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Ressources documentaires.

Technologies de l’environnement / Module Foresterie et


sylviculture – Agroforesterie

Agroforesterie

Marthe Elise Eone

Table des matières

Introduction............................................................................................................... 2
SÉQUENCE 1 : Définition et typologie des systèmes agroforestiers .................. 3
A. Définition des systèmes agroforestiers............................................................... 3
B. Typologie des systèmes agroforestiers .............................................................. 3
C. Importance, enjeux et défis de l’agroforesterie .................................................. 4
SÉQUENCE 2 : Description et distribution des systèmes agroforestiers ........... 7
A. Cultures sous couvert arboré............................................................................... 7
B. Les agroforêts ....................................................................................................... 9
C. Agroforesterie en disposition linéaire ................................................................12
D. Agroforesterie animale ........................................................................................15
E. Agroforesterie séquentielle.....................................................................................17
SÉQUENCE 3 : Présentation de l’investissement et de la rentabilité de quelques
exemples d’exploitations agroforestières ............................................................ 20
A. Rentabilité d’un système agroforestier cacao, bananier et arbres fruitiers .....20
B. Exemples d’intégrations ......................................................................................22
Conclusion .............................................................................................................. 24

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Introduction
Face au changement climatique qui se profile, certaines populations, plus pauvres, plus
vulnérables, plus exposées, vont en subir les conséquences bien avant d'autres. Dans ce
contexte socio-économique et environnemental commun à beaucoup de pays, et dans le
domaine agricole notamment, il serait alors important de valoriser les meilleures pratiques,
celles qui sont à la fois bénéfiques à l’environnement, aux populations surtout rurales.
L’agroforesterie représente une alternative viable et duplicable dans toute région de la planète
où l'agriculture et la création de richesse doivent être repensées pour faire face à des
changements climatiques qui risquent d'exacerber les inégalités.

Cela fera l’objet de ce module.

Dans une première séquence, nous aborderons la typologie des systèmes agroforestiers. La
deuxième séquence nous permettra de nous intéresser aux principaux systèmes de
production agroforestiers. Dans une troisième partie, nous nous concentrerons sur la
rentabilité de quelques exemples d’exploitations agroforestières, dans une optique d’auto-
emploi.

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SÉQUENCE 1 : Définition et typologie des systèmes agroforestiers


Bonjour et bienvenue dans cette première séquence. Nous nous intéresserons ici à la
typologie des systèmes agroforestiers.

A. Définition des systèmes agroforestiers

Plusieurs définitions de l’agroforesterie circulent sans qu’aucune ne s’impose par ailleurs.


Sans les passer toutes en revue, nous retiendrons dans le cadre de ce module, une définition
simple qui n’inclut pas à priori les avantages supposés de l’agroforesterie, son potentiel
environnemental, social ou économique, mais s’en tient à une description objective :

« L’agroforesterie est la mise en valeur du sol avec une association (simultanée ou


séquentielle) de ligneux et de cultures ou d’animaux afin d’obtenir des produits ou des services
utiles à l’homme »1.

On trouve des associations agroforestières dans la plupart des pays, sous différentes formes
et avec divers objectifs. L’association agroforestière doit être délibérée. Cela exclut donc les
situations où des arbres se retrouvent de manière fortuite dans une situation champêtre, sans
qu’il y ait volonté de les y mettre ou de les maintenir.

Des interactions écologiques (amélioration du sol, modification du microclimat, etc.) et


économiques (amélioration des revenus, répartition des récoltes, etc.) doivent justifier
l’association entre les composantes de l’agroforesterie.

L’arbre de l’agroforesterie est polyvalent. On dit parfois « arbre à usages multiples ». On a


même imaginé un arbre idéal : celui qui produirait du bois, des fruits et du fourrage, dont
l’écorce aurait des propriétés médicamenteuses, qui fixerait l’azote atmosphérique, avec un
enracinement profond permettant de lutter contre l’érosion sans concurrencer les cultures
voisines, résistant à la sècheresse etc. Bien sûr, l’arbre idéal n’existe pas mais l’agroforesterie,
dans sa quête d’une place reconnue pour l’arbre dans la gestion des terres, tente d’identifier
les arbres qui ont le plus d’usages possibles, en tentant de promouvoir ceux qui associent au
moins une production (bois, nourriture, etc.) et un service (amélioration du sol, effet brise-vent,
haie vive, etc).

La composante arborée ou arbustive est à l’origine du brout, c’est-à-dire l’ensemble du


matériel végétal d’une espèce ligneuse susceptible d’être consommée par certains animaux
(feuilles, rameaux, bourgeons, fleurs, fruits, écorce). Les animaux trouvent également dans
les parcours boisés un environnement abrité qu’ils affectionnent et qui est parfois favorable à
la présence d’un couvert herbacé pouvant lui-même être pâturé.

B. Typologie des systèmes agroforestiers

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Torquebiau, E. 2000. A renewed perspective on agroforestry concepts and classification. Comptes rendus de
l’Academie des Science / Life Sciences 323: 1009-1017.
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La plupart des classifications des systèmes agroforestiers reposent soit sur :

• Les trois composantes de base de l’agroforesterie (arbre, cultures, animaux) et


proposent trois catégories de systèmes agroforestiers selon que l’on mélange :
cultures et arbres (agrosylviculture), arbres et animaux (sylvopastoralisme) ou cultures,
arbres et animaux (agrosylvopastoralisme) ;

• La structure temporelle, séparant l’agroforesterie simultanée (composantes de


l’agroforesterie présentes en même temps) de l’agroforesterie séquentielle
(composantes se succédant dans le temps, comme dans les jachères et autres
rotations) ;

• La structure spatiale : On peut y différencier les associations ordonnées (arbres en


ligne ou autre disposition géométrique) des associations mélangées (arbres dispersés
de manière irrégulière dans les parcelles). On a des situations dans lesquelles les
arbres peuvent être denses ou clairsemés, en disposition monostrate ou pluristrate,
etc ;

• La fonction principale de l’association agroforestière considérée. Par exemple selon


que l’objectif est de produire (du fourrage, des fruits, etc) ou d’assurer un service
(protéger le sol, assurer un couvert ombrage, protéger du vent). On notera que c’est le
plus souvent la fonction des arbres qui est prise en compte, et non celle des cultures
ou des animaux, alors que les arbres ne sont pas nécessairement la composante
quantitativement la plus importante ;

• Les éléments de structure facilement repérables qui permettent d’identifier un type


agroforestier « au premier coup l’œil ». Cette approche permet d’identifier cinq grandes
catégories agroforestières : 1) Les cultures sous couvert arboré ; 2) Les agroforêts ; 3)
L’agroforesterie en disposition linéaire ; 4) L’agroforesterie animale ; 5) L’agroforesterie
séquentielle

C. Importance, enjeux et défis de l’agroforesterie

L’enjeu fondamental de l’agroforesterie est de maximiser les interactions écologiques positives


(on parle de complémentarité) et de diminuer les interactions négatives, dites de concurrence,
ou compétition. On recherchera donc une interface élevée pour les cas de complémentarité et
une interface faible s’il y a concurrence.

Le contexte économique de l’agroforesterie tempérée n’est pas du tout le même que celui de
l’agroforesterie tropicale. Sous les tropiques, on a surtout cherché à valoriser les fonctions
écologiques de l’arbre ou en obtenir des productions régulières, ce qui n’est pas toujours
compatible avec l’objectif de production des cultures annuelles associées.

Les principaux enjeux de l’agroforesterie portent sur :

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• Le développement durable ;
• Les changements climatiques ;
• La gestion des forêts tropicales

1. Agroforesterie et développement durable

L'agroforesterie, en optimisant l'utilisation des ressources naturelles, en diversifiant et


répartissant les productions, en intégrant les caractéristiques des sociétés auxquelles elle
s'adresse, peut répondre à de nombreux enjeux du développement durable et permettre
d'atteindre un certain compromis entre ces éléments. Les principaux avantages de
l'agroforesterie dans le domaine de la durabilité écologique peuvent être classés de la manière
suivante :

• Gestion durable du sol (lutte contre l'érosion, amélioration de la fertilité, de la


structure et de la biologie du sol) ;

• Gestion durable de l'eau (effet couverture ou barrière positif de l'agroforesterie


sur le ruissellement, l'érosion et l'infiltration de l'eau dans le sol) ;

• Gestion durable de la lumière (plantes tolérantes à l'ombre, utilisation du


rayonnement solaire) ;

• Gestion durable de la biodiversité (espèces utiles multiples, effet positif sur la


biodiversité naturelle) :

• Gestion durable des risques environnementaux (équilibre écologique favorable à


la diminution de l'utilisation de substances toxiques, fixation du sol) ;

2. Agroforesterie et changement climatique

Les alternatives à l'agriculture itinérante, dont les pratiques agroforestières, font partie des
solutions importantes dans les zones tropicales pour contribuer à la lutte contre le
réchauffement climatique. D'une manière générale, on admet qu'en plantant davantage
d'arbres on peut stocker de grandes quantités de carbone dans les parties aériennes et dans
le sol et diminuer l'effet de serre, ce qui est une reconnaissance forte pour toutes les formes
de mise en valeur du sol fondées sur la présence d'arbres, dont l'agroforesterie.

Un champ de cultures annuelles absorbe environ 10 % du carbone contenu dans la forêt qui
l'a précédé, alors qu'un système agroforestier peut retenir environ 35 à 40 % de ce carbone,
les agroforêts multistrates parfois plus. Les techniques agroforestières sont donc de véritables
puits de carbone, comme les plantations forestières, mais plus que les cultures saisonnières.
Le protocole de Kyoto permet désormais de mettre en œuvre des mécanismes dans lesquels
les agroforêts sont éligibles comme puits de carbone et la fixation du carbone fait partie des
enjeux importants de l'agroforesterie du futur.

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3. Gestion des forêts tropicales

L'agroforesterie en tant que pratique moderne est née d'une volonté de résoudre les
problèmes de déforestation tropicale. Bien qu'elle s'adresse désormais essentiellement aux
agriculteurs, son rôle dans la lutte contre la déforestation tropicale demeure essentiel, en
assurant les mêmes productions et services que la forêt, mais en dehors de la forêt, au moyen
d'arbres ou de groupes d'arbres intégrés dans le paysage et aux activités rurales.

En améliorant les jachères, en réhabilitant les zones savanisées à la suite de pratiques


répétées d'agricultureitinérante, l'agroforesterie peut diminuer la pression qui demeure sur les
forêts tropicales.

Dans toutes les zones où la forêt est menacée par des pratiques agricoles et de fortes densités
de population, l'intégration agroforestière (agroforêts multistrates, zones tampons, jachères
enrichies, etc.) est une réponse aux problèmes d'intrusion dans les forêts et réserves
naturelles et à la cohabitation entre la faune sauvage et diverses activités rurales.

Le mélange de composantes propres à l'agroforesterie et les conséquences de ce mélange


en termes environnementaux et économiques permettent à l'agroforesterie de répondre
efficacement aux exigences de simultanéité entre les différents critères du développement
durable.

Cela conclue cette première séquence. Dans la prochaine, nous nous intéresserons aux
principaux systèmes de production agroforestiers.

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SÉQUENCE 2 : Description et distribution des systèmes agroforestiers


Bienvenue dans cette deuxième séquence consacrée aux principaux systèmes de production
agroforestiers.

La classification des systèmes agroforestiers retenue pour le présent module de formation est
celle portant sur les éléments de structure facilement repérables qui permettent d’identifier un
type agroforestier « au premier coup l’œil ». Cette classification permet d’identifier six grandes
catégories agroforestières :

• Les cultures sous couvert arboré


• Les agroforêts
• L’agroforesterie en disposition linéaire
• L’agroforesterie animale
• L’agroforesterie séquentielle

A. Cultures sous couvert arboré

La culture sous couvert arboré est une association agroforestière qui consiste à planter sur
une parcelle des cultures et des arbres, les arbres constituant un couvert supérieur, plus ou
moins dense ou dispersé. Cette couverture arborée peut être :

• Discontinue (parcs agroforestiers africains, vergers complantes de cultures) ;


• Dense et plus ou moins fermée (plantations de caféiers sous arbres d’ombrage) ;
• Dispersée dans les parcelles agricoles (arbres fruitiers ou des arbres destinés à
protéger ou à améliorer le sol) ;
• Alignée (certains vergers à cultures associées, ou pour la production de bois
d’œuvre en terrain agricole).
Les arbres d’étage supérieur peuvent avoir une fonction écologique telle que l’ombrage, l’effet
fertilisant, ou bien une fonction utilitaire, tels les arbres servant de support à des cultures
grimpantes comme le poivrier ou l’igname. Les cultures apparaissent sous la forme d’un étage
inférieur clairement distinct et peuvent être de toute nature (céréales ou légumineuses sous
les acacias ou les karités d’Afrique, cacaoyers ou caféiers sous arbres d’ombrage au
Cameroun, au Costa Rica ou au Ghana, les cultures de maïs sous noyers de la vallée de
l’Isère (France), champs de blé avec amandiers ou abricotiers du Pakistan ou de la ghouta
(l’oasis) de Damas (Syrie).

Les principales pratiques culturales de la catégories « Cultures sous couvert arboré » peuvent
être réparties en cinq groupes :

1) Les parcelles agricoles complantées d’arbres dispersés, où les arbres occupent une
place plus ou moins importante ;
2) Les parcs arborés, ou agroforestiers, caractéristiques de l’Afrique soudano-
sahélienne, où l’arbre, à usages multiples, structure le paysage ;
3) Les cultures sous arbres d’ombrage, où l’arbre procure un environnement favorable
aux cultures ne supportant pas la pleine lumière ;
4) Les cultures avec arbres supports, où l’arbre sert de tuteur vif ;
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5) Les vergers à cultures associées, dans lesquels la production fruitière est l’objectif
essentiel, et les cultures sont entretenues entre les arbres.

1. Parcelles agricoles complantées d’arbres

Les agriculteurs entretiennent des arbres dans des parcelles où un objectif de production est
recherché. Ces arbres, plantés ou protégés, servent de multiples objectifs. Cette pratique
ressort un intérêt réciproque pour les deux composantes, c’est-à-dire la possibilité, en
entretenant l’une des deux composantes de la parcelle, d’entretenir l’autre, et réciproquement.
En s’assurant de la proximité entre productions annuelles et productions arborées, l’agriculteur
se construit un espace polyvalent dans lequel plusieurs objectifs peuvent être satisfaits. Le
choix du couple arbre-culture doit donc être soigneusement réfléchi et les pratiques culturales
(densité de plantation, date de récolte, éventuel élagage des arbres, …) adaptées à chaque
situation.

2. Parcs agroforestiers

Il existe de multiples variantes de parcs agroforestiers, les plus célèbres sont ceux dans
lesquels la composante arborée est constituée de Faidherbia. Parmi les autres arbres
célèbres y figurent le baobab, le karité, le néré, le tamarinier, le Sclerocarya … Tous ces arbres
et bien d’autres produisent différentes qualités de bois et constituent bien souvent une épargne
sur pied pour leurs propriétaires. Enfin, même si le rendement des cultures associées peut
être affecté à proximité immédiate des arbres, on estime que la présence des arbres modifie
le microclimat de l’ensemble de la parcelle et limite l’érosion du sol, de sorte que dans le reste
de la parcelle, les rendements peuvent être améliorés.

3. Cultures sous arbres d’ombrage

Il s’agit d’une catégorie essentielle de l’agroforesterie car, à la différence d’autres catégories


ou l’on doit parfois résoudre des problèmes d’occupation de l’espace par les arbres au
détriment des cultures, ici les arbres sont intégrés dans les systèmes pour la « prestation de
service écologique » qu’ils fournissent.

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Un certain nombre de cultures tropicales ont la particularité d’être adaptées à des conditions
de croissance ombragées. Les plus connues sont le caféier, le cacaoyer et le théier. C’est
aussi le cas des ignames, des patates douces et d’autres plantes à tubercules, de certaines
variétés de haricot, de la cardamome, du gingembre, du poivrier, etc. Toutes ces cultures sont
naturellement adaptées à l’agroforesterie, car elles trouvent sous des arbres d’étage supérieur
des conditions microclimatique qui leur conviennent. C’est ainsi qu’on cultive
traditionnellement le taro, plante à tubercule, dans les îles du pacifique ou en Nouvelle-Guinée,
la colocase – tubercule voisin du précèdent – au Burundi, mais aussi le café au Costa Rica ou
au Mexique.

4. Les cultures avec arbres supports

Un certain nombre de cultures tropicales sont des lianes : le poivrier, les ignames certaines
variétés de haricot. On peut alors les cultiver dans des champs arborés, les arbres servant de
support aux cultures. La réussite de telles associations tient aux caractères de tolérance à
l’ombre de la culture associée. C’est le cas des ignames, tubercules cultives en Afrique, en
Asie et dans le Pacifique. Au Burkina Faso, par exemple, on conserve des arbres lors du brûlis
afin que les ignames trouvent l’ombre et les tuteurs dont elles ont besoin. En Indonésie, on
cultive du poivrier sur de tels tuteurs vivants, choisis pour leur ombre légère et leurs symbioses
fixatrices d’azote. La vanille, orchidée épiphyte qui pousse sur une autre plante, est cultivée
sur des troncs d’arbre, par exemple à Madagascar ou au Sri Lanka.

5. Vergers et diverses parcelles arborées à cultures associées

Dans cette catégorie des cultures sous couvert arboré, l’objectif de production essentiel est
celui des produits arborés, souvent des fruits, et les cultures y sont associées à divers degrés.
Les arbres sont la composante dominante. L’agriculteur y introduit des cultures secondaires,
le plus souvent dans l’idée de valoriser l’espace disponible entre les arbres. (Les cocoteraies
tropicales sont sans doute le meilleur exemple de verger agroforestier). Lorsqu’il est adulte, le
tronc élancé du cocotier déploie ses palmes à plus de 10 m de hauteur et permet à la lumière
d’atteindre le sol. On peut ainsi intercaler entre les palmiers toutes sortes de culture, par
exemple des cacaoyers en plantation intensive, mais aussi des cultures vivrières de différente
nature comme des céréales, des légumineuses ou des tubercules.

B. Les agroforêts

Lorsque la composante arborée d’une association agro forestière est multi étagée, dense,
diversifiée, et que la parcelle prend une physionomie typiquement forestière, on parle
d’agroforêt. Dans les autres catégories, les arbres des parcelles agro forestières n’évoquent
pas une forêt, mais apparaissent sous la forme d’arbres isolés ou plus ou moins dispersés,
parfois, groupés, alignés, ou encore sous la forme d’une strate unique clairement identifiable.

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Les agroforêts sont généralement des parcelles difficiles à appréhender d’un simple coup
d’œil. Il faut y regarder de près pour découvrir les nombreuses espèces qui s’y trouvent,
plantes ou animaux, en comprendre l’agencement dans l’espace et dans le temps, séparer ce
qui est cultivé de ce qui est naturel, et analyser la place de ces parcelles polyvalentes dans
l’économie rurale.

On distingue plusieurs types d’agro forêts, selon le degré de diversification et d’intensification,


et la structure plus ou moins complexe de l’association :

1) L’agro forêt villageoise, ou forêt-jardin


2) Le jardin-forêt
3) La parcelle boisée à usages multiples

1. L’agroforêt villageoise, ou forêt-jardin

Les agroforêts villageoises, plus éloignées des habitations, plus étendues, mais reposant sur
le même principe d’association multi strates, ont souvent une orientation commerciale
(production de rente, fruits, bois d’œuvre, différentes productions des arbres, l’élevage
extensif…). Ces agroforêts sont parfois l’aboutissement d’un long processus de mise en valeur
des terres. La démarche consiste à associer dès le départ des cultures à production immédiate
à des arbres de grandes dimensions. L’un des avantages indiscutables de cette pratique est
qu’à aucun moment, depuis la défriche forestière jusqu’à l’agroforêt adulte, le sol ne se trouve
à nu. Il est même en permanence enrichi par des apports de litière des plantes présentes.

Ces agroforêts abritent une biodiversité naturelle exceptionnelle : plantes spontanées,


insectes, oiseaux, champignons, faune du sol, etc. en Afrique, les plus célèbres se trouvent
sur le Mont Kilimandjaro, en Tanzanie : elles associent arbres, bananiers plantains et caféiers.
Même chose en Ouganda, dans la région de Kampala. Au Ghana, au Cameroun, ce sont des
associations multi strates de grands arbres, espèces fruitières et cacaoyers, ou caféiers. Leur
ressemblance avec une forêt naturelle est souvent frappante.

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2. La parcelle boisée à usages multiples

La parcelle boisée à usages multiples, est une variante simplifiée d’agroforêt dans laquelle on
trouve peu de cultures saisonnières. Elle évoque un bosquet lorsque ses dimensions sont
réduites.

3. Les Jardins – forêts et autres jardins agroforestiers

Le jardin-forêt est une parcelle de dimensions modestes, toujours associée à l’habitat rural.
Autour des habitations, les jardins-forêts sont d’authentiques petites forêts qui contribuent
avant tout à de nombreux aspects de l’autoconsommation familiale grâce à une biodiversité
record de plantes utiles et d’animaux associés de différentes manières.

Ils existent sous des formes variées dans des jardins potagers, des cultures annuelles et de
l’élevage sont associés à des arbres, à proximité de l’habitat. A l’échelle des exploitations
agricoles familiales, ce sont toujours des petites parcelles, même si les jardins- forêts de
différentes exploitations sont souvent contigus et peuvent couvrir de vastes zones dans et
autour des villages. Dans ces petites parcelles, on ne cultive pas les plantes en grande
quantité comme dans un champ, mais à l’unité, ou sur de petites surfaces, en favorisant la
diversité des productions et leur répartition au cours des saisons. Leur productivité diversifiée

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et leur stabilité en font des parcelles à forte compétitivité économique. Leur nature conviviale
leur confère de nombreux avantages sociaux.

4. Autres agroforêts

Dans cette catégorie, on répertorie :

• Les parcelles boisées à usages multiples, variante simplifiée d’agroforêt dans


laquelle la composante non arborée est réduite. C’est un « bois », c’est-à-dire une
parcelle arborée de dimension réduite de sorte qu’on ne peut lui donner le nom de
forêt, où les populations rurales récoltent néanmoins des produits qui ne se
trouvent pas dans les zones strictement agricoles des exploitations : bois et
charbon de bois, fibres, diverses, gibier, pharmacopée, etc. C’est souvent là qu’on
parque le bétail ;
• Les zones agro forestières tampons sont un exemple dans lequel les agroforêts
peuvent jouer un rôle simultané de production et de service. Il s’agit d’aires de
protection destinées à séparer des zones en conflit d’usage, par exemple une
réserve naturelle ou une forêt de production et des terrains agricoles. L’objectif est
d’éviter que les animaux sauvages (éléphants, singes, etc) envahissent les zones
de culture ou, inversement, d’éviter des intrusions humaines indésirables dans la
zone protégée (collecte de bois, chasse, etc). Les agroforêts, par leurs grandes
dimensions, constituent un « tampon » efficace pour ces situations, en séparant
les zones sensibles par un gradient progressif d’interférences naturelles ou
humaines.
Bien que les agroforêts aient des caractéristiques physionomiques et écologiques qui les
apparentent à des forêts, leurs caractéristiques de production sont de nature agricole et elles
ont peu de similarités de gestion ou de production avec des forêts de plantation destinées à la
production de bois d’œuvre. Pour leurs occupants, les agroforêts sont avant tout un jardin,
c’est-à-dire un espace fortement artificialisé, ou s’exprime le génie du jardinier. Les
authentiques agroforêts se distinguent facilement de toutes les autres formes d’agroforesterie
par leur nature simultanément multi strates, dense et massive, ainsi que leurs caractéristiques
polyvalentes en termes de productions et de services.

C. Agroforesterie en disposition linéaire

Même s’il n’y a pas toujours volonté délibérée d’association entre ces alignements d’arbres et
les activités agricoles qu’ils côtoient, les arbres sont là pour remplir diverses fonctions
écologiques et économiques au sein des exploitations agricoles. Les arbres et cultures sont
juxtaposés, non superposés, ce qui distingue clairement cette catégorie de la catégorie
« Cultures sous couvert arboré », même si, dans les cas de grands arbres, la cime peut finir
par s’épanouir en partie au-dessus des cultures associées.

On peut distinguer cinq grands groupes de pratiques culturales dans l’agroforesterie en


disposition linéaire :

1) les haies, clôtures végétales et le bocage qu’elles peuvent former


2) les plantations de lisière, ou de bornage
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3) les brise-vent, rideaux-abri et bandes boisées


4) les haies et alignements d’arbres dans les parcelles de culture
5) les cultures en couloirs

1. Haies vives, clôtures végétales et bocage

Les haies qui entourent les champs, longent les chemins et les cours d’eau, délimitent les
propriétés et jouent de multiples rôles dans le paysage rural. Lorsque les arbres de ces
linéaires sont de grandes dimensions, parfois reliés entre eux, ou s’il existe une strate
arbustive intérieure, on parle de clôture végétale, ou clôture vivante.

Mais la haie arbustive elle-même peut être une véritable clôture, notamment lorsqu’elle est
épineuse et touffue, on parle alors parfois de haie vive. Ces barrières végétales assurent des
fonctions de protection des cultures contre le bétail, ou au contraire des fonctions de parcage
du bétail à l’intérieur de parcelles bordées de haies. Les haies sont parfois plantées (ou
entretenues à partir de la végétation spontanée) pour des objectifs de production, par exemple
du bois (bois d’œuvre, perches, baliveaux, bois de feu), des fruits ou du fourrage. Enfin, on
installe parfois des haies pour les services écologiques qu’elles peuvent rendre, par exemple
protéger les parcelles du gel, du vent, ou de l’érosion du sol, fixer les berges d’un ruisseau. Il
est alors important de régulièrement tailler, élaguer et étêter la haie afin de la conserver dans
les dimensions souhaitables.

Ces arbres délimitent des parcelles et des propriétés, sans nécessairement qu’ils y constituent
une haie ou une clôture vivante, peuvent fournir du fourrage de brout ou des fruits, et être
taillés, élagués ou recepés pour fournir des perches ou du bois d’œuvre. Ils sont à ce titre en
interaction économique directe avec les autres composantes de l’exploitation agricole.

2. Les plantations de lisière, ou de bornage

La plantation d’arbres pour marquer le parcellaire le long des limites de champ ou de propriété
ou à certains points repères du paysage agricole (arbres-bornes, ou de bornage) est une
pratique courante de nombreuses civilisations agricoles. Ces plantations peuvent devenir de
véritables haies ou clôtures vivantes, voire former un bocage. Mais souvent, ce sont de simples
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individus ou des alignements occupant un espace disponible particulier, sans que la pratique
soit systématique. Soigneusement entretenus, ces arbres de limites peuvent contribuer de
manière importante aux revenus des agriculteurs.

En Europe, les alignements arborés de bord de champ sont fréquents et bénéficient du regain
actuel des haies et du bocage. Les têtards de muriers, ces arbres déformés à force d’être
étêtes pour en récolter les feuilles destinées à nourrir les vers à soie au bord des champs,
mais aussi le long des routes et des chemins.

3. Les brise-vent, rideaux-abri et bandes boisées

Les brise-vent sont des alignements d’arbres orientés perpendiculairement au vent dominant
afin de protéger les cultures, les voies de communication ou les habitations. En protégeant les
cultures d’un facteur écologique négatif, le brise-vent protège de la violence du vent elle-
même, mais aussi des éléments qu’il peut transporter, notamment les sable. Les brise-vent
peuvent être pluristrates (arbres et arbustes sous-jacents) et peuvent être constitués d’une ou
plusieurs lignes parallèles de végétaux.

Un brise-vent efficace doit être en partie perméable, afin de laisser passer une partie du vent
et éviter que des tourbillons se créent du côté sous le vent. On considère qu’un bon brise-vent
diminue la vitesse du vent sur une distance égale à dix fois la hauteur des arbres, au-delà de
laquelle le vent reprend sa force initiale. On conçoit donc qu’en pays venteux, c’est un réseau
de brise-vent qu’il faut mette en place, afin d’améliorer localement les conditions climatiques
(les plaines de l’Ouzbékistan ou de l’Ukraine, les cyprès de la vallée du Rhône en France, les
Casuarina de la Vallée Du Nil et des marges du désert en Egypte, les brise-vent côtiers de
filaos (Casuarina) du Sénégal, les alignements d’eucalyptus en bordure des rizières irriguées
de la vallée du fleuve Niger près de Niamey, les rangées de neems en bordure de champ ou
de village).

Précisons toutefois qu’un effet brise-vent peut aussi être obtenu avec des arbres dispersés
dans les parcelles, voire avec des haies basses, notamment lorsqu’elles sont agencées pour
former un bocage.

4. Haies arbustives et alignements d’arbres dans les parcelles de culture

Les haies de plein champ sont de petites haies constituées d’arbustes assez proches les uns
des autres pour former une barrière. Elles sont conduites avec des coupes fréquentes, de
façon à construire un masse végétale dense constituée de feuilles, de branches, voire d’épines
et de matière morte accumulée au sol. Ces haies sont le plus souvent utilisées pour leur
fonction anti-érosive dans les parcelles sur pente, les troncs rapprochés, les nombreuses
racines et l’accumulation de matière morte à la base de la haie, éventuellement favorisée par
l’empilement d’émondes lors de la taille, ont tendance à bloquer le ruissellement de l’eau et
l’érosions du sol qu’il provoque.

Il est important de choisir une espèce de bonne vigueur, qui rejette facilement après la coupe,
et produit de nombreuses branches susceptibles de construire une haie épaisse, qui jouera
d’autant mieux son rôle. Afin de réduire les risques de concurrence racinaire avec les cultures

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Ressources documentaires. Technologies de l’environnement / Module Foresterie et
sylviculture – Agroforesterie

adjacentes, il est prudent de choisir une espèce à enracinement profond. Dernier critère à
prendre en compte, le cycle de croissance de l’espèce ligneuse (sa phénologie) par rapport à
la culture associée : on préférera des espèces dont la croissance n’est pas totalement
synchronisée avec celles des cultures, afin d’éviter des phénomènes de concurrence pour la
lumière si le feuillage de la haie venait à s’établir au-dessus de celui des cultures.

5. Culture en couloirs

La culture en couloirs consiste à intercaler des haies arbustives et des couloirs de culture
saisonnières dans le but d’améliorer la fertilité du sol des couloirs en incorporant dans le sol
la biomasse produite par les haies, régulièrement taillées. Dans la culture en couloirs, on tente
d’obtenir l’effet de la jachère, grâce aux haies, sans interrompre les cultures saisonnières. Afin
d’atteindre au mieux les objectifs escomptés, les espèces ligneuses choisies doivent être à
croissance rapide, rejeter rapidement (afin de produire de grandes quantités de biomasse), et
si possible, fixer l’azote (afin d’améliorer la fertilité du sol).

On considère désormais qu’il faut, en zone tropicale, limiter la culture en couloirs aux zones
recevant plus de 1000 mm de pluie par an, afin d’éviter la concurrence pour l’eau, et aux sols
profonds, afin de permettre aux ligneux d s’enraciner en profondeur sans concurrencer les
cultures. Dans tous les cas, il faut pouvoir disposer d’une main-d’œuvre abondante et qualifiée
pour planter les haies (en début de cycle), les tailler (opération mal maitrisée sur de
nombreuses espèces tropicales) et incorporer la biomasse obtenue dans le sol.

D. Agroforesterie animale

D’une manière générale, l’agroforesterie animale comprend tous les cas ou des animaux sont
élevés dans un environnement arboré ou nourris de produit arborés (feuilles, fruits, etc).
L’élevage en forêt est un exemple classique d’agroforesterie animale, mais c’est aussi le cas
du fourrage pour alimentation à l’auge lorsqu’il est produit en terrain boisé, qu’il soit brout ou
fourrage herbacé. Le brout peut être récolté sur des arbres et apporté aux animaux, ou les
animaux l’atteindre eux-mêmes sur les arbres, quitte à y grimper.

Dans la classification retenue pour le présent module, fondée sur des critères de structure, et
non de fonction, c’est la présence de l’animal lui-même qui est retenue, ou celle d’une
composante fourragère en tant qu’élément principal déterminant la structure de l’association.
On distinguera donc dans l’agroforesterie animale :

1) Le sylvopastoralisme et l’agrosylvopastoralisme, qui comprennent toutes les formes


d’élevage en forêt ou terrains boisés, y compris les terrains de parcours
2) L’élevage dans les plantations et vergers
3) Les arbres fourragers et le brout
4) L’élevage de certains petits animaux en association avec des arbres ou avec une
alimentation d’origine arborée.

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sylviculture – Agroforesterie

1. Sylvopastoralisme et agrosylvopastoralisme

Le sylvopastoralisme correspond à des peuplements arborés naturels, dans lesquels les


troupeaux pâturent ou broutent. La présence des arbres, jusqu’à une certaine limite variable
selon les régions, améliore la production de la composante herbacée fourragère en raison
d’effets positifs sur le microclimat et l’écologie du sol.

On classe également dans le sylvopastoralisme les aménagements forestiers comprenant une


composante animale. Les animaux, en pâturant le sous-bois, évitent son embroussaillement,
ce qui diminue les risques d’incendie.

La composante agricole de l’association est saisonnière, Ce sont par exemple les parcs
agroforestiers du Sahel, laissés pendant la saison sèche à la disposition des animaux en
divagation ou gardiennage extensif qui y consomment les résidus de récolte (tiges de céréales,
fanes de légumineuses) et du brout. Pendant cette phase, les animaux, notamment les bovins,
contribuent fortement à la fumure des sols. Selon la saison, on peut donc dire du champ de
l’agrosylvopastoralisme qu’il appartient aux cultures sous couvert arboré ou à l’agroforesterie
animale.

Les arbres des parcs agroforestiers sont le plus souvent des arbres qui ont germé
spontanément et ont été protégés (karités, baobabs, etc). Mais ceux-ci peuvent parfois avoir
été plantés, comme dans les jardins à gommiers du Kordofan, au Soudan ou des Acacia
Sénégal, producteurs de la gomme arabique, sont entretenus sur des terrains complantés de
mil, présent pendant 5 mois, et ou l’élevage extensif est pratiqué le reste de l’année.

2. Élevage dans les plantations et dans les vergers

Cette dernière pratique est l’une des formes de l’agroforesterie animale pratiquée dans de
nombreux pays où l’élevage (bovin, ovins) est conduit en partie dans les plantations (hévéa,
cocoteraie, palmier à huile…), dans les vergers fruitiers (agrumes) dans des plantations
forestières, avec un sous-bois enrichi en légumineuses fourragères tolérantes à l’ombre

Les arbres isolés maintiennent l’humidité des pelouses et donnent de l’ombre qui maintiennent
l’humidité des pelouses et donnent de l’ombre au bétail aux heures chaudes.

Cette pratique présente en outre, des avantages en termes d’utilisation de l’espace, elle
permet de réduire les frais d’entretien des plantations. Les animaux, en pâturant, contribuent
à limiter la croissance du couvert herbacé. Cela suppose néanmoins d’éviter de faire pâturer
les animaux à proximité de jeunes arbres, ou de protéger ceux-ci par des manchons.

3. Arbres fourragers et brout

De nombreux arbres fourragers sont des arbres qui ont poussé spontanément. Ils peuvent être
broutés par des animaux en élevage sylvopastoralisme extensif ou être récoltés par l’homme
et mis à disposition des animaux au sol, dans des étables ou des enclos. Ce sont souvent des
arbustes ou des arbrisseaux, notamment ceux de la famille des Capparidacées, principale
famille botanique de brout dans les parcours d’Afrique sahélienne. Parfois, les arbres

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sylviculture – Agroforesterie

fourragers peuvent être cultivés sous formes de vergers, par exemple les vergers à gonakiers
du Sahel, dont les gousses sont un fourrage très nutritif.

Les arbres fourragers se trouvent parfois dans des associations agro forestières qui n’ont pas
l’élevage comme objectif principal, par exemple dans des haies de lisière ou en courbes de
niveau. Bien que la fonction de tels arbres soit respectivement de marquer le parcellaire ou
fixer le sol, leur brout peut être cueilli pour nourrir des animaux en stabulation. Il y a aussi de
nombreux arbres fourragers dans les jardins forêts, les espaces interstitiels des exploitations
agricoles, les bords de rivières, etc. on peut récolter le fourrage des arbres en saison pluvieuse
et le stocker afin de constituer des réserves pour la saison sèche.

4. Élevage de petits animaux en association avec des arbres ou avec une


alimentation d’origine arborée

De nombreux petits animaux d’élevage peuvent dépendre d’arbres pour leur nourriture ou leur
habitat. Bien que l’on soit ici dans un domaine très particulier de l’agroforesterie, voire à sa
frontière, il convient néanmoins de citer ces cas, car ils peuvent représenter des sources non
négligeables de revenus pour les agriculteurs et des options d’agriculture alternative dignes
d’intérêt :

• La sériciculture, ou élevage du vers à soie, repose entièrement sur l’alimentation


des chenillés du bombyx du murier à partir des feuilles de cet arbre.
• L’apiculture, ou élevage des abeilles, pour la production de miel, de cire ou
d’hydromel, est une forme d’élevage universellement répandue. Les apiculteurs
recherchent systématiquement les arbres pouvant fournir du nectar et du pollen
aux abeilles. Certaines ruches traditionnelles sont accrochées dans les arbres, afin
de bénéficier d’un microclimat favorable, être à l’abri des prédateurs, et pour mettre
les abeilles à proximité des fleurs dont elles se nourrissent ;
• La pisciculture et la mariculture (élevage d’animaux aquatiques dans la zone de
battement des marées) sont des techniques d’aquaculture qui peuvent dans
certains cas reposer sur la présence d’arbres. On trouve des élevages de poissons
et de crustacés (crevettes, crabes) dans les mangroves. Dans tous ces cas, les
arbres contribuent à créer un environnement essentiel à l’élevage pratique ;
• L’élevage sur des arbres des cochenilles productrices de laque. Ces insectes
hémiptères vivent exclusivement sur des branches d’arbres dont ils consomment
la sève.

E. Agroforesterie séquentielle

Dans l’agroforesterie séquentielle, arbres et cultures ne sont pas simultanément présents sur
une parcelle ou un terroir donné, mais se succèdent dans le temps. L’interaction entre arbres
et cultures est donc indirecte, par l’intermédiaire de modification du sol. Une complémentarité
temporelle est recherchée, grâce à l’amélioration du sol par les arbres. Il y a donc bien
interaction écologique entre arbres et cultures, ce qui correspond à la définition de
l’agroforesterie.

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sylviculture – Agroforesterie

Toutes les techniques de cultures en rotation qui comprennent une phase arborée
appartiennent à l’agroforesterie séquentielle. La pratique à l’origine de ce principe est
l’agriculture itinérante, véritable archétype de l’agroforesterie séquentielle, dont la friche
(jachère arborée spontanée) reconstitue la fertilité du sol.

On distingue dans l’agroforesterie séquentielle :

1) Les cas qui dépendent d’un mécanisme d’agriculture itinérante ou sur brûlis
2) Les cas où la jachère est améliorée en y plantant des arbres sélectionnés pour un
usage ou une fonction particulière
3) Les cas où les phases à arbres et à cultures se chevauchent en partie dans le temps,
représentés par un aménagement forestier connu sous le nom de taungya, et divers
systèmes de plantation en relais

1. agroforesterie séquentielle : cas qui dépendent d’un mécanisme


d’agriculture itinérante ou sur brûlis

Sous les tropiques humides, des parcelles de quelques hectares de forêt humide sont
défrichées puis brûlées peu de temps avant la saison la plus humide, et des plantes telles que
le maïs, le riz pluvial ou le manioc sont cultivées au milieu des débris calcinés pendant
quelques saisons. Lorsque les rendements des cultures commencent à baisser, signe que la
qualité du sol ne permet plus de continuer à cultiver, alors la parcelle est mise en jachère. La
période de jachère peut durer 10 à 20 ans. Le couvert forestier qui se reconstitue ensuite
passe par une phase de forêt secondaire, grâce à des arbres à croissance rapide, avant
qu’éventuellement s’installent à nouveau les essences de la forêt primaire. Le paysage
résultant est une mosaïque de champs, de forêts secondaires et de forêts primaires.

La phase de culture est elle-même une phase d’agroforesterie de type culture sous couvert
arboré, ou parc agroforestier. Si cette phase dure plusieurs années (cultures d’igname, suivies
de céréales), le nombre d’arbres finit par diminuer fortement et la jachère devra être plus
longue pour que se reconstitue la biodiversité arborée. Dans un cas connu sous le nom de
jachère arbustive, les souches maintenues en plein champ servent également à maintenir un
microclimat favorable à la croissance des cultures.

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2. agroforesterie séquentielle : cas où les jachères agroforestières ont été


améliorées

L’une des solutions de remplacement de la jachère de l’agriculture itinérante est de planter les
arbres de la jachère, plutôt que de laisser des arbres y germer spontanément. Dans ces
jachères améliorées, les arbres sont choisis pour leurs fonctions écologiques (des arbres a
symbiose fixatrice d’azote) ou économiques (des arbres fourragers ou susceptibles de
produire du bois) ou mieux, pour les deux. Un objectif important de l’amélioration poursuivie
est en réalité le raccourcissement de la jachère, afin de diminuer la pression exercée sur
l’espace de la mosaïque cultures-jachères.

Il existe également des pratiques traditionnelles d’amélioration de jachères. Une pratique


connue au sud du Cameroun consiste à préserver dans les brûlis de l’agriculture itinérante un
certain nombre d’arbres « orphelins » de la forêt. Ceux-ci sont sélectionnés pour leurs usages
(fruits, bois, etc.), mais aussi pour leur capacité à produire des graines susceptibles d’assurer
plus rapidement la régénération forestière lorsque la phase de culture laissera la place à une
jachère.

Nous arrivons à la fin de cette séquence n°2. Vous avez maintenant un meilleur aperçu des
différents systèmes de production possibles. Je vous propose maintenant de nous intéresser
à leur rentabilité à travers quelques exemples d’exploitations agroforestières.

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sylviculture – Agroforesterie

SÉQUENCE 3 : Présentation de l’investissement et de la rentabilité de


quelques exemples d’exploitations agroforestières
Bonjour et bienvenue dans la dernière séquence de ce module. Nous nous intéresserons ici à
la rentabilité économique des exploitations agroforestières.

Les calculs économiques montrent que les parcelles agroforestières permettent à la fois de
maintenir un revenu annuel grâce aux cultures intercalaires, et de constituer un capital de
valeur, avec les arbres selon les essences et la fertilité des parcelles. L’agroforesterie permet
aux agriculteurs d’atténuer les périodes de pointe saisonnières, de gagner de l’argent toute
l’année et d’étaler sur différentes périodes les avantages qu’ils perçoivent (court, moyen et
long termes). Le revenu moyen de l’exploitation est multiplié selon la valeur des arbres.

Il est indispensable pour se lancer dans l’agroforesterie de commencer par évaluer la


demande avant de planter des arbres, car il serait risqué d’attendre que l’offre soit devenue
excédentaire pour se mettre à la recherche d’un marché. En outre, les agriculteurs peuvent
tirer un grand profit à se constituer en groupe. En effet, les organisations d’agriculteurs peuvent
être très utiles pour regrouper les produits, rechercher les circuits commerciaux, négocier
collectivement et réduire les coûts de transaction.

A. Rentabilité d’un système agroforestier cacao, bananier et arbres fruitiers

A titre d’exemple, voici le compte d’exploitation sur 6 ans d’un agriculteur pratiquant un
système agroforestier (cacao, bananier et arbres fruitiers) sur une superficie d’un hectare.

Tableau : Estimation du coût de production d’un système agroforestier (cacao, bananier et


arbres fruitiers) sur une superficie d’un hectare

Rubrique Coûts (FCFA)


Année 1 Année Année Année 4 Année 5 Année
2 3 6
Aménagement du site 200 000
Achat des plants de 222 200
bananier
Achat des plants de 333 300
cacao
Achat des plants d’arbres 207 000
fruitiers
Coupe de jalons 69 000
Piquetage (bananier + 100 000
cacao + arbres fruitiers)
Trouaison bananier + 460 000
cacao + arbres fruitiers
Traitement phytosanitaire 100 000 100 100 300 000 300 000 300
000 000 000

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Entretien 200 000 200 300 600 000 600 000 600
000 000 000
Coût annuel 1 891 300 400 900 000 900 000 900
500 000 000 000

Les fèves séchées de cacao sont mises dans des sacs en toile de jute de 65 kg, puis vendues.
En moyenne, on récolte 10 à 15 cabosses par plant, soit 4 à 6 kg, donnant 1 à 1,5 kg de fèves
fraîches qui, après séchage à 7 %, représenteront environ 0,5 kg de fèves sèches
marchandes. Le tableau suivant évalue les recettes de production.

Tableau : Estimation des recettes de production d’un système agroforestier (cacao, bananier
et arbres fruitiers) sur une superficie d’un hectare

Rubrique Montant (FCFA)


Année 1 Année 2 Année 3 Année 4 Année 5 Année 6
Vente de régimes 2 000 000 2 000 2 000
de bananier 000 000
Vente des rejets de 200 000 200 000 200 000
bananiers
Vente du cacao 480 000 640 000 800 000
Vente des fruits 690 000 1 380
000
Revenus annuels 2 200 000 2 200 2 680 1 330 2 180
000 000 000 000
Marge annuelle 1 691 500 1 900 000 1 800 1 780 430 000 1 280
000 000 000
Marge consolidée 8 500 1 808 3 588 4 018 5 298
500 500 500 500

Ainsi, pour 1 000 pieds bien portants par hectare, il est possible d’obtenir un rendement de
300 à 750kg/ha. Vendu à 800 FCFA/kg, on obtient une recette brute de 400 000 à 600 000
FCFA/ha. Après soustraction des dépenses (55 %), on enregistre 225 000 FCFA de bénéfice
net par l’hectare.

Tous ces calculs ignorent les impacts environnementaux des arbres et des autres activités
génératrices de revenus (petit commerce, vente des produits d’élevage…) que l’exploitant
mène éventuellement. Des itinéraires techniques optimum peuvent être proposés : densité et
espacement des arbres, orientation des lignes d’arbres, choix des essences, choix des
rotations de cultures intercalaires, itinéraires spécifiques de conduite des arbres pour renforcer
les capacités des entrepreneurs agroforestiers.

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B. Exemples d’intégrations

Il convient de relever que l’intégration des animaux et/ou d’arbres dans des systèmes agricoles
offre des avantages (fourrage, fertilité du sol, produits de substitution, services
environnementaux...) à forte rentabilité sociale et par ailleurs économique pour les
promoteurs/communauté tel que présenté dans les exemples suivants :

➢ Dans les zones d’altitude du centre du Kenya, par exemple, les agriculteurs plantent des
arbustes fourragers, en particulier Calliandra calothyrsus et Leucaena trichandra, pour
nourrir à l’étable leurs vaches laitière. Le fourrage cultivé à la ferme accroît la production
de lait et peut remplacer l’achat de farines relativement coûteuses, et donc accroître les
revenus des agriculteurs. Certains agriculteurs gagnent aussi de l’argent en vendant des
semences.
➢ Dans la région de Cagayan de Oro, aux Philippines, la culture combinée d’arbres
(Gliricidia sepium) et d’herbes fourragères améliorées a permis aux agriculteurs
d’augmenter leurs revenus provenant de l’élevage, d’accroître leur production agricole et
de réduire leurs besoins en main-d’œuvre, en particulier pour la garde des troupeaux.
➢ En Zambie et au Malawi, par exemple, le fait de planter des arbustes Tephrosia vogelii,
Sesbania sesban, Gliricidia sepium ou Cajanus cajan dans des terrains laissés en jachère
pendant deux ans, pour ensuite les couper et y cultiver du maïs pendant deux ou trois
ans, a permis d’obtenir des rendements en maïs plus élevés qu’avec la plantation continue
de maïs non fertilisé. La stratégie basée sur les jachères restait intéressante pour les
agriculteurs qui n’avaient pas les moyens d’acheter de l’engrais.
➢ Dans l’ouest du Kenya, par exemple, les agriculteurs qui fertilisaient leurs parcelles de
légumes avec des feuilles de Tithonia diversifolia plantés en haies en bordure de leurs
champs, auxquelles ils ajoutaient de petites quantités d’engrais phosphatés, ont doublé
la rentabilité du travail.
➢ En Chine, les agriculteurs cultivent Paulownia spp. (principalement P. elongata) en
mélange avec des céréales, sur une vaste étendue de la Plaine du nord. Cet arbre à
racines profondes gêne peu les cultures et produit un bois d’excellente qualité. En plus du
bois d’œuvre, ces espèces fournissent un excellent bois de feu, des feuilles comme
fourrage, de l’engrais composté, et assurent une protection contre l’érosion due au vent
et à l’évapotranspiration.
➢ Dans le District de Tabora, en République-Unie de Tanzanie, un millier de cultivateurs de
tabac ont établi des parcelles boisées d’Acacia crassicarpa, afin de produire du bois de
feu pour le séchage du tabac, avec du maïs comme culture intercalaire pendant les deux
premières années. La production de bois à la ferme évite d’avoir à abattre les arbres de
la forêt, réduit la dégradation des forêts et permet d’économiser les coûts du transport du
bois de feu.
➢ Dans l’Uttar Pradesh, en Inde, 30 000 agriculteurs cultivent des peupliers (Populus
deltoides) sur des parcelles boisées de 1,3 ha en moyenne, pour les vendre aux fabriques
d’allumettes.
➢ Dans le projet pilote de Scolelté, dans le sud du Mexique, 400 petits paysans dans 20
communautés renoncent à l’agriculture sur brûlis au profit de l’agroforesterie, soit en
intercalant des essences ligneuses avec des cultures, soit en plantant des arbres pour
enrichir des terres en jachère.
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➢ Dans les hautes terres de l’Équateur, les agriculteurs participant à un projet d’échange de
carbone plantent des parcelles boisées mixtes de pins, d’eucalyptus et d’essences
indigènes. Les pins et les eucalyptus sont rentables, mais les essences indigènes à
croissance lente ne le sont pas.
L’agroforesterie procure des revenus en espèces grâce à la vente des produits des arbres.
Elle fournit aussi des produits que l’agriculteur devrait normalement acheter, ce qui est un
avantage non négligeable compte tenu de l’insuffisance des fonds de roulement qui pénalise
de nombreux systèmes agricoles. Par exemple, les agriculteurs substituent des plantes
fixatrices d’azote aux engrais minéraux, des arbustes fourragers à des farines coûteuses pour
nourrir les vaches laitières, et du bois d’œuvre et de feu de leur production au bois acheté en
dehors de l’exploitation.

L’impact de l’association agroforestière doit être prise en compte au-delà de l’emplacement


précis où elle se trouve, par exemple dans le champ voisin, ou la rivière en aval, ou au-delà
de l’instant où il se produit. Le calcul économique pertinent consiste à internaliser les
externalités, c’est-à-dire inclure dans les calculs des coûts ou des bénéfices qui ont leur origine
ailleurs ou à un autre moment. Le calcul de la rentabilité économique des pratiques
agroforestières devrait également prendre en compte la valeur économique des services
environnementaux (contribution à la lutte contre le changement climatique et le stockage du
carbone).

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Conclusion
Au terme de ce module de formation, nous retenons que les pratiques agroforestières varient
considérablement suivant les pays, les agriculteurs s’adaptant aux contextes et aux besoins
locaux. Ces associations délibérées d’arbres, de cultures et/ou élevage, sur un même espace
connaissent un regain d’intérêt ces dernières années et permettent aux agriculteurs de
satisfaire leurs principaux besoins en augmentant leurs revenus, sans pour autant épuiser
leurs sols fragiles. Les pratiques agroforestières ont en outre des vertus en termes de
valorisation de la main-d'œuvre, d’augmentation et de diversification des récoltes sans
demande excessive en temps de travail, en combinant le travail nécessaire pour les cultures
et pour les arbres.

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