /'arr au prix de la 1•érité d·un rêve continu au gré de tes n o s talgies . tes
ou la vérité au prix de /'art ; - avec un j e ne sais h u m e u r s . tes r é p u gnances. On devrait même
quoi de so uveraine o b s tination il d é s ig n er lire ce recu�il sous cet angle, indépendamment
envers et c o n t r e t o u t . . en cette é p o q u e de totale d u fait que déjà dan s ! ' A ntiq u i t é la description
désori e n t a t i o n . ,, ce qui ne meurt pas • dans d'i.lhjets imaginaires étai t u n e fo rme d e rhétori­
l'ordre des v i s i o n s . cela même qui à chacune d e que prétexte â d ' i n ti mes aveux.
no s rencontres n o u s ferait é p r o u ver toujours l u E n quoi l e tableau (de telle ou telle tendance
.� o lidarité d e d e u x c o m p l i c e s . p ictura le) s ' offrait - i l c o m m e rïnstrumenr révé­
Or n ' e s t-ce p a s avec ce m ê m e regard q u e tu l a t e u r de ce q u ' i l y a en nous-mêmes d'au tre­
as co ntem p l é les œuvres des artistes d o n t tu m e n t indicible '? Quelles affinit é s découvrais -t u
no us offres ici la vaste i n s p ection ?J e n'entrer ai avec tes émotions prop res chez tel mairre q u e t u
p as d a n s le d é b at q u ' e l l e sus citera chez b eau­ fré q u entais· '? L ·art p ictural (ou s c u l p t u ral) -
cou p ; je
n e discuterai aucune de tes ex égès es. pour moi si totalement différent des a:uvres de

Le p l u s étrange, maintenant q u e depuis q u el­ la p ar o l e même. voire radicalement o p p o s é -
q u es années j ' ai renoncé à la syntax e du langage est-il l)U non une façon intri nsèq u e de rendre
pour e m p r u n ter c elle du tableau , c'est que tu compte de notre univers ? Les deu x mo des
m'aies toi-même cont raint it écrire ces l i g nes de d'ex p ression sont-ib ou non exclus ifs l'un de
préface à tes Demeures d ' f-/ypnos : j ' en suis à !"autre '? Contrairement à la conception cou­
ne plus p arler q u ' en des « s emblants ,, de rante q u i admet l e u r c o m p lémentarité '?
formes et de t o n a l i t é s que je vo udrais d ' u n On t r a d u it ou commente un texte : on
com m e n t e . on t raduit plus malais é ment un
p o è m e - en s o i i n t r a d u i s i b l e . Il en va du
• l n I.e..- Demeure.ç d'H_vpnu.1·. L a Différence . i 97 fl . t a b l e a u comme du poème : on n e snu rajt les

1 80
reproduire d a n s un idiome différent de c e lu i de J e t o u c h e ici a u cœur méme d e t a r e l a t ion : si
leur con c e p t i o n première. Traduit dans le p hénom e n e de l a p ei n t u r e au sens tradition·
l ' id i o m e du t r a d u c t e u r c ' e s t u n nouveau p oème . nel n'est p oint l e reflet d ' u n astre mort . au s e in
En q u e l i d i o m e t r a d u i r a i t - o n un t a b l e a u ? T e l de notre univers i n d u s t r i e l - ou p l u t ô t d a n s
a u t r e p e i ntre l ' i n t e rp r é t e r a e n le recré a n t , e t ce tte a b s e n c e de " monde " ou de monde
re-copié ce s e r a u n e œ u v r e différente d a n s s a perpé t u e l l em e n t d é m o n t a b l e que signif ie l ' i n ·
s i m i l i t u d e . n o n m o i n s original e q u e le m o d d e ; du s t ri e - s ï l a précisément le prestige d ' u n
m a i s q u " est-ce à dire q u ï l soit encore nécessaire reflet p e rsistant d o n t l a source n ' e s t n u l l e part
d e le c om men t e r ? a i l l e.u r s q u e dans not re p sychisme. occ ul t é dans
Que l'inslanl spatial ( d u p e i n t r e comme du sa r e s p i ra t ion et son rythme. et que cette
s c u l p t e u r ) n ' e s t d ' a bord que le phantasme du occu lta t ion fas:;e naitre des légions df: p h a n ­
corps méme en t a n t q u e foyer de résistance tasmes à l a recherche désespérée de le.urs
q u ' i l p ro j e t t e , et q u ' i l l i m i t e e n t a n t que lieu, p ropres images où pouvoir .'ie loger - l a
c onquis sur la ré s i s t a n c e e x t e rn e . ou imposé p a r signif i c ation de rnière d u mouvement s urré a l i s t e
l 'obsession m è m e . voilà u n e é vidence irrév e r­ a u r a é t é , c o m m e tu me l e d i s a i s un s o i r à M i l a n .
s i b l e q u i fonde le phénomène des arts p l a s t i · d ' a v o i r redressé d a n � l a p e i nt u r e figura tiv e l e s
q u e s , e t q u e s e u l e e s c a mote l ' i nversion pure e t princip e s l é g i t im e s qui lui ont p e rmis de
simple d u faire voir en un faire comprendre surmonte r l ' i nt im i d a t i o n d e I' - a b s t r a i t " : fa·
esthétique, s elon les normes de la raison joutera i que sa grande v e rtu fut d e réaffirmer le
universelle. caractère " m a gi q u e " d u t a b le a u. ce q u 'a i l l e urs
Un tableau é t a nt aussi intraduisible q u ' u n j ' a i nom mé sa fonction exorci s a n t e : il est vrai
poëme - p o u r l a raison q u ï l n ' y a ri e n q u i q u ' a u c u n de nos colle c t i on n e u rs n e s 'a v i s e r a
p u i s s e passer d ' u n i d i o m e à l ' a u t r e - alors q u 'il j a m a i s de p r é t endre q u e d e s forces m a l é fi q u e s
s u ffit de le s a v oir lire dans son idiome p ropre a u t ant qu(� bénéfiq ue s n'y seraient ja mais
pour l ï nter p réte r - on peut tout juste dire q u e réunies ou confronté e s - si tant est quïl
p o u r l e t a b l e a u il e x i s t e u n e univer.'iali.lé d u s ' agisse non pas d ' u n e const ruction s elon des
<'onae1 q u i l u i a s � u r e s a jouis.'iance i m m é dia t e lois étrangère s à toute errance é m o t i v e pour
- d o n c e n s o m m e . . a n i m a le " - m a i s q u e obtenir un objet de t out repos d a ns son
p our l e t e x t e en revanche i l regne une univer.'iali· i ndifférenc e méme, mais bien d'un s i m ulacre
lé de /'ub.'itrail q u i . s ' a gi s s a n t du poeme, ne fait dont la pui ssance d ' a t tr a c t i o n contra ign a n t e
que s up p r i m e r ses don n é e s idioma t i q u e � . En t i e n t i1 ce q u ' i l s ' e s t élaboré sou� l a c ontrainte
sorte q u ' u n t a b l e a u i n t e rprété ne peut être de ces forces .
prétexte qu'ü u n e nou v e l l e i n v e n t ion. ù lïns t a r N a guère j ' a v a i s s igna l é à. Breton l'a rg u m e n t
d u poème. O r p o u r cc q u i e s t d u t a b le a u . de I ' Henné.'i Trismégiste : " D a n s l ï m p oss ibilité
r u n iv e r s a l i té du wnae1 c h e z t o u t spec t a t e u r de créer u n e â m e pour " animer " l e s s i m u­
q u i l e c o nt e m p l e . f ût-il l e p l u s i n c u l t e . s e fonde lacre s des d i e u x , on invoqua les âmes des
sur le p o t e n t i e l p h a n t a s matiquc de chac un ; dé mons e t des anges et on l e s enferma d a n s l e s
non p a s en ce s e n s q u ï l trouv e dans le t a b l e a u images s a in t e s , a f i n q u e grâce à c e s â m e s l e s
l a concrélisation d u m é m e phantasme, m a i s l a i d ol e s e.us s e n t l e pouvoir d e faire le bien e t le
p os s i b i l i t é de conc rét is e r l e s i e n pro pre. Le mal » .
table au l u i apporte la s y n t a x e a ct ualisant tou t e S a v oi r si à l ï n s t a r de l ' a n t i q u e t h é u r g i e .
v i e p h a n t a s m a t i q u e : le simufoae. l ' a r t i s te moderne viserait à insuffler pareil
Mais pour q uïl concrétise un phantasme pouvoir à s e s p ropres s imulac r e s : s oit c e u x q u i ,
p a r t i cu l i e r, l e s i m u l acre n ' e n o b é i t p a s m o i n s â mutaû.1· m utandis. (plutôt qu'ils ne s 'érige nt
u n e règle unfrer.'ielle . s oit au stéréotype des dans l e s temples) s'e x p os e n t dans nos musées et
schemes fondam e n w u x de notre perception paraissent ( t out efois) � s 'y .'iatisf'aire du voisi­
s e n s i bl e . nage de /'homme ,. (nos a mateurs ou c o l l ec tion-
n e u r s ) : si à leur tour l e s œuvres d ' u n Max se nommàt fortuitement Monsieur I n g r e s . quoi
E r n s t . d ' u n D a l i . d'un Masso n . d"un Gia come tti d'étonn a n t q u ' a ujourd'hui ce maître - dont on
- pa rticuli èreme nt d'un D E Chirico ·- elle s fit le bouc émissaire de l'académisme " le p l u s
aussi comme c e s lointa i n e s i d ole s . connaissen1 bourgeoi s " - nous appa rai s s e comme l ' u n d e s
l 'av enir. l ' a n n onc e n t par le sort. - frappent les p l u s " magique s " d a n s s e s s imula c r e s . n o t a m·
hommes de maladies er les guérissenl ·- souf­ m e n t c e l u i de sa Thétis implorant Jupiter '?
fran ce et joie selon les mérites .. - v o i l à de nos N'est-ce pas gràce à ! ' astrei nte de l'artiste a u
jours une que s t i on tota lement a be rr a n t e . m a i n ­ schéme " néo-classique » d u corps féminin que
t e n a n t que l°on se moque b i e n . en l a m a t i é r e . la puissance démonique v i e n t e n dis proportion­
d'avoir o u non le discernemenl des esprits . ner d ' a ut a n t mieux les div e r s e s parti e s -
De l ' a rgument du Trismégiste je retie ndra i e x a lt a n t ici la h a n c h e . le bus te. l'immen s e col.
s e ule m e n t q u ' i l refuse au fa bri c a n t de s i mu l acre la tl•te à la renverse. l'œil fixe, le bras
le moyen d ' a g i r par sa s e ule subjectivi té (-- de ve rticalement a l l o n g é de la déesse. sa main du
ce point de vue a ntique qui spatialise notre pouce et de l'index cherchant à· é mouvoir
fatalité « inconsciente ». aucun de nos ma itr e s j u s q u ' à l ' i mp a s s ible barbe du Père des dieux ?
mode rne s n ' a u ra i e n t pu " mettre s o n âme d a n s Concevoir le �imulacre en tant q u e r é p l i q u e
s o n œuvre " ) - E t en effet comment l ' artiste du p h a n t a s m e s e r a i t donc d'origine t h é o l o g i q u e
fabriquera i t - i l un objet c a p a b l e d'exercer par a u � e n s l o i n ta i n a t t r ibué p a r l " Hermé s Trismé­
son aspect une action morale s ur le conte mpl a ­ giste à la fabrication des idole s : -- a i n s i à
t e u r . p u n i t i v e ou rassé r é n a n t e . si au p r é a l a b l e il travers les s i é cl e s , - depuis le culte. des image s
ne s ' a s s ocia i t la force " démon i q u e "· - corré­ j u s q u ' à la noti on s éculari s é e , donc profane. du
lative à sa s ubjecti v i t é . mais extérieure à son tableau-sujet. du motif. subsiste encore et
propre vouloir. a ut a n t que l ' o bje t q u ' i l dressera toujours le fait d'une obsession première.
aux yeux d'autrui dans l ' e s p a c e . antérieure à l'exé cution du tableau ()U de la
Ec cependa nt. par s on p ro s é lytisme. Breton s ta tue . que cette obsession soit religieuse,
n'a p a s ma nqué de faire naitre chez be aucoup profa n e . l i c e n c i e u s e . o u s i mp l e m e n t i n t i m e . ou
l ' i llusion de pouvoir exploiter à coup sùr l e u r tout ceci à la foi s. donnant l i e u à u n e ambi ance
monde . ., i n t é r i e u r ,, comme si l a s e ule l u ci d i t é à de ·� pénombre ,., voire proprement d é l i r a n t e .
l'égard des forces occu l tes y suffisait. Risque Obsession q u i p e u t fort b i e n s e confondre a v e c
évident de galvaudage ! mise à l ' e n c a n de J' .,. art le souci tortura n t - Càa n n e . Van C:iogh - d e s
magique » ! Que de « masques " ainsi t a i l l é s moy e n s c h o i s i s pour la reproduire en t a n t q u e
d a n s l a subst a n c e tout e margi n a l e d e s humeurs t a bl e a u . C e p e n d a n t au fond de c e tte obsess ion
de tel ou tel é pigone, qui ne recouvrent q u'un premi è r e se décide en effet le parti pris pour le
vide e t s u p p lé e n t ù une absence d e fata l i t é , de mode d ' e x pression p l a s t i que , spatial s p é c i fique­
délire. En revanche celui à qui cette force me nt : s oit une opéra tion propre m e n t corpo­
e x t é r i e u r e parce quïrréductible fait subir une r e l l e . incor�mante. donc « a n i m a l e " et de ce
p a s s i on intoléra ble '! trouve du mème coup le fait même " magique :... C'est pourquoi le
moyen de l a s é duire : c'es t d a n s sa réceptivite contact des corps entre eux ou du c.orps avec les
mène que se fonde et se forme ce moyen : obj e t s en tant que scéne phantasma tique.
/'imitation : en vertu de l a q u e l l e ces puissances continue a e x i ger l a reconstitution i m i t a ti v e d u
v i e nn e n t " a u dedans " de l'artiste e l l es-mêmes phantasme p a r le s imul a c r e . C e d e r n i e r imite
s ' imaginer. mais alors e mp r un t e n t toujours à l a pour e '1orciser, e xorcise pour imiter rigoure use ­
rraditi on q u i suppose l e u r présence r é e l l e ces ment. I m i t e r . encore u n e fois. sign i f i e : s é duire
phys ionomies qui ., se sati.�fom du volrirwge de le « rnod é l e i n v i s i bl e ,, pour l'introduire dans le
l'homme '• · s i mulacre. Lequel pour ce faire s ' e n tient aux
Quant à une époque un peu plus rapprochée �;chème s les plus naïfs. donc les plus conven·
de la nôtre . il arriva que l'h omme ainsi avoisiné tionnels de notre appréhension s e n s i bl e .

1 82
Jusqu ' a u moment où le tableau en v i e nt à se bouleve.r sement de fond en comble que l es
construire en tant q u · c:eu v r e . opération conditi ons d e la fabrication et d e s te chniques
" automne ' " e n dehors d e toute a ntériorité i ndustrielles ont provoqué dans le d o m a i ne de
obsessionne l l e . à seule fi n de démontrer l 'habi­ l a conte m p l a tion. La détresse qui e n r é s ulte
l e t é de sa te chnique . Alor� e x p ul sée la " ma­ dans l e contexte des convulsions sociales est·
gie ». supprimé l ' e xorcisme. rejeté le � su j e t ». elle due ii ce paradoxe que l' iconocla stie
commence e n fonction d u comportement i ndus­ moderne contra irement il celle de l ' a n t i q u i t é
triel de l'homme occidental le règne foi sonnant byzantine détruit l e sens des images en l e �
des méthodes. des théories didactiques d ans la m ul t i p l i ant ? « Pourquoi vouloi r q u ' u n homme
p e i n t u r e . la sculpture. la fuite en avant de l ' a r t passe p lusieurs mois de sa vie a faire à la mai n
abstrait. ou concep tuel ou tout ce que l'on un unique. exem p l a i r e d'une p seudo photo.
voudr a qui puisse l é g i t i m e r l a création plas ti que a lors quïl est possible d'avoi r le méme r ésultat
dans l e contexte de la f a brication ustensilai re. e n quelques heur es et à vingt m illions d ' e x e m ­
Que l'art s e r a i t au p r i x de l a vérité ou la p l a i re s , s i o n le d é s i r e. . . .. \loilâ c e que d i t l ' u n
vérité a u prix dt· l'art - voilà le dilem me d e n o s g r a nds abstraits.
prononcé et vécu p a r Nietzche - d i lemme qui Pourquoi l e vouloir e n effet ? Pourquoi le
l e n t e m e n t et sûrement a fini par abîmer l a faire ü l a mai n ? Pourquoi y passer des mois de
sensi b i l i t é occidentale. Nietzsche promettait SJi vie ? A ces trois questions. mon vieux
que nous e n crèveri ons. La solution dont nous Patrick. ton l i v r e apporte l 'unique, l ' i r réfutable
risquom; de crever en effe t . se solde p a r le réponse.
L'indiscernable *

' du portrait e t de son modèle - ce qui amène à


Du C:: 1 R C lJ I T o u N BESOIN DE D ! V U L O lΠR .

Monomanie e t e x hi bitionnisme e t leurs modes considérer la seconde phrase. J .

d'expression.
Réf. 2 : Repris p a r /'expression picturale. le
/. D u speaade muet à sa description ; portrait s' exéc:ute des lors selon les règles

de la scène décrite à l'inrerprétation morale spéc:1j'i.q11es du tableau : la ressemblance du

des intentions et de�· tU:tes : rnodèle passe au premier plan en tanr qu ·appari­

2. Des ac:tes interprétés au " tableau anecdoti­ tion matérialisée - ressemblance toutefois insé­

que � : (peint11re de " faiI divers �. � don1- parable du geste qui, au regard du m;nomane.

menraire " réveillant dans le s pec:taœur a caractériserait moralement /'attitude dans la�

dont il ne peut parler). q1telle le modele se présente. A p a rtir de quoi, sa

3 . Du " fait monomaniaque " sous l'a pparence physionomie, maintenant identifiable, fournis­

d'1m fait divers décrit 011 peint, à sa reconsti­ sant la substance non seulement d ' u n portrait,

tution en tant que séqut•nce cinématographi­ mais d'un tableau, soit d'une sc:t!ne oû le mode/e

que - soit à sa divulgation par un procédé serait vu aux prises ava d 'autres .fïg1ues. -- son
industri e l . geste cesse t.fêtre fortuit. Une tension laceme
s 'établit entre le portrait et le modele - les

Dévdoppements. jugements divers du public:. (le p ortrait scanda­

Rt - 1 ( : Sous l' apparena d'un � fait divers 4,


leux ; c:a/omnieux ) .

l'inc:1tiena d'un détail enregistré p a r le regard Et cependant. le tableau ainsi composé.

monomaniaque. Référence à l'optique gullivé­ relevant apparemment de l'imaginaire. dùt-il

rienne . contenir un portrait, - l'identification du mo­

L 'expression ( /iuéraire) d'abord descriptive dèle reste fort limitée : la di�ulgation par le
d'1m geste fort1ût, attribuable li une ph_vsiono­ visible pictural -- propos de chantage d'1m

niie, inrériorisant la ph_vsionomie même à partir méc:hani artiste, ne passe que par l'affirmation

de ce geste - élabore au niveau romanesque le d'un style pour s'imposer ii la vision du

portrait d'un .,. personnage • -· - dont le •. mo­ spectateur. selon les critères personnels de ce

dèle ,, n ·a d'autre néassité que l'énergie du texte dernier. si tant est q1lil croie en avoir 011, à PhotOl(l"aphie de Pierre Zun"a pour f,a M11n­
difa ut, trouve à son goût ce/iû " mauvais ,, que naie vivanlt'. 1970
q1û le décrit. Premiëre fals1jïc:ation de l'optique
gullivérienne q u i ne peravait qu'une main. �
c:ac:he l'opération du peintre. Donc: dans le

gantée. dégantée - le profil d'un �·isage :


.
tneille11r des cas. d i v ul g a tion d é v iée au nom de

e xh i b i t i o n n i s m e nul - monomanie escamotée. l'art : exhibitionnisme �voilé derechef'.

tout •m p/1L\' ·< objec:tiYée • de jaçon épisodique. En revanche, si la monomanie consiste bien
(Remarque : inversion possible du processus
à mettre inlassablement en i·aleur une s e ule et
thématique. soit : la ph_vsionomie préalahle au mëme chose - e x h i b e r. dans l'expression
geste ic:i enregistré ; tel visage .wrail SILYl't!ptible
pictluale autant qu 'écrite , une s e u l e ë:t mëme
de se prononcer par tel geste, etc:. Rapport social physionomie - voire une se ule e t mërne scC:ne -

soit une série de compositions - au gré des


variations infinies déc:ou/ant des problemes inhé­
• L'indiscernable '" in N R F . juin N78 : repris in t�

rents à la structure du tableau - revient alors à
Ressemblance. Pierre Klossowski. c d . Ryodn - ! i . Marse11ic,
! 984 résoudre c:es problùnes en l'ertu de la répétition

184
a chaque fois différenciée de cette seule c�t méme infernal des cinéastes où. sans avoir rien de
figure. Mais c·est encore une fois • légdimer " la commun avec les a mbitions propres aux
monomanie par l'art. confondre en l'occurrence hommes d u m e t i e r , donc s a m. aucune nécessité.
l'exhibitionnisme ai•ec un métier spécifique, a p p a r e n t e , une frivolité opiniâtre me poussait à
soutenir par une " discipline h ce qui n 'en relh·e faire rexper ience de ma propre m a n ie.
_iustement pas . Récapituler l e s obstacles auxquels i n fa illible­
men t e l l e allait se heurter j u s q u ' a u moment o ù
" Q u' avez-vous besoin de. faire un film sur
l ' œil de Z ucca v i n t coïncider a v ec le mien -
Roberte '! ,. me de mandait un jeune Mex icain,
sera it oiseux.
parfaitement in itie quant à lïden t itè du « mo­
Dans cette corporation. certains s u p p osaient
d è l e " - " n ' e s t - i l pas réalisé déjà sur c h acun
q u e la visu alisation de La Révocation de /'Edit
de vos t a b l e a u x '? ,, Ce garçon aussi discre t q u e
de Nantes ne m ïn teresserait que par les b e n é ­
c o m p r éhensif p ensait a insi honorer I'<· a u then­ fice.s s a ns doute aléaco ir e s de leur en tr eprise -
ticité ,, de ma peinture, à partir de cette pourvu que l'on eût recours aux charmes
" ressemblance » confirmée. sans du tout sus­
consacrés de telle ou telle vede.tte de leur choix
pecter l'étrange besoin de la réitérer d'un - : ma lentendu total -- ceux-là décidém ent
tablea u a l ' a u t r e . n'a vaie n t rien pige quand au fond même du
Q u e.I q u e soit le tableau dans q u e l q u e
texte. - mais à tout prendre, bien compréhen­
a t t i l u d e q u.e. s ' y trouve l e "· modèle » e n tant sible. m a l e n t e n d u : j ' avais crée u n pe rsonnage,
que person nage ce ntral e n t o u ré d'autres imagi­
là s ' arrétait mon affaire : libre à eux de le faire
naires ou non - tout demeure .impu t a b l e au
in terpréter par qui bon le ur s em bl e r a i t P a r e i l l e
seul artist e . Rien ne révèle ce qui le s e r ait au maldonne eût simplement signifie q u e f échan ­
« modèle '' · geais le. « modèle » contre u n e qu elcon q u e t ê t e
d 'a ffiche a y a n t cours s u r le marché . " Il faut
Ré.f. 3 : D i vulgation par un procédé indus­ dépersonnaliser votre personnage >>, osaient me
triel : le cinéma. dire q u e l q u e s - u n s qui savaient p e r t i n e m m e n t
A Mila n. Antonioni in vité à voir mes compo­ q u 'il s ' a gissait d ' u n ... portrait » . A ce g·e n r e de
sitions : " - Quelle chance vous avez· de propos je flairais l e piège que l'on tendait à ma
pouvoir exprimer libremeT!l ce qu 'il vous im· monom anie : si j e cédais. rien n e s ubsisterait du
porte de montrer - me dil / 'illustre cinéaste. " s t y l e » physionomique de mon " m odèle ,, .
Nous autres, quel enfer il nous faw traverser dès lors q u e q u e l q u e nana au goût du j o u r ,
pour faire admettre notre vision ! " Lui. l 'un des parfaitement ignorante d e s p réalables v é c u s d u
premiers maftres du frlm italien, faisait ainsi « personnage. , . , l 'incarne.rait e.t f a t a l e m e n t dé­
allusion aux amditions draconiennes que le truirait I' « original ».

monde industriel inflige ait à la réalisation dR son La m onomanie n ' e n a jamais fini d e recom­
art : distorsion. -· compromis. correctifs humi· mence.r : toujours au m êm e point de départ,
liants pour quiconque tient à faire voir cela seul e l l e sait attendre : - j u s qu ' a u jour où -- mais
quïl voit. - Donc. lutte à mort entre la vision ce jour est déjà venu où l'on a p u me dire :
idiosyncrasique propre à un esprit et celle Combien vous a vez eu raison !
lucrative. frauduleuse que les gen.I' d'affaires L'introuvable réalisateur qui a l l a i t r é gler sa
prétendent lui substituer, pour prévenir et tritu­ ca méra selon l ' acuité m a n iaque du regard
rer la réceptivité visuelle des millions d'insom­ gu llivé r i e n , Pie.rre Zucca, l e seul de. s a corpora­
nieux qui formeraient leur clientèle. Mais cela tion à discerner le contresens que provoquait
méme me tentait par un contact plus immédiat et chez ses aînes l e secret ressort de mon expres­
moins gratuit avec le monde contemporain. sion r omanesque. s'avéra aussi l e seul assez
C ' e s t à partir de c e . m o m e n t que me r e v i n t la averti p o u r savoir reconstituer les élé m e.nts
plain te. d'Antonioni et q u e }e connus le circuit primitivem e.nt spectaculair es de rapparition

185
nommée " R o b e rte " - e t ams 1 restituer le l'intime d é d o u b l e m e n t d ' u n e présence : a insi
caractère discontinu d u fait divers aux incidents les regards co nj ugué s d u costu m ie r . de la
suggér é s par la p h ys iono mie du « modèle " - m aquille us e , d e l ' é clairagiste . c h a c u n é tudiant
anté r ie ure m e n t a leur description discurs ive l ' allure p articulière à ce tte prése nc e . ses expres­
co m me- ·• s u r ve nus ., à so n " p e rs o nnage » -­ s i o ns et ses p r o b a b l e s effe ts - ; e n fin l ' installa­
t e l s q u e " Roberte ., les avoue d a ns son ca h ie r tion des l ie u x p a r le décorateur achevait, p o u r
de L ibre Examen . .A.insi ressorti rait. e n a u t a n t l ' é te n d r e à n o u s tous . l ' a m biance de ce dédou­
d e s é q uences . l a disco ntinuité de ces fa its e n b l e ment . j usqu'à devenir topogr a p h i que . em­
fo nction de l a disco ntinuité m or al e . du co m p o r ­ brassant l e s quartiers paris iens o ù é volua i t cette
te m e n t contradicto i r e . des volte-face de cette ph ysiono m ie . Ce q u i no us fa i s a i t vivre s ur la
p h y s ionom ie . rive d r o i te a l l a n t e t v e nant entre 1 e Marais e t le
faubo u r g Sai nt-Hono ré - ici l e coutur i e r de la
Sa i s issant au p re m i e r c o u p d ' œ il . l ' a vant;1ge rue du Cirque. - l à -b a s . rue des Francs­
dra m a tique à t i r e r du fait q u e l ' h é ro ïne , s u j e tte B o u rgeo is. les a p p a rte m e nts d é l a b r é s d u v i e il
â ce genre de s i tuations, s'offrait sous la Hôte l de J ea n ne d ' A lb r e t , m i nutie u s e m e nt
ph ysiono m ie apparem ment austère du « mo­ rafraich is, a m é nagés. où les m e u b l e s , l e s ta­
d è l e ., qui les a v a i t suggérées . Pierre Zucca b l e a u x de la c o l l ection d u professeur Octave .
avait s u rendre dans les p lanches photographi­ les c h a p e aux de Roberte dans le vestibule . sa
ques de La ,a.tonnaie vivante l e s tyle ina ctuel de vaste s a l l e de ba ins o ù s u r le marbre de l a
ce visage qui eût tro uvé sa place dans l ' icono ­ coiffeuse e l l e rédigerait s o n c a h i e r d e L ib r e
�raphï..s de PîetTe 1..ucca pour l..a Mon­
grap hie du réal is me acadé m ique, au s iècle E xa m e n : t o u s ces accesso ires s e m bl a i e n t a t ­ naie vivante, 1970
d e r nie r . tendre l e � retour � du couple , com m e s ' il y
ava it vé-cu depuis toujo u r s .
U n e c o m p l ic ité à cc p o i n t solida i r e d ' u n e E t duran t ces préparatifs. nous trave rs ions
m o no m a nie d o n t l e co ntexte de la stéré otypie parfo i s le Palais-R o y a l où cependant aurait l ie u
i n d us tri e l l e r e nd a i t l e p ro j e t a lé a to ire. voulut au m o ment v o u l u l e s p ré l i m ina ires de la scène
q u ' i l s ' e ngagc:l t à e n te n i r l e pa r i : c o m pter sur cap i tale :
les réacti o ns - non p o i nt c o ncertées d' u ne - l ' incident survenu n aguère à « Roberte "
actrice - m a is imprévis i b l e s d u " m odèle » a u q u 'e l l e m ' a v a i t confié succ incte ment - décrit
m o m ent du tournage - d o nc sur la p a r t de depuis lors de façon cir contancié e dans son
rés istance u u de c o m p l a isance que le modèle j o u r nal .
la isserait tran.� p a r aître dans les séq uences pé­ Or s e m bl a b l e a m bia nce de dédouble m e n t.
nible s o u scabreuses pour a utant que sa propre no us l 'avions déj à vécue deux a n s auparavam
" e x p é r ience ., y affleurera it. pour avo i r fil mé sur les lieux le c h e m inement du
Ainsi il me fut donné de vivre l a transition de .. m o dè l e " de Roberte s o us la col onnade
l ' i nvra ise m b la b l e vision à l a palpable a p p a rence d ' O r léans - et m a i ntenant nous a p p r é h e ndions
de l ' impossible ; p a l p a b l e . l 'o b j e t des so l l ici­ la .ré ité ration de ce tte �;équence . « inimitab le ».

tudes de to ute une équipe de jeunes technici e ns dont les p hases s uccess ives v a l a i e n t autant
zélé s . le " m odèle » se prêtait a l' actua l isati o n d'« aveux " ·, sauf qu"à ce tte époq u e . ne dépen­
de s o n do�ible qu'ils allaient chacun selon sa dant e ncore d ' a u c u n contrat - - Pierre Zucca .
spéci a l i t é . opérer s u r sa p h ys iono m ie : des a yant choisi à bo n e s c i e n t la scène révé latrice
c irconstances aussi banal e s q u e l'essayage chez des Barres parallèles - nous é t ions pour cet
les couturie rs . les séa nces de maqu ill a g e , q u and essai e ntre nous assurés de la complicité
il s ' ag i s s a i t d ' u n e actr ice jalouse de sa ca r r i è r e . absolue de l ' é q u i p e de Zucca non moins que
p r e na ient, â p a r t i r d ' une inconnue dépou_rvue des deux comparses du " modèle » de Robe r te
d'a m bitio n . incitée à d e m e u r e r telle q ue l l e . le q u e n u l n'avait encore imaginée d a ns le genre
sens s ingul i e r d e l a participation d e tous à d ' é p r e uve q u i a llait s 'ensuivre .

186
Aussi bien, inversant l ' o rdre de la séquence . Exhiber la physionomie du " modèle " d ' u n
Pierre Z ucc a avait-il d'entrée d e jeu commencé personnage n'est e.n core r i e n . s i , sous l e regard
par le tournage de ce mome nt-témoin, q u itte à du spectateur, e l l e ne trahissait pas.. ne fût-ce
remettre itU j o u r suivant les péripéties du début qu'.une seconde par un sourire r éprimé. sa
(la filature de Roberte par le maniaque le long répugnance a se rt'tr ouvu telle quelle par ses
de l a galerie Montpensier, aboutissant it U piège propres ressources, dans pareille situatio n .
du sous-sol). Comme en effet cette scè ne est L es émotions feintes e t celles physique­
censée se déro uler dans une salle de c u l t ure m ent voire moralement ressenties par l e nw­
phy�ique itU sous-sol d ' u n e boutique de la dèle restent indiscernables : parfois le déséqu i ­
gal erie. faute d'en trouver u n e . les barre� libre d e l a démarche o u l a gêne augmentent
parallèles avaient été dressées ilU gymnase du encore l ' i mpression de j u stesse -- d'autant piu�
Cirque d ' Hiver . Là donc s 'était accomplie forte que le personnage de Roberte se Citrncté­
l 'épreuve : en sorte que le lendemai n . le rise lui-même par cette i ndiscernab i l itè.
" modèle " d'une <; Roberte " · consci ente de
l 'avoir subie à souhait aux yeux de tous. . . . e t œ t indisœrnab/e_. pr écisémt•nt, se voie
revenue au point de départ de son aventure l'i f' on touchua it du doigt l e galbe vivant de la
so us la colonnade d'Orléans. sut prendre d 'au­ pré.wnce qui rt•nd cet indisœrnah/c> visihle .
tant m ieux l'allure désirée q u ' elle don nait aux Tr:! t•st f'étrangt' t•ffet du procédé auquel j"t•us
spectateurs l ' i mpression de s'att endre à quoi recours pour t•xhibu l'in échangt•ab/e physiono­
J"ac heminait Sil déambulati on. mie : procédé le m ieux fa it pour compromellrt',
A plus forte raison l e moment final o ù . assise p arce qu 'industrie/, l'exhibüion qut• ;�· m 'm
à la terrasse du café Nemours. Roberte. se pronwllais, l'i du méme coup le plus efficace :

récapitule !'incident, le " modèle. " l'exprimait­ - la caméra. lïn.1·mum•nt, d'abord artisanal.
i l avec l e naturel requis, estimant que son rt'pr oduisant la mouvance dt•s figurt'S selon les
" excellente mine ,, dissimulait la saveur de sa H:hèmt'.\ n ormat�fs dt• n otre appr éhmsion vi­
" propre ho nte - face à la fo ule des curieux
» sut•llt'. - qut' la comp/t•xilé dt• sa structure
attirés par l es reprises du to urnag e. prédt•stina it a frxploitation industridle de œ!o

Deux ans plus tard. cette i m pression devait schèmt'S : qu illl• à dt•vt•n ir un procédé d'exh ibi­
encore s'accentuer, au point que certains impu­ lion des .\' tér éotypt'S convmtionnds - sociaux,
tent l'incident des Barrt'S i l U caractère même de moraux ou esthétiqut'S - au gré dt•s interpr éta­
Roberte. La scène . dans l a version défi n itive, se tions du plus grand nombre . .1·don ü•s rémini\'·
tour nait pour les mêmes raisons du trucage, œnœs proprt'S à f't•xpérienu· quolidil•nne de
non plus au gymnase. mais dans la vétuste usine chacun - h• procédé dût-il coïncider avec la
du fabricant de lum inaires, dernier occupant de concupÏ.l'œnl<' acuité d'un man iaque .
! 'Hôtel d'A lbret, co nstruit en appen t i s de Or a procédé indu.1·trù!I lfrxhibition repose
! ' i l l ustre demeure. Là. les poignets attachés aux spécijïquemenl sur le travail non plus d'un seul
barres, prestement d éjup ée, ne gardant que la mais de plu sieurs : sur l' eff"ort d'um' équ ipe de
veste de son t ai lleur n o ir. son large béret vert à tèchn icim.1· que la poursuiœ de cetu• exhihition
voi l�tte. tiré de côté sur le front, le " modèle » d'u n e physionomie in échangcahfr animait d'un
de Roberte imprime de no uveaux mouvements t•.1·priz _fratum•l.
à se s genoux . .. cède " a de nouveaux réflexes -- " Et tout ce fl'muc-ménage pour t'n arriver
aux titi llements de la langue du maniaque sur sa lti i' le cinéma . l'instrument de votfl' tmmonde
paume largement o uverte, -- roulant les yeux. optique gulli11ér imne ? N'a-t·on pas dit naguére
s'aband o nne. que votre intrigue dt•s Lois de l'hosp italité,
Tant s'en faut qu' une actrice de métier tramée s u r ce gt'nfl' d' in cidents n e nous

im aginât seulement lïdé.e de réactualiser un fait concerne pas ? ! Et jauœ de pouvoir lire votre
vécu ou supposé . syntaxe décadenœ et bourgeoi1'e, c'est à l'écran

187
q u 'o11 verra ., frisso1111er ,, la " peau de Ro­ mode d'expressio11 - rie11 de tout cela avafll
berte ? " La preuve ou 11011 de votre ' i11suffi­ d'avoir été, d'être et de rester u11 monornane.
�m1ce littéraire » ? - Et 111a i11te11am, 11otre " i11écha11geable ,,,
- Re11trez do11c votre mag11éto, mais rere11ez vous la menez aux enchères ! A qua11d la
bie11 ceci pow la joie de mes détracteurs : je 11e prochai11e projectio11 ?
sui� 11i w1 « écrivai11 ,,. , 11i u 11 « pe11seur ", 11i u 11 - Elle ne sera poim gratuite. Vous payerez
" philosophe , - 11i quoi que ce soit dam aucu11 /'i11discemable et e11suite. aile: au diable .1

1 88
Fragments d ' u n e explication *

Rémy Zaugg et Pierre Klossowski

con tradictoire, p a r c e q u e d'une part je d is que


Rémy Zaugg - Les premiers dessins q u e l'on
je veux retrouver l ' ambiance des v i e i ll e s a f ­
connait datent de I 9 5 3 . Jusqu'en 1972. vous
fiches de s p e c t a c l e s e t que d ' a u t r e p a r t . je
faites des mines de plomb. A cette date
songe à la peint ure e n trompe-l'œ i l . .r e m'en
apparaissent les dessins à la mine de plomb
t i e n s à des moti fs spécifiquement spectacu­
rehaussés a u x crayons de couleur. Cet te phase
laires, mais en un sens tout à fait contraires à
dure le temps de quelques compositions. Elle
l'optique a c t u e l l e , avec tous les procédés que
correspond à un moment de transition avant les
l'on a pour projeter des images, !es holo­
œuvres e xé c u t é e s e xclusivement avec des
grammes et les t ruquages, procédés q u i . peut­
crayons de couleur.
étre. poursuivent les mémes sens ations ou qui
Un exemple de dessin rehaussé Milady et le
:
ont pour o �j e t les même s phan tasmes.
bourreau. de Lille. Comparé a u x dessins à la
Evidemment. il y a un problème : les cravons
mine de plomb. par e xemple au Portrait de la
de couleur sont complètement disproportio � nés
femme de l'artistl! tapant à la machine, ce dessin
par rapport aux formats que je t raite. Le t.r avail
rehaussé . malgré son s u j e t . est plaisa n t . très
est t r è s lent p a r la nature des choses. Il me faut
belle époque. Il est d'une séduction sécurisante
une patience de fou pour obtenir ce que je crois
qui v i e nt de la plénitude des formes, mais aussi
"- · ·
pouvoir obtenir tout de méme envers et contre
des couleurs et de leur mode d'application. tel
_... ::i;
. ( tout.
le jaune du ventre qui s e m b l e peint .
Na t u r e l l e m e nt, i l y a des gens qui d i s e n t :
Projet d'illustration pour le mort d• Gt'l�S Pourquoi avez-vous commencé à mettre de la
Bataille. <"'.1 l%O " M ais pourquoi est-ce qu'il ne prend pas des
couleur 'J Pour traduire une séduction ? Pour
min<' dç plomb. 27 21 cm pinceaux. pourquoi est-ce qu'il ne se met pas à
x
séduire ?
faire de la peinture à l'huile '? » Ce ne serait pas
Pierre Klossowski -- Un marchand m 'avait
la méme c ho s e . Et j e n ' e ssaie pas. d'a i l l e u r s .
dit : " Mais pourquoi est -ce que vous vous
parce q u ' i l faudrait un véritable apprentissage,
refusez absolument à la cou leur ? Ce serait
. _.,7, et que je suis sûr que l 'effet ne serait pas le
� - quand méme intéressant. " Lui se disait peut­
\ .i :-
· ·
m ê m e . Quelquefois. je suis tenté de demander
étre que ce s erait plus commercial. Mais sa
/f:. t<'.�'. remarque a éveillé ma curiosité. J 'ai effective­
à un artiste d e reprendre un motif. de le copier.

( :,.,.. ·· de le transposer en peinture proprement dite. Il


,: �
ment commencé: à rehausser mes dessins : pour
i serait peut-être intéressant de vo ir ce que ça
/ voir. S e u l e m e n t . je ne m ' e n suis pas tenu à cela.
do nne . Mais p o ur m o i . c'est t rop t a r d , il n'est
J'ai vu. à un moment donné. qu'il fallait
plus temps de co mmencer, de recommencer à
recommencer, abandonner tout à fait la mine
faire de la peinture. d ' a u t a n t plus que je croi.�
de p l o m b et travailler comme en peinture.
q ue les crayons de cou leur sont un procédé
c 'est-à-dire considérer tout de suite l a c o m po si­
. justifié. Dessiner avec des crayons de couleur .
tion d u point de vue des teintes. éliminer la
c "est aussi mettre de la couleur. ce n 'est pas
../ mine de plomb et ne prendre que les crayons de .
s implement d u de ssin. Un ami peintre. qui fait
C<ktieur. Et c'e st ainsi que cela s'e s t d é p l a c é .
des compositions plutôt de formats movens
M e s g randes compositions en couleur sont ,
avec d e s teintes très vaporeus es, me disait q u e
conçues comme une peinture murale pour les
{ (
·�{ ' · ·.. intérieurs d'une maison. Ça paraît un peu
p o ur l u i . mes t a b l e a u x s o n t peints. Paradoxale­
m e n t , mes t ab l e a ux sont faits avec du cr ayon.
Projet d ' l llustraüon pour l-r tn(>rf do G•or�s
Bataille. l'a 1960 • ln " Entretien avec Remy Zaug� ». catail)gue Simulo­ mais l'effet est celui de l a peinture, comme si on
mine. de plomb, 27 x :?.! cm cra. Kuns!hallc Berne. !98 1 . avait utilisé un pinceau à la manière d'un

1 89
crayon . Ce n'e s t pas du pastel non p l u s . le b i e n aux agents physiques et chimiques que la
pastel est beaucoup plus salissant. Il existe aussi peinture à l'huile ? Cependant, je ne voudrais
des sortes de craies grasses qui ont un diamètre pas recourir aux procédés qu'on utilise actuelle­
beaucoup plus grand que la mine des crayons de ment pour la p u b l i c i té . tels que l a sérigra p h i e .
cou l e u r . L e travail i r a i t plus vi te. mai s reffet l a typographie o u l'offset. C e s sortes de sché­
serait tout autre, si je voulais ensuite gomme r , matisations totales n'ont aucune valeur. Certes.
impossible ! Et ça. c ' e s t épouvantable ! D é j à vous pouvez reproduire dans toutes les di men­
avec l e s cra yons de couleur, f a i des difficultés. sions. même en beaucoup plus grand que les
La mine de certaines couleurs est c ompos ite. or iginau x s i vous Je voule z . comme pour cette
hétérogène. Les bruns. par exemple. Si j e campag ne culturelle que l'on a faite dans les
gomme u n b r un. J e papier devient rougeâtre quar tier s de Paris avec des affic h e s qui repro­
parce que la poudre du crayon se décompose en duisaient L ' Oda/isque d ' I ngres. des tableaux de
noir et en rouge et que la poudre noire s ' e nlève Manet. de Delacroi x . etc. C'étaient simplement
plus facileme n t . Ces i ncidents sont très désa­ des reproductions de taille énorme. On peut
gr éables. J'ai ensuite beaucoup de mal à travailler de cette façon-là : naturellement. j e
retrouver une teinte. une densité. une opacité peux faire des tableaux, garder l e s originaux. e t
satis faisante. Donc i l y a Je pour et Je contre. l e s faire reproduire comme d e s af fiches. Mais
Mais me mettre avec une pale tte. avec des ça ne m'intéresse pas de travailler ainsi.
pots d e couleur. avec des pinceaux. e t c . . c:,<i Quant au point de vue de l'é poque et de tout
non. l ' entreprise est trop délicate. Il me ce qui gravite autour. je dis que ce sont de faux
faudrait abandonner l e s papiers rentoilés et problèmes. D'une manière g é né r ale. cette
vraiment travailler � u r d e s toiles tendues sur façon de dire q u ' i l faut être de son époque est
châ s s i s . et j e ne dis r i en des autres inconvé ­ u n des slogans les plus idiots q u ' o n ait j a m a i s
nients mat ér ie ls de toutes sortes ni des difficul­ i m a g i n é s . On c r é e s o n é poque. Les individus
tés prati ques - il faudrait que je recommence. créent une époque. Ce n'e s t pas l'époque qui
il faudrai t que je recommence tout. Non, j e détermi ne, s i non l'expression n'a aucun sens.
préfère e n rester à mes dessi ns aux cra yons de Par conséque nt, l 'époque se recrée à chaque
coule u r . avec leur caractère de g ravures sur ins tant. par les i ni t i a tives que l ' o n prend. par
bois colori ées. réhaussées. En fait. la chose. toutes les i ni tiative s . et même par celles qui
importante pour moi.. c'est Je mur que j 'anime. vont dans un sens absolument contra ire au
et j'y par vi ens avec les crayons de couleur. Par courant domi n a n t . Dire qu'il faut être de son
conséquent ma technique me suffit entière­ époque est un crétinisme moderne . Il n·y a plus
ment. pui squ'elle me permet d'obtenir ce que j e d'époque. La seule chose que nous puissions
veux par un moyen très s i mple t! t relativement nous dire. c'es t que nous vivons dans une
propre. humanité et dans de.s habitudes. Sous maints
Rémy Zaugg - Mais est-ce que fa lenteur de rapports. nous sommes des phénomènes tout à
la réalisation due à la disproportion enrre Je fait anachroni ques. Certains pensent que la
crayon et la surface n ' e s t pas anachro11ique, si peinture telle que nous l'entendons est une
l'on pense à la rapidité de la production actue.lle chose tou t à fait dépassée. On dit la même
dans presque tous les domai nes ' ' Q u and j e chose de l'é cr itu r e . Alors, m o i . je me fous
p e i n s . j ' ai parfois l ' i m pression de relever d' une complètement de ces façons de v o i r . Les gens
autre époque. qui ont ces idées-là vont disparaître beaucoup
Pierre Klossowski - C e l a n ' a aucune impor­ plus tô·t qu'on ne pense, et tant pis ou tant
tance. Le seul vrai problème est peut-être mieux. puisqu'ils auront été les premiers à
d'ordre maté riel : est-ce que mes couleurs ne effectuer leur propre dispersion sous prétexte
risquent pas de passer avec Je temps. est-ce que d'enlever toute raison de durée à ceux q u ' i l s
la couleur des crayons que j ' u ti l i s e . rés iste aus si détestent.

190
Pour la que stion du crayon de couleur. je ne u n e main, un bras. un corps e t un esprit d e s pl us
peux pas vous le dire autre me nt, je pe. ux attentifs. et parce q u ' i l fatigue et crispe l e corps
seulement vous dire : c ' e s t comme ça. de l ' esprit. il implique toujours plus de concen­
Rémy Zaugg - Vous ve ne z de faire un tration et toujours plus de rigueur. La discipline
parallèle entre votre manière de travailler et la qu'exige l e crayon d e couleur est apparentée �1
technique d e l a gravure s u r bois. cel l e de Dürer. Elle e s t proche de celle de
Pierre Klossowski - Pas avec la tech n i q u e . Cézanne. aussi. comme dans le paysage que j ' a i
avec l e caractère. J ' a i d i t q u e .i e retrouve v u h i e r a u Louvre. d a n s l a donation Picasso. où
parfois. dans des compositions, certains élé·· ies taches sont ajout ée s aux t aches, j u xtaposées
ments qui me rappe l l e n t la. gravure sur bois aux taches, superposées aux taches. à un point
rehaussée. J ' ai des réminiscences de gravure� tel que les ligne s apparaissent gravées dans la
sur bois coloriées qui me revie nne nt quand je matière picturale. Elle est proche aussi de celle
travaille un détai l , c'est certain, mais jamais je de Seurat qui peignit La Grande Jatte petit
ne les exploite directe m e nt. point après petit point. Par conséquent. le
R é m y Zaugg - J e pensais plutôt à votre crayon d e couleur app e l l e e t autorise l 'inte ntion
manière de faire. il la fabrication et à tout ce inte nse et l'intensité intention n e l l e .
q u e cela implique. Dans la gravure sur bois. la Beaucoup d e vos d es si n s pourraient être des
matière résiste. Il faut faire un effort. Vous projets d e sculptures.
deve z vous concentrer sur chaque ligne - Pierre Klossowski - Si vous dites ça. vous
comme avec les crayons de coul e ur. Tandis dites plus que la vérité , vous dites ma nostalgie .
q u ' e n peinture , vous pouvez appliquer l a cou­ Si j ' e n avais les moy e n s - ce serait horrible­
l e u r facil e m e nt. comme sans y penser. Le ment coûteux -, je réaliserais tous mes
pinceau effleure. il glisse. caresse. Il est géné­ groupes en ronde-bosse. Les statues que .Jaime­
reux - un co4p de brosse e t déjà la lumière rais faire - des figures d e cire. en somme - . j e
souligne le pli d'une étoffe. IL est rapide e t n e l e s voudrais d ' u n réalisme aussi académique
fatigue pas l a main qui demeure décontractée. que possible , sans aucune autre recherche de
Etudr pour La Bellr VersaDlai... . oi 1954 Il est long et tient à distance le corps souple et style ou d'expression plastique nouvelle, située
mine de plomb. 27 ,. 21 cm agile. Il e s t méditerranéen . peut-être i t a l i e n. entre l 'abstraction et la vision concrète. Donc
R i e n d e te l a v e c un crayon de coul e ur. surtout quelque chose de tout à fait conven t i o n n e l .
devant une immense feuil l e ck: papier. Le d'au s s i conventi onne l que possible . Vous avez
crayon presse et frotte: sa trace colorée résulte parfaite me nt raison, mes compositions sont
de l 'usure de la mine sur le papier. Sa tail l e virt u e l l e m e n t des projets de sculptures.
.
modeste, la petitesse d e sa pointe colorée e t l a Rémy Zaugg - Donc vous choisissez dans
finesse d e s traits d e m a n d e n t u n e vision rappro­ vos livres ou ailleurs des scène s et des situations
chée. Le crayon à vision rapprochée est qui se prêtent à la statuaire : des personnages e t
analytique. I l s'attarde au détail. le fouille et d e s objets liés e t imbriqués l e s u n s dans l e s
s'e nfonce dans l'élaboration. Mais le crayon est autres à l a manière du Laocoon. et ceci comme
aussi répétitif : i l passe et repasse presque aux les auteurs de la comédie grecque qui. entre
mêmes endroits, il j u x tapose les traits et les tous l e s métiers. choisissai e n t des personnages
superpose, chacun précisant le ou les précé­ typiques utilis ant l a parole séductrice ou des
d e n t s . Dans son analyse de myope et dans sa stéréotypes ayant tous le caractère théâtral de
recherche de la précision . il est laborieux. Et i l la flatterie et de la vantardise. bref. des
e s t aussi tenace. opiniâtre. têtu. e ntêté, mania­ personnages du quotidien taillés sur mesure
que peut-être. car i l lui faut être constamment pour leur genre théâtral : J e parasite, l e courti­
rigoureux e t précis, chaque trait restant visible. san ou la courti s a n e , le cuis inier. le marchand
D a n s la transparence de sa technique, tout de poi!!iso n , le philosophe . Cependant . le motif
compte. Le crayon de couleur demande u n œil . n ' e s t pas tout : le caractère sculptural de vos

191
dess ins provient aussi de votre m an ière de se ur invisible d o n t on ne perçoit que l e s mams
trav a i ller l e s pe rsonnage s e t le décor. Chez qui l 'empoignent e t les pie ds qu i la ta lon n e n t :
Bonnard. figures et intérie ur son t tra ités de com m e si le spe ctate ur. ne voy a n t q u e se s
façon hom ogène : chaise , lampe, fe n ê t r e , propres mains et se s propres pieds, tenait
fe m m e ass ise , nappe . e n fant s o n t l e s é l é m e n ts l u i - m è m e ce tte fe m m e par le s poignets . N on . je
constitut ifs égalitaires d ' u n tou t . Dans vos dirais que les personnages que VOUS don n e z a
dessi n s , les personnages , e n gros plan et e n voir sont des pe rsonnages doués d e vie, com m e
pied . son t très exéc utés. alors q u e le lie u de des acte urs s u r u n e scène d e théâtre ou com m e
l 'action est p l u s suggéré que représe nté et e s t Jacob et l ' a n g e com battant dans l e paysage d e
l i m ité à de s indications te l l e s qu ' un s o l. u n p l a n la fre s q u e pe inte p ar De lacroix à Saint-S u l p ic e .
vertical . que l q u e s accessoires quotidi e n s et m a is j e ne parle rais e n a u c u n cas de poupée s de
ban a l s . une ra mpe d ' e sc a l i e r. une porte . une bois ou de bakélite.
fenètre . L e s personna g e s ressorte nt . L e lie u Pierre Klossowski - C e qu i m ' e ffra ie chez
se mble continge nt, tandis q u e le s p e rsonnage s De lva u x , c ' e s t que se s fe mmes ont une all ure de
for m e n t u n e e ntité . un bloc q u i paraît amo­ poupée s de bois : comme si le rève s ' é te ignait
v ible . La sc ulpture dessinée don n e l ' i mpression dans la ma tière m orte . ine rte , D e l v a u x exagère
q u 'e l l e pourra it être transportée a i l l e urs. terrible m e n t : il p ein t de s paysages . des quar­
Pierre Klossowski - Se u l e m e n t o n n e pe ut tie rs d e ville , il trace des ave n ues , p uis il y
tout d e même pas dire q u e mes figures sont en dispose d e s obj e t s qui représe nte n t des êtres
bois. ni que je cop i e des poupées. Est-ce que vivants , m ais qui ne sont que des obj ets . C'est Etude pour Roberte et les <ollégieas. NI 1 966

vous avez l ' i mpression q u e ce son t d e s pou­ là son propos. Pourquoi ai-je qu itté le format stvlo-billc. 27 x li cm

pée s '? moyen "? Parce que p e n d a n t que je faisais mes


Ré m y Zaugg - L ' idée ne m ' en a jamais i l l ustrations de Roberte, ce soir, j ' étais hanté
e ffle uré . Je vous dirais d'aille urs, a propos du par cette idée de poupées. Je me disais q u e j e
Baphomet au moment voulu. que l e j e une page ne devais pas rester dans ce for mat. parce q u'on
a l'air d ' avancer sa ja mbe et de redresser son a l l a i t m e d i re que j e dessinais d e s mar ionnette s .
corps tandi s que le m oribond se m b l e se tendre C'est complète m e n t absurde·, puisque nombre
pour le re te n ir . Or une te ns ion active com m e d e grands maître s - voyez les compositions de
ce l l e q u i trave rse l e c orps couché e s t u n e ffe t Poussin - faisaient rare ment des figures gran­
di ffi c i l e à obte n ir : l ' h orizonta le s uggère l a de ur nature : i l s les proj ettent dans u n e di m e n ­
p a s s i v ité, l ' i m mobil ité ou la m ort. d ' a u tant q u e s ion m o y e n n e , a u g r é d e la perspective. Mais
l e corps . ici. e s t émacié - j e p e n s e a u Toter est-ce que le rapport du spectate ur avec une
Christus im Grahe de Holbe in q u i avait pris fig ure de format moye n vous se mble être u n
pour modè l e le cadavre d'un noyé échoué sur la contact d u m ê m e ordre q u e ce l u i q u e procure
rive du Rhin. L 'incident sur le quai de Morges . un personnage gran d e u r nature ?
de 1 977 n8 . offre l ui aussi de façon très Rém y Zaugg - Ce tte idée q u i vous hantait
dyna m i q u e l ' e nc h e vêtre m e nt combatif vertica l pendant que vous fai s i e z vos i l l ustrations n e me
d e s c orps de l ' h om m e nu e t de la je une fe m m e s e m bl e pas absurde d u tou t quand j e c om pare
vêtue d'une robe q u i frissonne dans une légère l ' e ffet obte n u par Pouss in avec celui que vous
brise h orizonta le et fr ivole - il évoque pour rec he rch iez. Je m e souvi e n s de la pre m ière fois
moi La mort et la femme de Hans B a l d u n g que j 'ai vu le Paysage avec saint Jean à Parmos.
Grien . m ê m e si c e l u i-et e n di ffère par s a v ision a l ' e xpos ition Nicolas Poussin de la Villa
tragique , par son i n t énorité et par l ' indignation Medicis . J'ai d' abord perçu un ble u triang u la ire
et l' abandon fatal iste de la fe m m e . Q uant au au-de ssus de forme s vert foncé. ocres. terre de
tabl e a u intitulé Dans le parc, il prése nte u n e Sie n n e imbriquées le s u n e s dans le s a u tre s - e t
scène n o n m oins dyn a m ique : on y voit u n e j 'ai cru voir un Cézanne . Ce n ' est q u 'après cette
fe m m e de dos . qu i se retourne v e r s u n agres- « pe rce ption s e n s ib l e » q u e ma « perce ption

192
s igni ficative " a déch i ffré un è i e l . des arbres e t r e l i e f l e réalisme d e la présentation bâloi se .
d e s buissons, d e l'herbe e t d e l a terre. p l u s l o i n C e t t e présentation est un reflet profane du
un obélisque devant un paysage méditerranéen thème de l a représentation assimilé à une scène
e t peut-êtr e e n dernier lieu le petit s aint Jean quoti d i e n n e : la sculpture. d e s hommes sur une
assis au premier plan entr e des ves tiges anti­ place. est dressée sur une place où sont des
que s . L e pre mie r choc a donc été une s en s a t i on hommes. Quand vous mette z le tabl eau reprc>­
colorée et formelle : la s i g ni f i cati on. l ' i l l us i on. s entant d e s personnages grandeur nature de­
e s t venue e n s ui t e . J ' a i d û chercher la figure qui bout dans une pièce au nive au du sol sur lequel
est secondaire et subalterne : je suis allé à e l l e . se tient le spectate ur. le sol réel est une
C ' e s t tout l e contraire d a n s vos tableaux : l a e xtension du s ol f ic t i f e t le sol f ic t i f une
figure v i e n t à m o i . L e premier choc e s t donné e x t e n s i on du sol r é e l , sol réel et s ol fictif
par l e s personnages d"une certaine forme et semblent apparte n i r a une même réalité ambi­
d " u n e certaine coul eur, qui n 'émergent pas d'un guë. de même que les personnages tant fictifs
jeu d e formes e t de coul eur s qui n'apparai s s e nt que r é e l s . Où est la fi ction. où est Je réel ?
pas progres s i veme n t , mai s qui s ont constitués et Qu'est-ce que la ficti o n , q u · e st-ce que le réel ?
donnés d ' e m b l é e , là, présents, en face de moi. Il y a osmose ent r e les d e ux.
A v e c une petite figure comme celle de s aint Pier re Klossowski ·-··· Ou échange . Les per·
J e a n . ma relat i on e s t médiate e t inwginaire : sonnages commun i e n t immédiatement avec la
avec les. grands personnages de vos dessin s , e l l e présence corporelle d u spectateur. Les grandes
Allitudes !Enlèvement des Sabines). � 1960
e s t i m médiat e et imaginai re mais aussi physi­ composi t i o n s religieuses. les peintur es murales
cncTc C l stylo-bille. 27 x :!I cm que. Vos grande s figures s ont des partenai r e s antiques grandeur nature. ou du moins qui
d u corps d u spectat e u r . donnent cette impression, m e t t e n t le spectateur
Pi e r r e Klossowski - Oui, le spectat e u r n e au niveau de l'action des p.ersonnages en a c t i on.
p e u t pas reste r i n différent : o u bien i l trouve L e spectateur est dans l e méme espace q u e les
que ça ne lui dit rien du tout et il passe outre, ou personnages. Je p e n s e qu' i l y a u n e part de
b i e n ça l u i dit que lque c h o s e . i l regarde, e t i l y a censure dans le fait de restreindre les dimen­
une espèce d'échange e n t r e lui et les person­ s ions. A l'époque où l 'on craignait l a censure ,
nages. C'est d u à l'échel l e humaine des f i gures. on trouvait tres dangereux de montrer e n
Il faudrait q u'un tableau représenta nt des grandeur nature d e s chose s comme L e petit
personnages grandeur nature sur l e parquet Rose du Marquis de Sade - évidemm en t , ce
d ' u n e chambre d o n n e l'il l us i o n que ceux-ci sont n ' e s t pas la même chose quand je l i s la. scène :
de plain-pied avec le spectateur. quand je trouve un objet qui représente
/ l���� Rémy Zaugg - Cest ce que j 'appelle une
mise en scène réaliste. Vous connaissez peut­
quelque chose de réel . ça reste un objet. On
m'a dit : " Vous faites des chos es qui sont

t�'
êtr e Les Bourgeoi:i de Calais de Rodi n . au vr aiment très violentes, qui demandent qu'on
Musée d e s Beaux-Arts de Bâl e : la sculpture. se j e t t e sur e l l e s si on ne veut pas que les
q u i mon t r e d e s bourgeois sur une place . est personnage s se j e t t e n t sur vous . » Pourquoi
posée d i r e cte m e n t sur l es d a l l e s de la cour e st-ce que Be llme r n · a jamais donné lieu à des
d ' e ntrée trave rsée par les visiteur s . Les bour­ scandal e s ? Simplement parce qu'il fait de
geoi s en bronze sont au milieu des bourgeoi s de l ' o rfèvreri e . presque d e l ' e n t omologi e ou d e la
chair e t d ' o s , le s ol en bronze se confond botani que .
�: ��- ' ·. .
presque avec le s ol dallé de la cou r. La Rémy Zaugg - Les moyens plasti que s
confrontation est d i r e cte. A Londres, la même convention n e l s que vous mettez en œuvre font
scul ptur e est juchée sur un socle d'envi r on un partie des habitude s vi sue l l e s : ils appartien­
mètre de haut dressé au m i l i e u d ' u n e pelouse et nent à la culture de tout un chacun . ils sont
Etude pour Diane el Acteon, ca 1955 Le:; bourgeois apparais s e n t parés de la gloi re évidents à tous. ils sont transparents et passent
mine de plomh. 7.7 )' 2 1 cm des martyr s exemplaires e t idéaux. Ceci m e t e n pour ainsi dire inaperçus au profit de l ' i l lu s i on.

193
bref. i l s trompent l'œil. I l s contr ibuent donc Pierre Klossowski - L e spec t a t e u r s 'actua­
aussi à l'immédiateté de la présence de� lise lui- m ê m e e n contemplant la figure qui
pen;onna g e s . s'offre à lui c o m m e .sa victime ; m a i s tJUe le
Pierre K los sow s k i - O u i . c e l a v a d e soi. spectateur s 'arrête ou non comme l e bourreau
Seule m e n t on ne peut pas dire que je fais du virtue.l du personnage tJUe lui présente le
trom p e - l 'œil a u sens où e n font l e s spéci alis tes. t a bl e a u , c'est son af faire. Mon propos reste
Le trom pe - r œi l . 1:'est toute une t e c h nique. toujour s d e sollic i t e r les réactions du contem­
Ainsi, il y a des tableaux qui sont entière m e nt plateur et de choisir dans ses p ropr e s d is posi­
cons truits en trom pe-l' œ i l . Un tableau peut tions c e l l e s q u i . grossièrement m a t é ri a l i s é e s par
jou e r avec le trompe-l'œil s ans n ' ê tre que du les moyens les plus conventi onn e.l s . d o i v e nt
tromp e - J ' œ i l . Certaines surfaces p e u v e nt rester s u r g i r dans son propr e e s p a c e et. en l'env a h i s ­
plus ou moins p l a t e s . malgré que le volume $Oit . s a nt. prolong e r ce d e r n i e r : le cont e m p l a te u r
indiqué ; mais on ne peut pas qua l i fi e r cette doit se retrouver face à face avec c.e t t e région d e
indication de t rompe -l'ceil . même si l'on croit l u i - m ê m e q u ï l ne p e u t reconnaitre q u e si e l l e s e
pouvoir saisir cette main ou cette b é quil l e en la trouv e e x t é ri e u r e â lui-même : t e l bras qui
v oy a n t . Je ne fais pas du trom pe-l'œil comme é t r e i nt. c'est le sien : t e l l e partie corpor e l l e .
ces techniciens contr e lesque l s Lhote s'était c ' e s t l u i qui la p a l p e . Donc rien d e p l u s t ri v i a l
éle v é e n d i s ant : " C'est tout s i m plement dou­ e n t a n t q u e propos ou qu'e n t r e p r i s e . Mais c e t t e
bler 1 a nature » - c.e qui me parait complète­ t r i v i a l i t é m ê m e n e !;aurait s ·' ob t e n i r par des
ment faux. car j a m a i s aucun t a b l e a u , si realiste moyens primitifs ou abst r a i te m e nt cul t i v é s qui
s oi t-il. ne sera une doublur e. de l a nature. Un ne font que détourne r le spectateur de ses
t a b l e a u sera toujour s un t a b l e a u . il sera tou­ propres dispositions, sous prc!texte de l'e lev e r
jours une chose abstraite. Mêm e le t rompe-!'œil à un niv e a u d e cont e m plation d é s in t é ressée :
est une chos e abstraite. puisquïl est en surface. rout l'art moderne se rend ainsi compl i c e de la
I l faudrait: dir e com m e Giacometti : « Pourquoi d e s t r uction puritaine de l'idiom atisme a n i m a l
est-ce que v ous p a r l e z tout le temps de figuratif. p a r l e s stéréotype s de l a fabrication indus t r i e lle
d ' abs tr a i t . e tc . , puisque dès que vous faites un - p a r animal. je n'entends p a s l a be stia l i t é .
t a b l e a u . vous faites déjà d e l'abstraction "? » Ce m a i s l a force i mpulsive d e l ' â m e . a u s e n s où
sont d e s querell e s de cuistres, des débats tout â I' A pôtre dit que l ' a n i m a l précède le spir i t ue l .
fait a c a d é m iqu e s . en som m e . Il n'est pas moins Laissez-moi vous citer l'Hermès Trismég i s t e ,
a c a dé mique de vitupérer le trom pe-l'œil que de m ê m e s i vous croyez de p r i m e a bor d que j e ne
le precher. Cou r b e t . par exemple, ne s'est pas ré ponds pas à votre question s ur la s ollicitation
gêné de fai r e d u trompe-l ' œ i l quand il le j u g e a i t corpore l l e du cont e m p l a t e ur par le t a b l e a u :
né ce ssaire. e..:.� s o n t l à d e s discussions absurde.s " D a n s l'i mposs ibil i t é de créer une âme pour
-- sauf évidemment si l ' o n v e ut a bs o l um e nt a nimer les s imulacres des dieux, o n i nvoqua les
r é t a b l i r une optique tJUi réponde à une s e n s i bi l i­ âmes des démons e t des anges et o n les enferma
té diff é r ente. dans les i m a ge s saintes, afin que grâce à ces
Rémy Zaugg - Le t rompe-l'œil pictura l . les àmes les idoles e.ussem le pouvoir d e f a i re le
pe rsonna ges grandeur nature e t l a m i s e en bien e t le mal. ,. Les démons invoqu é s ici
scene réaliste du tableau sont d é t e r m inants s e ra i e n t . selon l a représentation néo-pl atoni­
pour l a présence imm e d i a t e e t agressive des ci e nn e , les natur e s i n t e r mé d i a i r e s e ntre les
figure s . ils f a v ori s e nt la communion entre d i e u x i m p a s s ib l e s e t l e s hommes a s s uj e t t i s aux
spectateurs et figures. Le spectateur est entraî­ passions - par tageant a v e c les d i e u x l ' é t e r n i t é
né dans un corps à c orps. Vos personnages de leurs corps aé riens. avec les hommes
a p p e l l e nt la présence du corps d u s pe ctateur. l ' agi t a t i o n passionnelle - donc na tur e s contra­
Ne voule z-v ous pas soll icite r les réactions dic. toires et de ce fait les mé diateurs ind i s pen­
morales ou corpor e l l e s du contem plateur ·.1 s a b l e s aux hom m e s a upres des divinité s inacces-

194
s i b l e s . De là « ces simulacres qui connaissent l " a rtiste .
l'a v e n i r , l ' annoncent par le sort. par le devin, Pourquoi i n terrompre l ' ébauche d'un tableau
par les songe s . . . q u i frappent l e s hom m e s de au profit d'un autr e à peine commencé ? D ' u n e
maladi es et les guérissent " · Formulée voici manière générale. i l anive à des a r t i s t e s d e
deux m i l l énaires par ! ' Hermès Trismégi ste. trancher par ce réflexe la sorte de d i l e m m e dont
c e t t e e xpli cation de s s i m ulacres fabriques pour i l s n'ont pas toujours conscience : ou bien
agir moralement sur le comemp/ateur, n'a pas l ' artiste entraîné par l'élan ludique de sa
cessé de me revenir à chaque fois q u e je virtuosité, comme se dérobant à la contrainte
m 'attardais devant quelque œuvre due à cer­ de quelque motif obsédant. en vient à traiter
tai n s de nos maîtres mode r n e s . voire contempo­ son tableau comme pur et simple « exutoire " :
r a i n s . qui obéissent encore
à la conception ou bie.n il aura depuis trop longtemps accordé
traditionnelle de l ' a r t au sens imitatif donc un caractère nécessaire donc réel à cette
simulateur. Quel rapport entre pareilles œuvres contrainte pour ne pas savoir y reconnaître l a
et les idole s '! Comme.nt oser prétendre qu'un s ollicitude du malin génie imparti à s a destinée,
tableau, qu'une sculpture, aujourd'hui procé­ e t dont Tertullien décrit ainsi le stratagème :
derait du méme principe ? Question ou s u ppo­ « Le démon était à la fois dans la chose q u ï l
s i ti on proprement aberrante dans le cont e x t e de faisait voir et dans celui à q u i i l faisait voir l a
. ,- la production contempora i n e . Mais pour que chose. » Si donc semblable complicité « démo·
vous compreniez mieux en quoi l ' argument du nique .... pour autant q u ' e l l e est toujours éprou­
Trismégiste me concerne encore. moi qui vée par ( 'artiste comme « extérieure » à son
fabrique des simulacres à ma manière . j ' e n vouloir, provoque en lui la vision. obsess ion­
retiendrai s e u l e m e n t q u ' i l se fonde s u r l ' i mpos­ nelle parce que persistante de quelque chose,
sibilité de « créer une âme " propre à anime-r c ' e s t q u ' e l l e suscite chez l'artiste un état auquel
robjet i n e r te qu'e s t le simulac r e : donc quïl répond r aspecz sous lequel l'obsession réappa­
dénie à l ' a rtiste le moyen d'agi r par sa seule raît sur le tableau. mais éveille dans le contem­
subjectivité et n'attribue qu'à la complicité pla1eur un état réponO.am a cet aspect. L 'obses­
d'une force démonique l'action morale et sion agit donc simultanément mais différemment
l'objet vis u e l produit par l ' artiste. dans l'artiste et son simulacre, dans le simulacre
Que l e s démons " invoqués > .> ne soie nt que et son contemplateur. Le tableau en tant que
les hypostases de forces obses sionnelle s agis­ simula c r e ne fait que reproduire l e stratagème

mustratlon pou r ln Damn rom.IMs, 1 96 8


santes à partir d'une œuvr e plastique ou démoni que. Reproduire le stratagème, c'est
s1ylo-hilk et mine de plol'Rh. IO >< Hl <"m
picturale. importe apparemment fort peu à pour l ' a rtiste exorciser l 'obse ssion. Mais une
l'artiste, pourvu q u ' i l sache obtenir son effet : fois le tableau achevé, q u ' est-ce qui sustente
mais précisément. q u ' i l ne puisse l'obtenir que son action ?
s'il maintient l ' h ypothèse d'un monde démoni­ Il en est de la structure d'un tableau comme
que analogue à ces forces. au point de traiter de la structure d'une phrase qui disparaît dans
tout mouvement de l ' à m e comme corr élatif à cela même q u ' e l l e donne à comprendre . Dès
quelque mouvement démonique - constitue qu'on la désarticule en chacun de ses membres,
l 'impératif même de la suggestion visuel l e q u'i l le sens disparait dans l'att e n ti on q u e l'on prête
pour suit A insi, chaque fois q u e l' artiste travail­ à chaque mot qui subsiste pour soi. Le
lerait à un tableau. quel qu'en soit le « motif » . contemplateur du tableau, tantôt confond à
ce serait à contrefaire son modèle invisible - juste titre la- technique qui le structure avec
l'analogue démonique de sa propre émotion - l'émotion ainsi procurée ; la technique disparaît
donc à le séduire par la « ressemblance 1> de son dans ! 'aspect q u 'e l l e effectue matéri e l l e m e n t ­
s i mu l a c r e et ainsi à le circonscrire par une dans la mesure où e l l e coïncide avec le « s tyle »

figur e don t l'aspect agi rait sur l e contemplateur indissociable de l ' as pect sous l e q u e l l ' obsession
au même titr e que son modèle agissant sur première de l'artiste se montre sur le tableau.

195
Tantôt le contemplateur - non moins légitime­ modifiant l'objet c on te m p l é , l e débor de tou­
ment - attribue à l a technique même l ' i ndiffé­ j ou r s pour ne se confondre jamais avec l 'a s p e c t
rence où le lais s e r ait le " motif " de l'artiste e t de sa contrefaçon '! Toutefois. plus ieur s forces
bientôc l e s e u l intérèt pour l e monde d e fabrica­ p e uvent ainsi se disput e r la réc eptivité du
tion va dissocier du styl e la te chnique qui n ' e s t peintre pour répéte r leur « stratagème "• mais
plus que le re.sidu inerte de l 'obses sion jamais aucune ne saura valoir pour l ' e n s e m b l e
première. à l'origine d ' u n table au. Q u ' est-ce de tout e s c e l l e s q u i a l t e r n e n t dans l a « patholo­
donc qui sustente l'action du tableau « ache­ gie » de l'artiste. Ni les obsessi o n s . les jouis­
vé '" s i ce n 'e s t e n t re l'artiste et s on s imula c r e . sances. les angoisses qu'ell e s provoque n t n ' é ­
entr e l e s imulacre et s o n conte mplateur. l ' a l l e r pui s e r ont .iamais l e s d i v e r s aspects q u ' e l l e s
et venir d'une présence " démonique " la­ consentiraient il prendre sur s e s t a b l e a u x .
quelle. de ce fair. intensifiant l e regard et

196
Entretien a vec Alain Arnaud *

Alain Arnaud - Vous avez longtemps mené vos dessins. Or votre technique picturale e s t
de front écriture e t d e s s i n. Certains d e vos ce l l e des crayons de coule ur. D ' u n crayon
dessins étaient méme joints à vos t e x t e s , en l' autre en somme '!
frontispice ou en contrepoint. Puis il y eut une Pierre Klossowski - En fait , j e suis passé d e
rupture et l ' a bandon de l ' activité littéraire pour la graphologie â la calligraphie. ou plutôt à r a
le s e ul d e s s i n . Et curieusement. ou symptômati· hieroglyphie. J e traite l a peinture comme une
q u e m e n t . certains de ceux qui vous saluaient en hiéroglyphie. La pensée y exerce une surveil­
tant q u 'écrivain ont été gênés, dérangés par le lance : le mouvement spontané. est constam­
peintre . Soit qu'ils aient feint de l'ignorer, soit ment. controlé par un ensemble de critères, le
quïls aient tenté de réduire vos dessins à une goût. 1e styl e . . . Il est certains stéréotypes
i l l ustration de vos récits, à la simple traduction auxque l s j'obéis. d ' a utres que je r e j et t e . C'est
ou transposition sur la t o i l e. des scènes décrites une autocritique permanente. Je suis parti de
dans vos livr es. l'idée de peinture murale. avec ce qu'e l l e
Pie r r e Klossowski - Je n'ai pas mené les comporte de théâtralité, d e spectac ula i r e . J e
deux activité s de front, mais de manière n'oublie jamais q u e je travaille s u r u n m u r , e n
alternative. l i y e ut la période des dessins à la fonction d e s a verticalité. et n o n à partir
mine de plomb qui co-existaient. de fait, avec d'images que je pourrais poser comme on pose
l ' e c r itur e. P u i s la découverte de la coul e u r qui a un livr e.
correspondu à l 'abandon de l'écritu r e . La Alain Arnaud - Conception qui sous-tendait
satisfaction que me procurait cette expérience déjà l'écriture. Vos récits relevaient d'un e
m'amena à lui sacrifier du méme coup l e temps ecritur e du regard, de l 'image mentale . p l u s que
qu'e l l e exigeait. Cette façon de s ' e xprimer, d'une écriture d u son ou du ve rbe. D'où
apparemment primitive parce qu'immédiate rimportance des " tableaux vivants » et de la
relativement à l ' écriture . n e pouvait souffrir la description minutieus e d e s coloris. Après la
concomitance avec la communication écrite. scène des barres parallèles par exempl e '.
qui e s t toujour s indirecte quant à l'émotion postures encore - Roberte se contemple dans
vécue. A savoir que le langage. en tant qu'il un miroir avant d ' a dmirer « le glisseme nt d e la
relève du-sens commun. a l t è r e le motif particu· ville » . C'étaient déjà des gestes d e peintre . Les
lier eu égard à la réceptivité générale. Renon­ mots avaient fonction de reflet. de miroir. Le
çant à l'écriture qui prêtait constamment au signe avait partie liée avec lïmage.
malente ndu, je m'isolais à ne me prononcer Pie r r e Klossowski - Il y a e u rupture absolue
plus autrement que par l e tableau. Quitte à avec l'écriture. Passant de la spéculation au
faire s e n t i r mes visions à mes contemporains spéculaire . j e me trouve en fait sous la dictée de
plutôt q u ' à les l e u r taire comprendre. l'image. C'est la vision qui exige que je dis e tout
Alain Ar naud - Reste que lorsque la ce que me donne la vision. Sans dout e ai-je dû
couleur apparaît. l'écrit se retire. Comme si les me souvenir de certains auteurs de la dernière
figur es d e vos récits l'avaient cédé à c e l l e s de Antiquité helléno-romaine, tel Philostrate de
L emnos. qui avaient imaginé un ge nr e rhétori·
que pour évoquer par l'écriture des œuvres
plastique s imaginaires. A insi d' Apulée décri·
t ln L o quinzaine {iJtiroire. 1-5 noYC111 bre 1982 ; repris in
Lo Resst:1r1bltJnU, Pierre Klossowsk� Ed. Ryoân-Ji, Mar­ vant une statue de Diane comme œuvre d ' a r t .
seille , 1984. J'ai moi-même p e n s é un moment décrire m e s

197
personnages comme autant de statues. de besoin de communiquer et son impossibilité.
portraits, de figures de tableau. . . dont ces J ' admets les théophanies. je ne cherche pas à
personnages eussent été les modèles. Et puis. la approfondir leur énigme. J'ignore s i e l l e est
problèmatique morale a pris le dessus. J'étais contraireou non au christianisme profo n d .
alors en pleine lecture de saint Augustin, donc L'image est pour m o i comme l a matérialis ation
dans une situation de drame philosophique de l'idée de d é l e c tation morose. une puissance.
tour nant autour de l'i mage et des querelles saint Thomas définit l'image. d'une part en tant
théologiques touchant la théâtrique. L ' i mage que cho.'le distincte de ce qu 'elle représente . et d e
était pour moi un c ondensé de l ' expérience c e fait, mouvement dans l a faculté cognoscive
incommuniquée. Nul contenu d'expérience ne et dans l a chose représentée : d' autre part, e n
se peut jamais communiquer qu'en vertu des tant q u e mouvement dans l'image e t dans La

ornières conceptuelles creusées dans les esprits chose même doni elle est l'image. Soit. à l a
par le code des signes quotidiens. Et inverse­ lettre. un motif.
ment. ce code des signes quotidiens censure Alain Arnaud - Pour rendre ce mouvement
tout contenu d'expérience. L'issue : l'im age, le de l ' im age. vous avez choisi la convention
stéréotype. Le stéréotype a une fonction d ' i n ­ académique. Comme si. paradoxalement , plus
terprétation occultante. Mais si on l ' accentue la pose est académ ique, plus el.le offre une
jusqu'à la démesure, il en vient à o pérer chance d e s'approcher d e l'incommunic able . En
lui-mème la c ritique de son interprétation somme, la meilleure communication poss i b le
occultante. dans l'impossi bilité d e communiquer 7 Une
Alain A r n a u d ·- C'est donc bien à un évidence ressort de vos dessins : ce sont des
impératif de figuration. de mise en regard et en poses. des postures de statuaire. Leur mise e n
postures que se rapporte votre œuvre écrite. espace e t en mouvement est celle de groupes . . .
L' obsession du signe unique, du nom unique,
Pierre Klossowski - Je nourris depuis quel­
serait une obsession de l'image?
que temps le rêve en effet de travailler la cire.
Pierre Klossowski - Par sa sonorité. le seul
de faire exécuter mes dessins dans la cire�
nom de Roberte est une image ! Roberte est
Quant à l'académisme vo ulu des poses, cette
d'ailleurs un personnage qui appartenait aux
banalité extrême doit permettre de dire ce
illustrations de mon enfance.
q u ' e lle cache. Sous cette banalité, un événe­
Ala in Arnaud - Vos récits se distinguent
ment !
pourtant de vos dessins en un point. Dans
Al ain Arnaud - D'autant que sous cette
l'écriture, le mot, la syntaxe en appellent
toujours plus ou moins au pouvoir de significa­ banalité des poses, sous leur aspect figé s'ani m e
une violente dynamique. L a banalité appell e­
tion de la langue. En cela, vos récits seraient
rait ainsi à « passer derrière " · au sens o ù vous
cette part en vous qui appartient à l'espace
écrivez dans Le Sooffleur : « l'effort que j ' a i
chrétien, avec ce q u ' i l implique d'attention au
sens et à l ' h erméneu tique. Dans vos dessins par tenté depuis d e s années, c'était d e passer
derrière notre vie pour la regarder ?,,,
contre. l'image n'est qu'immédiateté, jeu de
miroirs dispersant et réfrac tant le sens à l' infini Pierre Klossowski - L' image est un signe.
en postures, mouvements . . . On serait ici plus mais · d'un univers autre que celui des signe s
proche de votre part paï enne. polythéiste. Soit signifi ants. Elle est spéculaire et non spécula­
deux approches du problème de la communica­ tion. Dans I' Antiquité, les statues avaient un
tion . . . rôle tutélaire, mais ne participaient pas à
Pierre Klossowski - Il existe un fond l'essence divine. Ce n'est qu'à partir du Chris­
incommu nicable. irréductib l e , que l ' o n ne peut tianisme . soit. après l'Incarnation , que l'image
exprimer et pour lequel on crée des équiva­ exprime le surnaturel dans les réalités charnelles
Attltlfde, ca 1956
lents. On suscite ainsi une tension entre le et terrestres q u ' e l l e reproduit. D'où la question
c11cre e t mine de plolllh . �6.5 1< 21 cm

198
des iconoclastes ! Pour ma part. je m'en t i e n s à fession de foi pour la démonologi e , conç.ue
des motifs spécifiquement spéculaires. comme prati que et comme méthode "!
Alain Arnaud - Ce qui me paraît répondre à Pierre Klossows ki - Réhabiliter la démono­
1. · · · · l'objection qu'on vous adresse parfois d'être l og i e . c · e s t avant tout pour moi établir une
'

" un écrivain qui dessine "· comme s1 vous véritable pathophanie. à la fois méthode e t

énonciez d'abord un texte pui s l ' i l lustriez par conte station. Le caractère théâtrique de la
des images. Il n 'y aur ai t pas chronologie entr e théologie l u i v e n a i t de s a croyance e n l'âme
les deux approches. mais synchronie. Vos humaine comme lieu habité par des puissances

dessins naissent non d'un regard qui l i t . mai� extérie.u r e s autonomes. Soit une topologie
bien d'un regard qui voit el transmet des images m e ntal e , le pathos conçu comme un topos. Pour

me nta l e s . fantastiques ou fantasmatiques. que l'artiste parvienne à ses fins. obtienne


l ' e ffet qu'il recherche. i l faut qu'il maintienne
Pie r r e Klossowski - Non pas fantasti q u e s .
l ' h ypothèse d'un unive r s démonologique analo­
Ce s ont d e s constructions mental e s figurées.
gue à ces forces qui l ' h ab i tent ; et qu 'il traite
Mes dessins obéissent à une volonté de figurer.
chaque mouvement de son âme comme corréla­
C'est une manièr e de voir et de se donner à voir
tif à quelque mouvement démonique. En ce
le pathos.
sens, et au-delà même de la que stion du
A l a i n Arnaud - Soit la même tension qui « sujet " ou du " motif », le peintre tend à
anime vos te xte s, m a i s résonnant tantôt en contrefaire son modèle i nvi sible. à l e séduire.
écriture. tantôt en peinture. En maintenant pour l e communique r par sa ressemblance, son
intacte cette tension, en refusant la réconcilia­ simulacre. La peinture e s t une pathophanie en
tion avec les puissances intérieures qui la tant que le. tableau reproduit un stratagème
Etude. ca 1960 suscitent. vous tournez l e dos aux investigations démonique et par l à . exorcise ·e t communique
mine de plomh. 27 x 21 cm scientifiques contemporaines. D'où votre pro- l'obsession du peintre.

1 00
B i b liographie *

1. Ecrits de Pierre Klossowski Un si funestl' dé.sir, Par is, G a l l imard, 1 963 :


r e c u e i l d 'art i cles mentionnés infra.
Originrs culturelles et mythiqul's d'un certain
l. Ouvrages de riction, essais
comportl'{nl'nl dl's Daml'S romaines, Mont­
Sadl'. mon p roc h ain . Paris, Seuil. 1947 ; réédi­ p e l l î e.r . Fata Morgana, 1.9 68. avec u n frontis­
té. modifi é et précédé <fu n « A v ertisse­ pice et des dessins de l'aute.u r .
ment � et du te xte : " L e p hilosophe scé lé­ La Monnaie vivanll'. P a r is, E r i c Losfe l d . 1 970.
rat " · même é d i t e u r , 1 9 67. L'ouvrage re­ avec d e s photogr aphies de Pierre Zucca.
prend des t e x t e s de conférences. et des Nietzschl' l't il' cercll' vicil'UX , Pa ris, Mercure de
a rticles mentionné s infra. France , 1 9 69 ; réédité e n 1 97:" e t 1 9 7 8 .
·
La Vocation suspendul'. Pa ris. G a ll i m a r d . 1 9 5 0. L'ouvrage. reprend d e s textes précédem·
De l a r g e s extraits en a v a ient êté p u h l i ê s ment parus et cités infra.
d a n s Les Temps nwdernes , Par i s. m a r s 1 950. Ll's Dl'rnil'rs Travaux dl' Gullivl'r, repre nant l e
Robertl' ce soir, Paris. Ed. de M i n u i t . 1 9 :" 4 . t e x te paru sous le titre Robl'nt� l' t Gulliver
Avec s i x i l l ustrati ons d e l ' a u te u r . dans L 'Arc. n° 49. Aix-en-Provence, 1 9 7 2 .
Ll' Bain dt' Diane. Paris. Je an-Jacques Pauve r� . consacré à G i l l e s D e leuze, ainsi q u e c e l u i
1 9 :" 6, puis 1 9 7 2 : repris aux Ed. Gal l imard. i n t i t u l é Sadl' l' i Fourier, M ontp ellier. Fata
en 1 980, avec un dessin de l ' a u t e u r . M or ga n a , 1974. Réédité. sans l' étu d e sur
La Ré.vocation d l' l'édit d l' Nantl's. Pa ris, E d . de S a d e et Four i e r mais s u i v i de Fragmen!.f
Minuit. 1 9:"9. d 'unl' ll'llrl' à Michl'I Butor, sous le ti tr e
Le Soujj]l'ur ou Il' Théâtre de sociét é., Pa ris. Robertl' l'i Gulliver. même éditeur, 1 987.
J e a n-Jacques P a u V(!rt . 1 9 60. La. Rl'SSl'mblancl', r e cueil d ' articles, i l lustré de
us Lois dl' /'hospitalité repr enant. dans l 'ordre quatr e repr ésentations d e dessins e n cou l e u r
suivant : La Rél'Ocation de / ' édit de Nantl'S. d e. l ' a u t e u r e t s u i v i d ' u n entretien a v e c Alain
Robl'rte ce soir et Le Souffll'ur ; édition A r n a u d . p a r u dans La Quinzaine litté.rairl',
a ugmentée d'une préface e t d'une postface. n'' 3 8 1 . nov. 1 982 : Mar se i ll e , Ed. André
Paris. G a l l i m a r d . col l . " Le Chemin >\. 1 9 6:" . D i ma n c h e . Ryoân J i , 1 9 84.
Le Baphomet, Paris. M e rcur e de Fra n c e , I.96:'i. Ll' Mage du Nord, M o n t p e l l i e r . Fata Morga na,
Le L i v r e o h t i n t le p r i x des Critiques. Il a été 1.988. comprenant Johann Georg Hamann
réédité aux Ed . Ga l linrnrd, coll. " L ' Imagi­ pr écédem ment paru in us Ecrivains cé·
naire " · en 1 9 87. précédé d"une courte lèbrl's . Genève, M a zenod, 1 9:" 7 , ainsi que
bi bliogr aphi e de l ' a u te u r et suivi d ' u n extrait les Ll'ttrl's dl' J . - G . Hamann et Golgotha l'i
de sa lettr e â Jean Decottignies contestant Scheblimini, tr aduits par Pierre K l ossowski
lïnte rprétation q u ' e n avait donnée ce de r­ et déjâ parus in Ll'S Méditations bibliques de
n i e r d a ns sa monographie : Klossows k i . Hama nn. Paris, E d . de M i n u i t , 1.948.
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Abrt'·vwlion�
"' . t-ii<:lzch.o ou k c�rck \•1c·ic11'
S f D l !n ,,; fu nc,t<· dù'1 r
< '1C n:uvrc.:!- cornpldc.::-
K 1.� fl.c, .... mhla n <:<
Expositions pe rsonnelles

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Paris. PAC ( P a d iglione d ' A tte Contem p o ·
1967 Le.'i mines d e plomb de P. Klôs­ ranea), M i l a n .
sowski, 1981 Galeri e P o n c e , M e x ico .
Ga l e r i e Au Cad r a n S o l a i r e , P a r i s . Simul ucru. K u n s t h a ll e . Berne .

1 968 G a l e r i e A u r o r a . Genè.ve . 1982 Ga leri e Te m p l o n , P aris .


1 969 G a l e r i e D Segno. R o m e . Musée J u l e s Che r e t . Nice .

1970 G a l e r i e Schwarz. M i l a n . Lens Fine. Art . A n ve r s .


Ho l l y Solomon G a l l e r y , New Y o r k .
1 97 1 Des.dm a lu mine de plomb, Ga leri e
A ndré-F rançois P e t i t. Paris. 1 984 Galerie M a e ght-Lelong, P a ri s .

1 972 Crayons de couleur, G a lerie Be na · 1 985 Galerie B e a u b o u rg, FIAC, Cir a n d


d o r . Ge nèv e . P a l a i s. . P a r i s .
Studio Marco n i . M i l a n .
1973 Librairie E n a u d i - A l d r o v a n d i . M i l a n
Galerie J u l i a , R o m e .
Galerie T o n i ne l l i . Rome .
1 986 Ga l e r i e B e a u b o u rg. P a ri s .
1974 G a l e r i e P a n e ro . Turin .
1975 Galeri e Le Bateau Lavoir. P a r i s . l. 987 Galerie des Bea u x - Ar t s . N a n t e s .
G a l e rie de I' A bb a y e . Paris. Galerie Beaubourg. P a r i s .

1977 Lens F i n e A r t . A n v e r s . 1988 G a le rie Lelong, Zurich.


G a lerie B e a u b o u rg, Paris.
1978 LA!S Burre.'i purulleles l'i uulres situa­
tions de Robt•rfe. Galerie A nd r é ­ 1 989 Musé.e d ' A r t M o d er n e , T o ky o , Kyo­
Franço i s . Paris. to. Osaka. .

Expositions col lectives

1 982 Docu menta 7, Casse l . 1 987 Le regard du do rmt•ur, M u s é e dépar­


t e m e n t a l d·art conte m p o r a i n , Roche­
1984 A libi.'i, Centre Ge orges Pom p i d o u ,
chouart.
Paris.

1985 M u s é e d e s B e a u x - A rts. S y d n e y . 1 989 Bildt•rsireil. K o l n e r M e s s e . Cologne .

1986 Qu ·t·.çt-ce q u e l'art françui.{ ? , C R A C 1 990 Lu gut•rre de Troie n ·auru pas lit•u.
Mi d i - P y r é n é e s . La bège - l n n o p o l e , collecti ons du FNAC. Château d ' O i ­
Toulouse. ron.

283
T A B L E DES MATIÈRES

Créer un poncif
C A THE R I N E G R E N I E R . . . .. .... ......... .... . .................. ........ . . . . . .. . . . ... . . . .. ..... ... . . . . . . . .... . . 9
Le simulacre comme t e r m e sculptural . e n t r e guille mets
B E R N A R D Bl.IST t N E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
Hors texte. hors contexte
C L A U D F.. RITSCl·I A R f.> . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . • . ... 17
Le silence extérieur
f ' A S <.'A L HONTTZF..R . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . ...............•.......... 37
Pierre Klossowski e ntre mémoire et mutisme
M A R l lo- D O M I N I C.)UF. W I C K ER . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . . . . . . ...... •.. .. ... ............... 43

Œ. l l V R ES . . . . . . . . . . .. . . . . . . • ..•....... .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . . .. . . . . . . . . 49

'
A N T HOLOG I E D l'-<; TEXTES DE P IERRF. KLOSSOWSKI S U R 1 . A R T

L a J u d i t h de Frédéric Tonnerre .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .. .. . . . . . . . .. . . . . . . . . .. .. . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . 162


La décadence du Nu . . . .... . .......... .. .. .... .. ... .... .... ... .. ...... . . ..... ... .. .. ....... ... ....... ..... 166
On peut toujours dire que le trait . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
L ' o n m e demandait naguère pourquoi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 73
La description . l ' argumen t a t i on. le récit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
Rol:lerte e t la Coiffeuse .. . . . . . . . . . . . .... . . . . . .. . ... . . . . . . . . ... . . . . . . . . . . .. .. . . . . . . . . . .. . . . .. . . .... . . ..
. . . . . . 178
Lettre à Patrick Wald berg . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 180
L'indiscernable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 84
Fragments d'une explicati on (Entretien avec Rémi Zaugg) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 189
Entr etien avec Alain A rn a u d . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197

CATA L O G U E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , ........................ 201

De Luxuria spirituali
F R A N ( ' ( ) CA < H•I E1-l"A ...... . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , . , , . . . . . . . . . . . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , . . . .. . . . . . . 257
Je disais un _jour â Pierre Klos sowski
A N D R lo M A S S < > N . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . , . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . • . . ............. ..... 265
La double nature de l ï m age
l'IERR" ZllCCA . . ... ... .•..•.•.. .. .. .. . . .. . . ..•.. .. ........... ... .. . .... . ... . . .. . •. . .... . .•.. . ..•.. ... ... .... 267
Pierre Klos :;owski ou de l' académisme dt�naturé
A NTO N I O ! > H l . ( ; l J !-:1(( '10 . . .... . . . . . ..... .. .. .,,,..... . . . ......... ....... . . ... ......,.. . . . . . . . . .,. . . . . . . . . . . ., 27J

BibliographU! . . . ............................................................................................ 275


l.Jsœ de.1 exposilions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 283
ACHEVÉ f) I M P R I M E R

E N OCTO B RE 19'�0
SUR LES PRESSES DE L A
GR AF·ART OFFI C I N E G R A F I C HE A R TI S T I C H E
.À VE N A R I A (TURIN) ITALIE
ISBN : 2-72\11 -0584-!i
I S S N : 0985-lloC/5

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