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GROUPE INSTITUT SUPERIEUR DE COMMERCE ET

D’ADMINISTRATION DES ENTREPRISES

N o t i o n d e l a c o n fu s i o n d e s p a t r i m o i n e s
D a n s l e c a d r e d e s p r o c é d u r e s c o l l e c t i ve s
« D i f f i c u l t é d e d é f i n i t i o n e t d é m a rc h e
pratique d’ identif ication »

MEMOIRE PRESENTE POUR L’OBTENTION DU DIPLOME


NATIONAL D’EXPERT-COMPTABLE

PAR
M. El Houcine EL HASSANI EL IDRISSI

MEMBRES DU JURY

Président : M. Issam EL MAGUIRI, Expert Comptable DPLE


Président du conseil régional du Casablanca et régions du sud.

Directeur de Recherche : M. Mohamed HDID, Expert Comptable DPLE


Président du conseil national de l’ordre national des experts
comptables.

Suffragants :
M. Abdelaziz AL MECHATT, Expert Comptable DPLE

M. Jamal KHOUMRI, Expert Comptable DPLE


Dédicaces

A ma mère et mon père qui ont beaucoup sacrifié pour la réussite de leurs
enfants.

A mes frères et sœurs et leurs enfants pour leur amour éternel.

A ma femme pour son amour intime et sa fidélité à nos principes familiaux.

A mes belles-sœurs pour leur gentillesse.

A mon beau-frère Maître SALAHDDINE MY RACHID et M. DINAR EL


HOUCINE « Expert Judiciaire » pour leur soutien irréprochable.

A mon frère M. Mohammed Belhouji pour sa générosité.

A tous mes amis, mes collègues et mes collaborateurs.


Remerciements

Grâce à « Allah » de par son aide, sa clémence et sa bienveillance que ce travail


à vu le jour ainsi je tiens à exprimer toute ma gratitude et mes remerciements à :

Mon Professeur et Directeur de Recherche, Monsieur Mohamed HDID pour


toute la disponibilité, l’attention et l’affection dont il fait preuve à mon égard.

Tous ceux qui, par leurs efforts ou par leurs conseils, ont contribué de près ou de
loin à la réalisation de ce mémoire et particulièrement :

Mes Professeurs, Monsieur Abdelaziz AL MECHATT et Monsieur Jamal


KHOUMRI qui ont eu l’amabilité de faire parties du Jury.

Monsieur Boubkar HANINE qui a contribué à la réalisation de ce travail par ses


critiques et ses observations.

Mlle Khadija EL HASSANI et Mme Marie-José RODRIGUEZ qui ont sacrifié


leurs temps pour la lecture grammaticale de ce travail.

Tous mes enseignants qui ont contribué à ma formation.


Table des matières

Introduction Générale 7

Première partie : «Confusion des patrimoines : création jurisprudentielle » 13

Introduction 14

Chapitre I : Notion de la confusion des patrimoines 17

Section I : Evolution de la notion 17


§ I : Origine de la confusion du patrimoine 19
I- Création jurisprudentielle de la confusion des patrimoines. 19
1- Régime de la succession à la personne 19
2- Régime de la succession aux biens 20
II- Fondement de la confusion des patrimoines 21
1- Assise légale de la confusion des patrimoines 21
2- Notion d’entreprise 22
3- Résistance de la pratique jurisprudentielle 23
§II : Rattachement de la notion aux théories classiques similaires 23
I. Théorie de l’abus de droit 24
1- Définition 25
2- Rattachement de la confusion des patrimoines à l’abus de droit 26
II. Théorie de l’apparence 27
1- Définition 27
2- Application de la théorie de l’apparence 28
3- Rattachement de la théorie de l’apparence à celle de la confusion des patrimoines. 29
III. Théorie de la fraude 30
1- Définition 30
2- Rattachement de la théorie de la fraude à celle de la confusion des patrimoines 31
IV. Théorie de simulation 32
1- Définition 33
2- L’action de simulation à l’égard des procédures collectives 34
3- Rattachement de la théorie de la simulation à celle de la confusion des patrimoines 36

1
Section II : Raffinement de la notion 37
§ I : Problématique de la confusion des patrimoines face aux nullités de la période suspecte et
des sanctions patrimoniales 38
I. Les nullités de la période suspecte 38
1- Régime de la période suspecte 39
2- Difficulté d’appliquer la confusion des patrimoines face aux nullités de la période
suspecte. 40
II. Sanctions patrimoniales 41
1- Régime des sanctions patrimoniales 41
2- Difficulté d’application de la confusion des patrimoines face aux sanctions
patrimoniales. 42
§II : Proposition d’une notion autonome 43
I. Rejet de critère de l’unité de l’entreprise 44
1- Interdépendance des sociétés du groupe 45
2- Choix de la jurisprudence 46
II. Vers une autonomie de la notion 47
1- Existence d’un lien commun 48
2- Originalité recherchée 48

Chapitre II : Critères et conséquences de la confusion des patrimoines 49

Section I : Critères de la confusion des patrimoines 50


§I : critères extracomptables 50
I. Associés et organes de décision 50
II. Objet et siège social 52

§ II : Critères comptables et financiers 53


I. Imbrication des comptes 53
A. De la comptabilité 53
1- Tenue d’une comptabilité fictive 54
2- Tenue d’une comptabilité manifestement incomplète et irrégulière 54
B. Confusion des comptes 55
1- En quoi consiste la confusion des comptes 55
2- Quelques cas de figure 56
II. Flux financiers anormaux 58
A. Aperçu sur la terminologie utilisée 58
2
B. Critère d’anormalité 59
1- Notion de l’anormalité 59
2- Volonté systématique 60

Section II : Conséquences de la confusion des patrimoines 62

§ I : Particularité de la procédure et de la solution 62


I. Unicité de la procédure 62
II. Unicité de la solution 64

§ II : Application de la confusion 64
1- Qui peut demander l’application de la confusion des patrimoines ? 65
2- De la date de commencement de l’expertise de la confusion des patrimoines 65
3- Quel est le délai de la prescription ? 65

Conclusion 67

Deuxième partie: « Démarche pratique d’identification de la confusion des patrimoines 68

Introduction 69

Chapitre I : Préparation et organisation de la mission 70


Section I : préparation de la mission 70
§1. Particularité de la mission 70
I. Nature de la mission 72
A- Mission d’auxiliaire de la justice 72
1- Technicité de la mission 73
2- Caractère informationnel de l’expertise judicaire 73
B- Fondement légal 73
1- Dispositions générales 74
2- Essai de rapprochement 75
II. Objectifs de la mission 76
A- Expertise de la confusion des comptes 79
1- Importance significative des données 82
2- Collecte d’éléments probants 85
B- Expertise des relations financières contractuelles 86
1- Extraire des relations contractuelles significatives 86
3
2- Apprécier l’anormalité des relations contractuelles. 87

§ II : Désignation de l’expert judiciaire et son acceptation. 90


I. Décision de nomination de l’expert judiciaire 91
A- Conditions de nomination de l’expert judiciaire 91
1- Inscription au tableau des experts judiciaires : 91
2- Nationalité de l’expert judicaire : 91
3- Prêter serment 91
4- Disponibilité de l’expert 92
5- Liens de parenté ou alliance avec l’une des parties 92
B- Responsabilité de l’expert judicaire 93
1- Responsabilité civile 93
2- Responsabilité pénale 94
3- Responsabilité administrative 94

II. Acceptation de la mission par l’expert judicaire 95


A- Disponibilité de l’expert judiciaire 95
1- Délai d’acceptation de la mission 95
2- Exécution personnelle de la mission 95
3- Respect de délais impartis 96
4- Règles d’indépendance et d’incompatibilité 96
5- Examen de la compétence 97
B- Problématique des honoraires 97

Section II : Organisation de la mission 98


§ I : Prise de connaissance générale 99
I. Exploitation des documents 100
A- Informations recherchées 100
B- Exploitation préliminaire 102
II. Investigations et constatations de l’expert judiciaire 103
A- Utilité des investigations et des constatations 104
B- Risques d’expertise 106
1- Risque de non détection 106
2- Risque environnemental 106
§ II : Matérialisation de la mission 107

4
I. Dossier et plan du travail 107
A- Dossier de travail 108
B- Plan de travail 109
1- Plan de mission 109
2- Programme de travail 110
II. Relations juge - expert judiciaire 112
A- Contrôle de la réalité 112
B- Influences réciproques de l’expert et du juge 113

Chapitre II : Elaboration de la démarche 114


Section I : Examen des comptes des entreprises sujettes à la confusion des patrimoines 115
§1 : Vérification de l’imbrication des comptes 116
I. Techniques usuelles 116
1- Tests de cohérence 117
2- Tests de validation 117
II. Particularité de la «Comptabilité simplifiée » 119
III. Objectifs du contrôle de l’imbrication des comptes 120
§2 : Vérification des flux financiers 120
I. Lien de dépendance 121
1- Notion de lien de dépendance 121
2- Identification de liens de dépendance 122
a- Liens directs de dépendance 122
b- Liens indirects de dépendance 123
c- Particularité de la confusion des patrimoines 123
II. Appréciation de l’anormalité des flux financiers 124
1- Justification juridique de flux financiers 125
2- Justification économique du flux patrimonial 125
3- Quelques précisions 126
III. Problématique de la cessation de paiement et de transfert indirect de bénéfices 127
Section II : Examen physique de la confusion des patrimoines 127
§1 : Enquêtes sur les mouvements du personnel 128
§2 : Vérification de l’utilisation croisée d’éléments d’actifs. 130
I. Constatation 130
II. Eléments de contrôle 131

5
Section III : Synthèse de la mission et rapport d’expertise 132
§1 : Note de synthèse 132
I. Objectif de la note de synthèse 132
II. Le contenu de la note de synthèse 133
§2 : Rapport d’expertise 133
I. Contenu du rapport d’expertise 133
II. Communication du rapport 135

Conclusion de la deuxième partie 136

Conclusion générale 138

6
Introduction Générale

Un des objectifs de la mise en application de la loi 15-95 formant le code de commerce, ayant
pour intérêt général la protection de l’économie nationale, est la sauvegarde de l’entreprise et des
droits de ses créanciers. Raison pour laquelle le législateur lui a consacré toute une partie, à
savoir le « livre 5 » ; intitulé : « traitement des difficultés des entreprises ».

Ce droit de procédures collectives est considéré par certains juristes comme « une bouée de
sauvetage » 1 pour les entreprises arrivant au stade de cessation de paiement, puisqu’il est inutile
de laisser disparaître l’entreprise en difficulté, sous prétexte qu’elle ne peut pas gérer une crise
conjoncturelle, manifestée par la difficulté de régler ses dettes, notamment, celles à court terme.

Cependant, le traitement judiciaire de l’entreprise en difficulté produit des conséquences lourdes,


ainsi on peut noter que :
 Les partenaires de l’entreprise, non titulaires d’une sûreté, doivent adresser une déclaration de
leurs créances dans un délai de deux mois à compter de la publication du jugement
d’ouverture au Bulletin officiel. Toutefois, il est constaté que la plupart d’entre eux ne suivent
pas l’actualité publiée dans ledit bulletin. Ceci entraîne un défaut de déclaration ou une
déclaration hors délai, occasionnant une perte de leurs créances. IL en est de même pour
l’administration fiscale où le législateur a instauré une disposition légale, obligeant le
contribuable à souscrire une déclaration d’ouverture de la procédure de redressement ou de
liquidation auprès du service d’assiette du lieu de son imposition2 .

 les dirigeants de l’entreprise en difficulté peuvent être sanctionnés, pour la réalisation de


certains actes de gestion, considérés comme anormaux par le tribunal.

 Certains actes réalisés par les associés, les dirigeants ou les entreprises sœurs, mères ou
filiales de l’entreprise en difficulté peuvent provoquer une confusion de leurs patrimoines.

Ce souci justifie la raison pour laquelle l’application des procédures collectives est confiée à deux
magistrats :
 Le juriste, qu’il soit juge ou avocat, pour veiller au bon déroulement de la procédure.

1
Mohamed Aissam Chaoui , « La confusion des patrimoines et la confusion des sociétés au regard du droit des
entreprises en difficulté »In ‫ = ا ا ن ا ل واوت‬Revue marocaine de droit des affaires et des
entreprises [REMADAE] . - N. 9 (2005) . - p. 11-22
2
Voir dans ce sens l’article 150-III du code général des impôts.
7
 L’économiste, en tant que syndic pour le bon fonctionnement de l’entreprise en difficulté ou
en tant qu’expert judiciaire pour des missions spéciales, telle que l’expertise des relations
contractuelles de l’entreprise avec ses partenaires.

Ce partage favorise une complémentarité et une interdépendance des deux intervenants pour la
mise en place de solutions jurisprudentielles dont la confusion des patrimoines, objet du présent
mémoire.
En effet la confusion des patrimoines est un concept juridique, par contre ses caractères
déterminant sont purement comptables et financiers, nécessitant l’intervention d’un
professionnel.

De même, il est de droit de poser les questions suivantes :


 Est-il logique de laisser disparaître l’entreprise en difficulté et d’aggraver la situation
financière de ses partenaires, alors que son patrimoine est vidé par certaines manœuvres de
ses décideurs ?
 Comment peut on sauvegarder une entreprise en difficulté3 en privant une autre personne de
son patrimoine personnel ?
 Est-il logique, en détriment des droits des créanciers de l’entreprise saine, de réunir le
patrimoine de celle-ci, avec celui de l’entreprise en difficulté ?

Il est donc indispensable de normaliser la signification de la notion de la confusion des


patrimoines, de cerner ses critères, d’élaborer une démarche pratique d’identification de ce
mécanisme, dans le but garantir les droits des uns et des autres.

1- Intérêt du sujet

Le mécanisme de la confusion des patrimoines est l’un des meilleurs exemples du pouvoir
créateur de la jurisprudence. Cette création intellectuelle fournit au juge un précieux instrument
capable de corriger les effets indésirables d’une application mécanique de la règle de droit.

Notre travail consiste à :


 Définir et à normaliser la notion de la confusion des patrimoines dans le but de préciser son
champ d’application par rapport à d’autres théories de droit commun, aux nullités de la

3
« Le sauvetage peut s'accompagner de fermetures partielles, de cessions de branches d'activité, voire d'adjonctions
et de regroupements cohérents d'unités de production disparates » JurisClasseur Procédures collectives > Fasc.
2150, Note 29,
8
période suspecte et aux sanctions patrimoniales prescrites dans le livre « 5 » du code de
commerce ;
 Cerner les critères de la confusion des patrimoines.
 Clarifier le caractère de la mission de l’expertise de la confusion des patrimoines, et de
présenter les qualifications de l’expert judiciaire ;
 Proposer une démarche pratique d’identification de ladite confusion.

2- Problématique

L’absence d’une définition légale, normalisée ou largement admise de la notion de la confusion


des patrimoines représentent la difficulté majeure de cette théorie. Ainsi les définitions
appréhendées sont issues de la doctrine juridique et de la jurisprudence ce qui dénote l’absence de
l’économiste, de l’expert-comptable, du financier et même de l’expert judiciaire dans ce débat.
Cependant, l’interdépendance des critères économiques et juridiques pour la caractérisation de la
terminologie de la confusion des patrimoines, nécessite l’intervention des spécialistes de chaque
discipline.

En plus, la séparation du patrimoine est une règle générale de droit commun, ainsi pour déroger à
cette règle, il est nécessaire d’identifier, avec rigueur, l’existence de la confusion des patrimoines.
Cependant, le recours à ce mécanisme est nettement compliqué, puisqu’il nécessite une attention
très particulière, ainsi :

 La notion de la confusion des patrimoines souffre d’un certain manque de précision, puisque
l’expression elle-même de « la confusion des patrimoines » n’aide en rien la compréhension
du concept juridique.

Le mot « patrimoine » peut avoir plusieurs significations. Il peut se définir comme l’aptitude
de toute personne à acquérir des droits et des obligations : chaque personne à son patrimoine,
chaque patrimoine est lié à son titulaire unique. Il se définit aussi sous l’angle de son contenu,
comme l’ensemble des actifs et des passifs attachés à une personne à un moment donné. C’est
pourquoi certains juges provoquent l’unicité de l’entreprise ou de la personne pour conclure
la confusion des patrimoines.

9
La compréhension du terme « confusion » mérite aussi une certaine réflexion, elle a plusieurs
sens :
- Elle peut être un état de ce qui manque d’ordre et n’est pas clairement distingué,
synonyme de « désordre ou de trouble » ;
- Elle reflète une situation embrouillée où chacun s’agite en tous sens ;
- Elle peut être une erreur consistant à se méprendre sur l’identité de quelque chose ou
de quelqu’un, synonyme aussi de « méprise » et de « se tromper »4 ;
- Elle peut être volontaire, il s’agit d’unir différentes choses afin d’effacer les
distinctions, comme elle peut être subie, dans ce cas, il s’agit de mélanger au point de
ne plus être capable de distinguer5.

 La difficulté de la détermination d’un concept juridique général de la confusion des


patrimoines, réside aussi dans la pluralité de son utilisation.
Ainsi, la confusion peut être un moyen d’extinction des obligations6, comme elle peut être
assimilé à la fusion, dans ce sens, « lorsque les qualités de créancier et de débiteur d’une
même obligation se réunissent dans la même personne, il se produit une confusion de droits
qui fait cesser le rapport de créancier et débiteur7 ». Par contre, dans le cadre de la théorie de
l’apparence, il peut s’agir d’une erreur.

La confusion des patrimoines est une expression qui n’est pas réservée exclusivement au droit de
procédures collectives, par contre, nous essayons de l’encadrer dans le cadre de dudit droit.
D’ailleurs, compte tenu de son origine jurisprudentielle, son encadrement ne peut s’élaborer qu’à
travers l’observation, l’analyse et l’appréciation des pratiques qui ont marqué le recours à ce
mécanisme.

De ce qui précède, il est utile de répondre à ces questions :


 Peut on avoir une signification aussi claire que possible de la confusion des patrimoines ou
faut il rattacher cette théorie aux théories classiques ?
 Est-il suffisant pour un expert judiciaire, pour l’identification du mécanisme sans aucune
ambiguïté, de se limiter à comprendre la signification de la notion la confusion des
patrimoines ou est-il indispensable de cerner ses caractères ?

4
Dictionnaire encarta
5
Florence Reille, La notion de la confusion des patrimoines, cause d’extension des procédures collectives, LITEC
12/2006.
6
Code des obligations et contrats, article 319
7
Le même code, article 369
10
 La gravité des conséquences issues de l’application de la confusion des patrimoines est un
souci majeur pour l’application souhaitée de la justice, l’exemple suivant peut être
convainquant :
 Comment admettre qu’une personne indépendante supporte des dettes de l’entreprise en
redressement judiciaire, par la mise en commun de leurs patrimoines, sans aucun fondement
juridique ou sur des bases aléatoires ? La personne dont l’extension lui a été étendue n’a plus
de pouvoir décisionnel ni de jouissance sur ses propres biens, le tribunal peut ordonner une
cession partielle ou totale afin de faire face aux dettes de l’entreprise en redressement.

 Les travaux de l’expert comptable de l’entreprise ou de son commissaire aux comptes, le cas
échéant, suffisent-ils à écarter la confusion des patrimoines ? De plus, les rapports de ces
professionnels, notamment celui du commissaire aux comptes, lorsqu’il certifie, sans réserve,
que la comptabilité représente l’image fidèle de la situation patrimoniale de l’entreprise,
permettent-ils au juge de conclure de l’inexistence de la confusion des patrimoines sans
recours à une expertise judiciaire spéciale ?

Devant ces divers soucis, il est indispensable :


 D’admettre une signification aussi claire et suffisante que possible à la notion de la confusion
des patrimoines, puisqu’un nombre déjà important de mesures se dispute l’application propre.
 De cerner les caractères qui reflètent sans aucune ambiguïté la réalité de la confusion des
patrimoines.
 D’élaborer une démarche pratique au service du professionnel, lui permettant d’orienter ses
travaux vers la recherche des éléments probants liés directement à sa mission d’expertise.

En marge, nous avons constaté que pour une même affaire, la procédure initialement ouverte
contre une entreprise a été étendu à une autre entreprise, jugée par le tribunal de commerce
comme étant fictive, alors que la cour d’appel l’a jugé réelle, cependant la cour a constaté la
confusion des patrimoines des deux entreprises.

Et dans un cas extrême en France, le juge de fonds a prononcé l’existence de la confusion des
patrimoines entre deux personnes n’ayant aucune relation contractuelle, précisément financière,
pour étendre la procédure collective.

11
Il est donc essentiel de décortiquer la définition doctrinale suivante :
« Lorsqu’on est en présence de deux ou plusieurs personnes morales ou physiques qui, tout en
étant des sujets de droit autonomes et indépendants ayant des patrimoines distincts, les ont
confondus, des éléments de l’un se retrouvant dans l’autre et réciproquement, il est normal que
la liquidation des biens de l’une des personnes soit étendue à l’autre et qu’il n’y ait qu’une masse
commune en raison de l’imbrication née de cette confusion »8

Enfin, il nous paraît important de souligner que ce travail ne prétend pas être exhaustif ni
répondre à tous les problèmes soulevés par la confusion des patrimoines du fait de la diversité des
situations d’une part et de leur évolution dans le temps d’autre part.

D’ailleurs, du fait de la multiplicité et de la complexité de la notion de la confusion des


patrimoines, les remarques données par les membres de jury, au moment de la validation de la
notice et suite aux recommandations de notre encadrant, la problématique réside essentiellement
dans la difficulté de proposer une définition normalisée de la notion de la confusion des
patrimoines et de cerner ses caractères, de plus son identification réside de ces paramètres, il
paraît donc indispensable de modifier le titre de ce mémoire comme suit :

Notion de la confusion des patrimoines dans le cadre des procédures collectives.


« Difficulté de définition et démarche pratique d’identification »

De son coté, le plan a connu une légère modification pour satisfaire à cette problématique.
Ainsi, nous essayons de présenter dans la première partie la création jurisprudentielle de la
confusion des patrimoines, laquelle partie sera subdivisée en deux chapitres, le premier se
focalise sur la problématique de la notion de la confusion des patrimoines, le deuxième consiste à
cerner les critères de la confusion des patrimoines et présente en outre les conséquences issues
d’une telle confusion.

La deuxième partie est concentrée sur l’élaboration de la démarche, elle-même répartie en deux
chapitres, le premier aborde les préparations de la démarche, il tente de présenter la particularité
de la mission, l’identification de la personne qui peut réaliser cette mission et ses responsabilités
et l’organisation de la mission. Le deuxième chapitre essaie de proposer la démarche pratique
d’identification de la confusion des patrimoines.

8
Florence Reille, Notion de la Confusion des Patrimoines, cause d’extension des procédures collectives, édition :
Litec, 12/2006, pages 21-22.
12
Première partie : «Confusion des patrimoines : création jurisprudentielle »

13
Introduction

Depuis des années, la jurisprudence a apporté des réponses riches à de nombreuses questions
fondamentales, telles que l’utilisation abusive du droit, la théorie de l’apparence, la théorie de
l’unicité du patrimoine…..

A travers ces créations, les idées divergent soit au stade de la constitution d’une telle théorie,
soit lors de son utilisation. Ce débat permet d’enrichir la notion et de dépasser ce mécanisme
vers d’autres plus appropriés aux circonstances nouvelles.

En effet, « un système juridique statique est, par son essence même, mauvais. Il pourra se
maintenir pendant un certain temps, mais un moment viendra où il ne sera plus possible d’en
assurer le respect. Devenu désuet et archaïque, il ne sera plus compris. Ce n’est pas L’homme
qui doit se plier au droit, mais le droit qui doit tenir compte des besoins de l’homme »9.

Ainsi, devant la multiplicité et la complicité des contentieux que doivent gérer les tribunaux,
le juge se trouve dans l’obligation de créer des mécanismes lui permettant de prononcer les
verdicts dans le respect de la justice mais qui soient aussi admis par sa communauté. C’est
ainsi que la création d’une notion va certainement se perfectionner jusqu’à son raffinement.
Le recours aussi à la doctrine pour l’élaboration de la terminologie d’une institution juridique
est très attrayant.

La théorie de la confusion des patrimoines a suivi cette logique : créer une notion, l’enrichir à
travers les réflexions des juristes, puis préciser son domaine d’application.

9
SPETH, la diversité du patrimoine d’une personne, paris, LGDI,N°4 page 3-4.
14
Figure1 :

Création d’un mécanisme


Observations et Critiques

Apparition de circonstances Enrichissement et


nouvelles raffinement

Par ailleurs, l’intervention de ces deux courants du droit, à savoir, la jurisprudence et la


doctrine, enrichit la notion en lui offrant autonomie, originalité ainsi qu’une nette précision de
son champ d’application.

Cependant, la création de la théorie de la confusion des patrimoines est nettement dérogatoire


puisqu’elle désobéit à certains principes de droit tels que : le principe de la séparation de
patrimoines, le principe de propriété individuelle, l’autonomie de décision financière sur le
patrimoine de la personne…

De cette dérogation découle la problématique suivante :

 Est-il logique de briser les frontières -juridiques- de deux patrimoines distincts et


indépendants en les regroupant pour étendre la procédure de traitement des
difficultés à une autre personne - physique ou morale- elle-même autonome et
indépendante ? Ceci, alors que la première personne en difficulté n’a pas commis des
actes « illégaux » ouvrant droit à sa sanction patrimoniale ?

Nous essayerons dans cette première partie de répondre à cette question à travers la
proposition d’une définition appropriée à la confusion des patrimoines. Pour cela, nous
mettons en exergue ses critères, sur la base des décisions jurisprudentielles et des réflexions
doctrinales. Cette procédure nous amènera par la suite à étudier les conséquences de
l’application d’une telle théorie.

15
Le premier chapitre offre une réflexion sur la notion. Il est développé comme suit :
 Première section : Evolution de la notion de la confusion des patrimoines. Comme point
de départ, nous exposons la création jurisprudentielle qui est investie par la suite d’un
fondement légal. Cela fera l’objet du premier paragraphe. Le deuxième paragraphe
essaiera de distinguer la théorie de la confusion des patrimoines par rapport aux théories
classiques similaires.
 Deuxième section : Raffinement de la notion, par la mise en comparaison de la confusion
des patrimoines avec les institutions concurrentes, exposées au premier paragraphe, afin
de proposer une notion autonome au deuxième paragraphe.

Le deuxième chapitre propose les critères admis par la jurisprudence et les conséquences de
l’application de la confusion des patrimoines en distinguant les critères qui peuvent avoir un
impact sur la confusion des patrimoines de ceux qui lui sont propres comme suit :

 Première section : Critères de la confusion des patrimoines. Dans celle-ci nous tenterons
de normaliser et de cerner les critères de ce mécanisme.
Le premier paragraphe débattra des critères extracomptables. Le deuxième paragraphe
traitera les critères comptables et financiers.

 Deuxième section : Conséquences de la confusion des patrimoines. Le premier paragraphe


met en lumière la particularité de la procédure et de la solution par la mise en exergue de la
divergence remarquable entre les jurisprudences marocaine et française pour l’extension.
Le deuxième paragraphe est réservé à l’application de la confusion des patrimoines. Nous
recenserons certaines difficultés d’application et la contribution de l’expert judicaire.

16
Chapitre I : Notion de la confusion des patrimoines

Pour le droit des procédures collectives, la notion de la confusion des patrimoines est
délicate à définir parce qu’il apparaît déjà difficile de cerner son origine, certains
l’assimilent à la fictivité de la personne morale, pour d’autres c’est l’exploitation
commun par plusieurs personnes physiques, pour d’autres encore, la confusion des
patrimoines trouve son origine dans l’arsenal juridique élaboré pour luter contre les
abus des dirigeants.

En effet, l’absence d’une définition légale, la dérogation de mécanisme, le champ de


son application, s’ajoutent à la difficulté liée à la normalisation de sa notion.
Certes, la théorie de la confusion des patrimoines a connu une évolution remarquable,
d’abord au niveau de son application, ensuite, par son indépendance vis-à-vis des
autres théories similaires et concurrentes. Ce qui offre à la théorie son originalité
comme moyen autonome de l’extension de la procédure collective.

C’est pourquoi, nous allons commencer notre réflexion par l’étude de l’évolution de la
notion à la première section, en examinant son origine et son rattachement, ou non,
aux théories classiques similaires. La cristallisation de la confusion des patrimoines se
poursuivra, en deuxième section, par un essai de raffinement de cette notion, et ce, sur
la base de sa comparaison aux mécanismes concurrents visés par le code de commerce,
pour atteindre l’objectif attendu, à savoir la proposition d’une notion autonome.

Section I : Evolution de la notion

Tout d’abord, rappelons que la jurisprudence marocaine n’a commencé à utiliser la théorie de
la confusion des patrimoines dans le cadre des procédures collectives qu’au cours de ces
dernières années.
Le recours prudent des tribunaux est justifié par son caractère dérogatoire et « la gravité de
ses conséquences, (….). En effet, la confusion des patrimoines est une notion exigeante qui ne
se satisfait pas de simples apparences ou d'une simple communauté d'intérêts » 10 .

10
JurisClasseur Sociétés Traité > Fasc. 41-10 « REDRESSEMENT ET LIQUIDATION
JUDICIAIRES DES ENTREPRISES» Note 78, cote 01/2007

17
Nous avons aussi constaté, durant la préparation de ce travail, la rareté des études des juristes
marocains consacrées à ce sujet. Ils se limitent, souvent, à quelques articles. Même constat
pour les verdicts. Face à cette situation, notre étude sera basée en grande partie sur la
jurisprudence et la doctrine française, pour l’élaboration de cette partie.

En sciences humaines et même exactes, toute création d’une théorie est suivie de débats
entraînant son enrichissement ou parfois sa démolition.
Heureusement, d’une année à l’autre, la théorie de la confusion des patrimoines connaît une
évolution importante et favorable.

Ainsi, dans le cadre des procédures collectives, le recours à cette théorie est favorisé par le
tissu économique et la mentalité de certains dirigeants- de fait ou de droit- des entreprises,
dans le sens où ils utilisent les patrimoines de leurs entreprises comme les leurs.

D’où la richesse des recherches, dans ce domaine, réalisées dans leur majorité absolue par les
juristes, praticiens ou académiciens. C’est pourquoi nous constatons, à travers l’étude de
certaines juridictions, une grande immixtion de la cour de cassation française suite au contrôle
qu’elle exerce sur les juges de fonds. Ces interventions de la cour de cassation ont permis la
cristallisation de la notion et de ses critères, par rapport aux autres institutions similaires ou
concurrents d’extension de la procédure collective telle que l’existence d’une société jugée
fictive. Ces interventions offrent à la notion une autonomie et une originalité qui sera
développée par la suite.

Face à cette réflexion juridique riche, nous avons constaté, la rareté des études économiques,
notamment comptables et financières qui doivent normalement représenter une part
importante des études consacrées à la théorie de la confusion des patrimoines. Et cela pour
des raisons que le lecteur de ce mémoire découvrira tout au long de cet ouvrage.

Cette section sera étudiée, selon la logique normale de toute évolution. Ainsi le premier
paragraphe sera réservé à l’origine de la confusion des patrimoines, à travers la création
jurisprudentielle de la notion et son fondement légal. Le deuxième paragraphe sera consacré
à l’analyse du rattachement de la notion aux théories classiques similaires, à savoir, la
théorie de l’abus de droit, celle de l’apparence, de la fraude et celle de la simulation.

18
§ I : Origine de la confusion du patrimoine

La confusion des patrimoines est une création prétorienne11 comme la plupart des autres
institutions d’origines jurisprudentielles élaborées pour combler le vide juridique qui heurtent
l’équité12.

Ainsi, selon Mr Tricot ancien président de la chambre commerciale de la cour de cassation :


« La confusion des patrimoines est une construction juridique essentiellement d'origine
jurisprudentielle »13.

En outre, la confusion des patrimoines trouve son fondement à travers la loi et son origine à
travers la jurisprudence.

I- Création jurisprudentielle de la confusion des patrimoines.

Au départ la confusion des patrimoines est utilisée dans le cadre du droit civil, à travers le
système de la succession du défunt.
Il est noté, qu’il y a deux courants principaux de la succession :
 succession à la personne ;
 succession aux biens.

1- Régime de la succession à la personne

Ce régime est d’origine romaine, et considère que « les héritiers du défunt sont réputés
continuer juridiquement sa personne, et c'est à ce titre qu'ils recueillent son patrimoine qui est
l'émanation et le prolongement de sa personnalité sur le terrain patrimonial »14.

11
Yves Lassard, introduction à l’histoire du droit prétorien, édition 10/2009, selon cet auteur
en abordant le rôle de la jurisprudence : « L'originalité du système judiciaire tient à l'existence
d'une classe de jurisconsultes (jurisconsulti, periti, prudentes) dont les membres, investis
d'une autorité officielle, eurent à Rome une très haute situation sociale, morale et juridique ;
la doctrine et les consultations de ces jurisconsultes forment une source directe de droit.
Par l'aide qu'ils apportèrent aux particuliers, aux magistrats, aux juges et aux avocats, ils
contribuèrent à la formation du droit et facilitèrent sa mise en oeuvre. Plusieurs de ces
juristes passèrent à la postérité. »
12
F.R, NCP, Page N° 5 note N° 2
13
JurisClasseur Commercial : Fasc. 1715 N°25
14
JurisClasseur Civil Code > Art. 870 à 877 fasc20 Note 8: « - Dans le système de la succession à
la personne, dont les origines sont romaines, les héritiers du défunt sont réputés continuer juridiquement sa
personne, et c'est à ce titre qu'ils recueillent son patrimoine qui est l'émanation et le prolongement de sa

19
Ce patrimoine se trouve fusionné avec celui de l’héritier -dans le cas où il accepte l’héritage -
et ne constitue qu’un seul patrimoine, du fait de son unicité. L’héritier, en bénéficiant de
l’actif de défunt, doit faire face à son passif.

Ce principe d’universalité du patrimoine offre au patrimoine la qualité d’un contenant et non


un simple contenu15. C’est une « enveloppe » qui se distingue des éléments qu’elle contient et
qui peuvent disparaître d’un jour à l’autre, alors que cette -enveloppe- est unique, elle est liée
à une et unique personne. Elle disparaît avec la mort de celle-ci, d’où son universalité
juridique.

2- Régime de la succession aux biens

Ce courant est d’origine germanique :« l'héritier recueille un patrimoine détaché, par le fait
du décès, de la personne du « cujus » et qui n'est appelé à se fondre dans le sien propre
qu'après liquidation du passif »16. Dans ce sens, seul l’actif net du défunt répond aux dettes de
celui-ci. C’est donc le résultat positif qui revient à l’héritier.

Sachant, que le système juridique marocain s’est globalement inspiré du régime Français, lui-
même basé sur le régime romain, manifestement exprimé par les deux Charles « Aubry » et
« Rau » dans leur ouvrage intitulé « Droit civil Français » qui ont développé ce qu’on appelle
aujourd’hui, la théorie classique du patrimoine. Notre recherche s’inspire, en majorité, du
droit français.

Ce choix s’explique aussi par l’inspiration des juges et des juristes marocains respectivement
dans leurs décisions et leurs travaux de la doctrine et la jurisprudence française dans l’espoir
de revenir un jour aux jurisconsultes musulmans dont la réflexion est très riche17.

personnalité sur le terrain patrimonial. Du fait de l'unicité du patrimoine que postule la théorie personnaliste, il
y a alors fusion tant active que passive de la succession et du patrimoine de l'héritier : les biens dont il hérite
répondent comme les siens propres de ses dettes personnelles et, réciproquement, les dettes successorales
grèvent ses biens personnels au même titre que les biens héréditaires. Parce que, de son vivant, le de cujus était
tenu de ses dettes sans limitation (C. civ., art. 2092), les héritiers qui lui succèdent en répondent, à sa mort,
indéfiniment. Autrement dit, la confusion des patrimoines qu'implique le principe de la succession à la personne
emporte obligation indéfinie de l'héritier au paiement des dettes successorales : il est obligé ultra vires
hereditatis. »
15
JurisClasseur Civil Code > Art. 2284 et 2285 > Fasc. unique
16
JurisClasseur Civil Code > Art. 870 à 877 > Fasc. 20
17
Voir dans ce sens, Dr Ahmed Mohamed Khouli « théorie du patrimoine en droit musulman et le droit
objectif » en arabe, DAR ASSALAM 2003 EGYPTE ;

20
La confusion des patrimoines apparaît dans le sens où elle « emporte obligation indéfinie de
l'héritier au paiement des dettes successorales »18.

D’ailleurs, entre les particuliers dans le cas d’escroquerie ou d’une simulation d’une partie au
contrat, le juge ramène le patrimoine évadé au patrimoine global en fusionnant les deux.
La naissance de cette théorie est suivie d’une construction jurisprudentielle remarquable,
surtout qu’elle est fortement exploitée dans le cadre des procédures collectives, et elle est
destinée le plus souvent dans l'intérêt des créanciers, à étendre une procédure initialement
ouverte à l'encontre d'une seule personne19.

D’ailleurs, l’origine jurisprudentielle de la confusion des patrimoines ne pose pas de souci


dans le sens où elle trouve son fondement dans la loi. Ce qui lui offre une base solide.

II- Fondement de la confusion des patrimoines

Le législateur a instauré dans le livre 5 du code de commerce deux grandes catégories qui
permettent l’extension de la procédure, à savoir :
 La confusion des patrimoines implicitement indiquée dans l’article 570 ;
 Les faits graves énumérés cas par cas dans l’article 706.

Ce qui nous concerne ici, c’est le fondement de la confusion des patrimoines, en présentant sa
base légale, qui nous introduira à dévoiler la notion de l’entreprise. Les autres faits qui sont
énuméré à l’article 706 feront l’objet d’étude, lors du traitement des mécanismes concurrents
à la confusion.

1- Assise légale de la confusion des patrimoines

La confusion des patrimoines, se trouve investie d’un fondement légal, sur la base des
dispositions de l’article 570 du code de commerce qui précise que « s’il se révèle que la
procédure doit être étendue à une ou plusieurs autres entreprises par suite d’une confusion de
leurs patrimoines, le tribunal initialement saisi reste compétent ».

Cet article provoque les points suivants :


• La territorialité ou la compétence du tribunal.
18
JurisClasseur Civil Code > Art. 870 à 877 > Fasc. 20 Note 8
19
JurisClasseur Commercial > Fasc. 2203 note 145

21
• La citation implicite de la confusion des patrimoines comme moyen d’extension de la
procédure ;
• A qui la procédure peut s’étendre suite à la confusion des patrimoines ?

Concernant le premier point, l’article déroge au principe de la territorialité, disposant que


c’est le tribunal initial qui est compétant, et non celui dont dépend le siège social de
l’entreprise sujette de la confusion des patrimoines.

Le deuxième point renforce l’action jurisprudentielle permettant le recours au mécanisme de


la confusion des patrimoines pour l’extension de la procédure, puisque la confusion des
patrimoines n’est mentionnée qu’implicitement.

Pour le troisième point, l’article mentionne que l’extension suite à la confusion des
patrimoines doit toucher uniquement les autres entreprises. Ceci exclue-t-il l’extension de
la procédure sur la base de la confusion des patrimoines aux particuliers et autres entités ou
personnes physiques ou morales de droit public ou privé autres que les entreprises ?

Il est donc important de clarifier la notion de l’entreprise.

2- Notion d’entreprise

L’entreprise ne fait l’objet d’aucune définition légale. Mais, elle trouve sa source
essentiellement dans les domaines économiques et financiers.
Ainsi, l’entreprise comprend «toute entité exerçant une activité économique, indépendamment
de son statut juridique et de son mode de fonctionnement. Aussi, toute activité consistant à
offrir des biens ou des services sur un marché donné est économique »20.

Pour l'économiste, l’entreprise est une unité de décision regroupant des moyens matériels,
financiers et humains dans le but de produire des biens et des services afin de générer un
profit.
La première définition est plus large, mais elle engendre le besoin de préciser la notion de
l’activité économique.

En effet, l'activité économique consiste "à produire, distribuer ou commercialiser à ses risques
un bien ou un service »21. Pour d’autres, l’activité économique est toute activité "de

20
JurisClasseur procédures collectives> fasc.2225 Note N° 12.

22
production, de transformation ou de distribution de biens meubles ou immeubles et toute
prestation de services en matière industrielle, commerciale, artisanale et agricole"22 .
En revanche, l’entreprise regroupe le capital humain, monétaire et matériel permettant la
réalisation d’une activité économique pour les besoins d’un marché.

Face à ce constat, le domaine d’extension de la procédure sur la base de la confusion des


patrimoines se trouve limité aux organismes qui réalisent une activité économique aux
besoins d’un marché. C’est le cas des coopératives, associations, établissements artisanaux,
sociétés, personnes physiques…, ayant leurs débouchés sur un marché. En fait ce sont ces
critères qui qualifient ces établissements d’entreprises. Qu’en est-il des personnes qui ne
réalisent pas d’activité économique?

3- Résistance de la pratique jurisprudentielle

Malgré que la loi provoque la territorialité en premier lieu, et que la pratique de la confusion
n’est qu’implicite, la théorie de la confusion des patrimoines est fortement invoquée par la
jurisprudence française. Ainsi, le juge se base sur un fondement légal pour consolider une
pratique ancienne.

La confusion des patrimoines est créée au départ pour les besoins de la succession à la
personne issue du droit prétorien, repris par le droit civil français. Vers la fin du 20ème siècle,
la confusion devient un des éléments privilégiés d’extension de la procédure collective aux
entreprises ayant confondu leurs patrimoines.

Cependant privilégier un mécanisme par rapport à l’autre doit résulter d’un raisonnement
rationnel et concrètement argumenté, c’est pourquoi il est utile d’examiner et de statuer la
confusion des patrimoines par rapport aux théories similaires et aux institutions concurrents.

§II : Rattachement de la notion aux théories classiques similaires

L’objectif suprême du droit est d’instaurer et de protéger la bonne foi et l’intérêt général des
contractants. Dans ce sens, la règle de droit a pour but de : « protéger la finalité des normes

21
JurisClasseur Procédures collectives > Fasc. 3160 : note N°108,
22
JurisClasseur Procédures collectives > Fasc. 3160 note 107 définition octroyé par le ministère de la justice
française

23
juridiques23», contre les préjudices causés par les malveillants. Aussi la jurisprudence
dépasse-t-elle la limitation de la loi au profit des règles et des principes généraux du droit et
« forge les instruments nécessaires à cette protection24 ». A ce titre, elle instaure des théories
de genre, de l’abus de droit, de la fraude, de l’apparence et de la simulation….

Ces théories sont similaires à celle de la confusion des patrimoines, puisqu’elles permettent
toutes le retour plus ou moins à la situation initiale, mais elles différent radicalement de celle-
ci. C’est ce qu’on va découvrir dans les lignes qui suivent.

I. Théorie de l’abus de droit

En littérature, le mot « abus » se définit comme un usage excessif (d’une chose)25. Cette
pratique excessive peut engendrer des préjudices à la personne elle-même ou à son entourage.
Il est noté, que la théorie de l’abus de droit est difficilement applicable par la jurisprudence
marocaine, cependant il trouve sont fondement à travers la doctrine MALIKITE notamment, à
travers les travaux de IMAME ACHATIBI26.en effet la théorie trouve ses applications à
travers plusieurs articles, notamment, 91, 92 et 94 du code des obligations et contrats.
Les applications de cette théorie se manifeste sous diverses appellation telles que : l’abus des
pouvoirs, dans le cadre de l’article 1006 du code des obligations et contrats, l’abus de
minorité ou de majorité dans le cadre des droit de sociétés. Il trouve aussi son application
dans le cadre du droit de grève : « La grève dégénérant en abus, peut entraîner la
responsabilité civile et pénale des grévistes et des investigateurs. L’occupation des locaux de
l’entreprise constitue une voie de fait, une atteinte au droit de propriété et une atteinte à la
liberté du travail des salariés non grévistes »27.

D’ailleurs, l’arrêt n° 846 de La cour suprême du 14/07/2004 dans le dossier n° 415/3/2/2003


(Affaire FCI- CC) a posé les fondements, la portée et la mise en œuvre du droit de résiliation
unilatérale dans une relation contractuelle conclue pour une durée indéterminée. Ensuite, il

23
FR, NCP, page 263 Note 305
24
Opt. cité
25
Dictionnaire numérique Ecarta.
26
AL IMAME ACHATIBI, Al mouwafakate
27
MAÎTRE M’HAMED EL FEKAK « avocat barreau Casablanca « DROIT DE GRÈVE ET ABUS DE
DROIT » l’économiste Édition N° 854 du 18/09/2000

24
définit la sanction de ce droit de rompre unilatéralement par le biais de la théorie de l’abus de
droit28 .
Ainsi, la mise en œuvre de la distinction de la théorie de l’abus de droit dans le cadre des
procédures collectives avec celle de la confusion des patrimoines nécessite tout d’abord sa
définition puis de s’intéresser à son champ d’application.

1- Définition

La théorie de l’abus de droit a été laborieusement forgée par la jurisprudence française. Mais,
elle avait été développée profondément par les jurisconsultes musulmans29.30.
Ainsi, selon le droit musulman, le propriétaire ne peut exercer son droit de manière à porter
préjudice à son voisin31.

Au fil des années, les praticiens ont élargi le domaine d’intervention de la théorie, auparavant
monopolisée par le droit de la propriété, d’où son appellation de la théorie Générale de l’abus
de droit.
La plupart des auteurs admettent ainsi, que « l’abus de droit existe dès lors qu’un droit est
exercé contrairement à sa finalité32 »

Ainsi, dans le cadre des procédures collectives, les manipulations par le chef de l’entreprise
« personne morale ou physique » des biens de son entreprise comme s’il s’agissait de ses
propres biens ou des transferts de biens en intra entreprise sans finalité légitime, doivent-elles
être sanctionnées par l’extension de la procédure, sur la base de l’abus de droit ou bien sur
celui de la confusion des patrimoines ?

28
Artimis ma in jurismaroc « http://jurismaroc.xooit.fr/t813-Jurisprudence-Abus-de-droit-limites-Resiliation-d-
un-contrat.htm »
29
CHAFIK CHEHATA. Revue internationale de droit comparé, Année 1952, V 4, N° 2 P. 217 – 224
30
Prof. Chehata a noté que la qualification de « musulman » n’est pas pour imprimer au système juridique un
caractère religieux quelconque. Il s’agit d’un système de droit à caractère essentiellement positif qui a reçu
application dans les pays qui ont vu s’épanouir la civilisation musulmane.
31
Op.cié , pour plus d’informations l’auteur a donné un aperçu sur l’histoire de la théorie d’abus des droits
notamment selon l’école Hanafite, pour une étude approfondie sur cette question voir : la thèse de Dr Mahmoud
Fathy, la doctrine musulmane de l’abus des droits, Lyon 1903.
32
FR, NCP, page 267 Note 308

25
2- Rattachement de la confusion des patrimoines à l’abus de droit

Le recours à la théorie de l’abus de droit a pour objectif de sanctionner le chef de l’entreprise


ou celle-ci, à l’occasion de préjudices causés à des tiers33. L’utilisation abusive d’un droit
engendre la responsabilité civile de l’auteur à réparer les dommages causés34.

En effet, les deux théories participent à un même objectif, à savoir, la réparation du préjudice
causé aux tiers, puisque elles permettent le retour à la situation initiale. Mais les deux théories
se distinguent radicalement. En effet, la théorie de l’abus de droit se limite au versement des
dommages et intérêts, avec un plafond équivalent au subi. Par contre, la théorie de la
confusion des patrimoines entraîne l’unification des patrimoines des deux entreprises sujettes.
Il consiste, en effet, de regrouper les actifs et les passifs en reconstituant, ainsi, une masse
patrimoniale globale ceci, alors que le résultat final de ce regroupement peut être négatif ou
positif.

Il en ressort, que la logique de cette unification est similaire à la création d’une activité
indépendante au sein d’une société, en lui offrant ses propres outils de travail, ses clients, ses
fournisseurs et même une sorte de comptabilité distincte. Mais, lorsque nous voulons
déterminer la surface financière totale de l’entreprise ou son résultat, il faut intégrer toutes les
activités de la société, soit tous ses droits et ses obligations pécuniaires. Autrement dit le
patrimoine total de la société englobe les patrimoines d’affectation, (voir l’exemple d’une
agence commerciale d’une société qui détient sa comptabilité pour calculer sa propre
rentabilité.)

D’ailleurs, il est également intéressant d’invoquer le principe de la légitimité. La théorie de


l’abus de droit se base sur l’absence de l’intérêt légitime. Ce qui n’est pas forcément le cas
dans le cadre de la confusion des patrimoines. En effet, le chef de l’entreprise peut régler les
dettes d’une entreprise par les fonds d’une autre sous prétexte que les deux lui appartiennent.
En plus, le préjudice est subi directement dans le cadre de l’abus de droit, alors que pour la
confusion, celui-ci est indirect, puisqu’il est causé aux tiers, à travers l’appauvrissement de
l’entreprise en difficulté, par la personne in bonis.

33
JurisClasseur Procédures collectives > Fasc. 2155 note 169
34
FR, NCP. Page 267 Note 308

26
Selon ce raisonnement, est-ce que la théorie de l’abus de droit, peut cerner le préjudice
indirectement causé ? Donc, est-elle suffisante, au moins à ce niveau pour étendre la
procédure à l’entreprise en question et ce, sans recours à d’autres théories dérogatoires et
complexes, comme celle de la confusion ?

Pour la réparation du préjudice subi, celui-ci doit être évalué. Ce qui n’est pas le cas de
l’extension suite à la confusion, puisque l’évaluation est tout à fait hypothétique, car
« l’attraction du patrimoine de la personne visée par l’extension suppose d’attraire à la
procédure son passif comme ses actifs. Dans ces circonstances, il n’est jamais certain que le
résultat soit profitable à la procédure collective »35.

II. Théorie de l’apparence

Concernant l’apparence, ce mot représente « l’aspect extérieur observable d’une personne ou


d’une chose » 36.Mais attention, l’apparence peut être trompeuse. Ainsi, on pourrait croire à
l’existence de deux patrimoines distincts alors qu’en réalité il n’y en a qu’un seul. Dans cette
hypothèse il est bien intéressant de déterminer les frontières de ces deux théories, qui peuvent
être à l’origine de l’extension de la procédure.

1- Définition

La théorie de l'apparence est une construction qui a pour finalité la protection des tiers qui ont
pu légitimement croire que le signataire de l'acte agissait en ayant le pouvoir d'engager la
personne mandante37. Elle permet à un acte juridique, même imparfait, de produire ses effets
dans le patrimoine d'une personne qui n'y avait pas consenti. La croyance légitime de
l'acquéreur oblige le propriétaire à se déposséder, soit en dépit de la nullité du contrat de
vente, soit en dépit de l'inexistence ou du dépassement des pouvoirs du pseudo-mandataire.
Elle permet de contractualiser l'engagement apparent et trouve ses racines dans les impératifs
de sécurité juridique, voire de confiance légitime38.

35
FR. NCP ; page 274-275 note 323
36
Dictionnaire numérique Encarta
37
Isabelle Mathieu. « Qui peut signer une lettre de licenciement dans une SAS? » in La Semaine Juridique
Social n° 51, 15 Décembre 2009, 1573.
38
Jean-Jacques Barbiéri, La Semaine Juridique Notariale et Immobilière n° 43, 23 Octobre 2009, 1296

27
Bref, la théorie de l’apparence est également une construction purement jurisprudentielle,
visant, suite à la demande d’un tiers lésé d’une situation apparente et qui ne représente pas
les conditions nécessaires à la réalité contractuelle, à produire des effets juridiques qui
seront attachés à cette fin.

Cette théorie s’applique « lorsque les personnes ont pu légitimement croire avoir acquis des
droits, en raison d’une apparence trompeuse …, elle permet de soumettre le droit aux faits
lorsque l’équité l’exige »39.

En effet, cette théorie est un mécanisme de correction d’une situation trompeuse, face à un
tiers croyant contracter avec la vraie personne et selon les conditions de validité du contrat.

2- Application de la théorie de l’apparence

Le mandat apparent est l'une des hypothèses les plus courantes et les plus caractéristiques de
l'application de la théorie de l'apparence. La jurisprudence fut fixée par l'arrêt d'assemblée
plénière du 13 décembre 1962 : “Le mandant peut être engagé sur le fondement du mandat
apparent... si la croyance du tiers à l'étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce
caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites
exactes de ces pouvoirs”40.

Ce mécanisme trouve aussi son application en droit des affaires. Ainsi dans le cadre des
sociétés du groupe, «la société mère qui laisse croire aux tiers qu’elle ne forme qu’une seule
personne avec la filiale contractante, est condamnée à supporter les dettes de cette
dernière »41.

Les critères permettant aux juges de prononcer l’existence d’une apparence sont à titre
d’exemple :
 La communauté des dirigeants et associés ;
 Le logo ;
 Le siège social ;

39
Relle Florence, Notion de la confusion des patrimoines ; cote 364 p314-315
40
JurisClasseur Civil Annexes > V° Assurances > Fasc. 130 : Cote : 03,2008 Date de
fraîcheur : 18 Février 2008
41
Reille Florence. Notion de confusion des patrimoines ; page 315

28
 L’utilisation des documents faisant apparaître le nom du groupe ou la totalité des sociétés
du groupe…

Dans un cas de figure , « dès lors qu'il est établi que les documents afférents au contrat de
transports litigieux (plaquette d'information, correspondance) portent les mentions indicatives
du groupe, sans qu'il soit précisé que la société contractante serait une société distincte, la
société mère et la filiale se sont présentées en apparence comme les cocontractantes du
demandeur qui a pu, de bonne foi, légitimement croire qu'il contractait avec une agence du
groupe et que son interlocuteur était le mandataire des deux sociétés. Par conséquent, la
société mère est tenue de répondre de l'inexécution du contrat par sa filiale »42 .

Sans qu’elle soit monopolisée par les groupes, la théorie de l’apparence peut concerner même
« un propriétaire d’un fonds de commerce,-qui- peut être condamné à payer les dettes de son
locataire gérant s’il apparaissait aux yeux des tiers comme seul exploitant du fonds, et le
locataire comme un simple préposé »43.

3- Rattachement de la théorie de l’apparence à celle de la confusion des


patrimoines.

L’emploi de certains indices communs pour la détermination de l’existence de l’apparence ou


de la confusion, peut provoquer à première vue, le rapprochement des deux théories, comme
le cas d’identité des dirigeants, du siège social ou d’une centralisation de la gestion. Or cette
situation apparente des personnes ne fournit pas automatiquement une assimilation des deux
théories.
En effet, « la plupart du temps dans le cas d’une confusion, la référence à des circonstances
liées à l’apparence se fait en complément de la constatation de relations financières
anormales »44.

Cependant, certains auteurs considèrent que la confusion des patrimoines est le prolongement
de l’apparence trompeuse en dehors des procédures collectives45. Mais pour d’autres, il parait

42
JurisClasseur Commercial > Fasc. 1574, note 36.
43
FR, NCF ; Page 316
44
FR, NCF ; RF P 317 note 367
45
FR,NCF P 319 note 368 repris de F AUBERT et PINIOT : la personnalité morale des sociétés face au droit
des procédures collectives . Mélange P Bézard

29
difficilement admissible46, du fait que « les indices relevés par les magistrats sont plus des
indices internes aux deux sociétés que les indices externes qui auraient pu être remarqués par
des tiers. Ainsi, il se peut même que la société mère et la filiale soient apparues aux tiers
comme deux sociétés parfaitement autonomes alors qu’il existait en fait une confusion de
leurs patrimoines »47.

En outre, il n’est pas admis que l’identité des dirigeants, des associés, de siège social, de
participation en capital puissent impliquer une confusion des patrimoines, en l’absence des
relations financières anormales ou de la confusion des comptes.

Cependant, parfois, l'absence de personnalité juridique du groupe de sociétés est compensée


par la théorie de l'apparence. Il arrive, en effet, que la jurisprudence rompe avec le principe de
l'autonomie patrimoniale en vue de préserver les intérêts des créanciers induits en erreur par le
comportement des sociétés contractantes48 mais, seulement en matière de responsabilité de
la société même, par exemple, de payer les dettes de sa filiale. Alors que la confusion consiste
à mettre en communs des patrimoines imbriqués
Après avoir essayé d’écarter la confusion avec ces deux théories, qu’en est-il avec celle de la
fraude ?

III. Théorie de la fraude

Le dictionnaire numérique Encarta définit la fraude comme «une tromperie utilisant des
moyens illicites pour nuire à autrui et susceptible d’être punie par la loi ». Cette action est-elle
similaire aux opérations de manipulation du confusionniste de patrimoines ?

1- Définition

La fraude, est une action « volontaire » dénotant d’une mauvaise foi dans le but de tromper49,
permettant de violer une règle de droit. Elle est caractérisée par la recherche d’un but

46
FR NCP. PAGE 321 NOTE 372
47
Betty. Vaillant, les cas de figure de confusion des patrimoines au regard des procédures collectives, Dalloz
affaires. 1999
48
JurisClasseur Commercial > Fasc. 1574
49
AZEDINE HADOU « le commissaire aux comptes face à la fraude dans les entreprises marocaine de petite et
moyen taille » Mémoire pour l’obtention de diplôme national d’expert-comptable, session novembre
2001page17

30
contraire au droit, fût-ce par l’utilisation des normes juridiques, « par l’usage de droits exercés
dans un but illicite »50.

Selon la recommandation de l’IFAC « Fraude et erreurs », «le terme fraude désigne un acte
volontaire commis par une ou plusieurs personnes faisant partie de la direction ou des
employés, ou par des tiers, qui aboutit à des états financiers erronés. Sont considérés comme
fraude :
• la manipulation, la falsification ou l’altération de la comptabilité et de documents ;
• le détournement d’actifs ;
• la suppression ou l’omission de l’incidence de certaines opérations dans la comptabilité ou
dans les documents ;
• l’enregistrement des opérations sans fondement ;
• l’application incorrecte de politique de l’arrêté des comptes51.
La fraude peut ainsi être classée en deux grandes catégories :
• le détournement d’actifs,
• et la falsification de situations ou manipulation de comptes52.

Le détournement d’actifs est considéré comme une fraude au droit des tiers puisqu’on
constate un transfert des fonds ou des biens d’un patrimoine à l’autre. Il est qualifié de fraude
paulienne, alors que la manipulation des comptes est vue comme une fraude à la loi53.
Dans le cadre des procédures collectives, la fraude est-elle identique à la confusion des
patrimoines, dans le sens où cette théorie a pour objet d’interdire les transferts et les flux
anormaux d’un patrimoine à l’autre ?

2- Rattachement de la théorie de la fraude à celle de la confusion des


patrimoines

L’action paulienne est un droit instauré par la jurisprudence pour protéger le créancier contre
la fraude d’un débiteur qui diminue son patrimoine ou remplace les biens aisément
saisissables par des biens faciles à faire échapper des poursuites. L’action a pour but de

50
François CHABAS, leçons de droit civil Tome II note 306
51
« 200-299 : responsabilités » fraude et erreur ; logiciel Infocom, V6 à jour le 31-12-1999, édité par les
Editions de la compagnie des commissaires aux comptes « France »
52
AZEDINE HADOU, op. cité page 17.
53
Op.citée page 18

31
remettre les choses dans l’état antérieur à l’acte54. En effet, la cessation de paiement du
débiteur en procédure, peut être à l’origine de la cause des transferts anormaux de ses biens à
un autre patrimoine.
Dans ce cas, les deux théories, ont le même point commun, à savoir, la diminution du
patrimoine du débiteur au profit d’une tierce personne.

En effet, l’action du fraudeur est une action illicite et sans fondement légitime, alors que
l’action du confusionniste est une action sans contrepartie mais légitime. L’extension au
fraudeur de la procédure est une sanction de ses actions intentionnelles de mauvaise foi. Par
contre les transferts croisés du confusionniste, caractérisant la confusion des patrimoines, se
réalisent sous prétexte qu’il est le maître de son patrimoine personnel ou professionnel,
légitimant ainsi son action dite de bonne foi.

Dans un cas de figure, « la fraude est montrée à travers les relations financières anormales,
qui consistent à mettre les biens du débiteur à l’abri des créanciers55 ». C’est pourquoi la
jurisprudence, a mis en redressement deux sociétés suite aux prélèvements frauduleux sur le
compte de l’une des deux pour financer l’activité de l’autre56 .

D’ailleurs, dans un cas d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, on avait
admis que le comportement du débiteur ayant dissimulé une créance constituait une fraude57.
Donc, dans le choix d’un mécanisme pour rendre les choses à leur état normal, il est
recommandé de réagir avec une grande attention. Ainsi, en plus des éléments concrets, le
critère de la mauvaise ou la bonne foi doit être recherché.

Enfin, la théorie de la fraude permet de revenir à la situation initiale, alors que celle de la
confusion permet de mettre en communs deux patrimoines apparemment distincts.

IV. Théorie de simulation

La théorie de la simulation trouve son fondement spécialement en droit civil, à travers les
dispositions de l’article 22 du code des obligations et contrats qui stipule que : «Les contre-

54
François CHABAS, leçons de droit civil Tome II note page 1053
55
JCI société traité, 7-40 note 133 Martin Serf
56
NCP P 334 ; cour d’appel paris 07-mai 1993
57
Cass. com., 2 mai 2001 ; Agence de l'eau Adour-Garonne c/ SA Usine de Longchamp.
In La Semaine Juridique Edition Générale n° 45, 7 Novembre 2001

32
lettres ou autres déclarations écrites n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes et leurs
héritiers. Elles ne peuvent être opposées aux tiers, s'ils n'en ont eu connaissance ; les ayants
cause et successeurs à titre particulier sont considérés comme tiers, aux effets du présent
article.».
La théorie est prise implicitement par la jurisprudence dans le cadre du droit des affaires pour
prononcer qu’une personne morale est fictive.

1- Définition

La simulation se définie comme un comportement factice destiné à créer une fausse


impression58. Ainsi, pour dissimuler l’existence de la convention qu’elles concluent, les
parties établissent parfois un acte apparent qui ne contient pas leur volonté réelle, et qui cache
le contrat véritable, qu’on appelle alors contre lettre. Elles se livrent ainsi à une simulation.
La contre lettre est donc un contrat tenu secret que les parties concluent avant ou en même
temps qu’elles passent un acte apparent, lequel ne correspond pas à leur volonté et a pour seul
but de dissimuler la réalité59.

Sont alors des simulations toutes les hypothèses d’actes purement apparents, qui tentent de
faire croire à l’existence d’une opération imaginaire, de masquer la nature ou le contenu réel
de l’opération. La simulation serait ainsi toute création volontaire d’une apparence
trompeuse60, qu’elle émane du mensonge d’une seule personne ou de l’accord de deux
volontés. En ce sens, la simulation renvoie aux notions d’apparence et d’acte fictif en ce
qu’un tel acte présente une apparence qui ne correspond pas à la réalité61.

La simulation se caractérise par « une apparence semblant contredite : une personne se


présente comme le bénéficiaire apparent d'un droit alors que le bénéficiaire réel reste, pour

58
Dictionnaire numérique Encarta
59
François CHABAS, leçons de droit civil Tome II note page 921
«selon Larrouse : la simulation est l’action de faire paraître comme réel, effectif ce qui ne l’est pas. L’un des
sens du verbe simuler est « offrir l’apparence de ». La simulation est alors très proche du mensonge, ou encore
de la dissimulation, par laquelle on cherche à donner une idée fausse de la réalité. L’étymologie confirme cette
première approche (simulare = feindre).
Selon le Vocabulaire Cornu, la simulation permet de créer une fausse apparence afin de dissimuler la réalité »
60
Dagot, La simulation en droit privé, 1967, LGDJ, no 1
61
Claude OPHÈLE , Dalloz Répertoire droit civil , extrait de l’article « simulation ».

33
une raison ou une autre, dans l'ombre »62. La théorie tend à opposer une réalité qui reste
secrète, à une apparence63.

En effet, il y a lieu de parler de deux contrats, l’un secret et l’autre apparent, où l’une des
parties au contrat reste cachée. Il y a donc une dissimulation de la partie contractante. La
partie apparente prend des décisions comme si elles étaient les siennes, alors que sa volonté
de contracter dépend totalement du simulateur. L'intermédiaire ne dissimule pas seulement sa
qualité aux tiers ou au tiers avec qui il contracte ; il y a en plus une feinte de sa part puisqu'il
leur fait croire qu'il s'engage effectivement. Et c'est finalement sur cet engagement de
l'intermédiaire, et non pas sur l'acte en entier, que pèse l'apparence64.

L’application de la théorie de la simulation, en droit des affaires, vise à prononcer la fictivité


d’un acte, contrat ou d’une personne morale, en se basant sur le fondement de la constitution
de celle-ci au moment de sa création ou durant son existence.

L’élément essentiel dans ce dernier cas est celui d'affectio societatis, qui traduit la volonté de
s’associer dans le but de partager les risques ou les profits qui peuvent résulter de cette
association.

2- L’action de simulation à l’égard des procédures collectives

La simulation représente un état de l’abus de droit, dans le sens, où la création de la personne


morale ou sa fonction est en dehors des conditions normales du fondement de cet institut
juridique. On parle alors de l’abus de la personne morale. Lorsqu’elle n’est pas animée par
un affectio societatis motivant la mise en commun des apports, suivie d’un partage des
bénéfices ou des risques de l’exploitation, une telle situation provoque la présence d’une
société fictive.

A titre d’illustration, dans un arrêt de la cour de cassation -chambre commerciale- N° 06-


19.968, 06-20.081 du 11 mars 2008, « un créancier de l’associé non gérant d’une société a

62
P. Bouguignon, Notion juridique de l'interposition de personne, thèse 1906 , pris par Linda ARCELIN Petites
affiches, 16 juillet 2002 n° 141 dans son article intitulé : « Interposition de personne et prête-nom : deux cas de
simulation ? »
63
Op. cité
64
Linda ARCELIN Petites affiches, 16 juillet 2002 n° 141 dans son article intitulé : « Interposition de personne
et prête-nom : deux cas de simulation ? »

34
demandé que sa société soit déclarée fictive. Elle a été constitué par deux associés, un
majoritaire et gérant et le débiteur du créancier, pour l’objet, de l’achat et la revente de
droits immobiliers et l’activité de marchand de biens, alors qu’en réalité, elle n’a fait qu’une
seule et unique opération, soit l’acquisition d’une propriété, financée par l’associé
majoritaire, qui concentre toutes les décisions.

Pour dire que la société était fictive, l'arrêt relève tout d'abord qu'aux termes de ses statuts
cette société avait pour objet l'achat et la revente de biens et droits immobiliers et l'activité de
marchand de biens et retient qu'alors que ledit objet ne comporte aucune limitation quant aux
activités qu'il concerne, la société n'a procédé, au cours des quatorze années de son
existence, qu'à l'acquisition, statutairement prévue, d'un immeuble. L'arrêt relève ensuite que
le financement de cette acquisition a été effectué par le seul associé majoritaire et son épouse,
et retient encore que la société n'a jamais, pendant quatorze années, exploité
commercialement l'unique bien immobilier qui constituait son seul actif, que son bilan est
invariablement déficitaire depuis sa création et fait l'objet, chaque année, d'un report à
nouveau, que ses dettes financières s'élèvent à plus de 15 000 000 francs, qu'elle ne justifie
d'aucune activité conforme à son objet, et que les rapports annuels de la gérance indiquent
que la société n'a pas réalisé d'opération au titre de l'exercice écoulé et ne devrait pas
modifier sensiblement son activité lors de l'exercice en cours. L'arrêt relève enfin que
l'associé minoritaire, gérant statutaire, outre qu'il ne percevait aucune rémunération, se
voyait interdire par les statuts de procéder notamment à tout achat, vente ou échange
d'immeubles sans avoir été au préalable autorisé par une décision collective des associés, de
sorte qu'il ne bénéficiait d'aucune autonomie et ne pouvait réaliser aucune opération attachée
à l'objet social sans l'accord de l'associé majoritaire qui apparaît comme étant le seul maître
de l'affaire sous couvert de la personne morale65 ».

Il est bien à préciser que, la personne morale fictive ne peut faire l’objet d’une procédure
collective, puisqu’on ne peut pas redresser une personne fictive, irréelle. Cependant, la
procédure initialement ouverte contre le « maître de l’affaire » peut lui être étendue, dans le
but de reconstruire le patrimoine de celui-ci.

65
Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 Mars 2008, Cassation - renvoi Aix-en-
Provence, N° 06-19.968, 06-20.081, JurisData : 2008-043213.

35
D’une manière générale, la société est jugée fictive suite au regroupement de certains indices
tels que :

 Utilisation des prête-noms ;

 Identité des dirigeants et associés ;

 Absence de toute vie sociale ;

 Ressemblance des sigles commerciaux ;

 Identité de siège social ;

 Forte dépendance d’une société par rapport à une autre ;

 Concentration des décisions entre les mains d’un seul associé….

Une société est donc fictive quand les personnes prétendument associées ne sont que des
prête-noms ou des comparses d'une seule personne physique ou morale, elle-même associée
ou étrangère à la société. La société ne constitue alors qu'une façade masquant les agissements
de cette personne. La constitution de sociétés fictives peut ainsi être organisée au sein d'un
groupe de sociétés, en général, pour dissimuler les agissements de la société mère66.

Ce genre de simulation est fréquent, notamment pour les cabinets d’assurance ou le


représentant légal n’est qu’un prête-nom de l’associé principal ou de la personne physique qui
est le patron réel de l’entreprise.

De cela, pouvons-nous considérer que la théorie de la confusion des patrimoines n’est qu’un
prolongement de la théorie de la simulation, dans les procédures collectives?

3- Rattachement de la théorie de la simulation à celle de la confusion des


patrimoines

La fictivité de la société peut se manifester par l’observation ou la constatation directe des


caractéristiques qui la constitue, alors que pour la confusion des patrimoines, l’investigation
des éléments permettant la constatation d’une telle confusion doit se faire très soigneusement,
par une analyse approfondie des relations financières qui peuvent exister entre deux ou
plusieurs personnes – morales ou physiques-.

66
JurisClasseur Commercial > Fasc. 1574 note 38

36
L’extension de la procédure pour la simulation vise la recherche de la personne juridique
réelle, au-delà de la personne morale fictive qui est une simple façade de celle qui l’anime67.
Par contre, la confusion peut impliquer les personnes morales comme les personnes
physiques, alors que la fictivité ne s'adresse qu'à des personnes morales68.

Ainsi, les personnes physiques ne peuvent jamais être fictives et chacune possède son
patrimoine indépendant. C’est pour cette raison que le tribunal a rejeté l’extension de la
procédure d’une entreprise à un fils de sa gérante, qui alimente le compte de celui-ci par la
trésorerie de l’entreprise en redressement, sur la base de la confusion des patrimoines.

D’ailleurs, la société fictive se prive de l’autonomie juridique, alors que dans le cadre de la
confusion, l’autonomie de décision ou financière de la personne morale n’est pas forcément
écartée.
L’assimilation apparente des théories débattues ci-dessus avec celle de la confusion des
patrimoines, rend difficile le rejet de leurs rattachements, conclusion constatée, à travers la
lecture de certains jugements. C’est, par exemple, le cas de la cour d’appel de commerce de
Marrakech, qui a modifié la base de l’extension de la procédure qui est la fictivité de la
personne morale, prononcé par le tribunal du commerce d’Agadir, par celle de la confusion
des patrimoines.

Enfin, l’établissement des frontières de la confusion des patrimoines, en écartant les théories
classiques, nous ramène à creuser davantage afin d’affiner la notion par sa distinction des
nullités de la période suspecte et les sanctions patrimoniales disposées par le code de
commerce.

Section II : Raffinement de la notion

L’originalité de la notion de confusion des patrimoines par rapport aux autres théories de droit
réside dans la difficulté de déterminer les frontières de chacune d’elles.

Ainsi, après avoir essayé d’écarter la nuance qui peut exister entre la confusion et les théories
dites « similaires » ; le travail se poursuit afin de distinguer la notion de la confusion des
nullités de la période suspecte et des sanctions patrimoniales.

67
Philippe Pétel, Procédures collectives , 4 édit 2005. notice 86-88
68
JurisClasseur Commercial > Fasc. 2162 note 150

37
Ce travail a pour objectif de proposer une notion autonome de la confusion des patrimoines,
qui ne peut plus être similaire de l’unicité de l’entreprise.

§ I : Problématique de la confusion des patrimoines face aux nullités de la période


suspecte et des sanctions patrimoniales

Le législateur a prévu deux grandes familles d’extension de la procédure, que la doctrine


qualifie de :
 Vraie extension :
Celle-ci est engendrée par la confusion des patrimoines dans le cadre de l’article 570 du code
de commerce ;
 Fausse extension :
Celle-ci est appliquée en cas de la réalisation des actes anormaux de gestion, qui impliquent la
responsabilité civile du dirigeant, sanctionnée soit par le règlement du dommage causé, le
comblement de l’insuffisance du passif ou l’extension de la procédure.
Ainsi, il s’agit, de débattre des nullités de la période suspecte et des sanctions patrimoniales,
dans l’objectif de décrire la concurrence qui peut exister avec la confusion des patrimoines.

I. Les nullités de la période suspecte

Le débiteur en difficulté peut tenter de se livrer à certaines opérations anormales et même


frauduleuses, dans les jours ou les mois qui précèdent l’ouverture de la procédure. Cela peut
se réaliser par son appauvrissement volontaire au profit d’un tiers complice, afin d’organiser
son insolvabilité, ou au profit d’un créancier au détriment des autres volontairement ou par
crainte. Cette action permet de faire échapper certains éléments de son actif à la procédure.
C’est la raison pour laquelle, le législateur fixe une période dite, « période suspecte », ayant
pour finalité de protéger le patrimoine du débiteur en permettant la reconstitution de l'actif,
chaque fois qu'un acte accompli pendant cette période est jugé anormal suivant les
dispositions légales bien définies69.

69
G. BLANC : « Acte accompli par le débiteur et acte accompli par un tiers » , in Revue des procédures
collectives n° 1, Janvier 2010, comm. 21

38
Selon ce raisonnement, pouvons-nous assimiler les nullités de cette période, à celle de
l’extension de la procédure suite à la confusion des patrimoines, et ce au moins par rapport au
critère « des relations financières anormales » ?

Avant d’étudier cette problématique, il est nécessaire de mettre en lumière ces nullités à
travers les dispositions du code de commerce.

1- Régime de la période suspecte

L’article 679 du code de commerce détermine la période suspecte comme celle ayant pour
date de départ la date de cessation de paiement, et s’achève le jour du jugement de l’ouverture
de la procédure de traitement de difficulté, augmentée d’une période antérieure pour certains
contrats.

Par contre, la détermination de la date de cessation de paiement est laissée au tribunal, et ne


peut être antérieure de plus de 18 mois à celle de l’ouverture de la procédure70. Elle peut être
reportée une ou plusieurs fois à la demande du syndic71.

D’ailleurs, la cessation de paiement consiste dans l’impossibilité pour un débiteur de faire


face au passif exigible avec son actif disponible72.

Certains actes accomplis durant la période suspecte sont réputés nuls par la loi. On distingue
alors, les nullités du plein droit de celles dites facultatives, qui sont laissées à l’appréciation
du juge. Cependant, la loi interdit au tribunal d’annuler les garanties ou sûretés de quelque
nature qu'elles soient, constituées antérieurement ou concomitamment à la naissance de la
créance garantie « article 683 » ainsi que les moyens de paiement et de créance, tels que les
chèques ou les effets de commerce « article 684 », afin de sauvegarder leur valeur juridique.

En effet, les actes nuls de droit sont énumérés par l’article 682 du code de commerce, ils sont
ceux effectués à titre gratuit. Ils concernent tous les actes ayant pour objet de faire passer un
droit ou un bien mobilier ou immobilier d’un titulaire à l’autre, entraînant un appauvrissement

70
Article 680 du code de commerce
71
Même article, alinéa 3
72
DALLOZ Répertoire sociétés octobre 2006 Arlette MARTIN-SERF : « nullités de la période suspecte »

39
sans contrepartie, quelle que soit la forme utilisée et un enrichissement sans cause du
bénéficiaire73.

Ce transfert de droits vise à soustraire un bien du patrimoine du débiteur sans fondement


légitime, alors que son actif est déjà insuffisant pour faire face à son passif exigible.
Pour permettre à la justice de réaliser son devoir, le législateur veille à annuler toute opération
entachée par un comportement frauduleux. Ainsi, pour les nullités facultatives, le tribunal a
le pouvoir d’apprécier les conditions légales que doivent remplir ces actes et décider leur
annulation dans le cas contraire.

Il s’agit, en premier lieu, d’actes à titre gratuit faits dans les six mois précédant la date de
cessation des paiements « article 281 aliéna 2 ».En deuxième lieu, ce sont des actes à titre
onéreux, tout paiement et toute constitution de garanties ou sûretés, lorsqu'ils auront été faits
par le débiteur après la date de cessation des paiements « article 682 ».

La jurisprudence française ajoute une troisième condition : durant la période suspecte ou celle
antérieure de six mois, le cocontractant doit avoir eu connaissance de la cessation des
paiements du débiteur74.

2- Difficulté d’appliquer la confusion des patrimoines face aux nullités de la


période suspecte.

Les nullités de la période suspecte visent à reconstituer le patrimoine du débiteur, contre les
manœuvres frauduleuses ou anormales de celui-ci. Elles ont pour objet de rendre nulle toute
opération, sans contrepartie qui produit un déséquilibre patrimonial entre le débiteur et
son créancier, ou pouvant faire préjudice aux autres créanciers.

Ces dispositions correctives peuvent avoir des liens avec la pratique de la confusion de
patrimoines mais elles se distinguent radicalement de celle-ci. Ainsi, les transferts sans
contrepartie, répondent aux conditions objectives des relations financières anormales, l’un des
critères de la confusion des patrimoines. Par contre, ce dernier vise à ramener le patrimoine
d’une personne suite à l’extension d’une procédure initialement ouverte contre une autre
personne, soit l’actif et le passif de celle-ci, qu’elle que soit le résultat de l’opération, alors

73
Dalloz Rép. Sté octobre 2006.
74
Op. citée note 208

40
que les nullités de la période suspecte visent uniquement à récupérer l’actif soustrait du
patrimoine du débiteur. Dans ce cas le patrimoine de la tierce personne est intouchable par
l’extension.

D’ailleurs, les relations anormales relevées dans le cadre de la confusion sont souvent
soulevées en dehors de la période suspecte. Mais chaque fois que la naissance de ces actes
intervient au cours de celle-ci, la question de la qualification se pose aux juges75.
En outre, qu’en est-il des sanctions patrimoniales ?

II. Sanctions patrimoniales

Ces sanctions visent à corriger les faits de dirigeants de l’entreprise en difficulté qui réalisent
des actes anormaux de gestion engendrant l’insuffisance de l’actif de celle-ci. Le législateur
instaure deux type de sanctions : le comblement de l’insuffisance du passif selon les
dispositions de l’article 704 du code de commerce et l’extension de la procédure
respectivement, dans le cadre de l’article 705 , à l’égard des dirigeants à la charge desquels a
été mis tout ou partie du passif d' une société et qui ne s'acquittent pas de cette dette et
conformément aux dispositions de l’article 706 dudit code contre les fautes graves de
dirigeant, qui sont énumérées dans cet article.

1- Régime des sanctions patrimoniales

L'action en comblement d'insuffisance du passif est une action en responsabilité civile,


constatée à l’ouverture de la procédure. Elle suppose une faute de gestion, une insuffisance
d'actif et un lien de causalité. Tout ou partie du passif pourra être mis à la charge du dirigeant
- de droit ou de fait- qui a contribué à l’insuffisance76.

Ainsi, lorsque ce dirigeant n’arrive pas à acquitter ses dettes, le tribunal doit lui soumettre
l’extension de la procédure77. Ce qui est grave, notamment, en cas d’une faute interprétation
de la gravité des fautes de gestion commises. Dans ce cas le tribunal peut lui faire supporter

75
R.F, NCP page 174 note 202
76
Article 704 du code de commerce dispose que : « Lorsque la procédure concernant une société commerciale
fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette
insuffisance d’actif, décider que cette dernière sera supportée, en tout ou en partie, avec ou sans solidarité, par
tous ses dirigeants ou seulement certains d’entre eux ».
77
Article 705 : « Le tribunal doit ouvrir une procédure à l’égard des dirigeants à la charge desquels a été mis
tout ou partie du passif d’une société et qui ne s'acquittent pas de cette dette. »

41
une dette insupportable et exagérée par rapport à son patrimoine, empêchant ainsi tout
dirigeant prudent de prendre des décisions stratégiques pour le développement de son
entreprise.
Par contre, les faits énumérés à l’article 706 ouvrent directement droit à l’extension de la
procédure, puisque ces actes représentent des fautes graves de gestion, dans le sens où le
dirigeant considère la société comme un élément de son patrimoine et non comme une
personne juridique morale distincte.

L’article précise sept faits qui ramènent à l’extension. Ainsi le dirigeant est puni pour les
cas suivants:
1) avoir disposé des biens de la société comme des siens propres;
2) sous le couvert de la société masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce
dans un intérêt personnel;
3) avoir fait des biens ou du crédit de la société un usage contraire à l’intérêt de celle-ci, à des
fins personnelles ou pour favoriser une autre entreprise dans laquelle il était intéressé
directement ou indirectement;
4) avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne
pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la société;
5) avoir tenu une comptabilité fictive ou fait disparaître des documents comptables de la
société ou s'être abstenu de tenir toute comptabilité conforme aux règles légales;
6) avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif
de la société;
7) avoir tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière.

2- Difficulté d’application de la confusion des patrimoines face aux sanctions


patrimoniales.

Tout d’abord, il est noté que, le traitement de la confusion des patrimoines n’est pas considéré
par la loi comme une sanction proprement dite, pour qu’il soit classé parmi les sanctions
prévues au titre V du livre 5 du code de commerce.

Cependant, les sanctions patrimoniales peuvent concurrencer la confusion des patrimoines.


Lorsque le dirigeant effectue des actes visés par la loi, et considérés, en même temps, comme
des relations financière anormales entre lui et la personne morale qu’il dirige. C’est le fait, par
exemple, d’avoir disposé des biens de la société comme des siens propres.

42
Pour écarter cette concurrence, il est utile de se référer aux circonstances de réalisation de ces
actes. Ainsi, s’ils sont réalisés pour des fins de mauvaise foi, l’extension, dans ce cas, est une
sanction de dirigeant. Dans le cas contraire c’est le principe de l’unicité de patrimoine qui
s’impose.

Cependant, certains auteurs considèrent que la confusion de patrimoines est une forme de
sanction pécuniaire puisque pour les flux financiers anormaux, la sanction est le
rétablissement de la réalité de la situation. L'extension de la procédure va conduire à ce que la
personne qui a commis des actes répréhensibles soit sanctionnée de façon pécuniaire78.

Ces deux mécanismes sont très rapprochés, notamment d’après le critère commun des
relations financières anormales. Mais, le domaine de la confusion est plus large et concerne
toute personne physique ou morale, alors que les sanctions patrimoniales ne concernent que
les dirigeants « légaux ou de fait » des personnes morales.

La distinction de ces deux mécanismes est très difficile, et nécessite de mettre en jeu le critère
de la bonne et de la mauvaise foi. De ce fait, la proposition d’une notion autonome est d’une
grande utilité, alors qu’une simple déviation du juge, peut entraîner des conséquences graves
sur la justice recherchée.

§II : Proposition d’une notion autonome

Il est surprenant que l’interdépendance des théories juridiques et l’invisibilité de leurs


frontières, poussent des spécialistes à forger des critères plus ou moins uniques pour une telle
théorie. Cependant, une définition est vraie chaque fois qu’elle est prise ou utilisée dans un
environnement bien précis, ou suite à une situation bien déterminée. La notion choisie
naguère n’est plus celle d’aujourd’hui et sera modifiée, complétée ou carrément délaissée
après.
Donc, essayer de proposer une notion a pour but de rendre son utilisation plus saine, plus
claire et surtout plus proche de la réalité souhaitée.

78
Entretien réalisé par l’équipe de « revue des procédures collectives avec « Maître François Legrand,
mandataire judiciaire, Maître Olivier Bouru, avocat à la cour, associé du Cabinet LEXIA, spécialiste en
droit commercial, et Monsieur Christophe Delattre, magistrat » sous thème « Quelle place pour les
sanctions civiles et pénales en droit des procédures collectives ? » in RPC n° 5, Septembre 2009, entretien 2

43
La notion de la confusion des patrimoines suit la même logique. C’est un parcours qui offre
par le temps la modélisation d’une notion autonome malgré les différentes assimilations et
concurrences traitées jusqu’ici.

Une chose est claire, c’est que la confusion de patrimoine est, sans la mettre en concurrence
avec d’autres théories, un élément nettement dérogatoire, puisque elle met en cause ce qui est
d’usage en droit. C’est un «brisant» par excellence des frontières juridiques.

D’ailleurs, certains juges, en prononçant l’existence de la confusion des patrimoines sur la


base de l’unité de l’entreprise, confondent ce principe à celui de l’unicité de patrimoine.

I. Rejet de critère de l’unité de l’entreprise

Plusieurs auteurs considèrent que les sociétés d’un groupe, qui sont souvent des entreprises
interdépendantes, représentent un terrain fertile à la confusion des patrimoines, et certains
d’entre eux affirment qu’elles peuvent par leur seule interdépendance être une cause
autonome d’extension de la procédure.

Cette dérogation au principe de l’universalité de patrimoine est considérée par certains juges
pour étendre la procédure. Ainsi, un arrêt de la cour d’appel de Paris du 20 mars 1986, a
décidé l’unicité de procédure collectivité sur la base de l’unité d’entreprise de plusieurs
sociétés, en dépit de la fictivité et de la confusion des patrimoines. L’interdépendance
économique issue de la collaboration au processus de production, et constitutive d’unité
d’entreprise est donc l’origine de l’unicité de la procédure79.

D’ailleurs, au sein d’un groupe, qui n’a pas jusque-là, une personnalité juridique, il peut y
avoir des sociétés juridiquement indépendantes, possédant la personnalité morale distincte,
mais économiquement dépendantes de la ou des autres sociétés qui détiennent un pouvoir
économique réel au sein du groupe80.

Ainsi, le jugement concerne, l’entité économique et non juridique lorsqu’on prononce


l’extension à toutes les sociétés du groupe sur la base d’activités complémentaires au prétexte
qu’elles constituent « un tout indissociable ».

79
NCP, page 429 note 487
80
Jean Paillusseau, Professeur universitaire et avocat à la cour d’appel de Paris,“ La notion de groupe de sociétés
et d'entreprises en droit des activités économiques”, Recueil Dalloz 2003 p. 2346

44
En effet, il est vrai qu’il y a des liaisons très étroites entre les sociétés du groupe, qui sont à
l’origine de ces relations particulières. Cependant, cela permet-il de procéder à l’extension
de la procédure collective initialement ouverte à l’encontre de l’une d’elles ?

1- Interdépendance des sociétés du groupe

Jean Paillusseau, examinant la notion du groupe, précise que la personne - physique ou


morale - détenant le pouvoir au sein du groupe peut l’exercer de plusieurs manières, soit :

 Complètement, partiellement, ou pas du tout;


 En tenant compte de l'intérêt de la société contrôlée et de son indépendance juridique;
 Dans son intérêt personnel et en tenant néanmoins compte de l'autonomie patrimoniale de
la société contrôlée ;
 Dans son intérêt personnel, au détriment, le cas échéant, de l'intérêt de la société
contrôlée ;
 En ignorant l'autonomie patrimoniale de la société contrôlée81.

Ces pouvoirs se réalisent selon le degré des liaisons entre les diverses sociétés du groupe, à
travers notamment, la participation au capital, on parle alors de la société mère ou de ses
filiales. Et pour caractériser les liens qui sont importants à l'égard du pouvoir et de son
exercice, on se réfère aussi au degré de « l'influence » qui dépend soit de l’élément de la
participation du capital soit du lien de dépendance économique ou social. Pour les groupes
qui préparent des bilans consolidés, les premières investigations peuvent être entamées à
travers les paramètres de consolidation.

Le tribunal envisage l’extension de la procédure à chaque fois que ces liaisons entraînent des
relations anormales au sein du groupe et lorsqu’elles cachent l’intérêt personnel d’une des
sociétés en détriment d’une autre. En effet, c’est l’absence d’intérêt général du groupe qui
est source d’extension et non l’unité d’entreprise.

Cette absence d’intérêt général représente-t-elle une confusion de patrimoines déguisée,


puisque les relations financières au sein du groupe ne sont profitantes que pour certaines
sociétés ?

81
Option citée

45
2- Choix de la jurisprudence

En l’absence d’une définition légale du groupe, il convient de rappeler que le «groupe est une
technique de responsabilité limitée organisée autour du principe d'indépendance des
sociétés.»82
Ainsi, l'hypothèse est que la doctrine et la jurisprudence ont dû souligner que, pour qu'il y ait
extension de procédure, il ne suffisait pas que les protagonistes appartiennent à un groupe de
sociétés. Le principe reste celui de l'autonomie juridique des filiales83.

En effet, la seule constatation d’une interdépendance entre les personnes liées ne crée pas la
confusion des patrimoines, tel que le fait de participer à l'exploitation ou de partager la
propriété des biens d'une même entreprise. L’arrêt de la cour de cassation en date de 19-Avril
2005, dans l’affaire de « Metaleurop » confirme cette idée. Il est attendu qu’en :

" se déterminant par de tels motifs impropres à caractériser en quoi, dans un groupe de
sociétés, les conventions de gestion de trésorerie et de change, les échanges de personnel et
les avances de fonds par la société-mère, qu'elle a constatés, révélaient des relations
financières anormales constitutives d'une confusion des patrimoines (...)".
Dans le même sens l’existence des liens très étroits entre deux personnes n’engendre pas une
telle confusion. L’illustration suivante affirme notre conclusion. Ainsi, selon l'attendu suivant
d'un arrêt de la Cour de cassation (Cass. com., 25 févr. 1997 ».

« C'est à bon droit que la cour d'appel a refusé, notamment, de faire droit à la demande de
jonction des procédures collectives des sociétés d'un groupe et d'étendre ces procédures à
d'autres personnes morales, malgré des participations croisées, l'identité de dirigeant, la
complémentarité des objets sociaux, l'interdépendance et l'intégration des activités ainsi que
l'étroitesse des liens financiers existant entre celles-ci. En effet, la cour d'appel a retenu que
chacune des entités du groupe possédait un patrimoine personnel bien identifié, qu'elles
avaient une vie économique autonome au point que certaines d'entre elles étaient encore in
bonis, que leurs rapports financiers avaient l'apparence de la normalité et qu'il n'était pas
justifié en quoi la participation de ces sociétés à un groupe à concentration verticale ferait en
elle-même preuve de la confusion de patrimoines. ».

82
C. Hannoun, Le droit et les groupes de sociétés, LGDJ, 1991, Bibl. dr. Privé. T. 216, n° 193.
83
David Robine et Julien Marotte, « L'appréciation restrictive des critères de la confusion des patrimoines dans
le cadre d'un groupe de sociétés » Revue des sociétés 2005 p. 897.

46
En outre, il est bien clair que la jurisprudence distingue nettement, l’unicité de l’entreprise et
la confusion des patrimoines. En conséquence, il a été jugé :

 L'unicité et l'imbrication d'intérêts résultant de l'interdépendance des engagements


financiers entre deux sociétés sont insuffisantes pour caractériser une confusion des
patrimoines -(Cass. com., 20 oct. 1992)84 ;

 La prise en charge par l'une des sociétés du déficit de l'autre comme la communauté
d'intérêts, d'objectifs et de moyens ne peut pas non plus établir cette confusion de
patrimoines (Cass. com., 20 oct. 1992)85 ;

 L'identité des dirigeants sociaux, des sièges sociaux, voire même des objets sociaux ainsi
que l'existence de participations réciproques en capital entre deux sociétés ne suffit pas à
caractériser la confusion des patrimoines.

Le débat n’est pas totalement net, puisqu’on constate encore que certains tribunaux, jugent la
dépendance économique comme moyen de confusion de patrimoines, notamment dans le cas
d’existence d’une seule et unique activité de la société dépendante, tel est le cas où la société
d’exploitation verse des loyers anormaux à la société civile propriétaire du local. Ainsi selon
l’attendu suivant :
"La liquidation judiciaire d'une société à responsabilité limitée doit être étendue aux sociétés
civiles immobilières bailleresses pour cause de confusion des patrimoines, dès lors que les
avances de loyers faites par la société débitrice sont totalement disproportionnées avec ses
moyens. De tels paiements suffisent en effet à établir l'état de dépendance financière des
différentes sociétés en cause" (CA Paris, 3e ch. C, 9 avr. 1999)86.

En effet, dans cet attendu c’est la capacité financière de la société débitrice de supporter le
montant des loyers qui est considérée pour caractériser la confusion des patrimoines, et non le
critère anormal de ces loyers, vue que la société civile n’a qu’une seule activité, et un seul
client, soit la société détenue par les mêmes associés de la société civile.

II. Vers une autonomie de la notion

84
Juris-Data n° 1992-002280
85
Juris-Data n° 1992-002292
86
Juris-Data n° 1999-022819

47
Dans ce qui précède nous avons essayé de lever l’ambiguïté qui entoure la notion de la
confusion des patrimoines, à travers sa distinction des divers mécanismes d’extension de la
procédure.
Certes, la diversité des actes des personnes -physiques ou morales-, empêche de cerner tous
ces faits par les dispositions édictées par la loi. Les circonstances et les causes de chaque fait
déterminent la manière dont le tribunal doit procéder. Cette multiplicité donne une réflexion
riche de par la jurisprudence et la doctrine, afin de positionner chaque théorie à travers son
utilité et le but de sa création.

L’utilisation d’une théorie quelconque, et les critiques qui s’en suivent, lui permettent une
autonomie et une compréhension stable.

1- Existence d’un lien commun

L’extension suite à la fictivité concerne uniquement les personnes morales. Une personne
physique n’est jamais fictive. En revanche, la fausse extension est considérée comme une
sanction patrimoniale contre les dirigeants sociaux –légaux ou de fait-, mais uniquement ceux
qui commettent des fautes de gestion, à l’exception de tout associé qui ne participe pas ou ne
contribue pas à la gestion de la société. Aussi, l’extension sur la base d’unité d’entreprise ne
confirme-t-elle la confusion que lorsqu’elle est constatée par un mélange de patrimoine et non
à cause de l’interdépendance étroite des activités des sociétés d’un groupe.

De même pour les théories classiques. En effet, la condamnation prononcée par un tribunal
correctionnel pour l’abus de biens ou du crédit de la société par son gérant -du fait- à des fins
personnelles, ne caractérise pas en elle-même l'existence d'une confusion des comptes ni de
flux financiers anormaux entre le patrimoine de la société et celui-ci87.

2- Originalité recherchée

Bien que les mécanismes étudiés ci-dessus peuvent avoir un caractère commun avec la
confusion des patrimoines, à savoir l’existence des relations anormales entre des personnes
juridiquement distinctes, la confusion des patrimoines ne se manifeste que lorsqu’il y a « un

87
JurisData : 2006-297046. Cour d'appel NIMES Chambre 2, section B 12 Janvier 2006 N° 04/02326

48
mélange inextricable de patrimoines d’une façon à ce qu’il est impossible de déterminer la
consistance de chacun ».

Dans cette optique, la confusion des patrimoines dépasse l’idée de l’existence des relations
anormales qui ne présente qu’un indice de la confusion. Elle dépasse aussi d’autres théories
par l’existence d’un autre indice qui est la confusion des comptes. Le but n’est plus de traiter
ces critères en tant que tels, mais comme des vecteurs ou des supports d’indéterminabilité de
la consistance patrimoniale88.

Dans le même sens Calendini considère que « la confusion des patrimoines se trouve vérifié
lorsque les masses actives et passives de plusieurs personnes morales ne peuvent être
distinguées les unes des autres »89.

Alors les relations financières anormales, prises en considération sont celles correspondant
aux « transferts d’actifs ou de passifs d’un patrimoine à l’autre, effectués sans
justifications, et sans intérêt, et ayant provoqué un déséquilibre patrimonial effectué et
significatif, le tout, sans que la bonne ou mauvaise foi des parties à la confusion ne soit
déterminante »90.
Au-delà des flux financiers, les relations anormales se constatent aussi bien par l’absence des
flux, tels que, des garanties données par une personne au profit de l’autre.

Par commodité, il est très utile de préciser ces critères et les conséquences de la confusion des
patrimoines qui seront l’objet du chapitre suivant.

Chapitre II : Critères et conséquences de la confusion des patrimoines

La recherche de l’existence de la confusion des patrimoines entre deux entreprises, nécessite


de distinguer les critères qui permettent son identification sans aucune ambiguïté. Ainsi, la
précision nette de la confusion repose sur la constatation concrète de l’imbrication des actifs
et passifs de deux entreprises, ou bien lorsqu’il y a de transferts d’actifs sans contre partie.

88
RCP page 522 note 593
89
RPC.page 1997 repris par Reille florence NCP page 523
90
RPC page 532 note 607

49
La concrétisation d’une telle imbrication peut se faire à travers la vérification des comptes de
ces entreprises. Par contre le transfert d’actifs peut se faire par la vérification des flux
financiers de ces deux entreprises.
D’ailleurs, l’existence de la confusion des patrimoines peut produire des conséquences
remarquables, tant au niveau de la procédure, qu’au niveau des entreprises sujettes, leurs
experts comptables et leurs commissaires aux comptes, le cas échéant.

Section I : Critères de la confusion des patrimoines

Les premières démarches consistent à la recherche des liens apparents qui peuvent exister
entre les entreprises en risque d’extension. Cela permet d’identifier les maîtres de chaque
patrimoine, la consistance de celui-ci et ses frontières. Il s’agit dans ce sens d’identifier les
associés, les dirigeants et tous les autres organes de décision ainsi que les activités exercées et
le siège social de l’exploitation.
En deuxième lieu, il est utile de cerner les principaux critères de ce mécanisme
jurisprudentiel.

§I : critères extracomptables

I. Associés et organes de décision

L’identification des associés et des organes de décision est d’une grande nécessité mais elle
est insuffisante pour déterminer l’existence de la confusion des patrimoines. En effet, chaque
fois que la jurisprudence constate une confusion, il y a derrière ce constat un bénéficiaire
direct ou indirect, qui est en général un dirigeant ou un associé, personne morale ou
physique.
C’est pourquoi certains auteurs classent ce critère de deuxième degré.
Aussi, il importe de rechercher des liens juridiques entre les entreprises en risque de la
confusion des patrimoines. Ainsi le praticien identifie les associés de ces entreprises et leurs
dirigeants - du fait ou de droit-. L’objectif est de dévoiler les relations existantes entre les
organes de décision et la société en difficulté.

Dans ce sens, Pierre Michel Le Corre, précise que « La confusion des patrimoines a un
terrain d'élection dans le binôme SCI / société d'exploitation, lorsque les associés et dirigeants

50
des deux structures sont les mêmes »91. En effet le manque à gagner par une société revient à
l’autre et finalement aux associés.

Cependant, la jurisprudence, est stable sur l’insuffisance du critère des associés et des
dirigeants communs pour l’extension de la procédure sur la base de la confusion des
patrimoines.

Ainsi, la cour de Paris a jugé qu'il ne suffit pas : "de se fonder sur la présence dans les
sociétés concernées de dirigeants ou associés communs ou sur l'identité de siège social si
l'étude de leurs rapports financiers ne relève pas par ailleurs une imbrication que ne justifie
pas l'existence de relations d'affaires normales entre elles" (CA Paris, 3e ch. A, 9 mars
199392)
Donc, cette phase n’est qu’une étape qui permet de chercher d’autres éléments de la
confusion. L’attendu suivant illustre ce principe :

« ATTENDU que la présence au sein des sociétés IMMO-PIERRE et IMMO-ARRAS de


dirigeants et d'associés communs ainsi que la similarité de leur objet social et l'identité de
leur siège social ne suffisent pas à démontrer la confusion de leurs patrimoines »93.
D’ailleurs, dans un autre cas d’existence de relations financières, la Cour de cassation en date
de 4 juillet 2000 N°98-12.117 , casse et annule la décision de la Cour d’Appel d'Amiens 19
juin 1997, qui retient que « les époux Y... ont payé des dettes de leurs sociétés de leurs
deniers personnels, confondant ainsi leur patrimoine propre avec celui des sociétés ».Alors la
cour de cassation affirme que «Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher s'il avait
existé entre les personnes morales et les personnes physiques une confusion des comptes ou
des flux financiers anormaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision »94.
En outre, la considération de la Cour d'Appel de Paris en date du 10 mars 2009n° 08/13252 :
« que même si, du fait d'une gestion par la même personne, on constate une communauté
d'intérêts de ces sociétés, la société ARCHIBALD, représentée par Maître Virginie LAURE,
ne démontre pas pour autant l'imbrication des patrimoines de celles-ci non plus que la réalité
de flux financiers anormaux entre les mêmes sociétés. ». En répondant aux dires de Me
Virgine Laure que les actes anormaux de gestion de la S.C.I. PIERRE DE MONTEREAU

91
AJDI 2004 p. 581
92
JurisData n° 1993-021352
93
Cour d'appel d'Amiens 6 mai 2002 n° 2000/03267. Jurisprudence Dalloz édition 2010
94
Dalloz Jurisprudence, éditions 2010

51
représentent « la communauté d'intérêt de management des trois entités : la société CENTRE
CHIRURGICAL DE MONTEREAU, la S.A.R.L. POLYCLINIQUE DE SEINE ET YONNE et
la S.C.I. PIERRE DE MONTEREAU. Monsieur NOTTON étant l'actionnaire principal de la
S.C.I. PIERRE DE MONTEREAU au travers de la société FRANCE MEDICAL dont il est le
gérant, qui détient 98% de la S.C.I. PIERRE DE MONTEREAU ainsi que le dirigeant des
deux autres sociétés »95.

En outre, La détention par une société de la majorité et même de l'intégralité du capital d'une
autre ne permet pas, à elle seule, de faire la preuve d'une confusion de patrimoines96.

Cependant, sans se référer au mécanisme de la confusion des patrimoines, la forme juridique


de la société en difficulté et ses associés, peut entraîner l’extension de la procédure, c’est le
cas des sociétés en nom collectif et ses associés, et des sociétés en commandité et ses associés
commodités, qui répondent indéfiniment aux dettes de la société.

II. Objet et siège social

Il est constaté que certaines sociétés procèdent à des activités similaires ou complémentaires.
En plus, elles peuvent être abritées dans le même siège social. Cette situation est encore un
élément permettant d’observer la confusion des patrimoines entre ces sociétés.

En outre, elles peuvent exercer leurs activités dans les mêmes locaux, partager certains
matériels et centraliser leur gestion97.

Ces circonstances permettent de comprendre les liaisons existantes entres ces sociétés, mais
ne constituent pas des relations financières anormales. Et comme cité précédemment, ces
indices créent un terrain favorable facilitant la recherche de la confusion des patrimoines.

A travers ce constat, ces critères extracomptables représentés par les liens structurels et
organisationnels sont impropres et insuffisants à établir la confusion des patrimoines. Comme
cela a été jugé : « ne suffit pas à établir la confusion des patrimoines de trois sociétés,
l'existence de dirigeants ou d'associés communs, d'objets sociaux identiques, d'une gestion
centralisée en un même lieu, de relations commerciales constantes et d'une clientèle
95
Op. citée
96
JurisClasseur Commercial > Fasc. 1574
97
NCP, page 205 N 246

52
commune, dès lors que ces sociétés ont conservé une activité indépendante, un actif et un
passif propres et qu'aucun flux financier anormal n'a existé entre elles » (Cass. com., 11 mai
1993)98.
Ces critères ne représentent que des indices permettant de faire avancer la recherche vers les
critères constitutifs de la confusion des patrimoines, soient : la confusion des comptes et les
relations financières anormales.

§ II : Critères comptables et financiers

Le contrôle constamment réalisé par la cour de cassation sur les décisions des juges de fonds
en France sur les fondements de la confusion des patrimoines qui permettent l’extension de la
procédure a permis de considérer deux critères seulement de la confusion : La confusion des
comptes et les relations financières anormales.

I. Imbrication des comptes

Ce critère en lui-même représente les difficultés d’appréciation, puisque il met en exergue la


comptabilité, dans le sens, qu’elle doit refléter l’image fidèle du patrimoine de chaque entité.
Dans ce cadre, pouvons-nous admettre que l’imbrication des comptes peut être constatée à
travers les irrégularités et l’insincérité des comptes ou radicalement par l’absence de la
comptabilité ?

A. De la comptabilité

La comptabilité est un système d’information qui permet de déterminer les droits et les
obligations d’une entité, notamment pécuniaires, et de valoriser son patrimoine. Elle permet,
en outre, de retracer et d’identifier les opérations ou les mouvements entre l’entité et ses
partenaires.

Ainsi, elle doit représenter l’image fidèle du patrimoine de l’entreprise, de sa situation


financière et ses flux de trésorerie.
Elle se présente comme un système d’information qui doit satisfaire aux objectifs de la réalité,
de la régularité et de la sincérité des opérations de l’entreprise.

98
Bull. Joly 1993, p. 1050,

53
1- Tenue d’une comptabilité fictive

La comptabilité fictive ne résulte pas des omissions simples et des irrégularités comptables
non signifiantes. Elle se caractérise par des manipulations qui supposent un désir de tromper
dans l’objectif de cacher la véritable situation financière de l’entreprise.

Ainsi, la comptabilité fictive s’assimile à une « double comptabilité, soigneusement tenue,


l'une officielle, destinée à être produite, l'autre véritable, destinée à l'information du seul
délinquant »99.
La comptabilité fictive se présente lorsqu’il est constaté:

 Des erreurs nombreuses ou des manipulations de chiffres ;


 Des comptes établis sur des "données non fiables ;
 L'inscription d'opérations sans fondement réel et purement imaginaires ;
 La tenue d'une double comptabilité ;

Il n'est pas indispensable que la fictivité affecte l'ensemble de la comptabilité, ce qui est
d'ailleurs rarement le cas. Elle peut ne concerner que quelques écritures, dès lors que ces
dernières sont suffisamment importantes pour fausser la vision de la situation financière de
l'entreprise100.

2- Tenue d’une comptabilité manifestement incomplète et irrégulière

Cette phrase est empruntée de l’article 706 du code de commerce, qui impose l’extension de
la procédure aux dirigeants qui tiennent une telle comptabilité, comme moyen de sanction.
Cependant l’adverbe « manifestement » exige une attention particulière, puisque le législateur
n’a pas précisé le seuil significatif à partir duquel la comptabilité est incomplète ou est
entachée d’irrégularités.

A notre avis, le praticien doit s’intéresser au critère de l’importance significative des


irrégularités rencontrées. Ainsi, qu’en est-il de :

 Soldes créditeurs du compte caisse ;

99
J. Devèze, Comptabilité fictive : Rev. proc. coll. 1990, p. 173
100
JurisClasseur Commercial > Fasc. 2930 note 36

54
 Absence de certaines pièces justificatives non importantes ;
 Défaut d'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de
l'entreprise ;
 Défaut de justification de factures et des avoirs ;

D’ailleurs, supposant que malgré l’existence de ces irrégularités ou lorsque la comptabilité est
jugée fictive, les opérations existantes entre les entités en risque de confusion des patrimoines
sont bien enregistrées de façon à permettre à tout professionnel d’identifier ses relations. Dans
ce cas, la comptabilité offre des éléments nécessaires à favoriser la séparation des
patrimoines.

Cette situation permet-elle d’écarter l’extension de la procédure, uniquement sous l’angle de


l’imbrication des comptes ?

Il est donc, nécessaire de formaliser ce critère de la confusion des comptes.

B. Confusion des comptes

L’imbrication des comptes se caractérise par leur confusion. En effet, celle-ci ne se présente
pas forcément à travers des irrégularités constatées, ou par le fait de la présence d’une
comptabilité fictive.

Ainsi, l’exploitation en commun d’un fonds de commerce, la gérance libre de celui-ci, la


société créée de fait, la société en participation, sont des champs fertiles de la confusion des
comptes. Mais en quoi consiste-t-elle ?

1- En quoi consiste la confusion des comptes

La confusion des patrimoines trouve son application lorsqu’il y a : « imbrication des masses
actives et passives des structures concernées ». Cette imbrication sera révélée spécialement
par une confusion des comptes, c'est-à-dire, « le désordre rendant impossible la
101
détermination des droits de chacune des personnes concernées » . Ce désordre se

101
Pierre-Michel Le Corre. Droit et pratique des procédures collectives, 2eme édition ,2003 page 68 Note 21.43
voir aussi l’article intitulé de même auteur « Encore la confusion des patrimoines dans le mariage SCI / Société
d'exploitation » AJDI 2004 p. 581

55
manifeste par une imbrication matérielle des patrimoines actifs et passifs rendant impossible
la détermination du titulaire réel102.

En effet, le critère de la confusion des comptes semble particulièrement pertinent pour


certains auteurs, puisque il permet de juger la raison de son auteur, parce qu’il est
irraisonnable de confondre les comptes des entreprises. En effet, «L'utilisation de personnes
morales pour séparer les patrimoines est de l’habileté, mais l'impossibilité de retracer
comptablement les opérations des unes et des autres et de reconstituer les patrimoines de
chacun est une faute inadmissible pour un gestionnaire avisé »103.

D’ailleurs, il est important de préciser que l'identification en comptabilité des mouvements


financiers entre deux sociétés excluait l'imbrication de leurs relations (Cass. com., 8 janv.
2002)104.
En revanche, la confusion des comptes est un désordre généralisé des comptes ou un état
d'imbrication inextricable des éléments d'actif et de passif des personnes considérées (Cour
d'appel ROUEN Chambre 2, le 6 Décembre 2007 N° 06/00134)105.

2- Quelques cas de figure

Trois illustrations permettent d’éclaircir le recours à la confusion des comptes comme critère
de la confusion des patrimoines.

En premier lieu, un commerçant qui avait donné son fonds de commerce en location-gérance
à une SARL dont il assurait la gérance conjointement avec son épouse s'est vu étendre la
procédure collective ouverte contre la société. Pourtant il n'avait donné aucun ordre à sa
banque d'ouvrir des comptes séparés et il avait utilisé, avant le jugement d'ouverture de la
procédure collective de la société, son compte personnel comme compte de la société (Cass.
com., 17 janv. 1995, n° 92-15.674)106.

En second lieu, une société avait passé des accords de coordination financière, industrielle et
comptable avec une autre société dans laquelle elle avait pris des participations. À la suite de

102
JurisClasseur Environnement > Fasc. 4020 note 41.
103
JurisClasseur Commercial > Fasc. 2165
104
Juris-Data n° 2002-012641, JurisClasseur Procédures collectives > Fasc. 2165 ,note 12
105
JurisData N°: 2007-351706
106
JurisClasseur Procédures collectives > Fasc. 2165 note 12

56
difficultés d'exécution des divers arrangements entre les sociétés, il en est résulté un désordre
généralisé des comptes et un état d'imbrication inextricable entre ces deux sociétés
caractérisant la confusion des patrimoines (Cass. com., 24 oct. 1995 : RJDA 1996, n° 266)107.

En troisième lieu, et à l'inverse, la seule irrégularité des opérations entre deux sociétés est
impropre à démontrer la confusion des patrimoines dès lors que la comptabilité permet de
rendre compte des rapports réciproques entre les deux personnes morales : ainsi qu’en est-il
d'une société qui acquiert du matériel d'une autre société exerçant son activité dans les mêmes
locaux, et qui ne le paie pas, mais alors que les opérations ont été régulièrement enregistrées
en comptabilité (Cass. com., 9 mai 1995, n° 93-11.399)108.

Dans un autre cas, la tribunal a rejeté la demande du liquidateur judiciaire en extension de la


procédure collective d'une société anonyme exploitant une clinique, à la société civile
immobilière bailleur des locaux d'exploitation, alors qu’il n'a pas poursuivi le locataire ou
même sérieusement tenté de recouvrer la créance de loyers impayés, ayant au contraire
abandonné partiellement cette créance de façon provisoire compte tenu de l'existence d'une
clause de retour à meilleure fortune. Ces seules circonstances ne sont pas de nature à établir
l'existence de flux financiers anormaux, la relation bailleur - locataire remontant à plusieurs
années. Ainsi, le loyer, contrepartie normale de la mise à disposition des locaux, ayant été
régulièrement payé jusqu'aux premières difficultés. En effet, la seule constatation de l'absence
de production par la SCI de ses pièces comptables n'est pas de nature à établir la confusion
des comptes dont la preuve incombe au liquidateur qui a pris l'initiative de la procédure en
extension (Cour d'appel PARIS Chambre 3, section A 12 Avril 2005 N° 04/13579)109.

D’ailleurs, la seule constatation d'un solde débiteur d'un compte d'associé est impropre à
établir une confusion entre les patrimoines de l'associé et de la société : il appartient aux juges
de préciser en quoi les relations financières entre les intéressés revêtent un caractère anormal
(Cass. com., 19 nov. 2003)110. Cependant il faut remarquer qu’ « à peine de nullité du
contrat, il est interdit aux administrateurs autres que les personnes morales de contracter,
sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par

107
Op. citée , note 12
108
Op.citée, note 12
109
JurisData : 2005-272170.
110
JurisClasseur Sociétés Traité > Fasc. 36-20 ; Juris-Data n° 2003-021137.

57
elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser
par elle leurs engagements envers les tiers.»111.

En revanche, la défaillance ou l’absence d’une comptabilité rendant impossible la


détermination du titulaire réel des actifs et passifs d’une des deux entités, représente un
critère fondamental de la confusion des comptes (Cour d'appel de Rouen CT0044 en date du 6
décembre 2007 n° 06/134)112.

II. Flux financiers anormaux

La nature des relations contractuelles de l’entreprise en difficulté avec celle en risque


d’extension peut entraîner l’extension de la procédure. Cependant, cette relation doit être bien
identifiée pour déterminer la base de cette extension. Ainsi, il peut y avoir des relations qui
peuvent être traitées dans le cadre de l’article 704 et 706 ou bien dans le cadre de l’article 607.

Face à cette situation, il faut encadrer les relations qui comportent la confusion des
patrimoines.

A. Aperçu sur la terminologie utilisée

Le deuxième critère de la confusion de patrimoines se présente sous diverses formes. Ainsi,


certains juges utilisent l’expression des "flux financiers anormaux". D’autres, une expression
plus large, soit celle de "relations financières anormales" au prétexte que « l'anormalité des
relations entre deux sociétés peut résider, en effet, dans l'absence de flux financiers, par
exemple en cas de non réclamation de loyers ». En outre certaines décisions utilisent
simplement l’existence des mouvements anormaux. (Cass. com., 13 nov. 2002, n° 99-16.827,
Raimbault c/ Hervouet : JurisData n° 2002-017986 ;Dr. sociétés 2003, comm.142, obs. J-P.) 113.

Quoi qu’il en soit, l'interdépendance des liens financiers, à elle seule, doit être considérée
insuffisante et impropre à démontrer l'existence de la confusion des patrimoines, et que
l’anormalité des flux ou des relations financiers est la base d’une telle confusion.

111
L’article 62 de la loi n° 17-95 relative aux sociétés anonymes et l’article 38 de la Loi n° 5-96 sur les autres
formes de société commerciales.
112
Dalloz jurisprudences éditions 2010.
113
JurisClasseur Commercial > Fasc. 2162 note 153

58
Il importe aussi de distinguer soigneusement les cas où ces relations ne sont que l'un des
éléments constitutifs d'un délit d'abus de biens sociaux par exemple.

Seules la répétition des flux et la volonté de créer la confusion des patrimoines sont
caractérisées : il faut que "ces flux, manifestement anormaux, procèdent d'une volonté
systématique" (D. Tricot, La confusion de patrimoines et les procédures collectives, Rapp. C.
cass. 1997 : Doc. fr. 1998)114.

B. Critère d’anormalité

Le praticien, lorsqu’il constate l’existence des relations ou des flux financiers, vérifie en
même temps deux éléments :
 La nature de ces relations ;
 La volonté de l’auteur de créer la confusion.

1- Notion de l’anormalité

L'anormalité s’interprète d'abord par l'absence de toute contrepartie. L'existence ou non de


cette contrepartie devrait s'apprécier au regard de l'ensemble des relations nouées entre les
deux personnes115. Cette anormalité est démontrée par l'impossibilité de répartir les actifs qui
sont en cause.

Ainsi, l’affaire citée par Tricat dans l’étude précédente, rejoint cette explication : « une SARL
avait son siège sur un terrain appartenant à une SCI sans qu'aucun titre juridique ne
définisse les conditions juridiques et financières de cette occupation ; mais par ailleurs, sur
d'autres terrains appartenant à la SCI, des maisons d'habitation avaient été construites par la
SARL qui en a assuré le financement de sorte que la SCI en était devenue propriétaire sans
aucune contrepartie » (Cass. com., 19 nov. 1996, arrêt n° 1693).

114
JurisClasseur Commercial > Fasc. 2165 Notre 153
115
JurisClasseur Commercial > Fasc. 2165 note 16

59
L’anormalité d’une relation est envisagée comme :

 Une absence de justification juridique des transferts patrimoniaux ;

 Où une absence de l’intérêt –économique- de chacune des parties à l’opération, soit


l’absence d’un avantage économique, soit d’un profit à réaliser ou une économie d’un
coût procuré par l’opération116.

Par contre , il n'existe pas de confusion de patrimoines entre deux sociétés appartenant à un
groupe, lorsque la première fait profiter la seconde d'avantages en compte courant par
l'intermédiaire de la holding dans le cadre d'une convention de trésorerie, et que ces avances
n'ont pas rompu l'équilibre entre les sociétés en cause, ni excédé leurs possibilités
financières (CA Versailles, 2 avr. 2002 : JCP E 2002, n° 41, p. 1627, note A. Couret ; D.
2002, somm. p. 3266, obs. J.-C. Hallouin ; Bull. Joly 2002, p. 923, note H. Le Nabasque ; Dr.
sociétés 2002, comm. 221, obs. F.-X. Lucas ; Banque et droit 2002, p. 53, obs. Q. Urban)117.

2- Volonté systématique

Le haut Conseiller Tricot a précisé que toute anomalie dans les relations n'est pas synonyme
de confusion des patrimoines. Le danger est d'admettre trop facilement la confusion des
patrimoines. Ces flux financiers anormaux doivent précéder à une "volonté systématique" de
créer la confusion.

Et c'est là que se trouve, aujourd'hui, la plus grande source d'incertitude jurisprudentielle.


Certaines décisions de juges du fond admettent facilement cette volonté pour en déduire un
peu rapidement une dépendance financière, source de confusion des patrimoines118.

Dans un cas de figure, l’existence d’un dirigeant commun aux deux sociétés, la détention par
l'une de 980 des 1 000 actions du capital de l'autre et les versements faits sans contrepartie,
dont il n'est pas démontré qu'ils ont procédé d'une volonté systématique, sont des éléments
insuffisants pour caractériser la confusion des patrimoines entre les deux sociétés dont les

116
NCP page note 139 à 159
117
JurisClasseur Commercial > Fasc. 1574, note 38
118
JCl. Commmercial. - Fasc. 2165, n° 15

60
mouvements financiers ont été identifiés en comptabilité. (Cour de cassation Chambre
commerciale 2 Mai 2007 N° 06-12.378)119.

La volonté systématique peut s’expliquer « à travers l’habitude, constituée par un élément


matériel, qui consiste dans la répétition constante d'actes relevant de la confusion des
patrimoines »120. En effet, le nombre minimum des actes ou biens des relations, à partir
desquelles il est constaté la confusion des patrimoines, reste à l’appréciation du juge.

Le comportement d'une gérante d'agence immobilière exploitée sous forme d’une SARL, qui
a profité de la signature sociale pour faire bénéficier son fils de sommes dont elle souhaitait
obtenir personnellement restitution, aussi répréhensible soit-il, ne saurait constituer une
confusion de patrimoines, dès lors qu'aucun fonds de la société n'est entré dans le patrimoine
personnel de la gérante, de sorte qu'aucun flux financier ne peut être allégué entre la société et
sa gérante. La demande d'extension de la procédure collective affectant la SARL aux héritiers
de la gérante doit donc être rejetée (Cour d'appel CAEN Chambre 1, section civile et
commerciale le 24 Janvier 2008 N° 06/03281)121.

En effet, de nombreux exemples jurisprudentiels peuvent être indiqués. Ainsi il a été jugé que:

 L'unicité et l'imbrication d'intérêts résultant de l'interdépendance des engagements


financiers entre deux sociétés sont insuffisantes pour caractériser une confusion des
patrimoines - la Cour de cassation (Cass. com., 20 oct. 1992 : Juris-Data n° 1992-
002280 ; Bull. civ. 1992, IV, n° 314 ; JCP E 1992, pan. 1447 ; JCP G 1992, IV, 3093) ;

 La prise en charge par l'une des sociétés du déficit de l'autre comme la communauté
d'intérêts, d'objectifs et de moyens ne peuvent pas non plus établir cette confusion de
patrimoines (Cass. com., 20 oct. 1992 : Juris-Data n° 1992-002292 ; Bull. civ. 1992, IV
n° 313) ;

 L'identité des dirigeants sociaux, des sièges sociaux, voire même des objets sociaux ainsi
que l'existence de participations réciproques en capital entre deux sociétés ne suffisent pas

119
JurisData : 2007-038692
120
Répertoire Dalloz commercial ; édition 2010 note 51
121
JurisData : 2008-363929

61
à caractériser la confusion des patrimoines (Cass. com., 11 févr. 1993 : JCP E 1993,
pan. 868. - Cass. com., 31 mai 1995 : Rev. sociétés 1995, p. 757, note D. Randoux)122.

En revanche, l’appréciation des relations financières anormales conduisant à la confusion des


patrimoines dénote plus de la difficulté d’encadrer la notion, et non de l’identification de ces
relations. Ainsi le travail nécessite la mise en valeur de l’élément de l’anormalité, et celui de
volonté qui est un élément psychologique difficile à apprécier sans se référer à la règle de la
bonne ou à la mauvaise foi.

Section II : Conséquences de la confusion des patrimoines

L’application de la confusion des patrimoines engendre des conséquences remarquables.

§ I : Particularité de la procédure et de la solution

La doctrine, ainsi que la jurisprudence française se basent sur la théorie de l’unicité de


patrimoine pour conclure l’unicité de la procédure et de la solution. Par contre, la
jurisprudence marocaine a choisi, pour certains cas, la diversification de la solution123.

I. Unicité de la procédure

Par hypothèse, seule une procédure déjà ouverte peut être étendue, et dans ce cas prévaut le
principe d'unicité de procédure124. Cette unicité de la procédure a pour prolongement
logique la constitution d'un patrimoine commun, sans pour autant entraîner la disparition
des personnalités morales125. A l’inverse l’extension suite à la fictivité peut entraîner la
disparition de la personne morale.

122
JurisClasseur Commercial > Fasc. 2165
123
Voir dans ce sens l’Arrét du tribunal de commerce d’Agadir …
124
JurisClasseur Commercial > Fasc. 2205. Note 28
125
JurisClasseur Procédures collectives > Fasc. 2165 note 56+57, l’auteur a cité plusieurs arrêts dans ce sens :
(Cass. com., 26 mars 1985, cité supra n° 55. - Cass. com., 17 févr. 1998, n° 97-13.098 : Juris-Data n° 1998-
000653 ; LPA 1998, n° 70, p. 22, obs. B. Soinne ; RJDA 1998, n° 750, p. 530 ; D. affaires 1998, p. 426, obs. A.
L. - Cass. com., 23 juin 1998 : RTD com. 1998, p. 924, obs. C. Saint-Alary-Houin ; RJDA 1998, n° 1247, p. 938,
"la confusion des patrimoines emportant unicité de la procédure, le plan de redressement commun aux trois
sociétés ne pouvait être divisément résolu". - Cass. com., 28 mai 2002 : Juris-Data n° 2002-014669 ; Dr.
sociétés 2003, comm. 7, obs. J.-P. Legros. - Cass. com., 7 janv. 2003 : Juris-Data n° 2003-017227 ; Act. proc.
coll. 2003, comm. 30 ; JCP E 2003, n° 20, 760, n° 4, obs. Ph. Pétel ; Bull. Joly sociétés 2003, p. 407, note F.-X.
Lucas)

62
L’unicité permet la simplicité de la procédure, puisqu’il n’est plus nécessaire de remplir les
conditions d’ouverture de la procédure à l’autre personne atteinte par l’extension. D’ailleurs,
le tribunal statue sur l’ensemble des patrimoines.

C’est pourquoi, il est inutile de constater par le tribunal la cessation de paiement du second
débiteur. A ce propos, Ph. Pétel a noté, en commentant un arrêt de la cour de cassation, "à
supposer la confusion des patrimoines établie, cette seule circonstance justifie l'extension de
procédure sans qu'il soit nécessaire de constater que les sociétés auxquelles la procédure est
étendue étaient personnellement en état de cessation des paiements"). - Cass. com., 6 nov.
1985 : Bull. civ. 1985, IV, n° 265. - Cass. com., 31 janv. 1995 : Bull. Joly sociétés 1995, p.
439126.

L'état de cessation des paiements existe pour l'ensemble ainsi réuni ou n'existe pas du tout. La
présentation d'un patrimoine in bonis est artificielle et ne peut être que le résultat de flux
financiers anormaux.

Par exemple une SCI n'est in bonis que parce que les loyers perçus de la société d'exploitation
sont anormalement élevés. Cela provoque le problème de la date de cessation de paiement :
est ce qu’elle doit être unique pour les deux personnes ou bien le tribunal doit-il déterminer
une date à la personne en confusion de patrimoines ?

La jurisprudence française favorise l’unicité de la date de la cessation de paiement127. Mais,


ces décisions provoquent un problème majeur : le début de la période de 18 mois pour la
cessation de paiement est référencée à la personne initiale, mais elle peut dépasser les 18 mois
pour la personne pour laquelle l’extension est prononcée. Ce qui entraîne des risques
juridiques à ses créanciers, allant jusqu’à l’annulation de leurs droits.

Voilà ce que propose la jurisprudence favorisant ainsi la réflexion jurisprudentielle de la


confusion de patrimoines et ses effets. Qu’en est-il de l’unicité de la solution ?

126
JurisClasseur Procédures collectives > Fasc. 2165 ,
127
Op. citée : Une jurisprudence constante est en ce sens (Cass. com., 9 nov. 1971 : Bull. civ. 1971, IV, n° 271 ; RTD com.
1972, p. 489, obs. R. Houin. - Cass. com., 26 mars 1985 : D. 1985, inf. rap. p. 491, obs. A. Honorat. - Cass. com., 18 nov. 1986 : D. 1987,
inf. rap. p. 73, obs. A. Honorat. - CA Paris, 19 mai 1995 : Juris-Data n° 1995-021911)

63
II. Unicité de la solution

Depuis plusieurs années, la jurisprudence française a engagé l’unicité de la solution en cas


d’extension suite à la confusion des patrimoines. Tous les débiteurs sont placés dans une
situation juridique identique, sans que l'on ait à se demander si le second débiteur offre ou non
une perspective de redressement qui pourrait justifier sa mise en redressement judiciaire128.
Au motif que l’unicité de la procédure ne fait pas disparaître la personnalité morale
« juridique » de chacune des personnes débitrices (Cass. com., 23 juin 1998, n° 96-19.997 :
Juris-Data n° 1998-003539 ; RTD com. 1998, p. 924, obs. C. Saint-Alary-Houin ; RJDA
1998, n° 1247, p. 938).

D’ailleurs, le débiteur visé par l’extension devient débiteur de la totalité des passifs réunis
dans le patrimoine commun. Par contre dans le cas d’extension à une personne morale fictive,
son actif et son passif deviennent ceux de la personne réelle, la société fictive doit, dans ce
cas, être annulée129.

En effet, l’unicité de la solution, ne crée pas de l’indivision. Il permet, l’extinction des


obligations réciproques entre les personnes en procédure, ainsi que la possibilité des
compensations des dettes et des créances d’un partenaire, dans le cas où celui-ci est créancier
d’une des personnes en procédure et débiteur de l’autre.

Par contre la jurisprudence marocaine, dans l’affaire du « PALAIS DES ROSES », a dévié au
principe de l’unicité de solution, en redressant l’entreprise en difficulté « PALAIS DES
ROSES » et en mettant en liquidation les deux autres entreprises, cette décision de juge peut
s’expliquer par le fait que les deux sociétés sont fictives et par principe ne doivent pas exister,
donc, la solution adéquate, préconisée par le juge réside de leur liquidation.

§ II : Application de la confusion

La confusion des patrimoines ne s’applique pas forcément à une entreprise en difficulté, une
fois la confusion constatée, l’entreprise dont la continuité d’exploitation n’est pas mise en

128
JurisClasseur Procédures collectives > Fasc. 2165 voir : (Cass. com., 15 janv. 1991 : Bull. civ. 1991, IV, n° 25 ; Bull. Joly
sociétés 1991, p. 424. - Cass. com., 17 nov. 1992 : Bull. civ. 1992, IV, n° 357. - Cass. com., 22 oct. 1996 : RJDA 1997 n° 262 ; Bull. Joly
sociétés 1997, p. 165, note Ph. Pétel. - Cass. com., 23 juin 1998 : Act. proc. coll. 1998, comm. 113)
129
Voir dans ce sens l’arrêt de la cour d’appel de Marrakech N° 517 en date de 08-05-2007

64
cause, devient soumise au redressement judiciaire et suit la même procédure que celle
initialement en redressement.

Son application nécessite d’examiner les éléments suivants :


 Qui peut demander l’extension de la procédure ?
 Quand le tribunal peut ordonner la mission d’expertise ?
 Peut-on convoquer la prescription pour annuler le recours à la confusion ?

1- Qui peut demander l’application de la confusion des patrimoines ?

La réponse à cette question repose sur la logique contradictoire de droit des procédures
collectives qui consiste à sauvegarder l’entreprise en difficulté et l’extension de la procédure
pour protéger, en même temps, les créanciers. Un problème dont la résolution est du sort du
tribunal.

Cependant, tous ceux qui ont droit à demander l’ouverture, de veiller au bon déroulement de
la procédure et au bon fonctionnement de l’entreprise en redressement peuvent demander
l’application de la confusion des patrimoines.

2- De la date de commencement de l’expertise de la confusion des patrimoines

La loi n’a pas déterminé une date précise de commencement de la mission de l’expertise de la
confusion de patrimoine, cependant, c’est durant la phase de la période de la préparation de la
solution, visée aux articles 579 est suivants du code de commerce, que cette expertise peut
être ordonnée.
En effet, les faits caractérisant la confusion des patrimoines doivent être antérieurs à
l'ouverture de la procédure collective130.

3- Quel est le délai de la prescription ?

Pour les actes réalisés dans le cadre des articles 704 et 706 du code de commerce, l’action
d’extension de la procédure est prescrite au bout de trois ans à compter de la prononciation du
jugement de redressement ou, à défaut, de la date du jugement de la liquidation judiciaire.

130
JurisClasseur Procédures collectives Fasc. 2165. Note 16

65
Cependant la loi reste muette concernant la confusion des patrimoines. Pouvons-nous
proposer le même délai ?

En raison de l’autonomie de la confusion des patrimoines par rapport aux autres mécanismes
d’extension de la procédure, la jurisprudence française a choisi la prescription du droit
commun qui est dans notre code de commerce de cinq années.
Ainsi, (l'action fondée sur (...) la confusion des patrimoines est distincte de l'ouverture de la
procédure collective des dirigeants sociaux et n'est donc pas soumise à la prescription
triennale de l'article 182")131.

D’ailleurs, La Cour de cassation limite la possibilité d'exercer l'action en extension à la


période où il n'a pas encore été définitivement statué sur le sort de l'entreprise. Ainsi, la Cour
de cassation affirme maintenant avec constance qu'"une procédure de redressement judiciaire
ne peut être étendue à une autre personne, sur le fondement de la confusion des patrimoines
après que le tribunal a arrêté, dans cette procédure, un plan de redressement soit par voie de
cession, soit par voie de continuation"132 (Cass. com., 28 nov. 2000 : Juris-Data n° 2000-
007239). Par voie de conséquence, l'action en extension est irrecevable après l'arrêt du plan de
redressement.

131
JurisClasseur Procédures collectives > Fasc. 2165 note 51
132
JurisClasseur Procédures collectives > Fasc. 2165 note 52

66
Conclusion

Tout au long de cette partie, nous avons essayé de présenter une réflexion sur la notion de la
confusion des patrimoines comme un mécanisme dérogeant aux principes généraux de droit
commun. Pour cela, nous avons tenté d’écarter les théories similaires, les nullités de la
période suspecte et les sanctions patrimoniales. Une tâche ardue au vu du caractère abstrait
des sciences sociales, et l’élasticité des définitions de chaque terme dans le temps et dans
l’espace, ce qui nécessite le développement de définitions ou de champs d’application pour
chaque mécanisme à chaque fois que les circonstances changent; contrairement au principe
instauré par Albert Einstein, qui suggère que: «Si les faits ne correspondent pas à la théorie,
changez les faits.» !!!

Il suppose aussi que : «la théorie, c'est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La
pratique, c'est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi. »

En revanche, il est nécessaire de combiner les connaissances théoriques avec les travaux
pratiques, afin d’avoir une idée complète de la notion étudiée, en répondant aux deux
questions suivantes :
 Le pourquoi et l’essence du mécanisme. Objet de la première partie ;
 Comment identifier ce mécanisme dérogatoire ? qui sera l’objet de la deuxième partie.

Notre démarche trouve son fondement sur les connaissances théoriques, argumentées par les
décisions jurisprudentielles, appliquées sur des cas de figure exploités. C’est un système de
réflexion empruntée de l’idée de Denis Diderot: «L'observation recueille les faits ; la réflexion
les combine ; l'expérience vérifie le résultat de la combinaison ».

67
Deuxième partie: « Démarche pratique d’identification de la confusion
des patrimoines

68
Introduction

Dans l'environnement moderne, force est de constater que l'économique gouverne le juridique
et que ce qu'il est convenu d'appeler « le droit pur » ne résiste plus devant des impératifs
économiques. Le droit des procédures collectives est un bel exemple dans ce sens. Cela
s’explique par la coordination entre l’économiste et le juriste dans toutes les phases du
traitement des difficultés des entreprises. Ainsi, le juge ne peut faire autrement que de suivre
le magistrat économique pour des questions d’ordre technique.

Ce magistrat peut intervenir soit en tant que : orienteur, administrateur ou contrôleur de


l’entreprise en difficulté en qualité de syndic, soit en tant qu’expert judiciaire pour examiner,
analyser ou éclaircir un fait technique ou scientifique dans le cadre d’une expertise judiciaire.
C’est le cas, lorsque le tribunal ordonne une expertise de la confusion des patrimoines, qui
nécessite le choix d’un professionnel en comptabilité et finance.

Ce professionnel qui sera choisi parmi les experts judiciaires doit construire son expertise à
partir des éléments probants et significatifs ayant pour objet de motiver son opinion. Ce qui
nécessite l’utilisation d’une démarche permettant l’organisation de ses travaux, la gestion du
budget temps à sa disposition, les difficultés rencontrées et les solutions ou les alternatives
choisies, la récapitulation de la mission sous forme d’une synthèse sur la base de laquelle il
prépare son rapport final.

Au fil de cette partie, nous allons débattre des éléments suivants:


 le premier chapitre concerne la préparation et l’organisation de la mission, répartie en
deux sections. Ainsi nous essayons de présenter les préparatifs de la mission dans la
première, et l’organisation de celle-ci dans la deuxième.

 Le deuxième chapitre est consacré à l’élaboration de la démarche d’identification de la


confusion des patrimoines. Ainsi, la première section traite l’examen des comptes des
entreprises sujettes à la confusion des patrimoines, la vérification de l’imbrication des
comptes et des flux financiers anormaux. Par contre, la deuxième section, couvre
l’examen physique de la confusion des patrimoines, l’enquête sur les mouvements de
personnel, la vérification croisée d’éléments d’actif. La section trois consiste dans la
rédaction d’une synthèse de la mission et rapport de l’expert judiciaire.

69
Chapitre I : Préparation et organisation de la mission

Le syndic se charge par décision du tribunal, soit d’administrer, soit d’exercer les fonctions
d’assistance ou bien de contrôler l’entreprise en difficulté. Ainsi, s’il est constaté au cours de
la préparation de la situation économique de l’entreprise, l’existence de liens économiques ou
de relations contractuelles entre l’entreprise en difficulté et certaines entités, le tribunal peut
ordonner une expertise judiciaire pour déterminer la nature de ces liens. La mission sera
confiée à un professionnel choisi parmi les experts judiciaires.

En effet, d’après ce qui nous avons exposé à la première partie, la confusion des patrimoines
est caractérisé par l’imbrication des comptes et/ou les flux financiers anormaux, il est
nécessaire que l’intervention soit faite par un professionnel en comptabilité qui possède la
compétence technique et légale pour l’analyse des comptes et des flux financiers entre les
entreprises sujettes à la confusion des patrimoines.

Examiner cette compétence nécessite de traiter :


 La particularité de cette mission vis-à-vis de sa nature et ses objectifs. C’est l’objet de la
première section.
 la capacité juridique et technique de ce professionnel qui sera traitée dans la seconde
section.

Section I : préparation de la mission

Avant d’entamer la mission, il est souhaitable que l’expert judicaire s’intéresse à :


 La particularité de cette mission vis-à-vis de sa nature et ses objectifs. C’est l’objet du
premier paragraphe.
 sa capacité juridique et technique qui sera traitée dans le second paragraphe.

§1. Particularité de la mission

La loi « 45-00 » relative aux experts judiciaires, précise que « l’expert judiciaire est un
auxiliaire de la justice »133 et « un spécialiste qui est chargé par les juridictions d’instruire des
points à caractère technique »134.

133
Article 1 de loi 45-00
134
Article 2 de ladite loi.
70
En effet, le recours à ce professionnel a pour objectif d’aider le juge dans les domaines qui
dépassent sa compétence, sans que ce spécialiste surpasse les questions techniques ordonnées
par le juge. Bien qu’« il lui est interdit de donner son avis sur tous points de droit »122.

D’ailleurs, pour que l’expert judiciaire, puisse concourir au fonctionnement du service public
de la justice en tant qu’auxiliaire de justice, il lui faut :
 Se limiter aux questions techniques;
 S’interdire d’interpréter la loi ;

Et dans sa mission, il doit satisfaire aux éléments suivants:


 L’objectivité et la motivation de son opinion ;
 Le principe contradictoire ;
 Distinguer nettement la cause et l’origine dont découlera une conséquence juridique.

Pour illustrer nos propos, nous citons la situation où le tribunal peut ordonner l’extension de
la procédure sur la base de l’article 706 du code de commerce ou sur la base de l’article 570.
Bien que, la conséquence soit identique, à savoir l’extension, les causses ne sont pas les
mêmes. Voir dans ce sens le jugement du tribunal de commerce d’Agadir et celui de la cours
d’appel du commerce de Marrakech en annexe.

Le respect du principe contradictoire exige de l’expert en comptabilité que son opinion soit
motivée, pour ce faire, il lui faut, en plus de son expérience et ces connaissances, de disposer
d’un référentiel admis par sa profession. Cependant, l’association marocaine des experts
judiciaires en comptabilité ne possède pas de guide dans ce sens. Cette absence représente
deux risques importants :
 C’est un obstacle sérieux pour le bon déroulement de la mission.
 C’est un moyen, pour l’expert, de dégager sa responsabilité de moyen, lorsque ces guides
sont exploités.

Heureusement, nous allons nous inspirer des normes et des guides édités par l’ordre des
experts comptables.
Ces ouvrages jouissent de plusieurs atouts :
 Ils sont admis par tous les utilisateurs, les décideurs et notamment par les contrôleurs de la
comptabilité et des états de synthèse.
 Ils présentent un dispositif d’organisation du travail, puisqu’ils offrent une méthodologie
scientifique permettant d’atteindre les résultats espérés.

71
Il est à rappeler qu’il faut prendre en considération les dimensions suivantes :

 La mission appartient au domaine comptable. L’expert judiciaire peut être choisi soit parmi
les membres de l’ordre des experts comptables, soit parmi les comptables agréés, soit
parmi les comptables assermentés auprès des tribunaux. Dans ce cas, les membres des
deux derniers groupes ne sont pas obligés de se conformer au code déontologique de
l’ordre des experts comptables.

 Les entités liées peuvent opérer dans divers secteurs et chaque entité peut avoir un plan
comptable spécifique et un système d’information différent de l’autre. Donc ce qui paraît
normal pour une entité, ne l’est pas forcément pour l’autre.
Dans ce sens, l’adaptation d’un plan de travail qui répond aux particularités de la mission
est nécessaire.
Face à cette situation, il est utile de déterminer la nature de la mission, ses limites et ses
objectifs.

I. Nature de la mission

Comme déjà énoncé, le juge fait recours aux services de l’expert judicaire pour clarifier et
comprendre les éléments techniques qui échappent ordinairement à sa compétence. Ainsi, le
juge en ordonnant une expertise ne se décharge ni de son rôle ni de ses responsabilités.

A- Mission d’auxiliaire de la justice

L’expertise judiciaire est une mission d’intérêt générale qui contribue au service public de la
justice, dans son volet technique et scientifique.
Elle offre au juge des informations sans lesquelles, la déviation du jugement vers l’injustice
peut être inévitable.

Cependant elle souffre de limites lourdes telles :


 La mission n’a qu’un élément d’information ;
 Le juge peut surpasser l’expertise ;
 Le juge peut ne pas faire appel à l’expert …

La particularité de la mission réside dans son :


 Caractère technique ;
 Caractère informationnel.

72
1- Technicité de la mission

Le juge détermine les points techniques, auxquels doit répondre l’expert sans aucune
interprétation de la loi135. Ainsi, l’expert judiciaire ne doit pas dépasser le cadre technique de
sa mission pour jouer, notamment, le rôle d’arbitre ou de conseiller des parties ou encore pire
d’interpréter la loi. Pour lever toute ambiguïté, le juge définit avec clarté et précision la
mission qu’il confie à l’expert judiciaire.

En effet, le bon déroulement de la mission, nécessite l’intervention du juge : il lui appartient


de suivre l’avancement de la mission, d’en contrôler l’évolution et de prendre les mesures
nécessaires pour surmonter les obstacles rencontrés par l’expert judiciaire et permettre
l’exécution normale de la mission.

2- Caractère informationnel de l’expertise judicaire

Selon les dispositions de l’article 2 de la loi « 45-00 » : « Les avis de l'expert sont reçus par
les juridictions à titre de simples renseignements sans pour autant avoir un caractère
obligatoire. ».

Ainsi, le rôle de l’expert judiciaire se limite à clarifier la juridiction en offrant des


informations d’ordre technique qui sont nécessaires pour que le juge puisse prononcer son
jugement sans aucune nuance, mais celui-ci n’est pas tenu de se limiter à cette expertise et
peut la surpasser.

En effet, ces deux critères concernent tous les domaines d’expertise judiciaires. Cependant
qu’en est-il du fondement de l’expertise comptable judiciaire ?

B- Fondement légal

L’expertise comptable judicaire est investie de la loi relative aux experts judiciaires, du code
de la procédure civile, de la loi relative aux juridictions de commerce, et de la réglementation
instaurant le tableau des experts judiciaires.

Cet arsenal juridique a créé deux domaines d’expertise comptable, à savoir :

135
Article2 : « Il lui est interdit de donner son avis sur tous points de droit. »
73
 l’expertise en comptabilité ;
 l’expertise en audit, contentieux fiscal et traitement des difficultés des entreprises.

1- Dispositions générales

La loi « 45-00 » relative aux experts judiciaires dispose à l’article 3 que « nul ne peut exercer
les fonctions d'expert judiciaire s'il n'est pas inscrit au tableau des experts judiciaires ».
D’ailleurs, la personne intéressée, selon le huitième point de cet article, doit « satisfaire aux
critères de qualification fixés par voie réglementaire pour chaque discipline d'expertise ».

En revanche la réglementation, conformément à ces dispositions a fixé les critères pour


l’inscription à chaque domaine d’expertise. Alors, pour l’expertise comptable, le décret
« 1081.03 » du ministre de la justice en date de 03-06-2003136, a créé deux domaines
représentés comme suit :
Domaines Critères admis
 commissariat aux comptes, contrôle et certification  Diplôme national d’expert-comptable
des comptes : « Audit », dans les affaires et les ou équivalent, plus 5 ans d’expérience ;
contentieux fiscaux et des sociétés ainsi que les  Inscription à l’ordre des experts
difficultés des entreprises. comptable ;
 Attestation d’exercer effectif la
profession
Expertise en comptabilité ….

136
BO 5121 du 30-06-2003. Version arabe
74
2- Essai de rapprochement

La réglementation fondée sur les dispositions de la loi « 45-00 » ci-dessus, précise que
l’expertise en matière des difficultés des entreprises est confiée à un expert-comptable
diplômé et inscrit au tableau des experts judiciaires.

Le rôle de cet expert comme déjà souligné plus haut est de :


 Assister le gérant de l’entreprise en difficulté ;
 Contrôler l’entreprise ;
 Gérer et administrer l’entreprise.

Ce sont les principaux axes de l’intervention de l’expert judiciaire. Cependant l’adage


confirme que « L’accessoire suit le principal », autrement dit, l’expertise de la confusion des
patrimoines dans le cadre des procédures collectives est un droit accessoire dominé par le
droit principal de celui de traitement des entreprises en difficulté. Il est donc temps de
sensibiliser le pouvoir législatif pour confier aux experts comptables diplômés inscrits aux
tableaux les missions de traitement des difficultés des entreprises.

Notre proposition est justifiée notamment pour l’expertise de la confusion des patrimoines,
puisque en dehors même des difficultés des entreprises, l’expert-comptable est lui seul
l’habilité à :
 Attester la régularité et la sincérité des états de synthèses.
 Délivrer toute autre attestation donnant une opinion sur un ou plusieurs comptes des
entreprises ou des organismes;
 Exercer la mission de commissaire aux comptes137.

137
Article premier de la loi « 15-89 » « réglementant la profession d'expert-comptable et instituant un ordre des
experts comptables ».
75
Cependant, il reste à savoir, si les tribunaux font appel uniquement aux experts comptables ou
bien à tout expert judiciaire – en comptabilité- pour effectuer l’expertise en question?
Actuellement, le tribunal ne se limite pas aux experts comptables diplômés et inscrits pour la
désignation d’un syndic pour l’entreprise en difficulté. Ce recours peut s’expliquer par
l’absence des experts comptables inscrits au tableau sur le territoire du tribunal concerné.

En plus, l’article 567 du code de commerce dispose que « la fonction de syndic est exercée
par le greffier. Toutefois, le tribunal peut, le cas échéant, la confier à un tiers. » Sans
mentionner, notamment la capacité juridique et technique de cet intervenant.

Par contre, le projet de loi portant modification du livre V du code de commerce propose au
niveau de l’«article 568.-………………… « (Troisième alinéa) La fonction de syndic est
exercée par le greffier ad hoc du tribunal de commerce pour les commerçants, artisans et
petites entreprises. Pour les grandes entreprises le tribunal désigne en qualité de syndic,
un expert « comptable dûment inscrit à l’ordre des experts comptables.»138 .

II. Objectifs de la mission

Le recours facultatif du juge aux services d’un expert judiciaire est une conséquence des
dispositions légales et de la jurisprudence. Ainsi, quand le juge qualifie les difficultés
rencontrées d’ordre juridique, il peut ordonner la mesure d’instruction nécessaire à son
jugement139.

Lorsque la décision du juge s’assoit sur l’expertise judiciaire, celui-ci détermine les objectifs
de la mission, que l’expert doit satisfaire.

Ainsi, l’expertise de la confusion des patrimoines est ordonnée en général pendant la période
d’observation ou au cours de celle de la préparation de la solution et ce, lorsqu’il est constaté
des flux ou des relations entre des entités liées, ou en cas d’existence des entreprises ayant des
associés ou des dirigeants communs et ayant les relations contractuelles. Dans ce cas, le juge
ordonne une expertise pour déterminer le caractère de ces relations et leur bien-fondé afin de
déterminer les conséquences juridiques qui s’en suivent.

138
USAID/ Maroc rapport « Entreprises en Difficultés Propositions d’amendements du Livre V du Code de
Commerce » page 20.
139
On peut citer trois mesures d’instruction : La constatation, la consultation et l’expertise
76
D’ailleurs, l’ordonnance de juge peut concerner, l’audit de la comptabilité globale des entités
ou uniquement la vérification des relations existantes entre les différentes entreprises, ou bien
peut se limiter à des questions et des points bien précis.

Pour une expertise globale, Nous représentons, à titre d’exemple, le jugement introductif
N°06-35 du tribunal de commerce d’Agadir qui ordonne la réalisation d’une expertise
judiciaire, pour l’affaire du « PALAIS DES ROSES ».

Les points concernés sont les suivants :


1- Audit et vérification des comptes liés à la création de la société, notamment, les
souscriptions et les libérations du capital social ;

2- Audit et vérification des comptes d’investissement, notamment, la construction et


l’équipement de l’hôtel, ainsi que les frais d’études ;

3- Audit et vérification des comptes de la société, dès la date d’exploitation de l’hôtel


jusqu’au jour de l’ouverture de la procédure de redressement comme suit :

 Du 01-04-2003 au 02-07-2003 : Lorsque l’hôtel est loué à une autre société.


 Du 02-07-2003 au 15-10-2003 : Quand l’hôtel est exploité directement par la société
« PALAIS DES ROSES » ;
 Du 15-10-2003 au 07-06-2005 : Quand l’hôtel est en location gérance au profit de la
société « ILIOS INTERNATIONAL » ;
 Du 07-06-2005 au jour de l’ouverture de la procédure : Quand l’hôtel est exploité par le
propriétaire, soit « PALAIS DES ROSES ».

4- Audit et vérification des relations contractuelles qui lient la société « PALAIS DES
ROSES » et les autres sociétés, ainsi que la société « VITEL CENTER » qui exploite
le centre de thalassothérapie, en clarifiant les points suivants :

 Respect des normes professionnelles, et que les divers contrats ne comportent pas des
avantages anormaux en faveur des responsables de la société « PALAIS DES
ROSES » ;
 Existence pour ces responsables d’avantages dans d’autres sociétés et leur impact sur
la bonne gestion de ces contrats.
 Vérifier et auditer l’existence de créances entre ces sociétés ou leurs soldes, en
vérifiant l’existence d’une contrepartie réelle de ces créances.

77
5- Vérifier et auditer les relations financières et contractuelles entre les sociétés qui ont
des participations directes ou indirectes dans le capital de la société « PALAIS DES
ROSES » ;

6- Vérifier l’existence des relations confusionnelles entre la société « PALAIS DES


ROSES » et les sociétés tierces, et l’existence de relations rentables non fondées cause
d’une confusion de leurs patrimoines ;

7- Auditer les décisions du Président Directeur Général ou du conseil d’administration


et celles des organes de gestion de la société « PALAIS DES ROSES » ;

8- Auditer la régularité et la sincérité de la comptabilité et vérifier que sa tenue est


organisée.

Cet ordre d’exécution de l’expertise est considéré général puisque il ordonne la certification
des comptes, l’identification des relations entre les sociétés, celles comptables et financières,
l’identification de la confusion des patrimoines, la vérification des décisions du PDG, l’audit
de la régularité et la sincérité des comptes.

Cependant, lors du jugement N° 10/2009 en date de 20-04-2009, le tribunal d’appel de


commerce de Casablanca n’a ordonné que les points suivants :

 Transfert de personnel d’une société à l’autre ;


 Location ou cession de matériels par une société à l’autre ;
 Que chacune des sociétés détienne une comptabilité distincte et indépendante ;
 Que chacune supporte ses frais propres d’exploitation lorsqu’elles ont le même siège ;
 Identifier les diverses relations financières et commerciales entre les deux sociétés.

Pour ce deuxième verdict, l’expertise est ordonnée pour des questions précises.
Etant donné que ce mémoire se limite à l’identification de la confusion des patrimoines, nous
allons étudier uniquement les deux objectifs suivants :
 L’expertise de la confusion des comptes ;
 L’expertise des relations financières anormales.

78
A- Expertise de la confusion des comptes

L’expert judiciaire procède à l’examen critique des comptes de l’entreprise en difficulté,


notamment ceux qui enregistrent les opérations avec les entreprises en risque de la confusion
des patrimoines.
En effet, le degré de respect des normes comptables détermine la procédure à suivre, comme
représenté dans le schéma ci-après :

79
Comptabilité

Absente

OUI

NON

Régulière et
sincère
NON
OUI

Irrégularité
grave
OUI
NON

Mais grave pour


les comptes de OUI
liaison

NON

Risque de confusion des


Pas de Confusion des comptes
comptes

80
En effet, l’extension de la procédure peut être ordonnée suite aux les situations suivantes :
 Absence de la comptabilité de l’une ou des entreprises sujettes140 ;
 Refus de communication des documents comptables, grands livres, journaux…. Qui est
qualifié d’absence de la comptabilité141.

Ce point mérite une attention : l’article 23 du code de commerce, qui dispose que la
communication des documents comptables « consiste à extraire de la comptabilité les seules
écritures qui intéressent le litige soumis au tribunal. ». A mon avis, l’expert judiciaire doit se
limiter à consulter les documents qui concernent uniquement sa mission.

 Irrégularités graves, soit pour toute la comptabilité, soit uniquement pour les opérations qui
lient les entreprises sujettes.

Généralement, lorsque les comptes de l’entreprise ne peuvent pas recenser et communiquer


les éléments de son patrimoine ou lorsqu’ils ne reproduisent pas la situation réelle de celui-ci
et les informations sur l'activité économique , la comptabilité de l’entreprise n’est pas
probante.

Cependant, une telle irrégularité ne caractérise pas la confusion des comptes que lorsqu’il est
impossible de tracer les mouvements des deux entreprises par la comptabilité. Autrement
dit, bien que la comptabilité soit irrégulière, si elle recense bien les opérations des entreprises
liées, la confusion des comptes est écartée.

D’ailleurs, il est rappelé que la notion d’irrégularité se défini comme la non-conformité aux
textes légaux ou réglementaires et aux principes comptables, sauf dérogation bien fondée.

Nous avons introduit le critère de la sincérité qui nécessite, l’honnêteté et la bonne foi dans la
représentation des comptes de l’entreprise, ayant pour but, « dans tous leurs aspects
significatifs », de représenter la situation réelle du patrimoine de l’entreprise. Idem pour la
confusion de patrimoines, qui nécessite la bonne foi de son auteur, si non l’extension de la
procédure se traduit comme une sanction aux faits de leurs auteurs.

En revanche, la sincérité représente la faculté des comptes à traduire la connaissance que les
responsables de l’établissement des comptes ont des opérations et activités de l’entité compte
tenu de leur importance significative142.

140
Voir dans ce sens, la cour d’appel commerciale de Marrakech, arrêt N° 11/2011 en date de 19-01-2011.
141
Voir dans ce sens la cour d’appel commerciale de Casablanca, arrêt N°211/2008 en date de18-01-2008.
81
Ce critère d’importance significatif est rigoureusement utilisé par la jurisprudence pour
limiter tout abus d’utilisation du principe de la confusion des patrimoines143.

Face à ces considérations, l’expert judiciaire ne doit pas se limiter aux opérations isolées qui
n’ont pas d’impact significatif sur le patrimoine des entreprises en risque de la confusion. Il
est donc nécessaire que l’expert judiciaire détermine un seuil de signification, lui permettant
de collecter les éléments probants nécessaires à fonder son opinion.

1- Importance significative des données

L’expert judiciaire, est amené à apprécier les informations significatives permettant de


justifier son opinion sur la confusion des comptes.

Aussi bien, les normes d’audit nationales qu’internationales ont défini le critère significatif
de l’information comme suit :
« Une information est significative si son omission ou son inexactitude est de nature à
influencer les décisions prises par les utilisateurs des comptes. La difficulté concrète pour
l’auditeur est d’identifier la part quantitative et qualitative à retenir dans la détermination
d’un seuil de signification »144.

Dans le cadre de l’expertise de la confusion des comptes, il est nécessaire que l’expert
judiciaire détermine deux seuils de signification :
 Un pour l’entreprise en difficulté ;
 Un pour chaque entreprise en risque de la confusion.

L’intérêt de calculer pour chaque entreprise son propre seuil est de prendre en considération
les capacités financières de chacune. L’exemple suivant illustre nos propos, ainsi :
Soit, une société « A » en difficulté, propriétaire d’un fonds de commerce, qu’elle loue à une
société d’exploitation « B » sous forme d’un contrat de gérance libre. Ces deux entreprises ont
un même siège social ainsi que des associés et dirigeants communs.

142
OEC, manuel des normes « cadre conceptuel, titre 00-09 » janvier 2009.
143
Voir dans ce sens l’arrêt de la Cour de cassation, Chambre commerciale du 26 Janvier 2010 N° 08-70.369
dans l’affaire Société PME gestion et PME assurance. et commentaire de Jean-Pierre LEGROS intitulé »Critère
et nullité d'une convention réglementée » sur l’arrêt de la cour Cass. com., 2 mai 2007, n° 06-12.378 in Droit
des sociétés n° 2, Février 2008, comm. 29
144
Caractère significatif en matière d’audit in « Norme 300-399 planifications des travaux » des normes
internationales d’audit publiées par « IFAC » et reprise par L’ordre des experts comptable en OP.cité
82
L’expertise a révélé que la plupart des immobilisations inscrites sur les comptes de
l’entreprise d’exploitation « B » sont des propres acquisitions, d’après au moins le bon de
commande établi avec l’entête de l’entreprise signé et cacheté par les responsables de celle-ci.
De même que le bon de livraison et la facture qui lui sont adressés et témoignent qu’elle a
accusé réception de ces biens.

Cependant, ces acquisitions sont réglées en grande partie par les chèques de la société « A »
propriétaire du fonds de commerce.
Le montant de loyer annuel convenu : 600.000,00 Dhs

Cette situation se résume comme suit :

Montant
Montant des
Désignation réglé par Conclusions de l’expertise
immobilisations
«A»
Immobilisations 5.000.000,00 Dhs 4.000.000,00 La société « A » a payé 80% de la
valeur des immobilisations, sans
aucune contrepartie en sa faveur.
La comptabilité a constaté
l’acquisition des biens. Pour le
règlement : le compte
« fournisseurs » est débité en
contre partie du compte courant
des associés, tandis que la
société « A » n’a jamais été
associée. La comptabilité de celle-
ci a aussi enregistré les chèques au
débit de comptes courants des
associés, bien que la société « B ».
n’a jamais associée.
Loyer convenu Le montant déclaré sur le contrat
annuel de gérance libre n’a pas fait l’objet
d’une comptabilisation depuis la
date d’effet du contrat jusqu’à la
date de cessation de paiement.

83
NB : La société « B » doit une somme globale de : « 4000000,00 + 600000.00*N » qui sera
frappé de prescription quinquennale dans le cadre de relations d’affaire normales.

Ces opérations sont très significatives, non pas par rapport au total bilan ou au résultat ou à un
agrégat interne à l’entreprise en difficulté, mais d’après le rapport des flux financiers existants
entre les deux entités. Ce qui déroge au principe général selon lequel le seuil de signification
est pris sur des bases uniquement internes à l’entreprise, telles que :
 Résultat d’exploitation ;
 Total bilan ;
 Total de chiffre d’affaires…

Ainsi, pour recevoir un montant annuel de : 600.000,00 Dhs, la propriétaire du fonds de


commerce doit dépenser 7 ans de loyer en faveur de l’entreprise d’exploitation. C’est un flux
financier anormal, ajouté à l’anomalie d’utilisation du compte courant et d’omission de
comptabiliser les loyers dans les comptes de deux sociétés.

Et comme le souligne le guide pratique d’audit, certaines situations peuvent conduire à retenir
des critères très personnels qui dérogent à la règle de l’opinion motivée145. Dans ce cas
l’expert judiciaire doit prendre en considération, en plus de la base traditionnelle du seuil de
signification, l’impact de chaque opération sur le patrimoine de l’une des sociétés, dans le but
de vérifier l’existence d’un déséquilibre patrimonial.

En effet, comme il est difficile de maintenir un seuil de signification unifié, l’appréciation


d’une information financière significative par la jurisprudence prend en considération les
éléments suivants :

 L’élément provoquant le déséquilibre patrimonial doit être suffisamment important pour


établir la confusion ;
 La pluralité des opérations peut ne pas être exigée pour constater la confusion. Une seule
opération importante, notamment, lorsqu’elle est à l’origine de la faillite de l’entreprise en
difficulté, peut être suffisante.
 L’importance significative des éléments pris ensemble peut être considérée pour conclure
l’imbrication comptable146.

145
Guide pratique d’audit, l’OEC page 8 déjà cité
146
Reille florence. NCP Page 110 note 130 en extrait
84
Généralement, le guide précise que le caractère significatif se manifeste :
- Lors de l’initiation de la mission : détermination des domaines et cycles significatifs,
- Lors de la finalisation de la mission : appréciation du caractère significatif des conclusions
des travaux147.

2- Collecte d’éléments probants

Du fait qu’il est impossible de vérifier tous les éléments issus de la comptabilité, surtout dans
les entreprises qui réalisent des mouvements importants, l’expert judiciaire, pour émettre une
opinion motivée, procède à la collecte des éléments probants de manière à justifier son
opinion.
Les éléments probants désignent les informations obtenues par l'auditeur pour aboutir aux
conclusions qui fondent son opinion148.

Ces informations sont constituées des documents justificatifs et des pièces comptables ayant
servi à l’établissement des comptes et qui viennent corroborer des informations provenant
d’autres sources149.

Deux volets à prendre en considération par l’expert judiciaire pour l’obtention des éléments
probants :
 le délai imparti pour déposer son rapport au greffier de tribunal.
 l’obligation de limiter ses travaux sur les flux et liens financiers qui peuvent exister entre
les entreprises sujettes de la confusion des patrimoines.

Autrement dit, son objectif premier n’est pas de déterminer l’irrégularité de la comptabilité,
mais d’exprimer que cette comptabilité ne reflète pas la réalité des opérations intra entreprise
ou ne permet pas de déterminer clairement ces opérations.
Donc, les éléments à rechercher sont de préférence ceux qui ont de l’impact sur les opérations
ou les relations financières entre ces entreprises.

147
OEC, guide pratique d’audit.
148
OEC, guide pratique d’audit , page 29
149
Mémento pratique Francis Lefebvre d’audit , 2007-2008, page 431, note 25705
85
Les éléments probants sont obtenus par des techniques de contrôle telles que, le sondage,
l’observation physique, la demande d’informations, l’appréciation du contrôle des procédures,
notamment pour des relations réciproques…

La collecte des informations se fait durant la mission de l’expertise judiciaire, au cours de la


phase de prise de connaissance générale, de contrôle des comptes…
La quantité et la qualité des éléments collectés doivent être suffisantes et appropriées aux
besoins d’expertise.

B- Expertise des relations financières contractuelles

L’examen des relations financières contractuelles, repose sur la même logique qui nécessite
de recueillir et d’analyser des éléments probants, dans le but de :
 Extraire des relations contractuelles significatives;
 Apprécier l’anormalité de ces relations.

1- Extraire des relations contractuelles significatives

Il faut rappeler que la consultation du juge commissaire et du syndic est de grande


importance. L’expert judiciaire doit exploiter leurs travaux afin de permettre au tribunal
d’appliquer la justice sur des bases saines.

Une telle collaboration, offre à l’expert judiciaire la possibilité d’orienter ses travaux vers des
relations supposées avoir un impact sur la confusion des patrimoines, complétés par les
entretiens avec des responsables et par l’exploitation aussi bien de documents internes
qu’externes.
A travers ces différents travaux, l’expert judiciaire peut extraire des relations financières
significatives, afin d’examiner leur normalité.

La normalité qui doit être vérifiée sur la base de l’importance significative de ces éléments,
exprimée par l’absence de la contrepartie, d’un déséquilibre patrimonial et se traduit par le
risque d’insuffisance d’actifs.

De même, les engagements hors bilan sont aussi des sources d’un déséquilibre patrimonial,
que l’expert judiciaire doit prendre en compte.

86
2- Apprécier l’anormalité des relations contractuelles.

L’étude des particularités juridiques et économiques des entités contrôlées est nécessaire. Par
ailleurs, une relation peut être normale pour deux entités mais pas forcément entre deux autres
structures et vis versa.

Il faut rappeler que l’existence de relations réciproques entre des entreprises dépendantes
n’entraîne pas forcément une confusion des patrimoines que lorsqu’il est constaté que celles-
ci sont anormales. Ainsi, il n'y a pas de confusion de patrimoines dès lors que "les
engagements financiers et les règlements trouvent leur cause dans des engagements
réciproques»150. La cause, en effet, peut s’explique par l’existence d’un intérêt général et
chaque entreprise peut en profiter. Par contre lorsque la relation est caractérisée
essentiellement par l'absence d’une contrepartie, elle est considérée anormale et source de
la confusion.

D’ailleurs, cet intérêt doit être pécuniaire et évaluable, puisque à l’origine le patrimoine est un
ensemble de droits et d’obligations pécuniaires. Donc l’intérêt général issu des relations
contractuelles doit aussi être pécuniaire et doit se justifier par rapport à l’existence ou non de
la contrepartie, qualifiée du caractère essentiel permettant de prononcer l’existence ou non
d’un déséquilibre patrimonial.

Idem, lorsque les garanties sont offertes par l’entreprise en difficulté pour garantir les
engagements des entreprises in bonis, l’anormalité s’apprécie en l’absence de la contrepartie
ou d’intérêt général.

D’une manière générale, l’appréciation de la confusion suit la logique schématisée ci après :

150
Alain COURET, « Une convention de trésorerie ne saurait présenter, par nature, un caractère inhabituel dans
un groupe de sociétés » in La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 41, 10 Octobre 2002, 1468
87
Relations financières

Oui
Existence de la contrepartie
ou d’intérêt général

Non

Non
Importance
significative de
la relation

Oui

Déséquilibre patrimonial

Pas de confusion des


Confusion des patrimoines patrimoines

88
Ainsi, pour démontrer l’absence d’anormalité d’une relation financière, sous prétexte
d’existence d’intérêt général, l’expert judiciaire doit identifier, montrer et estimer en toute
clarté cet intérêt. En évaluant, à notre avis, le profit actuel ou futur d’une telle relation pour
l’entreprise en difficulté. Sinon le jugement sur une telle base peut ne pas être convaincant.

Ainsi, selon la jurisprudence française, les avances de trésorerie litigieuses opérées de la


société mère vers sa filiale "n'ont ni rompu l'équilibre entre les sociétés en cause, déjà placées
dans une relation de dépendance réciproque par la composition de leur capital, ni excédé les
possibilités financières de ces dernières ; que la preuve n'est pas, dans ces conditions,
rapportée que les mouvements de fonds incriminés présenteraient un caractère abusif"151.

Cependant, l’absence d’intérêt général et de la contrepartie engendrent un déséquilibre


patrimonial qui est lui-même le reflet d’une relation financière anormale. Ainsi, dans un cas
de figure, une société « A » - en redressement judiciaire- propriétaire d’un complexe
touristique composé d’un hôtel et d’un centre de SPA, loue ce dernier à une société
d’exploitation « B » dont le PDG est le même pour les deux sociétés. Le contrat de loyer
précise certaines conditions, telles que :

 La société « A » doit réserver environ 6 chambres aux clients de la société d’exploitation


«B»;

 La société « B » a le droit d’utiliser les chambres et tous les locaux de la société « A » pour
faire la publicité à l’activité du SPA, sans aucune contrepartie.

Le tableau suivant représente le déséquilibre relationnel existant entre ces deux entités :
Société « A » Société « B » Impact sur le
Désignation Ses droits Ses obligations Ses droits Ses patrimoine de
obligations chacune
Loyer 2.000.000,00 2.000.000,00 Equilibre
annuel patrimonial
Octroi de 518.000,00 (1) ---- Déséquilibre
chambres patrimonial (2)
(3)
publicité N’est pas estimé ---- Déséquilibre
patrimonial

151
CA Versailles, ch. com. réunies, 2 avril 2002 ; affaire : Sté Clos du Prieuré c/ Me Souchon, ès qual. [Juris-
Data n° 2002-179719]
89
(1) Le prix de séjour par chambre est égal à : 600,00 Dhs , avec un taux moyen de nuitées de
40% par an,
Le chiffre d’affaire moyen perdu : 600*360*0.4*6 = 518000,00
(2) Ce « Don » représente 25% du montant du loyer. Ce qui est très significatif.
(3) Si on compare ce « don » au prix d’une insertion publicitaire dans un journal ou une
fiche publicitaire notamment sur un panneau publicitaire, sur un immeuble, la valeur peut
être très significative et ce par rapport au montant du loyer.

En revanche, la société « B » reçoit des prestations sans aucune contrepartie. En effet, si par
exemple, la société « A » offre uniquement ses chambres à la publicité des produits « SPA »,
en contrepartie, elle va recevoir les clients du « SPA », à ce moment-là, l’intérêt général peut
être évoqué.

Jusque-là, nous avons débattu la confusion des patrimoines et ces critères, le moment est venu
de mettre en lumière la personne de l’expert judicaire et son intervention, à travers sa
désignation, son acceptation, ses droits et ses obligations.

§ II : Désignation de l’expert judiciaire et son acceptation.

A l’origine, la procédure de nomination de l’expert judiciaire est précisée dans le code de la


procédure civile et de la loi des experts judiciaires, notamment dans les affaires civiles. Par la
suite le législateur, en instaurant la loi « 53-95 » relative aux juridictions de commerce, a
confié le pouvoir de nommer un expert judiciaire aux tribunaux et cours d’appel de commerce
pour les affaires commerciales.

En revanche, l’article 20 de ladite loi dispose que, «le président du tribunal de commerce
exerce, outre les attributions qui lui sont dévolues en matière commerciale, celles dévolues au
président du tribunal de première instance par le Code de procédure civile. ».

Et d’une manière générale, « sont –également- applicables devant les tribunaux de commerce
et les cours d'appel de commerce, sauf dispositions contraires, les règles prescrites par le Code
de procédure civile »152.

152
Article 19 de la même loi
90
I. Décision de nomination de l’expert judiciaire

La nomination de l’expert judiciaire est prononcée par le tribunal, soit de son initiative, soit à
la demande de juge commissaire, du procureur du Roi ou celle de syndic.

A- Conditions de nomination de l’expert judiciaire

Le juge est souverain de nommer la personne, ayant les compétences requises pour traiter
une question technique, même en dehors du tableau des experts judiciaires. Toutefois
certaines conditions de fonds et de forme doivent être satisfaites.
Dans ce sens, l’article 59 de la procédure civile dispose que le juge est libre de nommer une
personne de l’art, soit un expert judiciaire inscrit au tableau des experts judiciaires. A défaut,
il peut, exceptionnellement, désigner un expert spécialement pour un litige.

Cependant, la normalisation de la mission d’expertise impose au juge la désignation d’un


expert judiciaire qui doit remplir certaines conditions :

1- Inscription au tableau des experts judiciaires :

L’inscription au tableau est obligatoire pour toute personne qui désire avoir la qualité d’expert
judiciaire. Dans ce sens, l’article 3 de la loi 45-00 « relatives aux experts judicaires » dispose
que « nul ne peut exercer les fonctions d'expert judiciaire s'il n'est inscrit au tableau des
experts judiciaires ».

2- Nationalité de l’expert judicaire :

Le code de la procédure civile ne précise pas la nationalité de la personne à qui est confiée la
mission de l’expertise, notamment pour les non-inscrits sur le tableau des experts judiciaires.
Par contre, l’article 3 de la loi 45-00 précitée dispose que « tout candidat à l’inscription au
tableau doit être de nationalité marocaine, ou un ressortissant d’un Etat ayant conclu avec le
Maroc une convention autorisant les ressortissants de chaque Etat à exercer l’expertise
judiciaire sur le territoire de l’autre ».

3- Prêter serment

Pour les experts déjà inscrits, le premier serment prêté au moment de leur inscription est
suffisant pour toute nouvelle mission d’expertise. Mais la personne désignée spécialement en

91
vue d’un litige doit prêter serment de bien et fidèlement remplir sa mission et de donner son
avis en toute impartialité et indépendance à chaque fois qu’il est commis.

4- Disponibilité de l’expert

L’expertise judiciaire est une mission d’ordre général. La personne désignée doit exprimer sa
disponibilité dans un délai ne dépassant pas 5 jours. En outre pour un expert inscrit au tableau,
qui n’accomplit pas sa mission ou refuse de l’accomplir sans motif valable, peut être
condamné à rembourser à la partie lésée tous frais frustratoires et dommages intérêts. En plus
il doit verser une amende au profit de trésor selon les dispositions de l’article 61 de la loi
« 45-00 », telle qu’elle est amodiée par la « 85-00153 » , sans préjudice d’être soumis aux
dispositions disciplinaires prévues à l’article 34.

5- Liens de parenté ou alliance avec l’une des parties

L’article 62 du code de la procédure civile énumère les liens de parenté ou d’alliance, qui
engendrent la récusation à l’expert judiciaire nommé d’office, comme suit :

• S'il a un litige avec une des parties ;


• S'il a été nommé dans un domaine n'entrant pas dans sa compétence ;
• S'il a déjà émis un avis ou fourni un témoignage sur l'objet du litige ;
• S'il est conseiller d'une des parties ;
• Pour tout autre motif grave.

En outre, afin de garantir une indépendance totale des organes de gestion et de contrôle des
difficultés des entreprises, soient le syndic et le juge commissaire, l’article 637 du code de
commerce a renforcé ces conditions en ajoutant que « aucun parent jusqu'au quatrième degré
inclusivement du chef ou des dirigeants de l’entreprise ne peut être désigné comme juge-
commissaire ou syndic ».

La jurisprudence a repris et appliqué cette condition à l’expert judiciaire désigné dans le cadre
des procédures collectives, dans l’objectif de sauvegarder la neutralité de tout intervenant.

153
Dahir. n° 1-00-345 du 26 décembre 2000-29 ramadan 1421 portant promulgation de la loi n° 85-00- art
unique
92
B- Responsabilité de l’expert judicaire

L’expert judiciaire occupant les fonctions du syndic, est soumis aux dispositions de l’article
640 du code de commerce stipulant que « dans sa mission, le syndic est tenu au respect des
obligations légales et conventionnelles incombant au chef d’entreprise ».

Pour d’autres missions spéciales, telles que celles d’expertise de la confusion des patrimoines,
sa responsabilité peut être recherchée en matière civile, pénale et même administrative, et ce
comme toute personne chargée d’une mission de service public.

1- Responsabilité civile

La responsabilité civile de l’expert est recherchée lorsqu’il réalise un fait volontaire ou


d’imprudence qui dégage une faute, un préjudice et un lien de causalité.
Ainsi, la faute que provoque un préjudice est retenue à l’encontre de l’expert judiciaire pour le
paiement des dommages-intérêts, notamment lorsqu’il ne respecte pas ses obligations, telles
que :
 Retard injustifié de son rapport ;
 Délégation illicite de ses fonctions ;
 Violation du principe de la contradiction ;
 passement du cadre de sa mission ;
 Refus de restituer des pièces154 ;

D’ailleurs, la jurisprudence française dominante retient que « la responsabilité personnelle


d’un expert judiciairement désigné à raison des fautes commises dans l’exécution de sa
mission est engagée conformément aux règles de droit commun de la responsabilité civile ;
qu’il en est ainsi même si le juge a suivi l’expert dans l’ignorance de l’erreur dont son rapport
qui a influé sur la décision, était entaché »155 . Cependant, il ne s’agit pas, à chaque fois où
l’expert donne un avis erroné d’engager sa responsabilité. Celle-ci n’est recherchée qu’à
double condition :

 Le caractère fautif de l’erreur ;


 Le lien de causalité entre la faute et le dommage soit démontré.

154
Extrait de l’ouvrage de « la pratique de l’expertise judiciaire » cité plus haut.
155
Repris de cet ouvrage p. 61 : décision de la Cour de cassation civile, 8oct. 1988 ; bulletin civile II N° 146, P
99.
93
Il est rappelé, d’ailleurs, que l’expert n’a qu’une obligation de moyens, Ainsi lorsqu’il a
épuisé tous les éléments à sa disposition ou lorsqu’il a réalisé sa mission avec toute
conscience et compétence, sa responsabilité ne doit pas plus être recherchée.

2- Responsabilité pénale

Selon les dispositions du chapitre VI « dispositions pénales » de la loi « 45-00 », l’expert


judiciaire peut encourir les sanctions prévues par le code pénal.

En effet, sa responsabilité pénale est engagée dans les cas tels que :
 Violation du secret professionnel ;
 Abus de confiance ;
 Corruption ;
 Usage abusif du titre d’expert judicaire ;

En outre, l’expert judicaire peut être coupable de corruption, lorsqu’il reçoit, en sus, des
honoraires ou remboursement des frais qui lui sont dus, des sommes d’argent ou des
avantages quels qu’ils soient, à l’occasion de l’accomplissement de la mission qui lui est
confiée « Article 42 ». Il en est de même, pour celui qui donne un avis mensonger
« Article43 ».

Par ailleurs, pour protéger la qualité de l’expert judicaire en tant qu’auxiliaire de la justice,
l’article 44 dispose que toute personne qui fait usage de la qualité de l’expert judiciaire, sans
être inscrit au tableau des experts judiciaires encourt des sanctions pénales.

3- Responsabilité administrative

L’expert judicaire inscrit au tableau des experts judiciaires, peut faire l’objet de sanctions
disciplinaires. Ainsi lorsqu’il commet une faute professionnelle grave, il peut être radié ou
suspendu provisoirement de l’inscription.

Les sanctions disciplinaires, selon l’article 34 de la loi « 45-00 » sont :


 L'avertissement ;
 Le blâme ;
 L'interdiction provisoire d'exercer l'expertise pour une durée maximum d'un an ;
 La radiation du tableau.

94
Par ailleurs, dans le cas où l’expert appartient à un ordre professionnel, les mêmes sanctions
peuvent être prononcées contre lui par l’organe disciplinaire de celui-ci.

II. Acceptation de la mission par l’expert judicaire

Il est utile pour l’acceptation de la mission de l’expertise judiciaire que l’expert examine sa
disponibilité pour l’exécution de la mission, à travers sa capacité légale et technique, sachant
que le tribunal est souverain de fixer ses honoraires.

A- Disponibilité de l’expert judiciaire

Tout d’abord, l’expert judicaire, doit apprécier la possibilité d’effectuer sa mission


conformément à la loi et ce, sur deux niveaux : Sa capacité juridique et sa capacité technique
ainsi que les contraintes encourues pour satisfaire à l’obligation de moyens pour l’exécution
de sa mission.

Celui-ci doit apprécier sa conformité à la loi et aux principes généraux régissant l’expertise,
au moment de l’acceptation de la mission et tout au long du déroulement des travaux de
l’expertise.

1- Délai d’acceptation de la mission

La loi a fixé un délai de 5 jours à l’expert judiciaire, afin de prononcer son acceptation pour
l’accomplissement de la mission d’expertise. Ce même délai est accordé aux parties pour
demander la récusation de tout expert nommé d’office par le tribunal. Ainsi, selon l’article 62
du code de procédures civiles « la demande de récusation doit être présentée dans le délai de 5
jours de la date de notification de la décision judiciaire portant nomination de l'expert. ».

2- Exécution personnelle de la mission

L’article 22 de la loi « 45-00 » interdit à l’expert judiciaire, de déléguer la mission qui lui est
confiée à un autre expert.
Cependant, il peut se faire assister par un collaborateur pour l’exécution de certaines tâches,
sous sa responsabilité et sous son contrôle, telles que, l’analyse les mouvements ou le solde
d’un compte.
La règle d’exécution personnelle de la mission doit être respectée même en cas de pluralité
des experts. Ainsi l’article 66 de la procédure civile précise que « les experts procèdent

95
ensemble à leurs opérations et dressent un seul rapport. Dans le cas où ils sont d'avis
différents, ils indiquent l'opinion de chacun d'eux et les motifs à l'appui. Le rapport est signé
par tous les experts ».

3- Respect de délais impartis

L’alinéa 3 de l’article 22 de la loi « 45-00 » dispose que «l’expert établit son rapport dans le
délai qui lui est imparti par la décision judiciaire, sauf prorogation dudit délai par sa
demande ». Tout retard injustifié dans la réalisation de l’expertise constitue une infraction
professionnelle qui expose l’expert à une sanction disciplinaire « article 23 ». C’est pourquoi,
l’expert informe le conseil rapporteur, le juge rapporteur ou le juge chargé de l’affaire de
toutes les difficultés entravant sa mission « article 24 ».

Les difficultés qui sont d’origine de la perte de temps, résident, en général, du comportement
désagréable des parties, du retard ou refus de communication des pièces comptables et autres
documents utiles à l’expertise, dans ce cas le tribunal est informé de ses contraintes, dans le
but de désengager la responsabilité de l’expert judicaire. Cependant, celui-ci, peut être lui-
même la cause de ce retard de par sa négligence ou de par son souhait de jouer le rôle
d’arbitre.

4- Règles d’indépendance et d’incompatibilité

L’acceptation de la mission exige de l’expert judiciaire de vérifier son statut par rapport aux
règles d’indépendance et d’incompatibilité. Et ce en conformité à l’article 59 du code des
procédures civiles qui stipule que «le serment de bien et fidèlement remplir sa mission et de
donner son avis en toute impartialité et indépendance ».

L’expert est libre de faire toutes les investigations nécessaires et de donner son avis en toute
indépendance. Il ne doit pas être influé ni par le juge ni par les parties. C’est pourquoi,
l’article 62 dudit code précise que, l’expert nommé d’office par le juge peut être récusé pour
parenté ou alliance avec l’une des parties, au degré de cousin germain inclus, dans les cas
généraux suivants :
 S'il a un litige avec une des parties ;
 S'il a été nommé dans un domaine n'entrant pas dans sa compétence ;
 S'il a déjà émis un avis ou fourni un témoignage sur l'objet du litige
 S'il est conseiller d'une des parties ;

96
 Pour tout autre motif grave.
Ainsi, l’expert-comptable de l’entreprise ou son commissaire aux comptes ne peut être
nommé pour l’indentification de la confusion des patrimoines.

5- Examen de la compétence

Comme marqué ci-dessus, que :


 Le juge peut récuser l’expert s'il a été nommé dans un domaine n'entrant pas dans sa
compétence ;
 l’expert judiciaire ne doit pas confier sa mission à un autre expert.

Il est utile que l’expert judiciaire procède à l’autoévaluation de ses compétences personnelles
pour la bonne exécution de sa mission. En effet, le manque d'expérience dans un secteur
d'activité particulier (par exemple, banque, assurance) peut rendre la réalisation de la mission
très difficile.

La compétence exige de lui de faire son travail en toute connaissance de la chose en question.
Sinon, toute faute de sa part peut entraîner des conséquences graves.

B- Problématique des honoraires

Le tribunal indique la partie qui doit verser les honoraires de l’expert judiciaire et sont
déterminés sur un imprimé préétabli par le ministère de la justice, L’expert n’est convoqué
qu’après le versement du montant à la caisse du tribunal. S’il se révèle que ce montant est
insuffisant, l’expert a le droit, mais après l’accomplissement de sa mission156, de demander les
honoraires complémentaires. Le juge de son initiative peut revaloriser le montant forfaitaire
suite au degré de la complicité de la mission.

Dans son coté, l’expert peut faire opposition au montant des honoraires devant le président du
tribunal dans les dix jours à dater de la notification de sa rémunération. L'ordonnance rendue
sur cette opposition, n'est pas susceptible d'appel157.

Cependant, l’expert, selon les dispositions de l’article 25 de la loi « 45-00 », ne peut


s’abstenir d’accomplir sa mission lorsqu’il est désigné dans le cas où il considère que les
honoraires fixés sont insuffisants. En outre. Selon l’article 57, l'avance des vacations et les

156
Article 25 de la loi « 45-00 » relative aux experts judiciaires
157
Article 127 du code de procédure civile
97
frais des experts ne peuvent, en aucun cas, être faites directement par les parties aux experts.
L'acceptation par l’expert inscrit au tableau d'une avance ainsi faite entraîne sa radiation.

La mission de l’expert judiciaire et sa désignation étant exposées, qu’en est-il de


l’organisation d’une telle mission ?

Section II : Organisation de la mission

L’expertise de la confusion des patrimoines, comme toute mission de vérification, nécessite


une organisation, qui dépend avant tout de la spécificité de l’entreprise en difficulté et celle
des entreprises en risque de la confusion, de leur environnement juridique et économique, des
éléments recherchés, des délais impartis….

C’est pourquoi, nous allons nous inspirer essentiellement, pour la confection d’une approche
méthodologique de la mission d’identification de la confusion des patrimoines, des guides
ordinaux qui représentent un référentiel largement admis et reconnue par sa rigueur et sa
qualité.

Tout d’abord, il est à rappeler que l’expert judiciaire, dès sa désignation, doit :
 Vérifier sa capacité juridique et technique à réaliser sa mission, en fonction de sa
disponibilité et des contraintes encourues ;
 Analyser l’ordonnance du juge afin d’avoir une compréhension satisfaisante des éléments
de l’ordonnance.
 Vérifier les délais impartis pour l’exécution de la mission et le dépôt du rapport.
En effet, l’expert doit répondre à certaines questions telles que :
 Quel est exactement le travail ou la mission demandé par le juge ?
 Quels sont les risques et les limites ?
 Quelles sont les frontières à ne pas dépasser et les éléments qui peuvent être interprétés
autrement ?

Cela permet à l’expert de se limiter à l’ordonnance du juge, et de ne pas perdre son temps sur
les éléments réputés inutiles et susceptibles d’alourdir sa tâche, et même d’engager sa
responsabilité.
 Quand dois-je acquérir cette connaissance ?
 Comment puis-je acquérir cette connaissance ? c’est à dire, quelles sont les sources et les
méthodes à utiliser?
 Qu’il est le budget temps maximum et optimal pour ma mission ?
98
 Quels sont mes moyens humains et matériels ?

Ces questions ayant pour but de:


 Optimiser le temps et le coût ;
 Satisfaire à la règle de l’obligation de moyen qui engage la responsabilité de l’expert
judicaire ;
 Motiver l’opinion de l’expert….

Par ailleurs, notre méthodologie se base sur deux volets :


Le premier, consiste à la prise de connaissance générale : l’expert judiciaire doit acquérir une
connaissance et une compréhension des entreprises en questions, leurs activités, leurs
environnements, ainsi que la nature des liens qui peuvent exister entre elles, qu’ils soient
juridiques ou économiques…

Le deuxième volet, concerne la matérialisation de la mission, qui nécessite :


 La tenue d’un dossier de travail qui comprend les éléments de preuve de son opinion ;
 L’établissement d’un plan de travail ;
 La tenue d’un dossier de correspondance avec le juge et les parties.

L’utilisation d’une telle procédure facilite la bonne gestion de la mission et du temps et


permet le suivi matériel de l’avancement de la mission et son contrôle, ainsi que la
préparation d’une note de synthèse basée sur des éléments concrets, à savoir « les documents
de travail, comptables et juridiques ».

Et comme le juge à un droit de contrôle sur la mission de l’expert, la matérialisation du travail


de ce dernier, permet de juger s’il a satisfait à son obligation de moyen.

§ I : Prise de connaissance générale

L’expert judiciaire doit avoir une connaissance suffisante des particularités, aussi bien
internes qu’externes de l’entreprise en difficulté et celle en risque d’extension de la procédure
de redressement, la forme juridique de chacune d’elles, leurs structures, leurs organes de
décisions, la répartition de l’actionnariat et leurs environnements. De même, que le secteur
d’activité où chacune des entreprises opèrent, les règles comptables de chacune d’elles, les
relations financières qui peuvent exister entre elles.

99
Cette analyse préliminaire permet, par la suite, de comprendre les particularités de sa mission,
en tenant compte du contexte global et des objectifs à assurer dans le cadre de celle-ci. Ce
travail permet d’orienter ses travaux d’investigation.

L’expert judiciaire est soumis à des contraintes qu’il doit gérer, à savoir :
 Le délai qui est relativement court ;
 Le comportement des responsables des entreprises sujettes à la confusion ;
 Le désintéressement du personnel;
 Les obstacles liés à l’obtention des informations nécessaires en général…

On constate souvent que les responsables de l’entreprise évitent d’assister aux réunions de
travail organisées par l’expert judiciaire et refusent souvent de communiquer les documents
demandés. Face à ce comportement désagréable, l’expert doit réaliser des investigations et
constatations sur place, telles que, réalisation d’observations physiques, entretiens avec le
personnel, consultation des tiers ayant des relations d’affaires avec ces entreprises...

I. Exploitation des documents

L’expert judiciaire procède à l’exploitation des documents produits par l’entreprise, tels que
les états de synthèse, les contrats, les factures…, ou provenant des tiers : Fournisseurs,
établissements de crédits, avocats, administrations …

L’objectif de cette exploitation est de réunir au maximum les informations utiles et les
éléments probants sur ces entreprises, leurs associés, leurs partenaires…

Toutefois l’expert judiciaire doit se limiter aux informations nécessaires à l’expertise


demandée. Ainsi, par exemple, lorsque le juge ordonne la réalisation d’une expertise pour
déterminer le droit d’occupation par une entreprise d’exploitation en redressement d’un local
d’une autre entreprise en risque d’extension, l’expert doit se limiter à l’exploitation des
documents qui permettent de soulever une telle situation, tels que, le contrat de location, les
quittances de loyers, les documents comptables ….

A- Informations recherchées

La nature des informations recherchées dépend de la décision du juge qui « détermine les
points sur lesquels portera l'expertise dans la forme de questions techniques à l’exclusion de

100
tous points de droit »158. L’expert judiciaire doit toujours faire attention à ne pas dépasser le
cadre technique de la mission, ni les questions ordonnées par le juge, puisque « il lui est
interdit de répondre à une question qui ne rentre pas dans sa compétence technique et qui a
rapport avec le droit.»159.

Les informations recherchées visent à identifier les opérations financières qui ont une
incidence significative sur la confusion des patrimoines. Donc, l’expert judiciaire se limite
aux documents qui lui permettent d’atteindre cet objectif, tels que les statuts des diverses
entreprises à vérifier, leurs structures internes et celles de groupe entier, les activités de
chacune d’entre elles, les principaux partenaires, la politique générale des entreprises
dominantes au sein du groupe…..

Le tableau suivant illustre ces éléments:

Nature de l’activité Produits, clients, principaux fournisseurs et volumes


d’activité

Secteur d’activité Environnement économique du secteur, place sur le


marché et concurrence, réglementations particulières

Structure de l’entreprise Implantations géographiques, actionnariat, activité des


(du groupe) filiales et opérations intragroupe, périmètre de
consolidation

Organisation générale Organigramme général et définition des principales


fonctions

Politiques Commerciale, financière, sociale, perspectives de


développement

Organisation administrative et Existence de procédures, contrôle budgétaire, existence


comptable d’un service d’audit interne, méthode de traitement et de
saisie des informations financières (systèmes manuels et
informatisés) et analyse des données (répétitives,
ponctuelles, exceptionnelles)

158
Article 59du Code de procédure civile,
159
Même article, dernier alinéa
101
Pratiques comptables Politique d’investissement et d’amortissement, traitement
des frais de recherche et développement, évaluation des
stocks, des opérations à long terme, politique en matière de
provisions, méthodes de consolidation, …

Délais En matière de production de l’information financière et des


informations de gestion

Existence des principes Séparation des fonctions, systèmes d’approbation et


fondamentaux du contrôle interne d’autorisation, contrôles physiques, rapprochements,
périodicité des balances, comptes collectifs, …

Intervention d’un expert-comptable Nature des travaux effectués

Intervention d’un commissaire aux Etude de ses rapports, examen de son dossier de travail,
comptes « le cas échéant » étude des échantillons et des conclusions.

Source : Note d’information N° 12 « démarche et organisation de la mission générale »,


Compagnie National des Commissaires aux Comptes France, septembre 1988.

B- Exploitation préliminaire

L’expert judiciaire prépare une liste des documents selon les objectifs et les besoins de la
mission, sur la base des questions posées sur l’ordonnance du juge.

Ces documents doivent être exploités d’une manière permettant à l’expert judicaire de :

 Se familiariser avec les normes spécifiques à la société160 : Les consultations des


documents donnent à l’expert une vision préalable de l’entreprise afin de distinguer
l’essentiel de l’accessoire, comme moyen d’orientation de ses investigations et ses
constations par la suite.

 Se familiariser avec les relations et les liens financiers existant entre les entreprises
sujettes : L’expert acquiert la notion de ce qui peut être normal dans le contexte
particulier où il intervient et peut détecter les risques préliminaires, et identifier des

160
M. Jean RAFFEGEAU, Pierre DUFILS, RAMON GONZALEZ, Audit et contrôle des comptes, page 60.
102
relations qui peuvent revêtir un aspect anormal après approfondissement de ses
recherches.

 Orienter ses interviews et ses interventions : La multiplicité des faits qui, engendre la
confusion des patrimoines et les particularités de chaque entreprise sujette, peut alourdir la
mission, soit par le dépassement des délais impartis, soit par le budget prévisionnel. Dans
ce cas, l’expert judiciaire ne doit pas se focaliser sur le détail au point de perdre de vue
l’ensemble de son problème. Son objectif n’est pas d’analyser un chiffre ou un lien
financier isolé de l’entreprise, mais de déterminer, sur la base des éléments significatifs,
que l’ensemble du patrimoine de l’entreprise en difficulté est confondu avec ceux des
autres entreprises.

Plusieurs façons permettent de collecter les informations utiles, parmi elles :


 Des réunions avec les responsables;
 Des entretiens avec toute personne susceptible de fournir une information utile ;
 Prise de connaissance des documents juridiques et comptables ;
 Demande et exploitation des états de synthèse et des rapports gestion ;
 S’intéresser à toute information ou document utiles ;
 Prise de connaissance de l’environnement interne et externe.

Cette liste n’est pas exhaustive, mais permet de voir que l’expert doit l’adapter aux
circonstances de la mission, en se fixant pour objectif de prononcer une opinion motivée, dans
de brefs délais et en minimisant ses coûts. C’est ainsi que le choix des documents de travail
doit satisfaire ces objectifs.

La prise de connaissance doit être mise à jour, chaque fois qu’une information ou un
document utile vient s’ajouter aux éléments déjà recueillis.

II. Investigations et constatations de l’expert judiciaire

L’exploitation des documents internes et externes de l’entreprise, permet de faire des


investigations et des constations nécessaires à travers lesquelles l’expert judiciaire, prépare un
plan de travail et un questionnaire qui seront enrichis par :
 Les entretiens avec les dirigeants ou toute personne occupant un poste de responsabilité au
sein de l’entreprise.
 Les constations physiques des éléments de patrimoines et de leurs mouvements ;

103
 L’examen de droit qui permet l’utilisation de ces éléments patrimoniaux par l’entreprise ou
celles en risque d’extension.
 L’examen des procédures internes ;
 L’examen des procédures et des liens qui existent entre les différentes entreprises en
questions.

Chacun de ces travaux complète l’autre, dans le sens où l’existence d’un bien dans les locaux
de ces entreprises ou dans leurs chantiers nécessite de poser la question sur le pourquoi de
cette existence, autrement dit, est ce que l’entreprise en question possède-t-elle, un droit de
jouissance, de propriété … sur ce bien ? Et comment il est concrétisé ?

Le même raisonnement est utile, lorsqu’un contrat d’exploitation ou de propriété ou une


facture d’un bien est libellé au nom de l’entreprise. Dans ce cas, à partir de ce document, on
cherche l’existence et le bénéficiaire réel du bien.

De même pour le personnel : s’agit bien de l’entreprise employeuse ou bien d’une autre
entreprise ? Dans ce cas, quelle est la contrepartie ? Il faut consulter, dans ce sens, les livres
de paie ou les journaux de salaires, les documents de pointage, les bulletins de paie…

En revanche, trois éléments méritent une attention particulaire de l’expert judicaire :


 La vérification de l’existence d’un bien ou de la réalisation d’une prestation au sein d’une
des entreprises en liaison. Qu’il est alors le lien juridique ?
 L’existence des documents ou des écritures comptables prouvant le lien juridique. Qui est
le bénéficiaire du bien ou de la prestation en question ?
 La même logique pour tout frais, charge ou élément en dehors du bilan.

A- Utilité des investigations et des constatations

Selon les informations recherchées, l’expert judiciaire est amené à apprécier les situations
suivantes :

 Détection du degré d’indépendance de l’entreprise

L’expert examine les différentes contraintes qui pèsent sur l’indépendance de l’entreprise,
notamment, les décisions personnelles de dirigeants- contractuels ou de fait – qui vont à
l’encontre de l’intérêt de l’exploitation.

104
Et en cas d’existence d’une dépendance de l’entreprise en difficulté envers les autres
susceptible d’induire une confusion des patrimoines, ou d’une interdépendance, l’expert
vérifie l’impact sur les patrimoines et sur les comptes.

Si les entreprises forment entre elles un groupe, lorsque ses flux réciproques sont transcrits
régulièrement et correctement dans les comptes des entreprises interdépendantes et lorsqu’ils
sont réalisés dans le cadre de l’intérêt général des entreprises prises ensemble, selon une
stratégie globale bien déterminée, la confusion des patrimoines est, souvent, rejetée.

Donc, l’expert judiciaire doit vérifier l’existence d’une stratégie générale du groupe, telles que
les conventions de trésorerie entre la société mère et ses filiales ou les sociétés sœurs d’un
groupe.

 Recoupement des informations collectées :

Les flux financiers représentent en général une contrepartie des flux réels ayants de nombreux
aspects opérationnels : gestion du personnel, politique de maintien de matériel et gestion de
stocks….

Le recoupement de ces éléments avec les informations comptables permet d’acquérir une
certaine compréhension de l’entreprise ou de détecter des éléments de base permettant de
relever des anomalies significatives.

A titre d’exemple, l’expert judiciaire vérifie :


 Si les actifs appartenant à l’entreprise existent et sont utilisés par elle ;
 Ou, sur quelle base et par quel droit, ils sont confiés aux tiers ?

En effet, la constatation ne suffit qu’à vérifier l’existence d’un bien ou d’une prestation, elle
doit être complétée par les investigations suivantes:
 la propriété du bien, son utilité et sa valeur;
 l’utilité de la prestation et la valeur à payer pour en bénéficier ;
 les utilisations croisées d’un bien ou d’une prestation et son fondement juridique entre ces
entreprises et la vérification du caractère raisonnable de la contrepartie de cette utilisation.

A noter que la constatation est d’une grande utilité surtout en l’absence de la comptabilité ou
lorsque celle-ci présente des irrégularités graves.

105
B- Risques d’expertise

[La vérité sort plus facilement de l'erreur que de la confusion.]161

La recherche de l’imbrication des patrimoines est très compliquée, puisqu’il s’agit d’analyser
ces droits au-delà de leurs frontières, ce mélange peut être interprété autrement que par la
confusion. L’expert judiciaire doit donc parer deux principaux risques, à savoir :
 Risque de non détection d’une confusion, malgré son existence.
 Risque externe lié à l’environnement de la mission.

1- Risque de non détection

Les pratiques communes, découlant de l’application des théories concurrentes ou rattachées à


celle la confusion des patrimoines, obligent l’expert judiciaire à distinguer, dans sa démarche
les critères propres à l’imbrication des patrimoines, ainsi avant de livrer son opinion, l’expert
doit exploiter tous les moyens à sa disposition et doit déterminer minutieusement les taches
affectées à ses collaborateurs, il doit créer, en fait, un système de contrôle qualité au sein de
son cabinet. Ce qui permettra de minimiser le risque de la non détection de certains éléments
probants qui peuvent avoir une incidence significative sur l’opinion de l’expert.

2- Risque environnemental

Chaque entreprise représente un cas isolé malgré les convergences organisationnelles avec
d’autres entités. L’expert judiciaire doit gérer ces particularités, tant celles concernant la
nature d’activité, la structure ou la politique générale de l’entreprise.
Cependant, il doit gérer le comportement des organes opérationnels et de décisions des
entreprises en question puisque son but est d’accueillir le maximum d’informations utiles à
son rapport d’expertise.

Cependant, l’expert peut se retrouver avec des documents égarés ou des opérations
comptables non justifiées. Il doit donc trouver des solutions alternatives, comme par exemple,
l’utilisation de la technique de la circularisation qui est tellement admise par les auditeurs
externes.

En résumant, l’expert judiciaire peut utiliser toutes les techniques admises par la doctrine
comptable et qui se sont répertoriées en deux grands groupes :
161
[Francis Bacon], http://www.evene.fr/citations/
106
 l’exploitation et l’analyse des documents ;
 les investigations et les recherches sur terrain à travers des entretiens et demandes
d’informations.

Ainsi, l’expert judiciaire peut consulter les travaux de divers intervenants, comme les
rapports des experts comptables, des commissaires aux comptes, des avocats …..
L’organisation de ces travaux nécessite la mise en place d’un système ayant pour but de
préparer un plan de mission et des dossiers de travail.

§ II : Matérialisation de la mission

L'ensemble des informations réunies lors de la prise de connaissance générale et de


l'identification des éléments significatifs, doit être formalisé, ainsi que les résultats qui en
découlent.
L’expert judiciaire prépare un plan de travail sur la base de l’ordonnance et ses travaux de
prise de connaissance. Il procède, ensuite à la constitution d’un dossier de travail dont les
informations sont classées selon un système connu par le personnel du cabinet. L’idée est de
faciliter le regroupement et les manipulations des documents et informations recueillis.

De même pour organiser ses relations avec le tribunal, l’expert judiciaire doit formaliser ses
communications avec celui-ci, notamment en préparant un planning des réunions, et en
tenant un dossier « relations juges », où sont classées les instructions du juge, ainsi que les
correspondances et tout autre document liant l’expert au juge.

I. Dossier et plan du travail

Le dossier de travail est un support qui regroupe :


 Les outils de la démarche (questionnaires, modèles, schéma),
 Les notes de travail des collaborateurs;
 Les documents collectés au cours de la mission162.

L'objectif du plan de mission ou programme général de travail est de synthétiser


l'information obtenue et de formaliser les décisions qui en découlent pour mieux orienter et
planifier la mission163.

162
OEC Maroc, guide pratique d’audit, page 11
163
CNCC France, note N°13 septembre 1988 « composante de planification et de l’orientation »
107
A- Dossier de travail

La tenue du dossier de travail émane d’un besoin technique de la mission. En effet, la


documentation des travaux de l’expert judiciaire est indispensable pour:
 Attester que les diligences ont été bien effectuées et que les conclusions ainsi que l’opinion
émises sont fondées ;
 Assurer l’exercice de la supervision effective des travaux délégués164 .

L’expert judiciaire peut tenir un nombre de dossiers selon les particularités et la complexité
de la mission et de l’entreprise, dont :
 Un dossier pour les vérifications comptables appelé « dossier de la confusion des
comptes » ;
 Un dossier pour les vérifications contractuelles de l’entreprise en difficulté appelé :
« dossier des relations financières anormales » ;
 Un dossier organisant les relations et les correspondances de l’expert avec le tribunal ;
 Un dossier global où il transcrit les données générales de l’entreprise (forme juridique,
répartition du capital, secteur d’activité…..), ainsi que la synthèse des éléments
significatifs des trois premiers dossiers.

S’agissant d’une mission spécifique, l’expert ne doit pas perdre de vue, l’éventualité d’un
contrôle de son travail. Les conclusions doivent donc être documentées de manière à
permettre :
 La description des éléments vérifiés;
 De vérifier les documents utilisés ou les personnes interviewées ;
 D’argumenter ces conclusions.

Il est donc nécessaire que les feuilles de travail soient classées et référencées d’une manière
qui permette :
 le suivi des travaux et des conclusions ;
 D’éviter les oublies ;
 De faciliter la synthèse ;
 De faciliter les supervisions et les contrôles.

164
Il est noté que seul l’expert judiciaire, ou les personnes physiques relevant de la personne morale qui
remplissent les conditions précitées par l’article 3 de la loi « 45-00 » relative aux experts judicaires, qui ont
droit à réaliser les travaux la supervision de l’expertise.
108
Les feuilles peuvent être référencées, selon le type de dossier, en commençant à titre
d’exemple, par les initiales de la référence en question :
 « RF » : « dossier Relations financières » ;
 « CC » : « Confusion des Comptes » ;
 « RTE » « relations Tribunal - Expert » ;
 «G » « dossier Global ».

Ces lettres peuvent être suivies d’une référence alpha numérique, indiquant la catégorie de
l’information recherchée et le N° de la feuille.

B- Plan de travail

Sur la base des éléments de l’ordonnance d’expertise et la prise de connaissance générale de


l’entreprise en difficulté et son environnement ainsi que les entreprises sujettes de la
confusion des patrimoines, l’expert judiciaire planifie et oriente ses travaux d’investigation.
Ceux-ci consistent ainsi à :
 Etablir un plan de mission ;
 Elaborer un programme de travail.

Le plan de mission décrit la stratégie générale de la mission adoptée, alors que le programme
de travail est développé dans le but de réduire le risque de non détection d’éléments probants
à un minimum acceptable.

1- Plan de mission

Le plan de mission fixe l'étendue, le calendrier et la démarche « de la mission d’expertise ». Il


donne des lignes directrices pour la préparation d'un programme de travail plus détaillé165.
Toutes les informations et les éléments significatifs collectés durant la prise de connaissance
générale sont à synthétiser pour qu’ils soient rapidement utilisables.

L’objectif du plan de mission ou programme général de travail est de synthétiser l'information


obtenue et de formaliser les décisions qui en découlent pour l'orientation et la planification de
la mission.

165
OEC « Maroc », « évaluation des risques titre 2 -9 » normes d’audit, version janvier 2009 avec changement
du « audit » par « la mission d’expertise ».
109
Le plan de mission permet donc de formaliser les décisions prises pour :
 Les travaux à entreprendre ;
 Les moyens à mettre en œuvre ;
 Les dates d'intervention ;
 Les rapports à établir ;
 Les heures et les coûts à engager166.
 Le ou les seuils de signification retenus;
 Les lignes directrices nécessaires à la préparation du programme de travail167.

Le contenu du plan de mission s’inscrit dans la logique de l’approche par les risques qui est
communément admise pour les missions d’audit. Le plan peut comprendre :

 L’objet et le contexte de la mission ;


 La présentation de l’entreprise et son environnement ;
 La synthèse des éléments probants ;
 La synthèse des orientations de la mission ;
 Le budget temps ;
 La planification de la mission : les principaux intervenants, la nature des investigations à
faire….

2- Programme de travail

Le programme de travail est plus détaillé que le plan de mission et définit la nature, le
calendrier et l'étendue des procédures d'audit à mettre en œuvre par les membres de l'équipe
affectée à la mission. L’objectif est de recueillir des éléments probants suffisants et appropriés
pour réduire « le risque d'audit » à un niveau faible acceptable168.

La planification, n’est pas une opération isolée de la mission générale, mais un processus
continu qui peut être modifié mis à jour chaque fois que c’est nécessaire.

L'objectif de la planification est de prévoir, pour l'exécution d'une mission :


 Ce qui doit être fait,
 Les moyens techniques à mettre en œuvre,

166
CNCC, note d’information N°13 « orientation et planification de la mission de la certification » sep 1988
167
Ces deux derniers points sont repris de mémento pratique Francis Lefebvre « Audit et commissariat aux
comptes 2007-2008» page 467, N° 27525.
168
OEC,
110
 Les temps nécessaires,
 Les dates souhaitables,
 Le personnel nécessaire.
En effet le programme de travail permet169 :

 De présenter une synthèse des informations recueillies, lors de la phase de prise de


connaissance,
 De formaliser les choix et décisions prises par l’expert judiciaire dans l’orientation et la
planification des travaux à mettre en œuvre ;
 De prévoir et organiser la délégation par l’expert judiciaire d’une partie des travaux. Cette
délégation doit tenir compte de la qualification et l’expérience des collaborateurs en
fonction des difficultés des travaux qui leur seront demandés.
 De préciser, s’il y a lieu les travaux de l’expert-comptable ou des auditeurs internes ou
externes à utiliser.

Au regard de la relation de l’entreprise en difficulté avec les entreprises sujettes, ce


programme, pourra ainsi comporter :

 Une présentation générale de l’entreprise en la limitant aux seules informations utiles à la


vérification de la confusion des patrimoines ;
 L’indication des domaines et systèmes significatifs identifiés ainsi que les zones à risques ;
 L’orientation des contrôles en précisant notamment la nature des documents à obtenir et à
exploiter, les fonctions à évaluer et l’étendue des travaux à exécuter ;
 La planification de la mission en fixant le choix des collaborateurs et en définissant le
calendrier d’intervention, tenant compte à la fois des contraintes de dates légales, des
contraintes des entreprises sujettes et des contraintes propres à la structure de l’expert
judiciaire.
C'est, par conséquent, être en mesure de répondre aux questions :
 Quoi? : Ce qu'il convient de faire,
 Comment? : Comment le faire, moyens matériels,
 Combien? : En temps et en monnaie, budget,
 Quand? : À quelles périodes de la mission,
 Qui? : Quels sont les moyens humains à mettre en œuvre170.

169
Inspirer l’étude de Mr Abdelmejid FAIZ : « L’APPRECIATION PAR LE COMMISSAIRE AUX
COMPTES DES RISQUES JURIDIQUES ET FISCAUX LIES AUX OPERATIONS INTRA-GROUPE ‘’Essai
de comparaison entre le Maroc et la France ‘’ », mémoire pour l’obtention de diplôme d’expertise comptable,
ISCAE
111
II. Relations juge - expert judiciaire

Rappelons que le juge et l’expert sont engagés dans un processus de rassemblement d’une
masse d’informations relatives à un contentieux dans le but de l’adapter aux dispositions
légales ; pour la production d’une décision judiciaire.

Dans ce contexte, les deux intervenants –juge et expert- supervisent la réalité des faits des
parties aux contentieux. Cela crée une relation réciproque et d’interdépendance entre les deux
magistrats.

A- Contrôle de la réalité

Selon Michael King et Antoine Garapon : ‘’l’engagement conjoint de l’expert et du juge est
de restructurer, analyser et réinterpréter la réalité. Les rapports des dits experts, aussi bien
écrits et oraux ne servent pas uniquement à relater ; ils doivent également sélectionner, monter
en épingle ou au contraire simplifier les faits de façon à ce que ces derniers produisent une
réalité facilement assimilable et utilisable dans le conteste institutionnel d’un procès et
doivent également faire rentrer les traits particuliers de chaque situation , dans les catégories
réparables et pertinentes tant pour les auteurs que pour les destinataires des dits rapports… A
travers ce conteste, le juge et l’expert ont la possibilité de s’influencer réciproquement. ‘’ 171
« Beaucoup de relations d’influence se présentent en boucle fermée…que ce soit directement
ou indirectement à travers les règles dites de réactions anticipées ».

170
CNCC, note d’information N°13 « orientation et planification de la mission de certification » septembre
1988.
171
«Le juge, l’expert et le contrôle de la réalité dans les juridictions de la jeunesse en France et
l’Angleterre »Revue Droit et société N° : 10-1988 P 446-447.
112
Recommandations de l’expert

L’expert prévoit ce que sera l’opinion du juge en


fonction des contacts informels antérieurs et de la Le juge est d’accord avec de telles
manière dont le juge a réagi précédemment dans recommandations
les cas analogues

Décision du juge

B- Influences réciproques de l’expert et du juge

La mission première de l’expert judiciaire est de fournir à la juridiction un avis technique et


scientifique qui dépasse la compétence du juge à propos d’une situation déterminée. Un avis
que, sans lui, le juge ne pouvait avoir. Par contre, pour leur part, les simples témoins ne sont
autorisés qu’à rapporter ce qu’ils ont vu ou entendu. C’est pourquoi l’expert judiciaire
bénéficie d’un statut spécial devant les juridictions.

Ce caractère privilégié crée une relation personnalisée entre le juge et l’expert et permet de
transformer le pouvoir de contrôle exercé par le juge à une assistance fournie à l’expert tout
au long de la mission à travers les discussions qui visent à éclaircir la situation pour les deux
magistrats : le juge et l’expert.

Cette relation informelle engendre une influence mutuelle entre l’expert et le juge qui se
constate à chaque fois que la décision du juge dépend de la vision de l’expert judiciaire. C’est
le cas par exemple des contentieux fiscaux pour la détermination de l’assiette fiscale ….

A noter par ailleurs, que le juge, et même l’avocat des parties, doit comprendre le rapport de
l’expert judiciaire. Celui-ci doit donc bien choisir la terminologie utilisée et le style employé.
Ce qui implique une influence indirecte du droit sur la science.

Ces influences ne doivent, en aucun cas, se répercuter sur l’objectivité et la légitimité de la


décision de chacun d’eux, c’est pourquoi il est utile de rappeler :
 Que l’intervention de chacun d’eux soit compatible avec le cadre légal ;

113
 Que Le rôle de l’expert comme celui du juge est la protection de l’ordre public et la
réalisation de la justice ;
 D’éviter tout conflit entre le juge et l’expert qui peut provoquer des décisions subjectives;
 D’éviter toute question mettant en doute la compétence du juge ou de l’expert.

Chapitre II : Elaboration de la démarche

L’objectif d’une mission d’expertise de la confusion des patrimoines à laquelle procède un


professionnel est d’exprimer une opinion motivée, sincère, en toute objectivité et
indépendance.

La démarche à suivre vise à ce que chaque planification de la mission intègre les particularités
des entreprises sujettes en matière d’activité et de représentation des comptes, et la nature des
relations contractuelles et des flux financiers entre ces diverses entreprises.

Cette démarche peut subir des changements et des adaptations en fonction des informations
et des éléments récoltés soit à la phase de la prise de connaissance, soit tout au long de la
mission et selon les particularités de chaque entreprise.

En effet l’expert judiciaire doit se focaliser sur deux axes :


 Un examen des comptes des entreprises sujettes à la confusion des patrimoines à travers la
vérification de l’imbrication des comptes d’une part et la vérification des flux financiers
d’autre part ;
 Un examen physique de la confusion des patrimoines à travers la réalisation des enquêtes
sur les mouvements du personnel et tous les éléments de l’actif, ainsi que le fondement de
l’utilisation croisée des éléments d’actifs.

Il est recommandé alors à l’expert judiciaire de travailler selon l’approche par les risques en
intégrant la démarche « audit financier par cycle » qui permet d’introduire un chaînage
logique entre les différentes phases de vérification et de donner à l’exécution de la mission un
maximum de pertinence et d’efficacité172.

L’utilité de cette intégration permet de vérifier les liens existant entre les différents comptes
qui enregistrent les opérations de même nature, telles que le « cycle ventes- clients». Ces
opérations seront ainsi analysées à deux niveaux : celui des comptes de gestion et celui des

172
Mémento Francis Lefebvre « audit et commissariat aux comptes 2007-2008» page 507 note° 31005.
114
comptes de situations. Il est recommandé aussi que l’expert procède au calcul de certains
ratios financiers qui offrent des informations sur l’importance des comptes choisis.

De ce fait, nous allons traiter à la première section l’examen des comptes des entreprises
sujettes. La deuxième section concernera l’examen physique de la confusion.

Section I : Examen des comptes des entreprises sujettes à la confusion des


patrimoines

Tout d’abord, il faut remarquer que la confusion des patrimoines peut être constatée même en
l’absence d’une comptabilité comme technique de tenue des comptes. La confusion est
relevée par un mélange des comptes bancaires manifesté par les règlements ou les
encaissements des opérations professionnelles par le compte personnel de l’intéressé ou par le
compte professionnel pour les affaires personnelles. Cette imbrication des comptes est
constatée en l’absence même de toute comptabilité et ce par la consultation des relevés ou tout
document bancaire.

L’imbrication des comptes doit être directe entre les deux entités en question et non par
l’intermédiaire d’un bénéficiaire de l’une des parties. Cette situation doit être examinée à
travers d’autres mécanismes tels que l’abus de droit et non la confusion des patrimoines. Dans
ce cas, et si l’ordonnance d’expertise précise la vérification de l’existence d’une confusion,
l’expert judicaire ne doit pas sortir dans ce cadre de cette question pour soulever l’existence
de l’abus de droit. Il doit y avoir une nouvelle ordonnance d’expertise pour ce faire.

A rappeler que le législateur exige la tenue de la comptabilité par tout commerçant et selon
des règles légales ou doctrinales bien précises. Cette obligation présente autrement un
avantage remarquable. En effet, quand la comptabilité est régulière et sincère, elle peut écarter
le risque de confusion des comptes. La même chose est constatée lorsqu’au moins les comptes
de liaison avec les entreprises en question reflètent la réalité des opérations réalisées entre
elles. Pour cela, l’expert judiciaire doit vérifier les assertions suivantes :

 L’existence d’un actif ou d’un passif à une date donnée ;


 Les droits et obligations de chaque entité à une date donnée ;
 Le rattachement des actifs, passifs, opérations ou événements (enregistrés de façon
complète et correcte) ;
 L’exhaustivité : l'ensemble des actifs, dettes, transactions et événements de la période sont
enregistrés (ou font l'objet d'une mention) ;
115
 L’évaluation correcte des actifs et passifs ;
 Mesure : Une opération est enregistrée à sa valeur de transaction et un revenu ou une
charge sont rattachés à la bonne période,
 Présentation et informations données : Présentées et classées selon le référentiel
comptable applicable173.

Ces assertions générales doivent être adaptées au contexte de la confusion des patrimoines,
pour se limiter uniquement aux existences, aux opérations, et aux mouvements intra
entreprises en question.

En effet, c’est l'occasion de préciser que l'identification en comptabilité des mouvements


financiers entre deux sociétés excluait l'imbrication de leurs relations (Cass. com., 8 janv.
2002.174

§1 : Vérification de l’imbrication des comptes

Le délai généralement restreint impose à l’expert judiciaire d’utiliser des techniques admises
dans le cadre des audits légaux telles que :
 Technique de sondages ;
 Techniques de contrôles des comptes…

Il faut que l’expert s’intéresse plus aux comptes de liaison des entreprises sujettes de la
confusion.
Ainsi, dans ce cadre nous allons nous limiter aux principales techniques de contrôle des
comptes, qui ont prouvé leur efficacité, en mettant en lumière la particularité de la
comptabilité simplifiée et en déterminant, par la suite, les objectifs du contrôle de
l’imbrication des comptes.

I. Techniques usuelles

Diverses techniques de contrôle des comptes permettent la vérification de l’imbrication des


comptes. Les techniques usuelles de l’examen des comptes comprennent :
 Tests de cohérence ;
 tests de validation.

173
OEC, guide pratique d’audit déjà cité page 30.
174
Juris-Data n° 2002-012641
116
1- Tests de cohérence

Les tests de cohérence sont un ensemble d’études et de contrôles qui permettent au praticien
de vérifier l’homogénéité des informations à caractère comptable ou opérationnel qui sont à
sa disposition175.
Deux principaux types de tests de cohérence peuvent intéresser l’expert judiciaire :

a- Revues de l’information

Elles consistent à examiner l’information sur un plan général afin de déceler les incohérences
notoires qui pourraient transparaître.
C’est le cas, d’un contrat de loyer établi entre la société propriétaire de l’immeuble et
l’entreprise qui l’exploite, alors que les comptes ne sont pas alimentés par les montants
correspondants.

Il s’agit d’un examen de vraisemblance que l’expert judiciaire peut utiliser afin de détecter
une anormalité flagrante d’une donnée comptable par rapport à la situation économique de
l’entreprise ou aux éléments chiffrés d’un contrat en général.

b- Comparaisons par calcul

Ces comparaisons supposent qu’il y a une relation directe entre une donnée et un élément de
référence et que cette relation reste fixe. Cette relation est généralement calculée sous forme
de pourcentage.

2- Tests de validation

Un test de validation consiste à contrôler un élément comptable en le rapprochant de la réalité


qu’il représente.

En fonction du degré de la valeur probante du contrôle, les tests de validité sont classés
comme suit :
 L’examen des documents détenus par l’entreprise ;
 La confirmation extérieure ;
 L’inspection physique.

175
Rafegeau, ouvrage cité , page 115
117
a- Examen des documents détenus par l’entreprise

Cette technique est fortement utilisée dans le cadre de l’audit normal. Mais elle représente
souvent des risques, pour l’expertise de la confusion des comptes. Ces risques sont dus
essentiellement au comportement défavorable des dirigeants de l’entreprise en difficulté face
à l’expertise, révélé par le refus de donner des documents et des informations nécessaires, aux
systèmes d’archivages des documents et pièces justificatives, au délai de la mission au
désintéressement de certains membres du personnel de l’entreprise en difficulté, aux grèves de
ceux-ci ….

b- Confirmation directe

L’objectif de la confirmation est d’appuyer l’information financière donnée par l’entreprise,


par un tiers ayant en général des relations avec celle-ci, qu’il soit, avocat, banque, tribunal,
administration fiscale, ou toute autre personne indépendante de l’entreprise.
La technique la plus souvent employée est la circularisation des lettres d’information ou la
confirmation directe par un spécialiste.

A noter, que l’expert judiciaire peut consulter les rapports des commissaires aux comptes,
demander des documents des situations bancaires auprès des établissements de crédits, des
dossiers juridiques, comptables, financiers ou administratifs auprès des différents cabinets ou
fiduciaires.

L’expert, peut faire aussi recourt à la technique de validation par inspection physique.

c- Inspection physique

Cette technique est utilisée notamment pour valider l’existence réelle d’un élément corporel
enregistré dans les comptes de l’entreprise.
Mais dans le cadre de la confusion des patrimoines, il ne faut pas se limiter à l’existence de
cet élément. L’expert doit savoir qui profite de son utilisation.
Et en cas d’existence de plusieurs endroits de production ou de stockage, l’expert doit faire
attention au risque de se faire présenter un même élément plusieurs fois ou sur plusieurs
endroits.

118
II. Particularité de la «Comptabilité simplifiée »

L’article premier de la loi « 09-88 » relative aux obligations comptables des commerçants tel
que modifié par l’article 1 de la loi n° « 44-03 » du 14 février 2006, dispose que les
commerçants personnes physiques dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas deux
millions de dirhams (2.000.000 DH) et à l’exception des agents d’assurances, peuvent tenir
une comptabilité simplifiée. L’expert judiciaire peut donc être amené à vérifier la comptabilité
simplifiée. Qui consiste à établir un registre des achats et des recettes.

Dans ce cas, l’expert vérifie la régularité de cette comptabilité, soit dans son aspect global ou,
au moins, pour les opérations qui concernent la détection de la confusion des patrimoines.

La régularité de la comptabilité simplifiée doit ainsi satisfaire aux conditions suivantes :

 L’enregistrement chronologique et global, jour par jour, des opérations, au moins à leur
date d’encaissement ou de décaissement ;
 Enregistrement des créances et des dettes à la date de clôture de l’exercice dans un tableau
récapitulatif précisant l’identité des clients et des fournisseurs ainsi que le montant de leurs
dettes et créances ;
 Enregistrement, en cas de nécessité, des menues dépenses sur la base de pièces
justificatives internes signées par le commerçant concerné.

D’ailleurs, selon le droit fiscal français, la comptabilité simplifiée n'a de valeur probante que
si elle répond aux conditions suivantes :

 Elle ne doit pas comporter d'erreurs, omissions ou inexactitudes graves et répétées (ex. :
erreurs de report, caisse créditrice, défaut d'inventaire, enregistrement global des recettes
en fin de semaine ou de mois, etc.) ;
 Elle doit enregistrer exactement toutes les opérations de l'entreprise ;
 Elle doit être appuyée de pièces justificatives suffisantes pour permettre de contrôler les
enregistrements effectués.

Ces pièces justificatives peuvent :


 Emaner de tiers (factures d'achats de biens ou de services, reçus, pièces de dépenses, lettres
reçues, etc.) ;
 Emaner de l'entreprise elle-même (copies de factures de ventes, bons de livraison, copies
de lettres envoyées, etc.) ;

119
 Etre constituées par des pièces annexes (bandes de caisse enregistreuse, main courante,
brouillards de caisse, livre des pourboires...)176.

Ces principales techniques, exposées brièvement ci-dessus, peuvent être complétées par des
questionnaires de contrôle des comptes, qui sont utiles aussi bien pour les comptes de
situation que de gestion.

III. Objectifs du contrôle de l’imbrication des comptes

Pour rappel, les soldes des comptes de situation sont ceux qui alimentent les postes du bilan,
alors que celui-ci représente le patrimoine de l’entreprise à une date donnée. Ce patrimoine est
composé selon la règle comptable d’un actif et d’un passif, soit des droits et des obligations
pécuniaires, autrement dit, des créances et des dettes.

A noter que cette définition comptable du patrimoine est restreinte, puisqu’il existe certains
droits ou engagements hors du bilan que l’expert judiciaire doit prendre en considération pour
la vérification de la confusion des patrimoines.

La démarche à suivre pour ce type de contrôles consiste à examiner en parallèle les comptes
de gestion qui sont débités ou crédités en contrepartie des comptes de situation pour
déterminer en même temps l’impact de la charge ou du produit correspondant sur le
patrimoine des entreprises en question. L’expert judiciaire doit faire ainsi un rapprochement
de cohérence globale entre ces comptes.

Pour l’examen des comptes, l’expert judiciaire peut utiliser le programme de travail cité en
annexe.

§2 : Vérification des flux financiers

La vérification des flux financiers nécessite à identifier les éléments probants qui ont
engendré un déséquilibre du patrimoine de l’entreprise en difficulté, constaté, lorsque
l’entreprise est victime de transfert de ses actifs sans aucune contrepartie.

176
JurisClasseur Fiscal Impôts Directs Traité > Fasc. 251-50 note 109. Cote 02-1999
120
Cependant, l’expert judiciaire doit identifier les flux financiers significatifs qui lui permettent
de conclure en toute netteté que l’entreprise en difficulté est vidée de ses actifs au profit de
l’entreprise in bonis.

L’expert judiciaire ne doit pas se limiter à une opération isolée ou non significative.
Ces transferts nécessitent, tout d’abord, des liens de dépendance entre les entreprises sujettes.
Et ce, avant de s’interroger sur leur prix qui détermine le critère normal ou non des flux
financiers.

I. Lien de dépendance

Pour démontrer l’existence des flux financiers anormaux, l’expert judiciaire doit tout d’abord
prouver l’existence de lien de dépendance entre les entreprises sujettes.
Cependant, ce lien de dépendance ne saurait, à lui seul, caractériser une confusion des
patrimoines. En effet, c’est un élément préalable et nécessaire pour que l’expert judiciaire
effectue ses investigations d’identification des flux financiers anormaux.
Sans ce lien, les entreprises sont alors indépendantes et aucun flux financier ne serait traité
dans le cadre de la confusion des patrimoines.

1- Notion de lien de dépendance

La notion de lien de dépendance n’est pas défini par les lois en vigueur au Maroc telles que
les lois sur les sociétés commerciales, le code de commerce, le code général des impôts….

Cependant, certaines d’elles évoquent quelques critères relatifs à cette notion. Ainsi l’article
‘96’ du code général des impôt dispose que « est considérée comme placée sous la
dépendance d’une autre entreprise, toute entreprise effectivement dirigée par elle ou dans
laquelle, directement ou par personnes interposées, cette autre entreprise exerce le pouvoir
de décision ou possède, soit une part prépondérante dans le capital, soit la majorité absolue
des suffrages susceptibles de s’exprimer dans les assemblées d’associés ou d’actionnaires »

Sont réputées personnes interposées :


 Le propriétaire, les gérants et administrateurs, les directeurs et employés salariés de
l’entreprise dirigeante ;
 Les ascendants et descendants et le conjoint du propriétaire, des gérants, des
administrateurs et des directeurs de l’entreprise dirigeante ;

121
 Toute autre entreprise filiale de l’entreprise dirigeante ; »

De son côté, l’article 144 de la loi relative aux sociétés anonymes définit une notion
similaire, soit la notion de contrôle d'une société sur une autre, comme suit :

« Une société est considérée comme en contrôlant une autre :


 Lorsqu'elle détient directement ou indirectement une fraction de capital lui conférant la
majorité des droits de vote dans les assemblées générales de cette société ;
 Lorsqu'elle dispose seule de la majorité des droits de vote dans cette société, en vertu d'un
accord conclu avec d'autres associés ou actionnaires qui n'est pas contraire à l'intérêt de
la société ;
 Lorsqu'elle détermine en fait, par les droits de vote dont elle dispose, les décisions dans
les assemblées générales de cette société.
Elle est présumée exercer ce contrôle lorsqu'elle dispose directement ou indirectement, d’une
fraction des droits de vote supérieure à 40% et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne
détient directement ou indirectement une fraction de ces droits supérieure à 30%.
Toute participation même inférieure à 10% détenue par une société contrôlée est considérée
comme détenue indirectement par la société qui la contrôle. »

2- Identification de liens de dépendance177

La doctrine administrative distingue deux types de liens :


 Liens directs de dépendance;
 Liens indirects de dépendance.

a- Liens directs de dépendance


Selon la circulaire N°716 de l’administration fiscale, La dépendance directe peut être conçue
dans le cadre des relations suivantes :
 Sociétés mères et leurs filiales ;
 Sociétés non résidentes et leurs établissements au Maroc ;
 Sociétés et leurs succursales.

La filiale est dépendante de la maison mère, à la fois :

177
Les sous paragraphe « a » et « b » sont recopiés de la circulaire N° 716.
122
 Sur le plan juridique, par le nombre des actions détenues dans son capital ou lorsque la
société mère exerce directement ou par personne interposée un pouvoir décisionnel dans la
société filiale.

Les personnes interposées peuvent être :


 Des gérants, des administrateurs, des directeurs ou des membres de leur famille ;
 Toute société contrôlée par la société exerçant le contrôle ;
 Toute personne ou entité qui a un intérêt dans l’activité ou le capital de la société exerçant
le contrôle.

 Sur le plan économique, par les liens étroits pouvant régir les activités exercées, telle
qu’une dépendance au niveau de la fourniture des matières premières, des pièces
détachées, de la marque, des brevets détenus par la maison mère, etc.

b- Liens indirects de dépendance

Les liens indirects de dépendance s'établissent notamment entre les entreprises filiales
apparentées à l'intérieur d'un même groupe d’entreprises qui, lui-même, est sous le contrôle
d’une société mère. A ce niveau, on assiste à des relations de dépendance financière entre les
entreprises apparentées soit par le jeu de participations réciproques ou croisées, soit par le jeu
d'une sous-dépendance.

Il s'agit notamment des cas où certains dirigeants de sociétés influent, par le biais de leurs
participations financières dans d'autres sociétés, sur la gestion et la prise de décision au sein
de ces sociétés.

c- Particularité de la confusion des patrimoines


Dans le cadre des procédures collectives, le traitement de la confusion des patrimoines ignore
la notion de lien de dépendance ou même de groupe, dans le sens où le redressement ne
s’applique qu’aux entreprises prises isolément178.

Le groupe de sociétés n'est pas doté de la personnalité morale. Il ne peut donc, être titulaire
d'aucun droit ni se trouver débiteur d'aucune obligation. C’est pour cela que le groupe est
ignoré par le droit des procédures collectives. L'autonomie juridique des personnes morales
exige que les procédures ouvertes soient en principe distinctes et indépendantes.

178
JurisClasseur Procédures collectives fasc.3190 : « redressement et liquidation judiciaires. -
groupes de sociétés »cote 6.2000.
123
En revanche, l’existence de liens réciproques entre les entreprises dépendantes ne peut
justifier l’extension de la procédure sur la base de la confusion des patrimoines lorsque
l’autonomie financière n’est pas mise en cause et que l’actif de l’entreprise en difficulté
n’est pas vidé anormalement par une des entreprises liées.

A noter que dans le cas d’existence d’une confusion des patrimoines, suite à des liens de
dépendance, entre une entreprise marocaine et étrangère, le tribunal qui a ouvert initialement
la procédure contre une des deux entreprises n’est pas compétent pour étendre la procédure à
l’autre selon le principe général de la souveraineté des Etats. Sauf en cas de présence d’une
convention spéciale entre ces deux Etats permettant une telle solution.

En revanche, l’expert judiciaire après avoir étudié les liens de dépendance entre les
entreprises en questions doit apprécier les flux financiers existant entre ces entreprises.

II. Appréciation de l’anormalité des flux financiers

L’expert dans sa démarche, apprécie l’anormalité des flux financiers par rapport à la règle de
la contrepartie qui, à notre avis. Qui se base, d’après la jurisprudence, sur deux éléments :
- La justification juridique du flux ;
- La justification économique du flux.
Puisque il faut se référer à l’intérêt économique recherché par chaque entreprise sujette.

Devant la diversité des cas qui peuvent engendré l’absence d’une contrepartie, l’expert
judiciaire peut apprécier celle-ci, notamment, lorsque :
- Il apparaît qu'une entreprise a vidé une autre entreprise de ses éléments d'actif ;
- Ou lorsque les actifs d’une entreprise ont été constitués grâce aux ressources d’une autre
entreprise ;
- Ou lorsqu’ il est manifesté qu’une entreprise s'abstient de réclamer ses droits pécuniaires
à l’autre.
L'existence ou non de cette contrepartie devrait s'apprécier au regard de l'ensemble des
relations nouées entre les deux personnes, et non pas au regard d'une opération envisagée
isolément.
En revanche, il faut étudier :
 La nature de l’actif transféré ;
 L’existence de la contrepartie et sa normalité ;
 L’intérêt de l’opération pour l’entreprise ;
124
 La répétition systématique de l’opération dans le temps ou dans l’espace ;
 La capacité financière de l’entreprise en difficulté à supporter un flux financier qui
profite à l’entreprise in bonis.

En effet, l’expert judicaire doit vérifier la justification juridique des flux financiers et l’intérêt
que ces flux ont procuré aux entreprises en question.

1- Justification juridique de flux financiers

Parmi les transferts patrimoniaux pris en compte par la jurisprudence, certains sont détachés
par tout fondement juridique. Dans ces situations, le flux a lieu, mais ne matérialise pas un
droit ou une obligation justifié. Tel est le cas de « l’occupation d’un immeuble par une
entreprise, sans aucun titre ne définissant pas les conditions juridiques et financières de cette
occupation179 ».

De même, en cas d’existence des virements ou de remise de chèques entre les parties, alors
qu’ « aucune justification réelle n’était proposée pour ces transfert de fonds180 ».

En effet, si l’irrégularité comptable est insuffisante à établir la confusion des patrimoines sur
la base de la confusion des comptes, celui relatif aux flux financiers anormaux, le permet.
C’est le cas d’une société qu a bénéficié d’un virement déterminer en comptabilité, alors
qu’ « il n’est pas justifié par aucune pièce181 ».

En suite, il doit apprécier cette anormalité selon l’intérêt procuré.

2- Justification économique du flux patrimonial

La justification économique des flux financiers s’apprécie d’après l’existence ou l’absence de


l’intérêt économique de l’entreprise en difficulté, puisque l’objectif même de la création
d’une entreprise et la recherche d’un profit, soit l’attente d’une contrepartie patrimoniale
directe, sans oublié que celle-ci ne peut être immédiate.

179
F Reille, NCP pages 118-119 cass.com19-11-96, N°94-19.738
180
Idem, Cass. Com 27-10-98 N° 96-16.429
181
Idem page 120, Cass.com 19-11-2003, 00-12.027
125
En effet, l’expert doit apprécier l’intérêt de l’entreprise par type du contrat étudié, en se
référant aux conditions normales et habituelles de son établissement entre les parties
indépendantes où chacun essaye de tirer le maximum d’avantage.

3- Quelques précisions

Comme déjà énoncé, l’expert judicaire doit se référer au principe de « la contrepartie » ou de


l’intérêt général pour toutes les entreprises sujettes à la confusion afin d’apprécier la légitimité
des transferts étudiés ci-dessus.

D’ailleurs, l’expert judiciaire peut être confronté à ce qu’on appelle la théorie de « l’acte
normal de gestion » qui suppose que « la recherche du profit est la justification de l’exercice
des affaires ». Ainsi, le fait de transférer un actif ne peut automatiquement être sanctionné
même si l’entreprise est en difficulté, lorsque ce transfert est admis pour la recherche de
l’intérêt de cette entreprise. Au contraire, l’acte anormal de gestion est « celui qui met une
dépense ou une perte à la charge de l'entreprise ou qui prive cette dernière d'une recette, sans
que l'acte ne soit justifié par l’intérêt de l'exploitation commerciale »182.
C’est le cas par exemple, de l’octroi d’un fonds de commerce de la société « PALAIS DE
ROSE » soit le centre de Thalassothérapie à la société « VITAL CENTER » sans aucune
contrepartie183.

Dans ce cadre, l’expert judiciaire doit étudier l’environnement général et les circonstances qui
ont ramené les décideurs à procéder aux transferts d’actifs.

A titre d’exemple, la minoration la valeur de l’éléments transféré est considérée de première


vue, anormale, peut générer une contrepartie et un avantage pour l’entreprise et permet de
faire fructifier les intérêts de l'entreprise en difficulté parce que l'avantage qu'elle a consenti à
l'entreprise in bonis a eu pour contrepartie l'obtention d'une prestation annexe.

Cette prestation annexe peut notamment porter sur la publicité ou la commercialisation des
produits de l’entreprise en difficulté ou bien le renouvellement d’un stock usé.

182
Patrick Serlooten « Liberté de gestion et droit fiscal : la réalité et le renouvellement de l'encadrement de la
liberté » in Droit fiscal n° 12, 22 Mars 2007, 301, note N° 27.
183
Tribunal de commerce Agadir, verdict N° 807 du 06-06-2006 dossier 04/12. Page 11
126
III. Problématique de la cessation de paiement et de transfert indirect de bénéfices

Une question qui peut préoccuper tout intéressé à la théorie de la confusion des patrimoines,
notamment au niveau des flux financiers anormaux, concerne des éléments distincts. L’expert
judiciaire doit-il apprécier la normalité des flux financiers :
 Parmi ceux qui ont engendré le déficit à l’entreprise en difficulté ?
 Ou parmi ceux qui ont engendré la cessation de paiement ?
 Ou simplement, parmi ceux qui ont permis le transfert de bénéfices ?

Par définition, l’entreprise en difficulté est celle qui est en cessation de paiement, et non pas,
forcément, celle qui cumule des pertes ou ne possède pas des actifs pour remédier à cette
situation à moyen terme. C’est pourquoi, l’expert judiciaire s’intéresse en premier lieu aux
flux qui peuvent avoir un impact direct sur la cessation de paiement.
En revanche, étendre la procédure à une entreprise en appréciant le caractère anormal des flux
financiers sur la base du transfert indirect des bénéfices peut bouleverser la règle générale de
traitement des entreprises en difficulté fondée sur la règle de « la cessation de paiement ».

Section II : Examen physique de la confusion des patrimoines

Les mouvements croisés du personnel et des biens, dans le cadre de la confusion des
patrimoines, peuvent ne pas être matérialisés par des actes écrits et une procédure clairement
établie entre les entreprises sujettes. C’est pourquoi les constations de tels mouvements
doivent être faites sur le terrain.

En outre, il peut exister des biens inscrits dans les comptes d’une des entreprises sujettes ou
bien des frais ou des charges supportés par celle-ci. Ceci alors qu’ils sont, respectivement,
utilisés au profit de l’entreprise sujette.

Cette situation peut provoquer la cessation de paiement de l’entreprise victime qui se trouve
vidée de ses actifs.
De même, il peut y avoir des charges de personnel supportées par l’entreprise en difficulté,
alors que le bénéficiaire de la prestation est une autre entreprise sans aucune facturation de la
part de la première.

Ainsi, l’expert judiciaire doit-il poser deux principales questions :


 Quel est le bénéficiaire réel de la prestation fournie par le personnel d’une des entreprises?
Et à quel prix ?
127
 Quel est le bénéficiaire réel des biens meubles ou immeubles de l’entreprise en difficulté?
Et à quel prix ?

En effet, l'extension de la procédure pour confusion des patrimoines entre deux sociétés est
justifiée dès lors que sont établies l'utilisation indifférenciée du personnel et des équipements
ainsi que la prise en charge par l'une des sociétés de dépenses réalisées par l'autre184.

§1 : Enquêtes sur les mouvements du personnel

Les enquêtes sur les mouvements du personnel portent sur ceux qui peuvent influencer les
relations contractuelles entre l’entreprise en difficulté et celle en risque de confusion des
patrimoines.

C’est pourquoi l’expert judiciaire doit vérifier que :


 les personnes qui figurent sur les livres de l’entreprise sont effectivement des employés de
l’entreprise en question ;
 et si, l’un des employés est affecté à une autre entreprise sujette de la confusion, dans ce
cas, quelle est la contrepartie de cette affectation ?

L’expert judiciaire, dans sa démarche, doit s’intéresser à :


 L’organisation humaine et la structure de chaque entreprise ;
 La politique générale des différentes directions de chaque entreprise pour le transfert du
personnel d’une à l’autre ;
 Le comportement des décideurs vis à vis des mouvements croisés du personnel…

L’organisation humaine de l’entreprise et sa structure sont parmi les facteurs qui peuvent
engendrer des relations financières anormales entre les entreprises sujettes, notamment,
lorsque les taches de chaque employé ne sont pas bien définies, et que le dirigeant ordonne au
personnel d’une entreprise l’exécution de travaux pour les autres entreprises en question.

Le personnel commun est, en général, le personnel administratif, les cadres supérieurs, les
ouvriers. Par contre les spécialistes sont surtout désignés pour l’exécution de certaines taches
précises. Le risque de la confusion est très minime.

En conséquence l’expert judiciaire doit se référer :

184
B. Saintourens « Caractérisation des relations financières anormales constitutives de la
confusion des patrimoines ». Revue des procédures collectives n° 2, Mars 2010, comm. 44
128
 A l’organisation humaine dans chaque entreprise afin de vérifier la répartition et la
formalisation des fonctions ;
 Aux fiches de description des fonctions ;
 Aux fiches de description des taches ;
 A la philosophie du dirigeant et le style de la direction des ressources humaines le cas
échéant ;
 Aux procédures de mouvement de personnel intra entreprise ;

Ces éléments ont une influence certaine sur la politique générale du fonctionnement des
entreprises sujettes. Ainsi lorsque les procédures sont claires et que chaque mouvement du
personnel d’une entreprise à l’autre est formalisé et autorisé, l’expert judiciaire doit vérifier
l’existence de la contrepartie correspondante. Par contre, si les mouvements de personnel ne
sont pas clairement définis, l’expert peut estimer forfaitairement la contrepartie perdue à
l’entreprise en difficulté.

L’expert judiciaire, doit s’intéresser aux mouvements significatifs. Comme présenté dans le
schéma suivant :

Mouvement croisé du personnel

Significatif

Non Oui

Déséquilibre Patrimonial

Non Oui

Séparation des patrimoines Oui


Confusion des patrimoines

En effet, afin de minimiser le risque de la confusion sur la base des mouvements de personnel,
l’entreprise doit justifier cette opération par l’un des documents suivants:
 Un contrat préétabli entre les deux entreprises en question ;
 Ou bien, une facture de prestation de service ;
129
 Ou au moins un document justificatif dans ce sens.

Cependant, en plus de l’existence de ces documents, l’expert judiciaire doit vérifier :


 L’existence de la contrepartie de la prestation fournie ;
 Ou bien, l’existence de l’intérêt général pour le groupe ;
 Soit en somme, l’absence de déséquilibre patrimonial.

§2 : Vérification de l’utilisation croisée d’éléments d’actifs.

Légalement l’utilisation d’un bien est issue d’un droit « réel » qui offre à son titulaire un
pouvoir direct sur la chose, sans l’intervention d’un tiers. Autrement dit, il confie à la
personne le pouvoir de disposer et de jouir de la chose de la manière la plus absolue.

C’est un droit patrimonial ayant comme conséquence première le principe de la séparation des
patrimoines. A travers ce principe, les frontières patrimoniales de chaque personne sont bien
définies.
Le droit des affaires tient nettement à ce principe puisqu’il fait reconnaître aux entreprises
l’autonomie patrimoniale, financière et juridique. Ainsi une entreprise peut offrir le droit de
jouissance à une autre moyennant une contrepartie qui peut être un gain ou une extinction
d’une créance. Par contre, les décideurs croient qu’ils gèrent un seul patrimoine en ignorant
les frontières juridiques de chaque entreprise, par l’utilisation croisée indifféremment des
biens des entreprises en question, créant ainsi ce qu’on appelle la confusion des patrimoines.

I. Constatation

L’expert judiciaire procède à l’observation physique des éléments d’actifs de l’entreprise en


difficulté par des visites inopinées dans les lieux de travail.

L’expert judiciaire, rappelons-le, est assermenté. Ces constatations ont donc une valeur
juridique qui dépasse le constat d’un simple témoin. Cependant, il est recommandé que cette
technique de constatation soit complétée par des photos ou tout autre document utile pour
mieux appuyer ses constats.

En principe, au moment de l’exploitation des documents des entreprises sujettes, l’expert


judiciaire a déjà obtenu les informations nécessaires sur les divers actifs : l’importance
relative de chaque élément dans son patrimoine et son impact sur la cessation de paiement de
l’entreprise en question.

130
En effet, l’expert judiciaire doit d’abord prendre connaissances de l’existence des actifs
inscrits dans les comptes, le lieu de leurs exploitations et le bénéficiaire. D’ailleurs, l’expert
judiciaire demande aussi des explications sur la disparition de certains actifs qui figurent
toujours dans les comptes, ainsi que la cause de cette disparition.

II. Eléments de contrôle

L’observation physique est facilitée lorsque les entreprises en question possèdent un système
de contrôle interne, et procèdent à l’inventaire physique de leurs actifs, au moins une fois par
an. Ce qui est d’ailleurs une obligation légale instaurée par le loi « 9-88 » relative aux
obligations comptables des commerçants.

L’expert judiciaire peut soulever, selon sa compréhension du système, des anomalies de


procédure ou de fonctionnement qu’il doit prendre en considération dans ses investigations.

En effet, l’expert judiciaire peut réaliser ses constatations soit :


 A partir des éléments existants, il sélectionne certains actifs et vérifie :
 leur enregistrement sur les fichiers et/ou dans les comptes de l’entreprise;
 leur utilisation par l’entreprise ou l’une des entreprises sujettes de la confusion ;
 Pour ce dernier cas, il vérifie le caractère normal de la prestation, la contrepartie ou
l’intérêt général pour l’ensemble des entreprises interdépendantes dans le cas de l’absence
d’une contrepartie.

 A partir de la comptabilité, ou des fichiers, s’ils existent, il vérifie :


 leur existence physique ;
 Ou leur disparition ;
 Ou leur utilisation par l’une des entreprises sujettes.
 La contrepartie, ou l’intérêt général de l’utilisation.

Ces contrôles concernent tous les actifs de l’entreprise en difficulté y compris les stocks.

131
Section III : Synthèse de la mission et rapport d’expertise

Avant de boucler son rapport, l’expert judiciaire doit réaliser les travaux de fin de mission lui
permettant de s’assurer :

 Qu’il n’a omis aucun élément probant ;


 Qu’il a reçu tous les éléments et toutes les explications ainsi que toutes informations
nécessaires pour motiver son opinion ;
 Qu’il a informé le juge des obstacles rencontrés tout au long de sa mission.
 Qu’il a toutes les réponses du juge concernant les obstacles rencontrées et qui ont fait
l’objet de communication antérieur.

Pour s’assurer que tous les éléments nécessaires à l’expression de son opinion ont été réunis
et que les diligences ont été respectées, l’expert judiciaire peut préparer un questionnaire de
fin de mission qui répond aux quatre objectifs ci-dessus. Il procède ensuite à la rédaction
d’une note de synthèse lui permettant de rédiger son rapport en toute clarté et connaissance de
cause.

§1 : Note de synthèse

Les événements importants de la mission et les difficultés rencontrées au cours des travaux
feront l’objet d’une note de synthèse qui doit indiquer clairement :
 Les éléments indispensables à l’expertise ;
 La gravité des difficultés rencontrées ;
La note de synthèse précise également les éléments qui dépassent la compétence technique et
légale de l’expert.

I. Objectif de la note de synthèse

Aucune disposition légale n’exige l’établissement d’une note de synthèse mais par le fait de
motiver son opinion, l’expert judiciaire a une obligation implicite de préparer une
récapitulation de ses travaux.

Les informations collectées et les travaux effectués tout au long de sa mission doivent être
synthétisés dans une note de synthèse qui se présente comme une conclusion logique des
diverses phases de la mission d’expertise et qui récapitule les éléments essentiels de la
mission
132
D’ailleurs, l’expert judiciaire est soumis au principe du contradictoire, son opinion peut être
argumentée en détail dans cette note de synthèse.

II. Le contenu de la note de synthèse

La note de synthèse est établie sur une feuille de travail qui comporte :

 Le titre « note de synthèse » et sa référence ;


 Une description sommaire des éléments récapitulés et la référence de la feuille de travail
où chaque élément est développé ;
 La position de l’expert judiciaire pour chaque question posée par le juge ;
 Les problèmes techniques et les difficultés rencontrées, ainsi que la manière dont ils ont été
résolus ;
 Les points en suspens ou qui dépassent la compétence de l’expert ;
 Les points importants discutés avec le juge ;
 La récapitulation des principales correspondances de l’expert
 Les documents utilisés pour établir sa position
 Les conclusions qu’il compte développer dans son rapport et qui ont été déjà exposées
verbalement, en principe lors de la réunion de synthèse.

§2 : Rapport d’expertise

La technicité de la mission d’expertise imposée par la loi interdit à l’expert judiciaire


d’interpréter la loi. Le rapport d’expertise doit se limiter à répondre à des questions
techniques.

A part cette exception, ce rapport n’est soumis ni à des règles de rédaction ni de présentation
prédéfinies, comme c’est le cas pour le rapport du commissariat aux comptes. Cependant, la
rédaction doit être en langue arabe. De même pour toutes les correspondances entre l’expert et
le tribunal.

L’opinion exprimée dans le rapport doit être le juste reflet des conclusions de la mission et
être claire et compréhensible.

I. Contenu du rapport d’expertise

133
Le rapport de l’expertise est nécessairement écrit185. Il doit contenir certains éléments d’ordre
général et être, en même temps, clair et compréhensible.

Ainsi, pour commencer l’entête du rapport doit comporter :


 Le nom et les coordonnées de l’expert judiciaire,
Suivi du :
 Nom et cordonnées du tribunal ordonnateur de l’expertise et les références de l’affaire ;
 Nom et coordonnées des entités objet de l’expertise ;
 Le titre : « Rapport d’expertise » ;
 La date et le lieu d’établissement du rapport.

Dans l’introduction générale, l’expert judiciaire fait un rappel sur :


 L’objet de la mission ;
 Sa responsabilité, qui est celle de moyen ;
 Le déroulement chronologique de la mission ;
 Les circonstances de la mission et les difficultés rencontrées.

Le développement concerne les points expertisés :


 Analyse technique des constatations et résultats obtenus, ainsi que la position de l’expert ;
 Eventuellement un constat de bonne fin de la mission.

Il est souhaitable que l’expert expose chaque question, telle qu’elle est présentée sur
l’ordonnance du juge, suivie de sa réponse qui doit être concrète, directe, claire et
compréhensible. En cas d’incertitude, formuler une observation.

En guise de conclusion, l’expert fait un rappel sur la nature technique de sa mission en


précisant que le tribunal est souverain de sa décision.
L’expert judiciaire date et signe son rapport.

Dès lors que le rapport comporte plusieurs pages, il est recommandé d'apposer un visa sur
chacune des pages.

Viennent, enfin, les annexes parmi lesquelles doivent impérativement figurer :


 Les sommaires des annexes et liste des correspondances entre le tribunal et l’expert
judicaire ;
 Les rapports de constats, mesures et autres investigations techniques,

185
Article 22 de la loi « 45-00 » relative aux experts judiciaires
134
 Les courriers des parties demandant à être annexés au rapport (Dires et documents
annexés),
 Le dernier avis de prorogation du délai de dépôt du rapport,
 Les avis de consignation.
 Tous documents jugés utile au Tribunal.

II. Communication du rapport

« L'expert établit son rapport dans le délai qui lui est imparti par la décision judiciaire, sauf
prorogation dudit délai sur sa demande186 ».

Il doit le déposer au greffier du tribunal avec accusé de réception.

186
Article 22 de la loi « 45-00 » relative aux experts judiciaires.
135
Conclusion de la deuxième partie

La justice est l’élément indispensable pour le développement d’un pays. Elle doit régir les
relations de diverses catégories sociales, des décideurs, des professionnels, des magistrats…
Ainsi, toute décision privée de la justice est aveugle, tout raisonnement éloigné de
l’objectivité est injuste. C’est la collaboration de toutes les parties, pour mettre en œuvre une
solution selon des normes communément admises, qui reflète de degré de développement et
de la justice au sein de cette communauté.

Ainsi, lorsque la jurisprudence crée des mécanismes au service de la justice, elle a besoin,
dans la plupart des cas, des auxiliaires pour l’identification des critères nécessaires à son
application.
En effet, le mécanisme de la confusion des patrimoines trouve sa richesse à travers
l’interdépendance de l’économique et du juridique. Dans le sens où la réflexion des juristes
offre et enrichie la notion. Alors que, les investigations pratiques des experts concrétisent ses
critères comptables et financiers.

Ainsi, l’intervention de l’expert judiciaire ne doit plus se limiter à offrir des informations
techniques. A notre avis, elle doit contribuer à la réalisation des guides pratiques en faveur
des praticiens.

Dans ce sens, la mission de l’expert judiciaire est une nécessité d’intérêt général. Puisque
l’application injuste ou erronée de la confusion des patrimoines peut léser tous les partenaires
de l’entreprise en difficulté, ainsi que l’entreprise elle-même, comme l’illustre le tableau ci-
après :

136
Désignation Entreprise en difficulté Entreprise sujette de la confusion
Dettes totales 5000.000,00 DHS 50.000.000,00 Dhs
à honorer
Plan de Possible, sans extension de la Risque de liquidation des deux
redressement procédure à tort, donc limité à entreprises, notamment lorsque la
l’entreprise individuellement pour deuxième entreprise ne possède pas des
sortir de sa crise financière. moyens pour faire face aux passifs
regroupés.
Conséquences  Disparition des deux entreprises ;
d’extension  Le recouvrement impossible de la totalité des créances de la plupart des
injuste partenaires ;
 Difficultés financières ou commerciales probables pour certains
partenaires selon le degré de dépendance commerciale ou financière à
ces entreprises.

137
Conclusion générale

Création jurisprudentielle de la confusion des patrimoines a d'abord été admise sous le


régime de la succession à la personne, d’origine romaine, puis comme une cause d'extension
de procédure collective par la jurisprudence.

Dans le silence des textes, la jurisprudence et la doctrine ont contribué à la création et au


développement de la notion, caractérisée par la confusion des comptes et l’existence les
relations financières anormales.

Caractérisation qui a été interprétée par le tribunal comme un mélange inextricable des
patrimoines des deux entreprises juridiquement distinctes.
L'objectif était de lutter contre les utilisations des éléments du patrimoine de l’entreprise par
ses dirigeants, ces associés ou toute personne ayant des pouvoirs de décision comme les siens
sans se douter de la bonne fois de ceux-ci.

Cependant, lorsque la mauvaise foi se manifeste, les manœuvres de ces décideurs sont hors
champ d’application de la confusion des patrimoines. Dans ce cas, d’autres mécanismes
doivent être mis en jeu.
La difficulté réside alors de savoir quel sera le mécanisme à appliquer ?

Cela provoque la problématique suivante :


 Lorsque l’expert judiciaire fait sortir l’existence des relations financières anormales.
Quand ces relations seront traitées dans le cadre de la confusion des patrimoines ? Et
quand elles seront traitées par rapport aux autres théories similaires ou mécanismes
concurrents ?
 Cette problématique introduit celle de la conséquence de la théorie appliquée, puisque la
confusion des patrimoines ne fait que regrouper les deux patrimoines confus, alors que la
plupart des théories étudiées dans ce mémoire permettent, soit d’annuler les opérations
réalisées afin de retourner à la situation initiale, soit à verser des dommages-intérêt.

D’ailleurs, ces théories ont pour objet de sanctionner les auteurs, ce qui n’est pas le cas pour
celle de la confusion des patrimoines.

Constamment, la jurisprudence tient au principe de la volonté de créer la confusion des


patrimoines qui fait distinguer cette théorie des autres. Seules la répétition des flux et la

138
volonté de créer cette confusion des patrimoines permettent de caractériser cette dernière : il
faut que "ces flux, manifestement anormaux, procèdent d'une volonté systématique".

En effet, la notion de l’anormalité doit aussi être précisée. Elle doit être appréciée à travers
l’absence ou non de la contrepartie. Elle-même estimée à travers le prix de transfert appliqué,
par rapport au prix de vente aux clients ou par rapport à une valeur du marché, déterminée
dans le cadre de la concurrence libre.

De sa part, la confusion des comptes est appréciée, lorsque les comptes des entreprises
sujettes ne peuvent pas déterminer, d’une manière claire, les relations financières croisées.
Soit que les opérations ne sont pas enregistrées ou lorsque la comptabilité, à partie double ou
simplifiée, est irrégulière, non sincère ou même absente.

Les faits ayant pour cause la confusion des patrimoines doivent être antérieurs à l'ouverture de
la procédure collective de l’entreprise. Par contre, la cessation de paiement ne peut pas être la
cause d’une telle extension. Il faut remarquer que la situation financière agréable de cette
entreprise peut être due, à l’origine, aux actifs transférés de l’entreprise en difficulté. Donc
cette situation est artificielle.

A l’inverse de l'action, visant à sanctionner les dirigeants par l’extension de la procédure,


soumise à la prescription de trois ans, L'action en extension, suite à la confusion des
patrimoines bénéficie de la prescription de droit commun, tant que le sort de l’entreprise en
redressement n’est définie, matérialisé par le plan de redressement ou par celui de cession -
liquidation.

Le législateur, en dérogeant au principe de la territorialité, impose l’unicité de juridiction. De


ce fait, le tribunal initialement saisi reste compétent pour l’extension de la procédure. Par
contre, le juge peut choisir de différer la solution judiciaire, soit en cédant l’une des
entreprises sujettes et mettre en redressement l’autre et vis-versa. Cependant la date de
cessation est unique pour les deux entreprises.

Cela est exposé. Ainsi, certaines missions ne sont exploitées que marginalement par les
experts comptables dont l’expertise judiciaire, bien qu’ils ont le privilège d’honorer ces
genres de missions, notamment pour les contentieux fiscaux, les entreprises en difficulté…

139
Nous proposons ainsi de créer des comités d’études au sein de l’ordre des experts comptables
pour :
 La préparation des études techniques, dans ce sens.
 La préparation des normes d’expertise judiciaire dans les domaines privilégiés.
 La proposition de projets de lois, dans le but d’améliorer et de réformer certaines
dispositions liées à la profession, aux domaines d’intervention des experts comptables…

En effet, il est temps pour l’ordre des experts comptables de s’intéresser aux normes
professionnelles spécifiques aux traitements judiciaires des difficultés des entreprises et les
missions particulaires qui s’en suivent.

140
Bibliographie
1- Les textes de loi :
 La loi n° 15-95 formant code de commerce ;
 La loi « 45-00 » relative aux experts judicaires ;
 Dahir portant loi n° 1-74-447 (11 ramadan 1394) approuvant le texte du Code de procédure
civile
 La loi « 15-89 » réglementant la profession d'expert-comptable et instituant un ordre des
experts comptables ».
 La loi n° « 17-95 » relative aux sociétés anonymes
 La loi n° « 5-96 » relatives aux autres formes de société commerciales.
 la loi « 53-95 » relative aux juridictions de commerce
 La loi « 09-88 » relative aux obligations comptables des commerçants
 la loi n° 44-03 du 14 février 2006 modifiant la loi 9-88
 Code général des Impôts pour l’année 2010
 Code des obligations et contrats

2- Mémoires :

 ABDELMEJID FAIZ

« L’APPRECIATION PAR LE COMMIASSAIRE AUX COMPTES DES RISQUES


JURIDIQUES ET FISCAUX LIES AUX OPERATIONS INTRA-GROUPE : ESSAI
DE COMPARAISON ENTRE LE MAROC ET LA FRANCE »
PAR M., LE 22 NOVEMBRE 2002.

 ABDELLATIF EL QUORTOBI

« LA PROBLEMATIQUE DES FUSIONS DES SOCIETES AU MAROC :


DIFFICULTES JURIDIQUES ET PRATIQUES » LE 27 MAI 1999.
 ABDERRAHMAN FOUDALI

« ASSISTANCE DE L’EXPERT-COMPTABLE AU CHEF DE L’ENTREPRISE LES


DIFFERENTES PHASES DE TRAITEMENT DES DIFFICULTES. » LE 25 MAI
2001
 AZEDDINE HADDOU

« LE COMMISSAIRE AUX COMPTES FACE A LA FRAUDE DANS LES


ENTREPRISES MAROCAINES DE PETITE ET MOYENNE TAILLE » LE 22
NOVEMBRE 2001.

 M’HAMMED EL HAMZA

« L’EXPERT-COMPTABLE FACE AU RISQUE DE LA FRAUDE : MODALITES


DE PREVENTION POUR L’ENTREPRISE ET DEMARCHE D’AUDIT EXTERNE
DE LA FRAUDE » LE 30 MAI 2002.

 BOUCHRA ABOUJAHA M’RABET

« LA PROCEDUREE DE REGLEMENT AMIABLE DANS LA PREVENTION DES


DIFFICULTES DE L'’NTREPRISE METHODOLOGIE A METTRE EN
OEUVREE PAR L'EXPERT COMPTABLE » LE 28 NOVEMBRE 2002.

 HAMID ERRIDA

« LE COMMISSARIAT AUX COMPTES FACE AUX RISQUES DE


DETOURNEMENTS ET DE FALSIFICATION DES COMPTES « LE 19/05/2003

 BA-SIDI M’HAMDI ALAOUI

« L’EXPERT COMPTABLE FACE A L’ABUS DE BIENS SOCIAUX : NOTION


PENALE - DEVOIR DE CONSEI - SECRET PROFESSIONNE -
RESPONSABILITES » LE 21/11/2005

 ILHAME EL AKKRAOUI

« LES PRIX DE TRANSFERT DANS LES GROUPES DE SOCIETES : RISQUES


SPECIFIQUES ET PROPOSITION DE DILIGENCES A METTRE EN OEUVRE
PAR LE COMMISSAIRE AUX COMPTES » LE 31-05-2006
3- Ouvrages :
 Florence Reille
La notion de la confusion des patrimoines, clause d’extension des procédures
collectives. Litec 2006.
Abréviation : FR. NCP

 Pierre-Michel Le Corre
Le créancier face au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises.
Aix-en-Provence : Presses universitaires d'Aix-en-Provence, 2000.

 La Banque mondiale- Washington


Principes régissant le traitement de l'insolvabilité et la protection des droits des
créanciers. : Ed. De la Banque mondiale, 2005.

 Saint-Alary Houin, Corinne


Droit des entreprises en difficulté. Paris : Montchrestien, 1995.

 Jurisprudence Joly de droit des sociétés, 1986-1990


Sélection sous la dir. de Paul Le Cannu et Daniel Lepeltier ; avec la collab. de
Perrine Scholer . - Paris : Joly, 1992.

 Alain Lienhard
Code des procédures collectives commenté. Dalloz, DL 2007.

 Pierre-Michel Le Corre
Droit et pratique des procédures collectives. Paris : Dalloz, 2003.

 David Hiez
Etude critique de la notion de patrimoine en droit privé actuel. Paris : Libr.
Générale de droit et de jurisprudence, cop. 2003.

 Gilles Bourgeois, Pierre Julien, Michel Zavaro


La Pratique de l'expertise judiciaire. Paris : Litec, 2000.
 Thibaut Lefebvre
L'expertise face à la production d'informations financières des sociétés
Aix-en-Provence : Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2004.

 Abderraouf Yaich
Normes d'expertise comptable judiciaire. Tunis : Ed. des Etablissements A.
Ben Abdallah, 1986 .

 Jamal Ajroud
Le principe du contradictoire dans la procédure d’imposition. Tunis. Centre
de publication universitaire, 2008

 Jacquemont, André
Droit des entreprises en difficulté. Paris : Litec, impr. 2007.

 Bernard Soinne
Les mandataires de justice : administrateurs, mandataires judiciaires,
experts en diagnostic d’entreprise. - Paris : Litec, 2003

4- Mémentos Francis Lefebvre :

 Groupes des sociétés, 2003-2004 : juridique, fiscal, social,


 Comptable 2003
 D’audit et commissariat aux comptes 2007.

5- Encyclopédies

 Dalloz, version électronique 2010


• Dalloz jurisprudence ;
• Dalloz actualité ;
• Dalloz affaires ;
• Répertoire de droit civil ;
• Répertoire de droit commercial ;
• Répertoire de droit international ;
• Répertoire de droit pénal et de procédure pénale ;
• Répertoire de droit des sociétés ;
• Répertoire de droit du travail ;
• Répertoire de procédure civile ;
• Recueil Dalloz ;

 LexisNexis, version électronique 2010

• JurisClasseur Procédures collectives ;


• JurisClasseur Sociétés Traité ;
• JurisClasseur Commercial ;
• JurisClasseur Civil Code ;
• JurisClasseur Civil Annexes ;
• JurisClasseur Environnement ;
• Juris-Data ;
• JurisClasseur Fiscal Impôts Directs Traité ;
• JurisClasseur Europe Traité ;

6- Guides
 Infocom «CD » regroupant plusieurs notes d’information de la CNCC,
France.
 Guide pratique de l’Ordre des Experts Comptables, Maroc

7- Revues
 Revue de Procédures collectives des années : 2008-2009-2010

 Groupe : Dalloz, version électronique 2010

• AJDA : Actualité juridique du droit des affaires


• AJDI : Actualité Juridique du Droit International
• AJ Famille : Actualité Juridique Famille
• Revue critique de droit international privé
• Revue de droit du travail
• Revue de science criminelle
• Revue des sociétés
• Revue trimestrielle de droit européen
• RFDA
• RTD Civ. : Revue trimestrielle de droit civil.
• RTD Com. : Revue Trimestrielles de droit commercial.

 Bulletins Joly , version électronique

8- Autres

 La confusion des patrimoines et la confusion des sociétés au regard du


droit des entreprises en difficulté
Par Mohamed Aissam Chaoui In Revue marocaine de droit des affaires et
des entreprises [REMADAE] . - N. 9 (2005) . –

 La situation de la société mère envers les créanciers de sa filiale


Par Knani Youssef In‫ ]`_^ت[ دورة‬IJ‫ر‬KLMN‫ت ا‬K‫آ‬RSN‫ ا‬ITLU ‫ل‬WX IYZJW[\
g‫آ‬RU Khijk / 2003 cJRd‫ أ‬12‫ و‬11 bUWJ IYlKm_N‫ وا‬IYkWkK_N‫ت ا‬Kn‫^را‬N‫ا‬
2004 ,IYlKm_N‫ وا‬IYkWkK_N‫ت ا‬Kn‫^را‬N‫ ا‬g‫آ‬RU : okW\ .

 De l'extension de la procédure de redressement et de liquidation


judiciaires : commentaire sous décision du tribunal de commerce de
Marrakech n. 385-2002 du 30-09-2002, dossier n. 325-2002-10 .
Par Abdeljlil El Hammoumi In Revue marocaine de droit des affaires et des
entreprises [REMADAE] . - N. 7 (2005) .

 Jugement du tribunal de commerce d’Agadir N° : 807 du 06-06-2006


concernant l’extension de la procédure aux sociétés « VITAL » et
« ILIOS ».
 Jugement de la cour d’appel de commerce du Marrakech N°517 du 08-
05-2007.
Annexes
L’exploitation de ces annexes, nécessite au préalable, une attention particulaire au terme:
« entreprise », terminologie donnée à toute exploitation ayant pour objet de réaliser une
activité économique pour un marché donné. Cette entreprise peut être une société,
nécessitant l’existence d’associés et d’un capital social, ou une entreprise proprement dit qui
se présente comme une activité professionnelle de son propriétaire.

Ainsi la confusion peut exister entre :

 L’entreprise et son prioritaire ou son dirigeant


 La Société et l’entreprise ;
 La société et une autre société ;
 La société et Un de ses associés ou un de ses dirigeants.

Annexe 1 : fiches signalétiques des entreprises sujettes à la confusion des


patrimoines

Présentation de la mission :
Nature de la mission :
Tribunal :
Dossier N° :
Juge ordonnateur :
Collaborateurs :
Présentation de l’entreprise :
Raison sociale :
Forme juridique :
Date de constitution :
RC N° :

Capital social : MAD …………

Répartition du capital :

Dirigeants :

Activité :

Numéro RC :

Identifiant fiscal :

Compte bancaire :

Effectif actuel :
Date de clôture :

i
Chiffre d’affaires :
Cordonnées utiles
Siège social :
Téléphone :
Fax :
E-mail :
Interlocuteurs :
Autres :
Fait par : valider par l’expert judiciaire :

Le : Le :

Annexe 2 : Questionnaires à titre d’aide-mémoire


En s’inspirant de guide élaboré par l’Ordre des Experts Comptables Marocain, nous avons essayé
d’établir des modèles d’outils permettant d’aider l’expert judiciaire dans le déroulement de sa mission
en les adaptant au contexte de la confusion des patrimoines. Ces outils d’aide-mémoire doivent être
complétés par l’expert judiciaire selon les particularités de l’entreprise en difficulté ou celle en risque
d’extension de la procédure.

I. Questionnaire de prise de connaissance générale

Secteur d'activité de l'entité Entreprise en Entreprise observations


difficulté sujette à la
confusion
REF FT REF FT
- domaine
- produits

- organisation de l'activité

- particularités

- concurrence

- part de marché et situation du marché

- perspectives

- facteurs externes

- principaux clients

- principaux fournisseurs

- liens de sous-traitance

ii
Collecte documentaire :
 brochure commerciale
 monographie du secteur
 articles, diverses documentations
Appartenance à un groupe
- position dans le groupe

- société mère

- filiales

- consolidation

Collecte documentaire :
 organigramme du groupe
 règles de consolidation
 listes des filiales et participations
Organisation
- implantation

- structure interne

- conseils externes

- service d'audit interne et/ou organes


de contrôle externes

Collecte documentaire :
 organigramme fonctionnel
 liste et coordonnées des conseils
(dont prédécesseur éventuellement)
Données juridiques
- forme sociale

- entité cotée

- composition du capital (principaux


associés)

- direction

- historique

- particularités

Collecte documentaire :
 statuts et principaux contrats
éventuellement

iii
 liste des dirigeants
Données fiscales
- régimes fiscaux

- particularités

- existence de redressements

Collecte documentaire :
 documentation spécifique s'il en
existe
 dernier redressement fiscal
Données sociales
- régimes sociaux

- particularité

- conflits sociaux

- mode de rémunération des dirigeants

Collecte documentaire :
 documentation spécifique s'il en
existe
 dernier redressement social
Données comptables
- mode de gestion comptable

- mode de gestion budgétaire

- organisation comptable

- particularités

- calendrier d'arrêté comptable

- partenaires financiers

- politique de financement et
endettement

- règles d'inventaire

Collecte documentaire :
 documentation spécifique s'il en
existe
 organigramme des services
comptables et financiers
 derniers états de synthèse (+

iv
rapport de l'auditeur), dernier budget
Support informatique
- fonctions informatisées

- fonctions externalisées

- existence de procédures et de
documentation

- interlocuteurs informatiques (interne


et/ou externe)

Conseillers
- liens directs ou indirects avec l'entité,
existence de conflits d'intérêts

- respect des règles d'indépendance et


d'incompatibilité

Source : Ordre des experts comptables, Guide pratique d’audit

II. Questionnaire relatif à l’appartenance à un groupe

Malgré que la loi ignore le groupe, nous avons choisi la réalité économique.

Désignation Entreprise Entreprise Observations


en difficulté sujette à la
confusion
REF FT REF FT
- position dans le groupe
-- activités du groupe :

-- positionnement dans l'organigramme du


groupe et degré d'autonomie de l'entité :

-- existence d'accords (pactes, conventions)


:

-- existence de redevances (nature, calcul,


justification) :

- société mère
-- identification :

-- part de capital détenue :

-- organes dirigeants :

-- principales opérations intra-groupe

v
- filiales
-- identification :
-- part de capital détenue :
-- circonstances et justification des valeurs
d'acquisition des titres :
-- organes dirigeants :
-- principales opérations intra-groupe
- consolidation
-- périmètre de consolidation :
-- position de l'entité dans l'ensemble :
-- règles de consolidation :

Collecte documentaire :
 organigramme du groupe
 manuel des règles de consolidation
 listes des filiales et participations
 derniers comptes des filiales
 accords et conventions
 dirigeants communs

Source : Ordre des experts comptables, Guide pratique d’audit

III. Questionnaire d’identification des risques préliminaires

Désignation Entreprise en Entreprise sujette à la Observations


difficulté confusion ou ses
dirigeants
RER FT REF FT
Existe-t-il des associés communs ?
Existe-t-il des dirigeants communs ?
Existe-t-il des propriétaires communs ?
Ces entreprises sujettes sont-elles
détenues par les membres d’une seule
famille ?
Le personnel de certaines entreprises
sujettes détient-il des participations
dans certaines d’elles?
Le personnel de certaines entreprises
sujettes détient-il le pouvoir de décision
dans certaines d’elles?
Existe-t-il d’autres liens significatifs
entre les entreprises sujettes ?
 Préciser la nature de ces liens ;
 Indiquer l’ordre d’importance ;

Existe-t-il des opérations réciproques ?


Ces entreprises ont-elles un siège social
commun ?
Si oui :
 La quotepart de l’occupation du
siège social est-elle facturée à

vi
l’entreprise domiciliée ?
 Les frais généraux du siège sont-ils
facturés aux entreprises
bénéficiaires ?
- Apréciser la nature de ces frais.
 Les membres de l’administration
effectuent-ils des opérations
demandées quel que soit le
bénéficiaire de la prestation autre
que l’employeur ?
- Evaluer dans ce cas les charges de
personnelles de l’administration au
prorata de chiffre d’affaires réalisé
par chaque entreprise.
Existe-t-il d’autres locaux communs ?
Si oui :
 Vérifier les bénéficiaires réels ;
 Vérifier à qui le droit d’usage ;
 Identifier l’employeur des employés
qui travaillent dans ces locaux.
 Vérifier la correcte traduction
comptable des avantages pécuniaires
consommés par chaque entreprise.
Existe-t-il des équipements ou du
matériel exploités indifféremment par
les entreprises sujettes ?
Si oui :
 Vérifier les bénéficiaires réels ;
 Vérifier à qui le droit d’usage ;
 Vérifier la correcte traduction
comptable des avantages pécuniaires
consommés par chaque entreprise.
Les prestations, les travaux réalisés ou
les produits transférés par une
entreprise à l’autre :
 Sont –ils répertoriés ?
 Font-ils l’objet :
 D’un contrat ?
 D’un bon de commande ?
 D’un bon de livraison ?
 D’un de réception ?
 D’une facture ?...
Ces éléments sont-ils comptabilisés ?

vii
IV. Questionnaire d’appréciation des relations financières

Désignation Entreprise en Entreprises sujettes à Observations


difficulté la confusion ou ses
dirigeants
RER FT REF FT
1. Associés communs ;
 Vérifier les répartitions du capital ;
 La participation des membres de la
famille est-elle important ?
 Existe-t-il des liens financiers avec
l’entreprise et ses associés ?
Si oui :
 Vérifier la nature de ces liens ?
 sont-ils enregistrés dans les comptes
adéquats?
 Ces liens influencent-ils la trésorerie
de l’entreprise en difficulté ?
indiquer l’importance dans ce sens.
 Les prêts des associés à l’entreprise
en difficulté sont-ils rémunérés ?
Si oui, le taux appliqué est-il
normal ?
Si non, pourquoi ?
 Existe-t-il des transferts de biens ou
de prestations de service au profit
de ces associés ?
Si oui :
 indiquer la nature ;
 sont-ils significatifs ? Si oui,
indiquer l’ordre d’importance ;
 ces transferts font-ils l’objet
 De contrats ;
 Des factures ;
 De règlement ;
 Autres ? à préciser ;
 Le prix de transfert est-il normal,

viii
par rapport aux transferts
similaires ?
 Si non, pourquoi ?
 Ces transferts sont-ils
comptabilisés ?
2. Dirigeants communs :
 Existe-t-il des liens financiers avec
l’entreprise et ses dirigeants ?
Si oui, indiquer la nature ;
 Sont-ils enregistrés dans les comptes
adéquats ?
 Ces liens influencent-ils la
trésorerie de l’entreprise en
difficulté ? indiquer l’importance.
 Existe de transferts de biens ou des
prestations de service réalisées par
l’entreprise aux dirigeants, ou vis-
versa ?
Si oui ;
 indiquer la nature ;
 sont-ils significatifs ? Si oui,
indiquer l’ordre d’importance ;
 ces transferts font-ils l’objet :
 De contrats écrits ? si oui, prendre
copie et vérifier la normalité des
conditions générales ;
 Des factures ?
 De règlement ?
 Autres ? à préciser ?
 Le prix de transfert est-il normal,
par rapport aux transferts
similaires ?
 Si non, pourquoi ?
 Vivifier la qualité des conventions
entre l’entreprise et ces dirigeants ?

ix
3. Opérations réciproques
 S’agit-il des relations
commerciales ?
 S’agit-il des relations financières?
 S’agit-il de transferts croisés de
personnel ?
 S’agit-il de transferts croisés de
matériels et d’équipements ?
 S’agit-il de transferts croisés
d’autres éléments d’actif ? à
préciser ?
 Les opérations concernées sont-
elles importantes ?
Si oui : indiquer l’ordre d’importance
par catégorie d’opérations. Par rapport
l’agrégat qui représente l’activité.
 Ces opérations font elles l’objet de
contrats ?
Si oui, Demander et vérifier la nature
de ces contrats.
 Les dispositions inscrits dans ces
contrats, sont-elles respectées,
notamment pour son coté
pécuniaire ?
 Les sociétés sujettes rependent
automatiquement aux
engagements issus de ses divers
contrats ?
 Ces opérations sont-elles facturées ?
Si oui,
 Vérifier la normalité des prix
inscrits sur les factures ;
 Vérifier la normalité des conditions
de règlements ?
 Les entreprises sujettes pratiquent-
elles un système de rabais, remises
et ristournes entre elles ?

x
Si oui, vérifier la normalité de ces RRR.

4. Frais commun de gestion


 Y-t-il des frais communs de
gestion ?
Si oui,
 Déterminer la nature de prestations
fournies ou reçues ;
 ces prestations fonts ils l’objet de :
 De contrats écrits ? si oui, prendre
copie et vérifier la normalité des
conditions générales ;
 Factures ?
 Règlement ?
 Autres ? à préciser ?
 Quelles sont les conditions et les
méthodes utilisées pour facturer et
partager ces frais ?
 Comment ces frais sont-ils
répartis ?
 Apprécier la normalité de cette
répartition ?
5. Equipements
 Identifier le matériel existant;
 Déterminer l’utilisateur ;
Si ce n’est pas l’entreprise propriétaire,
vérifier l’existence :
 De contrats écrits ? et prendre copie
et vérifier la normalité des
conditions générales ;
 Factures ?
 Règlement ?
 Autres ? à préciser ?
 Apprécier la normalité de
l’opération.

xi
6. Garanties
 L’entreprise a consenti des
garanties en faveur des entreprises
sujettes ?
Si oui :
 Demander les contrats
correspondants ;
 Déterminer la nature de ces
engagements ;
 Vérifier les conditions générales ;
 Y a-t-il une contrepartie pour
l’entreprise en difficulté ? Si non,
 Vérifier l’existence d’intérêt général
pour les entreprises concernées.

xii
V. Questionnaire relatif aux vérifications de l’indépendance de l’entreprise en difficulté
par rapport aux entreprises sujettes, et vis-versa.

Désignation Entreprise Entreprise sujette à Observation


en difficulté la confusion
RER FT REF FT
 Vérifier la structure des
administrateurs ;
 L’organigramme général du
groupe ;
 Les détenteurs des pouvoirs réels ;

L’une des entreprises - ou ses


décideurs- a-t-elle une grande
influence sur la gouvernance de
l’entreprise en difficulté ?
Quel est le degré de cette influence ?

Quel le degré de l’indépendance


financière des entreprises sujettes ?
 L’entreprise a-t-elle un actif
propre ?
 L’entreprise a-t-elle un passif
propre ?
 L’entreprise dispose d’une part
importante ou minoritaire dans des
actifs communs.
 Vérifier la part du compte courant
des associés, par rapport au total
actif ou aux dettes financières ?
Quel est le degré de dépendance de
l’entreprise en difficulté vis-à-vis des
autres entreprises :
 Sur le plan commercial (principal
client et ou fournisseur) :
 Vérifier l’existence des activités
similaires ;
 Vérifier l’existence des activités
complémentaires ;
 Est-ce l’entreprise est le client
unique ou principal des autres
entreprises, ou vis-versa ?
 Est-ce l’entreprise est le
fournisseur unique ou principal
des autres entreprises ou vis-
versa ?
 Sur le plan technique;
 L’entreprise dispose-t-elle de
personnel qualifié, pour ses
services clefs et vis-versa ?
 Ou bien, l’entreprise se base sur

xiii
la compétence des autres
entreprises sujettes et vis-versa ?
 Dans ce dernier cas :
• Existe-t-il des contrats de
collaborations ?
• Les factures de prestations
sont-elles établies ?
• Les prix sont-ils normaux, par
rapport aux normes de la
profession ?
• Les règlements sont-ils
automatiques ?

Chacune des entreprises dispose


d’une comptabilité propre et
distincte ?

VI. Questionnaire de fin de mission

Il est préférable que ce questionnaire soit servi directement par l’expert judiciaire

Désignation Entreprise Entreprises Entreprise sujette


en sujettes à la à la confusion
difficulté confusion
REF FT REF FT REF FT
Les étapes suivantes ont été respectées
- Prise de connaissance générale
- Visite des lieux
- Exploitations des documents
importants
- Entretiens nécessaires ont été
effectués
- Contrôles des comptes, notamment de
liaison
- Appréciation des procédures intra-
entreprises

- Toutes les correspondances entre le


juge et expert ont été traitées
analysées :

- L’orientation de la mission et les


programmes de travail ont-ils été
soumis à l’approbation du l’expert
judiciaire ?
- La norme de collecte des éléments
probants a-t-elle été respectée,
notamment par l’application des
techniques suivantes, notamment :

xiv
 investigations ;
 Confirmations des divers partenaires ;
 Consultation des documents internes
de base ;
 Entretiens
- Les contrôles dans le programme de
travail ont été réalisés ?
- La note de synthèse représente les
conclusions nécessaires sur tous les
éléments significatifs ?
- Les travaux n’ont-ils révélé aucun
problème majeur empêchant
l’émission d’une opinion motivée ?
 Si non, le projet de rapport tient-il
compte de ces problèmes ?

xv
xvi
Programme d’examen des comptes

1. Examen des comptes d’actif immobilisé

Rubriques Objectifs généraux Objectifs particuliers à l’imbrication


des comptes
Immobilisation en non  s’assurer que les frais  s’assurer que ces frais sont engagés
valeurs engagés par l’entreprise pour les besoins propres de
sont inscrits dans les l’entreprise en difficulté ;
comptes adéquats et sont  Sinon, vérifier l’existence de la
conformes aux règles et contrepartie de cet engagement ;
principes généraux  Sinon, vérifier l’intérêt général des
admis. entreprises en question.
Immobilisations  Idem  Vérifier si l’entreprise en difficulté
incorporelles est l’unique utilisateur de
l’immobilisation en question ;
 Sinon, vérifier la contrepartie de la
prestation ;
 Sinon, vérifier l’intérêt général de
cette opération,
 Voir de même le fournisseur des
immobilisations en question, sa
qualité par rapport à l’entreprise en
difficulté, et les caractéristiques du
contrat qui les lie : « droits et
obligations liés à la jouissance de
cette immobilisation »
Immobilisations  S’assurer  Vérifier l’origine de ces immobilisations, qu’elles soient
corporelles que les de :
montants  Fournisseurs externes ;
inscrits aux  Production interne ;
divers postes  Une des entreprises en question ;

1
reflètent  Vérifier successivement qui a supporté le coût de
l’intégralité production ou d’acquisition pour les deux derniers cas ;
des biens  Si c’est l’une des entreprises en question qui a supporté
dont les coûts, vérifier la contrepartie ou l’intérêt général.
l’entreprise  Vérifier la nature du contrat d’acquisition et la normalité
est du prix d’acquisition ou de production en cas de livraison
propriétaire à soi-même.
et qu’elle
utilise ;

Immobilisations  S’assurer  Vérifier le mode de règlement de ces immobilisations ;


financières que les  En cas de participation de l’entreprise en difficulté dans le
montants capital des autres entreprises sujettes, ou de participations
inscrits au croisées, vérifier le caractère normal du prix d’acquisition
bilan en de ces titres et les produits issus de cette participation.
créances et  Si l’acquisition est gratuite ou les produits liés ne sont pas
titres encore réglés, vérifier l’existence d’une contrepartie ou
immobilisés d’un intérêt général.
reflètent  Vérifier la situation nette comptable et les obligations
ensemble un hors bilan des entreprises en question ;
actif  Vérifier en même temps, le montant des avances en
appartenant à compte courant à ces entreprises et son impact sur la
l’entreprise, cessation de paiement de l’entreprise en difficulté ;
valorisé  Vérifier la comptabilisation des amortissements et
selon les provisions sur les moins-values correspondant à ces titres ;
règles et les  Vérifier que les créances immobilisées « prêts… »,
principes concernent des montants à recevoir entièrement
comptables recouvrables et ne dépassent pas les délais légaux de
admis. prescription.

2. Examen des comptes de l’actif circulant


2
Rubriques Objectifs généraux Objectifs particuliers
Stocks et  S’assurer que les montants inscrits  Vérifier le régime juridique de la
travaux en dans ces comptes représentent tous consignation des éléments stockés
cours les montants physiquement chez les entreprises sujettes de la
identifiables qui appartiennent à confusion, ainsi que les travaux en
l’entreprise ; cours ;
 S’assurer que ces produits sont  Vérifier la comptabilisation de ces
évalués correctement ; éléments chez ces entreprises ;
 S’assurer que les différences  Vérifier si la transaction est
constatées entre l’inventaire réalisée selon une valeur normale et
permanent et physique ont été selon les conditions de libre
expliquées et ajustées. concurrence ;
 Sinon, vérifier la contrepartie ou
l’intérêt général de la transaction
pour l’ensemble des entreprises
sujettes.
Ventes -  S’assurer que les produits et charges  Vérifier que les prestations
clients inscrits au compte de résultat et réalisées par les entreprises sujettes
provenant des opérations de ventes sont exhaustivement enregistrées ;
résultent uniquement de  Vérifier que les ventes à ces
l’enregistrement intégral des entreprises sont bien comptabilisées
transactions réalisées dans l’exercice et justifiées ;
comptable considéré ;  Vérifier que les comptes
 S’assurer que les comptes de tiers représentent bien la réalité des
inscrits au bilan et provenant des obligations et des droits de toutes
opérations de ventes sont les entreprises en question.
correctement évalués et bien
classifiés.
Trésorerie  S’assurer que la situation de la  Vérifier que la situation des
« actif » trésorerie à la clôture de l’exercice avances en compte courant entre
est reflétée de façon exacte par les les entreprises reflète la réalité ;
montants inscrits au bilan ;  Vérifier l’existence de la
 S’assurer que les frais et produits rémunération de ces comptes

3
financiers concernant les opérations courants ;
de trésorerie inscrites au compte de  Sinon, vérifier la contrepartie ou le
résultat reflètent bien l’intégralité fondement de ces avances, ou
des frais et produits pour l’exercice encore l’existence d’intérêt
considéré. général pour le groupe;

3. Examen des capitaux permanents

Rubriques Objectifs généraux Objectifs particuliers


Capitaux  S’assurer que les comptes  Déterminer les détenteurs des droits de
propres et annuels présentent : propriété des entreprises sujettes ou les
assimilés - Les capitaux propres et détenteurs des parts sociale ou actions,
assimilés conformément aux selon les cas ;
règles et principes comptables  Déterminer les liens, autres que la
admis ; détention des droits de propriété, qui
- Toutes les informations peuvent exister entre les détenteurs et les
nécessaires à une appréciation entreprises en question.
de la situation de l’entreprise.  Déterminer les décideurs réels de chaque
 S’assurer que la loi et les entreprise, soit de droit soit de fait.
statuts, le cas échéant, sont  Déterminer le degré de contrôle de
respectés. l’entreprise en difficulté par les entreprises
sujettes ou l’inverse ;
 Vérifier l’origine des fonds pour la
création d’une des entreprises ou toute
modification du capital et son fondement
légal;
Emprunts et  S’assurer que les montants  Pour les emprunts interentreprises,
dettes inscrits au bilan sont s’assurer de l’exactitude et la réalité des
assimilées correctement évalués et bien montants inscrits aux divers bilans ;
classifiés et qu’ils reflètent  S’assurer que les charges et les produits
l’intégralité des emprunts et correspondant sont exhaustifs et
dettes ; correctement comptabilisés.
 S’assurer que les montants  Déterminer le garant et le bénéficiaire de
inscrits au compte de résultat ces emprunts ;
4
reflètent bien l’intégralité  déterminer la capacité financière du garant,
des charges ou produits pour si celui-ci n’est pas bénéficiaire de
l’année ; l’emprunt ;
 vérifier le bien-fondé de cette garantie.

4. Examen des comptes du passif circulant

Rubriques Objectifs généraux Objectifs particuliers


Achat -  S’assurer que les charges et  S’assurer que les transactions croisées
Fournisseurs produits inscrits au compte entre les entreprises sujettes sont
de résultat et provenant des intégralement enregistrées ;
opérations d’achats résultent  S’assurer que ces opérations sont
uniquement de réalisées au prix normal ;
l’enregistrement intégral des  Sinon, vérifier la contrepartie ;
transactions réalisées dans  Sinon, vérifier l’intérêt général pour
l’exercice comptable l’ensemble des entreprises sujettes.
considéré.
 S’assurer que les soldes de
tiers sont totalement
enregistrés et correctement
évalués et bien classifiés.
Paie -  S’assurer que les charges et  S’assurer que les comptes enregistrent
personnel produits inscrits au compte la situation réelle des mouvements et
de résultat et ayant pour des soldes du personnel des entreprises
origine les droits et les sujettes.
obligations de l’entreprise
vis-à-vis de son personnel
résultent uniquement de
l’enregistrement intégral des
transactions réalisées dans
l’exercice comptable
considéré ;
 S’assurer que les comptes de
5
tiers inscrits au bilan et
provenant des transactions
avec le personnel sont
correctement évalués et bien
classifiés

5. Débiteurs et créditeurs divers

Rubriques Objectifs généraux Objectifs particuliers

 S’assurer que les soldes figurant à  S’assurer de la réalité, la normalité,


l’actif du bilan concernent des le bon enregistrement des soldes ou
montants à recevoir entièrement des mouvements des comptes de
recouvrables ; liaison.
 S’assurer que toutes les dettes de  Demander le pourquoi et la raison
l’entreprise sont comptabilisées ou de ces mouvements.
provisionnées ;
 S’assurer que tous les produits et
charges de gestion sont comptabilisés.

6. Etat : impôts et taxes

Rubriques Objectifs généraux Objectifs particuliers

 S’assurer que les montants d’impôts et  S’assurer que certaines


taxes figurant au bilan et au compte de entreprises sujettes ne
résultat sont correctement calculés et supportent pas les impôts et
comptabilisés ; taxes de l’une d’entre elles.
 S’assurer que les comptes annuels de
l’entreprise ne dissimulent pas un risque
fiscal important.

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