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École pratique des hautes études,

Section des sciences religieuses

I. — Religions des peuples non civilisés


Claude Lévi-Strauss

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Lévi-Strauss Claude. I. — Religions des peuples non civilisés . In: École pratique des hautes études, Section des sciences
religieuses. Annuaire 1952-1953. 1951. pp. 19-22;

https://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0002_1951_num_64_60_21099

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Il)

2° COMPTE RENDU DES CONFÉRENCES

I. RELIGION DES PEUPLES NON CIVILISES

Om-rlrur dVtiuks : AI. C la uni-; LÉVI STHAliSS,


.•tijrt'jjo de riîuiversitô, docteur es lettres

PkEMIEHK CuiNKKKKNCK : HecHKIICIIES DE M YTUOI.lUil H AUEHHïAI^K

La coniércrH'c a été entièrement consacrée- à une étude roiupara-


ti\e des différentes versions connues du mythe d émergence chez les
Indiens Pueblo occidentaux et centraux (llopi, Zuni et Acoi.ua]. Une
trentaine de versions de ce mythe ont été analysées et commentées,
avec l'espoir d'en dégager certains principes généraux.
En premier lieu, on a convenu de traiter toute formulation mythique
comme une sorte de métalangage, dont les unités constitutives seraient
des thèmes ou des wqucilres par euv-ineines privés de signification,
comme c est 1<; cas pour les phonèmes de la langue, ef ne prenant un
sens (pie |>ar leur combinaison en système.
En deuxième heu, ou a résolu par la négatne la (piestion de savoir
si, entre plusieurs versions du même ijij tlie, certaines méritent un
crédit particulier parce que plus anciennes, plus complètes ou plus
cohérentes. Le mythe a été défini comme consistant dans la somme de
toutes ses versions; comme cette somme est, par définition, toujours
incomplète, on est amené à considérer le mythe comme un ensemble
non-dénombrahle, qu'on peut seulement connaître par approximation.
Cette structure du mythe, - feuilletée » si l'on peut dire, cul injinitum ,
se reproduit au sein de chaque version, dont on peut montrer que les
épisodes en apparence successifs ne s'inscrivent pas dans un ordre
irréversible, à la manière d'événements historiques : ce sont plutôt
des reproductions d'un modèle fondamental présentées sous autant
de perspectives différentes.
Dans ces conditions, le problème de l'étude des mythes demande,
pour (jii'on le considère résolu, l'élaboration de méthodes propres
à isoler les éléments entrant dans la composition des mythes, d'une
manière plus rigoureuse et objective que ne l'ont fait jusqu'à présent
les folkloristes en découpant arbitrairement des •■ thèmes ?: en
fonction de considérations étrangères à la nature des documents utilisés.
Les considérations précédentes permettent, seinble-t-il. d élaborer
ces méthodes rigoureuses, et cela de plusieurs laçons :

i" On peut d abord analyser \\n mythe en loiicl.jnu du caractère


réversible ou irréversible des séquences qui le composent. La
détermination des transitions irréversibles, par 1 intermédiaire desquelles
sont reliées des séquences en elles-mêmes réversibles, permet d'isoler
celles-ci et de reconnaître leur individualité.

'.>," On peut ensuite appliquer au mythe les épreuves de ro


Itihji; qui, dans la glosséniatique de VI. lljelmslev,. se sii.nl, montrées si
(ennuies pour la détermination des unités constitutives de |;i langue.
Si, dans une version donnée d un mythe, une séquence \ est
accompagnée d ii r m ■ séquence |{, H si cet ensemble se retrouve sous une
lorine V B' dans une seconde version. A" B dans une troisième, etc..
on peut définir A par l'ensemble de ses relations à B, B , B', et ainsi
de suite. Plusieurs evemples ont élé donnés de < <■ procédé d'analyse.

,'i" Killiii. on souineltra le nivtlic. considère rouiii'le Un rde ijc/im-,


au découpage en (|iiel(jue sorte naturel qui ressort de I analyse du
riluel considéré connue un ni.ijllie (un. dette troisième méthode lournit
\itv.' précieuse vérilication des résultats obtenus par les deux autres.
hn appliquant ces méthodes à l'élude des mythes d'émergence
chez |,.s PiM'blo occideulaux et centraux, on espère être parvenu a
élucider plusieurs problèmes. La fonction du clown cérémonie! a été
associée ;'i toutes les démarches considérées par la pensé»1 indigène
comme anti-naturelles; au moyen d'une série de commutations
portant sur la mort et l'agriculture, l'agriculture et la chasse, la chasse
et, la guerre, et enfin la guerre et la mort, on a pu démontrer (\yw, les
clowns cérémoniels, les dieux de la guerre et les messagers divins
constituent des variantes combinatoires d'un même type» et donc
expliquer le rôle, resté jusqu'à présent, obscur, des clowns cérémoniels
dans les activités guerrières; enfin, on a décelé, dans les différentes
versions, des variations de structure offrant une grande régularité et
des caractères hautement systématiques, qui correspondent aux
conditions économiques et sociologiques dans lesquelles chaque groupe
indigène s'est développé.

Deuxième Conférence : Direction i>e thh-auy

La plus grande partie de l'année a été consacrée au commentaire et


à la discussion de deux ouvrages récents : Reality and Dream : Psycho-
therapy of a Plains Indian, par Georges Devereux (New-York, 1 g 5 1 ) ;
et Kunapipi, A Study of an Australien aboriginal Cuit, par R. M. Berndt
(Melbourne, 1951).
Mm" Eveline Falck, Chargée du Département des Peuples arctiques
au Musée de 1 Homme, a fait deux exposés suivis de discussion sur les
Esprits-Maîtres chez les populations turco-mongoles de la Sibérie.
M. Georges Balandier, Chargé de Recherches au G. N. R. S., a fait
un exposé suivi de discussion sur certaines coutumes matrimoniales
des Fang du Cameroun et du Gabon.

Nombre d'inscrits : 3 1 .

Mèves assidus : Mmes Champault, D' Guitton-Vehgara, Falok, Pal au,


de Queiroz, Roman; MM. Dillon; Faucheux, Javal, Lelong, Lerner,
Gamond, Dr Pidoux, Pairault, Thomas.

Publications du directeur d'études :

Miscellaneous notes on the Kuki {Man, vol. 5i, iq5i).


Kinship Systems of three Chittagong Hill Tribes, Pakistan {The Southwes
tern Journal of Anthropology , vol. 8, n° 1, 1962).
Le Père Noël supplicié [Les Temps Modernes, mars îgôa).
Race et Histoire, Paris, 19.59, 00 p.
J. t
La Notion d Archaïsme en Ethnologie [Cahiers Internationaux Je
Sociologie, i()5^).
Les Structures sociales (fana le Brésil central et oriental (Proceedwgs of the
\\l\th International Congress of Amevicanisls, vol. .'i, U')5"i).

II. KKLNaoNS 1)H LV CHINE ET DE LV HAUTE ASIK

Dii-c-lnir (IVhnlr^ : H. \. S II I \

étudier parallèlement les laits chinois d centre-asiatiques cl les


comparer, toi était le. hut qu'on s'est fixé en choisissant le nouveau
titre de la direction d'études. Comme la plupart des élèves ne
connaissent que l'une ou 1 autre des langues utilisées, on a organisé deux
fours distincts, qouique liés.
I. - L'enquête a porté1 sur des peuples Imguisliquement ou ethno-
logiquement apparentés, allant des ïliong-nou de l'époque llau pis-
<ju aux Mandclious du dernier siècle, en passant par les Sien-pei, les
T'o-pa, les Ouigours, l(;s R'i-tan. Ces peuples ont. pour la plupart,
vécu en symbiose avec les chinois en Chine du Nord. Les auteurs
chinois anciens ont été frappés par 1 analogie de cerlaines croyances
:- barbares v et chinoises (notamment au sujet: de la montagne sacrée
du type T'ai-chan où les Ames retournent, au moment d.e la mort). On
a examiné de près les questions du lieu-saint (montagne et cours
d'eau), foyer du premier ancêtre, et du dieu du sol (butte, mont,
arbre sacré). L'arbre, avant tout le saule, ou le bosquet sacré, est le
centre d'un lieu où se tiennent des réunions tribales ou des fêtes
saisonnières (printemps et automne , de préférence). Des courses de
chevaux le consacrent en dessinant autour de ce centre une circumambu-
lation rituelle. Les chevaux déterminent le cycle saisonnier, car les
réunions d'automne se font quand ils sont bien nourris et, de ce fait,
aptes aux expéditions militaires et aux chasses. Le destin des chevaux
est étroitement lié à celui des hommes. Les dieux du sol qui hantent

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