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Centre de cas

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Le choc des valeurs à la Maison des Jeunes (A)


Cas produit par Julie GENDRON sous la supervision de Nathalie LEMIEUX et de la profes-
seure Caroline AUBÉ.

La routine de Louis-Thomas
Louis-Thomas est généralement de retour de l’université vers la fin de l’après-midi. Il est en
2e année de BAA à HEC Montréal et il se spécialisera en comptabilité l’an prochain. Il accorde
beaucoup d’importance à réussir ses études et connaît d’ailleurs beaucoup de succès. Dès qu’il
arrive chez lui, il repart habituellement pour la Maison des Jeunes (MDJ), son lieu de travail, qui
se trouve à dix minutes de son appartement. Ses tâches consistent essentiellement à comptabiliser
les dépenses effectuées dans la journée et à préparer les payes des employés. Il doit également
produire mensuellement un bilan des résultats financiers. Ce bilan est destiné aux membres du
conseil d’administration (CA) de la MDJ. Compte tenu de son intérêt pour la comptabilité, de son
sens de l’organisation et de sa minutie, cet emploi lui convient parfaitement. Il est d’ailleurs très
content d’avoir obtenu cet emploi, car celui-ci lui permet d’acquérir de l’expérience dans son
domaine d’étude, tout en lui offrant la possibilité d’aménager lui-même son horaire de travail. Il a
choisi de travailler une heure par soir au lieu d’aller à la MDJ hebdomadairement et d’y passer
pratiquement toute la soirée. Il privilégie cet horaire, puisqu’il lui permet de se changer les idées
en arrivant de l’université. En outre, cette routine lui offre la possibilité de suivre les activités
quotidiennes de la MDJ. Il peut donc être à l’affût de tout ce qui s’y passe.

Le fonctionnement de la MDJ
La MDJ est un organisme à but non lucratif qui survit grâce à des subventions octroyées par le
gouvernement ou par des organismes tel que Centraide. À quelques reprises, dans le passé, la
MDJ a dû fermer ses portes durant plusieurs semaines compte tenu de ses difficultés financières.
Depuis quelques temps, Louis-Thomas craint que la MDJ se voit à nouveau dans l’obligation de
cesser temporairement ses activités. Plusieurs dépenses non prévues dans le budget de l’organisa-
tion ont été effectuées. Ces dépenses concernent notamment des achats de matériel et des sorties
que les intervenantes ont organisé pour les jeunes. Certaines de ces sorties se sont avérées
beaucoup plus coûteuses que prévu, ce qui a considérablement diminué les liquidités de la MDJ.

Copyright © 2005. HEC Montréal.


Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute modification sous quelque forme que ce soit est interdite.
Ce cas est destiné à servir de cadre de discussion à caractère pédagogique et ne comporte aucun jugement sur la situation
administrative dont il traite.
Déposé au Centre de cas HEC Montréal, 3000, chemin de la Côte-Sainte-Catherine, Montréal (Québec) Canada H3T 2A7.
L'utilisation de ce document est permise seulement pour Benoit Cherré de ESG UQAM jusqu'au 18 décembre 2013.
Le choc des valeurs à la Maison des Jeunes (A)

Au total, la MDJ emploie quatre personnes à temps partiel, soit un commis comptable (Louis-
Thomas), deux intervenantes (Gabrielle et Sophie), ainsi qu’une coordonnatrice (Madeleine).
Durant les heures d’ouverture, une seule intervenante est généralement sur place. Gabrielle et
Sophie aménagent elles-mêmes leurs horaires. Elles se partagent donc les soirs de semaine et les
jours de fins de semaine, selon leur disponibilité. De manière générale, chacune d’elles travaille
une fin de semaine sur deux. La MDJ est toujours fermée le jour durant la semaine. C’est
d’ailleurs à ce moment que Madeleine y travaille. En tant que coordonnatrice, elle s’occupe de
toutes les tâches administratives. L’endroit lui apporte la tranquillité dont elle a besoin pour se
concentrer.

Compte tenu de leurs horaires respectifs, les quatre employés de la MDJ se voient très rarement.
Seul Louis-Thomas croise parfois les deux intervenantes en début de soirée. Pratiquement toute
la communication entre les employés de la MDJ s’effectue par l’entremise de mémos laissés sur
les bureaux de travail.

Sophie, Gabrielle et Louis-Thomas relèvent de Madeleine qui, à son tour, relève du CA. Ce
dernier est constitué de sept administrateurs. En tant que coordonnatrice, Madeleine doit être
présente à la plupart des rencontres du CA afin de présenter le rapport d’activités ainsi que le
bilan financier mensuel préparé par Louis-Thomas. Elle doit également obtenir l’autorisation du
CA pour ce qui est des décisions stratégiques concernant la MDJ.

À la fin de chaque année financière, Louis-Thomas doit fournir tous les documents nécessaires à
un expert-comptable. Les états financiers que ce dernier produit sont ensuite présentés aux
administrateurs pour approbation. Un budget doit également être préparé annuellement.

L’histoire du taxi
Lundi dernier, lorsque Louis-Thomas est arrivé à la MDJ, un froid s’installa rapidement entre
Sophie et lui. Lorsqu’ils se croisèrent en début de soirée, ni un ni l’autre ne s’adressa la parole. Ils
se saluèrent d’un hochement de tête, sans plus. Ce malaise entre Sophie et Louis-Thomas est
attribuable à un incident qui s’est récemment produit à la MDJ et qui a entraîné une dépense
inattendue.

Depuis quelques temps, le quartier est aux prises avec un problème de délinquance. Les adoles-
cents délinquants n’ont plus le droit de fréquenter la MDJ en raison de leur manque de respect
pour les intervenantes et les biens publics. Ces jeunes commettent souvent des méfaits dans les
stationnements et les parcs environnants. Ils se montrent également très déplaisants avec les
autres jeunes qui fréquentent la MDJ. Samedi soir dernier, un adolescent s’est réfugié à la MDJ
après s’être fait menacer par un de ces délinquants. À la fermeture de la MDJ, les délinquants
traînaient toujours dans le quartier et cela effrayait grandement le garçon. Il était impossible de
prévenir ses parents, absents à ce moment, et il était inapproprié de téléphoner à la police, car les
jeunes délinquants n’avaient encore commis aucun délit. Étant à vélo, Sophie ne pouvait pas aller
reconduire le jeune chez lui. Compte tenu des circonstances, elle décida de payer un taxi à
l’adolescent pour qu’il puisse retourner chez lui en toute sécurité, aux frais de la MDJ.

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Louis-Thomas était totalement consterné lorsqu’il apprit « l’histoire du taxi ». Le soir venu, il a
eu du mal à s’endormir. Il tournait sans cesse dans son lit et se demandait pourquoi Sophie
n’accordait pas la même importance que lui aux difficultés financières de la MDJ. Tous les
employés étaient pourtant au courant de cette situation et craignaient même de perdre leur
emploi, faute de budget. Leur contrat de travail était reconduit de mois en mois. Louis-Thomas
était convaincu qu’il devait parler à quelqu’un de l’incident du taxi. Cependant, il n’osait pas en
parler directement avec Sophie. Par ailleurs, il hésitait à aborder le sujet avec Gabrielle en raison
de ses liens d’amitié avec Sophie. Pour ce qui est de Madeleine, sa supérieure immédiate, il
doutait qu’elle prenne la situation au sérieux. Selon Louis-Thomas, Madeleine accorde peu
d’importance aux rapports financiers qu’il produit et ne comprend pas la provenance des chiffres
présentés. Seuls les membres du CA analysent de façon approfondie les documents qu’il prépare.

Louis-Thomas craignait que la situation financière de la MDJ ne se détériore davantage. Il


estimait également qu’il était de son devoir, en tant que commis-comptable, d’intervenir pour
corriger la situation. En fait, même s’il n’était pas directement imputable de la santé financière de
la MDJ, il prenait une grosse part de responsabilités sur ses épaules. Il avait l’impression d’être le
seul à la MDJ à se préoccuper sérieusement de cette situation.

Louis-Thomas demande conseil


Le lendemain soir, il prit son courage à deux mains et tenta d’aborder le sujet du taxi avec
Gabrielle malgré sa relation d’amitié avec Sophie.

Louis-Thomas : Salut Gabrielle! Ça va aujourd’hui?

Gabrielle : Oui, très bien et toi?

Louis-Thomas : Pas mal.

Gabrielle : Excellent.

Louis-Thomas : Est-ce que je peux te poser une question?

Gabrielle : Certainement.

Louis-Thomas : Est-ce que tu as discuté de l’histoire du taxi avec Sophie?

Visiblement mal à l’aise, Gabrielle baissa les yeux vers le sol. Après quelques secondes de
réflexion :

Gabrielle : Oui, mais je préfère ne pas en discuter. Je ne veux pas que les problèmes de la MDJ
nuisent à notre amitié.

Louis-Thomas : Je vois mais, de mon côté, je ne peux pas risquer qu’un tel incident se
reproduise.

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Gabrielle : Pourquoi ne vas-tu pas lui en parler toi-même?

Louis-Thomas : Parce que j’ai peur de l’insulter. Je n’ai aucune autorité formelle sur elle. Je ne
fais que constater les problèmes financiers que nous vivons et ceux que nous devrons
prochainement affronter si nous ne respectons pas notre budget.

Gabrielle : Je suis désolée. Je ne sais pas trop comment t’aider et je dois aller ouvrir la porte aux
jeunes.

Louis-Thomas : Bon, je vais y réfléchir. Merci tout de même!

Gabrielle : Bonne soirée!

Gabrielle fila rapidement déverrouiller la porte de la MDJ afin d’accueillir les premiers jeunes de
la soirée.

Tout en terminant son travail, Louis-Thomas réfléchissait.


Devrais-je en parler à Sophie comme Gabrielle me l’a suggéré? Plus j’y pense, plus je suis convaincu
que ce n’est pas une bonne idée. Elle ne comprendra pas pourquoi je me préoccupe autant de cette
histoire. Je devrais plutôt en parler à Madeleine, mais à quoi cela servirait-il? Elle est tellement
optimiste, qu’elle semble déconnectée de la réalité.

Après quelques minutes de réflexion, il décida que le lendemain, il irait tout de même rencontrer
Madeleine à la MDJ, étant donné qu’il n’avait pas de cours avant 13 h 30. Même s’il était
convaincu que cette rencontre ne donnerait rien de concret, il était d’avis que c’était la première
étape à franchir.

Louis-Thomas passe à l’action


Madeleine : Bonjour Louis-Thomas! Il est rare de te voir ici un mercredi matin! As-tu vu le beau
soleil dehors?

Louis-Thomas : Madeleine, je ne suis pas venu ici pour discuter de la température, mais parce
qu’il y a quelque chose qui m’embête.

Madeleine : Pauvre Ti-Loup! Qu’est-ce qui se passe avec toi?

Louis-Thomas : As-tu lu la note que Sophie a rédigée samedi soir?

Madeleine : Ah oui, c’est vrai, je l’ai lue. Pauvre Sophie, elle devait être très inquiète pour le
garçon. Penses-tu qu’il faudrait lui téléphoner pour savoir s’il va bien?

Louis-Thomas : Franchement Madeleine, nous ne sommes pas une garderie!

Madeleine : Mais tout de même!

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Louis-Thomas : Non, je ne pense pas que ce soit nécessaire, mais là, pas du tout. Je venais plutôt
te dire à quel point les finances de la MDJ m’inquiètent, d’autant plus que plusieurs
dépenses imprévues se sont ajoutées ces derniers temps. Les liquidités ne sont pas aussi
élevées que prévues à ce temps-ci de l’année. Nous devrions avoir au moins 2 800 $ de
plus. Je pense que Sophie a manqué de jugement en payant un taxi au jeune. Cette
dépense n’était pas nécessaire. Elle n’aurait pas dû régler la situation de cette manière!

Madeleine : Alors là, mon grand, tu sauras que cela fait 14 ans que je travaille ici et que la
situation a déjà été bien pire. C’est une des meilleures années que j’ai connue et je ne
veux plus t’entendre chialer. Soit donc un peu plus positif!

Louis-Thomas décida de ne pas répliquer malgré la colère qu’il sentait monter en lui et emboîta
le pas vers la sortie.

Louis-Thomas : OK! Bonne journée!

Madeleine : Attends deux secondes, s’il-te-plaît. Lundi prochain, le 29 novembre, je ne peux pas
aller à la réunion du CA, car j’ai un rendez-vous chez le médecin. Peux-tu me remplacer
et leur présenter le rapport d’activités avec ton bilan du mois?

Louis-Thomas : À quelle heure?

Madeleine : 19 h 30, dans nos locaux.

Louis-Thomas : Oui, j’y serai.

Madeleine : Merci et bonne journée!

Louis-Thomas : Merci.

2005-11-21

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