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Foucault, Canguilhem et l’histoire des sciences humaines

Jean-François Braunstein
Dans Archives de Philosophie 2016/1 (Tome 79), pages 13 à 26

Article

O n se trouve dans une situation assez paradoxale s’agissant de l’influence de


l’épistémologie « à la française », en particulier de l’œuvre de Foucault, sur
l’historiographie des sciences humaines. Certains reconnaissent, surtout
1

hors de France, la responsabilité majeure de l’œuvre de Foucault dans la


constitution de ce champ de recherches. Ainsi Theodore Porter souligne-t-il
l’importance de Foucault dans la diffusion, y compris en anglais, de l’expression
« sciences humaines » : « l’expression de “sciences humaines” s’est répandue en
anglais essentiellement à cause de l’extraordinaire impact de Foucault dans le
[1]
domaine universitaire des humanities   ». En même temps, nombre d’autres
commentateurs estiment que cette même œuvre foucaldienne serait destructrice
de toute recherche dans le domaine de l’histoire des sciences humaines. Selon
Claude Blanckaert, qui fait allusion à Foucault et à Canguilhem, « les historiens
des sciences français n’ont pas admis sans réserves sévères la légitimité de
l’histoire des sciences de l’homme. En un mot, celles-ci ne pouvaient pas
prétendre au statut de “sciences”, sinon sur le mode minorant des épithètes
péjoratives ou des préfixes assassins : les sciences de l’homme, pseudosciences,
[2]
quasi-sciences, sciences fausses   ».

Il nous semble que bon nombre des critiques faites à Foucault et à cette 2
épistémologie « à la française » ne tiennent pas suffisamment compte de deux
points. Le premier est que le traitement de la question des sciences humaines par
l’épistémologie française ne peut se réduire à quelques pages des Mots et les choses :
comme l’a bien montré Roger Smith, l’œuvre de Foucault est beaucoup plus
[3]
« diverse » qu’il n’y paraît et elle est « ouverte à diverses lectures   ». Parler de
l’épistémologie française implique aussi de ne pas se limiter à la seule œuvre de
Foucault mais de parler aussi de Canguilhem, dont l’œuvre et la figure ont une
[4]
importance essentielle, en France au moins, dans ces années-là   . Il nous
semblera même utile d’évoquer l’œuvre d’Auguste Comte qui est, selon nous, à
[5]
l’origine de ce « style français » en histoire des sciences   . Le second point tient à
ce qu’il n’est pas possible de parler des « sciences humaines » en général. Chacune
de ces sciences, chez chacun de ces auteurs, fait l’objet d’un traitement
différencié, qui peut quelquefois être soit très critique, soit très laudatif. La
psychologie n’est pas jugée de la même manière que la sociologie ou la médecine
et les critiques qui sont faites à l’une de ces sciences ne valent pas pour une autre
d’entre elles. Il y a même chez les auteurs en présence une volonté très clairement
affirmée de faire éclater cette prétendue unité des sciences humaines et de les
opposer les unes aux autres. Il serait ainsi possible de parler, à propos des sciences
humaines, de leur « désunité » comme l’ont fait, du point de vue des sciences en
[6]
général, Peter Galison ou Ian Hacking   .

Quant aux critiques méthodologiques qui sont faites à l’histoire des sciences « à la 3
française », qui serait « présentiste » et « discontinuiste », il nous semble que, là
aussi, la situation est plus contrastée qu’il n’y paraît.

Des épistémologies centrées sur les sciences humaines

Une première critique qui est faite à l’épistémologie française est qu’elle serait 4
trop philosophique et se désintéresserait des recherches d’archives et d’un travail
minutieux d’établissement des faits historiques. C’est ce genre de reproche que
John Christie, par exemple, fait à Foucault : « l’erreur empirique est couplée avec
un vocabulaire philosophique inadapté, toujours considéré comme inutile par une
historiographie empiriste qui cherche simplement à établir ce qu’ont
[7]
effectivement été les faits   ». Jacques Roger faisait déjà la même critique à
Bachelard, dont l’histoire serait « philosophique » en ce sens qu’« elle soumet
l’histoire à un projet philosophique et ne l’étudie pas pour elle-même, mais pour
[8]
ce qu’elle permet de prouver pour peu qu’on l’en sollicite   ». Jacques Roger
dénonce « l’arrogance des philosophes ». Sa cible principale est Michel Foucault :
l’Histoire de la folie serait le « meilleur exemple que l’on puisse donner de cette
[9]
priorité de la théorie sur le fait   ».

Non contente d’être « philosophique », l’épistémologie française mépriserait de 5


surcroît les sciences humaines, auxquelles elle accorderait un statut subordonné
de « savoirs incohérents ». Ainsi Bachelard ne reconnaîtrait-il « comme
appartenant de plein droit au noyau dur de la connaissance scientifique que les
sciences mathématiques et physico-chimiques (...). L’étude des faits humains ne
concerne pas le philosophe en quête des figures modernes de la raison et de ses
[10]
transformations   ». Bourdieu lui-même fustige « le mépris de caste à l’égard des
sciences sociales qui était un des socles du credo philosophique traditionnel » et
qui aurait été illustré par Foucault « rangeant les sciences sociales dans l’ordre
[11]
inférieur des “savoirs”   ». Beaucoup d’autres commentateurs citent la phrase de
Michel Foucault dans Les mots et les choses : « inutile donc de dire que les sciences
[12]
humaines sont de fausses sciences ; ce ne sont pas des sciences du tout   ». Une
telle sentence interdirait d’emblée toute recherche plus approfondie sur les
sciences humaines.

Il nous semble au contraire que les auteurs les plus caractéristiques de 6


[13]
l’épistémologie française, à la seule exception peut-être de Bachelard   , ne
privilégient pas une réflexion sur les sciences naturelles « classiques », comme la
physique. Ce sont les « sciences humaines », sous leurs différents aspects, qui sont
toujours à l’origine et quelquefois au centre de leur réflexion. Ces sciences sont en
fait paradigmatiques de leur nouvelle approche des sciences en général, qui
insiste sur les liens entre science et société ou sur les origines « impures » des
sciences : philosophie, idéologie, institutions, traditions nationales, etc. Les
sciences humaines ne font que manifester plus clairement ce qui est également le
cas des autres sciences. Foucault l’explique : « si on pose à une science comme la
physique théorique ou comme la chimie organique le problème de ses rapports
avec les structures politiques et économiques de la société, est-ce qu’on ne pose
pas un problème trop compliqué ? (...) Si en revanche, on prend un savoir comme
la psychiatrie, est-ce que la question ne sera pas beaucoup plus facile à résoudre ?
(...) Est-ce que dans le cas d’une science aussi “douteuse” que la psychiatrie, on ne
pourrait pas saisir de façon plus certaine l’enchevêtrement des effets de pouvoir et
[14]
de savoir   ? »

Celui qui est à l’origine de ce « style de pensée », Auguste Comte, n’a pour ainsi 7
dire construit toute sa philosophie des sciences que pour fonder la science de la
société, à laquelle il a donné le nom, qui lui est resté, de « sociologie ». Comte
n’accomplit un immense parcours à travers l’histoire des sciences de la nature et
de la vie que dans une perspective pratique et politique : il s’agit pour lui de
comprendre ce que sont les sciences effectivement existantes pour fonder une
science positive des faits sociaux qui lui permettra de « réorganiser la société ».

La situation est la même s’agissant de Foucault. À l’origine de son œuvre il y a une 8


interrogation radicale, non seulement sur l’histoire de la psychiatrie, dans
l’Histoire de la folie, mais aussi sur l’histoire de la psychologie, à laquelle il consacre
ses premiers travaux, pendant longtemps assez oubliés : son premier article de
1957 sur « La psychologie de 1850 à 1950 », un entretien sur « Philosophie et
psychologie » en 1965, ou son premier livre de 1954 sur Maladie mentale et
personnalité. C’est pour critiquer une certaine vision des rapports entre savoir et
pouvoir dans la psychiatrie qu’il a été amené à revisiter l’histoire de celle-ci. Quant
à la phrase citée plus haut sur le caractère non scientifique des sciences humaines,
elle doit être complétée par un autre passage qui justifie l’intérêt que peut
présenter une histoire des sciences humaines : « elles ont beau ne pas posséder les
critères formels d’une connaissance scientifique, elles appartiennent pourtant au
domaine positif du savoir (...) Cette configuration qui leur est particulière, il n’y a
[15]
pas à la traiter comme un phénomène négatif   ». Foucault estime simplement
que l’émergence des sciences humaines est liée pour une part à des considérations
pratiques et politiques. C’est ce point de vue qu’il va développer ultérieurement
dans Surveiller et punir lorsqu’il explique que « ces sciences dont notre “humanité”
s’enchante depuis plus d’un siècle ont leur matrice technique dans la minutie
tatillonne et méchante des disciplines et de leurs investigations. Celles-ci sont
peut-être à la psychologie, à la psychiatrie, à la pédagogie, à la criminologie, et à
tant d’autres étranges connaissances, ce que le terrible pouvoir d’enquête fut au
[16]
savoir calme des animaux, des plantes ou de la terre   ». Selon Foucault le savoir
de l’« examen » est « la base du pouvoir, la forme du savoir-pouvoir qui va donner
lieu non pas aux grandes sciences de l’observation, comme dans le cas de
l’enquête, mais à ce que nous appelons “sciences humaines” : psychiatrie,
[17]
psychologie, sociologie   ».

Canguilhem est lui aussi fort loin de se désintéresser des sciences humaines. On 9
connaît son livre sur La formation du concept de réflexe ou son article-culte : « Qu’est
ce que la psychologie ? », qui dresse une histoire complète de la psychologie en
quelques pages, sans équivalent en France dans ces années-là. Cet article sera à
l’origine d’un cours plus documenté sur l’« Histoire de la psychologie
scientifique » donné en 1960-1961 à la Sorbonne. Canguilhem s’attache au détail de
l’histoire de la psychologie. Le cours s’ouvre par ailleurs sur une remarque qui dit
bien l’intention, à la fois critique et historique de Canguilhem : « au lieu de
s’affliger de l’existence des “sciences humaines” la philosophie doit regarder de
quoi il est question dans cette psychologie, quels sont ses titres », car il y a à une
[18]
telle enquête un « intérêt actuel   ». De même il serait possible de citer le très
oublié Traité de logique de 1939, dans lequel Canguilhem consacrait une part
importante du livre à discuter de la légitimité de ce qui s’appelait encore
« sciences morales » et non « sciences humaines ». Enfin, la médecine, qui est au
centre de l’œuvre de Canguilhem, est une médecine largement humanisée,
traitant de normes et de valeurs, et des relations complexes entre l’homme et son
milieu : le malade y joue un rôle central. En ce sens la place que Canguilhem
accorde à la géographie humaine dans Le normal et le pathologique est un indice de
l’attention qu’il accorde à cette dimension humaine dans la médecine.

L’histoire des sciences telle qu’on la pratiquait à l’Institut d’histoire des sciences et 10
des techniques à l’époque de Canguilhem est d’ailleurs loin d’écarter l’histoire des
sciences humaines. En témoigne le vade-mecum d’histoire des sciences qui fut
réalisé ces années-là par une équipe dirigée par Georges Canguilhem. Dans cette
Introduction à l’histoire des sciences, parue en 1970, sociologie, économie, psychologie
et linguistique figurent à parts égales aux côtés des mathématiques, de
[19]
l’astronomie, de la physique, de la chimie ou de la biologie   . Ainsi Lélut, Ribot,
Binet et Simon, Piéron ou Köhler sont parmi les auteurs cités. La bibliographie de
littérature secondaire comprend également les histoires classiques des sciences
humaines, par exemple, s’agissant de psychologie, Baldwin, Boring, Brett, Carus
ou Fluegel, Reuchlin, Fraisse ou Zazzo.

Il est certain que Canguilhem, comme Foucault, estime que les sciences humaines 11
sont largement liées à des pratiques. Donnant l’exemple de la biométrie et de la
psychométrie de Quetelet, Galton, Catell et Binet, Canguilhem explique que ces
disciplines n’ont pu se constituer « qu’à partir du moment où des pratiques non-
scientifiques ont eu pour effet de fournir à l’observation une matière homogène et
susceptible d’un traitement mathématique (…). Donc l’histoire des sciences, dans
la mesure où elle s’applique à l’objet ci-dessus délimité, n’a pas seulement rapport
à un groupe de sciences sans cohésion intrinsèque mais aussi à la non-science, à
[20]
l’idéologie, à la pratique politique et sociale   ». Cela ne signifie en aucun cas que
l’histoire des sciences n’ait pas de consistance propre, cela indique simplement
que les sciences, et parmi elles les sciences humaines, n’existent qu’à l’intérieur
d’un certain contexte, qui leur pose des questions ou leur fournit des instruments
de mesure.

La « désunité » des sciences humaines : psychologie,


sociologie, et médecine

Il conviendrait en outre de noter que les sciences humaines ne sont pas toutes 12
traitées de la même façon, chez Foucault comme chez Canguilhem ou même chez
Comte : certaines sont sévèrement critiquées, alors que d’autres servent de
modèle. Un des traits les plus caractéristiques de l’épistémologie française est
bien son « régionalisme épistémologique ». Tous ces auteurs admettent l’idée qu’il
[21]
existe des « régions distinctes dans l’organisation rationnelle du savoir   ». Selon
Canguilhem la philosophie des sciences doit être « spéciale ou régionale », elle
consiste dans « l’étude critique des principes, des méthodes et des résultats d’une
[22]
science   ». Ce caractère régional vaut tout particulièrement s’agissant des
sciences humaines : il n’est pas question de traiter de la même manière
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psychologie, sociologie ou médecine, pour ne citer que les trois sciences humaines
qui retiennent le plus leur attention.

La science humaine qui est la plus présente chez le premier Foucault, mais qui est 13
aussi la plus critiquée, est la psychologie. Dès ses premiers articles il s’en prend à
ce qui n’est sans doute qu’une « forme culturelle » dont les contradictions et les
paradoxes l’intéressent plus que les progrès. Ailleurs il déplore l’importance
disproportionnée que la psychologie a eue dans la constitution des sciences
humaines : « la psychologie est une sorte de tribunal qui se mêle de toutes les
[23]
autres analyses dès qu’elles ont l’homme pour objet   ». Ainsi, la linguistique a
trop longtemps reposé sur une « psychologie implicite » et elle n’a pu devenir une
science que lorsqu’on a oublié cette conscience humaine et qu’on a compris la
[24]
nécessité de « dépsychologiser la linguistique   ». Selon Foucault, les sciences
humaines, tant qu’elles « se réfèrent à la conscience de l’homme, tant qu’elles se
réfèrent à lui comme sujet, restent psychologisantes et incertaines. Elles ne
peuvent devenir des sciences qu’à condition de cesser de rester soumises à la
[25]
psychologie   ». La psychologie semble même plus dédaignée que la psychiatrie,
qui a au moins pour elle d’être plus fascinante, car plus engagée dans des
pratiques répressives, plus violente.

S’agissant de la psychanalyse en revanche, on sait que pour Foucault elle peut être 14
en partie sauvée, car elle réintroduit du sens dans la folie et restitue dans la
[26]
pensée médicale la « possibilité d’un dialogue avec la déraison   ». C’est dans la
mesure où elle a donné naissance à la psychanalyse que la psychologie peut être
considérée comme la « science humaine rectrice » : « ce qui caractérise la
psychologie, et ce qui fait qu’elle a été, qu’elle est probablement encore la plus
importante des sciences humaines, la science humaine en quelque sorte rectrice,
ça a été la découverte de l’inconscient par Freud, c’est-à-dire que la psychologie a
elle-même, à l’intérieur de soi, opéré vers la fin du XIXe une reconversion tout à
fait étonnante qui ouvre je crois la dimension la plus problématique et la plus
[27]
fondamentale de la psychologie   ».

Mais une autre discipline joue un rôle encore plus éminent dans le système de 15
Foucault, c’est la médecine. Elle n’est peut-être pas une science humaine à
proprement parler, mais elle est la matrice de la plupart des sciences humaines au
XIXe. Il faut lire ici Naissance de la clinique qui traite, au moins autant que Les mots
et les choses, de sciences humaines. Foucault y avance que la médecine a une « place
[28]
fondamentale dans l’architecture d’ensemble des sciences humaines   »,
puisqu’elle leur fournit la notion de norme : « le prestige des sciences de la vie au
e
XIXe, le rôle de modèle qu’elles ont mené, surtout dans les sciences de l’homme
n’est pas lié primitivement au caractère compréhensif et transférable des
concepts biologiques, mais plutôt au fait que ces concepts étaient disposés dans
un espace dont la structure profonde répondrait à l’opposition du sain et du
morbide. Lorsqu’on parlera de la vie des groupes et des sociétés, de la vie de la
race, ou même de la “vie psychologique”, on ne pensera pas seulement à la
structure interne de l’être organisé, mais à la bipolarité médicale du normal et du
[29]
pathologique   ». L’« objet » que se donnent les sciences de l’homme est en effet
posé « dans un champ partagé selon le principe du normal et du
[30]
pathologique   ». Plus largement, dans Naissance de la clinique, Foucault fait un
véritable éloge de la médecine, en des termes très lyriques : il évoque Hölderlin et
Rilke et conclut que « les gestes, les paroles, les regards médicaux ont pris, de ce
moment une densité philosophique comparable peut-être à celle qu’avait eue
[31]
auparavant la pensée mathématique   ». La médecine est à la fois une science
plus solide, qui a « certainement une structure scientifique beaucoup plus forte
[32]
que la psychiatrie   », et en même temps le seul exemple d’une science de
l’individuel « contre la vieille loi aristotélicienne, qui interdisait sur l’individu le
[33]
discours scientifique   ».

Une dissymétrie semblable de traitement entre sciences humaines se retrouve 16


chez Canguilhem qui critique sévèrement une certaine psychologie et le
« psychologisme » qui en découle, alors qu’il innocente largement la sociologie du
péché de « sociologisme ». Dès son Traité de logique et de morale, à l’intérieur du
chapitre sur les « sciences morales » il faisait une distinction entre psychologie et
sociologie. Il était plus que dubitatif « sur la possibilité d’une « science »
psychologique » alors qu’il établissait les « conditions de validité de la
[34]
sociologie   ». Canguilhem critiquera violemment par la suite, pour des raisons
éthiques, la psychologie du comportement de Watson et la réflexologie de Pavlov
qui définissent selon lui l’homme comme un « outil » et conduisent donc à le
« brutaliser », à le traiter comme un animal. Pour le behaviorisme « il n’y a plus
[35]
d’idée de l’homme, en tant que valeur différente de celle d’un outil   ». Dans son
article sur « Le Cerveau et la pensée », Canguilhem estime que « la philosophie n’a
rien à attendre des services de la psychologie, d’une discipline dont Husserl a pu
dire que la manière dont elle est entrée en scène, au temps d’Aristote, en a fait
[36]
« une calamité permanente » pour les esprits philosophiques   ». Et Canguilhem
précise ici à quoi il fait allusion : « entendons par là une science qui se veut
objective, se situant parmi les autres sciences objectives avec la prétention de les
instruire sur les fonctions intellectuelles qui leur permettent d’être les sciences
[37]
qu’elles sont   ».
S’agissant de sociologie, Canguilhem dénonce un « sociologisme » qui prétend 17
pouvoir se passer de la philosophie et se mouvoir entièrement dans le monde du
fait. Canguilhem s’en prend à « certains sociologues de l’école durkheimienne »,
tel Lévy-Bruhl, qui « ont dirigé contre la philosophie des attaques parfois acerbes,
sans toujours se rendre parfaitement compte des présupposés métaphysiques de
[38]
leur dogmatisme sociologique   ». En revanche il fait l’éloge de ceux des
sociologues qui ont su se garder du sociologisme en maintenant l’existence de
« valeurs » et en ne se cantonnant pas au monde du « fait ». Canguilhem cite ainsi
Célestin Bouglé qui se sert avec bonheur d’un concept « à la fois normatif et
[39]
factuel » de valeur dans ses Leçons de sociologie sur l’évolution des valeurs   . Il
apprécie également que Maurice Halbwachs ait perçu l’importance de la notion de
« genre de vie » qui fait également appel à la notion de « valeur ». On voit donc
qu’il existe pour Canguilhem quelques « bons » sociologues alors qu’il a beaucoup
de mal à citer un seul « bon » psychologue.

Enfin, bien sûr, comme chez Foucault, la médecine a une fonction éminente pour 18
Canguilhem, elle est le lieu où l’homme peut comprendre que le monde de la vie
est un monde de valeurs : la médecine « se trouve être, nécessairement et
électivement, le champ dans lequel le vivant humain prend conscience du conflit,
[40]
de la discordance entre les valeurs organiques et les valeurs mécaniques   ».

De la même manière, si l’on remonte à Comte, on doit aussi souligner le 19


traitement très dissymétrique qu’il réserve à la sociologie et à la psychologie. La
sociologie est selon Comte la « science finale », objet de tous ses travaux et c’est
« l’esprit sociologique » qui doit fonder la « synthèse finale » en se substituant à
l’« esprit mathématique ». À l’inverse, la psychologie de son temps est pour Comte
le type même de la fausse science. L’un des quatre « principaux avantages
généraux » procurés par la philosophie positive, énoncés dès la première leçon du
Cours de philosophie positive, est la démonstration qu’il n’y a aucune place « pour
cette psychologie illusoire, dernière transformation de la théologie, qu’on tente si
[41]
vainement de ranimer aujourd’hui   ». Les arguments de Comte contre la
possibilité pour l’esprit de s’observer lui-même sont bien connus. Il propose en
conséquence de remplacer la psychologie, d’une part par l’étude de l’« organe de la
pensée », le cerveau, c’est-à-dire par la phrénologie, d’autre part par l’étude des
« grands résultats de l’intelligence humaine », et il fait ici allusion à la sociologie
qui couronne l’étude des diverses sciences. La sociologie prend donc d’une
certaine manière la place de la psychologie. Il est également à noter que dans ses
dernières œuvres Comte développe une véritable « philosophie de la médecine » :
celle-ci serait une science suprême, la seule science de l’individuel avec la morale,
qui annoncerait à ce titre la religion positiviste. Selon le Comte du Système de
politique positive, les médecins sont « de plus en plus devenus les précurseurs
[42]
naturels du sacerdoce sociocratique   ».

Il semble donc que chez ces trois auteurs, Comte, Canguilhem et Foucault, une 20
place particulière soit réservée non pas tant à la psychologie qu’au psychologisme
qui semble menacer les sciences humaines. Celles-ci ne sauraient être fondées sur
la notion de sujet. À l’inverse, les trois auteurs en question ont une vision très
positive de la médecine, qui est créditée d’être une science cohérente, fondée sur
la notion de norme et largement active ou pratique.

Présentisme, récurrence et discontinuités

Une dernière caractéristique qui vaut à l’épistémologie « à la française » d’être 21


critiquée par certains historiens des sciences humaines serait son « présentisme ».
Ainsi Claude Blanckaert s’en prend-il aux « bachelardiens » qui « répondaient par
la négative », au nom de la finalité de la vérité, à la question : « l’histoire des
[43]
sciences est-elle une histoire comme une autre   ? » Ils professeraient un
« présentisme à but célébratoire » qui irait directement à l’encontre des principes
fondateurs de l’histoire des sciences humaines, historicistes et anti-présentistes,
[44]
tels que George Stocking a pu les fixer   . L’histoire des sciences proposée par les
épistémologues français serait une histoire téléologique, reconstruisant le passé à
partir de l’état présent de la science et conduisant ainsi immanquablement à
l’anachronisme.

En fait un tel qualificatif de présentisme ne saurait, à la rigueur, convenir que 22


pour décrire l’œuvre de Bachelard. Celui-ci veut effectivement « formuler une
histoire récurrente, une histoire qu’on éclaire par la finalité du présent, une
histoire qui part des certitudes du présent, et découvre, dans le passé les
[45]
formations progressives de la vérité   ». Il y a donc bien chez lui l’idée que
[46]
« l’historien des sciences, pour bien juger le passé, doit connaître le présent   ».
Mais en même temps Bachelard est conscient du risque que représente une telle
conception qui risque de le faire retomber dans l’« idéologie du progrès » : selon
[47]
lui il faut « un véritable tact pour manier les récurrences possibles   ». Autant
une telle méthode ne pose pas de problème pour les mathématiques, autant elle
en pose dans les autres sciences.

Les limites apportées à cet usage de la notion de récurrence sont encore plus 23
développées chez Canguilhem : le présent ne doit pas être considéré comme un
[48]
« jugement dernier scientifique   ». Selon Canguilhem, « la méthode historique
[49]
de récurrence épistémologique ne saurait être tenue pour un passe-partout   » :
« on voit toute la différence entre la récurrence, entendue comme juridiction
critique sur l’antérieur d’un présent scientifique, assuré, précisément parce qu’il
est scientifique, d’être dépassé ou rectifié, et l’application systématique et quasi
mécanique d’un modèle standard de théorie scientifique exerçant une sorte de
[50]
fonction de police épistémologique sur les théories du passé   ». Canguilhem
souligne que ce qui vaut pour les sciences dures ne vaut pas pour les sciences
biologiques ou médicales ni a fortiori pour les sciences humaines, où il est
beaucoup plus difficile de constater de véritables ruptures. La critique de la notion
de précurseur, développée par Canguilhem, est une remise en cause radicale de
l’« histoire faite par les savants », l’« histoire des manuels », qui prétend faire le
récit triomphal des étapes qui auraient mené à la science actuelle.

Enfin la notion d’« histoire du présent » développée par Foucault indique que 24
l’histoire des sciences doit « servir » à des intérêts présents, mais elle n’est en
aucun cas téléologique : c’est même sans doute ce qui distingue le mieux
l’archéologie foucaldienne de l’épistémologie historique d’un Bachelard. Comme
l’a montré François Delaporte à propos de Naissance de la clinique, Foucault « ne
pose pas de questions rétrospectives », « il décrit des transformations sans
préjuger du futur », ses « formations discursives » ne sont ni des
« pseudosciences » ni des « sciences dans un état préhistorique », ni des
[51]
« idéologies scientifiques   ».

Il est certain que le terme de « récurrence » convient mieux que celui de 25


présentisme, dans la mesure où, pour ces auteurs, le présent n’est pas un donné,
mais bien plutôt un problème – ou une construction – qui n’est pas
nécessairement « progressif » par rapport au passé. En histoire des sciences, il n’y
a pas de cours simple du temps et on voit par exemple que, selon Canguilhem, le
« réflexe 1800 contenait quelque prescience de l’insuffisance, alors inapparente,
du concept au nom duquel on le jugeait », le « réflexe 1850 » et qu’il était en ce sens
[52]
plus proche que celui-ci du réflexe 1950   .

Du point de vue méthodologique, il est un dernier point sur lequel les thèses des 26
épistémologues français sont plus nuancées qu’on ne veut bien le dire, c’est celui
de leur « discontinuisme ». On pourrait d’abord noter qu’il n’est pas très logique
de juxtaposer le caractère cumulatif du « présentisme » et l’évident caractère non-
cumulatif du « discontinuisme ». Ensuite, seule l’épistémologie de Bachelard
développe l’idée de « rupture » dans le développement de la science, par exemple
dans Le rationalisme appliqué, où il emploie l’expression de « rupture
[53]
épistémologique   ». Canguilhem ne partage pas sans réserve le point de vue
discontinuiste qui est celui de Bachelard. Il s’efforce plus de rechercher des
« filiations », d’identifier des paternités, comme dans le cas de l’histoire du
concept de réflexe, plutôt que de repérer des ruptures, des « révolutions
scientifiques », dont il note qu’elles sont d’ailleurs sans doute inexistantes dans le
domaine qu’il étudie, celui des sciences biologiques et médicales. Ce serait a
fortiori le cas dans le domaine des sciences humaines. Plutôt que de rupture, il
préfère tenter de « déceler, dans l’œuvre d’un même personnage historique, des
[54]
ruptures successives ou des ruptures partielles   ». Canguilhem va jusqu’à noter
que les révolutions emblématiques que sont les révolutions copernicienne et
[55]
galiléenne « ne se sont pas faites sans conservation d’héritage   ». Canguilhem
propose ainsi une vision œcuménique de l’histoire des sciences en avançant que
« l’épistémologie des ruptures convient à la période d’accélération de l’histoire des
sciences » alors que « l’épistémologie de la continuité trouve dans les
[56]
commencements ou l’éveil d’un savoir ses objets de préférence   ».

Il est certain que les historiens des sciences français dont il a été question 27
manifestent une certaine réticence, dans les années soixante, à employer
l’expression de « sciences humaines », qu’ils citent souvent entre guillemets. Il y a
sans doute à cela des raisons disciplinaires anciennes, de concurrence entre la
philosophie et les sciences de l’homme qui s’en dégagent progressivement. Une
seconde raison est institutionnelle et conjoncturelle : il faudrait faire une étude
plus précise sur les usages de l’expression « sciences humaines » dans le contexte
français des années d’après-guerre. Il semble qu’une date marquante soit ici le
décret du 23 juillet 1958 qui transforme, d’une manière purement bureaucratique,
les « Facultés de lettres » en « Facultés de lettres et sciences humaines », suscitant
le mécontentement de bon nombre d’universitaires. Une troisième raison tient à
leur réticence, on l’a vu, à accepter l’idée qu’il existerait globalement des sciences
humaines, alors que n’existent effectivement que des sciences humaines
particulières, comme la psychologie, la sociologie, la linguistique. Enfin une
dernière raison à cette réticence est exposée par Georges Canguilhem, dans le
compte rendu qu’il fait des Mots et les choses : « Foucault est amené à nommer
sommeil anthropologique la tranquille assurance avec laquelle les promoteurs actuels
des sciences humaines prennent pour accordé comme objet donné là d’avance à
leurs études progressives, ce qui n’était au départ que leur projet de
[57]
constitution   ». Autre manière de dire que l’objet des sciences humaines est un
objet problématique, qui requiert absolument pour être compris une étude
historique, à laquelle Canguilhem comme Foucault se sont attachés.

Notes

[1] Theodore M. PORTER & Dorothy ROSS, « Introduction : Writing the History of
Social Science », The Cambridge History of Science. Vol. 7. The Modern Social
Sciences, Cambridge, Cambridge Université Press, 2003, p. 3.
[2] Claude BLANCKAERT, « La Société française pour l’histoire des sciences de
l’homme. Bilan, enjeux et questions vives », Genèses, 10, janv. 1993, p. 131.

[3] Cf. Roger SMITH, « Does the history of psychology have a subject », History of the
Human Sciences, vol. 1, n° 2, 1988, p. 150.

[4] Bourdieu en témoigne dans son Esquisse pour une auto-analyse, Paris, Raisons
d’agir, 2004, p. 41 sq.

[5] Cf. Jean-François BRAUNSTEIN, « Bachelard, Canguilhem, Foucault. Le style


français en épistémologie », in P. Wagner (dir.), Les philosophes et la science, Paris,
Gallimard, 2002.

[6] Cf. Peter GALISON, David J. STUMP, The Disunity of Science. Boundaries, Contexts
and Power, Stanford, Stanford University Press, 1996.

[7] John CHRISTIE, « The human sciences : origins and histories », History of the
Human Sciences, 6, 1993, p. 6.

[8] Jacques ROGER, Pour une histoire des sciences à part entière, Paris, Albin Michel,
1995, p. 51.

[9] Ibid., p. 52.

[10] Stéphane HABER, Les sciences humaines, Paris, Quintette, 1995, p. 6.

[11] Pierre BOURDIEU, Science de la science et réflexivité, Paris, Raisons d’agir, 2001,
p. 201.

[12] Michel FOUCAULT, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines,
Paris, Gallimard, 1966, p. 378.

[13] Même si Bachelard explique qu’il « n’a pas le moindre dédain pour ces
sciences ». Mais il estime que « la philosophie positive de ces sciences de
l’homme est plus difficile à dégager par ce fait même que ces sciences n’ont pas
toujours abandonné la nébuleuse métaphysique originelle » (L’engagement
rationaliste, Paris, PUF, 1972, p. 37, 38). Cependant on ne saurait sous-estimer
l’importance de la psychanalyse dans son œuvre, y compris épistémologique.

[14] Michel FOUCAULT, « Entretien avec M. Foucault », 1977, Dits et écrits, t. III, Paris,
Gallimard, 1994, p. 141.

[15] Michel FOUCAULT, Les mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines,
Paris, Gallimard, 1966, p. 376, 377.

[16] Michel FOUCAULT, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard,


1975, p. 227.

[17] Michel FOUCAULT, « La vérité et les formes juridiques », Dits et écrits, t. II, Paris,
Gallimard, 1994, p. 595.

[18] Georges CANGUILHEM, « Naissance de la psychologie scientifique », cours


manuscrit, Archives du Caphés.
[19] Suzanne BACHELARD, Jean-Claude CADIEUX, Georges CANGUILHEM et al.,
Introduction à l’histoire des sciences. Textes choisis, 2 vol. Paris, Hachette, 1970-1971.

[20] Georges CANGUILHEM, « L’objet de l’histoire des sciences », in Études d’histoire


et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 71994, p. 18.

[21] Gaston BACHELARD, Le rationalisme appliqué [1949], Paris, PUF, 31966, p. 119.

[22] Georges CANGUILHEM, « Philosophie et science » (1965), Cahiers philosophiques,


hors série, juin 1993, p. 19.

[23] Michel FOUCAULT, « Interview avec Michel Foucault », 1968, Dits et écrits, t. I,
Paris, Gallimard, 1994, p. 660.

[24] Ibid.

[25] Ibid.

[26] Michel FOUCAULT, Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard, 1972,
p. 360.

[27] Michel FOUCAULT, « Philosophie et psychologie » (1965), Cahiers philosophiques,


Hors série, juin 1993, p. 49.

[28] Michel FOUCAULT, Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical,


Paris, PUF, 1963, p. 200.

[29] Ibid., p. 35.

[30] Michel FOUCAULT, Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical,


Paris, PUF, 31975, p. 36.

[31] Michel FOUCAULT, Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical,


Paris, PUF, 1963, p. 202.

[32] Michel FOUCAULT, « Entretien avec Michel Foucault » (1976), Dits et écrits, t. III,
Paris, Gallimard, 1994, p. 141.

[33] Michel FOUCAULT, Naissance de la clinique. Une archéologie du regard médical,


Paris, PUF, 1963, p. 173.

[34] Georges CANGUILHEM, Traité de logique et de morale, in Œuvres complètes, tome I,


Écrits philosophiques et politiques (1926-1939), Paris, Vrin, 2011, p. 760, 763.

[35] Georges CANGUILHEM, « Qu’est ce que la psychologie ? », in Études d’histoire et


de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 1994, p. 378. Sur ce point, cf. Jean-François
BRAUNSTEIN, « La critique canguilhemienne de la psychologie », Bulletin de
psychologie, 52 (2), mars-avril 1999.

[36] Georges CANGUILHEM, « Le cerveau et la pensée », in Coll., Georges Canguilhem.


Philosophe, historien des sciences, Paris, Albin Michel, 1993, p. 31.

[37] Ibid.
[38] Georges CANGUILHEM, « Maurice Halbwachs (1877-1945) », Mémorial de la
Faculté des Lettres de Strasbourg, Fascicule 103, 1947, in Œuvres complètes. IV,
Résistance, philosophie biologique et histoire des sciences. (1940-1965), Paris, Vrin, 2015,
p. 280.

[39] « Célestin Bouglé », Annuaire de l’Association des anciens élèves de l’École normale
supérieure, 1978, p. 31.

[40] Georges CANGUILHEM, « Thérapeutique, expérimentation, responsabilité », in


Études d’histoire et de philosophie des sciences, Paris, Vrin, 71994, p. 383.

[41] Auguste COMTE, Cours de philosophie positive [1830], t. I, Paris, Hermann, 1998,
p. 33.

[42] Auguste COMTE, Système de politique positive, t. 4, Paris, Carilian-Goeury et


Dalmont, 1854, p. 427.

[43] Claude BLANCKAERT, « Story et history de l’ethnologie », Revue de synthèse, IVe


s., n° 3-4, juil.-déc. 1988, p. 452.

[44] Ibid., p. 453.

[45] Gaston BACHELARD, L’activité rationaliste de la physique contemporaine, Paris,


PUF, 1951, p. 26.

[46] Gaston BACHELARD, « L’actualité de l’histoire des sciences », in L’engagement


rationaliste, Paris, PUF, 1972, p. 142.

[47] Ibid., p. 143.

[48] Georges CANGUILHEM, La formation du concept de réflexe aux XVIIe et XVIIIes,


Paris, Vrin, 1977, p. 156.

[49] Georges CANGUILHEM, Idéologie et rationalité dans l’histoire des sciences de la vie,
Paris, Vrin, 1977, p. 24.

[50] Ibid., p. 21.

[51] François DELAPORTE, « The History of Medicine According to Foucault », in J.


GOLDSTEIN, Foucault and the Writing of History, Cambridge MA, Blackwell, 1994,
p. 143.

[52] Georges CANGUILHEM, La formation du concept de réflexe aux XVIIe et XVIIIes,


Paris, Vrin, 1977, p. 166.

[53] Gaston BACHELARD, Le rationalisme appliqué, Paris, PUF, 1966, p. 104.

[54] Georges CANGUILHEM, Idéologie et rationalité dans l’histoire des sciences de la vie,
Paris, Vrin, 1977, p. 25.

[55] Ibid.

[56] Ibid., p. 26.


[57] 57. Georges CANGUILHEM, « Mort de l’homme ou épuisement du cogito ? »,
Critique, 242, juillet 1967, p. 618.

Résumé

FrançaisIl a souvent été reproché à Foucault et à Canguilhem de ne pas avoir


rendu justice aux sciences humaines. Il nous semble au contraire que leur œuvre
est centrée sur les sciences humaines et leur histoire. Mais, comme Comte avant
eux, ces auteurs distinguent entre les sciences humaines, valorisant certaines
disciplines, comme la médecine, en critiquant d’autres, comme la psychologie. On
peut parler en ce sens d’une véritable « désunité » des sciences humaines.
L’histoire des sciences humaines qu’écrivent Canguilhem et Foucault éclaire ainsi
certaines des caractéristiques du style français en histoire des sciences.

Mots clés

Sciences humaines Histoire des sciences Psychologie Médecine Sociologie


Méthodologie de l'histoire des sciences Désunité des sciences Présentisme

EnglishEnglish abstract on Cairn International Edition

EspañolResumen en español disponible en Cairn Mundo

Plan
Des épistémologies centrées sur les sciences humaines

La « désunité » des sciences humaines : psychologie, sociologie, et médecine

Présentisme, récurrence et discontinuités


Auteur
Jean-François Braunstein

ISJPS – UMR 8103, Université Paris 1 – Panthéon-Sorbonne

Mis en ligne sur Cairn.info le 29/02/2016


https://doi.org/10.3917/aphi.791.0013

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