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RÉCEPTION CRITIQUE

AKO NYENTY JOSEPH


RÉCEPTION CRITIQUE

SEMESTRE 1

Joseph AKO NYENTY

698028835 / 653235831
RÉCEPTION CRITIQUE DURÉE: 50H

OBJECTIFS GÉNÉRAUX:
L’étudiant saura mener une étude comparée des lectorats et comprendre l’interaction
texte/lecteur

OBJECTIFS SPÉCIFIQUES:
- Lecture critique de la critique
-Etude du texte critique comme genre littéraire
- Examen du discours critique
- Identification de la réaction du lecteur (dé-reconstruction du texte)
PROGRESSION DU COURS

SÉQUENCES THÈMES DÉVELOPPÉS DURÉE

-L’esthétique de la réception: L’école de CM : 3 h


SÉQUENCE 1 : Constance
La réception du texte
-L’école de Constance: perception et compréhension TD :2h
littéraire 1
du texte.

-Horizon d’attente historique et sociale


SÉQUENCE 2 : CM : 3h
-Horizon d’attente littéraire
La réception du texte TD : 2h
-Le texte comme communication: lecture d’un
littéraire2
extrait.

-Organisation interne du discours critique CM : 3h


SÉQUENCE 3 :
-Les influences
-Appréhension du texte1
-Relation texte et lecteur: un procès établissant un TD : 2h
rapport entre deux horizons ou opérant leur fusion ?

SÉQUENCE 4 : -le lecteur implicite CM : 3h


- L’acte de lire selon -le pôle texte vs le pôle lecteur
Iser1 -Le rôle du non-dit
TD : 2h

-L’interaction des deux poles

-Commentez en une dizaine de pages cette assertion CM : 3h


SÉQUENCE 5 :
de Michel Tournier « Nous disons qu'un livre a
- L’acte de lire selon Iser
2 d'autant plus de valeur littéraire que les noces qu'il TD : 2h
célèbre avec son lecteur sont plus heureuses et plus
fécondes.»

-Les silences textuels (non-dit) CM : 3h


SÉQUENCE 6 :
le lecteur modèle selon Distinguez compréhension et interprétation du TD : 2h
Umberto Eco1 texte : lecture d’un extrait.

SÉQUENCE 7 : le travail du lecteur : texte fermé et texte ouvert CM : 3h

Expliquez cette idée de Jauss soulignant que «


l’œuvre littéraire n’a qu’une autonomie relative. Elle
doit être analysée dans un rapport dialectique avec
le lecteur modèle selon la société. Plus précisément, ce rapport consiste dans
TD : 2h
Umberto Eco2 la production, la consommation et la communication
de l’œuvre lors d’une période définie, au sein de la
praxis historique globale »

-Lecteur empirique vs auteur empirique

-Selon Otten, « le sens habite le texte comme une


CM : 3h
SÉQUENCE 8 : mystérieuse substance, il est le fond de cette

LE LECTEUR : UN curieuse entité appelée ‘forme’ et l’acte de lecture


TD : 2h
ECRIVAIN M2 consiste à le dévoiler. »

En quoi le lecteur s’emploie-t-il à déclencher le


processus de la réception et la concrétisation de
l’acte de lecture?

Peut-on dire que le lecteur implicite incorpore

SÉQUENCE 9 : l'ensemble des orientations internes du texte de CM : 3h


fiction pour que ce dernier soit tout simplement reçu TD : 2h
LE LECTEUR : UN
ECRIVAIN M2 et qu’il n'est pas ancré dans un quelconque substrat
empirique?

SÉQUENCE 10 : EVALUATIONS CC / TD correction TPE CM : 3h

TD : 2h
SOURCES DOCUMENTAIRES :

ESCARPIT ROBERT, Le littéraire et le social ; Eléments pour une sociologie de la littérature,


Paris, Flammarion, 1970
JAKOBSON ROMAN, Question de poétique, Paris, Seuil, 1973
JAUSS, HANS ROBERT, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978.
UMBERTO ECO, Les limites de l’interprétation, Paris, Grasset, 1992.
RIFFATERRE MICHAEL, La production du texte, Paris, Seuil, 1979.
TADIE JEAN-YVES, La critique littéraire au XXèsiècle, Paris, Ed. Pierre Belfond, coll.
« Agora », 1987.
OTTEN, M « introduction aux études littéraires » in Méthodes du texte, Ed. Duclot, Paris
Gembloux, 1987
KERBAT-ORECHIONI, Catherine (1986), L’Implicite, Paris, Armand Colin.

Austin Jean-Louis, Quand dire c’est faire, Paris, Seuil, Coll. « Points Essais », 1970.
Bourdieu Pierre, ce que parler veut dire, Paris, Fayard, 1982.
Bellemin Noël, Vers l’inconscient du texte, Paris, Quadrige, 1996
Ducrot Oswald, Todorov Tzvetan, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris,
Seuil, 1972.
Escarpit Robert, Le littéraire et le social ; Eléments pour une sociologie de la littérature, Paris,
Flammarion, 1970
Riffaterre Michael, La production du texte, Paris, Seuil, 1979.
SOMMAIRE
PROGRESSION DU COURS
SOURCES DOCUMENTAIRES :
SOMMAIRE
INTRODUCTION ……………………………………………………………………..……...
Première partie : La réception du texte littéraire

A-L’esthétique de la réception: L’école de Constance………………………….........

1-Horizon d’attente historique et sociale…………………………………………..……………………………….


2- Horizon d’attente littéraire………………………………………………………………………………………………………

B-Appréhension du texte ………………………………………………………………….………..


1-Organisation interne du discours critique…………………………………………………………..…………….
2- Les influences……………………………………………………………………………………………………………………...

Deuxième partie : L’acte de lecture………………………………..…………..


A- L’acte de lire selon Iser…………………………………………………….
1-le lecteur implicite………………………………………………………………………………………………….………..……
2-le pôle texte vs le pôle lecteur………………………………………………………………………….…………..……..
3-L’interaction des deux pôles……………………………………………………………………………………….……...

B-le lecteur modèle selon Umberto Eco……………………………………………..……...


1-le non-dit…………………………………………………………………………………………………………….……..….……...
2-le travail du lecteur : texte fermé et texte ouvert………………………………………..…………………..
3-Lecteur empirique vs auteur empirique……………………………………………………………………………
Conclusion………………………………………………………………………………………………………………………….……24
Introduction

Les théories modernes de la réception sont nées en réaction à la crise dans laquelle se
trouvait l'institution littéraire — sinon l'institution académique dans son ensemble — à la fin des
années soixante. Elles ont alors fait éclater la notion traditionnelle d'"histoire de la littérature" et
proposé de nouvelles bases pour l'étude des œuvres. Contrairement à la quête traditionnelle d'un
sens supposé être caché dans le texte, la phénoménologie de la lecture décrit en effet la
constitution du sens comme une expérience résultant de l'interaction entre texte et lecteur à
travers le processus entier de la lecture. L'œuvre, définie comme un "principe vide", naît de
l'activité et de la participation du lecteur en réponse aux indéterminations du texte.

La réception critique désigne l'appréciation publique d'un document littéraire ou artistique


au moment de sa rédaction ou de sa publication. La notoriété provenant des lecteurs fait l'objet
d'une théorie dans le domaine littéraire, soulignant l'appréciation de ses lecteurs devant une
œuvre écrite. Le domaine de l'herméneutique est évoqué dans cette définition.  Stuart Hall, en
tant que théoricien de la culture, a contribué à la description des phénomènes invoqués dans la
réception critique d'un livre. La « réception », désignant la façon dont l’œuvre littéraire est
perçue par le public, on peut distinguer deux types de réception : par la critique, et par le lecteur.
Première partie: La réception du texte littéraire

Le texte littéraire, après sa production, est généralement reçu par la critique, entendue
comme l’ensemble de ceux qui jugent les œuvres de l’esprit. Si pour Jean Paul Sartres, le texte
est un acte social qui engage, on peut à juste titre dire que le texte consiste en l’examen des
modalités, des voies et des médiations par lesquelles le discours de la société se réinjecte. Il faut
identifier, localiser tout ce qui est écho peut-être du discours social, étudier les déformations
opérées, puis analyser les effets produits par le montage, les transcriptions, des inserts, des
paroles recueillies ou citées, tout cela se rapportant à un imaginaire quelconque.

A-L’esthétique de la réception: L’école de Constance


Pour Robert Escarpit «tout fait de littérature suppose des écrivains, des livres et des
lecteurs ou pour parler d’une manière générale, des créateurs, des oeuvres et un publics »1.
Évoquer la présence du public suppose implicitement l’existence d’un ou des horizons d’attente
de la part de ceux-là qui constituent le lectorat, donc la critique. Parlant de la reception, l’école
de Constance place par exemple le lecteur au cœur même de l’étude des textes. Elle s’est formée
autour de deux théoriciens -Hans-Robert Jauss et Wolgang Iser- et s’intéresse aux façons
d’imaginer les textes, de les comprendre, de les percevoir, de les ressentir. Hans Robert Jauss
parle principalement de l’horizon d’attente. Il en distingue deux : l’horizon d’attente historique et
sociale d’une part, l’horizon d’attente littéraire de l’autre.

1-Horizon d’attente historique et sociale

Dans la réception du lecteur se croisent des éléments particuliers et communs, individuels


et partagés, qui réfèrent à l’histoire sociale, à l’histoire de l’art, tout autant qu’à l’histoire
personnelle de chacun. Ainsi selon Jauss, « une œuvre littéraire, même lorsqu’elle vient de
paraître, ne se présente pas comme une nouveauté absolue dans un désert d’information, mais
prédispose son public par des indications, des signaux manifestes ou cachés, des caractéristiques
familières, à une forme de réception particulière. » Le public peut être influencé par plusieurs
éléments à l’instar de l’histoire connue superficiellement –il n’y a pas de création ex nihilo- et

1
Sociologie de la littérature, Que sais-je, P.U.F, 8ème Ed. 1992. P.12.
vue par l’écrivain au travers de son tempérament. Jauss précise ce qu’il entend théoriquement par
horizon d’attente social : «  la disposition d’esprit ou le code esthétique des lecteurs qui
conditionne la réception ». L’effet que produit l’œuvre est fonction de l’œuvre elle-même et la
réception est déterminée par le destinataire de l’œuvre afin de comprendre la relation entre texte
et lecteur comme un procès établissant un rapport entre l’horizon d’attente sociale et l’horizon
d’attente littéraire. Le sens du texte peut être ainsi saisi à partir de ce que le lecteur possède
comme connaissance historique et sociétale de son milieu de vie.   Selon Jauss,  l’esthétique de la
réception ne permet pas seulement de saisir le sens et la forme de l’œuvre littéraire tels qu’ils ont
été compris de façon révolutive à travers l’histoire. Elle exige aussi que chaque œuvre soit placée
dans le série littéraire dont elle fait partie afin qu’on puisse déterminer sa situation historique,
son rôle et son importance dans le contexte général de l’expérience littéraire. Ainsi, le concept
d’horizon d’attente constitue une des notions clés de l’esthétique de la réception mais il ne doit
cependant pas être perçu comme une forme de terminisme figé. Jauss conçoit cet horizon
d’attente comme un code esthétique des lecteurs : tout lecteur doit mobiliser des savoirs
culturels, des connaissances du genre, une familiarité avec la forme et le thème, tout élément à sa
disposition qu’il est prêt à réinvestir dans le texte pour mieux le comprendre. Dans le cas d’une
œuvre d’art, la prise en compte de cet horizon d’attente apparait comme essentiel car dès son
origine « l’œuvre est reçue et jugée non seulement par contraste avec un arrière-plan d’autres
formes artistiques, mais aussi en rapport  à l’arrière-plan de l’expérience de la vie quotidienne.
La composante éthique de sa fonction sociale doit être elle aussi appréhender par l’esthétique de
la réception en terme de questions et de réponses, de problème et de solutions tels qu’ils se
présentent dans le contexte historique en fonction de l’horizon où s’inscrit son action.

2- Horizon d’attente littéraire


L’esthétique de la réception permet de comprendre les ruptures ou les écarts dans la
relation texte-lecteur : comment expliquer l’indifférence où tombent les œuvres devant attendre
un nouveau public pour être comprises ou appréciés ? On peut à ce titre lire aujourd’hui l’avare
de Molière comme tragédie et non comme comédie. Espérons qu’on y perçoive, au délà d’un
simple amusement ou d’une distraction du public, un égarement dû au capitalisme et à l’avarice.
D’ailleurs, l’avarice ne perd t-il pas tout en voulant tout gagner? Voilà un aspect qui pourrait
dépasser, en se situant au délà, la comédie et installer le lecteur dans l’univers de la tragédie.

            Jauss propose de reconstituer  l’horizon de la question et de la réponse ayant dans les
perspectives propres à l’histoire , déterminé du côté de la réception les changements survenues
dans son intelligence et provoqué du côté de la production critique la substitution d’une nouvelle
image de l’œuvre, d’une nouvelle réponse, à celle dont on ne se satisfaisait plus. Le lecteur, en
fonction de son époque, pourrait se poser des questions différentes de celles que se sont posées
les lecteurs de l’époque de production du texte, ou alors, à partir de concepts opératoires
différents, arriver à de résultats quasi différents. En d’autres termes, si l’on suit la démarche
herméneutique qu’il propose, il s’agit de savoir quelle question le lecteur a posé à l’œuvre à un
moment donné de l’histoire. Pour arriver à la formuler, on doit tenir compte des signifiances
virtuelles contenues dans l’œuvre, ce qu’il nomme en réalité horizons d’attentes littéraires. ILS
peuvent se laisser saisir par une analyse des signaux que l’on pourrait découvrir et même décrire
en terme de linguistique textuelle.  L’horizon d’attente littéraire renvoie à toutes les questions
que l’on se pose tout au long de la lecture d’une œuvre. Implicitement, se dessine la présence
d’un type de lecteur que nous aborderons plus bas (le lecteur actif dans la perspective du critique
littéraire)

            Si l’écrivain est lui-même lecteur, il est celui-là qui interroge son œuvre et qui doit
d’abord se satisfaire de la réponse trouvée durant sa production. En écrivant son livre, il devient
ce que Jauss appelle un récepteur actif, autrement dit un producteur d’horizon d’attente littéraire.
Ainsi, pour savoir quelle question le lecteur a posé à l’œuvre, il faut tout d’abord, comme lecteur
interroger l’œuvre elle-même: quelles questions le lecteur peut-il se poser en lisant mon texte?

            C’est en étudiant les signifiances virtuelles inscrites dans l’œuvre que l’histoire de la
littérature parvient à reformuler la ou les questions originales. Mais ces signifiances virtuelles
elles mêmes ne sont saisissables qu’à partir de la connaissance de la demande de la lecture que
l’auteur a lui-même entreprise. C’est dans ce cercle hermétique qu’il définit ce qu’il appelle
horizon d’attente littéraire. Cette notion fait intervenir trois facteurs principaux:

-L’expérience préalable que le public a du genre littéraire dont relève le texte. (les exigences
classiques du drame théâtral n’offriront pas la même experience que le théâtre en tableaux par
exemple)

-La forme et la thématique d’œuvres antérieures dont l’œuvre nouvelle présuppose la


connaissance (compétences intertextuelles, trilogie, série – les Rougon Marquart par exemple-,
thématique discontinue etc).

-La dichotomie langage poétique vs langage pratique, monde imaginaire vs réalité quotidienne,
fiction vs vraisemblance.
B-Appréhension du texte
La critique littéraire est un effort de discernement qui s’applique aux œuvres des
écrivains, soit pour les juger soit pour expliquer leurs formations, structures et sens. En
littérature, la critique est le jugement, pourquoi pas la remise en question d’œuvres existantes.
On verra des auteurs qui s’auto critiquent (Pierre Corneille, les examens de ses propres
tragédies), Molière (les précieuses ridicules, la critique de l’école des femmes) pour défendre
leur art; et d’autres comme Victor Hugo qui critiquent leurs congénères. La critique n’est pas
forcement péjorative, elle peut être l’éloge du génie de l’écrivain , la reconnaissance de sa
grandeur et de son inspiration artistique.

1-Organisation du texte critique


Le discours critique est un texte second, produit à partir d’un texte premier. Seulemnt, il
existe deux catégories de textes : un ensemble de texte littéraire possédant ce qui en fait des
œuvres d’art et un ensemble de texte non littéraire ne comportant pas cet élément spécifique.
L’existence de cet élément est prouvée par notre expérience de lecteur. En effet, notre attitude de
lecture n’est pas la même, selon que nous lisons un article de journal, une correspondance privée,
ou bien un poème, une pièce dramatique ou un roman. Dans le premier type de lecture et de
texte, nous cherchons et obtenons une information que nous reconstruisons: il s’agit justement de
la déreconstruction du premier texte. Cette information s’acquiert d’autant aisément que c’est la
finalité qu’assigne l’auteur à son texte.

Le texte ordinaire est donc le texte dans le quel le sens affleure. C’est un texte
‘’transparent’’. La mise en mot du message y est d’autant plus efficace qu’elle est transitive. La
qualité première du texte ordinaire est donc la ‘’clarté’’. Sans doute est-il possible de lire un
texte littéraire au premier degré, c’est – à- dire comme un texte ordinaire. Mais cette lecture ne
peut être que celle du profane auquel la spécificité de ce qui fait d’un message verbal une œuvre
d’art échappe. Le texte littéraire ne se contente pas de produire un sens littéral ; il le double d’un
autre sens appelé le sens littéraire. Et que les formalistes nomment la connotation: nous
pouvons dire que le texte littéraire est essentiellement connoté. Les messages verbaux
connotés fonctionnent à deux niveaux sémiotiques. Les signes du premier niveau deviennent les
signifiants du second qui comportent par conséquent de nouveaux signifiés.
La critique en littérature étant l’art de juger les œuvres de l’esprit, la critique de la critique
sera la remise en question de ce qui a été critiqué. De plus, la critique peut se comprendre comme
ce qui est perceptible, fini et totalitaire et la critique de la critique un dépassement de ce caractère
clos de ce qui est perceptible afin de proposer une nouvelle compréhension du phénomène fixe.

Prenons l’exemple du proletariat dans les textes classiques. Elle est une critique du système
social en ceci qu’elle est désignée comme la dernière couche sociale et qu’elle ne saurait aspirer
à gravir l’échelon social. La critique de la critique du prolétariat serait comme un refus de la
condition fataliste que l’on attribue au prolétaire à savoir qu’il ne peut devenir autre chose dans
sa vie que pauvre, car ses parents avant lui l’étaient et il le serait également. C’est  ainsi que se
déploie la critique de la critique en remettant en cause tout ce qui est sensé être fixe et
inchangeable.

Le sens est l’enjeu de l’œuvre littéraire qui se présente ainsi comme un trésor d’essence disposé
par l’auteur et élaboré, accumulé par différents lecteurs au cours des siècles et par les lectures
culturelles. Le sens est une virtualité inscrite au sein du processus d’élaboration culturelle, au
sein de l’univers culturel. Il est un potentiel, un capital de significations. Si l’enjeu du texte est le
sens, alors le rôle du critique est de découvrir le sens caché de l’œuvre.

Pour l’analyse critique contemporaine, le sens se trouve dans la totalité du texte. C’est le
tout par la partie et la partie par le tout. La totalité du texte peut signifier soit le texte entier c’est-
à- dire l’œuvre, soit le niveau entier d’une partie de l’œuvre. Le sens est caché dans la langue,
dans les strates de la culture, dans la variété des formes de création verbales, dans les codes
culturels de l’œuvre, dans le sujet de l’œuvre, aussi bien dans les mythes cosmogoniques que
dans la vision du monde, en un mot, dans la textualité. Tout grand écrivain bâtit son œuvre à
partir des formes chargées de signification.

L’écrivain ne désigne donc pas le sens, il le camoufle dans son livre, il s’agit alors du
sens initial, primordial. Le rôle du critique est ici comparable à celui du détective. Il s’agit en
effet de traquer le sens dans tous ses retranchements textuels. Il part toujours du sens initial
déposé par l’écrivain et il accouche des sens par l’analyse critique : on dit que l’écrivain est le
géniteur du sens et le critique en est accoucheur. Par ailleurs, ce problème se complique quand il
s’agit de répondre à la question « qu’est ce que le sens ? » Pour y répondre, il faut prendre en
considération le fait que tout œuvre est phénomène du langage, qu’elle signifie. Le sens est
l’élucidation par le critique, création par lui, invention par lui, le sens consiste à transformer le
désordre de l’œuvre en ordre significatif, l’incohérence des écrits en cohérence ou en conscience.
Il transforme le tout par rapport à la vie historique et culturelle du lecteur.
2- Les influences
L'écrivain est rarement explicite. La plus grande prudence s'impose à qui veut conclure
hâtivement d'une analogie ou d’une influence. Le respect rigoureux de la chronologie, la
recherche d'intermédiaires, l'attention portée à des sources communes (noyau de l’intrigue, la
Bible, les poèmes homériques ou ossianiques, Virgile, Ovide) sont autant de règles d'or. On
attribuerait trop facilement à Milton des images qui se trouvent parfois chez Dante, et qui
peuvent venir de bien plus loin, tant est grand, avant l'heure, cet « humanisme » de Dante qu'a
étudié en 1952 Augustin Renaudet. Alors que sembène Ousmane dira n’avoir jamais lu Zola, on
s’étonnera pourtant de lire du Germinal dans Les Bouts de bois de Dieu avec une stratification
sociale presque identique, un traitement pareil de l’ouvrier dans des espaces géographiques
pourtant différents, etc. Pour les percevoir, il faut absolument mener une analyse comparée
desdits ouvrages. Certaines influences peuvent être admises pendant que d’autres sont dites par
protestation.

Jean-Louis Backès passe au crible les notions clés du comparatisme, et en particulier


celle d'influence. Il convient selon lui, d'arracher l'œuvre à sa signification monologique et le
pays récepteur (a fortiori l'écrivain récepteur) à sa passivité d'appareil d'enregistrement. Il faut
tenir compte de l'« idéologie », c'est-à-dire de ce système de représentations qu'une société se fait
d'elle-même dans ses rapports avec le réel, être défiant à l'égard de ce que Valery Larbaud, déjà,
nommait « le jeu des influences ». Le temps n'est plus où l'on pouvait reprendre le fâcheux adage
de Valéry « le lion est fait de mouton assimilé ». L'assimilation est virtuelle, fixée a priori : elle
se fait par identification quand le texte reproduit purement et simplement l'idéologie dominante,
ou bien elle est impossible parce que le texte détruit par son travail propre les éléments qu'il
contient et que l'influence se fait, comme le disait André Gide, « par protestation » : l'élément
repris est soumis à un nouveau traitement qui en modifie le sens, non pas en référence à la
totalité d'une œuvre nouvelle, mais dans le mouvement de destruction du sens hérité. Le cas le
plus pur de l'« influence par protestation » est sans doute la parodie. Un tel travail sur le texte
dans le texte est particulièrement net chez Brecht. Dans La Résistible ascension d'Arturo Ui, le
dramaturge allemand a voulu obtenir un effet de « double distanciation ». D'une part il y a
transposition de l'aventure de Hitler dans le Chicago d'Al Capone, mais d'autre part, c’est
l’exposition des formes classiques. C’est le cas de la scène dans le jardin de Marthe Schwertlein
(où Faust rencontre Marguerite, dans Le Premier Faust de Goethe) ou celle où le duc de
Gloucester demande la main de Lady Ann (dans le Richard III de Shakespeare). En réduisant
l'étincelante joute verbale à « une très grossière flatterie » IL a cherché à mettre en valeur la
toute-puissance des intérêts d'argent. La ferveur n'exclut pas ce jeu avec l'autre texte, conscient
ou inconscient.

Deuxième partie : L’acte de lecture


L’acte de lire met toujours en présence deux types de personnes : l’auteur et le lecteur. Le
contact de ces deux êtres entraîne toujours une réflexion qui peut aboutir quelquefois à de
publications. E (M1) R. (M2)
R reçoit, analyse, juge, explique etc. Il y a ainsi à son niveau la publication d’un message M2
différent du M1 qui est une œuvre de création. M2 c’est le message crée à partir d’un autre
message existant déjà. Si M1 n’existe pas, M2 ne peut exister. L’existence de M2 est
conditionnée par l’existence de M1.

B- L’acte de lire selon Iser

Selon Jean Paul « la lecture semble la synthèse de la perception et de la creation.» on mesure
ainsi l’égard esthétique entre l’univers du texte et celui de sa lecture. Cette distance en effet peut
entraîner un changement d’horizon. Car, marqué par le temps, une œuvre peut avoir plusieurs
cibles tout en trascendant les époques. Cette dynamique de l’œuvre est surtout portée par les
lecteurs. On note deux types de lecture dont l'opposition repose sur la plus pure binarité : ce sont
la lecture en progression et la lecture en compréhension, deux façons de lire qu'on dit aussi
superficielle et profonde, référentielle et critique. La première est rapide, oralisée et naïve, la
seconde est lente, muette et érudite. Penchons-nous sur le lecteur implicite.

1-le lecteur implicite

Le concept de lecteur implicite ou impliqué est emprunté à la rhétoric and fiction de


boeth (1963). C’est l’image du lecteur que l’écrivain construit à travers son texte. Il s’agit
préstructuration de la lecture contenue dans le texte. Le discours de la fiction est ici
décontextualisé, c’est-à-dire qu’il est privé de la situation référentielle qui est celle du langage
naturel. Dans L’acte de lecture ( 1985), Wolfgang Iser formule des constats similaires. Selon lui,
la fiction n’a pas de référence et existe, par là-même, dans le seul rapport qu’entretient le lecteur
avec le texte. Plutôt que de porter sur les interprétations historiques proposées par des lectorats
successifs, sa théorie de l’effet propose d’étudier l’action esthétique, en dégageant l’œuvre de
toute conception essentialiste : « dans la mesure où le texte de fiction existe par l’effet qu’il
provoque en nous, la signification est engendrée par une action vécue ou un effet consommé, et
non pas une idée préexistante à l’œuvre et que celle-ci incarnerait »2 Pour éviter le piège du
subjectivisme absolu – « l’illusion affective » –, la théorie de l’effet repose sur un concept clé,
celui du lecteur implicite, qui est la « structure du lecteur inscrite dans le texte », « modèle
transcendantal qui permet d’expliquer comment le texte de fiction produit un effet et acquiert un
sens »3. Le lecteur implicite d’Iser est, en effet, une abstraction construite par le texte, une
contrainte imposée au lecteur empirique, réel, à laquelle il peut soit adhérer ou résister, en
acceptant son rôle dans la structure de l’œuvre, ou en s’inscrivant à rebours de celui-ci.

De ce lecteur implicite, on peut rapprocher le lecteur modèle théorisé par Umberto Eco
dans Lector in fabula, suivant une démarche inspirée de la sémiotique et de la pragmatique
littéraire. Partant de l’idée qu’ un texte est un produit dont le sort interprétatif doit faire partie de
son propre mécanisme génératif , il en fait, tout comme Iser, une stratégie discursive du texte,
mais qui découlerait cependant de l’intention de l’auteur empirique ; sur ce point, les théories
diffèrent. Pour Umberto Eco, en effet, « l’auteur présuppose la compétence de son Lecteur
Modèle et en même temps […] l’institue », tandis que pour Iser, le lecteur implicite demeure
« un modèle transcendantal qui permet d’expliquer comment le texte de fiction produit un effet
et acquiert un sens ». La « compétence encyclopédique » dont parle Eco – notion parente de celle
d’horizon d’attente chez Jauss, et correspondant à celle de « répertoire » chez Iser – complète sa
théorie, en constituant un ensemble de savoirs et de références communs à l’auteur et à son
lecteur modèle, que ce dernier serait ainsi virtuellement en mesure de déchiffrer et d’actualiser.

2-le pôle texte vs le pôle lecteur

La situation de dialogue avec le lecteur est créée et maintenue dans et par le texte grâce à
un certain nombre de rapports qui s'instaurent d'une part avec l'extérieur du texte et, d'autre part,
à l'intérieur de ce même texte, et grâce aussi aux « stratégies textuelles » qui permettent
d'organiser ces rapports. Les rapports externes constituent le «  répertoire textuel ». Le répertoire
renvoie grosso modo au contexte socio-culturel. IL comprend deux classes d’éléments: les

2
P.51.
3
P.70.
références au contexte historique et social et les allusions littéraires.  Le répertoire représente la
composante du texte où l'immanence du texte est transgressée. IL s'agit d'une réalité extra-
textuelle connue. Le texte ne reproduit pas cette réalité ; il ne se présente pas non plus comme en
étant une déviation, mais il oriente la visée vers des systèmes signifiants reconnus, des normes en
vigueur, opère des sélections et réagit aux éléments sélectionnés par lui dans cette réalité extra-
textuelle. Les réactions peuvent être destinées soit à démasquer des déficiences de certains
modèles normatifs, soit, au contraire, à réhabiliter des structures antérieurement dominantes. Le
répertoire textuel établit ainsi, par la sélection et la répétition de schémas connus, un horizon qui
tient lieu de cadre entre texte et lecteur.

Concernant ces relations avec le contexte socio-culturel, le texte entretient, par


l'intermédiaire de ses stratégies (ou procédures) textuelles, un rapport de type dialectique que
W. Iser définit par les termes de premier plan et arrière-plan. L'élément sélectionné se trouve
placé dans un premier plan et le contexte dans lequel il se trouvait à l'origine forme désormais un
arrière-plan. Par la sélection, l'élément ainsi situé au premier plan acquiert une valeur qu'il n'avait
pas dans la réalité extra-textuelle d'où le texte l'a extrait. La mise en premier plan opère en même
temps un rappel et une transformation de l'arrière-plan, modification qui, à son tour, incite à
porter un regard nouveau sur l'élément sélectionné. C'est ainsi que le rapport entre premier plan
et arrière-plan devient dialectique et que naît une tension qui ne disparaîtra qu'avec la production
de l'objet esthétique. Les éléments qui entrent dans le texte entretiennent également des rapports
entre eux. Ce sont les rapports internes du texte et alors, une opération de combinaison permet la
synthèse des éléments sélectionnés. On retrouve ici les deux axes de la sélection et de la
combinaison dont parle R. Jakobson définissant la fonction poétique. Combinaison et
organisation intertextuelle sont guidées par les perspectives textuelles (action, personnages, etc..)
et par le jeu de ces dernières produisant une constellation de points de vue. C'est cette
constellation constituant le cadre d'une combinaison possible des éléments sélectionnés; elle
possède une structure précise définie par les concepts de thème et horizon. La structure rend
possible l'harmonisation des perspectives diverses

Le lecteur n'est pas en mesure d'occuper les champs de toutes les perspectives à la fois.
Ce sur quoi il s'arrête à un moment donné devient pour lui thème. Mais ce dernier se trouve
toujours devant un horizon constitué par les segments antérieurs. Tout au long du processus de
lecture, les divers segments servent tantôt de thème, tantôt d'horizon. Ainsi les rapports internes
sont réglés par cette structure et c'est de ce réseau de relations que peut naître l'objet esthétique .
Il s'agit ici d'analyser les phénomènes - essentiellement d'ordre psychologique - qui se produisent
dans la conscience du lecteur (recevant) et le travail d'élaboration fourni par ce dernier pour le
conduire à une compréhension du texte (interpretation). Les caractéristiques de la situation de
lecteur et de l'acte créatif aboutissant à la concrétisation dont nous avons fait mention au début de
notre exposé peuvent être résumées dans les quatre propositions suivantes:

-le lecteur a un « point de vue mobile » déclenchant attente et souvenir;


-les groupements auxquels il procède sont des Gestalten ( la conception);
-il lit le texte comme un vécu (donc parfois bien connu);
-les synthèses qu'il effectue sont « passives » et ont le caractère d’images.
Lire c'est être en quelque sorte dans l'objet qu'il s'agit d'appréhender, c'est avoir un regard
se déplaçant à l'intérieur du texte, ce qui en même temps définit un certain type de rapport entre
texte et lecteur. Or l'activité de synthèse exercée par le lecteur n'a pas lieu lors d'étapes bien
déterminées de la lecture, mais à tout instant, à tout déplacement du point de vue. Les phrases
annoncent en effet un devenir et mettent ainsi en marche un processus. Elles provoquent une
attente, un phénomène d'anticipation responsable de prévisions, lesquelles se verront confirmées
ou modifiées ou infirmées et déçues. Modifications et déceptions inviteront à revenir au point de
départ, à l'instant précédent. Quoi qu'il en soit, ce qui a été lu et qui a fait naître une attente,
déçue ou non par la suite, prendra place dans le souvenir dès que commence une autre séquence.
A son tour, une nouvelle série de phrases peut rappeler ce qui avait été confié au souvenir et qui
entre ainsi dans de nouvelles relations. Le rappel est susceptible de modifier à la fois l'attente et
les éléments du souvenir eux-mêmes et c'est ainsi qu'au cours de la lecture, éléments d'attente et
souvenirs agissent en permanence les uns sur les autres. Empruntant à Husser le terme de «
protention » (attente), Iser trouve que « chaque instant de la lecture représente une dialectique
entre protention et rétention ». Le point de vue du lecteur ou son regard est déterminé par ces
deux pôles.

3-L’interaction des deux poles

Les considérations de Wolgang Iser sur la question peuvent être résumées dans la


proposition suivante: par l'intermédiaire des trous (Leerstellen) et des négations du texte,
l'activité d'élaboration qui résulte de l'asymétrie existant entre texte et lecteur s'exerce dans une
structure précise qui guide le processus d'interaction. En réalité, ces considérations ne font que
reprendre dans une large mesure et affiner les analyses précédentes et on pourrait, de ce fait, ne
pas en faire mention si n'intervenaient deux concepts dont nous devons maintenant rendre
compte: le concept de « trou » et celui de negation.  L'asymétrie  entre texte et lecteur se
manifeste dans le manque d'une situation commune et de données concernant un cadre
relationnel commun. Ce manque est en fait un stimulus. Il représente un vide servant de moteur à
la communication, de « matrice élémentaire » à l'interaction entre texte et lecteur. il se manifeste
par un certain nombre de « trous » représentant autant de points d'incertitude pour le lecteur et
qui apparaissent aux deux niveaux du texte: celui du répertoire et celui des stratégies. Le fait
d'extraire des éléments socio-culturels (faits ou normes sociaux ou littéraires) de leur contexte
habituel, de les « dépragmatiser » comme dit W. Iser, crée un vide. Il en va de même en ce qui
concerne les stratégies textuelles, les perspectives :  il s'agit, tout au long du processus de lecture,
d'établir le lien entre les différents segments d'une même perspective et entre les segments de
perspectives différentes. Ainsi la fonction des trous consiste à être en quelque sorte des
« articulations  ou « charnières » du texte. Partout où des segments du texte se trouvent
brusquement rapprochés et où une suite est interrompue, existent des trous qui ont pour fonction
de signaler une nécessité d'établir un réseau de relations afin de parvenir à la constitution d'une
cohérence textuelle, ou d'un « archisème ». Il s'agit donc de mettre en œuvre l'activité du lecteur
qui va combler les vides par les projections de sa représentation, exerçant, de manière plus
précise, non pas un travail de complément (Komplettierung) mais de combinaison
(Kombination). Cette fonction essentielle des trous s'accompagne de fonctions que Ton pourrait
qualifier de secondaires et qui sont d'ordre didactique, esthétique ou même purement commercial
(romans à épisodes).

Si les trous ont pour effet de signaler la nécessité d'établir des relations entre segments et
d'opérer les déplacements du point de vue du lecteur, on peut dire qu'ils organisent l'axe
syntagmatique de la lecture. Mais cela ne renseigne pas sur la sélection des éléments qui se
réalise sur l'axe paradigmatique. On dira que c'est une opération de négation qui engendre un
vide sur l'axe paradigmatique et que le vide ainsi créé est à la base du travail de création de la
lecture. La négation dont il est question ici a un double aspect. Au niveau du répertoire textuel,
nous avons vu que le fait de « dépragmatiser » certaines normes donnait au lecteur la possibilité
d'en prendre conscience. La prise de conscience est encore plus grande quand la valeur des
normes sélectionnées dans le répertoire textuel se trouve niée. Le connu se présente alors au
lecteur comme étant dépassé et W. Iser ajoute que la négation situe ainsi le lecteur entre un « Ne
plus » (Nicht-Mehr) et un « Pas encore ». Nous avons d'autre part noté que le jeu des
perspectives internes avait pour conséquence de modifier en permanence la structure que Iser
définit par les termes de thème et horizon. Nous savons en effet que, lorsqu'un segment cesse
d'être thème, se produit un vide qui va être la condition de la transformation de ce même segment
en horizon. Si les segments qui, lors de la lecture, se trouvent dans le rapport thème/horizon sont
eux-mêmes placés sous le signe de la négation, d'autres trous apparaissent. Ils ont un effet
restrictif sur les combinaisons possibles et donc sélectif pour la constitution d'une image et d'un
sens. On peut donc affirmer que la négation a un double effet dans la mesure où elle provoque
des tous qui concernent plus spécifiquement le texte ou la representation . Il faut dire que c'est
l'addition de ces deux types de trous qui permet à l'interaction entre texte et lecteur de se
développer.

B-le lecteur modèle selon Umberto Eco


Chaque destinataire se trouvant confronté à un texte, se retrouve ainsi confronté en premier
lieu à sa surface, à sa manifestation extérieure et linguistique, et doit actualiser toute une série de
chaînes d’artifices. Puisqu’il est à actualiser, un texte est donc incomplet pour deux raisons :

-la première, évidente, est qu’il fait référence à un code : un terme est considéré comme « flatus
vocis » dans la mesure où il n’est pas mis en relation avec son contenu en référence à un code
donné. Le destinataire doit donc posséder une compétence grammaticale dans le but d’actualiser
le message.

-la seconde est que le texte représente un « tissu de non-dit » : « non-dit », explique umberto
Eco, « signifie non manifesté en surface, au niveau de l’expression » . C’est justement ce « non-
dit » qui demande à être actualisé. Pour permettre ladite actualisation, le lecteur doit produire une
série de mouvements coopératifs et conscients. Il devra alors mobiliser une série de mouvements
coopératifs pour en actualiser le contenu et ainsi admettre que l’ecrivain s’adresse
nécessairement au lecteur. Un des mouvements qui sera incontestablement mobilisé est celui de
l’encyclopédie du lecteur : par exemple dans le syntagme « tu es revenu » le lecteur comprendra
par son encyclopédie qu’il y aura eu un éloignement antérieur. Le texte est donc rempli
d’espaces blancs, et l’émetteur qui a prévu que ces vides seraient remplis, les a laissés pour deux
raisons : une raison stylistique  (en évitant les répétitions, les redondances, les spécifications, le
texte évite la complication et la lourdeur) et l’autre esthétique (le texte doit laisser une initiative
d’interprétations au lecteur). On comprend donc que la présence du destinataire est une condition
indispensable au texte pour en dégager sa signification  ( un texte est émis pour quelqu’un
capable de l’actualiser, le critique, le lecteur actif).
1-le non-dit
Le non-dit est à la littérature ce que le silence est à la musique. Ce n'est pas un hasard si
la rhétorique classique a catégorisé les degrés de densité expressive (et aussi leur absence): ils
vont de l'hyperbole à la litote, de la répétition àl'ellipse, de la redondance à la prétérition, de
l'allusion à l'aposiopèse,etc. Mais il y a également le présupposé, l'insinuation, la suggestion, qui
entrent à leur tour en lice, et il faut reconnaître que le non est plus qu'un jeu: ne peut-il pas
exprimer, dans certains cas, l'indicible même?

Chaque fois que nous parlons ou écrivons, il y a une grande part d’implicite dans ce que
nous disons. L’implicite est le sens non dit de l’énoncé. Lorsqu’on dit: Quand Dove ose la beauté
vraie… il n’est nulle part dit dans l’énoncé que Dove ou personne n’avait jamais présenté la
beauté vraie, mais on le comprend ainsi. Traditionnellement, on distingue deux types
d’implicites : les présupposés et les sous-entendus. Le présupposé est le sens inscrit dans
l’énoncé, celui sans lequel l’énoncé ne tient pas. Dans le fameux exemple « mon père ne fume
plus », si mon père ne fumait pas, pourquoi dire qu’il ne fume plus ? Si je n’ai pas de père (en
supposant que c’est possible), pourquoi parler de mon père ? Le présupposé est d’abord admis
pour que l’énoncé puisse connaître sa félicité. La véracité ou non de l’énoncé n’engage pas le
présupposé. Que mon père ne fume effectivement plus ou qu’il continue à le faire ne change rien
aux présupposés (j’ai un père – il fumait). Certains mots et certains temps marquent facilement
leur implicite : plus, encore, déjà, l’imparfait… La publicité de Dove présuppose une beauté
vraie à côté d’une beauté fausse, artificielle.

Le sous-entendu est plus contextuel. Son interprétation est fonction de la culture. Certains
disent d’ailleurs que c’est lui le véritable présupposé. Dove ose la beauté vraie sous-entend qu’il
n’est pas aisé de présenter la beauté vraie, que très souvent la beauté présentée est artificielle et,
à partir des femmes rondes présentées dans l’affiche, que la vraie beauté est dans la rondeur. Ce
n’est pas dit, c’est sous entendu. « Mon père ne fume plus » sous-entend qu’il est en forme, il est
devenu plus consciencieux, c’est un nouvel homme… tout dépend du contexte.

2-le travail du lecteur: texte fermé et texte ouvert


L’œuvre littéraire est chargée d’une énergie littéraire : chez le lecteur passif, cette énergie se
dégrade, alors que chez le lecteur actif, cette énergie va féconder l’imagination créatrice et
susciter une œuvre nouvelle. Pour Starobinski, ce lecteur qui occupe dans certains cas, le rôle de
« producteur, imitant ou réinterprétant, de façon polémique, une œuvre antécédente » est un
critique. Toujours selon Starobinski, le critique serait ce lecteur actif qui « répond à une tradition
en produisant des œuvres nouvelles. »

Auteur (second auteur)


Lecteur actif
Critique (du texte premier)
Dès qu’un auteur a livré son livre au public, il n’a plus rien à dire. Le critique s’en empare et dit
ce qu’il veut, et qui d’après lui, pourrait permettre une meilleure compréhension de l’auteur et /
ou de son œuvre. En le faisant, le critique va souvent au-delà de ce que veut dire l’auteur et
même fait souvent dire à l’auteur ce qu’il n’a pas voulu dire.

« Le texte fermé est conçu pour un lecteur très défini, dans l’intention de diriger d’une manière
répressive la coopération. » Dans ce type de texte, nous comprenons donc que l’auteur va cerner
avec précision son lecteur modèle, selon qu’il s’agisse d’un enfant, d’un sportif, d’un médecin,
d’un historien…Il se fixe ce que Eco va appeler une « cible », et fera en sorte que chaque terme
soit compris de son lecteur. Mais Eco nous précise qu’il arrive que les prévisions de l’auteur
concernant les compétences de son lecteur soient insuffisantes ou que la cible soit différente.
Tout texte reste donc pour lui un texte ouvert.

Umberto Eco parle du texte ouvert comme « libre aventure interprétative » . Parmi toutes
les interprétations possibles, il fera en sorte que chacune d’elles soient en relation avec les autres
dans le but de les renforcer mutuellement. Il insiste sur le fait que nous devons faire la distinction
entre « l’utilisation libre d’un texte » qui fait appel à notre imagination, et l’interprétation d’un
texte ouvert. Reprenons l’exemple de l’auteur : lire l’Odyssée comme si elle était postérieure à
l’Enéide est un exemple d’utilisation libre d’un texte. De même, concevoir l’Etranger de Camus
comme une autobiographie, est un détournement du texte. Même si la chaîne des interprétations
est infinie, l’univers du discours intervient pour limiter l’encyclopédie du lecteur. Utiliser
librement un texte revient donc à en élargir l’univers de discours.

3-Lecteur empirique vs auteur empirique


Dans un contexte de messages à fonction référentielle, nous pouvons facilement repérer
la présence de l’Émetteur et du Destinataire grâce à des traces grammaticales. Mais dans le cas
de textes réservés à une large audience (romans, discours,), l’Émetteur et le Destinataire ne
seront plus considérés comme des pôles de l’acte d’énonciation et Umberto Eco va alors parler
de rôles actanciels de l’énoncé. On va pouvoir ainsi repérer l’auteur comme un style
reconnaissable : soit par la présence du « je + Verbe » : on aura alors un sujet qui accomplit tel
ou tel acte, soit par l’intervention d’un sujet étranger à l’énoncé mais présent puisqu’il va agir sur
le tissu textuel. Eco nous parle ici du « fantôme de l’Émetteur ». L’intervention du sujet locuteur,
qui va se manifester par ces marques, va alors immédiatement entraîner l’activation d’un Lecteur
Modèle, qui lui se définira selon le type d’opérations interprétatives qu’il sera censé accomplir :
remettre en parallèle les trames, reconnaître des similitudes…

Umberto Eco dit donc que nous nous trouvons face à une double situation. Voici un tableau
résumant cette dualité:

Auteur empirique Lecteur empirique

Il formule des hypothèses de Lecteur Modèle. En étant sujet des actes de coopération, il
En utilisant cette stratégie textuelle, il se crée formule lui aussi des hypothèses d’Auteur
lui-même auteur-sujet de l’énoncé, avec Modèle, qu’il va déduire des stratégies.
autant de stratégies

Eco nous alors en garde en ce qui concerne la coopération textuelle : celle-ci va


s’appliquer entre ces stratégies et non entre les sujets. Par exemple, l’auteur peut employer
involontairement un terme contenant une connotation. Lors de la publication de Lector in
Fabula, le Caucase n’étant encore pas éclaté, en utilisant le terme « russe » à la place de
« soviétique » (en rapport à l’URSS qui portait encore ce nom), on a ici une connotation
idéologique. En effet, le terme « russe » faisant allusion à l’ancienne Russie des Tsars peut être
discriminatoire dans certaines situations, et le lecteur peut ainsi y voir une connotation
idéologique, sans que pour autant l’auteur soit antisoviétique. Il peut donc attribuer cette
intention à son Auteur Modèle mais en aucun cas à l’auteur empirique : « la coopération textuelle
est un phénomène qui se réalise, (…), entre deux stratégies discursives et non pas entre deux
sujets individuels. » .

Puisque nous savons que les codes de l’Émetteur différent de ceux du Destinataire, le
lecteur empirique, pour devenir Lecteur Modèle, doit s’approprier les codes de l’émetteur. Il
pourra être en mesure de reconnaître une encyclopédie et une culture plus restreinte de la part de
l’auteur. Le texte, indépendamment des intentions de l’auteur, va nous apprendre des choses sur
sa personnalité ou ses origines sociales, ce que Eco appelle les structures idéologiques. La
configuration de l’Auteur Modèle va se faire par l’intermédiaire de traces textuelles, et elle va
faire ainsi ressortir l’univers qui se cache derrière le texte. Nous devons nous représenter
l’Auteur Modèle en tant que stratégie textuelle (dans le sens où celui-ci se posera la question :
« qu’est ce que je veux faire de ce texte ? ») et non comme un sujet voulant dire des choses à son
lecteur.

-Conclusion
La place de la théorie de la réception dans la critique et la théorie littéraires est aujourd'hui
très importante. II suffit pour s'en convaincre de feuilleter les bibliographies et les tables des
matières des revues littéraires. Le monde francophone s'est intéressé assez tardivement à la
théorie de la réception. Cela tient sans doute au fait qu'elle doit beaucoup à l'herméneutique
allemande moderne et que celle-ci est malheureusement difficile d'accès étant donné l'absence de
traductions françaises et la qualité contestable de celles qui existent. Les tenants mêmes de la
théorie de la réception reconnaissent les carences et les faiblesses des différents modèles. La
notion de "lecteur implicite" proposé par Iser offre un énorme avantage théorique par rapport aux
autres conceptions du lecteur. Mais cette notion se dérobe à l'usage et son application fait
problème. La principale difficulté est qu'une lecture qui fait intervenir le "lecteur implicite" peut
rapidement devenir normative et prescriptive en raison de l'interférence du "répertoire" propre au
critique biographique. Par ailleurs, le principe de négation proposé par Jauss comme critère de la
valeur esthétique ne tient pas compte de certaines "grandes" œuvres de caractère affirmatif,
notamment certaines œuvres médiévales. Qui plus est, ce principe attire l'attention sur le
problème non résolu de l'évaluation et de la formation des canons, même si l'on admet que Jauss
a magistralement démontré que les valeurs et les comportements esthétiques et sociaux font
l'objet d'une réorganisation synchronique et diachronique. J. P. Tompkins souligne à juste titre la
nécessité de s'attacher davantage aux œuvres non canoniques, y compris aux genres dits
populaires, et d'étudier plus attentivement, d'une part, les mécanismes d'institutionnalisation et,
d'autre part, le public des lecteurs.

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