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© Librairie Arthème Fayard et Collège de France, 2020.

ISBN : 978-2-213-71929-0
Dépôt légal : octobre 2020.
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Leçon inaugurale prononcée au Collège de France le jeudi
12 décembre 2019 Leçon inaugurale no 292
Les leçons inaugurales du Collège de France
Les leçons inaugurales publiées dans la collection Collège
de France / Fayard
Leçon inaugurale
prononcée au Collège de France
le jeudi 12 décembre 2019

LEÇON INAUGURALE No 292


Monsieur l’Administrateur,
Mesdames et messieurs les Professeurs,
Chers collègues, chers amis,
Mesdames et Messieurs,

La philosophie au XXe siècle a été marquée par l’émergence de la


philosophie analytique qui est rapidement devenue, après la Seconde Guerre
mondiale, la philosophie dominante dans les pays de langue anglaise, et plus
généralement dans le monde. Longtemps réfractaires, les pays d’Europe
continentale, dont la France, ont fini par s’y ouvrir, d’une façon dont on peut
certes regretter qu’elle ait été lente et timide. Ma génération aura, dans les
années 1990, fait un peu bouger les choses, en organisant les philosophes
analytiques d’Europe continentale, tous très minoritaires sur la scène
philosophique de leur pays d’origine, et en les fédérant au sein d’une société
européenne qui accueillait aussi les Britanniques1. Dans la foulée, des
sociétés nationales de philosophie analytique se sont créées un peu partout, et
ont contribué à pallier la sous-représentation de la discipline dans les
institutions universitaires locales des différents pays.
Parmi ces institutions, le Collège de France aura joué, avec le Centre
national de la recherche scientifique (CNRS), un rôle de pionnier en France.
La philosophie analytique y est représentée depuis les années 1960 grâce à
l’enseignement de Jules Vuillemin, qui consacra des leçons mémorables aux
travaux de Bertrand Russell, de Gottlob Frege, de Rudolf Carnap, et qui
invita aussi de grands philosophes analytiques contemporains, comme Peter
Frederick Strawson ou Willard Van Orman Quine, à donner au Collège de
France des cycles de conférences non moins mémorables2. Jules Vuillemin
fut ensuite rejoint par son ami Gilles Granger, à qui je dois mon entrée au
CNRS. Chez Granger comme chez Vuillemin, l’indéniable admiration pour la
philosophie analytique se mêlait de quelque distance. Plus nette fut
l’adhésion de leur successeur, Jacques Bouveresse, principal introducteur de
la philosophie analytique en France, à qui ma génération doit beaucoup. Peu
avant de prendre sa retraite du Collège de France, Jacques Bouveresse
transmit le flambeau à Claudine Tiercelin, que je remercie de son accueil. Je
lui suis infiniment reconnaissant, ainsi qu’à Alain de Libera, de m’avoir
introduit à mon tour au sein de cette prestigieuse institution dans laquelle,
comme me le rappelait il y a peu un camarade d’alors, dès mon hypokhâgne
je rêvais d’entrer.

PHILOSOPHIE ANALYTIQUE

La philosophie analytique, comme la philosophie en général, est divisée en


deux grands secteurs : philosophie pratique et philosophie théorique, chacun
de ces secteurs étant à son tour subdivisé en sous-domaines. La philosophie
du langage, dont mes propres travaux relèvent, est un de ces sous-domaines –
un sous-domaine de la philosophie théorique. Mais c’est un sous-domaine
qui joue un rôle particulier. Michael Dummett a été jusqu’à définir la
philosophie analytique par l’idée qu’elle érige la philosophie du langage en
philosophie première, statut assigné d’abord à d’autres secteurs de la
philosophie comme la théorie de la connaissance (chez les classiques) ou
auparavant la métaphysique3. Cette analyse de Dummett est cependant
discutable car, de son vivant même, la philosophie du langage ne jouait déjà
plus tout à fait ce rôle dans la philosophie analytique – ce pourquoi Dummett
entreprend de distinguer la philosophie analytique proprement dite de la
tradition analytique, plus englobante. Il reconnaît que « [la] préséance du
langage sur la pensée dans l’ordre de l’explication a été inversée dans nombre
de travaux récents inscrits dans la tradition analytique4 ». Mais il ne s’agit pas
pour autant de minimiser le lien effectivement très étroit qui unit la
philosophie analytique en général (dans le sens large : la tradition analytique)
et cette sous-discipline particulière qu’est la philosophie du langage.
Pour expliquer ce lien, beaucoup ont invoqué l’idée de Carnap selon
laquelle la philosophie serait une discipline de second niveau, décalée et en
retrait (ou en surplomb) par rapport aux disciplines positives qui étudient tel
ou tel secteur de la réalité. Ainsi Alfred Jules Ayer, prédécesseur de Michael
Dummett à la chaire de logique d’Oxford, déclarait-il :

Une des raisons pour lesquelles nous insistons […] pour dire que la philosophie est une activité qui
porte sur le langage, est que nous sommes convaincus que la philosophie n’est pas en état de rivaliser
directement avec les sciences ; que c’est une activité secondaire, pour ainsi dire, c’est-à-dire qu’elle
ne porte pas directement sur les faits mais sur la façon dont nous exprimons les faits5.

Mais, pour répandue qu’elle ait été, cette conception carnapienne de la


philosophie comme entreprise de second niveau, ayant pour objet propre les
discours eux-mêmes plutôt que les aspects du monde qui sont les objets de
ces discours, cette conception n’a jamais fait l’unanimité parmi les
philosophes analytiques. Des philosophes aussi différents que Bertrand
Russell (au début du XXe siècle) ou John Langshaw Austin (quelques
décennies plus tard) la rejettent tous deux, au nom d’une conception fort
différente selon laquelle, comme le dit Austin,

[…] la seule façon claire de définir l’objet de la philosophie, c’est de dire qu’elle s’occupe de tous les
résidus, de tous les problèmes qui restent encore insolubles, après que l’on a essayé toutes les
méthodes éprouvées ailleurs. Elle est le dépotoir de tous les laissés pour compte des autres sciences,
où se retrouve tout ce dont on ne sait pas comment le prendre. Dès que l’on trouve une méthode
respectable et sûre pour traiter une partie de ces problèmes résiduels, aussitôt une science nouvelle se
forme, qui tend à se détacher de la philosophie au fur et à mesure qu’elle définit mieux son objet et
qu’elle affirme son autorité. Alors on la baptise : mathématiques – le divorce date de longtemps, ou
physique – la séparation est plus récente ; ou psychologie, ou logique mathématique, la coupure est
encore fraîche ; ou même, qui sait, peut-être demain grammaire ou linguistique ? Je crois qu’ainsi, la
philosophie débordera de plus en plus loin de son lit initial6.

Austin prophétisait alors – au milieu du XXe siècle – que les travaux des
philosophes du langage contribueraient peut-être à l’émergence future d’une
« véritable science du langage » (ce sont ses mots, dans un autre texte7), tout
comme ils avaient contribué, au tournant du siècle, à fonder cette discipline
nouvelle que fut la logique mathématique. De fait, peu d’années après la
prophétie d’Austin eurent lieu les deux grandes révolutions dont est sortie la
linguistique théorique telle que nous la connaissons aujourd’hui, la révolution
de la syntaxe d’abord, celle de la sémantique ensuite.
Avant de dire un mot de ces révolutions, et de l’apport de la philosophie à
cette science du langage dont Austin pressentait la naissance prochaine, je
voudrais revenir sur le lien entre la philosophie analytique en général et la
philosophie du langage. La conception carnapienne de la philosophie comme
entreprise de second niveau est aujourd’hui largement abandonnée ; comme
l’a déclaré récemment un des chefs de file de la philosophie analytique
contemporaine, Tim Williamson, actuel titulaire de la chaire d’Oxford
occupée auparavant par Ayer puis Dummett, cette conception n’a pas passé le
cap du XXIe siècle8. Comment, alors, expliquer l’intérêt persistant des
philosophes analytiques, de toute obédience et de toute spécialité, pour le
langage, et le rôle que joue l’analyse logico-linguistique dans leur pratique de
la philosophie ? Pour expliquer cela, on ne peut faire l’économie d’une brève
interrogation sur la question difficile de savoir ce qu’est, au fond, la
philosophie analytique.
Pour faire court, la philosophie analytique ne peut se caractériser ni par une
doctrine, ni par un domaine de recherche, ni même par une méthode, mais
seulement, comme je l’écrivais il y a trente-cinq ans dans un article de
Critique9, « par un style ou, mieux, par un certain esprit ». L’esprit en
question, je l’identifiais alors comme étant, « tout simplement, […] l’esprit
scientifique » ; et pour caractériser l’esprit scientifique, je prenais appui sur la
déclaration du philosophe polonais Kazimierz Ajdukiewicz, en ouverture du
Congrès international de philosophie scientifique qui s’est tenu à la Sorbonne
en 1935 : « Le caractère scientifique […] ne peut être attribué qu’à ce genre
d’effort intellectuel qui dépasse la conscience individuelle et devient un bien
commun10. » Le caractère social du travail scientifique est bien mis en valeur
dans un texte de Hans Reichenbach, un des organisateurs du congrès de 1935,
que je citais aussi :

Le caractère social du travail scientifique est à l’origine de sa force ; les ressources de la collectivité
s’ajoutent à la puissance limitée de l’individu, les erreurs de l’individu sont corrigées par les autres
membres de la collectivité, et des contributions respectives de plusieurs individus intelligents résulte
une sorte d’intelligence collective suprapersonnelle, capable de trouver des réponses qu’un individu
isolé ne pourrait jamais découvrir11.

La recherche scientifique, dans cette conception bien connue qui évoque


Karl Popper, est caractérisée par l’intersubjectivité. Elle progresse par la
critique mutuelle des membres de la communauté scientifique, qui se
corrigent les uns les autres. « L’esprit scientifique de la philosophie
analytique tient au fait que la recherche y est semblablement intersubjective
et progresse, comme en science, par la critique mutuelle des membres de la
collectivité12. »
Quel rapport tout cela a-t-il avec l’analyse du langage ? Eh bien, la
socialisation de la recherche implique, selon Ajdukiewicz, certaines
contraintes qu’il glose dans la suite du passage que j’ai cité et qui
s’appliquent a priori à toute philosophie d’inspiration scientifique13. Il faut,
dit-il, être clair et facilement compréhensible ; il faut, d’autre part, offrir pour
ses thèses des justifications publiquement contrôlables – par exemple des
arguments explicites, dont chacun puisse éprouver par lui-même la validité.
Ce sont ces contraintes qui motivent la pratique analytique et le recours à ce
que Carnap appelle le mode formel en philosophie. Les philosophes
analytiques cherchent avant tout à être clairs, précis et explicites, de façon à
pouvoir être compris et, donc, critiqués par leurs collègues. Cela les conduit,
lorsqu’ils disent quelque chose, à préciser ce qu’ils veulent dire par là, et
donc à doubler l’énoncé de la thèse d’un énoncé métalinguistique (ou d’un
ensemble de tels énoncés), dont la fonction est d’analyser la thèse, de
spécifier son interprétation et d’expliciter ses implications. Une variante
consiste à se placer d’emblée sur le plan métalinguistique : le philosophe fait
alors de la thèse qu’il entend soutenir ou contester l’objet de son
investigation, et c’est au terme de celle-ci que le discours métalinguistique
sur la thèse apparaît comme équivalent à une affirmation, ou, selon les
résultats de l’enquête, comme un rejet, de la thèse en question. En d’autres
termes, on peut dire la même chose sur le mode formel, métalinguistique, et
sur le mode matériel, mais les exigences de clarté et de précision qui animent
la philosophie analytique recommandent de recourir au premier mode.
L’analyse du langage n’est, dans cette perspective toute pragmatique, qu’un
instrument au service de certaines valeurs ou vertus épistémiques que
poursuivent les philosophes analytiques et qui, dans une certaine mesure, les
caractérisent.
Parmi ces valeurs figure, je l’ai dit, l’importance accordée à
l’argumentation. Ce primat de l’argumentation a un corollaire sur lequel je
mettais l’accent dans l’introduction du premier numéro de la revue L’Âge de
la science que nous avons codirigée dans les années 1980 avec Jules
Vuillemin, Gilles Granger, Jacques Bouveresse et mon camarade Pierre
Jacob14. Ce corollaire est le rejet d’une certaine attitude intellectuelle que
Jean-François Revel nommait dévotion, et qu’il caractérisait par

[…] l’usage régulier de ce qu’on pourrait nommer l’argument par les conséquences, qui consiste, en
présence d’un raisonnement ou de l’expression d’un sentiment, à prendre en considération non point
la force des preuves ou le poids des faits sur lesquels il se fonde, mais le caractère désirable ou
indésirable des conclusions qu’il comporte, par rapport à la prospérité d’une théorie ou d’une
manière de pensée ou de sentir auxquelles on tient15.
Rejeter cette attitude c’est, tout au contraire, évaluer les arguments pour ce
qu’ils sont, c’est-à-dire pour leur force intrinsèque, plutôt que par rapport aux
conclusions qu’ils servent.
Ces valeurs épistémiques que chérissent les philosophes analytiques, j’ai
dit que, dans une certaine mesure, elles les caractérisent. La réserve dans une
certaine mesure est nécessaire parce que les philosophes analytiques ne sont
pas les seuls à défendre ces valeurs. Je prendrai deux exemples. Martial
Guéroult fut un grand historien de la philosophie qui enseigna dans ces murs
de 1951 à 1962. Lorsque je préparais l’agrégation, j’eus le bonheur de suivre
ses cours sur Platon à l’École normale supérieure de Saint-Cloud, avec
plusieurs camarades dont un, Philippe Descola, quitte le Collège de France au
moment où j’y entre. Aussi éloigné qu’il fût de la tradition analytique,
Guéroult accordait tant d’importance à l’argumentation explicite qu’il allait
jusqu’à nier, de façon quelque peu surprenante, que Nietzsche fût un
philosophe : reprenant une distinction de Platon, il le rangeait parmi les
philodoxes, tout en précisant que la philodoxie « n’a rien à voir avec la raison
froide, avec la démonstration rigoureuse, avec une liaison sérieuse et solide
des concepts, […] bref rien à voir avec une œuvre proprement
philosophique ». La philosophie, dit Guéroult dans le même passage,

est avant tout œuvre de pure raison, ce par quoi, il est banal de le constater, elle se différencie de la
religion et de toutes les espèces d’art ; ce par quoi elle se rapproche de la science et dont elle tire ses
titres de noblesse et de dignité. Toute doctrine qui ne s’organise pas en vertu de raisons, de raisons
probatoires (que cette doctrine soit irrationaliste ou non) n’est pas philosophie, bien qu’on puisse
abusivement la parer de ce nom à cause de la nature des problèmes sur lesquels elle entend se
prononcer péremptoirement16.

Mon deuxième exemple sera moins anecdotique. Franz Brentano et les très
nombreux philosophes appartenant à son école défendaient aussi les valeurs
dont j’ai parlé, dans un contexte historique un peu différent, et avec des
méthodes un peu différentes. Frege et Russell, les pères fondateurs de la
philosophie analytique, s’intéressaient plus au langage, Brentano et ses élèves
davantage à la psychologie. Mais ces différences entre les deux grandes
traditions philosophiques nées à la fin du XIXe siècle pèsent peu au regard de
leur socle partagé de valeurs épistémiques, et elles se sont considérablement
atténuées, ces différences, avec l’évolution interne de la philosophie
analytique tout au long du XXe siècle, évolution qui a vu, comme l’observait
Dummett, un tournant cognitif succéder au tournant linguistique de la
première période. Plus précisément, comme on va le voir dans un instant,
c’est la philosophie du langage elle-même qui a connu un tournant cognitif,
un tournant qu’évoque l’intitulé de ma chaire : « Philosophie du langage et de
l’esprit ».

PHILOSOPHIE DU LANGAGE

Il y a eu trois grandes phases dans le développement de la philosophie du


langage d’inspiration analytique au cours du XXe siècle. La première phase est
marquée par l’invention de la nouvelle logique, la logique mathématique,
issue des efforts d’un grand nombre de savants (dont Charles S. Peirce,
George Boole, Giuseppe Peano) et surtout de ces deux héros intellectuels que
furent Gottlob Frege et Bertrand Russell. Outre la nouvelle logique, ces deux
mathématiciens-philosophes fondèrent et la philosophie analytique et la
philosophie du langage telle que nous la connaissons.
On a parlé, à propos de cette phase initiale, de « philosophie du langage
idéal ». De fait, les philosophes de cette époque sont animés par une ambition
qui remonte à Leibniz : construire un langage parfait, un langage conceptuel
qui épouse la pensée et, pour ainsi dire, la remplace dans le raisonnement et
l’administration de la preuve. Toutefois, à travers les langages artificiels
qu’ils construisent pour servir la science et dont ils étudient les propriétés, ces
philosophes s’intéressaient au langage en général, et à travers le langage, à la
pensée. L’objet, pourrait-on dire, c’était le logos, indissolublement langage et
pensée. L’accent, par ailleurs, était mis plus particulièrement sur la dimension
sémantique du langage qui, en signifiant, se rapporte à autre chose que lui-
même (tout comme la pensée se rapporte à autre chose qu’elle-même). Les
notions centrales de la réflexion philosophique sur le langage sont alors des
notions sémantiques : le sens, la référence, la vérité.
Mais la syntaxe jouait aussi un rôle important. Frege voulait que la
sémantique fût compositionnelle. La syntaxe explicite des langues
artificielles de la logique a permis qu’elle le fût. Il suffisait d’élaborer les
règles qui déterminent le sens d’une expression complexe sur la base du sens
de ses constituants et de sa structure syntaxique. Les recherches logiques
d’Alfred Tarski sur la notion de vérité ont été une étape importante dans cette
élaboration technique, d’abord limitée aux langages artificiels de la logique,
puis étendue, par Donald Davidson, Richard Montague et d’autres, aux
langues dites naturelles : les langues vernaculaires ou langues de
communication comme le français ou l’anglais. Ainsi s’expliquait le caractère
systématique, voire automatique, de la compréhension linguistique : le sens
se transmet des mots aux énoncés, de sorte qu’il suffit pour comprendre un
énoncé quelconque (fût-il entièrement nouveau) parmi un ensemble pourtant
infini d’énoncés possibles, de comprendre les mots qui le composent et sa
structure syntaxique. Sur ces bases, la linguistique contemporaine a entrepris,
avec succès, d’accomplir le programme frégéen (comme disent Irene Heim et
Angelika Kratzer dans un manuel fameux de sémantique formelle17), en
exploitant les progrès obtenus, grâce notamment à la grammaire générative,
dans l’élaboration d’une syntaxe explicite des langues naturelles. Ainsi a-t-on
assisté, dans l’espace de vingt années, aux deux révolutions successives dont
je parlais plus haut et qui ont changé la face de la linguistique au XXe siècle :
la révolution de la syntaxe à partir des années 1950, avec l’apparition des
grammaires génératives ; puis, à partir des années 1960 et 1970, la révolution
de la sémantique, rendue possible par les avancées de la philosophie du
langage.
Une troisième révolution, la révolution pragmatique, fut également
d’origine philosophique. Elle correspond à la deuxième des phases que j’ai
distinguées dans l’évolution de la philosophie du langage depuis le début du
XXe siècle. À partir des années 1930 et 1940, marquées notamment par
l’évolution des idées de Ludwig Wittgenstein, tout un courant de la
philosophie du langage s’est attaché à souligner ce qui distingue les langues
parlées des langages formels de la logique. Ce mouvement a culminé dans les
années 1950 avec ce qu’on a nommé la « philosophie du langage ordinaire ».
L’idée était qu’il fallait décrire le langage ordinaire au lieu d’essayer de le
réformer à la lumière d’un idéal logique étranger à sa réalité fondamentale.
Décrire et non prescrire ; regarder le langage tel qu’il est, et non tel qu’il
devrait être. Ce qui distingue radicalement les langues parlées des langages
formels de la logique, c’est, en particulier, la dimension pragmatique : le fait
qu’en parlant nous accomplissons des actes sociaux, qui vont au-delà de la
communication de propositions vraies ou fausses. La théorie des actes de
parole et plus généralement ce qu’on a appelé la pragmatique s’est imposée
comme un composant nécessaire d’une théorie globale du langage. Les
philosophes du langage ordinaire ont mis l’accent sur l’activité de parole,
qu’ils nomment le discours, et dont le langage, conçu comme répertoire de
formes, n’est que l’instrument. Les formes sont inertes, elles prennent vie
dans cette activité qu’est le discours, et qui doit être l’objet premier de
l’analyse. Selon les philosophes du langage ordinaire, les notions
sémantiques comme la référence ou la vérité relèvent en fait du discours, non
du langage. Les phrases du langage ne sont ni vraies ni fausses, elles ne le
deviennent que lorsqu’elles sont employées en contexte pour affirmer
quelque chose – l’affirmation étant un acte de parole parmi d’autres. De
même, les expressions du langage ne font pas référence à la réalité
extralinguistique, ce sont les utilisateurs du langage qui font référence en
utilisant pour ce faire des formes linguistiques. La dépendance contextuelle,
c’est-à-dire le fait qu’une même expression puisse faire référence à des
choses différentes selon les contextes, ou qu’une même phrase puisse
véhiculer des messages différents selon les contextes, était mise en avant
comme la preuve qu’il faut distinguer langage et discours, et qu’il faut
commencer par analyser le discours.
Cette nouvelle orientation, pragmatique, donnée à la philosophie du
langage au milieu du siècle, a rencontré en France un courant d’idées qui
allait dans le même sens. Il me faut ici mentionner le grand linguiste Émile
Benveniste, professeur au Collège de France de 1937 (et même avant,
puisqu’il a commencé comme professeur suppléant) jusqu’à l’attaque
cérébrale qui l’a privé de la parole en 1969. Ce que les philosophes du
langage ordinaire appelaient le discours, Benveniste l’appelait l’énonciation.
Benveniste a proposé une vision du langage très proche de celle des
philosophes du langage ordinaire mais s’inscrivant dans la tradition
saussurienne qu’il entreprenait de révolutionner en opposant deux
dimensions : la dimension sémiotique, celle du langage comme répertoire
formel, comme système de signes, la seule dimension qui intéressât Saussure,
et la dimension sémantique, celle de l’énonciation, que découvrait
Benveniste. Benveniste allait jusqu’à envisager « deux linguistiques
distinctes », correspondant à ces deux dimensions18. La théorie de
l’énonciation dont Benveniste a posé les bases dans une série de travaux
remarquables a inspiré la pragmatique française des années 1970, dont le chef
de file était Oswald Ducrot, et dont je suis moi-même issu. Mais cette
pragmatique française, dont relèvent aussi les travaux pionniers de Dan
Sperber (en collaboration avec Deirdre Wilson), ou ceux de Gilles
Fauconnier ou de Benoît de Cornulier, était largement informée par les
travaux des philosophes du langage ordinaire, que Benveniste lui-même
connaissait (tout comme il connaissait les travaux des philosophes du langage
de la première phase) et qui ont conduit un philosophe comme Ducrot, au
début de sa carrière, à se faire linguiste.
La révolution pragmatique aura ouvert de nouveaux terrains d’enquête. La
théorie des actes de parole, esquissée indépendamment par Adolf Reinach
dans la tradition phénoménologique et par Austin dans la tradition analytique,
est inséparable de la théorie des actes sociaux en général et débouche sur la
théorie des institutions. Qu’est-ce qu’une promesse ? Qu’est-ce qu’un
contrat ? Qu’est-ce qu’un mariage ? Ici, on rencontre des questions
d’ontologie sociale. Tout cela a un lien avec le langage. Les faits
institutionnels n’existent que pour autant que, collectivement et
publiquement, nous nous les représentons comme existant. La performativité
du langage, c’est-à-dire le fait que certaines représentations ont le pouvoir de
créer la réalité de ce qu’elles représentent, est ici l’élément-clé. Comme le dit
le philosophe analytique John Searle, qui enseigna jadis au Collège de France
à l’invitation de Pierre Bourdieu, on peut rencontrer des sociétés qui ont le
langage mais n’ont pas d’institutions comme le mariage ou la propriété
privée ; mais on ne peut pas rencontrer de sociétés qui aient la propriété
privée ou le mariage mais pas le langage19. Il y a un lien entre la possibilité
d’accomplir des actes de parole et l’existence de réalités institutionnelles – et
ce lien demande à être élucidé.
Une autre direction de recherche nous conduit du côté de la psychologie.
Les actes de parole sont des actes. Comprendre un acte, c’est comprendre
l’intention qui motive l’agent – une intention communicative, dans le cas
d’un acte de parole. La reconnaissance des intentions communicatives de nos
partenaires conversationnels requiert l’exercice d’une faculté qu’étudie la
psychologie cognitive, à savoir la théorie de l’esprit, c’est à dire la capacité à
attribuer à autrui, pour expliquer son comportement, des états mentaux doués
de contenu – des intentions, des croyances ou des désirs. Le lien entre la
communication linguistique et l’aptitude métareprésentationnelle sous-
jacente à la théorie de l’esprit fait l’objet de recherches dans le sillage des
travaux d’un autre philosophe analytique, Paul Grice, sur la communication
comme manifestation publique d’intentions communicatives douées de
réflexivité, c’est-à-dire visant à s’accomplir à travers leur propre
reconnaissance par le destinataire de l’acte de communication. Dans cette
perspective, les formes linguistiques conventionnelles sont un moyen
permettant la reconnaissance des intentions communicatives, mais, comme
l’ont souligné Sperber et Wilson, un moyen non essentiel. On peut
communiquer, de façon certes rudimentaire, en l’absence de tout langage
conventionnel ou de tout code commun, à travers simplement la capacité qui
est la nôtre de rendre manifeste à autrui notre intention communicative – une
intention qu’on peut rendre manifeste par un geste quelconque pourvu que ce
geste soit interprétable en contexte comme visant précisément à révéler cette
intention et à l’accomplir à travers sa reconnaissance par le destinataire.
Quoi qu’il en soit de ces ouvertures – vers l’ontologie sociale d’un côté,
vers la psychologie de l’autre –, la révolution pragmatique aura, en tout
premier lieu, produit des effets en linguistique. Des notions comme celle de
force illocutionnaire ou de présupposition, des phénomènes comme la
dépendance contextuelle ou les implicatures, ont reçu l’attention qu’ils
méritaient de la part des linguistes. Surtout, l’édifice de la sémantique
formelle a été coiffé d’un étage supplémentaire de façon à intégrer un
composant pragmatique, suivant le modèle feuilleté de l’analyse du sens en
plusieurs étages qu’avaient proposé indépendamment Ducrot et Grice dès les
années 1960. Cette synthèse est allée de pair avec le déclin de la philosophie
du langage ordinaire, caractérisée par des positions jugées excessives : anti-
formalisme et contextualisme radical. En d’autres termes, le mouvement du
balancier serait allé trop loin lors de la révolte des philosophes du langage
ordinaire contre les logiciens au milieu du XXe siècle, pour se stabiliser
ensuite en position médiane lorsque la linguistique contemporaine a récupéré,
dans un esprit œcuménique, et les idées des philosophes du langage idéal
(essentiellement le programme d’une sémantique compositionnelle), et celles
des philosophes du langage ordinaire (l’ambition descriptive et la prise en
compte des phénomènes pragmatiques). Ce récit rétrospectif, toutefois, est à
prendre avec un grain de sel. J’ai souvent souligné, à rebours de l’opinion
reçue, que les arguments élevés traditionnellement à l’encontre du
contextualisme radical professé par les philosophes du langage ordinaire ne
sont en fait pas décisifs. Leur contextualisme est toujours d’actualité et, loin
d’avoir été réfuté, se trouve à mon avis renforcé par plusieurs avancées
théoriques récentes. Une des tâches que j’assigne à la philosophie du langage
consiste à déterminer les conditions de possibilité d’une synthèse d’un
nouveau type entre ce contextualisme radical, non édulcoré, et les principes
directeurs de la sémantique compositionnelle.
PHILOSOPHIE DU LANGAGE ET DE L’ESPRIT

Aujourd’hui, tant la sémantique que la pragmatique sont enseignées dans


les départements de linguistique des universités du monde entier. La
linguistique s’est approprié les idées des philosophes du langage et s’est
détachée de la philosophie, réalisant la prophétie d’Austin. Pendant que la
linguistique s’appropriait les idées des philosophes du langage, cependant,
ceux-ci se tournaient vers de nouveaux objets. C’est la troisième phase que
j’annonçais plus haut dans l’évolution de la philosophie du langage.
Comme l’écrivait Martin Davies en 1990 dans une revue au titre
caractéristique (Mind and Language), « les philosophes du langage des
années 1970 [à commencer par Martin Davies lui-même] sont devenus les
philosophes de l’esprit des années 1980 et 199020 ». Ce déplacement de la
philosophie du langage vers la philosophie de l’esprit n’a rien de surprenant
étant donné tout ce que la pensée a en commun avec le langage, et qui motive
la métaphore traditionnelle d’un langage de la pensée (lingua mentis).
Comme les énoncés, les pensées sont décomposables en éléments (les
concepts), et comme les énoncés elles ont un contenu : lorsqu’on pense, on
pense quelque chose, de même que, lorsqu’on parle, on dit quelque chose.
D’où la nécessité, articulée par Jerry Fodor, d’une psychosémantique – une
sémantique de la pensée21. C’est ainsi que les théories du sens et de la
référence élaborées par les philosophes du langage tout au long du XXe siècle,
et particulièrement les théories causales ou informationnelles qui ont occupé
le devant de la scène depuis les années 1970, ont été massivement exploitées
en philosophie de l’esprit pour aborder la question de la nature des contenus
mentaux. L’externalisme, en philosophie de l’esprit, est directement inspiré
des résultats obtenus précédemment en philosophie du langage. Même la
pragmatique, qu’on pourrait croire réservée au langage en tant qu’instrument
de communication, a son pendant mental : le contexte est non moins pertinent
pour la détermination des contenus de pensée qu’il l’est pour la détermination
du contenu des actes de parole. Par exemple, l’indexicalité (cette propriété
associée aux expressions comme je, ici et maintenant, dont la valeur
sémantique dépend du contexte) est mentale tout autant que linguistique. On
pense en première personne, de même qu’on parle en première personne. Et,
de même qu’il y a des phrases au présent et des phrases au passé, la
perception nous présente ses objets comme présents, et le souvenir nous les
présente comme passés. Une grosse partie de mes propres travaux est
consacrée à cette question de l’indexicalité mentale et au caractère subjectif
ou égocentré des pensées les plus directement en rapport avec la perception et
l’action.
Il ne s’agit pas pour autant d’étudier la pensée humaine à travers le prisme
de l’analyse linguistique. Tout au contraire, les recherches des philosophes du
langage et de l’esprit conduisent à repenser la sémantique linguistique elle-
même dans un cadre élargi en faisant une place de plus en plus importante
aux représentations mentales des utilisateurs du langage. On revient à la
remarque de Dummett sur le rapport entre pensée et langage, et le
renversement de perspective opéré à la fin du XXe siècle, notamment par
Gareth Evans, et dans le cadre duquel mes propres travaux s’inscrivent : si
l’analyse du langage nous donne certains des outils nécessaires à l’analyse de
la pensée, elle requiert elle-même de recourir à l’analyse de la pensée et des
phénomènes mentaux prélinguistiques. Ainsi la dépendance contextuelle qui
caractérise les démonstratifs et les indexicaux renvoie à une dépendance plus
fondamentale de la pensée vis-à-vis de son environnement dans la perception.
La théorie des dossiers mentaux que je présenterai dans mon premier cours
déplace le phénomène sémantiquement central de la référence (c’est-à-dire la
relation entre la représentation et ce qu’elle représente) du domaine
linguistique au domaine mental : les expressions dites « référentielles » ne
font référence qu’en vertu de leur association avec des représentations
mentales (les fameux dossiers) qui, elles-mêmes, réfèrent en vertu de
certaines relations, dites « épistémiquement gratifiantes », c’est-à-dire
génératrices de connaissances, aux objets donnés dans l’environnement. Ces
théories permettent de jeter un pont entre la théorie du langage et la théorie de
la perception (où les dossiers d’objet – object files – jouent un rôle
canonique). Ou pour revenir à ce que je disais il y a un instant : l’étude de
l’indexicalité mentale a certes démarré, avec les travaux de John Perry, par
l’utilisation de concepts issus de la théorie de l’indexicalité linguistique pour
analyser certains phénomènes mentaux ayant trait à la perspective et aux
représentations « en première personne » ; mais, parvenue à maturité, elle
permet en retour de repenser l’indexicalité linguistique elle-même comme
reposant sur un ensemble d’aptitudes non linguistiques qui sont la condition
de possibilité du repérage indexical. L’idée d’un système de représentations
non linguistiques servant de soubassement au système indexical du langage et
déjà pourvu d’une sémantique propre a été formulée pour la première fois par
le psychologue Karl Bühler, et elle revient sur le devant de la scène grâce aux
recherches des philosophes du langage et de l’esprit sur l’indexicalité
mentale.
Les philosophes du langage et de l’esprit, donc, s’occupent des
représentations, qu’elles soient mentales ou linguistiques, publiques ou
privées, symboliques ou iconiques. Ils ont en quelque sorte repris le projet
peircien d’une théorie générale des signes, projet que Claudine Tiercelin a
analysé récemment dans son cours22. Ils s’intéressent à la nature et aux
variétés du sens (de la signification « naturelle » des indices à la signification
« non naturelle » des messages humains), aux relations entre le langage, la
pensée et la communication, à ce qui distingue la pensée humaine de la
pensée animale, à ce qui a permis son évolution. Comme les théoriciens des
idées à l’âge classique, ils voient les représentations mentales comme un cas
particulier de représentations douées de contenu, et s’intéressent
spécifiquement à ces états mentaux que les philosophes analytiques nomment
attitudes propositionnelles (soit les états mentaux dont je parlais plus haut en
rapport avec la théorie de l’esprit : croyances, désirs, intentions etc.) : les
philosophes du langage et de l’esprit étudient leur structure logique, leur
typologie, leur rôle dans les explications que donne le sens commun du
comportement (par exemple, Il a pris son parapluie parce qu’il croyait qu’il
allait pleuvoir et ne voulait pas être mouillé), et la nature de ces explications
psychologiques fondées sur le contenu par rapport aux explications causales
ordinaires. Plus généralement, ils visent à résoudre ce que les philosophes,
suivant Brentano, appellent le problème de l’intentionnalité : ils cherchent à
élucider la nature des objets de pensée, ou plus exactement la nature de la
relation entre la pensée et ses objets. Ce problème, ou plutôt ce mystère,
affleure dans un passage célèbre des Pensées de Pascal que j’aime à citer :
« Par l’espace l’univers me comprend et m’engloutit comme un point, par la
pensée je le comprends23. » De quelle nature est cette « compréhension »
mentale ? Notre appartenance au monde naturel, ce monde qui « me
comprend et m’engloutit comme un point », n’est pas fondamentalement
mystérieuse. Mais la relation en vertu de laquelle, ce monde naturel, je le
comprends en l’internalisant dans la pensée, en le représentant, cette relation
est un mystère. Il ne s’agit en effet pas d’une véritable relation, puisque le
second terme de la relation, le représenté, peut n’avoir aucune réalité
indépendante de la représentation elle-même. On peut se représenter
l’inexistant, et même peut-être l’impossible. Le mystère, dans sa plus grande
généralité, c’est bien celui de la représentation, du contenu, du sens.
EXPLORER LES INTERSECTIONS

Pour résumer, Mesdames et Messieurs, la période contemporaine se


caractérise par un double mouvement : d’un côté, appropriation et validation
par la linguistique des idées issues de la philosophie du langage du
XXe siècle ; de l’autre, fusion de la philosophie du langage et de la philosophie
de l’esprit au sein d’une théorie générale du contenu. Seconde héritière de la
philosophie du langage du XXe siècle à côté de la linguistique, la philosophie
du langage et de l’esprit a partie liée avec les sciences cognitives. Comme les
sciences cognitives, elle cherche à comprendre ce système de représentations
complexe qu’est l’esprit humain, et la façon dont s’articulent perception,
action, mémoire, pensée, langage, communication et raisonnement.
Dans sa leçon inaugurale il y a déjà un quart de siècle, Jacques Bouveresse
jugeait indispensable « d’attribuer à la perception un contenu et des formes
d’organisation qui ne sont pas conceptuels ». Il ajoutait :

[…] nous ne pouvons pas faire comme si l’analyse de la pensée perceptuelle ne devait commencer
qu’avec l’analyse des pensées […] que nous sommes amenés à appréhender et à exprimer
verbalement sur la base de notre expérience perceptuelle24.

Il y a donc d’un côté l’expérience, avec son contenu sui generis, et de


l’autre la pensée conceptuelle qui – je cite à nouveau Bouveresse – « réussit
dans la perception à s’articuler avec un donné extra-conceptuel pour
constituer ce qu’on peut espérer être une authentique connaissance de la
réalité perçue25 ». Mes recherches sur l’indexicalité mentale portent
précisément sur ce point d’articulation entre l’expérience sensible et la pensée
conceptuelle, et sur les différents niveaux de contenu que cette articulation
implique.
Outre le contenu non conceptuel de l’expérience, et le contenu conceptuel
des pensées fondées sur elle, il faut faire une place aussi aux contenus que
l’on communique lorsqu’on entreprend de partager ses pensées avec autrui.
Un des problèmes que j’évoquerai dans mon cours vient de ce que, pour
s’articuler à l’expérience sensible, les pensées doivent épouser la perspective
du sujet percevant et agissant ; elles doivent être subjectives, comme le sont
ces pensées qu’on exprime à l’aide d’expressions indexicales. Or le fait
qu’elles soient subjectives ancre ces pensées dans un contexte particulier et
les rend, en un sens, non partageables avec ceux dont la perspective et la
position dans le monde sont trop différentes des nôtres. Pourtant, nous
arrivons, par la parole, à communiquer nos pensées à autrui – ces mêmes
pensées que leur caractère subjectif rend en principe non partageables. Il y a
là une sorte de paradoxe, signalé par Frege dans le passage bien connu où il
dit qu’une pensée en première personne n’est accessible qu’au sujet qui la
pense, ce qui rend mystérieux le fait que nous arrivions tout de même à
communiquer de telles pensées26. La solution du paradoxe, selon moi,
consiste à abandonner l’idée que la communication implique littéralement le
partage ou la reproduction des pensées, au profit d’une conception moins
exigeante, mais plus difficile à articuler, selon laquelle la communication
implique seulement la coordination des pensées. Cette même relation de
coordination intervient aussi dans la dynamique intra-individuelle des
pensées indexicales, par exemple lorsqu’un jugement initialement fondé sur
la perception (il pleut) persiste mais sur la base désormais du souvenir (il
pleuvait). La difficulté dans les deux cas – la communication et la dynamique
cognitive – consiste à définir une notion de contenu commun (partagé ou
persistant) sur la base de cette relation de coordination dont le caractère non
transitif empêche d’identifier le contenu en question à une classe
d’équivalence de pensées.
Je viens de mentionner trois domaines qui tous trois intéressent la théorie
du contenu mais qui font intervenir des contenus de type différents qu’il faut
cependant articuler entre eux. Ces trois domaines sont : l’expérience sensible,
la pensée conceptuelle, et la communication. Le langage est un quatrième
domaine, avec ses contenus propres qui demandent aussi à être articulés aux
autres. Lorsqu’on exprime une pensée linguistiquement, il ne suffit pas de
distinguer la pensée-source et le contenu que l’on communique effectivement
à autrui ; il faut faire une place aussi au contenu linguistique intrinsèque de
l’énoncé au moyen duquel la pensée est exprimée. Certes, on l’a vu, la
communication n’est pas nécessairement linguistique ; on peut communiquer
par des gestes non conventionnels ou par des regards. Mais lorsqu’elle est
linguistique, la communication mobilise de la part du destinataire non
seulement cette compétence pragmatique (reposant sur la théorie de l’esprit)
qui permet de comprendre l’intention communicative du locuteur, ce qu’il
veut dire, mais aussi une compétence proprement linguistique pour
comprendre la phrase énoncée, c’est-à-dire pour lui assigner le contenu qui
est le sien en vertu des règles du langage. Cela pose évidemment la question
de savoir ce qu’est ce contenu linguistique intrinsèque auquel le destinataire
de l’acte de communication est censé avoir accès simplement en vertu de ses
compétences proprement linguistiques.
Il est traditionnel, en philosophie du langage, de distinguer plusieurs
niveaux de contenu proprement linguistique pour un énoncé (en plus de ce
que le locuteur veut dire, correspondant au contenu pragmatique ou
communicatif). Considérons deux personnes qui, chacune dans son contexte,
disent toutes deux il pleut, et écartons d’emblée la question de savoir ce que
ces personnes veulent dire par là (par exemple, que ce n’est pas le moment de
sortir, ou au contraire qu’il faut sortir pour rentrer le linge). Quel que soit le
contenu ultime qu’elles cherchent à communiquer, ces personnes disent la
même chose, à savoir qu’il pleut. Il y a cependant aussi un sens où elles
disent des choses différentes puisque, chacune parlant du lieu où elle se
trouve, il se peut que l’une ait raison et l’autre tort. Pour rendre compte de ce
type de cas, on peut invoquer la distinction entre la signification linguistique
conventionnelle de la phrase il pleut, qui est constante (et justifie par
conséquent l’idée que les deux personnes disent la même chose), et la
proposition exprimée en contexte, qui, elle, varie en fonction du lieu dont on
parle parce qu’elle y fait implicitement référence27. Mais on peut aussi bien
invoquer une autre distinction, possédant un terme commun avec la
première : la distinction entre la proposition exprimée (à savoir, qu’il pleut) et
ce qu’avec les théoriciens des situations j’appelle la proposition austinienne,
qui prend en compte la situation dont on parle, en plus de ce qui est dit à son
sujet (ce qui est dit correspondant à la proposition exprimée). Il y a aussi une
troisième distinction potentiellement pertinente, celle que font des auteurs
comme Dummett, Evans et Lewis entre le contenu compositionnel d’un
énoncé, c’est-à-dire ce qui serait préservé si l’énoncé était enchâssé au sein
d’un énoncé plus complexe (par exemple, à chaque fois que je me promène, il
pleut), et son contenu assertorique, correspondant aux conditions de vérité de
la phrase prononcée de façon isolée.
La philosophie du langage fournit, vous le voyez, une batterie de
distinctions, dont les relations mutuelles ne sont pas totalement élucidées
mais réclament de l’être. Ces distinctions sont-elles toutes légitimes et
nécessaires ? Comment s’articulent-elles entre elles ? Certaines se laissent-
elles réduire à d’autres ? Ces questions se posent, tout comme se posent
d’autres questions, également pressantes, concernant les analogues de ces
distinctions du côté du mental. Deux personnes qui, chacune dans son
contexte, perçoivent le bruit de la pluie, en concluent qu’il pleut et décident
de prendre leur parapluie, ces deux personnes pensent la même chose, en un
certain sens de penser la même chose. Mais elles ne pensent pas la même
chose en un autre sens, puisqu’il se peut à nouveau que l’une ait raison et
l’autre tort. On a donc ici aussi besoin de deux niveaux de contenu (ce que les
philosophes de l’esprit appellent le contenu étroit et le contenu large). Et cela
pose la question de savoir comment les niveaux de contenu qu’il faut
distinguer pour le mental s’articulent, dans la communication, aux niveaux de
contenu qu’il faut distinguer pour le linguistique.
Une question un peu différente, mais liée à celle de l’articulation du mental
et du linguistique, porte sur la nature de ces niveaux de contenu que l’on peut
distinguer pour un énoncé donné comme il pleut. Ces niveaux sont-ils bien
tous des aspects du contenu linguistique intrinsèque de l’énoncé ? Cette
question permet de reformuler le débat opposant les deux courants de la
philosophie du langage que j’ai nommés le « littéralisme » et le
« contextualisme », un débat auquel j’ai moi-même pris une part active. Entre
le contenu pragmatique d’un énoncé (ce que le locuteur veut dire), qui relève
de la communication, et la signification linguistique de la phrase énoncée, qui
relève du système du langage, il y a, je l’ai dit, plusieurs niveaux
intermédiaires, notamment la proposition exprimée ou ce qui est dit. La
proposition en question doit être distinguée de la signification linguistique
conventionnelle de la phrase, du fait de la dépendance contextuelle ; mais si
l’on admet que, parmi les règles que maîtrise inconsciemment tout locuteur
d’une langue, il y en a qui déterminent la valeur sémantique que prennent les
expressions indexicales (comme je) relativement au contexte d’énonciation,
alors on peut maintenir que les règles du langage permettent de déterminer,
pour une phrase quelconque, quelle proposition est exprimée par cette phrase
dans un contexte quelconque. Dans cette conception littéraliste la proposition
exprimée est un niveau de contenu linguistique, c’est-à-dire un niveau de
contenu déterminé par les règles du langage. Le contextualisme, tel que je le
comprends et le défends, rejette cette conception. Dans l’optique
contextualiste, la proposition exprimée par le locuteur – et, a fortiori, la
proposition austinienne – n’est pas un niveau de contenu proprement
linguistique. C’est un niveau de contenu qui relève fondamentalement de la
communication, et dont l’identification dépend du contenu des états mentaux
qui sont attribués au locuteur par le destinataire pour expliquer son acte de
parole. En d’autres termes, les pensées ont un contenu, les phrases au moyen
desquelles nous les exprimons ont un contenu, et les actes de parole que nous
accomplissons lorsque nous énonçons ces phrases dans la communication ont
également un contenu, mais ces contenus ne sont pas tous de même nature.
Le contenu des phrases, en particulier, n’est pas de nature propositionnelle, et
si les phrases expriment des propositions en contexte, ces propositions ne
sont rien d’autre que le contenu des actes de parole accomplis en énonçant
ces phrases.
Je viens de parler de l’interaction entre langage et communication, et des
problèmes de frontière bien connus dont débattent les philosophes du
langage. Mais le langage ne sert pas seulement à communiquer, il sert aussi à
penser. L’interaction pertinente, ici, est celle entre le système linguistique et
le système conceptuel. Comment comprendre cette interaction ? En
particulier, quels aspects de la pensée conceptuelle dépendent
fondamentalement du langage ? Que la pensée conceptuelle dépende du
langage, c’est ce que suggère le fait que la pensée conceptuelle se distingue
de la pensée animale par un certain nombre de traits qu’elle partage avec le
langage. Rien qu’établir la liste de ces traits est une entreprise intéressante,
mais j’en mentionnerai ici seulement deux. De même que les connecteurs
logiques permettent de former des phrases complexes à partir de phrases
simples, de même nous pouvons former des pensées logiquement complexes,
par exemple des pensées négatives ou disjonctives. Et de même que nous
pouvons parler d’autre chose que de la situation donnée ici et maintenant,
nous pouvons penser à autre chose qu’à la situation où nous nous trouvons ici
et maintenant. Dummett dit que, dans les deux cas, c’est le langage qui rend
cela possible : c’est grâce à lui que nous pouvons penser des pensées
complexes, et grâce à lui aussi que nous pouvons penser à autre chose que la
situation donnée ici et maintenant28. Est-ce vrai ? Notons qu’on a attribué
aussi au langage un rôle dans le développement de la théorie de l’esprit, cette
compétence impliquée dans l’interprétation des actions, et fort différente de
la compétence linguistique même si, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, elle
joue un rôle crucial dans la communication. Il y a des psychologues selon qui
le développement de cette faculté elle-même est rendu possible par
l’acquisition du langage et de ses structures syntaxiques. À l’opposé,
cependant, on peut invoquer la faculté en question pour tenter d’expliquer
certaines des propriétés communes de la pensée et du langage. On peut
penser que la théorie de l’esprit, ou peut-être l’une des aptitudes
fondamentales qu’elle met en jeu, est ce qui permet de faire varier la
perspective et, par la simulation mentale, d’épouser un point de vue distinct
de celui qu’impose le ici et maintenant de la pensée animale. Il s’est même
trouvé des philosophes, en l’occurrence moi-même, pour envisager que cette
même faculté de simulation mentale puisse jouer un rôle dans l’émergence de
la pensée logiquement complexe29.
Quoi qu’il en soit de ces spéculations, il n’est pas douteux que le langage
nous donne accès à des pensées que, sans le langage, nous ne pourrions pas
former. Comme je l’ai indiqué dans mon intervention au colloque de rentrée
du Collège de France en octobre 201830, un grand nombre de nos pensées font
intervenir des concepts d’une nature particulière, des concepts dont le
fonctionnement rappelle celui des concepts indexicaux à ceci près qu’ils
exploitent non les relations directes aux entités présentes dans
l’environnement où nous percevons et agissons, mais les relations indirectes à
des entités possiblement très distantes dans le temps et dans l’espace, entités
dont la communauté linguistique nous a légué des traces sous forme de mots
qui y font référence. Ainsi nous pouvons former des pensées au sujet
d’Anaximandre, même si nous ne savons presque rien de lui, en vertu
simplement du fait que nous possédons ce nom, Anaximandre, légué par la
communauté linguistique à laquelle nous appartenons. Ces mots dont nous
héritons établissent des relations pour ainsi dire à longue distance entre ces
entités et nous, relations qu’exploitent les dossiers mentaux que nous
associons à ces mots et à travers lesquels nous pouvons penser à ces entités,
nous les représenter mentalement, quand bien même nos connaissances à leur
sujet sont imprécises, confuses ou même erronées. Ces concepts spéciaux
ancrés dans les mots du langage, on peut les appeler des concepts
linguistiques si l’on veut, mais à condition de ne pas les confondre avec le
contenu linguistique des mots eux-mêmes. Ces concepts sont, comme tous les
concepts, des constituants des pensées. Ils relèvent du système de la pensée
conceptuelle, avec lequel le langage interagit, mais ils ne relèvent pas
directement du système du langage.
Je viens d’évoquer le contenu linguistique des mots eux-mêmes. De quelle
nature est ce contenu lexical ? Ici encore, il faut se défaire de l’idée simpliste
selon laquelle le contenu d’un mot, comme le mot tigre, n’est autre qu’un
concept, à savoir le concept de « tigre ». La sémantique lexicale, qui étudie le
sens des mots, et la psychologie de la catégorisation, qui étudie les concepts,
n’ont pas encore fait leur jonction, et tout indique que cette jonction ne se
fera pas sur la base de cette identification simpliste. En particulier, une
théorie de la signification des mots doit reconnaître comme fondamental le
phénomène de la polysémie, c’est-à-dire le fait qu’un mot de la langue ne
correspond pas à un concept donné, mais tout au plus à un réseau de concepts
distincts liés entre eux par des relations de famille. Ces relations de famille
sont suffisamment présentes dans la conscience linguistique des locuteurs de
la langue pour assurer l’unité sémantique de l’expression, malgré la pluralité
des concepts associés, et distinguer ainsi la polysémie de l’homonymie. Les
expressions polysémiques, c’est-à-dire, à des degrés divers, toutes les
expressions de la langue, expriment bien des concepts particuliers lorsqu’on
les emploie dans un contexte particulier, mais ces concepts, ou le contenu de
ces concepts, ne sauraient être identifiés au contenu proprement linguistique
de l’expression. Le phénomène de la polysémie apporte ainsi de l’eau au
moulin du contextualisme, selon lequel il faut généraliser à toutes les
expressions, et ne pas restreindre aux expressions indexicales, la distinction
entre la signification linguistique d’une expression type et le contenu
conceptuel véhiculé en contexte par une occurrence de cette expression.
Puisque je parle à nouveau du contextualisme, et qu’il est temps de
conclure, je le ferai en précisant que cette position était commune à tous les
protagonistes de ce que j’ai appelé la « pragmatique française des
années 1970-80 ». Nous adhérions tous à l’idée que les notions sémantiques
comme celles de sens, de référence ou de contenu propositionnel relèvent
fondamentalement du discours, non du langage proprement dit. La citation
suivante de Fauconnier illustre bien le credo commun :

Une expression de langue n’a pas de sens en soi ; elle a plutôt un potentiel de sens et c’est dans un
discours complet en contexte qu’il y aura production et actualisation de sens31.

Cette position, c’était également celle de Benveniste, figure tutélaire sous


l’égide de laquelle je me permets de placer cette chaire, que nous inaugurons
un demi-siècle exactement après la fin de son enseignement au Collège de
France. Je finirai donc cette leçon inaugurale par une (double) citation où
Benveniste affirme à sa façon le credo contextualiste. Avec la phrase et la
proposition qu’elle exprime, dit-il :

On quitte le domaine de la langue comme système de signes, et l’on entre dans un autre univers,
celui de la langue comme instrument de communication, dont l’expression est le discours32.
Il ne s’agit plus, cette fois, du signifié du signe, mais de ce qu’on peut appeler l’intenté, de ce que le
locuteur veut dire, de l’actualisation linguistique de sa pensée. Du sémiotique au sémantique, il y a
un changement radical de perspective. […] Le sémiotique se caractérise comme une propriété de la
langue, le sémantique résulte d’une activité du locuteur qui met en action la langue33.
1. Il s’agit de la Société européenne de philosophie analytique (European Society for Analytic
Philosophy/ESAP), que j’ai présidée de 1990 à 1993.
2. Voir en particulier J. Vuillemin, Leçons sur la première philosophie de Russell, Paris, Armand
Colin, 1968 ; W. V. O. Quine, Philosophie de la logique, Paris, Aubier-Montaigne, 1975 ;
P. F. Strawson, Analyse et Métaphysique, une série de leçons données au Collège de France en mars
1985, Paris, Vrin, 1985.
3. Dans le Dictionnaire des sciences philosophiques dirigé par Adolphe Franck et publié en France
au milieu du XIXe siècle, ce rôle est attribué à la psychologie, laquelle « occupe nécessairement la tête
et devient l’introduction ou le premier chapitre de la philosophie tout entière » (Dictionnaire des
sciences philosophiques, vol. 5, Paris, Hachette, 1851, article « Psychologie », p. 273).
4. M. Dummett, Les Origines de la philosophie analytique, Paris, Gallimard, 1991, p. 13.
5. A. J. Ayer, in : La Philosophie analytique, coll. « Cahiers de Royaumont », no 4, Paris, Minuit,
1962, p. 339-340.
6. J. L. Austin, in : La Philosophie analytique, op. cit., p. 292-293. À comparer avec ce passage des
Problèmes de philosophie de Russell : « Aussitôt que, sur quelque sujet que ce soit, un savoir défini
devient possible, ce sujet cesse d’être appelé philosophie, et devient une science séparée. L’étude des
cieux dans sa totalité appartient maintenant à l’astronomie : il fut un temps où elle était incluse dans la
philosophie. Le grand ouvrage de Newton avait pour titre Les Principes mathématiques de la
philosophie naturelle. De la même façon, l’étude de l’esprit humain, qui, il y a peu de temps encore,
était une partie de la philosophie, s’en est détachée et est devenue la science de la psychologie. Il
apparaît ainsi que, dans une large mesure, l’incertitude de la philosophie est plus apparente que réelle :
les questions auxquelles nous sommes d’ores et déjà capables de donner des réponses définies sont
placées dans les sciences, et c’est seulement les autres questions, celles pour lesquelles on ne peut
fournir de telles réponses, qui restent pour constituer ce résidu qu’on appelle philosophie » (B. Russell,
Problems of Philosophy, Londres, Williams and Norgate, 1912, p. 240).
7. « Ne se pourrait-il que le siècle prochain assiste, grâce aux efforts conjugués des philosophes, des
grammairiens et de tous ceux qui étudient le langage, à la naissance d’une véritable science du
langage ? », demande Austin dans Ifs and Cans, un texte de 1956 (J. L. Austin, Écrits philosophiques,
Paris, Seuil, 1994, p. 205).
8. « On Language and Logic – Why language dominates philosophy », débat entre Saul Kripke et
Tim Williamson, enregistré à l’occasion du festival annuel de musique et de philosophie de l’Institute
of Art and Ideas (HowTheLightGetsIn, 21-22 septembre 2019).
9. F. Recanati, « Pour la philosophie analytique », Critique, no 444, 1984, p. 362-383.
10. K. Adjukiewicz, in L. Rougier (dir.), Actes du Congrès international de philosophie scientifique,
Paris, Hermann, 1936, vol. 1, p. 19.
11. H. Reichenbach, The Rise of Scientific Philosophy, Berkeley, University of California Press,
1951, p. 118.
12. F. Recanati, « Pour la philosophie analytique », art. cité, p. 366-67.
13. Voici la suite du passage en question (Actes du Congrès international de philosophie
scientifique, vol. 1, op. cit., p. 19-20) : « Il ne suffit pas de respecter les principes de la sincérité
intellectuelle, c’est-à-dire de ne se laisser guider dans les opinions qu’on défend par rien d’autre qu’une
conviction sincère appuyée sur une réflexion profonde. On est de plus tenu de n’exposer que ce qu’on
sait exprimer en mots intersubjectivement compréhensibles et ce qu’on est en état d’établir et de
justifier, en se portant garant de cette justification. Il ne suffit pas à la formulation verbale, pour être
intersubjectivement compréhensible, qu’il y ait possibilité pour nos mots d’être convenablement
compris par d’autres, mais il faut encore [qu’ils puissent] être compris dans leur sens propre. [D’autre
part,] nous nous portons garant d’une justification lorsqu’elle est accessible au contrôle des autres qui
peuvent la vérifier ou la répéter. Un travail intellectuel qui ne pourrait satisfaire aux deux exigences que
nous venons de formuler ne saurait jamais devenir un terrain de collaboration et n’aurait pas le droit de
se prévaloir du nom de science. L’observance de ces deux postulats détermine la méthode et le langage.
[…] Ce que nous voulons exprimer par notre langage doit être tel, qu’il n’y ait aucun doute sur la
compréhension du contenu des pensées que nous avons communiquées à quelqu’un qui se sert des mots
en observant lui aussi les règles bien déterminées convenues dans notre langue. Nous avons trouvé dans
la logistique un langage satisfaisant aux conditions ci-dessus énoncées, langage aux règles déterminées
et contrôlables. »
14. Présentation de Éthique et philosophie politique, premier volume de L’Âge de la science, Paris,
Odile Jacob, 1988, p. 7-13.
15. J.-F. Revel, Pourquoi des philosophes ?, suivi de La Cabale des dévots, Paris, Robert Laffont,
1976, p. 185.
16. « L’analyse des structures comme méthode de lecture des œuvres philosophiques », entretien
avec Martial Guéroult, Cahiers philosophiques, no 12, septembre 1982, p. 14-15 ; cité dans la
présentation du vol. 1 de L’Âge de la science, p. 9.
17. I. Heim et A. Kratzer, Semantics in Generative Grammar, Oxford, Blackwell, 1998. Le
chapitre 2 s’intitule : « Executing the Fregean Program ».
18. E. Benveniste, « La forme et le sens dans le langage », in : Problèmes de linguistique générale,
t. II, Paris, Gallimard, 1974, p. 235. Voir aussi E. Benveniste, « Les niveaux de l’analyse linguistique »,
in : Problèmes de linguistique générale, t. I, Paris, Gallimard, 1966, p. 130.
19. J. Searle, Making the Social World: The Structure of Human Civilization, New York, Oxford
University Press, 2010, p. 62.
20. M. Davies, compte rendu de Mental Content de Colin McGinn, Mind and Language, no 5, 1990,
p. 245.
21. J. Fodor, Psychosemantics: The Problem of Meaning in the Philosophy of Mind, Cambridge,
MIT Press, 1987.
22. Voir la séance du 26 mars 2019 de son cours « Sémiotique et ontologie » : https://www.college-
de-france.fr/site/claudine-tiercelin/course-2019-03-26-10h00.htm
23. B. Pascal, Pensées, éd. Brunschvicg, Paris, Hachette, 1904, vol. 1 p. 165.
24. J. Bouveresse, Philosophie du langage et de la connaissance, leçon inaugurale prononcée le
vendredi 6 octobre 1995, Paris, Collège de France, 1995, p. 11 ; https ://books.openedition.org/cdf/660
(§ 8).
25. Ibid., p. 34 (§ 37 dans l’édition numérique).
26. « La pensée », in G. Frege, Écrits logiques et philosophiques, Paris, Seuil, 1971, p. 180.
27. Dire qu’il pleut, dans cette conception, c’est dire qu’il pleut là où l’on est.
28. M. Dummett, « Reply to Richard Heck, Jr. », in R. Auxier et L. Hahn (dir.), The Philosophy of
Michael Dummett, Peru (Illinois), Open Court Publishing Company, 2007, p. 563-65.
29. Voir F. Recanati, « Force cancellation », Synthese, no 196, 2019, p. 1422.
30. F. Recanati, « Penser avec le langage », in J.-N. Robert (dir.), Langue et science, langage et
pensée, Paris, Collège de France/Odile Jacob, à paraître en 2020.
31. G. Fauconnier, « Subdivision cognitive », Communications, no 53, 1991, p. 231.
32. E. Benveniste, « Les niveaux de l’analyse linguistique », in : Problèmes de linguistique
générale, t. I, op. cit., p. 130.
33. Id., « La forme et le sens dans le langage », in : Problèmes de linguistique générale, t. II, op. cit.,
p. 225.
Les leçons inaugurales du Collège de France
Depuis sa fondation en 1530, le Collège de France a pour principale
mission d’enseigner, non des savoirs constitués, mais « le savoir en train de
se faire » : la recherche scientifique et intellectuelle elle-même. Les cours y
sont ouverts à tous, gratuitement, sans inscription ni délivrance de diplôme.
Conformément à sa devise (Docet omnia, « Il enseigne toutes choses »), le
Collège de France est organisé en cinquante-deux chaires couvrant un vaste
ensemble de disciplines. Les professeurs sont choisis librement par leurs
pairs, en fonction de l’évolution des sciences et des connaissances. À
l’arrivée de chaque nouveau professeur, une chaire nouvelle est créée qui
peut ou bien reprendre, au moins en partie, l’héritage d’une chaire antérieure,
ou bien instaurer un enseignement neuf.
Plusieurs chaires thématiques annuelles (Informatique et sciences
numériques, Innovation technologique, Mondes francophones, Santé
publique) et pluriannuelles permettent également d’accueillir des professeurs
invités.
Le premier cours d’un nouveau professeur est sa leçon inaugurale.
Solennellement prononcée en présence de ses collègues et d’un large public,
elle est pour lui l’occasion de situer ses travaux et son enseignement par
rapport à ceux de ses prédécesseurs et aux développements les plus récents de
la recherche.
Non seulement les leçons inaugurales dressent un tableau de l’état de nos
connaissances et contribuent ainsi à l’histoire de chaque discipline, mais elles
nous introduisent, en outre, dans l’atelier du savant et du chercheur.
Beaucoup d’entre elles ont constitué, dans leur domaine et en leur temps, des
événements marquants, voire retentissants.
Elles s’adressent à un large public éclairé, soucieux de mieux comprendre
les évolutions de la science et de la vie intellectuelle contemporaines.
Les leçons inaugurales publiées dans
la collection Collège de France / Fayard
Depuis 2003, les Leçons inaugurales du Collège de France sont publiées
dans la collection Collège de France / Fayard. Quelques leçons antérieures y
ont été également republiées.

164. Serge HAROCHE


Physique quantique (2001)
165. Jacques LIVAGE
Chimie de la matière condensée (2002)
166. John SCHEID
Religions, institutions et société de la Rome antique (2002)
167. Roland RECHT
L’objet de l’histoire de l’art (2002)
169. Christine PETIT
Génétique et physiologie cellulaire (2002)
170. Édouard BARD
Évolution du climat et de l’océan (2003)
171. Stuart EDELSTEIN
Les mécanismes de la transduction du signal en biologie (2003)
172. Mireille DELMAS-MARTY
Études juridiques comparatives et internationales du droit (2003)
173. Pierre-Louis LIONS
Équations aux dérivées partielles et applications (2003)
174. Jayant Vishnu NARLIKAR
Faits et spéculations en cosmologie (2003)
175. Michael EDWARDS
Étude de la création littéraire en langue anglaise (2003)
176. Theodor BERCHEM
Tradition et progrès. La mission de l’Université (2004)
177. Henry LAURENS
Histoire du monde arabe contemporain (2004)
178. Denis KNOEPFLER
Apports récents des inscriptions grecques à l’histoire de
l’Antiquité (2004)
179. Jean-Louis MANDEL
Gènes et maladies : les domaines de la génétique humaine (2004)
180. Celâl ŞENGÖR
Une autre histoire de la tectonique (2004)
181. Sandro STRINGARI
L’aventure des gaz ultra-froids : condensation de Bose-Einstein
et superfluidité (2005)
182. Gabriele VENEZIANO
Gravitation, relativité, mécanique quantique : la grande synthèse
est-elle proche ? (2005)
183. Christian de PORTZAMPARC
Architecture : figures du monde, figures du temps (2006)
184. Maurice BLOCH
L’anthropologie cognitive à l’épreuve du terrain. L’exemple de la
théorie de l’esprit (2006)
185. Thomas PAVEL
Comment écouter la littérature ? (2006)
186. Stanislas DEHAENE
Vers une science de la vie mentale (2006)
187. Jon ELSTER
Raison et raisons (2006)
188. Antoine COMPAGNON
La littérature, pour quoi faire ? (2006)
189. Daniele VITALI
Les Celtes d’Italie (2006)
190. Jean-Paul CLOZEL
La biotechnologie : de la science au médicament (2007)
191. Pascal DUSAPIN
Composer. Musique, paradoxe, flux (2007)
192. Guy ORBAN
La vision, mission du cerveau. Les trois révolutions des
neurosciences cognitives (2007)
193. Michel DEVORET
De l’atome aux machines quantiques (2007)
194. Alain PROCHIANTZ
Géométries du vivant (2007)
195. Roger CHARTIER
Écouter les morts avec les yeux (2007)
197. Gérard BERRY
Pourquoi et comment le monde devient numérique (2008)
198. PIERRE MAGISTRETTI
La neuroénergétique : de la synapse à l’image (2008)
199. Michel BRUNET
Origine et histoire des hominidés. Nouveaux paradigmes (2008)
200. Philippe SANSONETTI
Des microbes et des hommes. Guerre et paix aux surfaces
muqueuses (2008)
201. Anne CHENG
La Chine pense-t-elle ? (2008)
202. Esther DUFLO
Expérience, science et lutte contre la pauvreté (2009)
203. Pierre-Laurent AIMARD
Rôle et responsabilités de l’interprète aujourd’hui (2009)
204. Mathias FINK
Renversement du temps, ondes et innovation (2009)
205. Henri LERIDON
De la croissance zéro au développement durable (2009)
206. Thomas RÖMER
Les Cornes de Moïse. Faire entrer la Bible dans l’histoire (2009)
207. Marc FONTECAVE
Chimie des processus biologiques : une introduction (2009)
208. Gérard BERRY
Penser, modéliser et maîtriser le calcul informatique (2009)
209. Antoine GEORGES
De l’atome au matériau. Les phénomènes quantiques collectifs
(2009)
210. Peter PIOT
L’épidémie du sida. Mondialisation des risques, transformations
de la santé publique et développement (2010)
211. Patrick COUVREUR
Les nanotechnologies peuvent-elles contribuer à traiter des
maladies sévères ? (2010)
212. Nicholas STERN
Gérer les changements climatiques. Climat, croissance,
développement et équité (2010)
213. Jacques NICHET
Le théâtre n’existe pas (2010)
214. Ismail SERAGELDIN
Mobiliser le savoir pour éradiquer la faim (2010)
215. Anselm KIEFER
L’art survivra à ses ruines (2010)
216. Jean-Marie TARASCON
L’énergie : stockage électrochimique et développement durable
(2010)
217. Elias ZERHOUNI
Les grandes tendances de l’innovation biomédicale au XXIesiècle
(2011)
218. Clément SANCHEZ
Chimie des matériaux hybrides (2011)
219. Martin ABADI
La sécurité informatique (2011)
220. Claudine TIERCELIN
La connaissance métaphysique (2011)
221. Barbara ROMANOWICZ
Physique de l’intérieur de la Terre (2011)
222. Gilles CLÉMENT
Jardins, paysage et génie naturel (2011)
223. Paul COLONNA
Le carbone renouvelable dans les systèmes alimentaires,
énergétiques et chimiques (2011)
224. Jean-Paul LAUMOND
La robotique : une récidive d’Héphaïstos (2012)
225. Jean-Noël ROBERT
La hiéroglossie japonaise (2012)
226. Serge ABITEBOUL
Sciences des données : de la logique du premier ordre à la Toile
(2012)
227. Manuela CARNEIRO DA CUNHA
Savoirs autochtones : quelle nature, quels apports ? (2012)
228. Jean-Pierre BRUN
Techniques et économies de la Méditerranée antique (2012)
229. Bernard CHAZELLE
L’algorithmique et les sciences (2012)
230. Karol BEFFA
Comment parler de musique ? (2012)
231. Alain SUPIOT
Grandeur et misère de l’État social (2012)
232. Edith HEARD
Épigénétique et mémoire cellulaire (2012)
233. Yves BRÉCHET
La science des matériaux : du matériau de rencontre au matériau
sur mesure (2013)
234. Dominique KEROUEDAN
Géopolitique de la santé mondiale (2013)
235. Anny CAZENAVE
La Terre et l’environnement observés depuis l’espace (2013)
236. Gérard BERRY
L’informatique du temps et des événements (2013)
237. Jean DALIBARD
Atomes et rayonnement (2013)
238. Tony CRAGG
Sculpture et langage (2013)
239. Frantz GRENET
Recentrer l’Asie centrale (2013)
240. Sanjay SUBRAHMANYAM
Aux origines de l’histoire globale (2013)
241. Gilles BŒUF
La biodiversité, de l’océan à la cité (2013)
242. Pierre-Michel MENGER
La différence, la concurrence et la disproportion. Sociologie du
travail créateur (2014)
243. Jean-Marie TARASCON
Chimie du solide et énergie. Exemples et avenir d’une science
millénaire (2014)
244. Alain de LIBERA
Où va la philosophie médiévale ? (2014)
245. Philippe WALTER
Sur la palette de l’artiste. La physico-chimie dans la création
artistique (2014)
246. François BOURGUIGNON
Pauvreté et développement dans un monde globalisé (2014)
247. Nicolas AYACHE
Des images médicales au patient numérique (2014)
248. Alain FISCHER
Médecine expérimentale (2014)
249. Dominique CHARPIN
Comment peut-on être assyriologue ? (2014)
250. Bernard MEUNIER
Innovations thérapeutiques : tendances et évolution (2014)
251. Françoise COMBES
La matière noire dans l’Univers (2014)
252. Hugues de THÉ
L’oncologie : de l’empirisme à la biologie intégrée (2015)
253. Georges CALAS
Les ressources minérales, enjeu majeur du développement
durable (2015)
254. Marie-Paule CANI
Façonner l’imaginaire. De la création numérique 3D aux mondes
virtuels animés (2015)
255. François DÉROCHE
La voix et le calame. Les chemins de la canonisation du Coran
(2015)
256. Philippe AGHION
Repenser la croissance économique (2015)
257. Thomas STERNER
Les instruments de la politique environnementale (2015)
258. Bernard DERRIDA
Physique statistique. La flèche du temps et le hasard (2015)
259. Patrick BOUCHERON
Ce que peut l’histoire (2015)
260. Jean-Luc FOURNET
Ces lambeaux, gardiens de la mémoire des hommes. Papyrus et
culture de l’Antiquité tardive (2016)
261. José-Alain SAHEL
Rapprocher les regards. Autour de la restauration visuelle (2016)
263. Alain MABANCKOU
Lettres noires : des ténèbres à la lumière (2016)
264. Claire VOISIN
Topologie des variétés algébriques complexes (2016)
265. Jean-Louis COHEN
Architecture, modernité, modernisation (2014)
266. Jean-Jacques HUBLIN
Biologie de la culture. Paléoanthropologie du genre Homo
(2014)
267. Philippe MANOURY
L’invention de la musique (2017)
268. Didier ROUX
Découvertes, inventions et innovations (2017)
269. Jean-Daniel BOISSONNAT
Géométrie algorithmique : des données géométriques à la
géométrie des données (2017)
270. Bénédicte SAVOY
Objets du désir, désir d’objets (2017)
271. Alain WIJFFELS
Le droit européen a-t-il une histoire ? En a-t-il besoin ? (2017)
272. Thomas LECUIT
Dynamiques du vivant (2017)
273. Claire MATHIEU
L’algorithmique (2017)
274. Vinciane PIRENNE-DELFORGE
Religion, histoire et société dans le monde grec antique (2017)
275. Edhem ELDEM
L’Empire ottoman et la Turquie face à l’Occident (2017)
276. Stéphane MALLAT
Sciences des données et apprentissage en grande dimension
(2018)
277. Victor STOICHITA
Les Fileuses de Velázquez. Textes, textures, images (2018)
278. Denis DUBOULE
Le génome et ses embryons (2018)
279. François HÉRAN
Migrations et sociétés (2018)
280. Thomas EBBESEN
L’alchimie du vide. Interactions lumière-matière en chimie
physique (2018)
281. Molly PRZEWORSKI
Origines évolutives des variations génétiques (2018)
282. Amos GITAÏ
La caméra est une sorte de fétiche. Filmer au Moyen-Orient
(2018)
283. Rachid GUERRAOUI
Algorithmique répartie. À la recherche de l’universalité perdue
(2018)
284. Xavier LEROY
Le logiciel, entre l’esprit et la matière (2018)
285. Lucrezia REICHLIN
La Banque centrale européenne et la crise de l’euro (2018)
286. Dario MANTOVANI
Droit, culture et société de la Rome antique (2019)
287. Jean-François JOANNY
Physique de la matière molle : une approche des systèmes
biologiques (2019)
288. Arnaud FONTANET
L’épidémiologie ou la science de l’estimation du risque en santé
publique (2019)
289. Yanick LAHENS
Littérature haïtienne : urgence(s) d’écrire, rêve(s) d’habiter
(2019)
290. François-Xavier FAUVELLE
Leçons de l’histoire de l’Afrique (2019)
291. Walter FONTANA
Du calcul au vivant : le défi d’une science de l’organisation
(2019)
293. Didier FASSIN
De l’inégalité des vies (2020)
294. William MARX
Vivre dans la bibliothèque du monde (2020)

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