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Introduction
Les décennies de 1960-1970 furent une période féconde pour les études
relatives à l’esclavage et à la dépendance rurale dans l’Antiquité. L’influence
intellectuelle du marxisme à la suite de la IIe Guerre Mondiale explique
en partie l’intérêt porté à des approches plus sociales et économiques de
l’histoire ancienne. En même temps, les discussions autour de l’œuvre
de certains historiens et économistes du monde ancien, actifs surtout dans
la première moitié du XXe siècle (Max Weber, Mikhail Rostovtzeff, Karl
Polanyi), ont renouvelé les discussions autour de l’histoire sociale et écono-
mique de l’antiquité. Enfin, l’essor de l’anthropologie structurale, des ana-
lyses portant sur le développement inégal ou sur les rapports de dépendance
entre centre et périphérie, a enrichi les débats entre historiens et a constitué
*) Juan Carlos Moreno Garcia, CNRS (UMR 8164), Institut de Papyrologie et d’Egyp-
tologie de Lille, Université Charles-de-Gaulle/Lille 3, France, jcmorenogarcia@hot-
mail.com.
1)
Cet article fait partie du projet de recherche que je dirige actuellement « Le milieu rural
du Proche Orient ancien à l’Âge du Bronze Récent : économie palatiale/économie domestique et
les formes d’intervention de l’État lors de l’organisation de l’espace et des activités productives »,
et qui est financé par l’Institut International Erasme/Maison des Sciences Humaines du
Nord-Pas de Calais. Je tiens à remercier très chaleureusement Damien Agout-Labordère
pour sa lecture attentive et ses remarques précieuses.
© Koninklijke Brill NV, Leiden, 2008 DOI: 10.1163/156852008X287567
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2)
Cf. M. Weber, Économie et société dans l’Antiquité (Paris : La Découverte, 2001), pour la
compilation de certains de ses textes les plus connus sur le monde ancien ; M. Rostovtzeff,
he Social and Economic History of the Roman Empire (Oxford : Clarendon Press, 1926);
Idem, he Social and Economic History of the Hellenistic World (Oxford : Clarendon Press,
1941) ; K. Polanyi, C. Arensberg (éd.), Trade and Market in the Early Empires. Economies in
History and heory (New York : he Free Press, 1957). Cf. aussi H. Bruhns, J. Andreau
(éd.), Sociologie économique et économie de l’Antiquité : à propos de Max Weber (Paris : EHESS,
2004) ; Ph. Clancier, F. Joannès, P. Rouillard, A. Tenu (éd.), Autour de Polanyi. Vocabulaires,
théories et modalités des échanges (Paris : De Boccard, 2005). Dans le cas de l’Assyriologie, cf.
les remarques de I. J. Gelb, « Comparative method in the study of the society and economy
of the ancient Near East », Rocznik Orientalistyczny 41/2 (1980): 29-36.
3)
M. I. Finley, he Ancient Economy (Berkeley : University of California Press, 1973) ;
G. E. M. de Sainte-Croix, he Class-Struggle in the Ancient Greek World (Londres : Duckworth,
1981).
4)
Pour l’édition des textes concernant spécifiquement les sociétés pré-capitalistes, cf.
K. Marx, Precapitalist Economic Formations (Londres : Lawrence & Wishart, 1964), avec
l’excellente étude d’introduction de E. Hobsbawm. A propos du « despotisme hydraulique »,
cf. l’étude de K. Wittfogel, Oriental Despotism : A Comparative Study of Total Power (New
Haven : Yale University Press, 1957). Quant à l’impact historiographique de K. Wittfogel, cf.
dernièrement K. W. Butzer, « Irrigation, raised fields and state management: Wittfogel
redux? », Antiquity 70 (1996): 200-204 ; M. Barceló, « Sol puesto. Estado, terror y agua. La
hipótesis de la sociedad hidráulica de K. A. Wittfogel », dans L. Vea, Una arqueología gigan-
tesca. El estudio de las antiguas sociedades hidráulicas en las repúblicas centroasiáticas de la
extinta URSS (Barcelone : Universitat Autònoma de Barcelona, 1998), 5-13.
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5)
On trouvera un excellent exposé de leurs études dans S. Moscati (dir.), L’alba della civiltà,
3 vols. (Turin :UTET, 1976) ; C. Zaccagnini (éd.), Production and Consumption (Budapest :
University of Budapest, 1989).
6)
M. Liverani, « La royauté syrienne de l’Âge du Bronze récent », dans P. Garelli (éd.), Le
palais et la royauté (Paris : Paul Geuthner, 1974), 329-356 ; Idem, « Communautés de vil-
lage et palais royal dans la Syrie du IIème millénaire », JESHO 18 (1975): 146-164 ; Idem,
« Sulle tracce delle comunità rurali in margine ai lavori della Société J. Bodin », OA 17
(1978): 63-72 ; Idem, « Economia delle fattorie palatine ugaritiche », Dialoghi d’archeologia
1/2 (1979): 57-72 ; Idem, « Ville et campagne dans le royaume d’Ugarit. Essai d’analyse
économique », dans M. A. Dandamayev et alii (éd.), Societies and Languages of the Ancient
Near East. Studies in Honour of I. M. Diakonoff (Warminster: Aris and Phillips, 1982), 249-
258 ; Idem, « Communautés rurales dans la Syrie du IIe millénaire a. C. », dans Les comm-
munautés rurales (Bruxelles: De Boeck, 1983), 147-185 ; Idem, « he collapse of the Near
Eastern regional system at the end of the Bronze Age : the case of Syria », dans M. Rowlands,
M. T. Larsen, K. Kristiansen (éd.), Centre and Periphery in the Ancient World (Cambridge :
Cambridge University Press, 1987), 66-73 ; Idem, « Reconstructing the rural landscape of
the Ancient Near East », JESHO 39 (1996): 1-41.
7)
C. Zaccagnini, « Land tenure and transfer of land at Nuzi (XV-XIV century B. C.) »,
dans T. Khalidi (éd.), Land Tenure and Social Transformation in the Middle East (Beirut :
Syracuse University Press, 1984), 79-94 ; Idem, « Proprietà fondiaria e dipendenza rurale
nella Mesopotamia settentrionale (XV-XIV secolo a. C.) », Studi Storici 25 (1984), 697-
723 ; Idem, « Economic aspects of land ownership and land use in northern Mesopotamia
and Syria from the late 3rd millennium to the Neo-Assyrian period », dans M. Hudson,
B. A. Levine (éd.), Urbanization and Land Ownership in the Ancient Near East (Cambridge
(Ma.) : Peabody Museum, 1999), 331-352 ; Idem, « Features of the economy and society of
Nuzi : an assessment in the light of recent research », dans Studies in the Civilization and
Culture of Nuzi and the Hurrians, vol. 10 (Bethesda : Eisenbrauns, 1999), 93-102 ; Idem,
« Nuzi », dans R. Westbrook, R. Jasnow (éd.), Security for Debt in Ancient Near Eastern Law
102 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
(Leiden : Brill, 2001), 223-236 ; Idem, « Debt and debt remission at Nuzi », dans M. Hud-
son, M. van de Mieroop (éd.), Debt and Economic Renewal in the Ancient Near East
(Bethesda : Peabody Museum, 2002), 175-196.
8)
C. Zaccagnini, « Modo di produzione asiatico e Vicino Oriente antico. Appunti per una
discussione », Dialoghi di Archeologia 3/3 (1981) : 3-65.
9)
Cf. I. J. Gelb, « From freedom to slavery », dans Gesellschaftsklassen im alten Zweis-
tromland und in den Angrenzenden gebieten (Rencontre Assyriologique Internationale,
18)(München : Bayerische Akademie der Wissenschaften, 1972), 81-92 ; Idem, « Quantita-
tive evaluation of slavery and serfdom », dans Kramer Anniversary Volume. Cuneiform Stu-
dies in Honor of Samuel Noah Kramer (Neukirchen-Vluyn : Ugarit Verlag, 1976), 195-207;
Idem, « Definition and discussion of slavery and serfdom », Ugarit Forschungen 11 (1979) :
283-297 ; H. Kreissig, « Propriété foncière et formes de dépendance dans l’hellénisme
oriental », dans Terre et paysans dépendants dans les sociétés antiques (Paris : CNRS, 1979),
197-221 ; P. Garnsey (éd.), Non-Slave Labour in the Greco-Roman World (Cambridge : Cam-
bridge Philological Society, 1980); P. Briant, Rois, tributs et paysans. Etude sur les formations
tributaires du Moyen-Orient ancien (Paris : Les Belles Lettres, 1982). Cf. aussi l’ouvrage
M. A. Powell (éd.), Labor in the Ancient Near East (AOS, 68)(New Haven (Co.) : American
Oriental Society, 1987), qui reprend les communications sur le thème « non-slave labour
in Antiquity » présentées au 7ème Congrès International d’Histoire Economique, tenu à
Edinbourgh en 1978.
10)
Avec des exceptions notables, comme J. Renger, « On economic structures in ancient
Mesopotamia », Or. 63 (1994): 157-208.
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11)
Cf. des synthèses récentes comme T. J. Wilkinson, Archaeological Landscapes of the Near
East (Tucson : he University of Arizona Press, 2003) ; T. J. Wilkinson, E. B. Wilkinson,
J. Ur, M. Altaweel, « Landscape and settlement in the Neo-Assyrian empire », BASOR 340
(2005): 23-56.
12)
Cf. le dossier réuni dans le Journal of Mediterranean Archaeology 16 (2003): 3-132 ; Ch.
Nicolle, F. Braemer, « Le Levant sud au Bronze Ancien : pour une définition des systèmes
socio-économiques non intégrés », dans Studies in the History and Archaeology of Jordan 7
(2001): 197-204 ; R. McC. Adams, « Reflections on the early southern Mesopotamian eco-
nomy », dans G. M. Feinman, L. M. Nicholas (éd.), Archaeological Perspectives on Political
Economies (Salt Lake City: he University of Utah Press, 2004), 41-59.
13)
Ch. Wickham, « he other transition : from the ancient world to feudalism », Past and
Present 103 (1984): 3-36 ; Idem, « he uniqueness of the East », Journal of Peasant Studies
12 (1985): 166-196 ; J. Haldon, he State and the Tributary Mode of Production (Londres:
Verso, 1993) ; Idem, « he Ottoman state and the question of state autonomy: comparative
perspectives », dans H. Berktay, S. Faroqhi (éd.), New Approaches to State and Peasant in
Ottoman History (Londres: Frank Cass & Co., 1993), 18-108 ; Idem, « Pre-industrial states
and the distribution of resources : the nature of the problem », dans A. Cameron (éd.), he
Byzantine and Early Islamic Near East, vol. 3 : States, Resources and Armies (Princeton: he
Darwin Press, 1995), 1-25 ; P. Bourdieu, « De la maison du roi à la raison d’État », Actes de
la Recherche en Sciences Sociales 118 (1997): 55-68 ; J. Baines, N. Yoffee, « Order, legitimacy
and wealth in ancient Egypt and Mesopotamia », dans G. M. Feinman, J. Marcus (éd.), he
104 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
Archaic State : A Comparative Perspective (Santa Fé: School of American Research Press,
1998), 199-260 ; J. Richards, M. van Buren (éd.), Order, Legitimacy and Wealth in Ancient
States (Cambridge : CUP, 2000) ; P. F. Bang, « Rome and the comparative study of tributary
empires », he Medieval History Journal 6 (2003): 189-216 ; N.Yoffee, Myths of the Archaic
State: Evolution of the Earliest Cities, States and Civilizations (Cambridge: CUP, 2005).
14)
P. Halstead, « Texts and bones: contrasting Linear B and archaeozoological evidence for
animal exploitation in Mycenaean southern Greece », dans E. Kotjabopoulou, Y. Hamila-
kis, P. Halstead, C. Gamble, P. Elefanti (éd.), Zooarchaeology in Greece: Recent Advances
(Londres: British School at Athens, 2003), 257-261.
15)
Cf., par exemple, les séries « MOS Studies » (publiée par le Nederlands Instituut voor
het Nabije Oosten), « ISCANEE » (publiée par CDL Press) ou « Entretiens d’archéologie et
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18)
Ch. Eyre, « Feudal tenure and absentee landlords », dans S. Allam (éd.), Grund und
Boden in Altägypten (rechtliche und sozio-ökonomische Verhältnisse)(Tübingen : Verlag des
Herausgebers, 1994), 107-33 ; Idem, « Ordre et désordre dans la campagne égyptienne »,
dans B. Menu (éd.), Egypte pharaonique : pouvoir, société (Paris : L’Harmattan, 1996), 179-
193 ; Idem, « Peasants and “modern” leasing strategies in ancient Egypt », JESHO 40 (1997):
367-90 ; Idem, « he village economy in Pharaonic Egypt », dans A. K. Bowman, E. Rogan
(éd.), Agriculture in Egypt: From Pharaonic to Modern Times (Londres : he British Aca-
demy, 1999), 33-60.
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19)
Cf . aussi Ch. Eyre, « Pouvoir central et pouvoirs locaux : problèmes historiographiques
et méthodologiques » dans B. Menu (éd.), Egypte pharaonique : déconcentration, cosmopoli-
tisme (Paris : L’Harmattan, 2000), 15-39.
20)
A noter que Eyre n’utilise pas la notion d’« oriental » et que je l’emploie ici uniquement
pour désigner les Etats préindustriels du Proche-Orient.
21)
Cf. la note 12 ci-dessus.
22)
Cf., par exemple, les remarques de h. Bianquis dans P. Canivet, J.-P. Rey-Coquais
(dir.), La Syrie de Byzance à l’Islam, VIIe-VIIIe siècles (Damas: IFEAD, 1992), 287. Cf. aussi
la note 12 ci-dessus.
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23)
M. Alam, S. Subrahmanyam, « L’État moghol et sa fiscalité (XVIe-XVIIIe siècles) »,
Annales. HCS 49 (1994): 189-217 ; S. E. Alcock, T. N. D’Altroy, K. D. Morrison, C. M.
Sinopoli (éd.), Empires (Cambridge: Cambridge University Press, 2001).
24)
A. H. Gardiner, Ramesside Administrative Documents (Londres: Oxford University Press,
1948) ; J. J. Janssen, Grain Transport in the Ramesside Period: Papyrus Baldwin (BM EA
10061) and Papyrus Amiens (Londres: he British Museum Press, 2004).
25)
Cl. Traunecker, « Amenhotep IV, Percepteur royal du disque », dans Akhénaton et l’époque
amarnienne (Paris : Éditions Khéops, 2005), 145-182.
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rural. Le poids de ces installations sur les villages devait être considérable,
contraints de fournir des travailleurs, comme le révèlent les Annales royales
ou les titulatures de l’Ancien Empire, ainsi que les bureaux de recensement
de travailleurs du Moyen Empire. En outre, la gestion de ces installations
permettait probablement l’essor social de toute une catégorie d’administra-
teurs, chefs de village, intermédiaires et « entrepreneurs » agricoles qui assu-
raient l’exploitation effective des terres et la mobilisation de la main
d’œuvre, et dont les traces sont parfois repérables dans la documentation,
que ce soit par les quantités considérables de céréales qu’ils livraient au fisc
ou par leur acquisition occasionnelle de biens de prestige normalement
réservés à l’élite administrative. Des exemples de l’Ancien Empire et du
Moyen Empire révèlent les processus de formation des élites locales et cen-
trales grâce à la cooptation de dignitaires issus du milieu provincial, dont
la base de pouvoir consistait souvent au contrôle des biens institutionnels
locaux26. En définitive, le rôle de l’État est loin d’être secondaire puisque
ses mesures contribuent à la réorganisation des élites et des activités pro-
ductives locales, à creuser les inégalités sociales, sans oublier qu’il assure la
circulation d’une partie des richesses, même si l’on doit rejeter l’idée d’un
contrôle bureaucratique tout-puissant. Des producteurs indépendants et
des circuits alternatifs de circulation des richesses, non contrôlés par l’État,
existaient bel et bien, comme l’indiquent les textes et l’archéologie, et tou-
chent tant des produits de base (comme les aliments à Kom el-Hisn) que
des métaux précieux. Bien qu’on ait peu d’informations à propos des patri-
moines privés des dignitaires ou des potentats ruraux, l’accès à la gestion et
à l’exploitation des biens institutionnels ou aux dotations accordées par la
Couronne était sans doute une source non négligeable de richesse et, en
tout cas, de prestige. Ce n’est pas un hasard si les documents relatifs aux
transactions foncières entre les potentats concernent souvent l’exploitation
des terres des temples, comme le révèlent des sources tardives telles que
les papyrus Hauswaldt, la stèle de l’Apanage ou les land leases kouchites
et saïtes.
Qui labourait les domaines institutionnels ? On entre ici dans la ques-
tion de la dépendance « publique » évoquée au début de cet article. Dans le
26)
D. Franke, « he career of Khnumhotep III of Beni Hasan and the so-called “decline of
the nomarchs” », dans S. Quirke (éd.), Middle Kingdom Studies (New Malden: SIA Publish-
ing, 1991), 51-67 ; J. C. Moreno García,« Deux familles de potentats provinciaux et les
assises de leur pouvoir : Elkab et El-Hawawish sous la VIe dynastie », Rd 56 (2005): 95-128 ;
Idem, « La tombe de Mh.w à Saqqara », CdE 161-162 (2006): 104-111.
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27)
T. Sato, State and Rural Society in Medieval Islam : Sultans, Muqta’s and Fallahun (Lei-
den : Brill, 1997) ; N. Michel, « Les Dāfatir al-ğusūr, source pour l’histoire du réseau
hydraulique de l’Egypte ottomane », Annales islamologiques 29 (1995): 151-168 ; Idem,
« Les rizak ihbāsiyya, terres agricoles en mainmorte dans l’Egypte mamelouke et ottomane.
Etudes sur les Dafātir al-Ahbās ottomans », Annales islamologiques 30 (1996): 105-198;
Idem, « Devoirs fiscaux et droits fonciers : la condition des Fellahs égyptiens (13e-16e siè-
cles) », JESHO 43 (2000): 521-578; Idem, « Migrations de paysans dans le Delta du Nil au
début de l’époque ottomane », Annales islamologiques 35 (2001): 241-290; Idem, « Villages
désertés, terres en friche et reconstruction rurale en Egypte au début de l’époque ottomane »,
Annales islamologiques 36 (2002): 197-251 ; Idem, « Travaux aux digues dans la vallée du Nil
aux époques papyrologique et ottomane : une comparaison », dans J. C. Moreno García (éd.),
L’agriculture institutionnelle en Egypte ancienne : état de la question et perspectives interdiscipli-
naires (CRIPEL, 25)(Lille : Presses Universitaires du Septentrion, 2006), 253-276;
28)
Cf. la note antérieure ainsi que Ç. Keyder, F. Tabak (éd.), Landholding and Commercial
Agriculture in the Middle East (Albany: State University of New York Press, 1991).
112 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
les terres des temples, des institutions ou de la couronne, ainsi que l’assi-
gnation de terres à des cultivateurs qui devaient livrer des quotas de pro-
duction au fisc. C’est ici que l’obligation de travailler les terres de l’État
ou des institutions pourrait être considérée une forme de dépendance. La
question mérite une considération détaillée.
Une différence fondamentale entre l’Égypte islamique et pharaonique
touche aux conséquences de la monétarisation de l’économie, une moné-
tarisation inséparable de la généralisation des échanges et, normalement
aussi (mais pas nécessairement), de l’urbanisme et de l’existence d’un nom-
bre appréciable de consommateurs qui ne produisaient pas leurs aliments.
L’existence de marchés où les paysans échangeaient leurs produits contre
des pièces de monnaie devient une condition indispensable. La monétari-
sation de l’économie a une finalité fiscale, puisqu’elle transfère aux contri-
buables la réalisation d’une opération abstraite, celle de réduire leur travail
ou leurs récoltes en monnaies qui pouvaient ensuite être collectées, mises
en circulation, thésaurisées ou échangées contre des biens ou services29.
Bien que l’emploi de métaux précieux soit bien attesté au Proche-Orient
ancien, leur rôle en tant que monnaie demeurait restreint à cause du poids
des circuits institutionnels de circulation de produits (commerce institu-
tionnel large, distributions de rations, rétributions en terres ou en objets
prestigieux livrés directement par l’État, etc.), ce qui limitait les échanges
effectués dans les marchés.
La fiscalité de l’Égypte pharaonique, comme celle des sociétés pré-moné-
taires, était fondée sur l’extraction de travail et de produits agricoles non
périssables, facilement transportables et échangeables (céréales, lin, huile,
laine, etc.) ou bien de produits transformés (peaux, étoffes, productions
artisanales, etc.). Mais, même dans ce cas-ci, le volume considérable de
denrées diverses qui constituent les recettes du fisc, l’impossibilité de les
convertir au besoin et de manière immédiate en d’autres produits, ainsi
que les difficultés de transport et de disponibilité locale des ressources
demandées, imposaient la décentralisation des impôts, c’est qui revient à
dire qu’une grande partie des revenus de l’État devait être disponible sur
29)
A noter l’importance de cette différence par rapport aux premiers documents compta-
bles connus, provenant de la Mésopotamie. Les opérations comptables qu’ils enregistrent
sont souvent assez complexes, mais une partie de cette complexité s’explique par le recours
à des systèmes de notation numérique différents, dépendant de la nature des produits
comptabilisés : H. J. Nissen, P. Damerow, R. K. Englund, Archaic Bookkeeping. Writing and
Techniques of Economic Administration in the Ancient Near East (Chicago: he University of
Chicago Press, 1993).
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30)
Cf. les études classiques de J. V. Murra sur les réseaux de dépôts étatiques qui coexistent
avec des circuits familiaux de distribution de produits : he Economic Organization of the
Inka State (Greenwich (Conn.): JAI Press, 1980) ; Idem, « El “control vertical” de un máx-
imo de pisos ecológicos en las sociedades andinas », dans J. V. Murra, Formaciones económi-
cas y políticas del mundo andino (Lima: Instituto de Estudios Peruanos, 1975), 59-115.
31)
S. von Reden, « he politics of monetization in third-century BC Egypt », dans A. Meadows,
K. Shipton (éd.), Money and its Uses in the Greek World (Oxford : Oxford University Press,
2001), 70-73 ; J. Rowlandson, « Money use among the peasantry of Ptolemaic and Roman
Egypt », dans Idem, ibid., p. 145-155 ; F. de Callataÿ, « L’instauration par Ptolémée Ier Sôter
d’une économie monétaire fermée », dans F. Duyrat, O. Picard (éd.), L’exception égyptienne ?
Production et échanges monétaires en Égypte hellénistique et romaine (Études alexandrines
10)(Le Caire:IFAO, 2005), 117-133 ; J. Andreau, « Le système monétaire partiellement
“fermé” de l’Égypte romaine », dans Idem, ibid., 329-338.
32)
Cl. Préaux, L’économie royale des Lagides (Leiden : Brill, 1939), 29-43 ; L. Migeotte, « Les
dépenses militaires des cités grecques : essai de typologie », dans J. Andreau, P. Briant, R.
114 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
« serfs du roi » labourant les terres d’un dignitaire figure parfois dans l’ico-
nographie de l’Ancien Empire35. En outre, la formule utilisée habituelle-
ment dans les sources de l’Ancien Empire pour désigner l’ensemble des
biens affectés par le roi à un dignitaire est Åh.t rmt ḫt nb « le champ, les gens
et toute chose » (Urk. I 12 :1, 7, 10 ; 13 :6, 11 ; 14 :2 ; 15 :5), de telle sorte
que si un fonctionnaire contrevenait aux ordres royaux on lui confisquait,
précisément, pr Åht rmt ḫt nb « sa maison, son champ, ses gens et tous ses
biens » (Urk. I 172 :6-8), une pratique évoquée dans des sources plus tardi-
ves36. Enfin, un passage du décret de Dachour de Pépi Ier interdit aux mem-
bres de la famille royale, ainsi qu’à certains dignitaires, d’assigner leurs
travailleurs corvéables (mrt) à d’autres fins, comme la culture des champs
des villes de pyramide accordés à des ḫntjw-š (Urk. I 210:12-17).
Parfois les gens ainsi accordés devaient accomplir des fonctions de nature
rituelle, comme celle de h.m-kÅ « ritualiste du ka » (Sinouhé B 305 ; Stèle
juridique de Karnak 6-7), mais en tout cas la dotation du personnel était
concomitante à l’exercice d’une fonction de haut niveau dans l’État, comme
l’attestent tant les textes littéraires que juridiques (Naufragué 178-179 ;
Ipouer IX :5 ; Stèle juridique de Karnak 6-737), sans oublier les récompenses
aux dignitaires efficaces, tels les membres d’une expédition victorieuse
contre l’Asie, qui obtinrent des travailleurs-mrt, des champs-Åh.t, de l’or,
des étoffes et des produits de qualité38 ; ou dans le cas d’un dignitaire
récompensé avec 20 personnes et un terrain de 50 aroures39 ; ou comme
Mnw-msw de Médamoud, qui obtint 150 mrw, des étoffes et « toute chose
belle » du Domaine Royal (pr-nswt), ainsi que des champs, des jardins et
des troupeaux (Urk. IV 1444:8-10), tout comme Ahmès, qui reçut 9 h.mw
et 10 h.mwt ainsi que 60 aroures de terre (Urk. IV 4:10-15 ; 11:4-1440).
Même dans certains cas, la formule des ushebtis précise que ces travailleurs
(kÅtw) du défunt sont recrutés parmi ses mrt 41. On peut citer encore le
papyrus Brooklyn 35.1446 et son décret royal autorisant le transfert à un
35)
N. de G. Davies, he Rock Tombs of Sheikh Said (Londres: Egypt Exploration Society,
1901), pl. 16.
36)
K. Sethe, Aegyptische Lesestücke zum Gebrauch im akademischen Unterricht (Leipzig:
J. C. Hinrich, 1928), 98:19-21.
37)
A propos du passage d’Ipouer, cf. J. C. Moreno García, JEA 84 (1998): 80.
38)
H. Altenmüller, A. M. Moussa, SAK 18 (1991), 18 [col. 25].
39)
L. Habachi, JEA 36 (1950): 13-18, pl. 3.
40)
Cf. aussiUrk. IV 1618:18-1619:4 ; 1794:17-18.
41)
Inscription de NhÅ, lignes 21-22 : E. Chassinat, H. Gauthier, H. Pieron, Fouilles de
Qattah (Le Caire: IFAO, 1906), 44-45.
116 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
42)
Cf. J. C. Moreno García, RdE 51 (2000): 130 n. 42.
43)
J. C. Moreno García, H.wt et le milieu rural, p. 214, 219.
44)
J. C. Moreno García, JEA 84 (1998): 76-79.
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 117
des offrandes divines allait de pair avec la répartition des champs et des
travailleurs mrt 45; les titres d’un autre dignitaire, Hnmw-h.tp, concernent
également la délimitation des champs et le contrôle des mrt 46. Même à
Balat, localité éloignée de la vallée du Nil, sont évoqués des installations
cultuelles, des distributions d’offrandes provenant d’un sanctuaire entre les
membres de l’élite locale et des travaux agricoles dans les domaines des
divinités provinciales47.
Les sources du Moyen Empire confirment la procédure en vigueur à
l’Ancien Empire. C’est le cas, par exemple, des annales royales, où l’on
mentionne un terrain de 1+x ḫÅ (1 ḫÅ = 10 aroures) attribué, semble-t-il,
au culte funéraire de Sésostris Ier48, tandis qu’une autre notice évoque la
dotation d’un domaine agricole de dix aroures pour le dieu Igay dans
le nome 19 de Haute-Egypte afin de pourvoir des offrandes à l’occasion de
certaines fêtes49. Ensuite, on indique que les contributions (bÅkw) sont
établies ( jp) en 30 sacs de céréales (šsrw) et que l’on fournira des conscrits
(rdj h.bsw), vraisemblablement pour labourer le domaine. Des mentions
lacunaires concernent le domaine royal (pr-nswt) ainsi qu’un champ-Åh.t de
33 aroures. Finalement, on cite à nouveau un domaine de 10 aroures qui
doit livrer au grenier des offrandes divines deux quantités de céréales : d’une
part « un grand 2/3 heqat (66 sacs environ) et, d’autre part, 400 sacs.
D’autres exemples figurent dans les papyrus d’Ilahoun. Le pKahoun III.1
concerne la division des parcelles situées au bord du fleuve afin de créer des
45)
A propos des titres du type jmj-r wpt h.tpt-ntr Åh.t mrt « intendant de la répartition des
offrandes divines, des champs et des travailleurs meret » et ses variantes, vid. J. C. Moreno
García, « La population mrt: une approche du problème de la servitude en Egypte au IIIe
millénaire (I) », JEA 84 (1998): 71-83.
46)
J. C. Moreno García, JEA 84 (1998): 74-75.
47)
L. Pantalacci, CRIPEL 22 (2001): 154 ; G. Soukiassian, M. Wuttmann, L. Pantalacci,
Balat VI. Le palais des gouverneurs de l’époque de Pépy II : les sanctuaires de ka et leurs dépen-
dances (Le Caire: IFAO, 2002), 352 [tab. 3690], 353 [tab. 3817], 358-360 [tab. 5051 :
mention du domaine du dieu Igay], 363-364 [tab. 6100+3750 : travaux de moisson].
L. Pantalacci, « La documentation épistolaire du palais des gouverneurs à Balat-ʿAyn Asil »,
BIFAO 98 (1998): 303-315, surtout p. 314 [tab. 3688 : attribution d’un bovidé au dieu
Igay], 315 [ta. 3689-13+14+19 : déplacement de travailleurs mrt et compte des arriérés
d’un village par le conseil local ; tab. 3689-15+16+17 : travaux de moisson ; tab. 3691 :
travaux de moisson ; tab. 3750 : travaux de moisson].
48)
H. Altenmüller, A. M. Moussa, « Die Inschrift Amenemhets II. aus dem Ptah-Tempel
von Memphis. Ein Vorbericht », SAK 18 (1991): 4 [col. 1] ; J. Malek, S. Quirke, « Mem-
phis, 1991 : epigraphy », JEA 78 (1992): 13-18.
49)
H. Altenmüller, A. M. Moussa, SAK 18 (1991): 22 [col. 32-33].
118 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
50)
P. Kahoun III.1C = F. Ll. Griffith, Hieratic Papyri from Kahun and Gurob (Principally of
the Middle Kingdom)(Londres: B. Quaritch, 1898), 56, pl. 22, lignes 37-48 ; pKahoun
III.1A vo = F. Ll. Griffith, ibid., 58-59, pl. 23, lignes 12-22.
51)
F. Ll. Griffith, ibid., 55-56, pl. 22, lignes 1-9.
52)
F. Ll. Griffith, op. cit., p. 52-54, pl. 21 ; M. Collier, S. Quirke, he UCL Lahun Papyri :
Accounts (Oxford : Archaeopress, 2006), 74-75 [pUC 32186].
53)
U. Luft, Das Archiv von Illahun. Briefe, Bd. 1 (Berlin: Akademie Verlag, 1992).
54)
S. R. K. Glanville, JEA 14 (1928): 304-306, pl. 35.
55)
Cf. pBerlin 10073 dans U. Luft, Das Archiv von Illahun.
56)
idem;
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 119
57)
P 10048+10319 = S. Quirke dans S. Quirke (éd.), he Temple in Ancient Egypt (Lon-
dres: he British Museum Press, 1997), 29.
58)
W. Helck, Historische-biographische Texte der 2. Zwischenzeit und neue Texte der 18.
Dynastie (Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1975), 33-34.
59)
Cf. les papyrus de Gébélein ou les mentions de listes de travailleurs dans les décrets de
Coptos, évoqués ci-dessus. D’après le graffito no 6 d’Hatnoub trois localités ont fourni 500,
600 et 500 travailleurs, respectivement, : R. Anthes, Die Felseninschriften von Hatnub (Lei-
pzig: J. C. Hinrichs, 1928), 21-22, pl. 11. Vingt gouverneurs (h.Åtj-ʿ) et 17000 conscrits
(h.sbw) participèrent à une expédition au Ouadi Hammamat (ouadi Hammamat G 61) :
G. Goyon, Nouvelles inscriptions rupestres du Wadi Hammamat (Paris: Adrien Maisonneuve,
1957), 17-20, 81-85, pl. 23-24. Le graffito no 114 mentionne une expédition de 3000
conscrits originaires du nome thébain : J. Couyat, P. Montet, Les inscriptions hiéroglyphiques
et hiératiques du Ouâdi Hammâmât (Le Caire: IFAO, 1912), 81-84, pl. 31. Enfin, l’inscrip-
tion no 87 indique que les conscrits venaient d’Edfou et de dix localités (d’après la partici-
pation de dix h.Åtjw-ʿ) du nome thinite, en nombre suffisant pour constituer des équipes
formées de plusieurs centaines d’ouvriers : J. Couyat, P. Montet, ibid., 64-66, pl. 20.
L’inscription no 6 du ouâdi el-Houdi mentionne 1000 conscrits provenant de hèbes, 200
d’Eléphantine et 100 d’Ombos : A. I. Sadek, Amethyst Mining Inscriptions of Wadi el-Hudi,
2 vols. (Warminster: Aris and Phillips, 1980-1985), 16-19, 103-104, pl. 3, tandis que Jmnjj
de Beni Hassan évoque des troupes de 400 et 600 conscrits (h.sbw) provenant du nome qu’il
administrait (Urk. VII 15: 4, 10). Enfin, on enregistrait aussi les localités d’origine des
conscrits participant à des travaux de construction : W. K. Simpson, Papyrus Reisner I : he
Records of a Building Project in the Reign of Sesostris I (Boston : Museum of Fine Arts, 1963),
passim.
60)
S. Quirke, Titles and bureaux of Egypt 1850-1700 BC (Londres : Golden House Publi-
cations, 2004), 62, 92-96.
61)
S. Quirke, « State and labour in the Middle Kingdom. A reconsideration of the term
ḫnrt », RdE 39 (1988): 83-106.
62)
J. Śliwa, « Der ḫnrt von Qasr el-Sagha », dans P. Jánosi (éd.), Structure and Significance :
houghts on Ancient Egyptian Architecture (Vienne: Verlag der Österreichischen Akademie
der Wissenschaften, 2005), 477-483.
120 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
d’œuvre pour les temples, arrivée en grande quantité: les prisonniers cap-
turés au cours des campagnes militaires des pharaons (Urk. IV 70:1-6;
172:4-9; 207:9; 686:13-687:3; 742:12-743:1; 1335:2-3; 1649:8-9; KRI I
15:9; 38:8-9; 42:8-9, etc.). Cependant, le travail habituel des terres des
temples était effectué par des travailleurs mrt, reprennant ainsi une prati-
que bien attestée sous l’Ancien et le Moyen Empire63.
63)
Cf. le décret de Naouri de Séti Ier, l. 25-26 (KRI I 50 :4-5) : « jrw wdt h.nt mrt.s ḫt tswt
Šmʿw Mh.w « fut promulgué, à travers les districts de la Haute et la Basse Egypte, un décret
relatif aux services de ses mrt ».
64)
J. C. Moreno García, “he state and the organization of the rural landscape in 3rd mil-
lennium BC pharaonic Egypt”, dans M. Bollig, O. Bubenzer, R. Vogelsang (ed.), Aridity,
Change and Conflict in Africa (Cologne: Institut Heinrich Barth, 2007), 313-330;
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 121
65)
S. Quirke, Titles and Bureaux, 90-95.
66)
J. Wegner, CRIPEL 22 (2001): 87, 91 ; Idem, MDAIK 57 (2001): 307.
67)
S. L. D. Katary, Land Tenure in the Ramesside Period (Londres: KPI, 1989), p. 170-174,
207-216.
68)
A. H. Gardiner, « A protest against unjustified tax-demands », RdE 6 (1951): 115-133.
69)
P. Harris I 27,12=P. Grandet, Le Papyrus Harris I (BM 9999), vol. 1 (Le Caire: IFAO,
1994), 261 ; II, 119 n. 498.
70)
A. Gasse, Données nouvelles administratives et sacerdotales sur l’organisation du domaine
d’Amon (XXe-XXIe dynasties)(Le Caire:IFAO, 1988), 66, 228.
122 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
le grand nom du dieu parfait Sobekhotep III, justifié, aimé par la déesse
Nekhbet. Liste des terres basses : 20 ḫÅ [=200 aroures] qui sont dans les
terres hautes et 120 (ḫÅ) [=1200 aroures] qui sont des terres ḫÅ-tÅ. Total :
140 (ḫÅ) »71. L’organisation de ce domaine, formé en grande partie de terres
ḫÅ-tÅ, fut possible grâce au recours au roi et au bureau des champs. En
général, les exploitants des terres ḫÅ-tÅ étaient soit des prophètes et du
personnel des temples72, soit des particuliers de condition aisée (p. e., de
nmh.w qui versaient des paiements en or73, de hauts officiers de l’armée74,
des fonctionnaires de haut rang75) soit, enfin, des chefs de village76. Le
travail agricole retombait donc soit sur des personnes (ou des institutions)
disposant des moyens nécessaires pour exploiter ces terres, soit sur des chefs
de village qui, comme dans le cas des décrets de Coptos, fournissaient
la main d’œuvre et jouaient le rôle d’intermédiaires entre la couronne,
l’institution qui administrait le domaine et les travailleurs.
Une autre contribution des chefs de village consistait à ravitailler les
débarcadères fréquentés par les agents du roi. Parfois ils devaient livrer
des produits mais, dans d’autres occasions, les débarcadères constituaient
des entités administratives pourvues de terres (401 aroures pour le débar-
cadère de Hardai et 60 pour celui d’Onayna, d’après le papyrus Wilbour)
gérées par les chefs de localité77. Enfin, la livraison de produits ou le paye-
ment de taxes par les h.Åtjw-ʿ est mentionné dans les Instructions du Vizir
(jw h.Åtjw-ʿ h.qÅw h.wt twÅw nb smj.(sn) n.f jnw.sn nb « les maires, les gouver-
neurs de h.wt et tous les citoyens ( ?) lui apportent toutes leurs contribu-
71)
J. J. Tylor, Wall Drawings and Monuments of El Kab. he Tomb of Sebeknakht, Londres,
1896, pl. 7-10 ; P. C. Smither, JEA 25 (1939), 35 ; W. Helck, Historische-biographische Texte
der 2. Zwischenzeit und neue Texte der 18. Dynastie, Wiesbaden, 1975, p. 16 [24] ; G. P. F.
van den Boorn, he Duties of the Vizier, p. 166.
72)
Cf., par exemple, pBologna 1094 (=R. A. Caminos, LEM, 18) ou A. H. Gardiner,
Ramesside Administrative Documents (Oxford: Oxford University Press, 1948), 35-42.
73)
Cités dans le pValençay I.
74)
Cf. le pMMA 3569+Vienne 38=KRI VII 269:10-16 ; W. C. Hayes, he Scepter of Egypt,
II (Cambridge (Mass.): Harvard University Press, 1959), 368-369.
75)
Cf. pSallier I=R. A. Caminos, LEM, 307-308.
76)
Cf. le pTurin 1895+2006 2:5, 14 (A. H. Gardiner, Ramesside Administrative Documents,
37).
77)
J.-M. Kruchten, Le Décret d’Horemheb. Traduction, commentaire épigraphique, philologi-
que et institutionnel (Bruxelles :Editions de l’Université de Bruxelles, 1981), 96-99, 109-
114.
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 123
78)
Urk. IV 1115 :12=G. P. F. van den Boorn, he Duties of the Vizier, 286-287 [R 32].
79)
N. de G. Davies, he Tomb of Rekh-mi-re at hebes (New York : he Metropolitan
Museum of Art, 1973), pl. 29-35, 40[1].
80)
Cl. Traunecker, « Amenhotep IV percepteur royal du Disque », dans Akhénaton et l’épo-
que amarnienne (Paris : Editions Khéops, 2005), 145-182.
81)
J. C. Moreno García, « Les jh.wtjw et leur rôle socio-économique au IIIe et IIe millénaires
avant J.-C. », dans J. C. Moreno García (éd.), Élites et pouvoir en Egypte ancienne (sous
presse).
82)
Ch. Barbotin, « Aspects juridiques et économiques de l’offrande au Nouvel Empire »,
DE 9 (1987): 69-78.
124 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
ravitaillement en céréales des temples dans le pHarris I83, tout comme les
rmnjjwt jh. wtjw « les domaines des jh. wtjw » dans les inscriptions du tem-
ple de Medinet Habu (KRI V 119:11, 123:9) ou les « offrandes divines »
des jh. wtjw dans le papyrus Boulaq XVIII84. Mais on trouve aussi des
exemples où les exploitations ʿh. t et les jh. wtjw dépendaient des dignitai-
res, comme dans le cas de Nkrjj, bénéficiaire de 150 aroures d’exploita-
tions ʿh. t accordées par Tuthmosis Ier85, ou de H. ʿpj-df Å, dont la fonction
de gouverneur de Siout fut rémunérée avec des exploitations ʿh. t cultivées
par des jh. wtjw 86 ; L’Enseignement pour Mérikarê nous informe de la réor-
ganisation d’un territoire au moyen de la dotation de ritualistes-wʿb avec
des terres-ʿh. t 87, tandis que des jh. wtjw au service d’un dignitaire figurent
également dans les archives de Heqanakhte88, dans la stèle d’un général
(en compagnie de h. mwt « servantes »89), dans le papyrus Brooklyn
35.144690, dans les tombes de certains fonctionnaires d’Elkab91 ou dans
le papyrus Berlin 1046392.
Pourtant, il serait erroné de considérer les jh.wtjw uniquement comme
des paysans de condition modeste, puisque des témoignages divers révèlent
une position sociale sinon élevée au moins relativement prestigieuse.
83)
P. Grandet, Papyrus Harris I, I, 238 [12b, 3] ; cf. aussi oBM 5627=J. Černy, A. H. Gar-
diner, Hieratic Ostraca, vol. 1 (Oxford: Griffith Institute, 1957), pl. 90.
84)
P. Boulaq 18, xviii, 3 : A. Scharff, ZÄS 57 (1922): 6**.
85)
W. Helck, Historisch-biographische Texte der 2. Zwischenzeit und neue Texte der 18.
Dynastie (Wiesbaden: Otto Harrassowitz, 1975), 116 [129].
86)
Siout 279-281 et 309-310=P. Montet, Kêmi 3 (1930): 56-57, 65.
87)
Mérikarê P 86=W. Helck, Die Lehre für König Merikare (Wiesbaden: Otto Harrassowitz,
1977), 51-52 ; J. F Quack, Studien zur Lehre für Merikare (Wiesbaden: Otto Harrassowitz,
1975), 48-49, 51.
88)
P. Heqanakhte V:12=J. P. Allen, he Heqanakht Papyri (New York: he Metropolitan
Museum of Art, 2002), pl. 40-41.
89)
W. Spiegelberg, Aegyptische Grabsteine und Denksteine aus süddeutschen Sammlungen,
Bd. II: München (Strasbourg: Schlesier und Schweikhardt, 1904), 8-10 [4], pl. 3 ; A. H.
Gardiner, RT 19 (1897): 84-85.
90)
P. Brooklyn 35.1446, ro, I, lignes 5, 6 et 10=W. C. Hayes, A Papyrus of the Late Middle
Kingdom in the Brooklyn Museum (Papyrus Brooklyn 35.1446) (New York: Brooklyn Museum,
1955), 25-26, 30, pl. I.
91)
J. J. Tylor, Wall Drawings and Monuments of El Kab. he tomb of Renni (Londres :
B. Quaritch, 1900), pl. 3-5, 14 ; Idem, Wall Drawings and Monuments of El Kab. he tomb
of Paheri (Londres: B. Quaritch, 1895), pl. 5.
92)
R. A. Caminos, « Papyrus Berlin 10463 », JEA 49 (1963): 29-37.
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 125
93)
Londres UC 14428=H. M. Stewart, Egyptian Stelae, Reliefs and Paintings from the Petrie
Collection, Part Two: Archaic Period to Second Intermediate Period (Warminster: Aris and
Phillips, 1979), 24 [102], pl. 25 [1].
94)
TT 59 : PM I/12 120-121 ; S. S. Eichler, Die Verwaltung des « „Hauses des Amun” in der
18. Dynastie (Hambourg: Helmut Buske Verlag, 2000), 328 [574].
95)
Mose S:10-11=G. A. Gaballa, he Memphite Tomb-Chapel of Mose (Warminster: Aris
and Phillips, 1979), 25, pl. 53.
96)
Cf. pAdoptions vo 12-13=A. H. Gardiner, JEA 26 (1940): 23-29, pl. 5-7.
97)
Cf., respectivement, T. G. H. James, Corpus of Hieroglyphic Inscriptions in the Brooklyn
Museum, I (Brooklyn: he Brooklyn Museum, 1974), 82 [190], pl. 8, 49 ; E. R. Ayrton, C.
T. Currelly, A. E. P. Weigall, Abydos, III (Londres: Egypt Exploration Society, 1904), pl. 22
[3] ; N. de G. Davies, F. L. Macadam, A Corpus of Inscribed Egyptian Funerary Cones
(Oxford: Griffith Institute, 1957), #462.
98)
Mille et 1421sacs respectivement (pLouvre 3171=A. H. Gardiner, JEA 27 (1941): 56-
58).
99)
Cf., p. e., pBM 10068 (J. J. Janssen, « A New Kingdom settlement. he verso of Pap.
BM. 10068 », AoF 19 (1992): 8-23), pAllemant A (W. Spiegelberg, « Des papyrus hiérati-
ques inédits du Louvre », RT 16 (1894): 69-72), pWilbour (S. L. D. Katary, « Cultivator,
scribe, stablemaster, soldier : the Late-Egyptian Miscellanies in light of P. Wilbour », he
Ancient World 6 (1983): 71-93 ; Idem, « Labour on Smallholdings: O. BM 5627 in Light of
P. Wilbour », JSSEA 28 (2001): 111-23 ; Idem, « Land-Tenure in the New Kingdom: he
Role of the Women Smallholders and the Military », dans A. K. Bowman, E. Rogan (éd.),
Agriculture in Egypt from Pharaonic to Modern Times (London: he British Academy by
Oxford University Press, 1999), 61-82), etc.
126 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
100)
A. H. Gardiner, Ancient Egyptian Onomastica (Oxford: Oxford University Press, 1947),
96*-97*, pl. IX lignes 14-15.
101)
Pour les condamnés, cf. le pBrooklyn 35.1446 ainsi que pBaldwin ro III:6-8 et pAmiens
r IV: 5, 12 ; V:3=J. J. Janssen, Grain Transport in the Ramesside Period, passim. L’affectation
o
des condamnés à des travaux et leur déplacement dans les îles du Nil sont évoqués dans les
pCGC 58053-58055 (=KRI I 322:1-325:6).
102)
M. Malinine, « Un jugement rendu à hèbes sous la XXVe dynastie (Pap. Louvre E.
3228c) », RdE 6 (1951): 157-178.
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 127
103)
Cf. oGardiner 86, 82 :3=KRI III 139 :13 ; pBologna 1086 :21-26=KRI IV 81 :2-5; pBM
10447=A. H. Gardiner, Ramesside Administrative Documents, 59. Cf. les quantités livrées
par les jh.wtjw du pAmiens+pBaldwin ro (J. J. Janssen, Grain Transport in the Ramesside
Period, pl. 2-6), qui oscillent entre 100 et 232 sacs, peut-être en raison de la qualité de la
terre. Les rendements standardisés qui figurent dans le papyrus Wilbour sont 5 hÅr/aroure
pour les terres qÅjjt, 7,5 hÅr/aroure pour les terres tnj, et 10 hÅr/aroure pour les terres nḫb.
Pourtant, des jh.wtjw individuels pouvaient livrer des quantités bien supérieures provenant
de plusiers localités, ce qui correspond plutôt à des « entrepreneurs » agricoles qu’à de sim-
ples paysans, comme dans le cas du pLouvre 3171 (=A. H. Gardiner, JEA (1941): 56-58).
104)
Cf. pTurin A vo 2 :2-9=A. H. Gardiner, LEM, 122 :8-123 :2 ; pLansing 6 :4-7=A. H.
Gardiner, ibid., 105 :1-7.
105)
A. M. Blackman, « he stela of Shoshenk, Great Chief of the Meshwesh », JEA 27
(1941): 83-95.
106)
S. Vinson, « P. Brooklyn 37.1647E, D(1)/2. An early Ptolemaic agricultural account »,
dans F. Hoffmann, H. J. hissen (éd.), Res severa verum gaudium. Festschrift für Karl-
heodor Zauzich zum 65. Geburtstag am 8. Juni 2004 (Louvain : Peeters, 2004), 595-611,
pl. 55.
107)
On remarquera, au passage, que dans certains cas les domaines accordés comme récom-
pense par le roi à un dignitaire sont des multiples de 20, comme dans le cas des champs de
200 aroures acquis par Mtn de la IVe dynastie (Urk. I 2 :8 ; 4 :8), le champ de 203 accordé à
Jbj de la VIe dynastie (Urk. I 145 :1-3), ou les 220 aroures octroyées à Jmn-h.tp de la XVIIIe
dynastie (Urk. IV 1796 :19).
108)
À propos du rapport étroit entre un attelage et le jh.wtj à sa charge, cf. pLouvre 7833 ro
ligne 4=M. Malinine, RdE 8 (1951): 142-150.
128 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
109)
Tel est le cas du célèbre pRylands V (=F. Ll. Griffith, Catalogue of the Demotic Papyri in
the John Rylands Library, vol. 3 (Manchester: Manchester University Press & B. Quaritch,
1909), 53-54), un contrat par lequel un jh.wtj se vend comme esclave. Un parallèle possible
apparaît dans la stèle de Sheshônq, où un jh.wtj et ses quatre h.mw sont vendus pour 4 deben
et un kite d’argent (stèle JE 66285, l. 13-14=A. M. Blackman, JEA 27 (1941): 85, 91
n. 82) : le fait que l’on indique la filiation du jh.wtj suggère une origine égyptienne.
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 129
décret de Naouri de Séti Ier qui mentionne le recrutement des mrt dans les
districts de la Haute et la Basse Egypte pour labourer les terres d’un temple
(KRI I 50:4-5). A mon avis, on n’aurait fait qu’assimiler la condition des
prisonniers capturés à celle des Égyptiens contraints d’effectuer des travaux
périodiques ou permanents pour l’État et ses institutions (mrt, h.m(-nswt),
jh.wtj), puisque tous effectuaient des travaux similaires dans un même
contexte productif, d’où le recours à la terminologie traditionnelle pour les
désigner. Le cas particulier de la vente de jh.wtjw tant d’origine égyptienne
qu’étrangère conforte cette interprétation : des Égyptiens et des étrangers,
des hommes libres et des esclaves, pouvaient devenir des jh.wtjw, ce qui
prouve que la condition du jh.wtj était déterminée par la fonction et non
par la condition juridique.
110)
T. Hofmann, Zur sozialen Bedeutung zweir Begriffe für <Diener>: bÅk und h.m (Bâle :
Schwabe Verlag, 2005).
111)
R. Navailles, F. Neveu, « Qu’entendait-on par “journée d’esclave” au Nouvel Empire ?
(hrw m h.m(t), hrw n bÅk) », RdE 40 (1989): 113-123 ; S. Allam, « Ein Erbstreit um Sklaven
(Papyrus BM 10568) », ZÄS 128 (2001): 89-96, pl. 19 ; Idem dans N. Grimal, B. Menu
(éd.), Le commerce en Egypte ancienne (Le Caire : IFAO, 1998), 140-148 ; B. G. Davies,
J. Toivari, « Misuse of a maidservant’s services at Deir el-Medina (O. CGC 25237, recto) »,
SAK 24 (1997): 72-74.
112)
A. H. Gardiner, « A lawsuit arising from the purchase of two slaves », JEA 21 (1935):
140-146, pl. 14-16 ; T. Mrsich, « Erenofres Verteidigung », dans D. Kessler, R. Schulz (éd.),
Gedenkschrift für W. Barta (Frankfurt: Peter Lang, 1995), 291-310.
130 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
113)
P. C. Smither, JEA 34 (1948): 31-34 ; W. Helck, Historisch-biographische Texte der 2.
Zwischenzeit, 50-54 [69] ; A. héodoridès, RIDA 6 (1959): 131-154 ; W. Helck, ZÄS 115
(1988): 35-39 ; S. Quirke, he Administration of Egypt in the Late Middle Kingdom. he
Hieratic Documents (Whitstable: Sia Publishing, 1990), 203-207.
114)
G. P. F. van den Boorn, Duties of the Vizier, 146, 157-161.
115)
B. Haring, « he scribe of the mat: from agrarian administration to local justice », dans
R. J. Demarée, A. Egberts (éd.), Deir el-Medina in the hird Millennium AD : A Tribute to
Jac. J. Janssen (Leyde: Nederlands Instituut voor het Nabije Oosten, 2000), 129-158.
116)
ODM 707 : P. Grandet, Catalogue des ostraca hiératiques non littéraires de Deîr el-
Médînéh, VIII (Le Caire: IFAO, 2000), 3-4, 14, 107. A propos de ces femmes « esclaves »,
cf. J. J. Janssen, Village Varia. Ten Studies on the History and Administration of Deir el-
Medina (Leyde: Nederlands Instituut voor het Nabije Oosten, 1997), 23-26 ; T. Hofmann,
« Arbeitseinsätze und Löhne der sogenannten Sklavinnen von Deir el-Medine », dans
A. Dorn, T. Hofmann (éd.), Living and Writing in Deir el-Medine. Socio-Historical Embodi-
ment of Deir el-Medine Texts (Bâle: Schwabe Verlag, 2006), 113-118.
117)
Wente, Letters, no 319 ; B. G. Davies, J. Toivari, SAK 24 (1997): 69-80.
118)
Cf. pBankes I : I. E. S. Edwards, JEA 68 (1982): 127-132, pl. 12.
119)
Cf. pLouvre 3230b : T. E. Peet, JEA 12 (1926): 71-72, pl. 17.
120)
Cf. pBM 10107 : S. R. K. Glanville, JEA 14 (1928): 304-306, pl. 32-33, 35.
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 131
121)
K. A. Kóthay, « Houses and households at Kahun : bureaucratic and domestic aspects
of social organization during the Middle Kingdom », dans H. Györy (éd.), « Le lotus qui sort
de terre ». Mélanges offerts à Edith Varga (Budapest: Musée Hongrois des Beaux-Arts, 2001),
360-363. Pour des cas où des h.m(w)t étaient employées aussi dans des travaux de tissage, cf.
pLondres UC 32203=M. Collier, S. Quirke, he UCL Lahun Papyri : Letters (Oxford:
Archaeopress, 2002), 115. Pour des servantes dépendant des dignitaires mais produisant
des étoffes pour le palais, cf. KRI I 269:7, 9. Quant à la livraison de quotas d’étoffes pro-
duites dans des unités domestiques, cf. Gurob Papyri, Fragment Y (=A. H. Gardiner,
Ramesside Administrative Documents, p. 24-26), pUC 32094 (=M. Collier, S. Quirke,
he UCL Lahun Papyri : Accounts (Oxford: Archaeopress, 2006), 144-145), pBrooklyn
35.1453A-B (V. Condon, « Two account papyri of the late Eighteenth Dynasty (Brooklyn
35.1453 A and B) », RdE 35 (1984): 57-82).
122)
Cf. pKahoun I.1 et I.2=F. Ll. Griffith, Hieratic Papyri from Kahun and Gurob,
pl. 12-13.
132 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
identiques123 ou lors des réquisitions de la main d’œuvre (kf ʿ), qui affectaient
tant les prisonniers de guerre que les natifs124.
Je pense que cette logique d’organisation du travail révèle l’absence d’un
marché d’esclaves ou d’une économie esclavagiste en Égypte pharaonique,
un trait commun à d’autres sociétés du Proche-Orient ancien. On entre ici
dans la question difficile de la rationalité économique de l’esclavage dans
l’Antiquité125. D’après Descat, la viabilité de l’esclavage dans l’antiquité
classique se base sur un approvisionnement régulier en esclaves à bas coût
(afin d’éviter les dépenses nécessaires pour leur « élevage » et leur forma-
tion), et l’existence de marchés pour absorber leur production (agricole,
artisanale, activités spécialisées), ce qui implique l’existence locale de la
division du travail. Pourtant, pour que l’esclavage soit viable, il faut conci-
lier deux aspects contradictoires : une faible rentabilité (due à la manque
d’intérêt des esclaves pour l’« entreprise ») et l’intérêt à posséder des escla-
ves. La volonté de rentabiliser l’esclave est possible en lui accordant une
indépendance plus grande et en lui promettant l’affranchissement, c’est-à-
dire, en lui permettant de devenir salarié, ce qui n’est possible que s’il y a
une activité constante des métiers urbains et, par conséquent, des échanges
marchands développés. Les marchés deviennent donc un élément clé pour
l’existence de l’esclavage : ils favorisent une appropriation privée des res-
sources par la possibilité du profit, en marge des systèmes traditionnels
d’appropriation (p. e., les prélèvements tributaires) ; ils permettent l’exis-
tence de salariés, d’origine libre ou esclave ; et ils font que le travail esclave
devient rentable grâce à la perspective de l’affranchissement, ce qui permet
le déplacement de main d’œuvre vers des activités non agricoles (des acti-
vités dont l’attraction économique est faible pour les libres). Pourtant, la
logique du système n’est pas « entrepreneuriale », puisque les surplus déga-
gés seront affectés au cadre social du propriétaire (thésaurisation, dépenses
somptuaires, esclaves affectés au service domestique), ce qui limite la circu-
lation des richesses et l’évolution vers un système capitaliste.
123)
Cf., par exemple, le cas des étrangers affectés à des domaines ḫÅ-tÅ: pTurin 1895+2006
ro 2:13; 3:8; 4:11; 5:2, 8; vo passim (A. H. Gardiner, Ramesside Administrative Documents,
35-45).
124)
Cf. la discussion dans J.-M. Kruchten, Le décret d’Horemheb, 62-63.
125)
Cf. R. Descat, « Max Weber et l’économie de l’esclavage antique », dans H. Bruhns,
J. Andreau (éd.), Sociologie économique et économie de l’Antiquité : À propos de Max Weber
(Paris : Centre de Recherches Historiques, 2004), 145-154 ; J. Andreau, « Esclavage antique
et rentabilité économique », dans Idem, ibid., 159-166.
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 133
C’est dans cette perspective que l’on peut mieux saisir les différences
entre le Proche-Orient ancien et le monde gréco-romain à partir de l’étude
du sort réservé aux prisonniers de guerre. Source principale d’esclaves dans
l’antiquité classique, leur emploi au Proche-Orient ancien revêtait, en
revanche, des particularités différentes. Bien que certains soient devenus
la propriété d’autres personnes et employés presque exclusivement dans le
service domestique, la plupart étaient néanmoins affectés à des activités
productives, comme l’agriculture, le tissage ou la construction ou même à
des tâches militaires en tant que mercenaires, soldats et gardes de corps126,
sans être considérés comme des marchandises mais plutôt comme une
population semi-libre. Les déportés étaient installés après leur capture dans
de nouvelles régions et voués à des activités productives comparables à
celles des populations natives, sans devenir de vrais esclaves objet d’achats
et de ventes127. Le cas de l’Égypte est similaire, avec des déportés nubiens
et asiatiques employés dans le service domestique, la culture des champs, la
transformation de produits agricoles ou bien comme policiers et mercenai-
res, installés parfois dans des colonies.
En absence de monnaie, avec une économie tributaire où les allocations
de rations et les prestations en travail prenaient une part considérable aux
activités normalement réservées aux salariés dans le monde classique – ce qui
limitait le rôle des marchés dans la circulation de produits ainsi que la taille
des activités productives en milieu urbain –, le rôle des esclaves-marchandise
126)
F. van Koppen, « he geography of the slave trade and northern Mesopotamia in the
late Old Babylonian period », dans H. Hunger, R. Pruzsinszky (éd.), Mesopotamian Dark
Age Revisited (Vienne : Verlag der Österreichischen Akademie der Wissenschaften, 2004),
9-33, surtout p. 15 ; I. J. Gelb, « From freedom to slavery », dans Gesellschaftsklassen im alten
Zweistromland und in den Anggrenzenden gebieten (Munich: Bayerische Akademie der Wis-
senschaften, 1972), 81-92.
127)
I. J. Gelb, « Prisoners of war in early Mesopotamia », JNES 32 (1973): 70-98 ; Idem,
« Quantitative evaluation of slavery and serfdom », dans Kramer Anniversary Volume. Cune-
iform Studies in Honor of Samuel Noah Kramer (Neukirchen-Vluyn: Neukirchener Verlag,
1976), 195-207 ; Idem, « Definition and discussion of slavery and serfdom », Ugarit Forsc-
hungen 11 (1979): 283-297 ; B. Oded, Mass Deportations and Deportees in the Neo-Assyrian
Empire (Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1979) ; N. Ziegler, « Aspects économiques des
guerres de Samsî-Addu », dans J. Andreau, P. Briant, R. Descat (éd.), La guerres dans les
économies antiques (Saint-Bertrand-de-Comminges : Musée archéologique départemental
de Saint-Bertrand-de-Comminges, 2000), 23-25 ; F. Joannès, « Guerre et économie dans
l’empire néo-babylonien », dans Idem, ibid., 74-75 ; G. G. Aperghis, « War captives and
economic exploitation. Evidence from the Persepolis Fortification tablets », dans Idem,
ibid., 128-144.
134 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
128)
Sur le rôle des asiatiques dans la production du vin et de l’huile, cf. D. Meeks, « Oléi-
culture et viticulture dans l’Egypte pharaonique », dans M.-C. Amouretti, J.-P. Brun (éd.),
La production du vin et de l’huile en Méditerranée (Athènes: Ecole Française d’Athènes,
1993), 17. On ajoutera G. Bouvier, Les étiquettes de jarres hiératiques de l’Institut d’Egyptologie
de Strasbourg, fasc. 5 (Le Caire: IFAO, 2003), 211-215.
129)
J.-M. Kruchten, Le décret d’Horemheb, 58-61.
130)
J. Černy, T. E. Peet, JEA 13 (1927): 30-38 ; J. Černy, BIFAO 37 (1937): 41-48 ;
A. héodoridès, JEA 54 (1968): 149-154 ; Idem, RIDA 17 (1970): 183-212.
131)
H. W. Fairman, JEA 24 (1938): pl. 11[3].
132)
Cf., par exemple, pBerlin 3110, ligne 8=M. Malinine, Choix de textes en hiératique
« anormal » et en démotique (Paris : Honnoré Champion, 1953), 30-34 ; pLoeb 48, ligne 6-
7=Idem, ibid., 25-29 ; etc.
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 135
L’origine de ces esclaves « privés » était diverse. Parfois ils étaient nés à la
maison, comme dans le papyrus de l’Adoption133 ou dans la tombe de Nfr-
h.tp (KRI III 587:16; 591:10), ou comme dans la stèle BM 1628, où ils
sont considérés des biens (ḫt)134 ; on pourrait même ajouter le cas du h.m
Dedisobeksu, représenté dans la stèle de Dedisobek avec sa filiation ( jr.n
h.mt Jdd « né de la servante Ided ») : la similitude des noms du serf et de son
maître, ainsi que le fait d’être le fils d’une h.mt, suggèrent que Dedisobeksu
était né à la maison de son maître135. Dans d’autres cas, ils étaient achetés
à des marchands šwtjj (cf. ci-dessus) ou à d’autres particuliers136, ou même
acquis comme tribut137. Mais les difficultés économiques constituaient
aussi une source d’approvisionnement en main d’œuvre servile, notam-
ment dans les cas de surendettement, quand les familles étaient contraintes
de vendre un des siens au créancier. Les références les plus anciennes datent
de la fin de l’Ancien Empire, avec la mention des dettes qui pesaient sur
certains secteurs de la population, la perte des terres, l’asservissement des
femmes et l’acquisition privée de champs et de serfs138. La même situation
est documentée plus tard, quand, en cas de non-remboursement d’une dette,
le créancier pouvait prendre les biens du débiteur, y compris ses terres139, sa
133)
A. H. Gardiner, JEA 26 (1940): 23-29, pl. 5-7.
134)
Hieroglyphic Texts from Egyptian Stelae . . . in the British Museum, vol. V (Londres : Bri-
tish Museum, 1914), pl. 1-2.
135)
Cf. T. Hofmann, Zur sozialen Bedeutung zweier Begriffe für <Diener>, 126-127.
136)
Cf., par exemple, M. Malinine, « Une vente d’esclave à l’époque de Psammétique Ier
(papyrus du Vatican 10574, en hiératique « anormal ») », RdE 5 (1946): 119-131 ; Idem,
Choix de textes en hiératique « anormal » et en démotique, 35-55 ; S. Vleeming, « he sale of a
slave in the time of Pharaoh Py », OMRO 61 (1980): 1-17.
137)
Cf. la scène où on apporte des enfants-esclaves au propriétaire de la tombe : T. Säve-
Söderbergh, Four Eighteenth Dynasty Tombs (Oxford : he Griffith Institute, 1957), pl. 23.
Cf. un parallèle dans N. de G. Davies, he Tomb of Rekh-mi-rēʿ at hebes, vol. II (New York:
he Metropolitan Museum of Art, 1943), pl. 21-23.
138)
J. C. Moreno García, « Acquisition de serfs durant la Première Période Intermédiaire :
une étude d’histoire sociale dans l’Egypte du IIIe millénaire », RdE 51 (2000): 123-139. La
correspondace d’Hekanakhte contient un document, la lettre P’, où l’on évoque le fait de
prendre le cuivre de tÅ h.mt 2 bÅkt « ces deux esclaves-servantes », peut-être le prix de leur
vente ou de leurs services : J. P. Allen, he Heqanakht Papyri, 21, 72, 119.
139)
Cf. l’interprétation du pKahoun II.1 effectuée par E. Bleiberg dans M. Hudson,
M. van de Mieroop (éd.), Debt and Economic Renewal in the Ancient Near East (Bethesda :
CDL, 2002), 260-262. Cf. aussi pHauswaldt 18=J. G. Manning, he Hauswaldt Papyri.
A hird Century Family Dossier from Edfu, Upper Egypt (Würzburg: Gisela Zauzich Verlag,
1997), 170-179.
136 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
maison140 ou ses fils141. Dans certains cas, c’était le débiteur lui-même qui
acceptait de devenir le serf du créancier142. D’après les sources conservées,
il semble que ces Egyptiens n’étaient pas l’objet de vente à un tiers, à la
différence des étrangers. Par conséquent, les dépendants au service des par-
ticuliers avaient une origine diverse : des serfs/esclaves octroyés par l’État,
des Egyptiens tombés en servitude par dettes, des esclaves achetés ou même
des « salariés » que l’on pouvait renvoyer si le maître de la maison n’était pas
satisfait de leurs services, comme dans le cas de la bÅkt employée dans la
maison d’Heqanakhte143.
Pourtant, le statut social des esclaves des particuliers n’est pas non plus
assimilable à celui de simples marchandises : ils pouvaient acquérir, possé-
der et aliéner des biens144, y compris des champs145, et pouvaient épouser
des membres de la famille du propriétaire146. D’où l’ambiguïté du terme
h.m, puisqu’une femme pouvait être présentée, à la fois, comme ʿnḫ(t) n
nwt et h.mt (« dame »147 et esclave148) ou comme h.mt et bÅkt (esclave et ser-
vante)149. Cette ambiguïté obéit vraisemblablement à la similitude des
140)
Cf. pBM 10425=R. H. Pierce, hree Demotic Papyri in the Brooklyn Museum (Oslo:
Universitetsforlaget, 1972), 115.
141)
Cf. pBM 10113=M. Malinine, Choix de textes en hiératique « anormal » et en démotique,
15-19 ; pLouvre E 9293=Idem, ibid., 20-24 ; pHou 12=S. P. Vleeming, he Gooseherds of
Hou. A Dossier Relating to Various Agricultural Affairs from Provincial Egypt of the Early Fifth
Century B. C. (Louvain: Peeters, 1991), 173-174.
142)
Cf. Louvre E 706 ro=S. El-M. Bakir, Slavery in Pharaonic Egypt (Le Caire: IFAO, 1952),
pl. 17 ; pLouvre 7832=K. Donker van Heel, Abnormal Hieratic and Early Demotic Texts
Collected by the heban Choachytes in the Reign of Amasis (Leyde: 1995), 176-182.
143)
Lettre I vo 13-15=J. P. Allen, he Heqanakht Papyri, pl. 10, 30
144)
M. Malinine, RdE 6 (1951): 170.
145)
Cf. la stèle Le Caire 27/6/24/3=A. M. Bakir, Slavery in Pharaonic Egypt, pl. 2-4. Pour
des h.m en possession de champs institutionnels, cf. aussi A. H. Gardiner, Papyrus Wilbour,
II (Oxford: Oxford University Press, 1948), 84.
146)
Cf. le papyrus de l’Adoption, déjà cité, où un couple achète une h.mt qui enfanta un
garçon et deux filles, élevés à la maison ; une des filles épousa le beau-frère du propriétaire
et elle devint par la suite une nmh.t, comme son frère et sa sœur. On peut évoquer aussi la
statuette Louvre E 11.673 (Urk. IV 1369:4-16), où un homme place son h.m comme bar-
bier dans un temple et lui donne sa nièce en mariage.
147)
J. J. Janssen, « A marital title from the New Kingdom », dans E. Teeter, J. A. Larson
(éd.), Gold of Praise. Studies on Ancient Egypt in Honor of Edward F. Wente (Chicago: he
University of Chicago, 1999), 185-192.
148)
Cf. la stèle Le Caire 27/6/24/3=A. M. Bakir, Slavery in Pharaonic Egypt, pl. 2-4.
149)
Cf. la note 137 ci-dessus.
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 137
conditions de travail des h.m Egyptiens et des h.m étrangers déjà évoquée.
Si l’on considère la liste d’« esclaves » de la tombe de Bbj d’Elkab150, on
constate qu’ils sont désignés de manière collective par le terme mrt (la
population corvéable) mais individuellement par les termes h.m-nswt et
h.mt. Dans une autre représentation de mrt, chaque personne exerçait des
activités domestiques indiquées au moyen d’un titre (nourrice, valet,
etc.)151. Ces exemples montrent bien les activités domestiques au service
d’un dignitaire effectuées par des h.mw, qu’ils soient des Égyptiens ou des
étrangers : des h.m/h.mt furent souvent représentés avec la famille du défunt152,
parfois avec l’indication de leur origine étrangère, comme la h.mt pountite
Satmesuit (?)153. En revanche, quand de tels serfs/esclaves labouraient la
terre, ils étaient désignés par le terme jh.wtj, comme dans la stèle d’un géné-
ral du Moyen Empire où il fut représenté en compagnie de sa famille et
d’une procession de jh.wtjw et de h.mwt « servantes »154. Ou comme dans la
tombe de Reneni d’Elkab, avec des jh.wtjw labourant les champs tandis
qu’un h.m et une h.mt sont occupés à transporter des produits155. Enfin, que
la catégorie des h.mw(-nswt) désignait d’abord les Égyptiens engagés dans
des activités productives (et, par extension aussi les prisonniers de guerre,
une fois intégrés dans la structure productive de l’Égypte), semble évident
à la lumière d’un répertoire de la population de l’Égypte, de la XVIIIe
dynastie, qui mentionne les soldats, les ritualistes, les h.m(w)-nswt et les
artisans (Urk. IV 1006:17)156.
Certains documents administratifs évoquent aussi l’emploi des subordon-
nés d’une personne employés dans des travaux agricoles. C’est le cas d’un
passage du papyrus Brooklyn 35.1446 où l’on mentionne les dépendants
150)
LD Text IV 54 ; O. Berlev, BiOr 30 (1973): 207-209.
151)
CGC 20516=H. O. Lange, H. Schäfer, Grab- und Denksteine des Mittleren Reichs,
vol. II (Berlin: Reichsdruckerei, 1908), 108-111 ; S. Allam, Dépendance rurale, 137.
152)
Stèle City Art Museum St. Louis 1095:20=B. G. Davies, J. Toivari, SAK 24 (1997): 74.
153)
T. Hofmann, Zur sozialen Bedeutung zweier Begriffe für <Diener>, 126-127.
154)
W. Spiegelberg, Aegyptische Grabsteine und Denksteine 8-10 [4], pl. 3 ; A. H. Gardiner,
RT 19 (1897): 84-85 ; S. Schoske (éd.), Staatliche Sammlung Ägyptischen Kunst, München
(Mayence : Philipp von Zabern, 1995), 97.
155)
J. J. Tylor, Wall Drawings and Monuments of El Kab. he Tomb of Renni, pl. 3-5 et 12
respectivement.
156)
Cf. un parallèle dans le décret Coptos M, de l’Ancien Empire =(H. Goedicke, Königli-
che Dokumente aus dem Alten Reich, 184-187, fig. 20), qui énumère la hiérarchie sociale du
nome avec, en tête, le chef de prophètes suivi des « chefs » (h.rjw-tp), des gouverneurs des
villages et des h.m(w).
138 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
(hrw) d’un individu qui furent affectés à la culture des terres ḫbsw157. Une
h. mt est identifiée dans les papyrus de Lahoun comme faisant partie d’un
groupe de hr(w) dans un contexte où interviennent des champs, des chefs
d’équipe et des livraisons bÅkw158. Dans la correspondance d’Heqanakhte
on mentionne aussi des hrw dépendants de deux subordonnés de ce digni-
taire et employés dans des activités agricoles. La même considération des
hrw comme des subordonnés d’autres individus figure dans une inscrip-
tion de houtmosis III (Urk. IV 795:11). Un autre terme, hnmw, apparaît
dans certains textes administratifs du Moyen Empire pour désigner des
prisonniers affectés aux maisonnées des dignitaires159. Cette terminologie
vague cache peut-être des relations de clientélisme, comme celles que l’on
peut deviner dans le papyrus Brooklyn 35.1446, de la XIIIe dynastie, qui
exprime à trois reprises des rapports de filiation fictifs entre un jh.wtj et un
dignitaire : Inhernakht fils de Sainher, que l’on appelle le fils de Senbebou,
un wʿb de Tinis ; Sobekhotep fils de Senib, que l’on appelle le fils d’Hapou,
un chef d’armée de Tinis ; Inherhotep fils de [. . .], que l’on appelle le fils d’Ha-
pou, un chef d’armée de Tinis160.
157)
Cf. pBrooklyn 35.1446 ro 57= W. C. Hayes, A Papyrus of the Late Middle Kingdom,
pl. 5-7; S. Quirke, he Administration of Egypt in the Late Middle Kingdom, 137-138.
158)
Cf. pLondres UC 32118D=M. Collier, S. Quirke, he UCL Lahun Papyri : Letters, 39.
159)
Cf. pBrooklyn 35.1446, insertion C,6 et Text B, 27= W. C. Hayes, A Papyrus of the Late
Middle Kingdom, 72, 116 ; pUC 32058= M. Collier, S. Quirke, he UCL Lahun Papyri :
Religious, Literary, Legal, Mathematical and Medical, 104-105.
160)
P. Brooklyn 35.1446, ro, I, lignes 5, 6 et 10=W. C. Hayes, A Papyrus of the Late Middle
Kingdom, 25-26, 30, pl. I. L’emploi de termes de parenté pour exprimer des liens de clien-
télisme est bien attesté dans d’autres sources du Moyen Empire : D. Franke, « Sem-priest on
duty », dans S. Quirke (éd.), Discovering Egypt from the Neva. he Egyptological Legacy of
Oleg D. Berlev (Berlin: Achet Verlag, 2003), 74. Un autre example d’un jh.wtj dépendant
d’un dignitaire figure dans le pBM 10068 vo 3:22 (=T. E. Peet, he Great Tomb-Robberies of
the Twentieth Egyptian Dynasty (Oxford: Clarendon Press, 1930), 95, pl. 14) : pr n jh.wtj
PÅjj.sn n(j) sš ʿÅ-nrj « la maison du jh.wtj Paisen, attaché au scribe Aaneri » .
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 139
161)
À propos de ce terme, cf. G. R. Hughes, Saite Land-Leases, p. 56-58, 110 ; M. Lich-
theim, Demotic Ostraca from Medinet Habu, p. 33-35 ; S. V. Wångstedt, Ausgewählte demo-
tische Ostraka aus der Sammlung des Victoria-Museums zu Uppsala und der Staatlichen
140 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
162)
H. J. Nissen, P. Damerow, R. K. Englund, Archaic Bookkeeping. Writing and Techniques
of Economic Administration in the Ancient Near East (Chicago: he University of Chicago
Press, 1993), 70-88.
163)
Cf. un bon état de la question dans G. van Driel, « he size of institutional Umma »,
AfO 46-47 (1999-2000): 80-91 ; Idem, « Institutional and non-institutional economy in
ancient Mesopotamia », dans A. C. V. M. Bongenaar (éd.), Interdependency of Institutions
and Private Entrepreneurs (Leiden: Nederlands Instituut voor het Nabije Oosten, 2000),
5-23 ; R. McC. Adams, « Steps towards regional understanding of the Mesopotamian
plain », dans A. Hausleiter, S. Kerner, B. Müller-Neuhof (éd.), Material Culture and Mental
Spheres. Rezeption archäologischer Denkrichtungen in der Vorderasiatischen Altertumskunde.
Internationales Symposium für Hans J. Nissen (Münster: Ugarit-Verlag, 2002), 33-48 ; Idem,
« Reflections on the early southern Mesopotamian economy », dans G. M. Feinman,
L. M. Nicholas (éd.), Archaeological Perspectives on Political Economies (Salt Lake City : he
University of Utah Press, 2004), 41-59.
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 143
univoque aux termes égyptiens. Un autre risque consiste à établir des cor-
respondances trop précises entre un terme égyptien et une réalité social ou
économique caractéristique d’autres époques (« esclave », « serf », « client »,
etc.), de telle sorte que le fait d’attribuer une signification à un terme ouvre
la voie, par extension, à la « découverte » d’une réalité sociale considérée
jusqu’alors comme insaisissable puisque exprimée par une terminologie
obscure. Enfin, le risque devient encore plus grand si cet ensemble d’opé-
rations intellectuelles est doublé de l’a priori qui consiste à désigner des
réalités égyptiennes au moyen de catégories juridiques élaborées pour définir
des aspects particuliers de sociétés très différentes. Un exemple est la tra-
duction du terme h.m par « esclave ». Un autre exemple est l’article de S. Allam
consacré à l’étude de la catégorie sociale des mrt (p. 123-155).
L’étude de Allam débute sur une discussion de mes conclusions à propos
de la nature des mrt, notamment mon interprétation de ce terme comme
des Égyptiens contraints d’effectuer des prestations périodiques en travail
pour l’État164. Bien que ses conclusions soient confuses, sans arriver à pro-
poser une définition claire pour les mrt (serfs ?), l’ensemble de sa démarche
méthodologique consiste, d’une part, à isoler cette catégorie sociale des
autres catégories de population par rapport auxquelles on pourrait arriver
à mieux définir la nature de ses activités et de son travail ; et, d’autre part,
à appliquer constamment des a priori afin de caractériser la condition des
mrt. On trouve ainsi, à la note 4 de son étude, l’idée que les terres étaient
attribuées avec des rmt « gens » et que ces personnes n’étaient certainement
pas « libres ». Pourquoi ? L’État accordait des terres aux dignitaires avec les
prestations en travail qui l’étaient dues, sans que cette mesure de nature
fiscale entraîne aucune considération sur la condition « libre » ou « servile »
des personnes affectées. On remarquera que l’emploi du terme rmt dans les
textes est déjà révélateur en soi-même : il renvoie au travail effectué habi-
tuellement par les Égyptiens et non par une catégorie sociale spécifique. La
procédure suivie pour les affecter aux travaux dus à l’État est décrite dans
les décrets de Coptos, avec des chefs de village (h.qÅ nwt) participant aux
conseils chargés de la gestion des domaines d’un temple et au recrutement
de la main d’œuvre (mrt, nzwtjw) qui devait les labourer. La même démar-
che figure dans les sources du Moyen Empire déjà évoquées dans cet arti-
cle. Un autre exemple, cité par Allam (p. 138), vient à l’appui de mon
164)
J. C. Moreno García, JEA 84 (1998): 71-83.
144 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
165)
W. Helck, Historische-biographische Texte der 2. Zwischenzeit und neue Texte der 18.
Dynastie (Wiesbaden : Otto Harrassowitz, 1975), 33-34.
166)
L. Pantalacci, « La documentation épistolaire du palais des gouverneurs à Balat-ʿAyn
Asil », BIFAO 98 (1998): 315 [ta. 3689-13+14+19].
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 145
Les mrt étaient-ils donc des corvéables temporaires ou des serfs ? Les
indications que je viens de faire et les sources évoquées confortent, à mon
avis, la première hypothèse167. Leurs activités étaient variables : agriculture,
tissage, transformation de produits agricoles, construction, etc. Il n’y a rien
d’étrange à ce que les mrt, pris individuellement, portent d’autres titres
indicatifs de leur profession ou de leur activité précise au service d’un
potentat ou d’une institution, comme dans l’exemple évoqué par Allam
(p. 132-133). Il est probable que le personnel des papyrus de Gébélein
est aussi constitué de mrt, compte tenu de leurs obligations et du nombre
de h.m-nzwt cités. Leur condition vis-à-vis de l’État était similaire à celle
des h.mw-kÅ, des ritualistes qui n’étaient pas non plus de serfs et dont les
services étaient soit accordés par le roi aux dignitaires soit loués aux particu-
liers168. Par conséquent, les arguments invoqués par Allam contre l’inter-
prétation des mrt comme des corvéables ne sont pas recevables et plus
particulièrement celui de l’absence de documents relatifs à leur libération
une fois la corvée accomplie (p. 155). Rien n’indique que de tels docu-
ments aient jamais été élaborés, sans oublier que les aléas de l’archéologie
égyptienne et la nature fragile des papyrus se combinent pour expliquer la
rareté relative des documents administratifs arrivés jusqu’à nous. En revan-
che, les références aux recensements, aux bureaux d’attribution de travailleurs,
aux équipes employés dans la construction, etc., sont bien attestées et consti-
tuent, avec les listes de travailleurs, des arguments solides pour la considé-
ration des mrt comme des corvéables. Un autre argument invoqué par
Allam, l’absence de mentions de mrt cultivant les terres dans le papyrus
Wilbour, n’est pas non plus valable : faut-il rappeler que mrt est un terme
collectif et que, par conséquent, il serait difficile qu’un particulier soit ainsi
désigné, surtout si l’on considère que ce terme devient de plus en plus rare
dans les sources du Nouvel Empire ?
En conclusion, l’article de Allam est révélateur, malgré sa richesse docu-
mentaire et ses observations souvent fines, des problèmes liés à l’applica-
tion en Egypte pharaonique de concepts juridiques tirés d’époques et de
réalités sociales bien différentes. Il révèle aussi les dangers qui guettent les
efforts pour établir une relation univoque entre un terme égyptien et une
catégorie sociale précise. Le comparatisme avec les sociétés du Proche-
Orient ancien s’avère à nouveau très utile : Francis Joannès démontre, dans
son brillant article consacré à la dépendance rurale dans la Babylonie du Ier
167)
Cf. aussi J. C. Moreno García, JEA 84 (1998): 71-83.
168)
Cf. la stèle BM 1164, lignes 7-8=J. J. Clère, J. Vandier, TPPI, 47-48 § 33.
146 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
parce que les transactions privées doivent utiliser dorénavant des moyens
d’échange engagés, contrôlés et exigés par l’État, en écartant des « émis-
sions » privées de métaux précieux comme, par exemple, l’argent de quali-
tés variables utilisé par les temples néo-babyloniens169 ; enfin, les secteurs
de l’économie domestique qui produisaient des biens périssables (et qui
échappaient de ce fait au fisc royal) deviennent désormais taxables. L’em-
ploi de la monnaie ne dépend pas nécessairement de l’existence de grands
marchés urbains mais de la forme prise par le pouvoir politique, ce qui a
des conséquences sur la question de la dépendance rurale.
Dans un système de redistribution, fondé sur le prélèvement de pro-
duits, l’imposition de corvées et la livraison de rations, la relation entre
le producteur et le pouvoir central est directe : l’État et ses institutions
(temples, domaines de la couronne) produisent de larges quantités de biens
(céréales, étoffes) et prélèvent des taxes en produits et en travail qui sont
partiellement distribuées par la suite à leurs employés (travailleurs, digni-
taires) en échange des services rendus. Ce système se fonde donc sur un
pouvoir central fort (un roi unique et incontesté) disposant d’un accès
direct, du point de vue fiscal, à de larges quantités de produits et de travail.
En revanche, la monétisation apparaît là où il n’existe pas un tel système de
redistribution, où les corvées ne sont pas la base principale de la fiscalité de
l’État et où le pouvoir politique n’est pas concentré dans la figure d’un roi,
mais plutôt dilué au sein d’un groupe dominant plus large, allant d’une
oligarchie à la démocratie athénienne classique. Dans ces systèmes l’indi-
vidu est aussi un sujet politique, ce qui va de pair avec la propriété de la
terre, le service dans l’armée et une fiscalité plus allégée : d’une part, les
frais de l’État sont bien moindres puisque les citoyens fournissent la force
militaire en cas de conflit, l’appareil bureaucratique est très réduit et une
partie importante des dépenses de l’État est censée retomber sur les citoyens
les plus riches ; des pratiques telles que l’évergétisme contribuent aussi à
alléger les dépenses de l’État. On peut même envisager l’idée qu’un fisc
relativement faible soit une condition indispensable pour l’équilibre et la
reproduction du système, parce qu’il empêche que des groupes ou des indi-
vidus ambitieux puissent s’approprier des ressources considérables, détour-
nées par la suite à des fins de consolidation durable d’une position d’autorité
169)
A. C. V. M. Bongenaar, « Money in the neo-babylonian institutions », dans J. G. Darck-
sen (éd.), Trade and Finance in Ancient Mesopotamia (MOS Studies, 1)(Leiden: NINO,
1999), 172-173.
148 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150
unique. Par conséquent, les revenus de l’État ne sont pas la base de la for-
tune personnelle des dirigeants politiques. Au contraire, la richesse privée
est le fondement du pouvoir personnel, élargi au moyen de clientèles, de
l’achat de soutiens et de la création de réseaux privés de relations politiques
avec les pairs. La richesse privée est donc à l’origine de l’accès au pouvoir,
à travers une activité politique souvent coûteuse. En revanche, dans les
monarchies orientales, le roi exerce le pouvoir sans partage et, grâce à la
redistribution, dispose des moyens qui assurent l’enrichissement de ses
subordonnés, de telle sorte que le service au souverain est la base principale
de la fortune personnelle.
Quant à la fiscalité, elle doit être en principe compatible avec la survi-
vance de la classe de petits propriétaires qui fournit la masse des combat-
tants et dont l’adhésion est indispensable pour la survie du système. En
outre, l’absence de « grandes institutions » (temples, domaines de l’État,
etc.) susceptibles d’employer des masses de travailleurs implique que les
excédents de population sont contraints de trouver leur subsistance ailleurs
(la fondation de colonies outre-mer ou le mercenariat étant deux solutions
typiques). Par conséquent, la déconcentration du pouvoir, les difficultés
politiques pour prélever des taxes à grande échelle, l’importance des échan-
ges entre de petites entités politiques ayant de multiples systèmes de poids
et de mesures, le fait que les activités productives soient dominées par de
petits producteurs et commerçants économiquement indépendants et l’ab-
sence de « grandes institutions » de taille comparable à celles du Proche-
Orient, favorisent l’existence de formes indirectes de prélèvement fiscal. La
monnaie s’avère ici fort utile puisqu’elle transforme théoriquement tout en
richesse et permet de taxer un large éventail d’activités économiques prati-
quées à petite échelle (commerce rural et maritime, transactions urbaines
courantes, production paysanne, etc.), en dehors de grandes unités de pro-
duction et sans le besoin de développer une bureaucratie excessive. On
remarquera que l’introduction de grandes exploitations (comme les lati-
fundia) à la suite des conquêtes extérieures fut accompagnée du recours à
des formes de travail forcé, dont l’esclavage. Enfin, la multiplicité de micro-
pouvoirs souverains explique aussi probablement la préférence pour créer
la monnaie (instrument d’intervention de l’État et symbole de sa souverai-
neté) au lieu de développer un système pondéral commun.
Dans ce contexte, la monétisation des activités économiques est plus
restreinte en Égypte ou en Mésopotamie ancienne puisque la concentra-
tion du pouvoir politique dans la personne du roi et l’existence d’un réseau
Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150 149
Bilan
À la lumière des sources et des problèmes historiques analysés, on peut
conclure que la situation de l’Égypte pharaonique présente de nombreuses
similitudes avec les sociétés contemporaines du Proche-Orient à l’Âge du
Bronze et du Fer. La dépendance rurale était limitée à certaines catégories
de la population rurale contraintes de travailler à plein temps pour des
institutions ou des particuliers pour des motifs divers : endettement, puni-
tion, esclavage, insuffisance des moyens propres de subsistance, clienté-
lisme, capture au cours des campagnes militaires, etc. La condition de ces
150 Review Article / JESHO 51 (2008) 99-150