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SEMESTRE 1
698028835 / 653235831
RÉCEPTION CRITIQUE DURÉE: 50H
OBJECTIFS GÉNÉRAUX:
L’étudiant saura mener une étude comparée des lectorats et comprendre l’interaction
texte/lecteur
OBJECTIFS SPÉCIFIQUES:
- Lecture critique de la critique
-Etude du texte critique comme genre littéraire
- Examen du discours critique
- Identification de la réaction du lecteur (dé-reconstruction du texte)
PROGRESSION DU COURS
TD : 2h
SOURCES DOCUMENTAIRES :
Austin Jean-Louis, Quand dire c’est faire, Paris, Seuil, Coll. « Points Essais », 1970.
Bourdieu Pierre, ce que parler veut dire, Paris, Fayard, 1982.
Bellemin Noël, Vers l’inconscient du texte, Paris, Quadrige, 1996
Ducrot Oswald, Todorov Tzvetan, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris,
Seuil, 1972.
Escarpit Robert, Le littéraire et le social ; Eléments pour une sociologie de la littérature, Paris,
Flammarion, 1970
Riffaterre Michael, La production du texte, Paris, Seuil, 1979.
SOMMAIRE
PROGRESSION DU COURS
SOURCES DOCUMENTAIRES :
SOMMAIRE
INTRODUCTION ……………………………………………………………………..……...
Première partie : La réception du texte littéraire
Les théories modernes de la réception sont nées en réaction à la crise dans laquelle se
trouvait l'institution littéraire — sinon l'institution académique dans son ensemble — à la fin des
années soixante. Elles ont alors fait éclater la notion traditionnelle d'"histoire de la littérature" et
proposé de nouvelles bases pour l'étude des œuvres. Contrairement à la quête traditionnelle d'un
sens supposé être caché dans le texte, la phénoménologie de la lecture décrit en effet la
constitution du sens comme une expérience résultant de l'interaction entre texte et lecteur à
travers le processus entier de la lecture. L'œuvre, définie comme un "principe vide", naît de
l'activité et de la participation du lecteur en réponse aux indéterminations du texte.
Le texte littéraire, après sa production, est généralement reçu par la critique, entendue
comme l’ensemble de ceux qui jugent les œuvres de l’esprit. Si pour Jean Paul Sartres, le texte
est un acte social qui engage, on peut à juste titre dire que le texte consiste en l’examen des
modalités, des voies et des médiations par lesquelles le discours de la société se réinjecte. Il faut
identifier, localiser tout ce qui est écho peut-être du discours social, étudier les déformations
opérées, puis analyser les effets produits par le montage, les transcriptions, des inserts, des
paroles recueillies ou citées, tout cela se rapportant à un imaginaire quelconque.
1
Sociologie de la littérature, Que sais-je, P.U.F, 8ème Ed. 1992. P.12.
vue par l’écrivain au travers de son tempérament. Jauss précise ce qu’il entend théoriquement par
horizon d’attente social : « la disposition d’esprit ou le code esthétique des lecteurs qui
conditionne la réception ». L’effet que produit l’œuvre est fonction de l’œuvre elle-même et la
réception est déterminée par le destinataire de l’œuvre afin de comprendre la relation entre texte
et lecteur comme un procès établissant un rapport entre l’horizon d’attente sociale et l’horizon
d’attente littéraire. Le sens du texte peut être ainsi saisi à partir de ce que le lecteur possède
comme connaissance historique et sociétale de son milieu de vie. Selon Jauss, l’esthétique de la
réception ne permet pas seulement de saisir le sens et la forme de l’œuvre littéraire tels qu’ils ont
été compris de façon révolutive à travers l’histoire. Elle exige aussi que chaque œuvre soit placée
dans le série littéraire dont elle fait partie afin qu’on puisse déterminer sa situation historique,
son rôle et son importance dans le contexte général de l’expérience littéraire. Ainsi, le concept
d’horizon d’attente constitue une des notions clés de l’esthétique de la réception mais il ne doit
cependant pas être perçu comme une forme de terminisme figé. Jauss conçoit cet horizon
d’attente comme un code esthétique des lecteurs : tout lecteur doit mobiliser des savoirs
culturels, des connaissances du genre, une familiarité avec la forme et le thème, tout élément à sa
disposition qu’il est prêt à réinvestir dans le texte pour mieux le comprendre. Dans le cas d’une
œuvre d’art, la prise en compte de cet horizon d’attente apparait comme essentiel car dès son
origine « l’œuvre est reçue et jugée non seulement par contraste avec un arrière-plan d’autres
formes artistiques, mais aussi en rapport à l’arrière-plan de l’expérience de la vie quotidienne.
La composante éthique de sa fonction sociale doit être elle aussi appréhender par l’esthétique de
la réception en terme de questions et de réponses, de problème et de solutions tels qu’ils se
présentent dans le contexte historique en fonction de l’horizon où s’inscrit son action.
Jauss propose de reconstituer l’horizon de la question et de la réponse ayant dans les
perspectives propres à l’histoire , déterminé du côté de la réception les changements survenues
dans son intelligence et provoqué du côté de la production critique la substitution d’une nouvelle
image de l’œuvre, d’une nouvelle réponse, à celle dont on ne se satisfaisait plus. Le lecteur, en
fonction de son époque, pourrait se poser des questions différentes de celles que se sont posées
les lecteurs de l’époque de production du texte, ou alors, à partir de concepts opératoires
différents, arriver à de résultats quasi différents. En d’autres termes, si l’on suit la démarche
herméneutique qu’il propose, il s’agit de savoir quelle question le lecteur a posé à l’œuvre à un
moment donné de l’histoire. Pour arriver à la formuler, on doit tenir compte des signifiances
virtuelles contenues dans l’œuvre, ce qu’il nomme en réalité horizons d’attentes littéraires. ILS
peuvent se laisser saisir par une analyse des signaux que l’on pourrait découvrir et même décrire
en terme de linguistique textuelle. L’horizon d’attente littéraire renvoie à toutes les questions
que l’on se pose tout au long de la lecture d’une œuvre. Implicitement, se dessine la présence
d’un type de lecteur que nous aborderons plus bas (le lecteur actif dans la perspective du critique
littéraire)
Si l’écrivain est lui-même lecteur, il est celui-là qui interroge son œuvre et qui doit
d’abord se satisfaire de la réponse trouvée durant sa production. En écrivant son livre, il devient
ce que Jauss appelle un récepteur actif, autrement dit un producteur d’horizon d’attente littéraire.
Ainsi, pour savoir quelle question le lecteur a posé à l’œuvre, il faut tout d’abord, comme lecteur
interroger l’œuvre elle-même: quelles questions le lecteur peut-il se poser en lisant mon texte?
C’est en étudiant les signifiances virtuelles inscrites dans l’œuvre que l’histoire de la
littérature parvient à reformuler la ou les questions originales. Mais ces signifiances virtuelles
elles mêmes ne sont saisissables qu’à partir de la connaissance de la demande de la lecture que
l’auteur a lui-même entreprise. C’est dans ce cercle hermétique qu’il définit ce qu’il appelle
horizon d’attente littéraire. Cette notion fait intervenir trois facteurs principaux:
-L’expérience préalable que le public a du genre littéraire dont relève le texte. (les exigences
classiques du drame théâtral n’offriront pas la même experience que le théâtre en tableaux par
exemple)
-La dichotomie langage poétique vs langage pratique, monde imaginaire vs réalité quotidienne,
fiction vs vraisemblance.
B-Appréhension du texte
La critique littéraire est un effort de discernement qui s’applique aux œuvres des
écrivains, soit pour les juger soit pour expliquer leurs formations, structures et sens. En
littérature, la critique est le jugement, pourquoi pas la remise en question d’œuvres existantes.
On verra des auteurs qui s’auto critiquent (Pierre Corneille, les examens de ses propres
tragédies), Molière (les précieuses ridicules, la critique de l’école des femmes) pour défendre
leur art; et d’autres comme Victor Hugo qui critiquent leurs congénères. La critique n’est pas
forcement péjorative, elle peut être l’éloge du génie de l’écrivain , la reconnaissance de sa
grandeur et de son inspiration artistique.
Le texte ordinaire est donc le texte dans le quel le sens affleure. C’est un texte
‘’transparent’’. La mise en mot du message y est d’autant plus efficace qu’elle est transitive. La
qualité première du texte ordinaire est donc la ‘’clarté’’. Sans doute est-il possible de lire un
texte littéraire au premier degré, c’est – à- dire comme un texte ordinaire. Mais cette lecture ne
peut être que celle du profane auquel la spécificité de ce qui fait d’un message verbal une œuvre
d’art échappe. Le texte littéraire ne se contente pas de produire un sens littéral ; il le double d’un
autre sens appelé le sens littéraire. Et que les formalistes nomment la connotation: nous
pouvons dire que le texte littéraire est essentiellement connoté. Les messages verbaux
connotés fonctionnent à deux niveaux sémiotiques. Les signes du premier niveau deviennent les
signifiants du second qui comportent par conséquent de nouveaux signifiés.
La critique en littérature étant l’art de juger les œuvres de l’esprit, la critique de la critique
sera la remise en question de ce qui a été critiqué. De plus, la critique peut se comprendre comme
ce qui est perceptible, fini et totalitaire et la critique de la critique un dépassement de ce caractère
clos de ce qui est perceptible afin de proposer une nouvelle compréhension du phénomène fixe.
Prenons l’exemple du proletariat dans les textes classiques. Elle est une critique du système
social en ceci qu’elle est désignée comme la dernière couche sociale et qu’elle ne saurait aspirer
à gravir l’échelon social. La critique de la critique du prolétariat serait comme un refus de la
condition fataliste que l’on attribue au prolétaire à savoir qu’il ne peut devenir autre chose dans
sa vie que pauvre, car ses parents avant lui l’étaient et il le serait également. C’est ainsi que se
déploie la critique de la critique en remettant en cause tout ce qui est sensé être fixe et
inchangeable.
Le sens est l’enjeu de l’œuvre littéraire qui se présente ainsi comme un trésor d’essence disposé
par l’auteur et élaboré, accumulé par différents lecteurs au cours des siècles et par les lectures
culturelles. Le sens est une virtualité inscrite au sein du processus d’élaboration culturelle, au
sein de l’univers culturel. Il est un potentiel, un capital de significations. Si l’enjeu du texte est le
sens, alors le rôle du critique est de découvrir le sens caché de l’œuvre.
Pour l’analyse critique contemporaine, le sens se trouve dans la totalité du texte. C’est le
tout par la partie et la partie par le tout. La totalité du texte peut signifier soit le texte entier c’est-
à- dire l’œuvre, soit le niveau entier d’une partie de l’œuvre. Le sens est caché dans la langue,
dans les strates de la culture, dans la variété des formes de création verbales, dans les codes
culturels de l’œuvre, dans le sujet de l’œuvre, aussi bien dans les mythes cosmogoniques que
dans la vision du monde, en un mot, dans la textualité. Tout grand écrivain bâtit son œuvre à
partir des formes chargées de signification.
L’écrivain ne désigne donc pas le sens, il le camoufle dans son livre, il s’agit alors du
sens initial, primordial. Le rôle du critique est ici comparable à celui du détective. Il s’agit en
effet de traquer le sens dans tous ses retranchements textuels. Il part toujours du sens initial
déposé par l’écrivain et il accouche des sens par l’analyse critique : on dit que l’écrivain est le
géniteur du sens et le critique en est accoucheur. Par ailleurs, ce problème se complique quand il
s’agit de répondre à la question « qu’est ce que le sens ? » Pour y répondre, il faut prendre en
considération le fait que tout œuvre est phénomène du langage, qu’elle signifie. Le sens est
l’élucidation par le critique, création par lui, invention par lui, le sens consiste à transformer le
désordre de l’œuvre en ordre significatif, l’incohérence des écrits en cohérence ou en conscience.
Il transforme le tout par rapport à la vie historique et culturelle du lecteur.
2- Les influences
L'écrivain est rarement explicite. La plus grande prudence s'impose à qui veut conclure
hâtivement d'une analogie ou d’une influence. Le respect rigoureux de la chronologie, la
recherche d'intermédiaires, l'attention portée à des sources communes (noyau de l’intrigue, la
Bible, les poèmes homériques ou ossianiques, Virgile, Ovide) sont autant de règles d'or. On
attribuerait trop facilement à Milton des images qui se trouvent parfois chez Dante, et qui
peuvent venir de bien plus loin, tant est grand, avant l'heure, cet « humanisme » de Dante qu'a
étudié en 1952 Augustin Renaudet. Alors que sembène Ousmane dira n’avoir jamais lu Zola, on
s’étonnera pourtant de lire du Germinal dans Les Bouts de bois de Dieu avec une stratification
sociale presque identique, un traitement pareil de l’ouvrier dans des espaces géographiques
pourtant différents, etc. Pour les percevoir, il faut absolument mener une analyse comparée
desdits ouvrages. Certaines influences peuvent être admises pendant que d’autres sont dites par
protestation.
Selon Jean Paul « la lecture semble la synthèse de la perception et de la creation.» on mesure
ainsi l’égard esthétique entre l’univers du texte et celui de sa lecture. Cette distance en effet peut
entraîner un changement d’horizon. Car, marqué par le temps, une œuvre peut avoir plusieurs
cibles tout en trascendant les époques. Cette dynamique de l’œuvre est surtout portée par les
lecteurs. On note deux types de lecture dont l'opposition repose sur la plus pure binarité : ce sont
la lecture en progression et la lecture en compréhension, deux façons de lire qu'on dit aussi
superficielle et profonde, référentielle et critique. La première est rapide, oralisée et naïve, la
seconde est lente, muette et érudite. Penchons-nous sur le lecteur implicite.
De ce lecteur implicite, on peut rapprocher le lecteur modèle théorisé par Umberto Eco
dans Lector in fabula, suivant une démarche inspirée de la sémiotique et de la pragmatique
littéraire. Partant de l’idée qu’ un texte est un produit dont le sort interprétatif doit faire partie de
son propre mécanisme génératif , il en fait, tout comme Iser, une stratégie discursive du texte,
mais qui découlerait cependant de l’intention de l’auteur empirique ; sur ce point, les théories
diffèrent. Pour Umberto Eco, en effet, « l’auteur présuppose la compétence de son Lecteur
Modèle et en même temps […] l’institue », tandis que pour Iser, le lecteur implicite demeure
« un modèle transcendantal qui permet d’expliquer comment le texte de fiction produit un effet
et acquiert un sens ». La « compétence encyclopédique » dont parle Eco – notion parente de celle
d’horizon d’attente chez Jauss, et correspondant à celle de « répertoire » chez Iser – complète sa
théorie, en constituant un ensemble de savoirs et de références communs à l’auteur et à son
lecteur modèle, que ce dernier serait ainsi virtuellement en mesure de déchiffrer et d’actualiser.
La situation de dialogue avec le lecteur est créée et maintenue dans et par le texte grâce à
un certain nombre de rapports qui s'instaurent d'une part avec l'extérieur du texte et, d'autre part,
à l'intérieur de ce même texte, et grâce aussi aux « stratégies textuelles » qui permettent
d'organiser ces rapports. Les rapports externes constituent le « répertoire textuel ». Le répertoire
renvoie grosso modo au contexte socio-culturel. IL comprend deux classes d’éléments: les
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P.51.
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références au contexte historique et social et les allusions littéraires. Le répertoire représente la
composante du texte où l'immanence du texte est transgressée. IL s'agit d'une réalité extra-
textuelle connue. Le texte ne reproduit pas cette réalité ; il ne se présente pas non plus comme en
étant une déviation, mais il oriente la visée vers des systèmes signifiants reconnus, des normes en
vigueur, opère des sélections et réagit aux éléments sélectionnés par lui dans cette réalité extra-
textuelle. Les réactions peuvent être destinées soit à démasquer des déficiences de certains
modèles normatifs, soit, au contraire, à réhabiliter des structures antérieurement dominantes. Le
répertoire textuel établit ainsi, par la sélection et la répétition de schémas connus, un horizon qui
tient lieu de cadre entre texte et lecteur.
Le lecteur n'est pas en mesure d'occuper les champs de toutes les perspectives à la fois.
Ce sur quoi il s'arrête à un moment donné devient pour lui thème. Mais ce dernier se trouve
toujours devant un horizon constitué par les segments antérieurs. Tout au long du processus de
lecture, les divers segments servent tantôt de thème, tantôt d'horizon. Ainsi les rapports internes
sont réglés par cette structure et c'est de ce réseau de relations que peut naître l'objet esthétique .
Il s'agit ici d'analyser les phénomènes - essentiellement d'ordre psychologique - qui se produisent
dans la conscience du lecteur (recevant) et le travail d'élaboration fourni par ce dernier pour le
conduire à une compréhension du texte (interpretation). Les caractéristiques de la situation de
lecteur et de l'acte créatif aboutissant à la concrétisation dont nous avons fait mention au début de
notre exposé peuvent être résumées dans les quatre propositions suivantes:
Si les trous ont pour effet de signaler la nécessité d'établir des relations entre segments et
d'opérer les déplacements du point de vue du lecteur, on peut dire qu'ils organisent l'axe
syntagmatique de la lecture. Mais cela ne renseigne pas sur la sélection des éléments qui se
réalise sur l'axe paradigmatique. On dira que c'est une opération de négation qui engendre un
vide sur l'axe paradigmatique et que le vide ainsi créé est à la base du travail de création de la
lecture. La négation dont il est question ici a un double aspect. Au niveau du répertoire textuel,
nous avons vu que le fait de « dépragmatiser » certaines normes donnait au lecteur la possibilité
d'en prendre conscience. La prise de conscience est encore plus grande quand la valeur des
normes sélectionnées dans le répertoire textuel se trouve niée. Le connu se présente alors au
lecteur comme étant dépassé et W. Iser ajoute que la négation situe ainsi le lecteur entre un « Ne
plus » (Nicht-Mehr) et un « Pas encore ». Nous avons d'autre part noté que le jeu des
perspectives internes avait pour conséquence de modifier en permanence la structure que Iser
définit par les termes de thème et horizon. Nous savons en effet que, lorsqu'un segment cesse
d'être thème, se produit un vide qui va être la condition de la transformation de ce même segment
en horizon. Si les segments qui, lors de la lecture, se trouvent dans le rapport thème/horizon sont
eux-mêmes placés sous le signe de la négation, d'autres trous apparaissent. Ils ont un effet
restrictif sur les combinaisons possibles et donc sélectif pour la constitution d'une image et d'un
sens. On peut donc affirmer que la négation a un double effet dans la mesure où elle provoque
des tous qui concernent plus spécifiquement le texte ou la representation . Il faut dire que c'est
l'addition de ces deux types de trous qui permet à l'interaction entre texte et lecteur de se
développer.
-la première, évidente, est qu’il fait référence à un code : un terme est considéré comme « flatus
vocis » dans la mesure où il n’est pas mis en relation avec son contenu en référence à un code
donné. Le destinataire doit donc posséder une compétence grammaticale dans le but d’actualiser
le message.
-la seconde est que le texte représente un « tissu de non-dit » : « non-dit », explique umberto
Eco, « signifie non manifesté en surface, au niveau de l’expression » . C’est justement ce « non-
dit » qui demande à être actualisé. Pour permettre ladite actualisation, le lecteur doit produire une
série de mouvements coopératifs et conscients. Il devra alors mobiliser une série de mouvements
coopératifs pour en actualiser le contenu et ainsi admettre que l’ecrivain s’adresse
nécessairement au lecteur. Un des mouvements qui sera incontestablement mobilisé est celui de
l’encyclopédie du lecteur : par exemple dans le syntagme « tu es revenu » le lecteur comprendra
par son encyclopédie qu’il y aura eu un éloignement antérieur. Le texte est donc rempli
d’espaces blancs, et l’émetteur qui a prévu que ces vides seraient remplis, les a laissés pour deux
raisons : une raison stylistique (en évitant les répétitions, les redondances, les spécifications, le
texte évite la complication et la lourdeur) et l’autre esthétique (le texte doit laisser une initiative
d’interprétations au lecteur). On comprend donc que la présence du destinataire est une condition
indispensable au texte pour en dégager sa signification ( un texte est émis pour quelqu’un
capable de l’actualiser, le critique, le lecteur actif).
1-le non-dit
Le non-dit est à la littérature ce que le silence est à la musique. Ce n'est pas un hasard si
la rhétorique classique a catégorisé les degrés de densité expressive (et aussi leur absence): ils
vont de l'hyperbole à la litote, de la répétition àl'ellipse, de la redondance à la prétérition, de
l'allusion à l'aposiopèse,etc. Mais il y a également le présupposé, l'insinuation, la suggestion, qui
entrent à leur tour en lice, et il faut reconnaître que le non est plus qu'un jeu: ne peut-il pas
exprimer, dans certains cas, l'indicible même?
Chaque fois que nous parlons ou écrivons, il y a une grande part d’implicite dans ce que
nous disons. L’implicite est le sens non dit de l’énoncé. Lorsqu’on dit: Quand Dove ose la beauté
vraie… il n’est nulle part dit dans l’énoncé que Dove ou personne n’avait jamais présenté la
beauté vraie, mais on le comprend ainsi. Traditionnellement, on distingue deux types
d’implicites : les présupposés et les sous-entendus. Le présupposé est le sens inscrit dans
l’énoncé, celui sans lequel l’énoncé ne tient pas. Dans le fameux exemple « mon père ne fume
plus », si mon père ne fumait pas, pourquoi dire qu’il ne fume plus ? Si je n’ai pas de père (en
supposant que c’est possible), pourquoi parler de mon père ? Le présupposé est d’abord admis
pour que l’énoncé puisse connaître sa félicité. La véracité ou non de l’énoncé n’engage pas le
présupposé. Que mon père ne fume effectivement plus ou qu’il continue à le faire ne change rien
aux présupposés (j’ai un père – il fumait). Certains mots et certains temps marquent facilement
leur implicite : plus, encore, déjà, l’imparfait… La publicité de Dove présuppose une beauté
vraie à côté d’une beauté fausse, artificielle.
Le sous-entendu est plus contextuel. Son interprétation est fonction de la culture. Certains
disent d’ailleurs que c’est lui le véritable présupposé. Dove ose la beauté vraie sous-entend qu’il
n’est pas aisé de présenter la beauté vraie, que très souvent la beauté présentée est artificielle et,
à partir des femmes rondes présentées dans l’affiche, que la vraie beauté est dans la rondeur. Ce
n’est pas dit, c’est sous entendu. « Mon père ne fume plus » sous-entend qu’il est en forme, il est
devenu plus consciencieux, c’est un nouvel homme… tout dépend du contexte.
« Le texte fermé est conçu pour un lecteur très défini, dans l’intention de diriger d’une manière
répressive la coopération. » Dans ce type de texte, nous comprenons donc que l’auteur va cerner
avec précision son lecteur modèle, selon qu’il s’agisse d’un enfant, d’un sportif, d’un médecin,
d’un historien…Il se fixe ce que Eco va appeler une « cible », et fera en sorte que chaque terme
soit compris de son lecteur. Mais Eco nous précise qu’il arrive que les prévisions de l’auteur
concernant les compétences de son lecteur soient insuffisantes ou que la cible soit différente.
Tout texte reste donc pour lui un texte ouvert.
Umberto Eco parle du texte ouvert comme « libre aventure interprétative » . Parmi toutes
les interprétations possibles, il fera en sorte que chacune d’elles soient en relation avec les autres
dans le but de les renforcer mutuellement. Il insiste sur le fait que nous devons faire la distinction
entre « l’utilisation libre d’un texte » qui fait appel à notre imagination, et l’interprétation d’un
texte ouvert. Reprenons l’exemple de l’auteur : lire l’Odyssée comme si elle était postérieure à
l’Enéide est un exemple d’utilisation libre d’un texte. De même, concevoir l’Etranger de Camus
comme une autobiographie, est un détournement du texte. Même si la chaîne des interprétations
est infinie, l’univers du discours intervient pour limiter l’encyclopédie du lecteur. Utiliser
librement un texte revient donc à en élargir l’univers de discours.
Umberto Eco dit donc que nous nous trouvons face à une double situation. Voici un tableau
résumant cette dualité:
Il formule des hypothèses de Lecteur Modèle. En étant sujet des actes de coopération, il
En utilisant cette stratégie textuelle, il se crée formule lui aussi des hypothèses d’Auteur
lui-même auteur-sujet de l’énoncé, avec Modèle, qu’il va déduire des stratégies.
autant de stratégies
Puisque nous savons que les codes de l’Émetteur différent de ceux du Destinataire, le
lecteur empirique, pour devenir Lecteur Modèle, doit s’approprier les codes de l’émetteur. Il
pourra être en mesure de reconnaître une encyclopédie et une culture plus restreinte de la part de
l’auteur. Le texte, indépendamment des intentions de l’auteur, va nous apprendre des choses sur
sa personnalité ou ses origines sociales, ce que Eco appelle les structures idéologiques. La
configuration de l’Auteur Modèle va se faire par l’intermédiaire de traces textuelles, et elle va
faire ainsi ressortir l’univers qui se cache derrière le texte. Nous devons nous représenter
l’Auteur Modèle en tant que stratégie textuelle (dans le sens où celui-ci se posera la question :
« qu’est ce que je veux faire de ce texte ? ») et non comme un sujet voulant dire des choses à son
lecteur.
-Conclusion
La place de la théorie de la réception dans la critique et la théorie littéraires est aujourd'hui
très importante. II suffit pour s'en convaincre de feuilleter les bibliographies et les tables des
matières des revues littéraires. Le monde francophone s'est intéressé assez tardivement à la
théorie de la réception. Cela tient sans doute au fait qu'elle doit beaucoup à l'herméneutique
allemande moderne et que celle-ci est malheureusement difficile d'accès étant donné l'absence de
traductions françaises et la qualité contestable de celles qui existent. Les tenants mêmes de la
théorie de la réception reconnaissent les carences et les faiblesses des différents modèles. La
notion de "lecteur implicite" proposé par Iser offre un énorme avantage théorique par rapport aux
autres conceptions du lecteur. Mais cette notion se dérobe à l'usage et son application fait
problème. La principale difficulté est qu'une lecture qui fait intervenir le "lecteur implicite" peut
rapidement devenir normative et prescriptive en raison de l'interférence du "répertoire" propre au
critique biographique. Par ailleurs, le principe de négation proposé par Jauss comme critère de la
valeur esthétique ne tient pas compte de certaines "grandes" œuvres de caractère affirmatif,
notamment certaines œuvres médiévales. Qui plus est, ce principe attire l'attention sur le
problème non résolu de l'évaluation et de la formation des canons, même si l'on admet que Jauss
a magistralement démontré que les valeurs et les comportements esthétiques et sociaux font
l'objet d'une réorganisation synchronique et diachronique. J. P. Tompkins souligne à juste titre la
nécessité de s'attacher davantage aux œuvres non canoniques, y compris aux genres dits
populaires, et d'étudier plus attentivement, d'une part, les mécanismes d'institutionnalisation et,
d'autre part, le public des lecteurs.