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Revue de l’administration de l’éducation, n°10, 2021.

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Les aspects pédagogiques de la gestion des apprentissages


Rifai Amal,
Professeure au Centre Régional des Métiers de l’Education
et de la Formation, Rabat, Maroc, .rifaiamal10@gmail.com
Bouali Mostafa
Professeur au Centre Régional des Métiers de l’Education et
de la Formation, Rabat, Maroc.
Résumé :
Nous cherchons à travers cet article à montrer l’importance de la gestion des apprentissages qui
ne peut être pratiquée à bon escient que grâce à une maîtrise des théories relevant de ce domaine.
Nous avons choisi, en premier lieu, de focaliser l’intérêt sur le principe de la dynamique des
groupes qui est considéré parmi les pratiques les plus délicates à mener par l’enseignant. Ainsi,
nous avons exposé la théorie de la dynamique des groupes, la théorie de l’autorité dans le
groupe et l’attitude que l’enseignant doit prendre pour gérer les conflits qui peuvent nuire au
processus de l’enseignement/apprentissage. Cela nous a permis de parler en dernier lieu de la
formation des groupes et des rôles de l’enseignant et de l’apprenant dans un
enseignement/apprentissage basé sur le travail en groupes.

Mots-clés : gestion des apprentissages ; groupes, dynamique des groupes ; théorie de


l’autorité ; gestion des conflits ; formation des groupes.

The pedagogical aspects of learning management

Rifai Amal
Professor, Regional Center for the Professions of Education
and Training, Rabat, Morocco.
.rifaiamal10@gmail.com
Bouali Mostafa
Professor, Regional Center for the Professions of Education
and Training, Rabat, Morocco.

Abstract:

Through this article, we seek to show the importance of learning management which can only
be wisely practiced by mastering the theories in this field. We have chosen, first of all, to focus
on the principle of group dynamics which is considered among the most delicate practices to
be carried out by the teacher. Thus, we have exposed the theory of group dynamics, the theory
of authority in the group and the attitude that the teacher must take to deal with conflicts that
can interfere with the teaching / learning process. This allowed us to talk, lastly, about group
formation and the roles of the teacher and the learner in a teaching / learning situation based on
group work.

Keywords: learning management; groups, group dynamics; theory of authority; conflict


management; group formation.

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Introduction

L’une des conditions sine qua non pour garantir un enseignement/apprentissage efficace
est le climat qui règne en classe. En effet, le groupe-classe doit être caractérisé par l’entente et
la coopération entre ses membres et l’enseignant à travers la gestion de la classe se porte garant
de cette cohésion. Ainsi, l’action et de l’enseignant et de l’apprenant ne peut gagner en efficacité
qu’une fois l’ordre est établi, les objectifs bien expliqués et les apprenants bien motivés pour
réussir la construction de leurs apprentissages.

Moult recherches signalent l’impact du climat de la classe sur le déroulement des


apprentissages et sur l’acquisition des apprenants. Chose évidente est de remarquer que là où
règne la confusion et le désordre, il devient presque impossible de construire des apprentissages.

Selon Altet (2017 : 1203), la compétence professionnelle de la gestion de la classe se


rapporte à trois domaines essentiels : le domaine relationnel, le domaine
pédagogique/organisationnel et le domaine didactique/épistémique. Ces domaines suggérés par
Altet impliquent qu’une bonne gestion des apprentissages nécessite que l’enseignant dispose
d’un ensemble d’habiletés et de capacités en rapport avec la pédagogie, la didactique, le
relationnel et la psychologie.

Cet ensemble d’habiletés est appelé par certains chercheurs " les facilitateurs
d’apprentissage" que Guillaume & Manil (2016) énumèrent comme suit «1. tenir compte des
émotions ; 2. faire/exposer ; 3. proposer un étayage affectif, cognitif et conatif ; 4. gérer le
temps, les consignes et les référents ; 5. assurer la stabilité, la sécurité ; 6. parler de ce qu’on
apprend ; 7. organiser les interactions. ». Dans ce sens, les facilitateurs didactiques sont tout
ce qui permet de rendre l’apprentissage accessible et facile à acquérir. Ils consistent dans les
consignes et les techniques de questionnement qui sont la base de la découverte et de
l’apprentissage. Ils renvoient aussi aux stratégies et techniques de motivation en classe, à la
pédagogie différenciée, aux techniques de reformulation du savoir et à la gestion du temps et
de l’espace de la classe. Par ailleurs, sur le plan pédagogique, ils réfèrent au relationnel qui
touche la gestion des conflits et la gestion de la communication et des interactions en classe
comme étant des facteurs assurant la stabilité et la confiance en soi de l’apprenant.

Vu l’importance de ce côté relationnel, nous proposons dans cet article de le discuter à


travers la thématique de la dynamique des groupes pour insister sur le rôle de l’enseignant dans
la création et la gestion de cette dynamique, gageure qu’il doit réussir pour aider ses apprenants
à construire leurs apprentissages. Ainsi, nous chercherons à définir, en premier lieu, le concept
groupe-classe pour passer par la suite à la présentation de la dynamique des groupes telle qu’elle
est proposée par des études relevant de la sociologie et de la psychanalytique. Ces éléments
nous permettront par la suite de présenter l’aptitude que l’enseignant doit développer pour faire
face aux conflits au sein du groupe et comment former des groupes capables de s’entraider pour
développer la construction collective des apprentissages.

1. Théorie de la dynamique des groupes

L’étude de la dynamique des groupes a commencé avec le psychologue américain


d'origine allemande Kurt Lewin qui a développé la méthode de traitement des conflits. Les
travaux de Lewin ont conduit à la naissance en France du mouvement de la dynamique des
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groupes entre 1965 à 1980. Selon Dennery (2015) « Kurt Lewin pose comme postulat que tout
groupe restreint (de 4 à 5 personnes à 25 environ) a une dynamique propre qui dépasse les
dynamiques individuelles et interindividuelles. Cette dynamique influence considérablement la
production et les effets d’un groupe ». Les éléments qui constituent l’environnement
psychologique et social de l’individu influencent son comportement. Le groupe crée un champ
psychologique qui détermine l’agir des personnes qui le composent (Lewin, 1948). Une telle
situation se réalise parfaitement dans le groupe classe où l’apprenant se trouve intégré dans un
« “un système de tensions, tantôt positives, tantôt négatives, correspondant au jeu des désirs et
des défenses“. Il revient au formateur de réguler ces tensions en vue de faciliter
l’apprentissage. » (Dennery, 2015).

1.1. La notion de groupe

Sur le plan étymologique « le terme groupe serait récent. Il aurait été importé d’Italie
du monde des beaux-arts (groppo) vers le milieu du 17ème siècle. Il signifiait « un assemblage
d’éléments, une catégorie d’être ou d’objet ». Il s’impose dans le langage en tant que « réunion
de personnes » seulement un siècle plus tard ». (Jean-Augustin, 2003 : 4).

Lefebvre (2012) définit la notion de groupe comme « une association d’individus


entrant en interaction dans un contexte donné et poursuivant des buts communs. Les individus
vont se doter de rôles, se soumettre à des normes, partager des valeurs et réaliser des actions
dans le cadre du groupe auquel ils appartiennent » ; ce qui signifie qu’un système
d’interdépendance s’installe entre les membres du groupe et constitue sa force. Gosling & al.
(2009) déterminent trois critères essentiels pour parler d’un groupe. :

▪ La présence de relations interpersonnelles : les membres du groupe communiquent


personnellement entre eux.
▪ La poursuite d’un but commun : les membres du groupe partagent les mêmes intérêts,
les mêmes objectifs ; ce qui fixe au groupe des objectifs bien précis communs à tous ses
membres.
▪ L’influence réciproque : il y a interdépendance entre les membres du groupe et
contagion des comportements et des actes.
▪ La mise en place d’une organisation : à chaque membre du groupe on assigne un rôle
et un statut. Les règles de vie en groupe et les valeurs à respecter se créent avec la
création du groupe.

Le sociologue américain Cooley, dès 1909, a distingué deux types de groupes :

▪ Les groupes primaires : ce sont de petits groupes de personnes maintenant des relations
intimes et stables. Exemple : famille, amis…
▪ Les groupes secondaires : ce sont des groupes plus importants qui participent à des
buts et à des actions communes. Exemple : communautés de conception de logiciels…

Anzieu & Martin (2000) ont identifié cinq types de groupes humains qu’ils ont classés dans un
tableau selon sept critères (Cf. la 1ère ligne du tableau ci-dessous)

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Type du Structu- Durée Nombre Relations Effet sur Cons- Actions


groupe ration. d’indivi- entre les les cience des com-
Degré dus individus croyances buts munes
d’organi- et les
sation in- normes
terne et
différen-
ciation
des rôles
Foule Très faible Quelques Grand Conta- Irruption Faible Apathie ou
minutes à gions des des actions pa-
quelques émotions croyances roxys-
jours latentes tiques
Bande Faible Quelques Petit Recherche Renforce- Moyenne Sponta-
heures à du sem- ment nées mais
quelques blable peu impor-
mois tantes pour
le groupe
Groupe- Moyenne Plusieurs Petit, Relations Maintien Faible à Résistance
ment semaines à moyen ou humaines moyenne passive ou
plusieurs grand superfi- actions li-
mois cielles mitées
Groupe- Elevée Trois jours Petit Relations Change- Elevée Impor-
ment pri- à dix ans humaines ment tantes
maire ou riches spontanées
restreint voire no-
vatrices
Groupe Très éle- Plusieurs Moyen ou Relations Induction Faible à Impor-
secon- vée mois à grand fonction- par pres- élevée tantes ha-
daire ou plusieurs nelles sions bituelles et
organisa- décennies planifiées
tion

Tableau 1 : Classification des groupes humains selon Anzieu et Martin (2000 : 42)

1.2. Le groupe-classe

La comparaison des caractéristiques des type de groupes, à partir du tableau ci-dessus,


nous permet de constater que le groupe classe est de type « groupe primaire ou restreint ». En
effet, il est caractérisé par un degré d’organisation interne important et une différenciation des
rôles très marquée. Chaque élève dispose de son propre statut et rôle au sein de la classe. De
même, la durée d’existence du groupe peut s’étaler au moins sur une année (et parfois plus).
Les relations entre individus sont qualifiées de « relations humaines riches » qui évoluent et se
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consolident avec le temps. En sus, le groupe classe est conscient des buts communs en rapport
avec l’apprentissage, la réussite, le développement personnel etc. et des actions communes
importantes et spontanées.

L’effet du groupe sur les croyances et les normes individuelles est générateur de
changement. Certaines caractéristiques du « groupe secondaire ou organisation » sont proches
de celles du groupe classe. Cependant, la différence réside dans la nature des relations entre
individus qui sont riches et conduisent au changement des croyances et des normes des
membres du groupe.

L’explication des interactions entre les membres des groupes, notamment le groupe
classe, et l’interprétation de leurs comportements positifs ou négatifs vis-à-vis de la vie en
groupe est étudiée par Kurt Lewin à travers ses deux travaux majeurs consistant en la théorie
des champs de forces et la théorie de la recherche d’équilibre.

Wilfred Ruprecht Bion (1965) a abordé à son tour l’inconscient des groupes du point de
vue de psychanalyste à travers ses trois hypothèses de base : la dépendance, le combat-fuite et
le couplage. Dans les paragraphes qui suivent, nous aborderons ces travaux pour dresser par la
suite une attitude optimale pour le professeur en tant que leadership de sa classe capable
d’installer une bonne dynamique de groupe.

1.3. La théorie des champs de forces

En sciences physiques un champ renvoie à une zone d’espace dans laquelle se trouvent
des propriétés représentées par des variables physiques (température, forces, etc.). Lewin
(1988) a utilisé le concept physique de « champ de forces » dans sa théorie des champs pour
expliquer les facteurs environnementaux qui influencent le comportement humain. En effet, il
a mené une expérience en 1942 lorsque le gouvernement américain en guerre a souhaité inciter
ses administrés à manger des abats de viande (rognons, cœur, museau), généralement boudés
par les consommateurs. Du coup, il a trouvé la meilleure méthode pour arriver à ces fins. Il a
formé des groupes de ménagères répartis en deux catégories. Les femmes de la première
catégorie ont assisté à une conférence expliquant l'intérêt de consommer des abats en raison de
leur valeur nutritive et de la situation économique du pays. Des recettes sont également
présentées aux auditrices. Les femmes de la deuxième catégorie ont assisté à un bref exposé sur
le sujet, puis, elles ont été invitées à discuter librement entre elles. Les résultats obtenus après
une semaine de cette expérience, à travers un contrôle effectué au domicile de ces femmes ont
affirmé l’efficacité de la deuxième méthode. En effet, 32 % de ces ménagères ont utilisé des
abats contre seulement 3 % des femmes ayant simplement assisté à une conférence. Des
expériences similaires portant sur des aliments divers (lait, huile de foie de morue pour les
bébés, pain de seigle) ont toutes abouti à la même conclusion. Cette étude démontre avec force
l'influence que peut exercer la dynamique des groupes sur les comportements individuels et la
supériorité de l’approche démocratique. A travers cette expérience, Lewin a affirmé que :

- Comme ce qui se passe dans un champ de forces en physique, chaque partie


influence l’autre et reçoit de l’influence en retour et par conséquent, il n’y aura pas de
changement dans le comportement tant qu’il n’y a pas de changement dans le champ. Ainsi,
nous déduisons que pour comprendre le comportement d’un individu, il faut prendre en compte

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toutes les variables qui interviennent en temps réel dans le cadre du groupe. Lewin retient trois
variables essentielles :

▪ La tension : est la différence entre les objectifs proposés et l’état actuel de la personne.
La tension est interne et nous pousse à mener à bien l’intention.
▪ Le besoin : Il s’agit de ce qui initie les tensions motivantes. Lorsqu’un individu a un
besoin physique ou psychologique, un état de tension interne est éveillé. Cet état de
tension amène le système, dans le cas du groupe c’est la personne, à se modifier pour
essayer de restaurer l’état initial et satisfaire le besoin.
▪ La force : c’est la cause des actions et de la motivation. Lorsqu’un besoin existe, une
force ou un champ de forces est produit ; s’ensuit alors la naissance d’une activité. Ces
activités ont une "valence" soit positive, soit négative. À son tour, la valence des
activités dirige des forces vers d’autres activités (positives) ou contre elles (négatives).
Le comportement qui en résulte est la réponse au mélange psychologique de différentes
forces.

- Le groupe dirige les actions de ses membres. Cela signifie que « la prise de
décision en groupe engage plus à l’action qu’une décision individuelle car les membres du
groupe sont prêts à adhérer à de nouvelles normes dès lors que le groupe y adhère » (Moor,
2017). Anzieu et Martin (2000) généralisent ce concept et soulignent que concernant le
« changement des habitudes alimentaires, de rendement au travail, d’alcoolisme, de préjugés,
tout montre qu’il est plus aisé de changer des individus constitués en groupe que de changer
chacun d’eux séparément » (cité dans Moor, 2017).

- Il faut réorienter la conformité du groupe au service du changement car cette


dernière est un des éléments de la résistance interne au changement. Il est possible de procéder
ainsi :

1. Décristalliser (unfreezing) qui consiste à informer, expliquer, sensibiliser.


2. Changer (moving) qui permet de déplacer les résistances, réduire les tensions.
3. Recristalliser (freezing) qui crée un nouvel état d’équilibre satisfaisant pour les
membres du groupe et consolide cet état.

- Certaines personnes dans le groupe jouent le rôle de « facilitateurs du


changement » une fois qu’elles sont convaincues de l’utilité de ce changement. Les facilitateurs
du changement « filtrent les informations, se comportent en ‘portier’, en leaders d’opinions et
jugent les informations acceptables pour le groupe » (Guittet & Amado, 2012 : 81)

1.4. La théorie de la recherche d’équilibre

Lewin a essayé de présenter une seconde théorie appelée : La théorie de la recherche


d’équilibre. Selon Guittet & Amado (2012), « les individus interagissent dans un système
d’équilibre. Chaque groupe possède son champ dynamique avec ses canaux de communication,
ses frontières, ses barrières, ses portiers. Une nouvelle information ne sera acceptée que dans
la mesure où elle s’intègre dans l’équilibre du champ psychologique du groupe »

Lewin a mené une expérience qui cherche à déterminer le climat propice pour une bonne
dynamique de groupe : il s’agit de trois groupes séparés l’un de l’autre. Chacun de ces groupes
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est soumis à des conditions d’organisation différentes afin de définir le type d’organisation le
plus favorable à un « climat » où règne une bonne dynamique au sein du groupe. Le tableau qui
suit met en exergue les résultats qui découlent de cette expérience :

Climat autocratique Climat démocratique Climat laissez-faire


Détermination Le responsable fixe les Discussion sur le mode Pas d’orientation
des objectifs objectifs et d’action définie
des activités l’organisation des
activités
Mode de Le responsable décide Décisions prises en Pas de contrôle
décision et de et contrôle commun
contrôle
Production, Production moyenne, Bonne, prise en charge Faible, peu
résultats peu d’implication de l’activité, d’implication
responsabilisation
Climat, Tension, agressivité, Satisfaction élevée, Agressivité, sentiment
relations découragement coopération d’échec, de frustration

Tableau 2 : L’expérience des trois climats de Lewin, Lippit et White (Guittet & Amado, 2012)

Dans cette expérience, Lewin détermine trois types de « climats » qui ont donné trois
résultats différents :

- Dans le groupe « climat autocratique », le chercheur a déterminé de préalable les


objectifs et les moyens pour les atteindre tout en imposant aux enfants d’obéir aux consignes.
Ainsi, l’organisation du groupe définie de l’extérieur a conduit à des résultats qui montrent une
implication minimale des membres du groupe dans l’activité prescrite et par conséquent le
rendement a été évalué insuffisant. Outre cette conséquence, le contrôle externe de la situation
a conduit à l’agressivité et à la tension entre les membres du groupe : le résultat final était le
découragement et la naissance d’une certaine agressivité.

- Dans le groupe « démocratique », le chercheur a choisi de partager avec les membres


du groupe la définition des buts, les moyens et la répartition des tâches. Puis, il les a laissés
interagir pour trouver l’organisation idéale ; ce qui a conduit à l’installation d’un climat
d’entente, d’entraide et de coopération. Conséquemment, cela les a motivés à réaliser l’activité
et réussir la tâche demandée. Ainsi, ce groupe a pu réaliser le taux le plus fort de productivité.

- Dans le groupe « laissez-faire », le chercheur s’est abstenu d’intervenir dans la gestion


du groupe. La conséquence immédiate c’est le taux d’agressivité qui était très élevé dans ce
groupe par rapport aux autres groupes. Les participants à l’expérience avaient le sentiment
d’être abandonnés. D’où, la naissance d’un sentiment de frustration qui a conduit à une forte
agressivité entre les participants et contre le moniteur.

Les résultats de cette expérience montrent d’une manière tangible que le « climat
démocratique » est le plus favorable à une bonne entente et conduit à la réalisation des tâches
grâce à une bonne dynamique des groupes.

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2. La théorie de l’autorité dans le groupe

2.1. Les trois présupposés de Wilfred Ruprecht Bion

La psychanalyse a essayé, elle aussi, de comprendre le fonctionnement du groupe.


Wilfred Ruprecht Bion, spécialiste en psychothérapie de groupe et en psychanalyse groupale,
en plus de plusieurs autres chercheurs, en l’occurrence Stanley Milgram, psychologue social
américain, ont travaillé sur des notions essentielles comme la notion de la recherche innée de
l’autorité et la notion de la disparition de l’individu dans le groupe. Leurs travaux expliquent
les causes des réactions autoritaires dans un groupe et comment l’autorité peut régner d’une
manière légitime.

Pour Bion trois présupposés gèrent la vie des membres d’un groupe :

La dépendance : Moor (2017 : 8) nous explique que « le groupe s’attend à être protégé
par le leader dont il se sent dépendre pour sa nourriture intellectuelle ou spirituelle. Si le leader
accepte son rôle, les pouvoirs et devoirs associés, le groupe peut subsister sans conflit mais ne
progresse pas foncièrement. En revanche, si le leader refuse d’assumer son rôle, le groupe se
sentant abandonné, développe un sentiment d’insécurité. Cette dépendance selon Bion est une
régression vers le stade de l’enfance où étant totalement à la charge des parents, l’individu n’a
plus aucune action sur la réalité. Cette dépendance est un rêve éternel des groupes d’avoir un
chef intelligent, bon et fort qui assume toutes les responsabilités (à leur place). »

Le combat fuite : « dans la perspective où le leader refuse son rôle, le groupe se réunit
soit pour lutter, soit pour fuir. Cette attitude est le signe de solidarité du groupe. Dans l’exemple
d’un groupe de discussion libre (sans meneur), la fuite se traduit par des remarques telles que :
« c’était futile, on n’a rien fait… ». Ceci caractérise une fuite, le groupe prouvant alors qu’il
ne pouvait se débrouiller seul. Des rires et une discussion animée, incluant critiques contre le
moniteur (non leader) se révèlent être une attaque suivant la fuite. » (Moor, 2017 : 8).

Le couplage : les résultats du présupposé « combat fuite » peut être soit l’éclatement du
groupe en sous-groupes, soit la constitution de couples qui représentent un danger pour l’union
du groupe.

Selon Bion (1965), ces présupposés ne fonctionnent pas ensemble, l’un d’entre eux
domine alors que les deux autres persistent mais en puissance.

2.2. L’expérience de Milgram

L’une des expériences en psychologie qui montrent l’emprise de l’autorité sur les
individus était celle menée par Stanley Milgram en 1963. Ainsi, pour étudier l’efficacité de la
punition sur l’apprentissage, il demanda à des participants d’administrer des décharges
électriques (fictives seulement) à une autre personne attachée sur une chaise et connectée à un
dispositif d’électrochocs. L’objectif réel est en fait de mesurer le niveau d’obéissance à un ordre
contraire à la morale. La remarque c’est que plus les réponses sont fausses, plus les chocs

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électriques sont forts et les participants ne s’intéressent pas aux supplications de la personne
subissant la torture1.

Il en résulte de cette expérience qui a été reprise dans plusieurs pays du monde que
l’individu peut abandonner son esprit critique, délaisser sa conscience et exécuter des atrocités
sur d’autres individus du fait qu’il obéit à une autorité légitime.

Les résultats de cette expérience peuvent nous prévenir qu’au sein du groupe classe
l’apprenant obéissant à une autorité, qu’il interprète comme étant légitime, émanant de
l’enseignant ou d’un autre apprenant, peut léguer son esprit critique au second degré et exécuter
ce que le leader lui demande de peur de perdre sa protection – qui est un besoin vital renvoyant
à l’image du père dominant (simulacre du "chef de la horde" et du "père primitif" dans le
langage de Freud).

3. Vers une bonne dynamique du groupe classe

A partir des théories des groupes exposées supra nous pouvons formuler des déductions
qui pourraient conduire à une bonne dynamique du groupe classe :

▪ Le changement des habitudes du groupe-classe est plus facile que le changement de


celles des apprenants chacun à part.
▪ L’obtention du changement est tributaire de la réduction des résistances au changement
et non pas de l’augmentation des pressions externes. Cela est facile à réaliser si
l’enseignant arrive à repérer les « portiers » ou les apprenants facilitateurs du
changement.
▪ Le climat « démocratique » crée une bonne entente et conduit à une bonne productivité
au niveau des tâches.
▪ Le groupe classe doit être compris comme un système d’interdépendances, entre les
membres du groupe et entre les éléments du champ (objectifs, rôles, statuts etc.), qui
sera à l’origine de la dynamique du groupe.
▪ Le groupe classe dépond du guidage de son enseignant pour satisfaire ses besoins
intellectuels et spirituels. L’enseignant, dans ce sens, doit posséder de bonnes attitudes
lui permettant d’éviter les réactions autoritaires à l’égard de ses élèves et tout sentiment
de frustration qui contribue à l’échec au niveau de la réalisation des objectifs.
▪ En classe, si l’autorité de la part de l’enseignant ou d’un apprenant est vue comme étant
légitime, un grand nombre d’élèves perdront leur esprit critique et par conséquent leur
autonomie. Une telle situation exerce une influence négative sur leur bien-être
psychologique et cognitif. La progression de leur apprentissage ne se fera pas dans ce
cas dans des conditions optimales.

1
- Pour plus de détail sur le scénario de cette expérience, Cf. Psychologie sociale.com. URL.
https://www.psychologie-sociale.com/index.php/fr/experiences/influence-engagement-et-dissonance/204-la-
soumission-a-l-autorite (Consulté le 03/08/2021)
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4. L’attitude de l’enseignant

Pour arriver à une bonne dynamique au sein du groupe, il est possible de se baser sur
une bonne approche personnelle de l’enseignant et sur la pédagogie institutionnelle. Ces deux
composants peuvent conduire à la mise en place d’une bonne dynamique de groupe.

4.1. L’approche personnelle de l’enseignant

Les théories psychanalytiques et sociales, que nous avons abordées dans les paragraphes
précédents, ont esquissé les lignes directrices de l’approche personnelle de l’enseignant, en tant
que leadership du groupe classe, en précisant les conditions nécessaires pour aboutir à une
bonne dynamique de groupe.

Cette approche personnelle de l’enseignant peut être résumée comme suit :

- L’enseignant doit travailler sur l’attrait de l’appartenance au groupe. Il doit opter


pour une posture de bienveillance, d’empathie et d’enthousiasme. Il doit également avoir
l’esprit de l’écoute, l’air compréhensif et la volonté du pardon sauf aux situations critiques de
transgression des règles où il faut avoir recourt aux sanctions éducatives. Il doit analyser les
comportements malveillants de ses élèves, déceler leurs causes et participer à leur aide pour
s’en défaire. Il doit également s’auto analyser et anticiper ses réactions pour ne pas tomber dans
l’emprise de l’autorité... en résumé, il doit tisser des relations de confiance et de sympathie
réciproques avec son groupe-classe.

- L’enseignant doit travailler sur la responsabilisation des apprenants pour les


rendre participants et acteurs de leurs apprentissages.

- Fixer les règles du jeu en précisant les limites à ne pas dépasser et les règles à
respecter. Puis, utiliser les sanctions éducatives positives en cas de transgression de ces règles.
Cela dit, il doit toujours veiller à l’équilibre et trouver des solutions aux éventuels problèmes
qui peuvent survenir.

- Les méthodes pédagogiques actives sont d’une grande utilité pour une bonne
dynamique du groupe puisqu’elles favorise le travail par projet et développent l’esprit de la
collaboration et du partage.

- Varier les méthodes pédagogiques et les stratégies d’enseignement afin de


donner à tous les apprenants la chance de profiter des cours.

- Veiller à la démocratie dans la communication pour amener les apprenants à


participer activement à leurs apprentissages. Le partage des décisions favorise l’autonomie et
la satisfaction des membres du groupe classe (Cf. Tableau 14)

- Veiller à la compétition intergroupes pour renforcer les relations entre les


membres du groupe tout en évitant la compétition intra-groupe qui peut isoler certains
apprenants comme étant incapables de surmonter les défis de l’apprentissage. « Faire avancer
ensemble tous les élèves, sans discrimination, sans le couperet constant de l’évaluation et de

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la comparaison avec les pairs, pour aller jusqu’à un socle de connaissances commun, est
possible. » (Bucheton, 2017 : 7).

4.2. La pédagogie institutionnelle

La pédagogie institutionnelle élaborée par Fernand Oury et Raymond Fonvieille cherche


à « établir, créer, et faire respecter des règles de vie dans l'école, par des institutions
appropriées »2. Fernand Oury (1967) définit les institutions comme étant l’ensemble des règles
qui permet de définir ce qui se fait et ne se fait pas en tel lieu, à tel moment ; ce que nous
appelons les lois de la classe.

Ainsi, la vie en classe doit être gérée par des lois qui ne doivent pas être transgressées.
Dans le cas contraire, le problème doit être traité par une institution. Cette dernière est appelée
le « conseil de la classe » qui, selon le besoin, fait une réunion thérapeutique composée et
animée, généralement chaque semaine, par l’enseignant et tous les élèves. Pendant cette séance
du conseil de la classe, les élèves discutent les paramètres de la vie de la classe, traitent le
règlement des conflits, se mettent d’accord sur des projets et prennent des décisions à appliquer
par la suite. Ces réunions permettent de faire le point sur la vie du groupe et présenter les idées
des élèves.

Pour élaborer toutes les compétences, Oury (1967) a proposé d’établir des ceintures de
niveau permettant aux enfants d'évaluer leur réussite dans tel ou tel domaine d'activité de la
classe et des ceintures de comportement matérialisant la position provisoire de chaque élève
par rapport aux exigences de la vie au sein du groupe classe.

5. La gestion des conflits

Dispenser et gérer un cours dans le cadre d’une séance pédagogique est une opération
qui demande beaucoup de doigté. L’enseignant doit prendre en considération, en même temps
et d’une manière efficace, les situations didactiques, les situations pédagogiques en plus des
conflits qui peuvent être générés de la mise en œuvre de ces dernières. Les règles de la classe
peuvent être transgressés à n’importe quel moment par l’apprenant et d’une manière parfois
imprévisible. Cette transgression consiste dans le fait que « quelqu’un sort du cadre fixé en
toute connaissance de cause, pour tester, d’une part, les limites du groupe et des animateurs et
d’autre part ses propres limites, ainsi que pour provoquer ou pour remettre ce cadre en
question »3.

Gauthier (2012) signale que les élèves transgressent pour :

− Expérimenter, vérifier les limites.


− Attirer l’attention, vérifier qu’on existe aux yeux d’autrui.
− S’opposer pour s’affirmer.

2
- Encyclopedie.fr. « Pédagogie institutionnelle. Définition ».
URL. https://www.encyclopedie.fr/definition/P%C3%A9dagogie_institutionnelle (Consulté le 05/08/2021).
3
- RéSeAu UniFor. « Choisir une sanction éducative ». URL. https://www.guides.be/bibliotheque/documents-
pedagogiques/staff-d-unite/outils-pour-l-unifor/reseau-unifor/reseau-unifor-choisir-une-sanction-educative
(Consulté le 05/08/2021).
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− Exprimer des besoins qui ne sont pas entendus.


− Remettre en question un fonctionnement, objecter pour faire évoluer un système.

Chahuter, se déplacer en classe sans autorisation, éclater de rire, se lancer des objets,
frapper un autre apprenant, ne pas réaliser les devoirs sont des transgressions qui dérangent
l’ambiance facilitatrice des apprentissages et demandent l’intervention de l’enseignant et
parfois de l’institution.

5.1. La sanction en classe

« La transgression est un message clair qu’il ne faut pas ignorer. Il s’agit de lui donner
une réponse claire et adaptée » (RéSeAu UniFor, 2014 : 5). En effet, lorsqu’une transgression
d’une règle de la classe est produite, l’enseignant ne doit pas la négliger, il doit intervenir pour
protéger le droit de ses élèves à avoir une vie en classe sereine leur permettant l’apprentissage.
L’enseignant peut procéder par sanction pour corriger le comportement de l’apprenant qui ne
veut pas se soumettre aux règles de vie de la classe. L’Agence Universitaire de la Francophonie
(2016) définit la sanction comme une mesure prise pour rappeler ou renforcer une règle. Elle
consiste en une peine ou une récompense destinée à confirmer un jugement sur l’action d’une
personne. Elle est étroitement liée à la règle et appliquée en cas de transgression volontaire de
celle-ci. Gauthier (2012) affirme que la sanction est nécessaire pour l'éducation de celui qui ne
respecte pas la loi afin de pouvoir assurer la sécurité, l'équilibre des individus et du collectif, la
réussite de l'action éducative et de la vie collective et enfin pour préserver la crédibilité du
dispositif réglementé.

La sanction peut prendre plusieurs formes tels que : l’affliction corporelle, la privation
de liberté, le travail imposé, les devoirs supplémentaires … Cependant, il ne faut pas l’utiliser
d’une manière abusive ou injuste pour ne pas avoir un effet contraire car son application
systématique peut compliquer la relation entre l’apprenant et l’enseignant et augmenter par
conséquent les conflits en classe. En effet, la sanction sous forme de réaction de la part de
l’enseignant, quand elle est teintée d’injustice (punir par erreur de jugement), peut entraîner des
répercussions néfastes sur l’apprenant. C’est pour cette raison que la sanction en classe doit
évoluer d’une sanction punitive vers une sanction éducative positive « visant à faire advenir un
sujet responsable en lui imputant les conséquences de ses actes » (Agence Universitaire de la
Francophonie, 2016).

5.2. La sanction éducative

Plusieurs points de vue sur la nature de la sanction éducative positive ont été soulevés.
REY (1998) affirme que même si la discipline en classe est nécessaire, elle ne doit pas être
imposée par l’enseignant mais négociée ou établie spontanément par les apprenants eux-
mêmes. Autrement dit, il faut amener l’apprenant à observer une certaine discipline sans la lui
imposer en le soumettant aux sanctions punitives. Pour ce faire, plusieurs facteurs doivent être
pris en considération. Nous citons entre autres : l’intérêt de l’apprenant pour les études, la nature
de sa relation d’une part avec ses pairs et d’autre part avec ses enseignants, sa relation avec son
entourage familial… « La transgression, naturelle chez un jeune, fait partie de son
développement. Y apposer des limites joue un rôle structurant pour lui. De ce fait, la sanction
est éducative car elle participe à la construction de la personne. Elle lui permet de grandir

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quand elle fait évoluer l’individu dans sa prise de conscience des limites, de la norme et de sa
transgression. » (RéSeAu UniFor, 2014 : 9)

Nous ne pouvons pas sanctionner un apprenant concernant une règle qui n’est pas
expliquée et bien saisie, faute de quoi la sanction apparaît abusive et injuste. Pour un bon
fonctionnement de la sanction éducative Traube (2002) détermine dix conditions à respecter
avant de procéder à une sanction pédagogique. Ces conditions sont :

1- La règle doit exister.


2- La règle doit être connue de ceux à qui elle s’applique comme de ceux qui sont chargés
de l’appliquer. Elle doit être apprise et répétée tout au long de l’année et souvent visible
dans le local.
3- Il faut qu’elle soit claire et non ambiguë. Une règle formulée de manière positive et
concise évitera de nombreuses incompréhensions.
4- Il faut qu’elle soit juste et non arbitraire. Les règles doivent être les mêmes pour tous,
appliquées par tous de la même façon et adaptées aux circonstances : l’âge, le handicap,
etc.
5- Il faut qu’elle soit pertinente. Il est essentiel de réfléchir au bien-fondé d’une règle. Elle
se base sur un impératif de protection (sur les plans de la sécurité et de la santé) des
membres et du lieu de vie dans le cadre des activités.
6- Elle doit être expliquée dans sa légitimité. Le bien-fondé d’une règle doit être expliqué.
Une règle dont le sens n’est pas compris par l’apprenant est inévitablement vécue
comme persécutrice.
7- Il faut que la règle soit évolutive, adaptable aux changements d’âges, de mœurs et de
mentalités en prenant en considération sa discussion pendant le conseil pour créer la
charte et pour l’évaluer tout en revenant dessus durant l’année.
8- Les règles doivent être hiérarchisées. Certaines règles ne sont pas négociables, d’autres
le sont étant donné que les lois qui s’appliquent à tout citoyen de plus de 18 ans ne sont
jamais négociables.
9- Une règle créée avec le groupe initie un autre rapport à la loi.
10- Toute règle doit être assortie de sanction en cas de transgression. La règle perd toute
son efficacité si sa transgression n’est pas accompagnée d’une sanction éducative.

Ces bases éducatives de la sanction poussent à déterminer le cadre de son application


dans le cas de sa transgression. En effet, le guide de formation RéSeAu,UniFor (2014 : 9)
précise que : «

1- La sanction s’adresse à un sujet : elle ne peut-être qu’individuelle et en aucun cas


collective. Elle affirme la responsabilité personnelle.
2- La sanction porte sur des actes : on ne sanctionne pas l’intégrité d’une personne mais
un acte particulier commis dans un contexte précis. Il ne faut pas réduire la personne à
sa faute.
3- La sanction s’accompagne d’une procédure réparatrice : une réparation directe et
matérielle est la plus simple à mettre en œuvre. Mais, c’est insuffisant, pour transformer
l’acte en esprit. C’est aussi pour l’auteur de la transgression l’occasion de se rétablir
dans le groupe. En réparant sa faute, il se réconcilie avec lui-même tout en s’excusant
auprès de la victime de la faute. Cette action est doublement orientée ; vers soi et vers
l’autre. Cependant, cela n’efface en rien le passé. On ne gomme pas ce qui s’est passé,
on tourne la page pour continuer l’histoire »
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Il s’agit donc de confronter l’élève transgresseur de la règle à ses actes par le biais d’un
feedback constructif qui vise à le responsabiliser et à le pousser à prendre conscience des
conséquences de son action sur la totalité du groupe-classe. Un dialogue avec l’apprenant sera
bénéfique mais sans lui faire perdre sa confiance en lui-même comme entité autonome faisant
partie d’un groupe.

Gauthier (2012), quant à lui, définit trois formes de la sanction éducative à appliquer
selon les cas et selon la gravité de l’action de l’apprenant :

1- La frustration : Il s’agit d’agir sur la frustration de l’individu, mais sans le culpabiliser,


ni l’humilier (lui faire perdre simplement le bénéfice que lui donnait la règle avant de la
transgresser).
2- La mise à l’écart : il s’agit de la privation de l’exercice d’un droit (privation d’usage,
interdiction d’activité, mise à l’écart temporaire). Il ne s’agit pas de lui dire qu’il est
« mauvais » mais que c’est son comportement qui est inacceptable et qu’on doit
l’écarter provisoirement du groupe pour l’aider à prendre conscience de la gravité de
son action.
3- La réparation : à travers cette forme de sanction on demande à l’apprenant transgresseur
de la règle d’agir et montrer une volonté de changer (en s’excusant par exemple).
Effectivement, cette forme de sanction n’est efficace que si l’apprenant développe le
sentiment qu’il doit changer son comportement.

Concernant le moment de l’exécution de la sanction, Gauthier (2012) pense qu’elle doit


être immédiate quand la transgression de la règle est commise devant des adultes témoins. Dans
ce cas il est possible d’appliquer la sanction sur le champ puisque l’élève transgresseur
n’arrivera pas à contester ce qu’il a fait vu la présence d’adultes témoins. Dans d’autres cas, si
l’enseignant hésite de peur de sanctionner l’élève sous l’effet de la colère où n’a pas
suffisamment de preuves et veut prendre l’avis d’autres personnes, il sera mieux alors de la
différer.

6. Formation des groupes de travail en classe

Le travail en groupes est l’une des stratégies efficaces que l’enseignant peut utiliser dans
la gestion des apprentissages. Le constructivisme et le socioconstructivisme insistent sur le
travail en groupes vu les possibilités qu’il offre aux apprenants pour apprendre par les pairs et
développer le sens de la coopération. Le progrès que l’apprenant peut réaliser en travaillant en
groupe est expliqué, selon Roux (2004 : 3), par la théorie du conflit socio-cognitif. L’interaction
entre les pairs conduit l’apprenant à confronter son point de vue à celui des autres membres du
groupe et prendre conscience qu’il y a d’autres points de vue différents du sien. D’où, il doit se
mettre d’accord avec le reste des membres du groupe pour arriver à une réponse concertée pour
le problème posé. Ainsi, le progrès individuel est expliqué par le fait que l’apprenant intériorise
des coordinations inter individuelles quand il travaille en groupe (Mugny, 1985).

D’autres habiletés importantes pour la vie sociale de l’élève peuvent être acquises en
travaillant en groupes. Il s’agit d’apprendre à communiquer vu que la communication dans la
classe en mode de travail individuel est interdite ; ce qui pousse l’élève à se renfermer dans son
travail avec des connaissances et des méthodes de travail figées.

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6.1. Les types des tâches exigeant des élèves un travail en groupes

L’intelligence collective est définie par Greselle (2007 : 47) comme étant « l’ensemble
des capacités de compréhension, de réflexion, de décision et d’action d’un collectif de travail
restreint issu de l’interaction entre ses membres et mis en œuvre pour faire face à une situation
donnée présente ou à venir complexe ».

Garnier (2016 : 8) insiste sur le fait qu’il faut s’assurer que la tâche est accomplie dans
le cadre du groupe et non pas individuellement, et elle cite comme exemple de tâches
nécessitant un travail de groupe les cas suivants :

▪ Problèmes ouverts : l'énoncé est court et concerne un domaine avec lequel l'élève a
assez de familiarité pour prendre facilement "possession" de la situation et s'engager
dans des essais, des conjectures, etc. (IREM de Lyon)
▪ Tâche complexe : ici, complexe ne veut pas dire compliquée. C’est une tâche mobilisant
des ressources internes (culture, connaissances…) et externes (ressources
documentaires…). Elle est une combinaison de connaissances fondamentales, de
capacités à les mettre en œuvre dans des situations variées et d’attitudes indispensables
tout au long de la vie (ouverture aux autres…) (Eduscol)
▪ Des activités qui sont construites pour être faites en groupes.
▪ Exercice qui demande une nouvelle réflexion et qui pourrait mettre en difficulté des
élèves ayant un niveau faible. Il suppose donc de l’entraide entre les élèves ;
▪ Exercice permettant aux élèves de s’évaluer entre eux …

6.2. Les types de groupes

Dans une classe, les groupes peuvent être constitués de plusieurs manières. Garnier
(2016 : 10) nous propose trois manières de former des groupes :

− libre : souvent les élèves discutent d’autre chose que le travail demandé. Il n’y a
toutefois pas de souci de cohésion puisque les élèves ont choisi de travailler ensemble ;
− imposée par l’enseignant :
▪ des groupes de besoin (homogènes ou hétérogènes),
▪ des groupes géographiques : on constitue les groupes par rapport à la disposition
des élèves dans la classe,
▪ des groupes suivant la liste alphabétique : les cinq premiers élèves de la liste
travailleront ensemble, les cinq suivants ensemble…,
▪ des groupes suivant l’ordre d’entrée des élèves dans la salle de classe ;
− aléatoire : on laisse le hasard décider de la constitution des groupes (mettre les noms de
tous les élèves dans une boîte et tirer au sort les différents groupes.).
Pour garantir l’homogénéité du groupe ainsi que son efficacité, ce dernier doit être
composé d’une manière libre selon les choix des apprenants. Selon Barlow (1993) la manière
qui a donné les meilleurs résultats consiste dans une préparation des groupes à l’avance non pas
par affinité mais par groupes de besoin ou par groupes hétérogènes (selon le sexe, la force
personnelle, le rendement scolaire, les caractéristiques personnelles, …) en fonction des
objectifs visés. Cette composition assure la complémentarité, l’entraide et la coopération entre
les membres du groupe.

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6.3. Rôles de l’enseignant lors du travail des groupes

Quand il s’agit de travailler par groupes, l’enseignant doit

▪ Prévenir les élèves du temps qu’il leur reste ;


▪ S’assurer que toutes les tâches demandées aient été faites durant le temps imparti ;
▪ Observer le comportement de chaque élève et son implication dans la tâche à réaliser ;
▪ Vérifier que les consignes soient comprises et respectées ;
▪ Préciser le rôle de chaque membre du groupe ;
▪ Agir sur la vie affective du groupe quand cela est nécessaire ;
▪ Apporter son aide si les élèves en éprouvent le besoin.

6.4. Rôles de l’apprenant dans le travail en groupes

▪ Respecter les consignes données par l’enseignant.


▪ Donner son point de vue et laisser le temps pour les autres apprenants pour s’exprimer.
▪ Respecter les avis des autres.
▪ Se mettre d’accord sur une solution commune.
▪ Convaincre les autres apprenants par ses idées sans chercher à les imposer par la force
▪ Accepter d’être en désaccord avec d’autres membres du groupe pour avancer dans sa
réflexion.

6.5. Les inconvénients du travail de groupes

Trois problèmes essentiels peuvent résulter du travail en groupe :

▪ Se concentrer sur la tâche demandée au groupe sans prêter d’intérêt au travail dans sa
totalité.
▪ La discussion entre les membres du groupe peut les éloigner de la tâche à réaliser et les
amener à discuter des idées sans rapport avec ce qui est demandé.
▪ L’enseignant peut perdre le contrôle de la classe et s’éloigner de l’objectif de
l’enseignement-apprentissage.

Cependant, quels que soient les inconvénients du travail en groupes les chercheurs dans
ce domaine s’accordent à dire que ce type de gestion de la classe, s’il est bien mené par
l’enseignant, peut développer d’une manière efficace les compétences des apprenants. « Par le
travail coopératif et l’interaction sociale qu’il sous-tend, il est un levier pour le développement
de compétences qui placent résolument l’individu au sein d’un collectif »4.

4
- « Le travail en groupes », Dossier Professeur, Académie De Dijon.
URL.https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Form_prof_initiale_insertion/47/8/Travailler_en_groupes_109
478.pdf (Consulté le 09/08/2021).
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Conclusion

Tout au long de cet article, nous avons abordé le côté pédagogique de la gestion des
apprentissages. Dans cette perspective, nous avons tenté d’expliquer les comportements,
réactions et contre-réaction des élèves dans le groupe-classe en abordant d’abord le sujet de la
dynamique des groupes dans lequel nous avons étudié les théories des champs de forces et de
la recherche de l’équilibre ainsi que l’approche psychanalytique de Bion qui traite le sujet de la
recherche de l’autorité et l’emprise de cette autorité au sein du groupe. Ensuite, nous avons
présenté les caractéristiques de l’attitude personnelle du professeur en tant que leadership du
groupe-classe qui peut se baser sur l’approche institutionnelle, comme outil complémentaire,
lui permettant de gérer la classe en impliquant les élèves dans le processus de
l’enseignement/apprentissage.

Une fois ces éléments étudiés, nous avons abordé la gestion des conflits dans le but de
présenter dans un premier temps le concept de transgression des règles et de la sanction en
insistant sur son impact sur le comportement de l’élève au sein du groupe ; puis, nous avons
étudié les caractéristiques et les bases de la sanction éducative et les moments pendant lesquels
il faut faire appel à ce genre de sanctions. Nous avons passé, en dernier lieu, à la présentation
d’éléments en rapport avec la formation des groupes en précisant les causes qui incitent
l’enseignant à adopter le travail en groupes dans le cadre des activités d’apprentissage tout en
précisant les modes de formation des groupes et les rôles de l’enseignant et de l’élève dans leur
réalisation.

Ainsi, la maîtrise de la dynamique des groupes permet la stabilité des relations au sein
de la classe qui est un élément essentiel pour le maintien de l’attention et de la concentration de
l’apprenant lors des activités d’apprentissage. L’enseignant de son côté gagne en efficacité
quand il se trouve avec un groupe-classe stable et serein. Un tel climat lui garantit la possibilité
de mener à bien les opérations de l’enseignement-apprentissage facilitant à l’apprenant
l’assimilation de nouveaux savoirs et savoir-faire.

Bibliographie/Webographie

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⎯ Bion, W. R. (1965). Recherches sur les petits groupes. Paris : PUF.
⎯ Bucheton, D. (2017). « Gestes professionnels, postures des enseignants : quelle
responsabilité dans les processus différenciateurs ? ». CONFERENCE DE CONSENSUS :
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Revue de l’administration de l’éducation, n°10, 2021.
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