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EMC - Hématologie 1
Volume 14 > n◦ 2 > mai 2019
http://dx.doi.org/10.1016/S1155-1984(18)88365-0
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13-006-D-11 Anémies hémolytiques dues à des déficits en enzymes érythrocytaires autres que la G6PD
ADP 2,3-DPG
Phosphoglycérate kinase DPG mutase Shunt de Rapoport-
ATP Luebering
3-Phosphoglycérate p
Phosphoglycérate mutase
2-Phosphoglycérate
Énolase
Phosphoénolpyruvate
ADP
Pyruvate kinase
ATP
Pyruvate NADH
Lactate déshydrogénase
Lactate NAD+
dans une situation apparemment paradoxale : riche en oxygène, l’équipement enzymatique de l’érythrocyte est de le protéger des
elle est pratiquement incapable de l’utiliser directement et sa agressions oxydantes. Cette fonction fait intervenir le cycle des
source principale d’énergie est la voie anaérobie de la glycolyse, pentoses phosphates, où la première étape est catalysée par la
dite d’Embden-Meyerhof. Cette voie métabolique, qui comporte G6PD. Cette voie fournit le NADPH (forme réduite de nicotina-
une dizaine d’enzymes, fournit, sous forme d’adénosine triphos- mide adénine dinucléotide phosphate), utilisé comme cofacteur
phate (ATP), toute l’énergie nécessaire au maintien de la forme dans les systèmes de réduction du glutathion oxydé et donc de
biconcave de la cellule et aux activités de transport ionique de protection des groupes thiols des protéines érythrocytaires [1] .
la membrane. Elle est également à l’origine des phosphates orga-
niques, indispensables à la régulation de la fonction oxyphorique.
Le 2,3-diphosphoglycérate (2,3-DPG), modulateur physiologique
du transport de l’oxygène par l’hémoglobine, est ainsi synthétisé
“ Point fort
dans une dérivation de la voie d’Embden-Meyerhof appelée shunt
de Rapoport-Luebering. Les enzymes érythrocytaires de la voie glycolytique anaé-
Le glucose extracellulaire traverse rapidement la membrane robie servent :
érythrocytaire grâce à un système de transport ne consommant • à fournir sous forme d’ATP l’énergie nécessaire à la flexi-
pas d’énergie et non soumis au contrôle de l’insuline. Il entre
bilité de la membrane et aux pompes assurant le transport
ensuite dans la voie d’Embden-Meyerhof après phosphorylation
en glucose-6-phosphate sous l’action de l’hexokinase. Une série ionique ;
de réactions enzymatiques le transforme en pyruvate puis lactate, • à produire les phosphates organiques intervenant
comme on le voit sur la Figure 1. Lors de ce métabolisme, chaque dans la régulation de la fonction oxyphorique de
molécule de glucose consomme deux molécules d’ATP et en pro- l’hémoglobine ;
duit quatre, aboutissant ainsi, et seulement à la fin de la voie, à • à protéger l’hémoglobine et les autres protéines érythro-
un gain de deux molécules d’ATP. cytaires des agressions oxydantes.
Plusieurs études suggèrent que dans l’érythrocyte, la
glycéraldéhyde-phosphate déshydrogénase, l’aldolase, la phos-
phofructokinase, la pyruvate kinase et la lacticodéshydrogénase
forment des complexes multi-enzymatiques assemblés surtout
autour du fragment cytoplasmique de la bande 3. Cette asso- Enzymes de la voie
ciation est sensible à l’oxygénation de la cellule et au degré de
phosphorylation de la bande 3 [2, 3] . Si cette organisation joue d’Embden-Meyerhof : conséquences
un rôle métabolique, on peut imaginer que certains déficits
n’affecteraient pas seulement l’activité intrinsèque d’une seule
hématologiques de leurs déficits
enzyme mais le fonctionnement de l’ensemble du complexe. Généralités
Le métabolisme nucléotidique joue également un rôle impor-
tant dans le globule rouge et représente la troisième source de Grâce aux apports de la biologie moléculaire, tous les gènes
déficits rares, avec essentiellement le déficit en 5 -pyrimidine codant ces enzymes sont aujourd’hui identifiés et clonés, et
nucléotidase. Une autre fonction tout aussi importante de leurs séquences connues. Des modalités d’expression particulières
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Anémies hémolytiques dues à des déficits en enzymes érythrocytaires autres que la G6PD 13-006-D-11
Tableau 1.
Évaluation du nombre de cas d’anémies hémolytiques non sphérocytaires
liées aux déficits des diverses enzymes de la voie d’Embden-Meyerhof.
Enzyme Nombre de cas Nombre de
mutations décrites
Pyruvate kinase Quelques milliers > 250
Phosphoglucose isomérase Quelques centaines > 35 1
Phosphofructokinase > 50 > 15
Phosphoglycérate kinase > 40 > 20
Triose-phosphate isomérase > 35
Hexokinase > 24 > 10
EMC - Hématologie 3
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13-006-D-11 Anémies hémolytiques dues à des déficits en enzymes érythrocytaires autres que la G6PD
Phosphofructokinase (PFK) 2
Rôle métabolique
La phosphofructokinase (E.C. 2.7.1.11) catalyse la troisième
étape de la voie d’Embden-Meyerhof et y joue un rôle régulateur
clé. La fixation d’un second phosphate sur le fructose-6-phosphate
donne une molécule (fructose-1-6-bisphosphate) dont l’hydrolyse
conduit à deux triose-phosphates qui seront dirigés vers la pro- Figure 3. Représentation tridimensionnelle de la triose-phosphate iso-
duction d’énergie. Cette réaction est activée par l’adénosine mérase. La molécule est sous forme d’homodimère. Le centre actif est
monophosphate (AMP) et l’adénosine diphosphate (ADP), dont localisé au milieu d’une couronne de feuillets , entourée elle-même d’une
la présence en excès témoigne d’un besoin d’ATP pour la cellule ; couronne d’hélices ␣. Le résidu Glu 165 (2), qui joue un rôle impor-
en revanche, elle est inhibée par un excès d’ATP. tant dans le site catalytique, est représenté en bleu et le triose-phosphate
La phosphofructokinase érythrocytaire est constituée de deux en rouge (1). Représentation obtenue par DeepView/Swiss-PdbViewer à
types de sous-unités (M et L) associées en tétramères hétérogènes partir des coordonnées cristallographiques 2YPI de la Protein Data Bank
(M4, M3L, M2L2, ml3 et L4) [21] . Les sous-unités M et L sont codées (PDB).
par des gènes distincts. Le gène de la forme musculaire (PFK-M)
est porté par le chromosome 12 (12q13.3) et celui de la forme
hépatique (PFK-L) par le chromosome 21 (21q22.3). Ces gènes Déficit en aldolase érythrocytaire
s’étendent sur des régions longues d’environ 28 kb et comportent À l’origine d’une anémie hémolytique non sphérocytaire, il a
22 exons. été soupçonné en 1973 [26] dans un contexte de retard mental
et de surcharge hépatique en glycogène ; il n’a toutefois pas été
Déficit en phosphofructokinase trouvé chez les parents du malade, qui étaient cousins. Ce type
Il a été décrit dans une quarantaine de familles [22] . Sa trans- de déficit semble exceptionnel et seul un petit nombre de cas a
mission est autosomique récessive. Il est à l’origine de tableaux été rapporté, le plus souvent associés à une myopathie [27] . Un
cliniques très différents, allant de formes asymptomatiques à cas associant une anémie hémolytique chronique sévère et une
des associations, à degrés divers, d’hémolyse et de myopathie. rhabdomyolyse a été décrit [28] .
L’hémolyse existe toujours dans ce déficit, mais en entraînant
une diminution de la concentration intraérythrocytaire en 2,3-
DPG, il augmente l’affinité pour l’oxygène des érythrocytes et Triose-phosphate isomérase (TPI)
stimule l’érythropoïèse, ce qui peut masquer l’anémie. Les défi- Rôle métabolique
cits en phosphofructokinase ont surtout été décrits en pathologie La triose-phosphate isomérase (TPI ; EC 5.3.1.1) catalyse l’étape
vétérinaire. suivante de la voie métabolique. Il s’agit d’une enzyme de ménage,
exprimée dans tous les tissus, où elle est codée par le même gène.
Aldolase Elle permet, en transformant la dihydroxyacétone phosphate en
glycéraldéhyde-3-phosphate, d’orienter vers une voie métabo-
Rôle métabolique lique unique les deux triose-phosphates formés dans la réaction
Le fructose-1,6-bisphosphate aldolase (EC 4.1.2.13) clive le précédente de la voie d’Embden-Meyerhof. La triose-phosphate
fructose-1,6-bisphosphate en son milieu, générant deux triose- isomérase se présente sous forme d’un homodimère. Chaque sous-
phosphates. Cette enzyme est nommée aldolase car elle catalyse unité contient 248 résidus [29] et apparaît comme formée d’une
également la réaction inverse (condensation aldolique). couronne de feuillets plissés portant le site catalytique, entourée
Chez tous les vertébrés, trois formes d’aldolases existent (aldo- elle-même d’une couronne d’hélices ␣ [30, 31] (Fig. 3).
lase A, B et C). Chez l’homme, le gène de l’aldolase A, qui Le gène de la triose-phosphate isomérase s’étend sur 3,5 kb et
a été impliqué dans un déficit enzymatique à l’origine d’un comporte sept exons. Il est localisé sur le chromosome 12 en
syndrome d’atteinte musculaire et d’anémie, est porté par le chro- p13. Il est à noter que ce chromosome porte les gènes d’autres
mosome 16, où il se situe dans la région q22-q24 [23] . Le gène enzymes impliquées dans la voie d’Embden-Meyerhof (phos-
de l’aldolase A s’étend sur 7,5 kb et comporte 12 exons, sur les- phofructokinase, glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase et
quels huit sont communs à toutes les aldolases et quatre, situés lactate déshydrogénase).
en 5 , ont un rôle dans la spécificité tissulaire [24] . L’aldolase éry-
throcytaire est un homotétramère dont chaque sous-unité a une Déficit en triose-phosphate isomérase
masse de 40 kDa et porte un site actif [25] . La lysine, située en C’est une affection héréditaire polysystémique particuliè-
position 229, y joue un rôle particulièrement important dans la rement sévère, de transmission autosomique récessive. Elle
réaction de clivage. est caractérisée essentiellement par une anémie hémolytique
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Anémies hémolytiques dues à des déficits en enzymes érythrocytaires autres que la G6PD 13-006-D-11
corpusculaire, constante et précoce, et une atteinte neuromus- kinase se transmet donc lié au sexe, les garçons étant hémizygotes
culaire dégénérative progressive qui débute dans les premiers et déficients et les filles habituellement transmettrices hétérozy-
mois de la vie. D’autres signes cliniques peuvent s’observer, gotes.
dont une susceptibilité accrue aux infections, une paralysie dia-
phragmatique nécessitant une ventilation assistée, voire une Déficit en phosphoglycérate kinase
cardiomyopathie. Les formes homozygotes ou hétérozygotes com-
posites du déficit conduisent habituellement à la mort avant l’âge La première observation de déficit en phosphoglycérate kinase
de 5 ans [32] . Les formes hétérozygotes sont asymptomatiques. Ce a été faite en 1968 [40] chez une femme européenne âgée de
déficit n’a été décrit que dans une trentaine de familles. 63 ans qui souffrait d’une anémie chronique et d’un déficit
La mutation la plus fréquente est le remplacement du en phosphoglycérate kinase érythrocytaire. Le déficit touche en
glutamate 104 par un aspartate, conduisant à une protéine ther- fait essentiellement les hommes, avec des tableaux cliniques
molabile [33] . Cette mutation a été retrouvée dans une dizaine très variables d’un cas à l’autre selon la mutation impliquée.
de familles dispersées dans le monde, donc apparemment indé- Selon la localisation de l’anomalie et ses conséquences sur la
pendantes, mais certains auteurs n’excluent pas la possibilité stabilité de la molécule et sur sa fonction, l’expression héma-
d’un effet fondateur ancien commun. Parmi les autres mutations tologique, musculaire ou neurologique occupe le devant de la
décrites, certaines sont des faux-sens, d’autres des non-sens abou- pathologie [41–44] . Ainsi, la PGK-Matsue a été identifiée chez un
tissant à une protéine tronquée inactive (ou non exprimée) [34] . enfant atteint à la fois d’anémie hémolytique et de troubles
La mutation Val231Met donne lieu à un tableau clinique sévère, mentaux [45] : une substitution Leu→Pro conduirait dans ce cas
tant sur le plan hématologique que neurologique. à une enzyme à la fois instable et peu active. Dans la PGK-
San Francisco [46] , l’anémie hémolytique est sévère, mais ne
s’accompagne d’aucune manifestation neuromusculaire. Cette
Glycéraldéhyde-3-phosphate différence s’expliquerait par le non-renouvellement à l’intérieur
de l’érythrocyte d’une enzyme instable. À l’inverse, des cas
déshydrogénase (G3PD) de déficit à l’origine d’accidents musculaires [47] ou neurolo-
Rôle métabolique giques [48] non accompagnés d’hémolyse ont été rapportés.
Enfin, il a été montré que la phosphoglycérate kinase exerce
La glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase (EC 1.2.1.12) en plus de sa fonction glycolytique un rôle de médiateur cellu-
est un homotétramère. Cette enzyme contrôle une étape impor- laire dans l’angiogenèse lorsqu’elle est sécrétée par des cellules
tante du métabolisme énergétique de la voie glycolytique tumorales [49] .
puisqu’elle catalyse, en présence de phosphate inorganique, la
phosphorylation oxydative du glycéraldéhyde-3-phosphate, le
transformant en 1-3-diphosphoglycérate pourvu d’une liaison Phosphoglycérate mutase (PGAM)
riche en énergie. Au cours de cette réaction, une molécule de nico-
tinamide adénine dinucléotide+ (NAD+) est réduite en NADH. Rôle métabolique
La série de trois gènes codant cette enzyme se situe sur le locus La phosphoglycérate mutase (EC 5.4.2.1) catalyse la trans-
12p13.31-p13.1. formation réversible du 3-phosphoglycérate (3-PGA) en 2-
La glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase n’est pas seule- phosphoglycérate (2-PGA). Cette enzyme est présente dans la
ment une enzyme clé de la voie glycolytique : cette protéine plupart des tissus.
est également impliquée dans d’autres processus cellulaires ; elle Chez l’homme, deux isoformes existent, l’une d’origine
interviendrait dans l’apoptose neuronale et peut-être dans cer- musculaire (M), l’autre d’origine cérébrale (B). La phosphoglycé-
taines maladies neurodégénératives [35, 36] . rate mutase est un dimère, théoriquement de formule (MM), (BB)
Dans l’érythrocyte, la glycéraldéhyde-3-phosphate déshydro- ou (MB) [50] . En fait, dans la plupart des tissus, seule l’isoforme B
génase est essentiellement associée à la membrane, où elle se est retrouvée, c’est en particulier le cas du cerveau, du foie,
confond à la bande 6 ; moins de 30 % de l’activité totale est des érythrocytes et des leucocytes. Chacune des isoformes est
retrouvée dans le cytoplasme [37] . sous le contrôle d’un gène distinct. Le gène de la phosphogly-
cérate mutase de type B (PGAMA ou PGAM1) s’étend sur 7,2 kb,
Déficit en glycéraldéhyde-3-phosphate comporte quatre exons et se situe sur le chromosome 10 en posi-
déshydrogénase tion q25.3 [51] . Chaque sous-unité contient 254 résidus [52] .
Le seul cas de déficit décrit concerne une femme de 34 ans,
Il semble être une cause d’anémie extrêmement rare : le seul
présentant une anémie normocytaire avec sphérocytose. Chez
cas de la littérature concerne un sujet porteur d’une sphérocytose
cette patiente, porteuse homozygote d’une mutation ponctuelle
héréditaire avec déficit en bande 6 et déficit de l’activité érythro-
remplaçant la méthionine 230 par une isoleucine, le niveau
cytaire en glycéraldéhyde-3-phosphate déshydrogénase [38] . Les
d’expression de la PGAM était normal mais son activité réduite de
membres de la famille, uniquement porteurs du déficit enzyma-
moitié et le profil des intermédiaires de la glycolyse modifié [53, 54] .
tique à l’état hétérozygote, présentaient une réduction de moitié
de l’activité enzymatique sans aucune anomalie hématologique.
La mesure de l’activité de cette enzyme est difficile et il est vrai- Énolase
semblable que le nombre de porteurs de déficit est sous-estimé.
L’énolase ou 2-phospho-D-glycérate déshydratase (EC 4.2.1.11)
catalyse la transformation du 2-phosphoglycérate en
Phosphoglycérate kinase (PGK) phosphoénol-pyruvate en libérant une molécule d’eau. Trois
isoenzymes existent, mais seule l’énolase ␣ (ENO1) est présente
Rôle métabolique dans les érythrocytes. Chez l’homme, le gène qui code ENO1
La phosphoglycérate kinase (EC 2.7.2.3) transforme le 1- est localisé sur le chromosome 1 (1pter-p36.13), où il s’étend
3-diphosphoglycérate en 3-phosphoglycérate et transfère le sur un fragment d’environ 17,7 kb comportant 12 exons. On a
phosphate situé en position 1 vers une molécule d’ADP, créant montré qu’au cours de l’évolution des espèces, de la lamproie
ainsi les premières molécules d’ATP récupérées depuis l’entrée du aux oiseaux, ce gène codait également une protéine de structure
glucose dans la voie métabolique. L’enzyme est un monomère du cristallin (-cristalline) [55] . L’enzyme est un homodimère dont
de 417 résidus, formé de deux domaines ménageant entre eux la sous-unité, de masse 47,1 kDa, comporte 433 résidus.
une cavité hydrophobe où s’effectue la réaction. La phosphogly- Quelques rares exemples de déficits érythrocytaires en éno-
cérate kinase est présente dans toutes les cellules de toutes les lase ont été rapportés. Deux cas ont été documentés : le premier
espèces et sa structure a été remarquablement bien conservée lors concernait quatre générations dans une famille où l’on a observé
de l’évolution. une anémie et une hémolyse variable d’un individu à l’autre, asso-
Chez l’homme, le gène qui code cette enzyme est localisé sur le ciées à une sphérocytose [56, 57] ; le second était celui d’une patiente
chromosome X en position q13 [39] . Le déficit en phosphoglycérate splénectomisée pour anémie hémolytique avec persistance,
EMC - Hématologie 5
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13-006-D-11 Anémies hémolytiques dues à des déficits en enzymes érythrocytaires autres que la G6PD
Figure 4.
A. Monomère de pyruvate kinase (PK). Le site
1 catalytique fixant une molécule de phosphoénol
Domaine B pyruvate (PEP) (1) se situe entre les domaines A et
B. Un ion Mn++ (4) et un ion K+ (2) interviennent
dans le site actif. Le site régulateur est visualisé
par la molécule de fructose 1-6 diphosphate (F1-
2
6dP) (3).
1 4 B. La forme active de l’enzyme est un
2
homotétramère.
Domaine A
Domaine C
A B
plusieurs années après, d’un tableau proche d’une sphérocy- sévères, qui dépendent de la mutation en cause mais également
tose [58] . Ces observations, déjà anciennes, n’ont pas été contrôlées d’un ensemble d’autres facteurs [62] . L’existence des formes modé-
par des explorations de biologie moléculaire. rées rend l’évaluation de la fréquence de ce déficit assez difficile.
La prévalence des formes hétérozygotes est plus difficile à établir,
elle se situerait en moyenne entre 1 et 2 %, avec des variations
Pyruvate kinase (PK) extrêmes de 0,1 à 6 % selon les populations [63] . Actuellement, plus
Rôle métabolique de 220 mutations différentes ont été répertoriées sur ce gène, mais
elles sont inégalement impliquées dans des syndromes hémoly-
La pyruvate kinase (EC 2.7.1.40) catalyse la conversion du phos- tiques [63–66] . Les anomalies se localisent le plus souvent dans le
phoénol pyruvate (PEP) en pyruvate, au cours d’une réaction qui site actif, à proximité des interfaces A et C et dans le domaine C. Le
est irréversible dans les conditions physiologiques et produit une plus souvent, il s’agit de mutations privées. Un nombre croissant
molécule d’ATP, ce qui correspond à la moitié de l’énergie obtenue de mutations a été identifié au cours des dernières années [67–72] . Il
dans la glycolyse anaérobie de l’érythrocyte. existe dans chaque population une spécificité dans la distribution
Quatre isozymes existent chez l’homme. Les types L (foie, cortex des mutations observées. Il existe un petit nombre de mutations
rénal et intestin grêle) et R (lignée érythrocytaire) sont codés par récurrentes, en particulier Arg486Trp, Glu241Stop et Arg510Gln.
un même gène (PK-LR) localisé sur le chromosome 1 en q21 [59] , La mutation Arg479His a été trouvée chez de nombreux membres
mais leur expression est sous le contrôle de promoteurs spéci- de la communauté amish de Pennsylvanie [73] . Un effet protec-
fiques. Ces isoformes diffèrent donc dans leur région N-terminale : teur contre l’infection palustre est suggéré par des études in vitro,
dans la PK-R, l’exon 1 est traduit mais pas l’exon 2, alors que faites en culture de cellules et dans des modèles animaux, ainsi
dans la PK-L la traduction commence dans l’exon 2. Les types M1 , que par une prédominance accrue de certaines mutations dans
présent dans les muscles squelettiques, et M2 , présent dans les les populations des aires impaludées [74–76] .
tissus fœtaux, sont codés par le gène PK-M, localisé sur le chro-
À l’état hétérozygote, l’activité enzymatique est variable, par-
mosome 15 ; ces deux formes se distinguent par des différences
fois normale, parfois diminuée, et le déficit est parfaitement bien
d’épissage.
toléré. Seuls sont donc malades les sujets homozygotes, hétérozy-
L’enzyme érythrocytaire (PK-R) est un homotétramère, de masse
gotes composites ou associant une autre anomalie érythrocytaire
moléculaire égale à 225,4 kDa, formé par des sous-unités de
(déficit enzymatique, maladie de membranes, etc.). Le diagnostic
574 résidus dont la structure tridimensionnelle révèle quatre
est le plus souvent porté peu après la naissance devant un ictère
domaines, nommés A, B, C et N-terminal [60] . Le site catalytique,
néonatal [77, 78] . Les manifestations hématologiques varient d’un
où se fixe le PEP, se localise entre les domaines A et B et le
cas à l’autre. Une des conséquences de ce déficit est de bloquer
site régulateur, où se lie le fructose diphosphate (F16dP), dans le
la fin de la voie métabolique, et donc de diminuer la synthèse
domaine C. Le contact entre sous-unités implique essentiellement
d’ATP et d’accumuler les métabolites produits en amont. C’est
des interfaces A/A et C/C (Fig. 4).
le cas notamment pour le 2,3-DPG, dont la présence en excès
La pyruvate kinase est un exemple d’enzyme allostérique. Sa
diminue l’affinité pour l’oxygène, ce qui est à la fois la cause
cinétique de fixation du PEP est décrite par une sigmoïde, elle est
d’une anémie mieux supportée et d’un défaut de stimulation
activée par le F16dP et inhibée par l’ATP. L’enzyme existe sous
de l’érythropoïèse. Chez des sujets porteurs hétérozygotes d’une
deux configurations, l’une appelée R à forte activité et l’autre dite
hémoglobine S (HbS), la présence d’un taux élevé de 2,3-DPG peut
T à plus faible activité [61] . Le site de fixation du F16dP établi chez
avoir pour conséquence de faciliter la falciformation et conduire
la levure a été extrapolé aux espèces supérieures.
à un syndrome drépanocytaire majeur, mais cette complication
semble spécifique de certaines mutations [79, 80] .
Déficit en pyruvate kinase Le seul traitement du déficit en pyruvate kinase est sympto-
Les déficits en pyruvate kinase, dus à des mutations de la PK- matique. Alors que la splénectomie améliore les formes les plus
R, sont la cause la plus fréquente d’anémie hémolytique non sévères, elle ne trouve pas d’indication dans les formes moins
sphérocytaire. La prévalence des formes homozygotes ou hété- graves. Dans les formes les plus sévères observées dans des familles
rozygotes composites se traduisant par une anémie est d’environ à risque, le conseil génétique et un diagnostic prénatal s’imposent.
1 sur 20 000 dans les populations européennes. Selon l’expression Il peut être proposé une greffe hématopoïétique dans les formes
clinique, on distingue des formes modérées, intermédiaires et transfusion-dépendantes [81] .
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basophiles et une accumulation de pyrimidine nucléotides dans [12] Gurney ME, Apatoff BR, Spear GT, Baumel MJ, Antel JP, Bania
les hématies en sont des signes caractéristiques. Cliniquement, il MB. Neuroleukin: a lymphokine product of lectin-stimulated T cells.
s’agit d’une anémie hémolytique chronique avec splénomégalie Science 1986;234:574–81.
et épisodes ictériques [82] . [13] Read J, Pearce J, Li X, Muirhead H, Chirgwin J, Davies C. The crys-
Deux isozymes de pyrimidine-5 nucléotidase, de type I tal structure of human phosphoglucose isomerase at 16 A resolution:
(UMPH1) et de type II (UMPH2), existent dans l’érythrocyte. Ces implications for catalytic mechanism, cytokine activity and haemolytic
anaemia. J Mol Biol 2001;309:447–63.
deux protéines, respectivement de 286 et 297 acides aminés, sont
[14] Baughan MA, Valentine WN, Paglia DE, Ways PO, Simons ER,
sous le contrôle d’un même gène localisé en 7p15-p14, mais
DeMarsh QB. Hereditary hemolytic anemia associated with glucose
résultent d’un épissage différent de l’exon 2. Cette enzyme joue un
phosphate isomerase (GPI) deficiency - a new enzyme defect of human
rôle important dans la maturation de l’érythrocyte en permettant erythrocytes. Blood 1968;32:236–49.
la dégradation de l’acide ribonucléique (ARN) ribosomique. [15] Kugler W, Lakomek M. Glucose-6-phosphate isomerase deficiency.
Les premières observations de déficit en pyrimidine-5 nucléo- Baillieres Best Pract Res Clin Haematol 2000;13:89–101.
tidase remontent à 1974 [83] . Depuis cette date, une quinzaine de [16] Manco L, Bento C, Victor BL, Pereira J, Relvas L, Brito RM,
mutations différentes a été trouvée : les protéines qui en résultent et al. Hereditary nonspherocytic hemolytic anemia caused by red cell
ont une activité diminuée ou sont thermolabiles, et une corréla- glucose-6-phosphate isomerase (GPI) deficiency in two Portuguese
tion entre génotype et phénotype a été proposée [84, 85] . patients: clinical features and molecular study. Blood Cells Mol Dis
Cette enzyme étant particulièrement sensible aux métaux 2016;60:18–23.
lourds, et en particulier au plomb, il est vraisemblable que les [17] Mojzikova R, Koralkova P, Holub D, Saxova Z, Pospisilova D, Prochaz-
désordres hématologiques liés au saturnisme sont, au moins en kova D, et al. Two novel mutations (p(Ser160Pro) and p(Arg472Cys))
partie, liés à son inactivation [86] . causing glucose-6-phosphate isomerase deficiency are associated with
erythroid dysplasia and inappropriately suppressed hepcidine. Blood
Cells Mol Dis 2018;69:23–9.
Conclusion [18] Repiso A, Oliva B, Vives Corrons JL, Carreras J, Climent F. Glucose
phosphate isomerase deficiency: enzymatic and familial characteri-
zation of Arg346His mutation. Biochim Biophys Acta 2005;1740:
Les déficits enzymatiques exposés précédemment sont rares.
467–71.
De façon encore plus exceptionnelle, des anémies hémolytiques
[19] Repiso A, Oliva B, Vives-Corrons JL, Beutler E, Carreras J, Climent F.
ont été décrites comme étant dues à des défauts des voies
Red cell glucose phosphate isomerase (GPI): a molecular study of three
d’oxydoréduction, comme la glutathion synthétase [87] . Il est donc novel mutations associated with hereditary nonspherocytic hemolytic
indispensable, devant des tableaux d’anémie hémolytique congé- anemia. Hum Mutat 2006;27:1159.
nitale inexpliquée, de penser à une étiologie enzymatique, en [20] Warang P, Kedar P, Ghosh K, Colah RB. Hereditary non-spherocytic
sachant bien que la rareté des cas fait qu’il s’agit encore d’un hemolytic anemia and severe glucose phosphate isomerase deficiency
domaine largement méconnu. in an Indian patient homozygous for the L487F mutation in the human
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Biochimie-Génétique, Centre hospitalier universitaire Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Wajcman H. Anémies hémolytiques dues à des déficits en enzymes érythrocytaires autres que la G6PD.
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