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"Face à une lacune lexicale de sa langue cible, le traducteur peut avoir recours à la solution
désespérée de l’emprunt, qui importe tel quel le terme de source étrangère..."
Jean-René Ladmiral,
Traduire : théorèmes pour la traduction, p. 106.
Définition
Selon Mohammad-Rezâ Bâteni, l’emprunt [1] est avant tout un phénomène social. C’est le
reflet de l’influence culturelle d’une société sur une autre. [2] Les relations économiques,
politiques et culturelles entre les communautés favorisent les échanges linguistiques entre les
Etats, notamment au travers des échanges culturels, des congrès, des revues, etc, occasionnant
l’entrée des éléments d’une langue dans une autre. [3]
D’un point de vue purement linguistique, le phénomène de l’emprunt se manifeste à trois niveaux
linguistiques : le niveau phonique, grammatical et lexical ; ce dernier, qui est le sujet de notre
article, est l’emprunt le plus fréquent. Voilà pourquoi ce cas se rencontre dans la plupart des
langues.
Les emprunts sont pour la plupart, des termes techniques et scientifiques. Parallèlement à l’entrée
ou l’importation d’un phénomène scientifique, technologique ou culturel dans un pays, le mot
étranger originel est souvent utilisé pour nommer ce phénomène, qui entre ainsi dans la langue
d’emprunt. Cela ne signifie cependant par forcément la faiblesse de la langue mais, au contraire,
peut aider à son enrichissement. Pourtant, les linguistes doivent autant que possible s’efforcer de
trouver et parfois forger des équivalents appropriés pour les termes traduisibles. A l’inverse, les
noms propres géographiques, historiques, et internationaux empruntés aux étrangers sont quant à
eux assez nombreux dans la langue persane [4]. D’après M. Bâteni, les emprunts sont ou bien
"indispensables", ou bien "superflus", Il faut éviter les emprunts superflus, c’est-à-dire ceux qui
n’ont pas à remplir les vides lexicaux. Les emprunts indispensables remplissent, au contraire, les
vides lexicaux et enrichissent la langue "emprunteuse". [5]
Dans son projet de fondation de Dâr-ol-Fonoun [8], Amir Kabir, qui ne pouvait pas trouver
l’encadrement pédagogique adéquat en Iran, dut recruter des professeurs étrangers. "Ce
programme au début, compte tenu de la nature de l’école, comprenait essentiellement les sciences
militaires et les autres sciences nécessaires au bagage d’un soldat : infanterie, artillerie, médecine
et puis le français, l’histoire et la géographie" [9] ; on vit ainsi l’apparition d’un grand nombre de
mots et d’expressions militaires traduits ou empruntés au français :
Rappelons que ce processus d’influence se manifeste également sur la façon de traduire un mot ou
une expression selon une logique adoptée du français, comme ce fut le cas pour un grand nombre
de termes techniques, scientifiques et de locutions comme [11] :
A la même époque, le processus de la traduction a exercé son influence sur la syntaxe soit par
l’apparition de nouvelles structures grammaticales comme par exemple "( "اینطور نیستintor nist) :
littéralement "n’est-ce pas" ; "( "وجود داردvojoud dârad) : il y a ; "( "تکیه کردن رویtakiyeh kardan
rou-ye) : s’appuyer sur ; "( "حساب کردن رویhesâb kardan rou-ye) : compter sur ; soit par la
grammaticalisation de certains morphèmes prenant, sous l’influence de la traduction, une nature
ou une fonction grammaticales. Dans les exemples ci-après, les morphèmes soulignés sont
grammaticalement suffixes ou préfixes :
Anti-national (adj) zedd-e melli ضد ملی
Illégal (adj) khelâf-e ghânoun خالف قانون
Incompétence (n.f) adam-e salâhiyat عدم صالحیت
Guérissable (adj) darmân pazir درمان پذیر
Invincible (adj) shekast nâpazir شکست ناپذیر
Renaissance (n.f) tajdid-e hayât تجدید† حیات
Concordance phonétique
On sait que chaque langue a son appareil phonétique avec ses caractéristiques et ses propres
particularités. Un mot, en s’introduisant d’une langue à une autre, s’accorde souvent
phonétiquement avec les règles de la langue d’arrivée et perd son accent exotique. On peut
évidemment observer cette situation à propos des emprunts d’origine française, qui ont été
persanisés en s’introduisant dans la langue persane.
Par la suite, nous verrons quelques changements phonétiques que les mots français intervenant en
persan ont dû subir.
Recours
En 1923, le Ministère des affaires étrangères décida de fonder une commission dont les membres
étaient des militaires qui, jusqu’à la fin de cette même année, approuvèrent plus de 300
équivalents pour les termes militaires introduits ou dont la structure est inspirée des langues
étrangères, y compris :
Les équivalents que les académiciens choisissent sont parfois rejetés et seulement certains d’entre
eux sont véritablement "adoptés" dans la langue courante. Ce sont donc en réalité les locuteurs qui
décident en dernière instance de les accepter ou de les refuser. [12] Il y a quelques années,
l’Académie a choisi ( بلندگوbolandgou), équivalent persan littéral du mot "haut-parleur", et
(dourgou) ["( دورگوappareil servant à] parler de loin") pour le mot "téléphone", les Iraniens ayant
accepté le premier et rejeté le second.
De même, (barf pâk kon)¸( برف پاک کنessuie-glace), ( گلگیرgèlgir) (garde-boue), (dandeh) دنده
(côte), ( سپرsépar) (bouclier) sont tous, des néologismes composés par les chauffeurs et les
mécaniciens et non pas par les Académiciens. [13]
La plupart des emprunts du français en persan sont des mots scientifiques, parmi lesquels un grand
nombre de termes médicaux et de mots appartenant aux domaines de la chimie, la physique et la
biologie. Pour conclure, nous allons fournir quelques mots empruntés au français et largement
usités dans la langue persane, sans que les gens sachent en général leur origine française. Ces mots
et expressions sont tirés du Dictionnaire des mots d’emprunt d’origine européenne en persan,
compilé par R. Zomorrodiân.
Notes
[1] En persan " قرض,( "وامgharz, vâm), mais "( "قرضهgharzeh) est plus convenable. (cf. Dj.
Dja’fari, introduction).
[2] Cf. La Langue et la réflexion, p. 52.
[3] Cf. Discours sur la linguistique, p. 751.
[4] Cf. L’invention de mots et la traduction des termes scientifiques et techniques, p. 62.
[5] Cf. La Langue et la réflexion, p. 94.
[6] Balaÿ, Ch., La genèse du roman persan moderne, p. 41.
[7] Ibid., pp. 43-44.
[8] L’équivalent iranien de polytechnique.
[9] Ibid, p. 43.
[10] Pour la transcription nous avons adopté celle du Nouveau dictionnaire persan-français.
[11] L’invention de mots et la traduction des termes scientifiques et techniques, pp. 717-752.
[12] Voir Discours sur la linguistique, pp. 137-138.
[13] Voir "La langue scientifique et la composition de mots", p. 48.
[14] Proposé et approuvé par l’Académie de la langue persane.
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3 Messages
L’emprunt : "la solution désespérée" de la traduction ? 9 septembre 2010 06:22
repondre message
un Calque est un Emprunt particulier traduit d’une langue à une autre en utilisant sa
lettre plutôt que son esprit par exemple "to fall in love" devient "tomber
amoureux" ou encore "skyscraper" devient "gratte ciel") alors que un emprunt est
introduit d’une langue à une autre et augmente ainsi le lexique de l’emprunteur
( anglicisme , gallicisme ; ...) par exemple Café vient de Qahva ( arabe), pizza
( italien), football.....
en bref un calque on traduit en gardant la lettre , un emprunt c’est copié texto facto
car la langue réceptrice n’a pas le mot dans son vocabulaire.
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