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I – Quels objectifs pour quelles compétences

1Pour répondre à la contradiction entre les changements liés aux TICE et la grande stabilité
du système éducatif, il faut opérer une synthèse évolutive entre technologies et pédagogie. Il
faut articuler la poussée des technologies et les changements pédagogiques portés par des
visions nouvelles de l’apprentissage : conception socioconstructiviste de l’apprentissage,
découverte guidée, construction par l’apprenant de ses savoirs dans la résolution de
problèmes réels. Les TICE peuvent être des instruments de ces activités.

2Gardant leur liberté pédagogique, les enseignants ne s’approprient que des technologies
susceptibles de les aider efficacement dans leurs tâches. Il faut que les programmes y fassent
référence comme des moyens susceptibles d’être utilisés mais aussi que des compétences
attendues chez les élèves soient clairement spécifiées. Les instruments qu’offrent les TICE
sont d’un usage complexe rendu encore plus difficile par une situation professionnelle
d’isolement. Dès leur formation initiale les enseignants doivent être préparés à une nouvelle
culture d’activités instrumentées et coopératives.

3Il est banal de prétendre que l’essor des réseaux de communication est susceptible
d’introduire des modifications en profondeur de l’éducation ; lorsqu’une nouvelle technologie
apparaît sur le devant de la scène, la question insistante de son apport à l’éducation se pose et,
faisant fi des leçons du passé, d’aucuns n’hésitent pas à augurer de transformations
miraculeuses. Mais la grande stabilité du système éducatif n’est plus à démontrer et l’histoire
des technologies éducatives (Cuban, 1986) atteste des capacités de ce système à « intégrer »
des objets qui lui sont étrangers, de manière marginale sans opérer de mutation importante.

4Quels que soient les espoirs, sans doute légitimes, que l’on peut fonder sur les technologies
de l’information et des réseaux, ces dernières n’échappent certainement pas aux contraintes
auxquelles ont dû faire face leurs devancières. En tous cas, un consensus est désormais établi
sur l’importance primordiale de la formation des enseignants (OTA, 1995) pour favoriser leur
intégration dans l’éducation. Le problème est alors de déterminer la nature de cette formation,
ses objectifs et ses modalités.

5Dans ce texte, nous précisons d’abord le contexte actuel, puis nous donnons différents
résultats de recherche permettant de mieux situer la population des futurs enseignants vis-à-
vis des nouvelles technologies en essayant de dégager les compétences qu’il semble important
de leur faire acquérir. Ensuite, nous précisons les contours des formations liées aux
technologies de l’information, pour conclure enfin sur l’importance de développer une
nouvelle culture dès la formation initiale.

1 – Le contexte
6Pour décrire le contexte, nous allons d’abord analyser les discours des pédagogues sur la
nécessité d’une transformation en profondeur de l’éducation, puis préciser les différents rôles
que peuvent assumer les technologies de l’information dans l’éducation.

1.1 – Un désir de changement


7Pour nombre d’éducateurs, il devient urgent de changer l’éducation en profondeur. La notion
de compétence devient centrale dans la mise en place d’une nouvelle école (Perrenoud, 1997).
La question qui est alors posée est celle du rapport entre les TICE et cette nouvelle vision de
l’enseignement et de l’apprentissage.

8Chris Dede (1998) rappelle les consensus actuels dans ce domaine, tout au moins dans les
communautés de chercheurs. Il ne s’agit plus d’enseigner uniquement par la parole et
d’apprendre simplement en écoutant. Les mots clés sont : conception socioconstructiviste de
l’apprentissage, découverte guidée, construction par l’apprenant de ses savoirs dans la
résolution de problèmes réels. Cependant, les enseignants manquent encore de support et
d’aide pour mettre en œuvre cette vision nouvelle de l’apprentissage, d’où l’intérêt des
technologies de l’information et de la communication (TICE), dorénavant plus puissantes et
mieux disponibles, aptes à aider l’enseignant dans ce nouveau contexte. Les technologies ne
pourraient-elles pas être un levier pour le changement du système éducatif ?

9Selon Dede, les décideurs politiques ont par le passé été un peu naïfs, d’abord en espérant
une contagion par simple proximité avec les machines, ensuite en valorisant un modèle
économique dans lequel les TICE permettent avant tout de faire les mêmes choses mieux et
plus vite. Pour lui, il faut viser une intégration plus complexe et tenir compte des facteurs
cognitifs, émotionnels et sociaux. Il ne s’agit pas seulement de comprendre les technologies
mais surtout de les pratiquer réellement et quotidiennement. Pour cela, il importe sans doute,
pour les enseignants et les formateurs, de désapprendre, de réviser leurs conceptions, valeurs
et croyances. Aucun modèle ne s’impose a priori et l’enseignement comme la scolarité
(schooling) sont à réinventer, de même qu’il est important de développer des réseaux de
connaissance dans des communautés virtuelles.

10S’intéresser aux influences possibles des TICE sur l’éducation, levier de changement,
catalyseur ou simplement soutien à de « nouvelles » approches pédagogiques (déjà
anciennes), conduit à s’intéresser de plus près à ce qu’elles peuvent représenter en éducation.

1.2 – Des technologies plurielles et flexibles


11Les technologies de l’information et de la communication ne se réduisent pas à leur
dimension de technologie éducative. En particulier, les instruments qu’elles fournissent
induisent des changements dans les disciplines elles-mêmes. Nous préférons parler
d’instruments plutôt que d’outils, pour les dispositifs logiciels. En effet, les qualifier d’outils
revient à enlever une part de technicité ou de complexité, à minimiser le processus
d’interprétation du sujet voire à nier une forme de création ou de recréation (qui peut être au
moins partiellement de nature artistique) de l’usager dans les activités assistées par
l’ordinateur (Bruillard, 1997).

12Le tableau suivant recense quatre grands types de rôles que peuvent assumer les
technologies de l’information, et plus spécifiquement, l’informatique dans l’éducation :
comme discipline scolaire, comme technologie éducative, comme ensemble d’instruments
dans des disciplines existantes et enfin pour la gestion de documents.

Tableau 1
Informatique en éducation

13L’aspect communication est transversal et peut être rattaché à ce qui concerne les questions
d’accès aux documents et de production de documents.

14Chacun des rôles possibles de l’informatique dans l’éducation pose des questions
spécifiques que nous ne développerons pas ici (Baron et Bruillard, 1996). Soulignons
simplement que le succès mitigé des technologies éducatives provient essentiellement de leur
inadaptation aux conditions réelles d’exercice des enseignants. Gardant leur liberté
pédagogique, ces derniers ne s’approprient que des technologies susceptibles de les aider
efficacement dans leurs tâches. Or, ces technologies sont toujours plus complexes à mettre en
œuvre qu’on a trop tendance à l’affirmer et ne permettent pas aux enseignants de conserver le
contrôle qu’ils souhaitent exercer sur les activités de classe.

15Ainsi, les TICE offrent un large spectre de possibilités, ce qui peut conduire à des formes
très diverses d’intégration dans les activités éducatives, voire peut-être induire des
changements dans les processus éducatifs.

16La question des compétences nourrit les débats actuels et c’est certainement un point
d’entrée essentiel vis-à-vis des technologies dans l’éducation.

2 – La question des compétences dans le


domaine des TICE
17Quels types de compétences doivent acquérir les enseignants et les élèves ? Pour répondre à
ces questions, on peut s’interroger sur les connaissances déclarées des futurs enseignants et
sur les objectifs, décrits en termes de compétences, des programmes scolaires.

2.1 – Compétences d’élèves et objectifs de


formation
18Une telle question est très difficile dans la mesure où les objectifs d’apprentissage
dépendent au moins en partie de l’offre technologique. Or celle-ci évolue sans arrêt et il est
quasiment impossible de la prévoir, ce qui ne permet pas d’obtenir un consensus
suffisamment stable dans le temps sur ce qu’il apparaît nécessaire d’apprendre. Dans un bref
panorama (source, OTA, 1995), H.J. Becker rappelle qu’aux USA, de deux ans en deux ans,
on est passé depuis 1982 d’objectifs d’apprentissage du Basic, au Logo, aux systèmes
d’apprentissage intégrés, au traitement de textes, aux outils spécifiques liés au curriculum, aux
hypertextes et multimédias et maintenant à Internet et aux télécommunications (tableau 2). En
ce qui concerne la France, on pourrait certainement faire une revue assez semblable. Il est par
ailleurs instructif de faire le parallèle entre l’instabilité « quasi-chronique » des compétences
reconnues en TICE et la grande permanence des programmes des disciplines scolaires
installées.

Tableau 2

Ce qu’il faut enseigner et pourquoi (Source


H.J. Becker, OTA)

19Quoi qu’il en soit, développer chez les élèves une certaine aisance dans l’utilisation des
technologies qui leur sont utiles dans leur scolarité demeure un objectif important, même si
ces objectifs se traduisent ensuite par des apprentissages très contextualisés (Basic à l’école il
y a quinze ans, surfer sur le web maintenant). Comme le rappelle Perrenoud (1997), une
approche centrée sur l’acquisition de compétences conduit à se garder de deux objectifs
irréalistes : préparer les élèves en fonction de visions précises de ce qui nous attend, alors
qu’aucune n’est fiable ; limiter la formation à un petit nombre de compétences transversales et
très générales.

20Définir cette aisance dans l’usage des technologies revient à opérer une synthèse entre
technologies et pédagogie. Cette synthèse doit être évolutive et articuler la poussée des
technologies et les changements pédagogiques portés par des visions nouvelles de
l’apprentissage (Fulton, 1997). Travailler sur le développement de compétences chez les
élèves conduit à d’autres impératifs, notamment la mise en place de nouvelles situations et
l’invention des modalités correspondantes d’évaluation.

21Cela renforce également la nécessité d’ententes et de projets communs entre enseignants de


disciplines différentes. Dans ces conditions, la question de la formation initiale des
enseignants revêt une importance particulière.

2.2 – Compétences actuelles des futurs


enseignants
22Depuis 1992, nous menons en coopération une étude à l’entrée à l’IUFM (Institut
Universitaire de Formation des Maîtres) de Créteil. Des séries d’entretiens avec des stagiaires
ont été réalisées, mais le dispositif essentiel est un questionnaire léger, administré tous les
deux ans, s’intéressant aux compétences des futurs enseignants, leur conception de
l’importance des TICE dans l’éducation et leurs attentes dans la formation (Baron et
Bruillard, 1997). Ce travail longitudinal permet de mettre en évidence des évolutions dans la
population entrant à l’IUFM.

23En comparant les résultats obtenus en 1992, 1994, 1996 et 1998, on constate que le quart
des étudiants possédaient un ordinateur à domicile en 1992, un tiers en 1994, la moitié en
1996, plus de 60 % en 1998. La moitié des étudiants déclaraient en 1992 avoir la maîtrise des
outils standards (pour l’essentiel le traitement de textes), les deux tiers en 1994 et les trois-
quarts en 1996 et en 1998 (avec des différences selon les disciplines et les degrés
d’enseignement).

24On pourrait conclure un peu rapidement de ces chiffres à une banalisation de la production
de documents pour les futurs enseignants. Or, si la moitié d’entre eux dispose d’une machine
à la maison, cette dernière n’est pas toujours très performante et c’est parfois le conjoint qui
en est le principal, voire l’unique utilisateur.

25Un questionnaire a par ailleurs été passé en 1998 à de futurs enseignants de lycée et de
collège à la fin de leur formation (774 réponses exploitables ont été obtenues pour 795
présents). L’analyse des données a montré qu’en moyenne les trois quarts des répondants
disaient avoir un ordinateur à domicile, ce pourcentage variant peu entre les disciplines, sauf
dans les secteurs technologiques, où il approche de 95 %. Deux répondants sur trois ont cité
un nom de traitement de textes (Word représentait presque 9 réponses sur 10). Mais moins
d’un sur deux a déclaré savoir insérer des objets et gérer des styles. Les pourcentages pour un
bon maniement du tableur étaient de l’ordre de 40 % (sauf pour les enseignants de secteurs
techniques où ils étaient très élevés) et d’environ 25 % seulement pour les bases de données.

26En fait, il est vraisemblable que certains surestiment leurs compétences réelles dans le
maniement des ordinateurs, croyant savoir alors qu’ils sont perdus face au moindre aléa, voire
dès qu’il y a le moindre changement dans les procédures rituelles qu’ils se sont appropriés.

27Tous les stagiaires de second degré exercent une responsabilité de classe durant leur année
de formation professionnelle et visitent différents établissements sous la tutelle d’enseignants
confirmés. Considérant que l’image retournée par le terrain a un impact fort sur la vision
qu’ont les futurs enseignants de leur métier, nous avons inséré deux questions sur l’utilisation
des TICE dans les établissements scolaires : Avez-vous eu l’occasion d’observer des
séquences d’enseignement utilisant les TICE ? De mettre en œuvre des séquences
d’enseignement utilisant les TICE ?

28Les taux observés de réponse positive pour la première question (14 % en moyenne) sont
extrêmement faibles, à l’exception des sciences expérimentales (32 %) et des secteurs
technologiques (29 %), pour lesquels le recours aux instruments informatiques fait partie
intégrante des programmes. Les pourcentages observés sont encore inférieurs s’agissant de la
mise en œuvre de séquences d’enseignement utilisant les TICE, sauf en technologie, (33 %).

29Quelle est l’influence de la possession d’un équipement informatique à domicile ? Cette


question est difficile à trancher avec les données dont nous disposons. Remarquons
simplement que la proportion de ceux ayant dit avoir mis en œuvre des séquences utilisant les
TICE est globalement de 14 % parmi ceux ayant un ordinateur à domicile contre 4 % pour les
autres. Cette différence de proportion est du même ordre si on se limite aux 671 enseignants
en excluant les sciences physiques et les disciplines technologiques (10 % contre 2 %).

30Il reste beaucoup de chemin à parcourir pour une intégration significative des TICE dans
l’éducation. Or, on sait qu’on ne doit pas s’attendre à des transferts directs entre des pratiques
personnelles d’utilisation des technologies et des utilisations en classe avec des élèves (Baron
et al., 1997). Si les IUFM peuvent développer des formations utilisant les TICE et favoriser
une utilisation personnelle et professionnelle par les stagiaires, préparer à des modes de
pensée liés au traitement de l’information, leur impact sur le terrain demeure un objectif
encore lointain.
31Savoir ce que l’on peut faire avec les TICE dans les classes est une question difficile, et
savoir ce que peut faire un débutant dans une classe en est une autre, d’une complexité bien
supérieure. Apprendre les gestes professionnels dans un milieu où les personnes sont souvent
très isolées, alors qu’il n’y a pas de modèle auquel se raccrocher, complique l’utilisation
éducative des TICE. Il y a là une tension entre ce que peut offrir l’institut de formation et
l’image retournée par le terrain.

32Pour que les enseignants en poste utilisent couramment les TICE, il apparaît nécessaire que
les programmes y fassent référence, non seulement comme des moyens susceptibles d’être
utilisés dans le cadre de tel ou tel enseignement et pour favoriser l’acquisition de telle ou telle
notion, mais que des compétences attendues chez les élèves soient clairement spécifiées. Or, il
n’est pas simple de les préciser. Il faudrait aussi, de manière simultanée, que les technologies
soient présentes dans les programmes de formation des maîtres.

3 – Les formations liées aux TICE dans les


IUFM
33En France, les IUFM ont progressivement pris en compte, quoique de manière inégale, les
TICE. Nous allons maintenant brièvement examiner les objectifs de formation, puis la
question du développement de compétences.

3.1 – Quels objectifs généraux ? [1][1]Cette


section reprend des éléments détaillés dans
Bruillard…
34D’une manière générale, trois grands objectifs sont assignés à la formation des
enseignants : développer les éléments d’une nouvelle culture, aller plus vers la coopération et
la mutualisation des ressources, développer de nouvelles modalités de formation.

35À l’IUFM de Créteil, en accord avec les demandes formulées par le ministère, ces objectifs
généraux se déclinent ainsi :

 acquérir une maîtrise minimale des outils liés aux techniques d’information et de
communication, que ce soient les outils de bureautique, d’accès à l’information
(lecture de cédéroms, recherche et navigation sur Internet) ou d’échanges
d’informations (messagerie) ;
 effectuer une première approche des logiciels spécifiques à sa discipline ou à son
niveau d’enseignement ;
 observer ou mettre en œuvre une séquence d’enseignement utilisant les nouvelles
technologies.

L’atteinte de ces objectifs suppose d’une part la mise en place de modules clairement
identifiés TICE dans les plans de formation et, d’autre part, une intégration effective de
l’utilisation des TICE dans les formations disciplinaires, incluant des travaux dans les
établissements scolaires.
36Le premier objectif caractérise les TICE en tant que discipline de service, en quelque sorte
comme un ensemble de compétences techniques de base pour l’enseignant, quasiment
indépendamment des élèves. Elles sont mises en œuvre dans l’élaboration des mémoires
professionnels et des fiches de préparation ou d’activités à destination des élèves. Il faut y
inclure des compétences dans le maniement des instruments audiovisuels. En plus de ces
savoir-faire de base, il semble important de faire acquérir aux futurs enseignants des
connaissances plus approfondies comme sur le traitement de l’information ou sur la formation
à l’image. En effet, certains concepts sont à étudier dans la formation initiale, soit parce qu’ils
entrent en jeu dans le traitement de l’information (par exemple, la notion de mémoire, les
notions d’entrée et de sortie, le codage de l’information, etc.), soit à cause de leur importance
pour la vie citoyenne (par exemple, les enjeux éthiques et juridiques du traitement de
l’information).

37Le deuxième objectif a trait à la connaissance des ressources (disciplinaires ou non),


centrées sur des travaux à mener avec les élèves. Il correspond à une première forme
d’intégration dans les différentes disciplines, à la fois dans la dimension technologie éducative
des TICE et dans l’usage d’instruments spécifiques (tels les logiciels de construction
géométrique, les encyclopédies électroniques, les dictionnaires, les aides multiples à la
rédaction, etc.). La formation des formateurs disciplinaires de l’IUFM apparaît ici comme un
prérequis.

38Pour atteindre le troisième objectif, « Observer ou mettre en œuvre une séquence


d’enseignement utilisant les nouvelles technologies », l’IUFM n’a en main qu’une partie de la
réponse, puisqu’il n’a pas d’influence directe sur les établissements.

3.2 – Quelles compétences ?


39On ne sait pas encore clairement quelles compétences sur la technologie en général ou sur
les technologies dans les disciplines doivent ou devront acquérir les enseignants. Dans le
cadre de la certification qui intervient en fin d’année d’IUFM, ce qui est pris en compte
dépend pour l’essentiel de la prestation devant les élèves, le reste n’est là qu’en appoint. Les
TICE n’ont qu’un rôle indirect et comme elles compliquent la gestion de la classe, il n’est pas
recommandé de les utiliser avant la titularisation. Les stagiaires IUFM sont certifiés sur leurs
compétences dans les classes, les modes de préparation et de gestion, les gestes professionnels
hors des élèves n’interviennent pas.

40Or, développer des compétences nécessite de les associer à des pratiques sociales d’une
certaine complexité. Aux USA, les apprentis enseignants doivent réaliser des « portfolios »
réunissant œuvres et traces d’activités accumulées sur une longue période. Rien de semblable
n’existe encore en France où les enseignants sont des fonctionnaires qui n’ont pas la nécessité
de trouver un poste une fois qu’ils ont été certifiés.

41Au-delà des différents objectifs que nous venons de passer en revue, l’utilisation des TICE
est l’occasion de susciter un changement de culture professionnelle des enseignants en
introduisant une dimension coopérative. Se donner comme objectif de développer une culture
de l’échange permet non seulement de favoriser la coopération entre les enseignants, mais
aussi de montrer la nécessité d’une meilleure connaissance des concepts informatiques pour
effectuer les échanges de documents, c’est à dire de justifier de manière opérationnelle et
effective l’intérêt du traitement des documents sous forme électronique.
42Dès lors, la question de savoir comment atteindre ces objectifs peut être posée.

4 – Perspectives : une nouvelle culture


d’activités et de coopération chez les
enseignants
43Malgré la tendance à la surestimation que nous avons constatée, les compétences des futurs
enseignants ont certainement évolué ces dernières années ; cependant les exigences qui pèsent
sur eux sont aussi considérablement plus importantes. Pour prendre en compte cette évolution,
une formation spécifique se déroulant tôt dans l’année apparaît nécessaire afin que ces
compétences puissent être mises en œuvre dans le cadre même de la formation
professionnelle.

44On constate en effet, au cours des libres services organisés à l’IUFM, que même ceux qui
disposent d’une connaissance correcte des fonctionnalités les plus courantes du traitement de
texte, ont des difficultés pour concevoir des documents composites ou pour utiliser les
dispositifs de numérisation d’images et de reconnaissance optique de caractères. Leurs
connaissances ne sont pas directement mobilisables pour réaliser un document destiné aux
élèves, une préparation, etc.

45Encourager le travail sur projets, les recherches d’information, les productions et l’échange
des productions réalisées permet d’utiliser effectivement les technologies en situation dans les
différentes disciplines. À part quelques stagiaires qui le feront spontanément, mais plutôt de
manière individualiste, des incitations fortes et une politique volontariste sont nécessaires
pour rendre opérationnel le partage des productions.

46Une difficulté considérable est l’existence d’une forte résistance à l’instrumentation. Les
enseignants veulent conserver le contrôle sur les activités des élèves. Or, s’ils peuvent décider
de l’outillage autorisé aux élèves ou de celui présent dans l’environnement, il leur est plus
difficile de gérer des processus complexes dans lesquels une instrumentation intervient et
qu’ils n’ont même, pour la plupart d’entre eux, jamais vécu dans leur formation initiale
(Bruillard, 1997). Si l’aspect socioconstructif du développement de connaissances est
reconnu, qu’en est-il du travail coopératif des enseignants et en quoi l’IUFM peut aider à
mettre cela en place ?

47Comme il n’est pas possible de contrôler ni même de prévoir l’évolution technologique,


cette dernière ne peut déterminer entièrement les pratiques et les contenus de formation, sous
peine d’une perpétuelle fuite en avant peu satisfaisante. En particulier, la seule pratique de
quelques outils informatiques sans réflexion sur leurs limites, leurs incidences, une certaine
compréhension de leur fonctionnement n’est pas de nature à former des citoyens
suffisamment avertis. Une question est bien de savoir quelle part de technique il est important
de connaître dans le contexte de l’école et des apprentissages généraux qu’elle a la charge de
développer. L’autre question est de déterminer les compétences à acquérir aussi bien par les
enseignants que par les élèves, compétences et connaissances sur les notions de traitement de
l’information et sur les dispositifs associés mais aussi sur leur mise en œuvre dans les
disciplines enseignées à l’école. L’analyse de ces compétences est un enjeu important pour
l’avenir.
Bibliographie
48Baron, G.L., Bruillard, E., L’informatique et ses usagers dans l’éducation, Presses
Universitaires de France, l’Éducateur, Paris, 1996, 312 p.

49Baron, G.L., Bruillard, E., « Information Technology in French Education : implications for
teacher education », Journal of Information for Teacher Education, vol. 6, n° 3, 1997, pp.
241-253.

50Baron, G.L., Bruillard, E., Chaptal, A., « From Personal Use to Classroom Use.
Implications for Teacher Education in France », dans Passey, D., Samways, B., Information
Technology. Supporting change through teacher education, IFIP, Chapman et Hall, 1997, pp.
161-168.

51Bruillard, E., « L’ordinateur à l’école : de l’outil à l’instrument », dans Pochon, L.O.,


Blanchet, A., L’ordinateur à l’école : de l’introduction à l’intégration, IRDP, Neuchâtel,
1997, pp. 99-118. (une version légèrement modifiée a été publiée comme Point de vue dans
Sciences et Techniques Éducatives, 5,1, Hermès).

52Bruillard, E., « La formation aux technologies de l’information et de la communication


dans les IUFM. Quelques éléments de réflexion », Pratiques de Formation – Analyses,
Université Paris 8, Informatique et Formation, septembre 1998, pp. 129-139.

53Bruillard, E., Baron, G.L., « Setting up virtual films with preservice teachers as a preservice
training activity : a case study in mathematics », dans Technology and Teacher Education
Annual 1998, Proceedings SITE 98, AACE, Washington DC, 10-14 march 1988, pp. 607-609.

54Cuban, L., Teachers and machines. The classroom use of Technology since 1920, New
York, Teachers College Press, 1986, 134 p.

55Dede, C., « Apprendre à enseigner et vice-versa », Keynote Address, SITE 98, AACE,
Washington DC, 10-14 march 1988.

56Depover, C., Strebelle, A., « Un modèle et une stratégie d’intervention en matière
d’intégration des TIC dans le processus éducatif » dans Pochon L.O., Blanchet, A.,
L’ordinateur à l’école  : de l’introduction à l’intégration, IRDP, Neuchâtel, 1997, pp.73-98.

57Fulton, K., Learning in a digital age : insights into the issues. The skills students need for
technological fluency, Publication of the Milken Exchange on Education Technology, Milken
Family Foundation, 1997, 58 p. Document accessible à l’adresse : www.mff.org.

58Harrari, M., « À propos de l’intégration de l’informatique et de ses instruments dans


l’enseignement scolaire » dans Pochon L.O., Blanchet, A., L’ordinateur à l’école : de
l’introduction à l’intégration, IRDP, Neuchâtel, 1997, pp. 59-71.

59Lévy, J.F., Pour une utilisation raisonnée de l’ordinateur dans l’enseignement secondaire
l’analyse de pratiques et propositions pour un meilleur usage des instruments informatiques.
Paris, EPI, INRP (didactiques des disciplines), 1995, 178 p.
60OTA, Teachers and Technologies, Making the Connection, Office of Technology
Assessment, Congress of the United States, OTA-EHR-616, Washington DC, US
Government Printing Office, 1995, 292 p.

61Perrenoud, P., Construire des compétences dès l’école, Collection Pratiques et enjeux
pédagogiques, n° 14, ESF éditeur, Paris, 1997, 128 p.

62Tardif, J., Intégrer les nouvelles technologies de l’information. Quel cadre pédagogique ?
Collection Pratiques et enjeux pédagogiques, n° 19, ESF éditeur, Paris, 1998, 128 p.

II – Un premier bilan de la formation des


enseignants à l’université de Genève
(Patrick Mendelson, François Lombard,
Greta Pelgrims-Ducrey)
63Les TICE transforment autant la manière d’enseigner que les savoirs et savoir-faire
transmis par l’école  : lire, écrire, calculer, etc. La formation des enseignants se devait donc
d’intégrer ces technologies et leur utilisation pédagogique dans son cursus. Nous tirons ici
un bilan de deux années d’expérience à l’Université de Genève dans la licence de formation
des maîtres. Les compétences requises concernent la maîtrise des technologies en situation,
la connaissance des solutions disponibles et une vision prospective. Au prix d’un
encadrement conceptuel et technique lourd, ces compétences sont acquises dans une
démarche de réalisation d’un projet concret, encadré et analysé, mené par équipe et en
situation réelle. Cette pratique multidimensionnelle des médias comme contenus et moyens
dépasse les préjugés, elle est évaluée et fonde ainsi une réflexion critique sur leur intégration
dans l’enseignement. Au-delà des compétences, les futurs enseignants se construisent un
réseau opérationnel de ressources et de personnes.

64L’informatique, la télématique et les technologies multimédias mettent des outils sans cesse
renouvelés à la disposition des enseignants. Ces technologies transforment autant la manière
d’enseigner que les savoirs et les savoir-faire transmis traditionnellement par l’école : lire
écrire, calculer, etc. La formation des enseignants se devait donc d’intégrer ces technologies à
son cursus, restait à en définir les modalités et les objectifs. Pour répondre à cet enjeu, la
section des sciences de l’éducation de la Faculté de Psychologie et des Sciences de
l’Éducation a confié à TECFA [2][2]TECFA :… (l’unité des technologies éducatives de la
Faculté) la responsabilité de mettre en place une Unité de Valeur (UV) intitulée « Introduction
aux médias et à l’informatique » pour les futurs maîtres qui suivent les enseignements de la
Licence Mention « Enseignement ». Après quatre années de fonctionnement, nous tentons ici
de faire un bilan de cette expérience.

65L’objectif de cette UV est de sensibiliser les étudiants aux transformations que ces
technologies de l’information et de la communication vont apporter à leur futur métier. Cet
objectif fait partie des 10 compétences [3][3]Le département de l’instruction publique
genevois définit les… à acquérir dans la formation. Ceux-ci vont en effet avoir à exercer ce
métier jusqu’en 2030 et il nous a paru indispensable de leur apprendre à s’en servir de façon
pertinente et critique à la fois pour accroître l’efficacité de leur enseignement et pour
familiariser leurs élèves avec ces approches.

66Cet objectif général doit permettre aux étudiants de :

 se confronter aux usages des technologies dans l’espace éducatif ;


 s’ouvrir à l’utilisation des moyens audiovisuels (vidéo, photo, image) ;
 se familiariser avec un environnement télématique et informatique ;
 s’interroger sur les technologies et les conditions de leur intégration dans une structure
scolaire ;
 réfléchir aux effets des technologies sur les apprentissages des élèves ;
 s’initier à la gestion et au classement des ressources médias et documentaires ;
 connaître les divers lieux et les personnes qui peuvent aider à la réalisation d’un projet
d’enseignant.

Il est difficile d’imaginer qu’un étudiant débutant puisse apprendre à se servir à bon escient
des technologies éducatives sans :

 avoir une maîtrise suffisante de ces techniques en situation ;


 disposer d’un bon aperçu des différentes solutions à disposition ;
 posséder une vision prospective sur leur évolution.

Vu le temps qui est imparti à cet enseignement (36 heures) et le nombre de techniques qui
relèvent de ce domaine de formation, nous avons fait le choix d’un scénario qui privilégie
l’approfondissement d’un thème à travers la réalisation d’un projet concret plutôt que le
survol de l’ensemble des possibles. Ce scénario est présenté ci-dessous dans ses grandes
lignes.

1 – Grandes lignes du scénario retenu


67Après une courte introduction commune qui situe les enjeux, les étudiants choisissent un
des trois groupes thématiques proposés :

 textes, images et sons dans la communication pédagogique ;


 le développement du logiciel éducatif ;
 télématique et collaboration.

Les présentations techniques, les séances d’approfondissement et la coordination des travaux


des équipes de projet se font au sein de ces groupes thématiques stables. Le travail en groupe
permet un approfondissement des techniques et des problématiques mais il est évident que
cela s’est fait au détriment d’une vision plus « panoramique ». À l’intérieur de chaque groupe
thématique, la suite de la démarche de formation permet aux étudiants, constitués en dyades,
d’approfondir des compétences spécifiques. La maîtrise théorique et technique d’un outil
technologique en particulier, ainsi que le développement d’un regard critique sur son
utilisation pédagogique, sont favorisés en amenant chaque dyade à réaliser un projet concret.
Certaines dyades élaborent un outil cohérent avec un objectif pédagogique explicite (p. ex., un
film, un logiciel didactique, une page web), d’autres examinent une problématique
pédagogique avec un outil existant (p. ex., analyse multidimensionnelle d’un conte, d’un
didacticiel, étude des interactions entre deux élèves collaborant à distance), d’autres encore
interrogent l’exploitation pédagogique d’un outil par un enseignant dans sa classe (p. ex.,
création d’un recueil d’images avec des élèves, utilisation de la messagerie électronique entre
classes de différents pays).

68Pour compenser le déficit dû à ce travail par thème (tous les étudiants ne sont pas
« exposés » à l’ensemble des technologies), les travaux d’équipes de projets sont présentés sur
les deux derniers jours de la dernière semaine compacte sous la forme d’un colloque. Ce
colloque comprend des séances de démonstrations, de posters et de communications orales.
Les étudiants peuvent ainsi bénéficier des réflexions et des expériences réalisées par les
étudiants des autres groupes. Des personnalités extérieures sont aussi invitées : enseignants,
spécialistes et chercheurs. Ces présentations en grand groupe et la discussion générale qu’elles
suscitent donnent aux étudiants un aperçu des techniques qu’ils n’ont pas vues en détail et les
confrontent à un véritable travail de synthèse.

69En résumé, les étudiants ont travaillé selon quatre phases :

 ils reçoivent une information générale sur les différentes technologies existantes, leur
impact sur l’apprentissage et la place qu’elles occupent actuellement dans les écoles ;
 ils approfondissent sur un thème spécifique la maîtrise de ces techniques et partagent
en groupe les problèmes de recherche associés à leur évaluation et à leur
développement technique ;
 ils réalisent un projet « média » en équipe de 2 ou 3. Ce projet sera élaboré en relation
avec le thème choisi et si possible avec les problématiques développées dans les
Unités de Formation Transversales ou les stages sur le terrain ;
 ils présentent ce projet dans un « colloque » qui est organisé en fin d’année. À cette
occasion, ils rédigent un court rapport final qui résumera leur position sur l’usage des
techniques qu’ils ont utilisées. Cette réflexion est conduite à partir des apports
théoriques, des observations sur le terrain et de leur expérience personnelle.
L’évaluation prend en compte la présentation au Colloque et le rapport final.

Pour l’année 1997, nous avions proposé aux étudiants 3 groupes thématiques. Ultérieurement,
nous avons été amenés à recentrer les choix sur 2 thématiques, sur un nombre d’enseignants
plus restreint et à confier la coordination à l’un d’entre nous (F. Lombard).

70Ces séances se déroulant en parallèle avec les unités de formation transversales, les
étudiants peuvent être amenés à utiliser leur période de stage sur le terrain pour mener à bien
leur projet. Cette option dépendant en grande partie des offres des formateurs de terrain, nous
avons eu l’heureuse surprise de constater que les enseignants genevois se sont trouvés
nombreux à faire des propositions. Près de 80 étudiants ont pu ainsi faire l’expérience
concrète de l’usage des technologies en classe.

1.1 – Thème 1 : textes, images et sons dans


la communication pédagogique
71Depuis plus de trente ans, les médias – appelés longtemps de façon restrictive les
« auxiliaires audiovisuels » – constituent un moyen d’enseignement pour toutes les disciplines
scolaires. Mais en même temps ils sont devenus, au même titre que la lecture et l’écriture, une
matière, un contenu d’enseignement quasiment autonome : l’éducation aux médias.
Aujourd’hui, sous l’effet du développement de l’informatique et des médias électroniques, les
médias conventionnels connaissent une profonde évolution. Certaines problématiques
fondamentales se perpétuent à travers cette mutation technique et, vu l’importance de celle-ci,
prennent d’autant plus d’importance encore. Citons : les modes de présentation et de
traitement des contenus à travers les supports textuels, iconiques et sonores ; le rapport entre
le texte, les images et le son, la communication par l’image et plus particulièrement les
rapports entre médias et communication pédagogique ; enfin, l’éducation au langage des sons
et des images ainsi qu’aux formes de représentation scientifique. Les étudiants ont eu le choix
de travailler sur les thématiques suivantes :

1.1.1 – Les médias comme moyens


d’enseignement
72Il s’agit d’une thématique classique : les textes, les images et les sons au service des
disciplines scolaires. L’effet des médias ou de certaines variables de présentation sur les
apprentissages scolaires constitue un domaine privilégié de cette orientation. Les étudiants ont
abordé ces thèmes par l’un des trois points de vue suivants : la compréhension et l’analyse des
documents et des langages, la conception et la production de matériaux pédagogiques et,
enfin, l’analyse de leurs effets. L’éducation aux formes de représentation et aux formalismes
propres à certaines disciplines trouvera une place « naturelle » dans cette perspective.

1.1.2 – Les médias comme contenus


d’enseignement
73L’émergence de ce que certains ont nommé l’opulence communicationnelle rend plus que
jamais nécessaire une éducation aux médias et à leurs langages. Les programmes
d’alphabétisation audiovisuelle en faveur desquels militent depuis plus de 25 ans l’UNESCO,
le CIME (Conseil International pour l’Éducation aux Médias), le Conseil de l’Europe ainsi
que des nombreuses organisations pédagogiques nationales, n’existent encore souvent qu’à
l’état de projet. Dans ce domaine, l’approche pédagogique proposée par « Magellan » [4]
[4]Magellan : Programme d’éducation aux médias avec la Télévision… a constitué l’une des
approches possibles.

1.1.3 – L’intégration des médias dans la


pratique scolaire
74Malgré des années d’utilisation, la pratique réelle des enseignants semble n’avoir jamais
connu le développement escompté. De plus, elle est peu ou mal connue aujourd’hui. Il est
difficile de répondre aux questions de type : qui utilise quoi, comment, pourquoi ? On dispose
de peu d’études de cas qui systématisent la pratique des enseignants et analysent leurs
besoins, leurs expériences, leurs productions, leurs critères d’évaluation, mais aussi leurs
difficultés pédagogiques et/ou institutionnelles. Or, une réelle politique en cette matière ne
peut se développer sans la connaissance réelle du terrain.
1.1.4 – Les formes de communication
didactique et socio-éducative
75Quels sont les rapports entre les différentes formes de communication pédagogique et les
modèles de communication ? Quelles sont les formes caractéristiques de la communication
pédagogique ? En quoi se distinguent, par exemple, les différentes productions médiatiques à
vocation éducative ? Ces questions sont certes plus théoriques, mais les traiter permettra aux
étudiants de fonder l’usage pédagogique des médias sur une meilleure connaissance de ces
derniers.

76Quelques exemples de projets réalisés dans cette thématique :

 Effet de la dégradation de l’image sur la reconnaissance d’animaux familiers chez les


enfants ;
 Le petit Chaperon rouge, d’hier à aujourd’hui ;
 Métaphore visuelle : le trucage photographique ;
 Le roi lion : analyse de la bande sonore.

1.2 – Thème 2 : le développement des


logiciels éducatifs
77L’histoire du logiciel éducatif n’a pas plus de trente ans (le projet PLATO date de la fin des
années soixante) et cette histoire est en grande partie déterminée par les progrès spectaculaires
des ordinateurs sur le plan technique. Ce qui est possible de faire sur une machine standard
aujourd’hui, par exemple en matière de traitement des images, ne l’était pas il y a seulement
cinq ans (même sur un gros ordinateur). Mais cette histoire n’est pas seulement celle des
ordinateurs, elle a aussi été marquée par des débats passionnés autour des modèles théoriques
véhiculés par ces applications. Ces modèles concernent la didactique des disciplines, les
processus d’apprentissage ou encore les modalités d’intégration de ces programmes dans le
cursus scolaire traditionnel.

78Ce thème aborde ces questions à travers l’étude des différents modèles véhiculés par ces
applications et les développements qu’ils ont traversés. L’accent a été mis plus
particulièrement sur l’étude des différents scénarios d’interactions entre l’élève et un artefact
technique : exploration libre, questions/réponses, découverte guidée, manipulation directe,
interprétation des réponses, systèmes d’aide… Le travail porte autant sur l’évaluation de ces
logiciels en situation que sur les problèmes théoriques et techniques liés à leur conception.
Les étudiants qui ont choisi ce thème ont eu la possibilité de consulter et de tester de
nombreux logiciels. Certains ont même pu réaliser, avec l’aide de formateurs de terrain [5]
[5]Formateur de terrain : enseignant actif dans une classe qui…, de petites maquettes avec un
système auteur pour mettre au point un scénario didactique. Quatre thématiques ont été
proposées :

1.2.1 – Les logiciels d’EAO


79Sous leur forme classique, les logiciels d’EAO reposent sur un modèle d’interaction qui
comprend trois phases : présentation de l’information à apprendre, question, analyse de la
réponse et feedback. Ce cycle est répété en boucles plus ou moins fermées pour favoriser
l’acquisition d’automatismes et induire chez l’élève des processus de généralisation. Les
applications diffusées sur le marché comprennent maintenant, en plus des exercices, un
environnement de travail plus ou moins ludique (ADI, Jonathan…) et des outils standard
intégrés pour prendre des notes, faire des calculs ou consulter un dictionnaire (éditeur,
calculette, glossaires). Dans ce module, les étudiants ont eu la possibilité de tester de
nombreux logiciels (surtout ceux utilisés dans les écoles), de développer un sens critique sur
la valeur didactique et pédagogique de ces applications et d’être sensibilisé aux facteurs qui
règlent l’évolution de ces logiciels.

1.2.2 – Les micromondes


80Les micromondes privilégient une approche exploratoire des connaissances à enseigner.
Historiquement Logo est le premier environnement de ce type mais il existe maintenant de
nombreuses applications qui s’en inspirent (Blocks in Motion, Cabri-Géomètre, Stella).
L’élève est mis en présence d’un ensemble de primitives qui lui permettent de construire à son
rythme des objets de complexité croissante comme dans un environnement de
programmation. Les recherches expérimentales ont montré que ces environnements
nécessitent une intervention soutenue de l’enseignant pour que l’élève puisse profiter
pleinement des situations d’apprentissage. Dans le cas contraire, les effets observés sont très
décevants. Plusieurs approches ont été présentées et certains étudiants ont pu développer des
séquences originales qu’ils ont ensuite testées sur des élèves en classe.

1.2.3 – Nouvelles approches du logiciel


éducatif
81Avec les nouveaux moyens en matière de traitement des images et des sons, avec
l’approche hypertexte pour la navigation et les simulations basées sur des modèles formels, le
logiciel éducatif diversifie de plus en plus ses modèles de présentation. Grâce à ces nouvelles
techniques, il tend actuellement à mieux prendre en compte les spécificités des contenus
présentés et par voie de conséquence les disciplines à enseigner. C’est ainsi qu’ont vu le jour
de nombreuses encyclopédies sur des thèmes scientifiques, littéraires et artistiques. Ces
encyclopédies sont construites comme des manuels scolaires et comportent des outils
d’évaluation et de navigation. Les sciences expérimentales disposent maintenant d’outils de
simulation et de véritables laboratoires virtuels pour réaliser des expériences dans les
domaines de l’électricité, de la physique ou de la biologie. Il faut ajouter à cette panoplie en
plein développement les outils traditionnels sur support informatique comme les dictionnaires,
les correcteurs, les agendas. Enfin, l’approche ludique qui mêle le didacticiel et les jeux vidéo
forme une classe d’applications très prisée par les enfants mais aussi par les parents.

1.2.4 – Applications standard


82Les applications standard (Traitements de Texte, Éditeurs graphiques, Bases de Données,
Tableurs…) représentent la transposition des langages et des savoir-faire de base (lire, écrire,
calculer, organiser, chercher de l’information…) sur support informatique. À ce titre, ils ont
un triple intérêt pour l’enseignement. Premièrement, ces savoir-faire sont transformés par la
technique et, de ce fait, nécessitent un apprentissage spécifique auquel nous voulons
sensibiliser les futurs enseignants. En second lieu, ces applications peuvent être
« détournées » de leurs objectifs professionnels et être utilisées pour construire des scénarios
didactiques originaux (utilisation du traitement de texte pour faire de la grammaire ou de
l’orthographe, du tableur pour faire de l’arithmétique…). Enfin, ces programmes peuvent être
utilisés par l’enseignant comme des outils génériques pour réaliser des documents
conventionnels, organiser son travail et plus généralement gérer sa classe.

83Quelques exemples de projets réalisés dans le cadre des travaux de ce thème :

 À la conquête de Roberval et Ranger : interactions d’élèves avec deux logiciels de


mathématique.
 Les aventures de la conjugaison : comparaison de deux logiciels : Tim 7 et ADI.
 Du travail à l’accompagnement scolaire : comparaison de deux logiciels de français.
 Dessin avec Block in Motion.
 Création d’un site web sur la géographie genevoise par des élèves de 6P pour des
élèves de 4P.
 Logiciels mathématiques : du drill à la construction de stratégies.
 Détournement pédagogique de Word.

1.3 – Thème 3 : télématique et collaboration


84Ce thème est centré sur les aspects techniques et théoriques d’outils télématiques pertinents
du point de vue leur exploitation effective ou potentielle en classe. Ces outils sont au service
de la collaboration, proche ou à distance, entre élèves, entre enseignants et élèves, entre
collègues. Afin d’augmenter les moyens d’analyse critique des futurs enseignants, des apports
conceptuels liés aux bénéfices et contraintes de la collaboration sur l’apprentissage sont
fournis. De plus, grâce aux exposés d’enseignants impliqués dans les projets Edunet [6]
[6]Edunet (http://www.edunet.ch), Mosaïca [7][7]Mosaïca… et Petit Bazar [8][8]Petit Bazar
http://www.esigge.ch/primaire/, les étudiants ont l’opportunité de discuter d’expériences
réalisées en classe.

85Plus concrètement, les étudiants sont initiés à l’usage du courrier électronique et des
exploitations pédagogiques possibles : correspondance scolaire, conduite d’enquêtes,
encadrement d’élèves à distance par un adulte expert. Comment deux élèves de 5e primaire,
devenus experts dans le courrier électronique, initient-ils leurs pairs novices à l’usage de cet
outil ? Ou quelles interactions permettent de réguler les erreurs d’orthographe et de syntaxe
contenues dans les messages envoyés par des élèves, alors qu’il s’agit de copies d’une version
papier entièrement corrigée par l’enseignant ? Certaines équipes d’étudiants ont développé
des expertises dans ces problématiques.

86Tous les étudiants découvrent le web et sont initiés à l’édition de documents simples au
format html. Certaines exploitations pédagogiques sont discutées : recherche d’informations
sur un objet, création d’un journal d’école, lancer de concours sur les pires énigmes
mathématiques, édition des résultats d’une enquête menée à l’aide du courrier électronique.
Mais comment être critique par rapport à une page que l’on a conçue soi-même pour favoriser
l’acquisition de connaissances géographiques de ses futurs élèves ? Comment coopèrent ces
élèves de 6e primaire contraints à publier, en une journée, un journal sur le Petit Bazar lors du
Salon du livre ? Une autre équipe a, quant à elle, tenté d’accroître les moyens de collaboration
entre collègues en éditant les séquences didactiques élaborées par les 80 étudiants au cours de
leur formation.

87La collaboration synchrone dans un environnement virtuel est également au menu de ce


thème. Les étudiants font leurs premiers pas dans le MOO [9][9]MOO: MUD Object Oriented
ou parfois, Multi-User Object Oriented… et l’exploitation pédagogique de cet outil a inspiré
plus d’une équipe. Ainsi, une chasse au trésor entre élèves romands et suisses alémaniques
devrait favoriser l’acquisition de compétences linguistiques étrangères. Mais de quelle nature
sont les interactions entre deux élèves collaborant virtuellement sur un problème
mathématique ? Deux étudiantes ont, quant à elles, pu constater que le manque de personnes
présentes au vernissage virtuel d’une exposition, tout aussi virtuelle, a amené les élèves, tous
assis derrière leur ordinateur mais dans la même pièce, à se communiquer oralement ce qu’ils
se disaient virtuellement… La télématique n’est pas une fin en soi, mais bien un outil au
service de toute collaboration ou communication pour laquelle les fonctions naturelles et
outils traditionnels ne suffisent plus.

2 – Création d’un réseau de compétences et


premier bilan de la formation des
enseignants
88Mais ces compétences développées en équipe ne sont inscrites dans un réseau profitable à
tous les étudiants qu’à partir du moment où chacun sait à qui s’adresser en cas de besoin d’un
outil particulier. Le réseau doit donc être construit et intégré dans les représentations de
chaque étudiant. Dans cette perspective, les équipes n’ont pas dû remettre aux formateurs un
travail que seuls ces derniers auraient lu dans un but d’évaluation… Encore moins ont-ils été
invités à multiplier les photocopies de leur rapport en vue de les distribuer à quiconque
voudrait bien les lire sans y être contraint… En revanche, les équipes ont dû présenter leur
projet d’approfondissement dans le cadre d’un colloque, organisé à l’image des colloques
scientifiques. La présentation, limitée dans le temps afin d’obliger la centration sur l’essentiel,
est faite sous forme de communication orale ou de poster, avec démonstration technique au
besoin, avec utilisation d’un site web comme dépositaire des travaux ou de leur présentation
lors du colloque [10][10]http://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/LME/lme-projets_00.html)..

89Pendant deux jours, les compétences ont ainsi été partagées entre étudiants, formateurs,
enseignants de classes primaires et autres spécialistes. Et l’évaluation dans tout ça ?
rétorqueront certains pédagogues. Et bien, les formateurs de l’unité écoutent, observent,
posent des questions, comme tout participant à un colloque, mais à la différence d’un
participant ils ont une grille de critères à remplir après chaque intervention !

90Au terme de 4 années d’expérience, on peut dire que la mise en œuvre du scénario de
formation a, dans son ensemble, bien fonctionné. En ce qui concerne les trois groupes
thématiques le choix des étudiants s’est moins porté, en 97, sur le premier groupe,
contrairement à ce que nous avions anticipé. Il semblerait qu’à priori, l’usage des outils
informatiques dans l’enseignement revêt plus d’intérêt dans l’opinion des novices que
l’exploitation des outils audiovisuels. Toutefois, lors du colloque, de nombreux étudiants ont
été surpris par l’originalité et la pertinence pédagogique des travaux d’équipe réalisés dans ce
thème. Cette révélation laisse à penser que des préjugés ont pu être transformés. L’année 98,
puis 99 ont révélé leur lot de surprises aussi. Ainsi la production de sites web a été plébiscitée,
par un effet de mode sans doute ainsi que par la perception de l’utilité professionnelle de ce
savoir-faire !

91En 99, en plus des nombreux sites web, le choix s’est aussi très largement porté sur la
création de logiciels multimédia, exploitant en particulier la puissance explicitatoire des
intuitions pédagogiques que permet la méthodologie de Green (Crossley & Green, 85), avec
pour but au second degré de comprendre de l’intérieur les logiciels. En effet, le regard de
celui qui a été concepteur est plus aigu et plus analytique.

92La réflexion pédagogique et la nécessité d’expliciter ses choix pédagogiques qu’implique


ce type de création auront permis de développer la capacité à analyser un multimédia de
manière plus pertinente. Certes, l’encadrement technique et conceptuel des 34 projets
d’équipe s’est avéré coûteux : 8 au départ puis 6 enseignants de l’université, des assistants,
des formateurs de terrain… et la technique qui résiste, le réseau qui tombe en panne ! Mais
c’est peut-être cet investissement de notre part qui a en partie motivé les étudiants à prendre
leur projet en charge et a permis d’aboutir à des travaux de qualité supérieure à ce que nous
avions attendu. Quant aux obstacles techniques qui freinent l’avancement des projets, ils ont
permis aux étudiants de comprendre que l’usage des technologies requiert patience,
philosophie et recherche continue de solutions.

93Reste à savoir si les objectifs de la formation ont été atteints. Il convient de préciser que
certains étudiants ont débuté en sachant à peine utiliser un traitement de texte activé par un
tiers. Ceci nous a amené à déterminer un objectif de base en cours de formation, c’est à dire
inciter les étudiants à s’engager dans les outils technologiques en acceptant les tâtonnements
requis et sans craindre les catastrophes fantasmatiques. Certes, le degré de maîtrise technique
des outils est variable entre les étudiants, mais les travaux ont montré l’acquisition de
compétences dans un outil en particulier. Les problématiques et critiques soulevées dans les
présentations indiquent également un certain niveau d’usage critique des outils sur le plan
pédagogique. En revanche, il ne nous est pas possible de vérifier si ce degré d’analyse sera
transféré lors d’un projet pédagogique mis en œuvre dans un contexte ultérieur. Néanmoins,
quelques indices nous permettent de penser que le réseau de compétences jouera un rôle de
conseil et mise en garde. En effet, nous avons été surpris par l’intérêt et la participation active
de tous les étudiants durant les deux journées d’échanges des compétences (rappelons ici que
la présence aux cours et séminaires n’est pas obligatoire à l’université).

Bibliographie
94Jacquinot, G., Image et pédagogie, Paris, PUF, 1977.

95Crossley, K., Green, L., Le design des didacticiels, Éditions ACL, 1985. (traduit par
Barchechath, E., Pouts-Lajus, S.,)

96Mendelsohn, P., Dillenbourg, P., « Le développement de l’enseignement intelligemment


assisté par ordinateur », dans Le Ny, J-F., Intelligence Naturelle et Intelligence Artificielle,
Paris, PUF, 1993, pp. 233-258.
97Peraya, D., « Vers une théorie des paratextes », Recherches en communication, 1995, 4, pp.
119-154.

98Papert, S., Mindstorms: children, computers and powerful ideas, New York, Basic Books,
1980.

III – La formation aux métiers de


l’enseignement à distance (Guy Coutret)
99Les systèmes éducatifs sont confrontés à une poussée des demandes de formation et à une
stagnation des budgets. Cette situation les amène à se tourner vers l’enseignement à distance
et requiert la formation de professionnels de l’enseignement à distance.

100Pour assurer sa mission – « diffuser à tous un enseignement à distance en usant des


nouvelles technologies » – et faire face à cette situation durable le CNED a mis en place une
École de formation aux métiers de l’enseignement à distance.

101Cette école destinée à la formation d’un corps de spécialistes de l’enseignement à


distance vise aussi à assurer pour le CNED des fonctions de conservatoire des savoir-faire
internes, de capteur des innovations externes, de creuset des compétences, de laboratoire de
développement et de vecteur de diffusion. Elle développe au niveau national mais aussi
international, des actions de formation, dans le domaine pédagogique, de l’ingénierie, des
technologies et des produits multimédias. Ces formations, organisées sous forme de stages ou
à distance, s’appuient en particulier sur un Campus Électronique et une Agora.

102Les systèmes éducatifs sont confrontés à une poussée des demandes de formation et à une
stagnation des budgets, ce qui les amène à se tourner vers l’enseignement à distance. Pour
autant, ce serait une erreur de considérer que la logistique et la pédagogie particulières à
l’enseignement à distance sont faciles à développer, même en ces temps où triomphent les
nouvelles technologies de l’information et de la communication (professeur Armando Rocha
Trindade) [11][11]Président de l’I.C.D.E. (International Council for Distance….

103Le CNED [12][12]CNED http://www.cned.fr et http:/www.campus-electronique.tm.fr en


sait quelque chose, puisque sa mission [13][13]Décret n° 79-1228 du 31 décembre 1979,
modifié par le décret n°… « diffuser à tous un enseignement à distance en usant des
techniques modernes de communication » le place quotidiennement dans la situation d’avoir à
se moderniser et dans l’obligation vitale de le faire vite, s’il veut maintenir et accroître la
qualité de ses services. De l’analyse que le CNED, a faite de cette situation, découle un
certain nombre de mesures, dont la création en septembre 1997 d’une École de formation aux
métiers de l’enseignement à distance.

104Une double nécessité, interne et externe, a guidé l’étude préparatoire à la création de cette
École de formation : d’une part, prendre en compte les besoins du CNED en vue d’une
meilleure qualité globale du service de l’enseignement à distance, et, d’autre part, ouvrir très
largement le CNED sur la France et l’étranger.

105Il est évident qu’il y a, à l’intérieur du CNED, un capital de savoir-faire, mais souvent
méconnu et toujours parcellisé. Ce capital intrinsèque mérite d’être valorisé, modélisé,
diffusé… et le moyen d’y parvenir est d’instaurer une forte dynamique de formation des
agents de l’établissement. Mais l’attention portée aux savoir-faire ne doit pas se borner à
valoriser l’acquis. Les évolutions techniques font pression sur les évolutions pédagogiques et
contraignent le CNED à se doter d’un corps de spécialistes le plus performant possible en
enseignement à distance, ce qui ne va pas sans conjuguer les compétences liées à trois
domaines d’activité : pédagogique, administratif et technique, et sans adjoindre aux agents
classiques de l’enseignement à distance de nouveaux professionnels : informaticiens des
réseaux, analystes des besoins du public, commerciaux …

106Toutefois, si l’École est en premier lieu l’École du CNED au service du CNED, elle n’est
pas cantonnée pour autant à cette seule dimension et vise à intervenir hors du CNED, au sein
de l’Éducation nationale certes, mais aussi de façon plus large en France et à l’étranger. En
effet, le domaine de l’enseignement à distance est, en ces jours, objet de reconnaissance
extérieure à son aire traditionnelle, donc objet de fortes attentes, voire d’espoirs. Attestent de
cet état d’esprit les multiples sollicitations nationales et internationales dont est destinataire le
CNED et les multiples initiatives que prend l’établissement. L’efficacité commande de
structurer davantage la capacité d’action du CNED dans ce domaine.

107Ainsi, « l’École de formation aux métiers de l’enseignement à distance » est tout à la fois
le « conservatoire » du savoir-faire du CNED, le « capteur » de méthodes et de pratiques
mises au point à l’extérieur, le « creuset » dans lequel se fondent les compétences, le
« laboratoire » pratique d’activités pédagogiques et le « vecteur », interne et externe, de
diffusion du savoir-faire du CNED

1 – Les dispositifs mis en œuvre à l’école de


formation aux métiers de l’enseignement à
distance du CNED
108Ils s’articulent autour d’une « Agora Tech », d’un département de la formation et d’un
département des actions extérieures.

1.1 – Une « Agora Tech » [14][14]Marque


déposée.
109La mise à disposition d’une documentation exhaustive sur l’enseignement à distance est la
base d’une politique de développement et d’évolution des pratiques des établissements et des
personnels spécialisés en la matière. À cette fin, l’École a ouvert une « Agora Tech ».

110Il ne s’agit pas d’un centre documentaire traditionnel, mais davantage d’un carrefour
permettant de recevoir, d’organiser, de redistribuer l’information en sollicitant les nouvelles
technologies. « Agora » contient cette idée de carrefour où les personnes échangent des
informations et tissent de multiples liens ; « Tech » renvoie bien sûr à l’utilisation des
nouvelles technologies. En bref, c’est un site virtuel qui s’inscrit dans le concept d’université
sans murs. On peut même envisager dans l’avenir une mise en image tridimensionnelle avec
différents « lieux » d’échanges et d’archivage susceptibles de mieux répondre aux besoins des
professionnels de l’enseignement à distance grâce à une vision quasi topographique.

111Trois missions ont été assignées à l’« Agora Tech » :

 constituer la colonne vertébrale d’un système documentaire homogène au CNED ;


 créer une banque numérique de données portant sur les références, les contenus, les
pratiques, la technologie de l’enseignement à distance ;
 participer à l’action de formation de l’École en diffusant, sur tout support, les
informations collectées.

Ainsi, les supports de travail de l’« Agora Tech » sont pour partie physiques (rassemblement
d’un fonds documentaire écrit, audiovisuel, informatique, édition d’études à usage interne et
externe), et pour partie virtuels via le Campus Électronique du CNED (constitution de
répertoires d’articles, d’ouvrages, liaison avec les Centres d’information dispersés au sein du
CNED, en France, et à l’étranger).

112La mission d’information/formation de l’« Agora Tech » ne suffit cependant pas à elle


seule à assumer la réponse aux besoins et à la volonté de formation des personnels du CNED.
Aussi, une active politique de formation a-t-elle été impulsée et une large ouverture
envisagée.

1.2 – Un département de la formation


113Ce département, au cœur de l’École, doit répondre à des demandes de formation émanant
de publics très divers, internes et externes au CNED, en puisant des formateurs aussi bien
dans le vivier de l’établissement (démarche de valorisation des acquis) que dans le monde
extérieur (démarche d’enrichissement).

114Une programmation se met en place, avec pour objectif d’aboutir à un ensemble de


formations de formateurs en enseignement à distance, pour une part inscrite dans un
catalogue, dans deux dimensions :

 développement de ressources documentaires (accessibles in situ, sur l’intranet du


CNED, et à distance sur le Campus électronique du CNED) ;
 développement de produits de formation (stages en présence, formations à distance sur
réseaux) ;
 sans négliger la dimension de la recherche appliquée.

Enfin, sous l’angle des supports, l’École doit être exemplaire, c’est dire que, sans rejeter la
forme « stage en présence » et « documents imprimés », l’École se veut délibérément « sans
murs », en faisant appel aux techniques actuelles de communication. L’Agora Tech répond à
ce choix ainsi que l’équipement d’un Espace de formation MultiMédia (fin 1997) et d’une
salle polyvalente dotée d’un dispositif de projection audio-vidéo-informatique (1999).

1.3 – Un département chargé des actions


extérieures
115Comme il a été dit, une active démarche d’ouverture de l’École sur le monde extérieur au
CNED, français, européen et international, apparaît comme incontournable, soit par obligation
(le CNED est l’objet de multiples sollicitations de la part de partenaires potentiels), soit par
nécessité (les expériences extérieures sont un enrichissement de son savoir-faire).

116Conduire cette démarche est la mission dévolue à une section spécialisée de l’École qui
s’emploie à détecter et exploiter les expériences étrangères en enseignement à distance, à
assurer la participation de l’École aux programmes étrangers portant sur l’enseignement à
distance, à accueillir des experts extérieurs dont les savoirs, les compétences et les recherches
sont de nature à vivifier le CNED, enfin à organiser des actions de formation internationales
pour diffuser le savoir-faire du CNED.

2 – Les thèmes structurants de la formation


aux métiers de l’enseignement à distance au
CNED
117Après trois années de fonctionnement, si certaines hypothèses de départ, exposées
précédemment, sont confirmées, d’autres sont en passe d’être corrigées et une typologie
s’établit.

2.1 – L’ingénierie de la formation à distance


118Manifestement, le stade primaire – celui de la sensibilisation à l’enseignement à distance –
devient de moins en moins nécessaire, signe que ce mode d’enseignement accède
progressivement à la notoriété. C’est pourquoi les stages axés sur « Les fondamentaux de
l’EAD » ne devraient pas atteindre l’ampleur massive escomptée (et redoutée), et pourront,
tout au moins pour les nouveaux personnels du CNED, être remplacés avantageusement par
des émissions de télévision thématiques.

119En revanche, les formations lourdes à l’ingénierie de la formation à distance s’avèrent


incontournables et prennent directement la forme web.

120L’École a deux projets dans ce domaine, l’un en cours de réalisation (IFORMAD), l’autre
en discussion (IFAD) :

 IFORMAD (« Ingénierie de la Formation à Distance : méthodologie et pratiques ») est


une formation de 250 heures, subventionnée partiellement par le Fonds francophone
des Inforoutes, en partenariat avec le Liban et Madagascar, s’adressant à des
formateurs ou des responsables de systèmes éducatifs et conçue pour une diffusion sur
le Campus Électronique à partir d’octobre 2000. Outre des cours en ligne, seront
proposés des services interactifs personnalisés (tutorat par messagerie électronique et
correction individualisée) et des services interactifs pour les groupes d’usagers
(forums).
 IFAD (« Ingénierie de la Formation à distance ») : l’inconvénient d’IFORMAD est de
ne pas être diplômant, c’est pourquoi l’École s’est rapprochée de l’INSA de Rouen, de
l’Université de Caen et du CNAM pour envisager ce DESS IFAD, « en ligne » lui
aussi, sans doute à la rentrée 2001.

2.2 – Les stages internationaux


121Ils connaissent un bel essor et reposent :

 soit sur une définition concertée avec le commanditaire, par exemple l’accueil de
stagiaires marocains, tunisiens, costariciens, brésiliens… au cours des années 1998-
2000, ou (septembre-octobre 2000) le stage « tuteurs » pour le COLEACP (Comité de
liaison Europe-Afrique-Caraïbes-Pacifique pour la promotion des exportations
horticoles) et celui destiné à 15 formateurs chinois de haut rang ;
 soit sur une offre d’été, programmée, du CNED : à ce type appartiennent les trois
stages « Concevoir des dispositifs ouverts et à distance pour l’enseignement du
FLE/FLS » dispensés en 1999-2000, le projet 2001 « Techniques de création et de
gestion de produits multimédias » et les propositions de l’École faites dans le cadre du
projet Eumédis-Avicenne (formation de responsables de centres d’EAD, de tuteurs,
etc.) ou le montage de stages « répétiteurs » pour les écoles françaises à l’étranger.

Les réactions tant des publics formés que des spécialistes et des bailleurs de fonds (Ministère
des Affaires Étrangères par exemple) sont positives : les stages internationaux de l’École ont
bonne presse auprès des spécialistes et la qualité des formations offertes tend à fidéliser les
usagers comme en témoignent les demandes récurrentes de certains postes diplomatiques.

2.3 – Les stages d’adaptation et de


perfectionnement
122Ils sont programmés au fil de l’année et visent à développer les compétences des
personnels internes ou externes au CNED ou à réfléchir sur les évolutions pédagogiques.

123L’un des axes principaux vise depuis trois ans à doter le CNED de chefs de projet
multimédia, en nombre significatif (2 personnes x 8 instituts, chaque année), au prix d’une
formation lourde (20 jours étalés sur 10 mois), traitant d’aspects méthodologiques fondés sur
la notion de qualité appliquée à la conduite de projet multimédia, balayant les conditions
pédagogiques, juridiques, financières, commerciales, de conception et de fabrication de ces
produits multimédias et faisant une large part aux contacts avec les professionnels du privé,
dans un état d’esprit de partenariat.

124Un autre secteur, très actif, porte sur les usages pédagogiques des outils proposés par les
nouvelles technologies. Ces formations, très diversifiées, vont de la simple initiation (mais
encore plus nécessaire qu’on le croit !) à l’informatique et à l’Internet jusqu’à la réflexion
poussée sur la correction par réseau, en passant par l’usage des images 2D, les logiciels de
développement (Front Page, Flash) ou les langages (html, Javascript), ainsi que les outils de
développement multimédia en vue de la production de cédéroms et DVDroms ou la maîtrise
de la télévision numérique de formation. L’accent est mis systématiquement, non pas sur
l’outil, mais sur les « plus » pédagogiques que son usage entraîne et conduit à une remise en
cause des contenus de cours et des formes d’évaluation. D’autres métiers, périphériques mais
indispensables à l’industrie de l’enseignement à distance, ne sont pas oubliés : téléacteurs
renseignant et orientant les usagers/clients ; spécialistes des études sur les marchés et les
besoins de formation ; etc.

Figure 1

Figure 2

Figure 3

2.4 – « Veille et Ouverture » : « Agora


Tech », « Ateliers » et « Rendez-vous »
125Parallèlement à « l’explosion » des formations en volume et en diversité, l’« Agora Tech »
a développé la mise à disposition d’un ensemble documentaire propre à l’enseignement à
distance, soit par réseau fédérant l’ensemble des ressources disponibles au CNED
(répertoriées grâce au logiciel BCDI 2), soit physiquement par un embryon de bibliothèque
fort actuellement de 2500 documents (6000 en 2002) avec intégration du fonds du LARIC
(Laboratoire de recherche sur l’industrie de la connaissance) que le CNED vient de dissoudre
dans l’École, soit par la constitution d’un site intranet intitulé « EAD : formation et
pratiques » (qui atteint actuellement plus de 40 Mo de données et devrait atteindre les 100 Mo
d’ici 2002), soit en s’apprêtant à investir la rubrique « Forum des formateurs » du Campus
électronique sur le web.

Tableau 1

Arborescence du site « EAD : formation et


pratiques » (intranet du CNED)

126Les « Ateliers de l’École » recouvrent des journées de présentation et d’expérimentation


de nouveaux produits de formation susceptibles d’être utiles pour le fonctionnement du
CNED et pour les pratiques pédagogiques de l’enseignement à distance. Les produits analysés
peuvent aussi bien être déterminés par le CNED en toute indépendance ou s’insérer dans une
politique d’appel d’offres auprès d’éditeurs. Il peut s’agir tout autant de produits de formation
multimédia que de services liés à la formation.

127« Les Rendez-vous de l’École » regroupent une série de manifestations (séminaires et


conférences, visioconférences, publications d’articles) conduisant les institutions partenaires
et leurs spécialistes à échanger avec les personnels du CNED et à confronter actions,
expériences, recherches. Citons, à titre d’exemples, les réflexions communes avec les
« Tutors » de l’Open University, des visioconférences comme celle avec l’Université de
Genève sur « Comment penser un accompagnement personnalisé des apprenants ? », la
confrontation d’expériences de correction électronique avec la Fern Universität ou
l’Université de Rome 3, l’observation des pratiques télévisuelles du Conzorzio Nettuno, de
nombreux articles dans CCE (CNED Canal Éducation), etc. L’orientation actuelle semble être
à la constitution de communautés (virtuelles) liées à l’École, animées par les mêmes intérêts
et soucieuses de déboucher sur des actions concrètes (formations, publications…), à la
détermination de grands thèmes de réflexion (réseaux/correction tutorée/correction
automatisée ; formes de tutorat en enseignement à distance…), à l’émergence d’une capacité
d’expertise (aide aux gouvernements marocain, péruvien, au montage de dispositifs
d’enseignement à distance, audit de l’enseignement à distance français au Japon…).

3 – Conclusion
128L’École de formation aux métiers de l’enseignement à distance du CNED vise à doter
celui-ci d’un corps de spécialistes le plus performant possible en enseignement à distance, soit
en consolidant les savoir-faire actuels et en incitant à l’usage des nouvelles technologies, soit
en traitant de thèmes cruciaux.

129Elle développe donc des actions de formation, sous forme de stages ou à distance, tant
dans le domaine pédagogique et technique que dans celui de l’ingénierie (« Ingénierie de la
formation à distance : méthodologie et pratiques ») ou dans celui des techniques (logiciels,
audiovisuel) et de l’expertise de produits multimédias (« Ateliers »).

130Pour ce faire, elle s’appuie sur trois organisations mises en place par le CNED : l’« Agora
Tech » (centre de documentation, d’information et de formation sur réseaux), un site intranet
d’échanges et de validation et le Campus électronique, plate-forme de services virtuels
ouverts au public.

131Mais c’est aussi une École ouverte, tournée vers la détection et l’exploitation
d’expériences étrangères en enseignement à distance, la participation aux programmes
étrangers portant sur l’enseignement à distance dans sa dimension « ingénierie » et
« formation de formateurs », et l’impulsion d’échanges de compétences par l’accueil
d’experts extérieurs (« Les Rendez-Vous ») et par l’organisation d’actions de formation vis-à-
vis de l’international.

132En combinant « Agora Tech », programme de formation et ouverture, l’École de


formation aux métiers de l’enseignement à distance se met en mesure de relever le pari du
développement et de la modernisation du savoir-faire du CNED. Le volume d’activités et les
premiers résultats en témoignent.

Bibliographie
133Une bibliographie spécifique sur la formation de formateurs en enseignement à distance
n’est pas aisée à établir, ce thème ne faisant pas fréquemment l’objet de publications
propres. De nombreux aspects sont à glaner dans des ouvrages plus généraux ou dans des
articles. Les titres qui suivent ne prétendent donc pas à l’exhaustivité.
134Mantyla,, K., Gividen,, J.R., Distance Learning : a Step-by-Step Guide for Trainers.
Select the best Technologies, Explore Implementation Strategies, Integrate DL into your
Training Program, Alexandria, VA, American Society for Training & Development, 1997,
179 p.- ISBN : 1-56286-060-7.

135Collectif, Supporting Distance Learners : a Tutor’s Guide, Cape Town, The South
African Institute for Distance Education, 1998 ,84 p. - ISBN : 1-86859-035-6.

136Mills, R., Tait, A., Supporting the Learner in Open and Distance Learning, Londres,
Pitman Publishing, 1998, 238 p. - ISBN : 0-273-62316-8.

137Marland, P., Towards More Effective Open & Distance Teaching, Stirling, VA, Kogan
Page Limited, 1997, 127 p. - ISBN : 0-7494-2190-8.

138Porter, L.R., Creating the virtual classroom : distance learning with the Internet, New
York, Wiley Computer Publishing, 1997, 260 p. - ISBN : 0-471-17830-6.

139Saint-Pierre, A., Intégration d’Internet dans la classe pour l’enseignement et


l’apprentissage à distance  : création de classes virtuelles, Montréal, Vermette, 1998, 103 p. -
ISBN : 2-89416-124-7.

Notes
 [1]

Cette section reprend des éléments détaillés dans Bruillard (1998).

 [2]

TECFA : http://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/LME/lme-overview.html

 [3]

Le département de l’instruction publique genevois définit les 10 compétences


reconnues comme prioritaires dans la formation continue des enseignants et des
enseignantes La huitième est : « Se servir des technologies nouvelles » : Utiliser des
logiciels d’édition de documents, Exploiter les potentialités didactiques de logiciels en
relation avec les objectifs des domaines d’enseignement, Communiquer à distance par
la télématique, Utiliser des outils multimédias dans son enseignement.

 [4]

Magellan : Programme d’éducation aux médias avec la Télévision Suisse Romande

 [5]

Formateur de terrain : enseignant actif dans une classe qui contribue par son
expérience concrète à la formation des étudiants en leur permettant de pratiquer en
classe.
 [6]

Edunet (http://www.edunet.ch)

 [7]

Mosaïca (http://tecfa.unige.ch/proj/pangea/historique/mosaica-pj.html

 [8]

Petit Bazar http://www.esigge.ch/primaire/

 [9]

MOO: MUD Object Oriented ou parfois, Multi-User Object Oriented systems MUD:
Multi-User Dungeon/Domain/Dimension Il s’agit d’un espace virtuel pour
l’Enseignement et la Recherche http://www.moo.mud.org/moo-faq/moo-faq-
1.html#ss1.1

 [10]

http://tecfa.unige.ch/tecfa/teaching/LME/lme-projets_00.html).

 [11]

Président de l’I.C.D.E. (International Council for Distance Education) et recteur de


l’Université ouverte du Portugal, propos tenus lors du séminaire de travail sur « Les
technologies d’information et de communication dans l’enseignement supérieur :
objectifs et stratégies », Futuroscope, 6 novembre 1997.

 [12]

CNED http://www.cned.fr et http:/www.campus-electronique.tm.fr

 [13]

Décret n° 79-1228 du 31 décembre 1979, modifié par le décret n° 86-254 du 25 février


1986.

 [14]

Marque déposée.

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