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Casa de

Velázquez
L'Europe héritière de l'Espagne wisigothique
 | Jacques Fontaine,  Christine Pellistrandi

La figure d’Isidore
de Séville à
l’époque
carolingienne
Jacques Fontaine
p. 195-211

Texte intégral
1 L’Espagne venait de recouvrer son unité politique, religieuse,
territoriale sous les rois wisigoths, quand en 633 Isidore de
Séville acheva, par les décisions du IVe Concile tolédan,
l’œuvre de restauration inaugurée à Tolède en 589 par son
frère aîné Léandre, inspirateur de ce IIIe Concile qui avait
scellé la conversion des Wisigoths au catholicisme. L’œuvre
littéraire d’Isidore est toute entière inséparable d’une telle
action, au double service de l’Église et du pouvoir royal1. Ce
n’est donc pas pour satisfaire un goût encore antique de
l’érudition, qu’il a « restauré les monuments des anciens » et
« fait renaître les principes de la sagesse romaine », comme
l’ont dit avec admiration Braulion de Saragosse, puis Valère
du Bierzo, au début et à la fin du VIIe siècle2. Toutes ses
œuvres sont bien fonctionnelles, au sens où elles sont
ordonnées à un même dessein pratique  : restaurer l’Église
d’Espagne et, par elle, la société hispanique, dans l’ordre de
la culture, de la morale, et même des institutions3. C’est bien
pourquoi les œuvres d’Isidore continueront d’apparaître au
Moyen Âge hispanique comme la charte de cet «  ordre des
Goths » que les rois asturiens auront l’ambition de rétablir à
Oviedo, avec le dessein de l’étendre ensuite à une Espagne
reconquise sur l’Islam4.
2 C’est aussi dans cette perspective qu’il faut se placer, pour
apprécier justement le rôle joué par les 17 œuvres littéraires
d’Isidore5 dans la culture de l’Europe médiévale, en Espagne
et surtout hors d’Espagne. On peut repérer d’abord leur
sillage grâce à ces « traceurs » que sont pour nous les copies
les plus anciennes de ces œuvres, le réseau complexe de
leurs circulations6, leur présence explicite ou invisible chez
des auteurs qui, directement ou non, ont beaucoup lu le
Sévillan et doivent en avoir retenu bien plus qu’on n’en a
découvert jusqu’ici7. Mais tout en tenant compte des
résultats déjà substantiels acquis par ces méthodes, le titre
de la présente étude montre que notre projet est distinct. Au-
delà du bilan objectif dressé par les codicologues et les
explorateurs des sources, nous tenterons en effet de cerner
quelques formes majeures de la représentation que se sont
faite d’Isidore de Séville de grands écrivains de l’âge
carolingien  : plus précisément, d’identifier trois aspects de
cette figure d’Isidore qui commence alors de s’inscrire dans
la mentalité culturelle de ces siècles déjà européens.
3 Une telle étude se heurte d’emblée à bien des difficultés.
D’abord des illusions d’optique : en amont d’Isidore, les jeux
de reflets et de diffractions entre Isidore et ses sources
augustiniennes et grégoriennes  ; en aval de ses 17 œuvres
reconnues, le mare magnum des pseudo-Isidore, donnés et
accueillis comme authentiques par les faussaires médiévaux
et leurs lecteurs8. D’autre part, comment apprécier l’Isidore
« invisible et présent » en tant de citations muettes, souvent
minuscules, de ces Étymologies qui, entre toutes les œuvres
d’Isidore, ont informé le plus profondément la langue, les
catégories intellectuelles et même l’idearium de tant
d’auteurs carolingiens  ? Non moins redoutables sont les
problèmes posés par les eaux mêlées de tant de sources,
d’abord dans la culture d’Isidore, puis dans celle de ses
lecteurs.
4 Il reste pourtant qu’en dépit des méthodes souvent
sommaires de la réécriture isidorienne, il se dégage déjà des
17 œuvres authentiques du Sévillan, et de ses quelques
lettres conservées, le portrait d’un auteur personnel et
singulier, qui n’est pas réductible à Augustin, à Grégoire, ni à
Cassiodore9. Comment les carolingiens l’ont-ils perçu et
reçu, pour l’essentiel  ? Comme un maître à penser, qui
d’abord fait autorité en matière de doctrine, à l’égal des plus
grands théologiens antérieurs. Ensuite – et par suite –,
comme un garant de l’entreprise carolingienne de
réformation de l’Église et de l’État. Enfin, comme un exégète
de la nature, aux sens forts, respectivement chrétien et
antique, de ces deux mots.
5 Le souverain magistère intellectuel exercé par Isidore dans le
millénaire européen qui l’a suivi ne résulte pas seulement de
l’efficacité de ses méthodes de pensée « pangrammaticales »,
ni de ses méthodes de travail, si bien appropriées aux fins et
aux moyens de l’éducation intellectuelle en ces temps
nouveaux10. Ce magistère est inséparable de celui d’un
docteur de l’Église, expressément reconnu comme tel. La
doctrina christiana de l’évêque Isidore est à entendre
d’abord, dans le rayonnement du traité d’Augustin qui porte
ce titre11, comme celle d’un doctor ; au sens d’un enseignant
consacré, de la doctrine orthodoxe autant que de toutes les
connaissances intellectuelles qui donnent accès à cette
doctrine à travers une intelligence chrétienne de la Bible.
D’où l’importance considérable des emprunts carolingiens
aux trois livres 6 à 8 des Étymologies  : ce compendium de
science sacrée où les réalités chrétiennes sont exposées à
travers le sens des mots qui les désignent12.
6 Déjà confirmée par certains Conciles de Tolède, qui l’avaient
cité respectueusement comme un doctor egregius parmi
d’autres autorités patristiques13, cette reconnaissance
d’Isidore de Séville comme docteur de l’Église n’est pas allée
de soi au Nord des Pyrénées. L’ancien arianisme des
Wisigoths, les relations mutuellement susceptibles entre les
archevêques de Tolède et la papauté, la floraison récente de
diverses hétérodoxies chrétiennes dans la péninsule envahie
par l’Islam : tout cela, chez les évêques de la Gaule franque,
fomentait le soupçon envers un pays qui put leur sembler
déjà celui des heterodoxos españoles14 Ce soupçon faillit
atteindre Isidore lui-même, lorsque l’archevêque Elipand de
Tolède invoqua son autorité à l’appui de l’hérésie
adoptianiste15. Dans une lettre à Charlemagne, Elipand se
réfère au « très illustre docteur de l’Espagne, le bienheureux
Isidore  », et il cite comme un texte «  adoptianiste  » un
passage des Étymologies. Isidore, en fait, n’y appuie guère la
thèse d’un statut de « fils adoptif » pour le Fils de Dieu : « Il
est premier né pour avoir assumé la nature humaine, dans
laquelle il daigna avoir des frères par la grâce de
l’adoptio  »16. Quelle adoption  ? Elipand entendait à contre
sens : l’adoption trinitaire du Fils par le Père. Ses adversaires
rectifièrent justement  : l’adoption des hommes, devenus
dans le Christ des fils adoptifs de Dieu, comme saint Paul
l’avait répété, en particulier au chapitre 8 de l’Épître aux
Romains17.
7 Pour appuyer ses thèses, l’hérésiarque Elipand ne se réclame
donc pas seulement des plus grands docteurs de l’Église
ancienne, mais aussi d’Isidore de Séville, qu’il associe à ces
docteurs comme un égal  : il nomme ainsi d’une traite
« Ambroise, Augustin, Hilaire et Jérôme », puis « Athanase,
Hilaire, Ambroise, Augustin, Isidore  ». Et il célèbre le
Sévillan comme la plus haute lumière théologique de
l’Espagne : « le bienheureux Isidore, éclat céleste de l’Église,
astre de l’Hespérie, docteur de l’Espagne »18.
8 Devant cette revendication hispanique de l’autorité
isidorienne, Alcuin ne se contente pas de critiquer
minutieusement l’erreur adoptianiste. Il montre
explicitement comment la théologie hispanique était, en fait,
parfaitement orthodoxe sur le point contesté. Il est ainsi
amené à délivrer à Isidore de Séville ses lettres les plus
patentes de docteur orthodoxe de l’Église universelle  :
«  L’autorité des docteurs du monde entier doit être plus
grande que celle de quelques-uns en Espagne. Or donc, le
bienheureux Isidore, l’homme le plus illustre qu’ait jamais
connu l’Espagne, propose bien des noms du Christ Dieu
dans ses Étymologies et ses autres écrits  ; mais nous ne
trouvons en aucun passage qu’il nomme le Christ Fils de
Dieu adoptif ou purement nominal. Au contraire, nous le
voyons toujours en accord avec la foi catholique de l’Église
universelle  »19. Et Alcuin est encore plus explicite dans son
traité Contre Elipand  : il y proclame Isidore «  très illustre
docteur non seulement de l’Espagne, mais d’absolument
toutes les Églises de langue latine »20.
9 Ce souci de blanchir de tout soupçon d’hérésie
«  subordinatienne  » la tradition hispanique amène aussi
Alcuin, dans le même traité, à joindre à l’autorité d’Isidore
celle de bien d’autres théologiens espagnols. Ainsi les Pères
des Conciles de Tolède : dans les canons de ces conciles, dit
Alcuin, « nous avons reconnu qu’il n’y avait rien de neuf ni
de contraire aux anciens Pères, mais que tout a été écrit, de
bout en bout, d’une plume catholique  »21. À l’autorité des
Pères de Tolède et à celle d’Isidore, Alcuin associe dans le
même texte celle du plus ancien poète latin chrétien,
Juvencus d’Elvire, un contemporain de Constantin  ; il
rappelle l’éloge qu’en avait fait saint Jérôme, avant de citer
quatre hexamètres de ce poète sur le Christ fils de Dieu (et
non pas fils adoptif)22. Cette association reparaît dans une
lettre du même Alcuin à Charlemagne, où sont présentés à
part, comme des autorités théologiques, «  Isidore
l’Espagnol, et Juvencus, un savant écrivain de la même
province  »  ; ceci au terme d’une liste qui va d’Augustin à
Bède le Vénérable et Grégoire de Nazianze23.
10 Dans le nouvel Empire (puisque cette dernière lettre est de
l’an 800), l’Espagne, vue de Rome et d’Aix, semble ainsi
redevenue une province de l’Occident. On sait que la réalité
fut moins glorieuse pour Charlemagne24. Mais l’important
est, pour nous, qu’une telle prise de position à la cour
carolingienne levait toute équivoque sur la valeur de l’apport
d’Isidore et des Espagnols à l’orthodoxie chrétienne
occidentale. Le maître des mots était aussi et d’abord
proposé comme un maître de pensée – de doctrine au sens
chrétien du mot. Le faux pas d’Elipand avait ainsi
paradoxalement entraîné, au sommet de l’Empire, la
proclamation publique d’Isidore comme docteur hispanique
de l’Église d’Occident, c’est-à-dire, d’abord, de l’Europe
carolingienne25.
***
11 Mais Isidore ne doit pas seulement cette sorte de promotion
européenne à l’orthodoxie de sa doctrine, à la conjoncture de
la controverse adoptianiste, ou à son autorité, incontestée
hors d’Espagne dès le VIIe siècle, de grammairien et de
lexicographe. Il la doit aussi au rôle qu’il a joué aux origines
les plus vivantes de la reformatio carolingienne26  : disons,
avec un mot d’aujourd’hui, à cette vaste entreprise de
restructuration de la chrétienté, jadis impériale et romaine,
à laquelle Charlemagne et ses successeurs ont attaché leur
nom. À mesure qu’ils connaissaient mieux, à travers la
diversité des œuvres d’Isidore, l’unité de son inspiration à la
fois culturelle et pédagogique, ecclésiale et politique, le
Sévillan put leur apparaître comme une sorte de modèle. Son
œuvre fut globalement reçue comme l’expression exemplaire
et diversifiée d’un même projet réformateur, mûrement
conçu et méthodiquement exécuté au service d’une Église
renouvelée, sous une dynastie nouvelle. Son auteur était
ainsi perçu comme une sorte d’auctor reformations, unique
en son genre dans la tradition patristique occidentale, par la
cohérence d’un projet à la fois religieux, culturel et
institutionnel.
12 Et de fait, le Sévillan était en tous sens plus proche d’eux –
dans le temps, l’espace, la problématique à la fois temporelle
et spirituelle – que la plupart des autres Pères de l’Église
ancienne27. Sans doute, deux siècles exactement s’étaient
écoulés entre le Concile III de Tolède de 589, et le principal
manifeste de l’entreprise culturelle, ecclésiale, voire
politique au sens le plus large, de Charlemagne et de ses
conseillers  : l’Admonitio generalis de 78928. Sans doute
aussi, Aix-la-Chapelle n’est pas Tolède  ; l’Église
carolingienne, si attachée à la papauté, n’est pas l’Église
nationale wisigothique29  ; le couronnement de l’empereur
Charles à Rome n’est plus réductible à celui des rois
wisigoths à Tolède30. Mais il n’en existait pas moins des
analogies entre les conjonctures que nous avons choisi de
symboliser par les dates de 589 dans le royaume hispano-
gothique, et de 789 dans le royaume des Pippinides. Dans les
deux cas, il s’agissait de rétablir, dans l’Église et l’État, un
ordre troublé par la négligence, l’inculture, l’anarchie
endémique, la corruption morale, bref de réformer – de
reformer – ce qui s’était déformé31  ; de réaliser ainsi
l’unification non seulement politique, mais aussi et d’abord
religieuse, sous une dynastie nouvelle qui fondait sa
puissance sur une étroite alliance entre le pouvoir politique
et les autorités religieuses. Le mot d’ordre n’était pas  :
innover  ; mais au contraire  : restaurer, revenir à la pureté
des origines. Et dans les deux cas, il fallait pour cela corriger,
ordonner, unifier, selon les normes anciennes32.
13 L’œuvre d’unification et de continuité politique, réalisée par
les premiers Pippinides dans le vaste royaume franc, n’était
pas elle-même sans analogie avec celle des rois unificateurs
Léovigilde et Reccarède dans un royaume wisigothique
étendu à toute la péninsule Ibérique. Conscients, les uns et
les autres, de renouer avec une tradition qui remontait à
l’Empire chrétien du IVe siècle, ces princes entendaient
rétablir ou maintenir une unité de foi qui pût fonder la
cohésion d’un royaume rassemblé sous l’autorité d’un
monarque catholique33. Cet idéal doublement unitaire avait
trouvé son expression dès 589, à la fin de l’homélie
(d’idéologie carolingienne avant la lettre) par laquelle
Léandre de Séville clôtura en 589 le IIIe Concile de Tolède :
«  Nous devons désormais, dans l’unanimité, nous tous qui
sommes devenus un seul royaume, adresser à Dieu nos
prières aussi bien pour la stabilité du royaume terrestre que
pour la félicité du royaume céleste, pour que le royaume et le
peuple qui ont glorifié le Christ sur terre, soient glorifiés par
lui non seulement sur terre mais aussi au ciel  »34. Sous la
férule de son frère aîné Léandre, Isidore de Séville était déjà
à bonne école.
14 Dans l’ordre d’une action réformatrice de l’Église, on voit
bien l’expression appliquée de cet idéal dans les Actes du IVe
Concile de Tolède, célébré en 633 sous la présidence
d’Isidore. L’essentiel de ses 75 canons conciliaires a pour
objet la restructuration des Églises d’Espagne, depuis le
contenu de la foi jusqu’aux plus modestes règlements
destinés à rétablir l’ordre dans la société religieuse, et
l’ordonnance minutieuse de la liturgie. Il faudrait, à ce point
de notre enquête, approfondir l’étude comparative du
lexique et des thèmes de ces canons (auxquels il faudrait
joindre les mots et les thèmes du livre 7 des Étymologies, du
traité d’Isidore De origine officiorum, et du troisième livre
de ses Sententiae) avec les mots et les thèmes des
capitulaires carolingiens et de la correspondance d’Alcuin35.
Une telle étude serait propre à vérifier notre hypothèse de
travail  : elle mettrait en valeur, en dépit de certaines
mutations de contenu ou de vocabulaire, la permanence des
mots d’ordre de reformatio, d’Isidore de Séville aux
carolingiens. Prenons un seul exemple  : la préface des
canons de Tolède IV. Elle définit clairement en ces termes
l’action entreprise  : «  observer le droit ecclésiastique...
corriger des usages dûs à la négligence et dont la pratique
abusive a entraîné une licence contraire aux coutumes de
l’Église  »36  ; s’attaquer aussi, en matière liturgique, à «  la
disparité illicite des célébrations dans les Églises
d’Espagne  » et «  aux abus reconnus qui dépravent les
mœurs  »37. Bref, conserver et observer, corriger, unifier,
régler  : on reconnaît déjà dans ces Actes conciliaires les
valeurs et parfois les vocables même que l’on retrouvera
dans les dispositions carolingiennes.
15 Les mêmes maux ont appelé les mêmes remèdes  : ceux-là
même qui avaient inspiré Isidore dans les œuvres susdites.
Avant même de procéder à une comparaison du lexique et
des textes, on peut affirmer, d’Isidore aux carolingiens, une
filiation matériellement vérifiable. D’une part, la diffusion de
la collection canonique Hispana et la reprise des Actes des
conciles tolédans à l’intérieur de nouvelles collections
canoniques carolingiennes38 invitent à penser que les Actes
du IVe Concile de Tolède ont été un véhicule efficace de la
pensée isidorienne en matière de réforme de l’Église. D’autre
part, entre ces canons et le dernier livre des Sentences
d’Isidore, qui contient un véritable projet de société
chrétienne, détaillant les devoirs du chrétien dans tous les
états de vie, Pierre Cazier a montré en 1986 des affinités
frappantes ; elles invitent à considérer les Sentences comme
une œuvre dont le contenu est proche des dispositions du IVe
Concile  : de cette sorte de testament d’Isidore sur la
nécessaire «  correction  » de la société chrétienne, les
carolingiens ont été les héritiers directs39.
16 Non moins importante, et plus évidente encore, est la lecture
carolingienne du dernier des traités antiques et chrétiens De
officiis : ce De ecclesiasticis officiis qu’Isidore avait intitulé,
en fait, De origine officiorum40. L’influence exercée par cet
ouvrage ressort non seulement de l’ampleur de sa tradition
manuscrite carolingienne, mais aussi des travaux de
recherche des sources menés sur des œuvres comme celles
de Théodulf41. Et ce même traité figure aussi en bonne place
parmi les sources des traités carolingiens De institutione qui
tracent respectivement une règle de conduite aux clercs, aux
chanoines, et même aux laïcs42.
17 Cette figure d’Isidore instigateur et garant de la reformatio
carolingienne est cohérente avec la précédente : le maître de
foi fut aussi maître de vie, personnelle aussi bien que
collective. Paradoxalement, la réalisation d’un tel idéal
réformateur a été plus effective, du moins pour un temps,
dans l’Empire de Charlemagne, que dans un royaume
wisigothique en proie dès l’origine aux factions de la
noblesse, et au morbus gothicus des usurpations violentes et
meurtrières ; et cela, déjà du vivant d’Isidore43. Tout se passe
donc comme si la société carolingienne et surtout ses princes
et ses lettrés s’étaient plus efficacement imprégnés des
œuvres d’Isidore que ses propres contemporains et
compatriotes44. C’est là un autre indice de ce qu’on pourrait
appeler la vocation européenne d’Isidore de Séville.
18 On pourra s’étonner que nous terminions par la figure
d’Isidore «  exégète de la nature  ». C’est qu’en fait, cette
figure d’Isidore naturaliste, dans la représentation de
certains lecteurs carolingiens, est, à la réflexion, plus globale
en sa double implication. Certes, le titre du traité d’Isidore
De natura rerum retourne encore exactement celui du
poème de Lucrèce De rerum natura  ; et cette connaissance
de la nature selon la tradition scolaire antique s’insère dans
l’ample programme des manuels isidoriens45. Mais la
composition des corpus d’œuvres d’Isidore, qui apparaissent
constitués dans nos manuscrits dès le début de la période
carolingienne, oriente la réflexion vers un horizon plus large.
Ces corpus présentent en effet l’association inattendue des
traités isidoriens De natura rerum et De origine
officiorum46. Une telle association pourrait suggérer que
ceux qui ont constitué ou recopié ces corpus, aux VIIIe et IXe
siècles, ont voulu marquer ainsi l’existence d’une relation
symbolique  : entre l’ordre de la nature cosmique et l’ordre
humain et moral – celui des structures hiérarchiques et
liturgiques de l’Église autant que de la société chrétienne
tout entière47.
19 Mais pour comprendre comment s’est formée la figure
carolingienne d’Isidore «  exégète de la nature  », il faut
d’abord partir des transformations que son De natura rerum
a subies dès sa plus ancienne transmission48. Il faut aussi
passer par la réécriture très libre qu’en a donnée, en
conservant pourtant le même titre, Bède le Vénérable, dans
l’Angleterre du début du VIIIe siècle49, pour aboutir enfin à
une synthèse nouvelle de cette tradition, synthèse plus
pleinement isidorienne dans son contenu comme dans son
esprit  : celle qu’opère, environ un siècle plus tard, un élève
d’Alcuin, le futur abbé de Fulda Raban Maur, dans son traité
De naturis rerum, ultérieurement sous-titré aussi De
uniuerso50.
20 Fidèle à la tradition antique des « traités de la nature », dont
il conservait encore le plan canonique (astronomie,
météorologie comme science des météôra, cosmographie
terrestre), le De natura rerum isidorien s’en distinguait par
l’addition, en tête, d’une hémérologie où étaient exposées les
principales divisions du temps. Isidore n’en disait pas moins,
dans sa préface, qu’il comptait «  suivre les œuvres des
écrivains catholiques », tout en associant « certains auteurs
païens et ecclésiastiques  »51. Mais la lecture chrétienne des
réalités cosmiques préoccupait trop Isidore, par ailleurs
exégète de la Création52, pour qu’il s’en tînt au savoir profane
traditionnel. C’est pourquoi, dans une majorité de chapitres,
il avait joint à son exposé astronomique une brève
explication du sens allégorique des réalités cosmiques53. À la
connaissance rationnelle des phénomènes naturels se
trouvait ainsi déjà associé le sens spirituel que leur donnait
l’exégèse chrétienne.
21 Un siècle après, Bède en sa jeunesse ne l’entendit pas de
cette oreille. Répugnant à un tel mélange des genres, il
dispose bien, en tête de son traité homonyme, une sorte de
«  chapeau  » consacré à l’exégèse de la Création. Mais
ensuite, il fait disparaître presque entièrement de son exposé
toute allusion allégorique, et il renforce la technicité antique
de son traité en faisant de larges emprunts au second livre de
l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien54. Cela ne l’empêche
pas d’exprimer, en un quatrain situé en exergue de son
traité, une direction d’intention à la fois cognitive et
contemplative, dont la double note reste fidèle à l’esprit de la
conception isidorienne, autant qu’à l’invitation de saint Paul
à s’élever par les réalités visibles à la contemplation des
réalités invisibles55. Ainsi le moine Bède se trouve-t-il
comme écartelé, face à la nature, entre l’amour des sciences
et le désir de Dieu : il ressent et porte à une sorte de tension
extrême la dualité du traité isidorien.
22 La synthèse carolingienne succède à cette antithèse. Distinct
des deux précédents, l’Isidore naturaliste, tel qu’il est lu et
récrit par Raban Maur, se laisse déjà entrevoir dans le titre –
au pluriel – de son gros traité Sur les natures des choses. Ce
titre résume un projet clairement explicité dans les deux
préfaces qu’il a tour à tour dédiées à son ami l’évêque
Hammon de Halberstadt et à l’empereur Louis le Pieux56.
«  S’y trouvent exposées, dit Raban, bien des connaissances
sur la nature des choses et sur le sens propre des mots, mais
aussi, en plus, sur la signification spirituelle des réalités »57.
Le pluriel naturis du titre faisait donc allusion à deux ordres
de réalités, que nous dirions aujourd’hui temporelles et
spirituelles. Raban Maur précise d’ailleurs l’idée en faisant
clairement appel aux catégories de l’exégèse biblique  : il
entend associer étroitement le sens littéral et la signification
spirituelle de toute chose58. Il se montre ainsi plus isidorien
qu’Isidore, en achevant de superposer comme deux natures
harmonieusement appariées les deux ordres de réalités
atteints par la science et la foi, par le naturaliste antique et
l’exégète chrétien.
23 C’est pourquoi il amplifie encore l’autorisation qu’Isidore
naturaliste avait tirée d’un passage du Livre de la Sagesse où
Salomon rapportait à Dieu sa connaissance des sept arts, et
donc de l’astronomie  ; il y joint, à la suite du même texte
biblique, la connaissance de l’homme, des animaux et de
toutes choses59. Pour naïve qu’elle puisse nous sembler dans
ses moyens, cette recherche, par Raban, d’une synthèse
globale de tous les savoirs, et pour ainsi dire d’une sorte
d’équation universelle, s’exprime dans l’unicité de ce vaste
traité De rerum naturis. Son sous-titre (ultérieur, mais qui
correspond bien au contenu encyclopédique de l’œuvre), De
uniuerso, pourrait se traduire en termes modernes : « De la
totalité de l’existant ». La matière s’en répartit en 22 livres :
le nombre des livres de la Bible, selon Jérôme relayé sur ce
point par Isidore60. On y trouve une sorte d’édition remaniée
et allégorisée des Étymologies d’Isidore. Raban y répartit le
contenu de l’encyclopédie isidorienne selon un ordre
descendant, du Dieu Créateur aux humbles objets créés par
les arts et techniques de l’homme  ; à notre avis, cet ordre
pourrait avoir été emprunté à la composition des Sentences
d’Isidore61. Chemin faisant, une allégorisation constante
rend transparent à la Révélation le contenu total de
l’encyclopédie isidorienne.
24 Le visage du Sévillan n’en est pas défiguré ; mais il se trouve
comme éclairé de l’intérieur par cette généralisation de la
méthode allégorique. Tout se passe comme si Raban Maur
avait voulu réaliser la synthèse pressentie par Isidore dans
son échantillonnage encyclopédique de tous les savoirs, mais
sur la base élargie d’une science totale de la nature visible et
invisible, remontant sans cesse des choses créées à la
Révélation qu’elles manifestent62.
***
25 Les trois visages de l’Isidore carolingien que nous venons
d’esquisser sont loin d’épuiser tous les aspects de l’influence
exercée par l’Espagne wisigothique sur cette première
culture européenne. Ils ont permis néanmoins de préciser
trois angles de vue sous lesquels les lecteurs d’Isidore ont
aimé à se représenter alors l’évêque de Séville. Ils
l’assimilent aux grandes figures des auctores – écrivains et
garants – de la foi chrétienne à l’âge patristique63. Avec et
après Bède le Vénérable, à la mesure même de la place
considérable que les œuvres du Sévillan occupaient déjà
dans la culture anglo-latine du VIIIe siècle64, Alcuin d’York
associe le Sévillan à cette cohorte des garants universels de
la foi chrétienne. L’affaire adoptianiste lui offre l’occasion de
cette éclatante uindicatio Isidori contre le particularisme
obstiné d’Elipand de Tolède. Il est notable que cette
revendication soit le fait d’un Anglo-saxon devenu comme le
ministre de la culture de Charlemagne, et non pas de
l’Espagnol Théodulf  : comme si les plus ardents champions
de l’auctoritas Isidori dans l’Europe carolingienne avaient
été les insulaires, plus encore que les réfugiés hispaniques
directement arrivés de la péninsule65.
26 Ce prestige du doctor ecclesiae a rehaussé celui dont
jouissait depuis deux siècles l’auteur des Étymologies,
devenues le manuel de base de toute culture et la table de
référence d’un usage correct de la langue latine. Mais cette
emprise de la culture isidorienne s’est exercée plus
originalement en deux directions  : d’abord, la reformatio
ecclésiale et l’idéologie politique et sociale du nouvel
Empire  ; d’autre part, la synthèse d’une culture où l’ordre
humain restauré par la reformatio correspond à l’ordre de la
nature créée, déchiffrée comme une Bible allégorique offerte
à la sagacité d’une exégèse à la fois particulière et
généralisée. Sur ce point, le De rerum naturis de Raban
Maur offre une sorte de «  portrait en relief  » d’Isidore  : il
combine en effet l’auteur du Traité de la nature, celui des
Étymologies, mais aussi l’exégète allégorisant qui avait
rédigé des Questions sur divers livres de la Bible, et sans
doute également l’auteur des Sentences.
27 Ces divers portraits sont bien ceux d’un même auteur,
intronisé, par les carolingiens prenant la suite des insulaires,
au cœur d’une tradition vivante, en prise sur une réalité
religieuse, politique, culturelle, en pleine mutation créatrice.
Cette mutation n’aurait pas été ce qu’elle fut sans
l’empreinte isidorienne, dont nous sommes encore loin de
mesurer à la fois la profondeur et l’originalité. La présente
étude avait la seule ambition d’ouvrir quelques pistes de
recherche vers cette réception active de l’héritage isidorien :
simple esquisse d’études à venir – skia tôn ésoménôn, selon
la belle et mystérieuse définition que saint Paul a donnée de
la foi.

Notes
1. Sur ces deux conciles, partir des analyses de José Orlandis, dans J.
Orlandis – D. Ramos Lisson, Historia de los Concilios en la España
romana y visigoda, Pampelune, 1986, p. 197-226 et 261-298. En
attendant les Actes (sous presse) du Congreso internacional  : XIV
Centenario del Concilio III de Toledo 589-1989, voir J. Fontaine, « 589,
El Concilio de Toledo III  : una fecha importante en la historia de
España », conférence publiée dans Cuadernos de pensamiento, 4, 1989,
87-96, mais aussi le chapitre sur « la Renaissance isidorienne », dans Id.,
Isidore de Séville et la culture classique dans l’Espagne wisigothique,
Paris, 19832, 2, p. 862-888, et 3, 1180-1189.
2. Textes latins et références donnés ib. p. 865-866. Les deux verbes
restaurare et reciprocare expriment notre métaphore de « renaissance »
par deux images distinctes, mais de sens convergents  : l’image
architecturale de restauration, et celle, biologique, de-rendre le souffle-
(mise au point sur ce sens particulier ib. 3, p. 1182).
3. J. Orlandis, op. cit. (sup. n. 1), p. 261 et 263, titre son chapitre sur le
IVe Concile : « La obra constituyente del IV Concilio de Toledo », avant
de préciser dans son introduction  : "Isidoro iba a ser el presidente y el
mentor ideologico del concilio... la obra legislativa de la asamblea,
animada y dirigida por él, seria la plasmación constitucional de la
doctrina isidoriana, tanto en lo referente a la Iglesia hispana como al
reino visigodo de Toledo ».
4. Dès le VIIIe siècle, le Chronicon Albeldense, 44, 1, p. 24 (et note, p.
86), éd. Bonnaz, en une phrase restée célèbre, rapporte comment
Alphonse II restaura à Oviedo l’ordo Gothorum, à l’image de Tolède  :
«  Omnemque Gothorum ordinem, sicuti Toleto fuerat, tam in ecclesia
quam in palatio in Oueto cuncta statuit  ». Cet ordo vise à la fois
l’urbanisme sacré et royal, les hiérarchies ecclésiastique et palatiale et
leurs rituels ; enfin, cet-ordre gothique-implique aussi, plus largement, la
civilisation du royaume de Tolède et toutes ses valeurs politiques,
religieuses, culturelles.
5. La liste « canonique » établie par la critique moderne n’a guère changé
depuis la synopse chronologique établie par J. A. de Aldama,
«  Cronología de las obras isidorianas  », dans Miscellanea Isidoriana,
Rome, 1936, p. 88 – sauf pour le De ordine creaturarum, identifié
depuis comme une œuvre irlandaise pseudo-isidorienne –. Donnons un
classement sommaire par genres, en citant sous forme abrégée les titres
actuellement reconnus, et en suivant dans chaque catégorie l’ordre
chronologique de J. A. de Aldama  : 1) ouvrages grammaticaux et
scolaires : Differentiae, Synonyma, De natura rerum, Etymologiae ; 2)
ouvrages historiographiques : Chronica, De uiris illustribus, De origine
Gothorum ; 3) ouvrages de science biblique : Prooemia, De ortu et obitu
patrum, Liber numerorum, Allegoriae, Quaestiones in libros ueteris et
noui Testamenti ; 4) ouvrages ecclésiastiques et doctrinaux : De origine
officiorum, De haeresibus, Sententiae, De fide catholica contra Iudaeos,
Regula monachorum. Il est notable que cette liste de 17 titres soit déjà
attestée (avec des variantes dans les libellés et dans l’ordre des ouvrages)
par Braulion de Saragosse, ami et disciple d’Isidore, dans sa célèbre
Renotatio librorum lsidori, conservée par deux mss. de Léon et Paris,
dont les versions sont reproduites dans C.H. Lynch y P. Galindo, San
Braulio..., Madrid, 1950, p. 356-361.
6. Excellente mise au point de B. Bischoff, «  Die europäische
Verbreitung der Werke Isidors von Sevilla  », dans Isidoriana, León,
1961, p. 317-344, à compléter par les résultats acquis dans les rares
éditions récentes d’une œuvre d’Isidore qui ont établi un stemma des
mss. les plus anciens. Nous avons donné l’exemple dans notre éd. du De
natura rerum, Bordeaux, I960 : voir le stemma, p. 70 bis, sa projection
cartographique (carte hors texte, face à la page 83), et les conséquences
que nous en avons tirées sur la réception en Europe de ce traité, entre
613 et 800 : « La diffusion du De natura rerum en Europe de Sisebut à
Charlemagne  », ib., p. 69-83. Malheureusement, les autres traités se
prêtent moins bien, jusqu’ici, à une telle étude codicologique de leur
réception : voir les résultats obtenus par C. Chaparro Gómez sur le De
ortu et obitu patrum, Paris, 1985 (coll. ALMA), Chr. Lawson sur le De
origine officiorum, dans la préface de son excellente édition du CCL, 113,
1989, enfin P. Cazier sur les Sententiae (sous presse dans la coll.
ALMA). Voir aussi le dossier d’E. Anspach, «  Das Fortleben Isidors im
VII. bis IX. Jahrhundert », dans Miscellanea Isidoriana, Rome, 1936, p.
323-356  ; et, pour l’Espagne, M. C. Díaz y Díaz, «  Isidoro en la Edad
Media Hispana », dans Isidoriana, León 1961, p. 345-387 (va du VIIe au
XVe siècle).
7. On peut glaner beaucoup dans les apparats des œuvres carolingiennes
éditées dans les MGH : poèmes, correspondances, capitulaires. Et aussi
dans des monographies comme celles de L. Wallach sur Alcuin et
Charlemagne (inf. n. 28), d’E. Dahlaus-Berg sur Théodulf (inf. n. 40),
d’E. Heyse sur les sources du De naturis rerum de Rhaban Maur (inf. n.
50). Mais on manque encore de monographies sur les divers aspects de
l’influence de telle œuvre d’Isidore sur tel(s) auteur(s) d’époque
carolingienne. Elles requerraient une méthode aussi délicate que celle
dont nous avons défini les exigences, pour Isidore lui-même, dans notre
réflexion  : «  Problèmes de méthode dans l’étude des sources
isidoriennes  », dans Isidoriana, León, 1961, p. 115-132. La présente
étude et plusieurs autres de ce colloque ouvrent la voie à une telle étude
de l’immense « réception » d’Isidore dans la culture européenne.
8. L’exemple du De ordine creaturarum montre que l’essor des Pseudo-
Isidoriana a sans doute commencé très tôt dans les milieux insulaires,
où l’admiration pour les œuvres du Sévillan a encouragé à prêter à ce
riche plus qu’il n’avait écrit. Voir aussi les constatations sur le pseudo-
isidorien De numeris (à ne pas confondre avec l’authentique Liber
numerorum, souvent titré aussi, anciennement, De numeris !), dans R.E.
McNally, «  Isidorian Pseudepigrapha in the early Middle Ages  »,
Isidoriana, León, 1961, p. 304-316. On sait que je placerais volontiers les
Institutionum disciplinae pseudo-isidoriennes parmi les productions
carolingiennes du IXe siècle, tandis que P. Riché continue d’y voir un
pseudo-isidorien issu du VIIe siècle hispanique : voir notre contribution
aux Mélanges A. C. Vega, El Escorial, 1968, p. 199-237, et P. Riché,
Écoles et enseignement dans le haut Moyen Âge..., Paris, 19892, p. 390-
391, qui substitue au titre latin  : «  Programme d’instruction d’un
aristocrate wisigoth ». Voir aussi la liste provisoire de pseudo-isidoriens
dans la CPL 2, n° 1216-1229.
9. En vertu d’une logique paradoxale, bien des Pseudo-Isidore n’ont
réussi à imposer leur attribution fallacieuse que pour avoir introduit
dans leur langue, leur style, leur problématique même, certaine couleur
isidorienne. Contribution à un portrait intellectuel d’Isidore de Séville
dans la 6e partie, synthétique, sur-La culture d’Isidore de Séville  », de
notre Isidore (cité sup. n. 1). Le petit essai d’E. Adnès, «  Remarques
psychobiologiques sur St. Isidore de Séville  », dans Isidoriana, León,
1961, p. 467-474, est plus curieux que convaincant. Il reste beaucoup à
tirer des quelques lettres conservées du Sévillan, commodément éditées
avec les lettres symétriques envoyées à Isidore par son ami Braulion de
Saragosse, au début de l’éd. Lindsay des Etymologiae, 1, Oxford, 1911
(éd. non paginée).
10. Sur l’originalité des méthodes isidoriennes et la médiation efficace
exercée par Isidore entre les traditions antiques et l’élaboration d’une
nouvelle culture chrétienne, partir de notre Isidore de Séville (cité sup. n.
1) et des travaux de P. Riche, en particulier de sa thèse sur Éducation et
culture dans l’Occident barbare, VIe-VIIIe siècles, Paris, 19763, et, plus
largement, de son ouvrage Écoles et enseignement dans le haut Moyen
Âge, Paris, 19892.
11. Texte, traduction et notes d’Augustin, De doctrina christiana, éd.
Combès et Farges (Coll. Bibliothèque augustinienne, 11), Paris, 1949. Sur
l’importance de ce traité parmi les sources d’Isidore voir J. Fontaine,
Isidore de Séville (cité n. 1), index, t. 2, p. 933, et vue d’ensemble p. 794-
796. On a beaucoup discuté sur le sens de doctrina dans ce titre ; il faut
évidemment partir de son double sens  : général et antique,
d’enseignement (au sens de l’acte et du contenu) ; particulier et chrétien,
d’enseignement de la foi, conformément au dernier précepte du Christ
des Évangiles (« Enseignez » ou « Faites des disciples » dans toutes les
nations). Concrètement, cet enseignement de la-doctrine-chrétienne se
donne dans la catéchèse et la prédication, d’abord orales puis publiées
éventuellement par écrit (manuels de catéchèse et recueils de sermons).
12. Etym. 6, « De libris et officiis ecclesiasticis » ; 7, « De Deo, angelis et
sanctis  »  ; 8, «  De ecclesia et sectis  ». Il faut y joindre l’influence des
petits manuels de science biblique : les 4 ouvrages de la troisième série
(citée sup. n. 5) ; et les ouvrages ecclésiastiques et doctrinaux (quatrième
série, ib.). La majorité des plus anciens mss. de ces ouvrages ont été
copiés aux siècles carolingiens, et dans toute l’Europe, continentale et
insulaire : voir l’étude de B. Bischoff (citée sup. n. 6).
13. Les huitième et quinzième Conciles de Tolède, respectivement réunis
en 653 et 688, (p. 276 et 462 éd. Vives – dont on garde ici l’orthographe
–), citent Isidore comme un « docteur éminent ». Le huitième l’appelle
« Nostri quoque saeculi doctor egregius, ecclesiae catholicae nouissimum
decus, praecedentibus aetate postremus, doctrinae comparatione non
infimus, et quod maius est in saeculorum fine doctissimus  », avant de
citer deux extraits isidoriens après les insérendes «  Ysidorus in libro
sententiarum secundo  » et «  similiter in Synonimis  », Le quinzième
Concile cite ISID. diff. 2, 24 (sur la différence entre les deux substantiae
de l’homme et les trois du Christ) sous l’insérende  : «  sequentes
sententiam doctoris egregii Spalensis sedis episcopi ».
14. On sait que les courants hétérodoxes ont été nombreux dans
l’histoire du christianisme espagnol  : nous en empruntons l’expression
au titre de la fameuse œuvre de M. Menéndez y Pelayo, Historia de los
heterodoxos españoles. L’archevêque de Tolède Elipand, avant de
soutenir ses thèses adoptianistes, avait combattu l’hérésie complexe de
Migetius en Bétique : cf. ib. 2, p. 278. Le contentieux mérovingien avec
les rois de Tolède au sujet de la Septimanie, l’invasion arabe de celle-ci,
l’occupation islamique durable d’une grande partie de la péninsule,
l’échec de Charlemagne en 778 devant les Arabes de Saragosse, puis
l’écrasement de son arrière-garde par les Basques à Roncevaux,
formaient une suite d’événements inquiétante pour les rois francs –
même si Charlemagne semble avoir entretenu par la suite des relations
cordiales avec le roi Alphonse II d’Oviedo ». Sur les hérésies renaissantes
dans l’Espagne occupée par l’Islam, B. Llorca, «  Herejías en España-
dans DHEE, 2, Madrid, 1972, p. 1082-1083.
15. Sur l’adoptianisme, sélectionnons trois titres  : H. Quillet, S. V.
adoptianisme, dans DThC, 1,1930, c. 403-413 ; R. d’Abadal, La batalla
del adopcionismo, Barcelona, 1949  ; Wheil, «  Der Adoptianismus,
Alkuin und Spanien », in Karl der Grosse 2, Das geistige Leben, hsg. v.
B. Bischoff, Düsseldorf, 1965, p. 95-156. La querelle adoptianiste tient
une place considérable dans la correspondance d’Alcuin, qui a d’autre
part écrit deux gros traités de polémique doctrinale contre les
adoptianistes Félix d’Urgel et Elipand de Tolède  : voir F. Brunhoelzl,
Geschichte der lateiniscben Literatur des Mittelalters, 1, München, 1975,
p. 277sq.
16. Elipand, Epístola episcoporum Hispaniae ad Karolum Magnum (a.
792-793 : M. C. Díaz y Díaz, ICLMAH, n° 416, p. 111), MGH, Conc. 2, ca.
1, 1, p. 120, cite à l’appui de l’adoptianisme  : ISID. etym. 7, 2, 13b  :
« Primogenitus, secundum susceptionem hominis, in qua per adoptionis
gratiam fratres habere dignatus est, quibus esset primogenitus » (dont le
contenu se trouve déjà, sensiblement dans les mêmes termes, chez ISID.
diff. 2, 6, 15).
17. Ainsi Romains 8, 15  ; 8, 23  ; et surtout 8, 29, déjà cité à ce propos
dans le texte d’ISID. diff. 2, 6, 15 : « iuxta id quod Apostolus ait : ut sit
ipse primogenitus in multis fratribus ». Voir aussi, dans Paul, Gal. 4, 5 et
Eph. 1, 5.
18. ALC. epist. 182 (en fait, d’Elipand de Tolède à Alcuin), MGH, epist. 4,
p. 301, 3  : «  sanctorum uenerabilium patrum Ambrosii, Augustini,
Isidori, Hieronymi...  »  ; p. 302, 38  : «  da mihi testimonium beati
Athanasii, Hilarii, Ambrosii, Augustini, Isidori...  ». Ib., p. 303, 35  :
«  Beatus quoque Isidorus iubar ecclesiae, sidus Hesperiae, doctor
Hispaniae...  ». Suit la citation d’etym. 7, 2, 13 et 41 à 49. La triple
formule tend bien à situer en Espagne le foyer le plus lumineux de la
théologie occidentale, puisque l’hellénisme Hesperia équivaut au mot
latin Occidens, et qu’il pouvait, dans la tradition antérieure, désigner
l’Espagne aussi bien que l’Italie.
19. ALC. epist. 166 à Elipand de Tolède, MGH, epist. 4, p. 224, 8 sq.  :
«  Maior quoque auctoritas doctorum totius mundi debet esse quam
paucorum in Hispania. Igitur beatus Isidorus, cui nihil Hispania elarius
habuit, multa nomina ponit de Deo Christo in ethimologiis uel aliis
scripturis suis. Sed in nullo loco inuenimus eum adoptiuum uel
nuncupatiuum Dei filium Christum nominare. Sed semper uniuersali
sanctae Dei ecclesiae in catholica fide eum consentire uidemus ».
20. ALC. Aduersus Elipandum 2, 8, PL 101, 266 a : « Beatissimi itaque
Isidori clarissimi doctoris non solum Hispaniae, uerum etiam cunctarum
Latinae eloquentiae ecclesiarum perplurima legebamus opuscula, et in
magna habemus ueneratione ».
21. Dans le contexte ultérieur (ib.), Alcuin vante en ces termes
l’orthodoxie christologique des conciles tolédans  : «  Venerabiliumque
patrum in Toleto synodales ad nos peruenerunt sanctiones, in quorum
litteris nihil noui uel antiquis contrarium patribus, sed omnia catholico
stylo perscripta agnouimus ».
22. Ib., c. 266a  : «  Sed et Iuuenci presbyteri atque optimi scholastici,
quem beatus Hieronymus laudat, carmina Euangelicae historiae
perspeximus, qui in quodam uersu Christum proprium filium Dei
catholico ore non formidauit appellare » (suit la citation de Juvencus 1,
60-63).
23. ALC. epist. 203 ad Karolum, ib., p. 337, 6  : «  necnon et Ysidori
Hispaniensis et Iuuenci eiusdem prouinciae scholastici  » (après la
citation de multiples Pères anciens, d’Augustin et Grégoire le Grand à
Bède et Grégoire de Nazianze, et avant des exempla tirés d’Origène,
Cassien et saint Paul). On peut se demander si Alcuin ou son scribe n’a
pas confondu Hispalensis et Hispaniensis ; mais la reprise par eiusdem
prouinciae appuie plutôt la seconde leçon.
24. Non seulement dans la campagne de Saragosse et à Roncevaux, mais
même dans la reconquête de la future Catalogne, qui tourna court après
la reprise de Barcelone en 801, en dépit de la formation de ce qu’on a
appelé la marca Hispánica.
25. Et avec lui, la querelle fit ressortir, face aux prétentions d’Elipand,
l’accord entre la majorité des théologiens wisigothiques et la foi de
l’Église universelle. Jugée aux Conciles de Francfort et de Ratisbonne,
l’affaire adoptianiste était devenue affaire d’Empire. Dès lors, grâce à
l’examen détaillé auquel furent soumises les autorités hispaniques
invoquées par Elipand, la patristique wisigothique, derrière la figure
éminente d’Isidore de Séville, apparut en pleine communion avec les
autres Églises d’Europe au Nord des Pyrénées. Elipand put sembler le
bouc émissaire des malentendus et des soupçons séculaires entre la
péninsule et les royaumes francs  ; mais en revanche, les théologiens
hispano-romains et wisigothiques entraient clairement dans le marché
commun de la patristique européenne.
26. Quelques titres importants : outre le petit livre suggestif et discuté de
J. Fleckenstein, Die Bildungsreform Karls des Grossen als
Verwirklichung der norma rectitudinis. Bigge-Ruhr, 1953, voir P.
Schramm, «  Karl der Grosse, Denkart und Grundauffassung, die von
ihm bewirkte correctio », dans HZ, 198, 1964, p. 306-345 ; les 4 tomes de
Karl der Grosse publiés en 1965 à Düsseldorf (voir sup. n. 15)  ; les
communications et discussions de la Settimana XXVII de Spolète
(1979)  : Nascita dell’Europa ed Europa carolingia..., 2 vol., Spoleto,
1981. Synthèse récente de P. Riché, Les Carolingiens : une famille qui fit
l’Europe, Paris, 1988.
27. Grégoire le Grand affirmait des préoccupations essentiellement
ecclésiastiques dans sa Regula pastoralis, et il ne fut, sauf par une
correspondance épisodique, le conseiller d’aucun prince. Cassiodore,
définitivement retiré dans son cloître de Vivarium, trace dans ses
Institutions un programme ambitieux de culture antique et chrétienne
qui s’adresse à des moines. Bède est resté toute sa vie un moine, même si
son Historia ecclesiastica Anglorum le montre attentif à la
christianisation de l’Angleterre de son temps. À la différence de ces trois
hommes, Isidore préfigure plus nettement la conjoncture carolingienne
par son style de vie et son projet littéraire : évêque ami des rois, il vient à
leur cour ; il offre un plan de vie aux chrétiens de toutes conditions dans
l’Église et de toutes fonctions dans l’État – du roi aux iudices, en
particulier à travers le dernier livre de ses Sentences – ; il ramène l’Église
aux règles anciennes de ses officia, dans son De origine officiorum. Les
conditions, les normes, les ambitions de son action dans le royaume
wisigothique préfigurent déjà celles de l’action de Charlemagne et
d’Alcuin dans l’Empire.
28. Édition classique de cette Monition générale du 23 Mars 789 dans
MGH, Legum sectio secunda, 1, Capitularía regum Francorum 22, p.
52, et notre analyse dans la settimana XXVII (citée sup. n. 26), 1, p. 782
sq. Il faut y joindre d’autres documents de Charlemagne (indiqués ib.) ;
et l’ouvrage fondamental deL. Wallach, Alcuin and Charlemagne,
Studies in Carolingian History and Literature, Ithaca New-York, 1959,
après la synthèse classique de H. Kleinklausz, Alcuin, Paris, 1948.
29. Même si toutes deux sont des capitales centrales de royaumes. Leur
signification géopolitique est analogue  : elles symbolisent une sorte
d’unité nationale, autour d’un centre qui est la principale résidence fixe
du souverain – donc l’urbs regia par excellence – : le modèle romain
(urbs  !) se profile derrière cette idéologie comme un facteur commun.
L’impulsion centrale donnée à l’Église de l’Empire, la réunion de
conciles, la puissance du corps épiscopal, la volonté de réforme de
nouvelles Règles monastiques indiquent d’autres analogies.
30. Mais l’onction biblique du souverain, même si elle n’est
formellement attestée que depuis Wamba en Espagne, passe de là en
Francia carolingienne, avec tout ce qu’elle peut impliquer de
sacralisation quasi-sacerdotale du pouvoir souverain.
31. Idée centrale du livre de Fleckenstein cité sup. n. 26. Voir aussi,
dans l’ordre de la culture, notre communication à la Settimana XXVII de
Spolète  : De la pluralité à l’unité dans le latin carolingien  ?, Spoleto,
1981, p. 765-805.
32. D’où les critiques adressées à Fleckenstein, en particulier dans les
intéressantes analyses de W. Edelstein, Eruditio und sapientia,
Weltbild und Erziehung in der Karolingerzeit, Untersuchungen zu
Alcuins Briefen, Freiburg i. Br., 1965, qui insiste (p. 88 sq.) sur le fait que
la renouatio carolingienne est conçue comme un retour à la norma
rectitudinis traditionnelle, et non pas comme une nouitas. D’où le retour
fréquent de mots thématiques comme emendatio et correctio chez
Alcuin (comme chez Isidore) : liste commode des occurrences ib., p. 234-
235. Dossier, sans recherche approfondie des sources, dans l’étude de
Madame J. Cheuni, Le vocabulaire politique et social dans la
correspondance d’Alcuin, Aix-en-Provence, 1959-Une telle conception
pouvait se nourrir facilement de la double recherche de la pureté de
l’origo, et de la rectification d’après cette origo, dans toute l’œuvre
d’Isidore de Séville : voir les pages sur le thème in origine ueritas, dans
notre Isidore de Séville (cité sup. n. 1), 2, p. 871 sq.
33. Le modèle impérial est déjà clairement présent dans les monnaies
que Léovigilde frappe au VIe siècle à l’imitation des effigies byzantines, et
dans un costume royal proche de celui de l’empereur. Si ce roi tente une
unification arienne de la péninsule, son fils Reccarède réalise cette unité
religieuse dans la foi catholique. Le chroniqueur Jean de Biclar compare
Reccarède présent au IIIe Concile de Tolède à Constantin devant celui de
Nicée. Même si Isidore reste réservé envers Constantin en raison de sa
prétendue chute dans l’arianisme, il ne s’en exprime pas moins
élogieusement à son propos quand il s’agit de célébrer ses victoires
éclatantes sur les Goths (orig Goth. 5), ou, surtout, le mérite d’avoir été
le premier à autoriser officiellement les chrétiens à se réunir librement
en conciles (etym. 6, 16, 3). Sur la place du modèle constantinien dans
l’idéologie carolingienne, voir p. ex. les origines franques du faux dit
Donation de Constantin : J. Vogt, Constantinus der Grosse, dans RAC,
3, 1957, c. 376-378.
34. Homelia sancti Leandri in laude ecclesiae ob conuersionem
gentispost concilium, s. f., dans Concilios visigóticos e hispano-
romanos, éd. Vives, p. 144  : «  Superest autem ut unanimiter unum
omnes regnum effecti tam pro stabilitate regni terreni quam pro
felicitate regni caelestis Deum precibus adeamus, ut regnum et gens quae
Christum glorificauit in terris, glorificetur ab illo non solum in terris, sed
etiam in caelis ». Nouvelle édition critique, avec traduction espagnole et
étude détaillée de la pièce, dans notre communication présentée au
Congrès international de Tolède XIV Centenario del III Concilio de
Toledo (589-1989), sous le titre  : La homelia de San Leandro ante el
Concilio III de Toledo. temática y forma (Actes sous presse).
35. Les idées de conservation et de correction actives sont comme les fils
directeurs des mesures prises par le IVe Concile de Tolède. Mais il faut
grouper autour de ces canons toute l’œuvre d’Isidore (quasi totalement
antérieure à 633), en y glanant les «  maîtres mots  » de la culture
isidorienne : ses vocables et ses thèmes sont pour la plupart directement
adaptables à l’idéologie carolingienne.
36. CONC. Tol. 4, praef., p. 186 Vives  : «  ut paternorum decretorum
memores ad conseruanda in nobis iura ecclesiastica studium
praeferamus, et illa corrigere quae, dum per neglegentiam in usum
uenerunt contra ecclesiasticos mores, licentiam sibi de usurpatione
fecerunt ».
37. Ib.. p. 187 : « siue in sacramentis diuinis quae diuerso atque inlicito
modo in Spaniarum ecclesiis celebrantur, seu quae in moribus praue
usurpata noscuntur ».
38. En attendant le quatrième et dernier tome (sur les conciles
hispaniques) de la nouvelle éd. G. Martínez Díez y F. Rodríguez de La
colección canónica Hispana, on trouve une utile mise au point sur la
réception de cette collection canonique hors d’Espagne, et dans les
collections canoniques ultérieures – particulièrement d’âge carolingien –
dans J. Gaudemet, Les sources du droit de l’Église en Occident du IIe au
VIIe siècle (Coll. « Initiations au christianisme ancien »), Paris, 1985, p.
155-161. On sait son importance dans l’élaboration des Fausses
décrétales, justement attribuées par leurs faussaires à Isidore de Séville.
39. P. Cazier, «  Les Sentences d’Isidore de Séville et le IVe Concile de
Tolède  », communication à la Semana internacional de estudios
visigóticos (Madrid Toledo Alcalá 1985), Actes publiés sous le titre Los
Visigodos, historia y civilización, Murcia, 1986, p. 373-386. Dans sa
thèse et son édition critique et commentée des Sentences (avec trad.
française, sous presse), P. Cazier met en valeur l’aspect de-projet de
société chrétienne  » sous lequel il faut considérer d’abord cette œuvre
d’Isidore. C’est bien comme telles que ces Sentences ont été lues,
assimilées, voire appliquées, par des lecteurs carolingiens en quête d’un
nouvel ordre social et politique, conçu d’abord dans une perspective
religieuse. La chose est particulièrement claire pour la conception du roi
et de la royauté, sur laquelle voir le dernier chapitre de la thèse de Marc
Reydellet, La royauté dans la littérature latine de Sidoine Apollinaire
à Isidore de Séville, Paris, 1981 ; et, dans son étude des idées politiques
d’Alcuin, les sources isidoriennes mises en valeur par L. Wallach (op.
cit. : sup. n. 28).
40. Ce que montre de manière convaincante, aux pages 14*-15* et
119*-121*, l’édition de Chr. Lawson, qui pour des raisons de convenance
pratique a gardé le titre usuel De ecclesiasticis officiis. Ce titre premier
De origine officiorum fait jeu avec le titre ancien de l’Historia
Gothorum, qui était De origine Gothorum, titre donné à la fois par
plusieurs mss. de la rédaction longue (voir p. 25 de l’éd. Rodríguez
Alonso) et par la Renotatio lihrorum Isidoride Braulion (p. 358-359
Lynch Galindo, cité sup. n. 5). Il s’accorde aussi avec la définition des
Étymologies comme un ouvrage de origine quarundam rerum, dans la
courte dédicace au roi Sisebut (ce qui a fait préférer aux éditeurs
modernes le titre Origines, alors que les mss. ne donnent
qu’Etymologiae). Cette hantise de remonter aux origines, qui oriente
toute l’œuvre d’Isidore, offrait aux carolingiens les bases d’une norma
rectitudinis fondée sur une tradition-originelle  », et comme telle plus
pure, indemne de toute déformation ultérieure.
41. Ib., p. 122*-145* (histoire du texte et tradition directe) et p. 146*-161*
(tradition indirecte)  ; pour l’utilisation repérée par la Quellenforschung
dans le De ordine baptismi de Théodulf, voir l’étude minutieuse de E.
Dahlhaus-Berg, Noua antiquitas et antiqua nouitas, Typologische
Exegese und isidorianisches Geschichtsbild bei Theodulf von Orléans,
Wien, 1975, p. 116-134.
42. Sur les excerpta d’Isidore, eccl. off., dans l’Institutio canonicorum de
816, voir l’éd. Lawson, p. 147*  ; dans le De institutione clericorum de
Raban Maur, ib., p. 148  ; dans le De institutione laicali de Jonas
d’Orléans, ib., p. 153 sq. Ces constatations partielles donnent un nouveau
sens, dans la conjoncture carolingienne, à la vieille formule d’Ozanam
reprise par Bourret, qui désignait Isidore comme «  l’instituteur de
l’Occident » ; cf. notre Isidore de Séville, p. 4, n. 1.
43. On devine avec quelle amertume Isidore dut faire entériner par le IVe
concile de Tolède l’usurpation de Sisenand, qui avait détrôné deux ans
plus tôt le roi Suinthila à la suite d’une conjuration de magnats wisigoths
en Septimanie. Telles étaient les fâcheux auspices sous lesquels
commença ce qu’on a pu appeler-la période constituante-du royaume de
Tolède  : voir J. Orlandis, Historia de España, La España gótica,
Madrid, 1977, p. 147. Sur les embarras des Pères du Concile, qui-
n’osèrent jamais tirer en pratique les ultimes conséquences de la
doctrine isidorienne sur la-tyrannie- : ib., p. 154.
44. Un exemple modeste, mais d’autant plus significatif, de l’influence
exercée par les œuvres d’Isidore sur toutes les classes de la société
alphabétisée, se trouve dans le Manuel (éd. Riché, SChr. 225) que Dame
Dhuoda écrivit pour son fils. Elle cite trois fois (3, 6, 7 ; 3, 7, 5 ; 4, 1, 12)
des maximes tirées des Synonyma d’Isidore, et elle tire des Etymologies
les définitions étymologiques de karitas et d’oratio (2, 2, 32 et 2, 3, 2).
45. Le De natura rerum suit encore le plan des manuels antiques : voir
notre éd., Bordeaux, 1960, p. 8-9. Sur le fond antique direct (en
particulier les scolies astronomiques aux poètes classiques comme
Virgile) et indirect (par la médiation d’auteurs patristiques), voir
l’apparat de sources de l’éd., et notre bilan dans Isidore de Séville (cité n.
1), p. 469-538.
46. Chr. Lawson (p. 20* sq. de son éd.) a mis en évidence cette
association dans 7 des mss. qu’il a recensés pour son éd. d’eccl. off., tous
des VIIIe et IXe siècles, presque tous de France du Nord, deux seulement
étant probablement issus des scriptoria de Lyon et Salzbourg. Dans la
majorité des cas, les deux traités s’y succèdent dans l’ordre nat. – ecct.
off.
47. Il est notable que Léandre, dans son homélie citée sup., n. 34,
considère déjà l’unité de la foi et de l’Église comme une exigence de
l’ordo naturalis (voir Concilios visigodos, p. 142 Vives), tandis que le
Concile IV affirme, en son canon 12, qu’il faut respecter l’ordode la
liturgie  : «  hic ordo deinceps retineatur  », et décrète ensuite
l’excommunion contre ceux «  qui hunc ordinem perturbauerint  ».
Rapprocher aussi les titres du Liber ordinum et de l’Ordo de celebrando
concilio (p. 170 sq. Orlandis et Ramos Lissón, op. cit. sup., n. 1)
wisigothiques. Chez Isidore, l’ordre naturel est d’abord celui de la
Création, comme il ressort de sa préface du De natura rerum  : nat.
praef. 3, p. 169, 21, « incipientes a die, cuius paene prima procreatio in
ordine rerum uisibilium extat ». On trouve 11 autres emplois d’ordo dans
le traité isidorien, en particulier pour désigner l’ordre des étoiles et des
planètes (réf. ib., p. 421, s.v.). On s’explique mieux, ainsi, qu’en Irlande
on ait pu attribuer ensuite à Isidore un traité De ordine creaturarum.
Sur la reformatio carolingienne comme « remise en ordre », rapprocher,
p. ex., deux passages de la célèbre lettre de Charles de litteris colendis
(MGH, Cap., 1, 29, p. 78)  : «  praeter regularis uitae ordinem... sicut
regularis norma honestatem morum, ita quoque docendi et discendi
instantia ordinet et ornet seriem uerborum... ». Noter enfin que Rhaban
Maur conçoit sa tâche de rédacteur du De naturis rerum comme une
ordinatio (préface en PL 111, 9b)  : «  Quod idcirco ita ordinandum
aestimaui ut lector... positam inueniret historicam et mysticam
singularum rerum explanationem...  »  ; cette déclaration doit être
rapprochée de celle d’Isidore dans sa préface (sup.).
48. Ces additions (voir tableau des trois recensions dans notre éd. p. 38)
montrent que c’est aux insulaires qu’est due la grande-addition
mystique-du chapitre 1,3  : elle porte sur le sens allégorique du jour
comme image paulinienne de la Loi, puis sur les fêtes juives  ; cette
dernière partie, la plus longue, se compose d’extraits exégétiques de
Jérôme sur les prophètes Ezéchiel, Osée et Zacharie (cf. ib., p. 174-177).
Les insulaires ont donc accentué l’allégorisation de la nature, en
procurant la troisième version du traité isidorien qui a circulé en
Germanie (en particulier à Fulda, où Raban Maur a dû la connaître) et en
Italie du Nord.
49. C’est l’un de ses premiers ouvrages : voir l’excellente édition de Ch.
W. Jones dans le CC 123 A, Bedae uenerabilis opera, pars 1, Opera
didascalica, p. 173-234 ; mais aussi l’introduction générale, p. XI-XII, et
la bibliographie donné en p. XII, n. 1. Pour une vue d’ensemble sur
l’œuvre de Bède : P. Hunter Blair, The World of Bede, Londres, 1970,
et P. Brunhoelzl, Geschichte (citée sup., n. 15), p. 207-227.
50. Ce traité de la maturité de Raban Maur n’est toujours accessible que
dans l’éd. de Cologne de 1617 reproduite dans la PL 111, c. 9-614. On a
maintenant une bibliographie rabanienne, soigneusement compilée
jusqu’en 1983, par H. Spelsberg, Rhabanus Maurus, Bibliographie,
Fulda, 1984. On y constate que les études sur le De naturis rerum sont
fort rares, en dehors de l’intéressant état des sources procuré par E.
Heyse, Hrabanus Maurus’ Enzyklopädie «  De rerum naturis  »,
Untersuchungen zu den Quellen und zur Methode der Compilation,
München, 1969, dont le second point annoncé par le sous-titre est encore
rapidement traité. 11 n’existe à ce jour aucune monographie sur Raban et
Isidore.
51. ISID. nat. praef. 2, p. 167, 11 : « secundum quod a ueteribus uiris ac
maxime sicut in litteris catholicorum uirorum scripta sunt... 3. dehinc
cetera de quibus opinari quosdam gentiles uel ecclesiasticos uiros
nouimus... ». L’emploi de uel dans cette seconde phrase correspond bien
à ce que nous avons appelé dans la culture isidorienne «  la coexistence
pacifique  » des auteurs  : tradition antique et tradition chrétienne sont
mises sur le même plan – ici, en matière de sources de science naturelle
– : voir notre Isidore de Séville 2, p. 799. Mais dans la première phrase,
ac maxime accorde déjà une préférence aux auteurs chrétiens sur les
« anciens » (ueteres uiri).
52. Lecteur et utilisateur des traités d’Augustin sur la Genèse (voir Ib.,
index 2, p. 933, 2), Isidore est l’auteur de Quaestiones in Genesim (PL
83, c. 207-288), qui sont parmi les moins mal conservées de ses diverses
Quaestiones sur les deux Testaments. Faits et personnages de la Genèse
tiennent également une place importante dans ses petits manuels
complémentaires de science biblique (liste supra n. 5, série 3).
53. Nous en avons présenté la synthèse, en y étudiant l’utilisation
isidorienne des sources patristiques sous le titre «  L’astronomie
mystique et la symbolique chrétienne du ciel  », dans notre Isidore de
Séville, 2, p. 541-570.
54. Il ne reste presque plus rien de la matière du traité d’Isidore, sous le
titre identique De natura rerum : on s’en rendra compte précisément en
parcourant les apparats de sources de l’éd. Jones dans le CC 123 A. À des
fins de précision cosmographique, le jeune Bède a pillé le second livre de
l’encyclopédie de Pline l’Ancien – qu’Isidore semble ne pas avoir connue
–. L’Angleterre du VIIIe siècle (grâce aux voyages culturels de ses clercs à
Rome : cf. Benoît Biscop) se trouvait ainsi logée à meilleure enseigne que
l’Espagne wisigothique, en matière de sources cosmographiques
antiques. Et l’école monastique de Jarrow pouvait s’adonner plus
gratuitement à la pure étude de la science naturelle romaine.
55. CC 122 A, p. 189 : « Naturas rerum uarias labentis et aeui/perstrinxi
titulis, témpora lata citis, /Beda Dei famulus. Tu fixa obsecro
perennem/qui legis astra, super mente tuere diem  » («  Les diverses
natures des choses et du temps qui s’écoule, j’en effleurai les temps
immenses en rubriques rapides, moi Bède serviteur de Dieu. Je t’en
conjure, toi qui lis les astres fixés (au ciel), contemple, au-dessus d’eux,
le jour qui est sans fin »). Les deux astronomies – antique et chrétienne,
rationnelle et mystique – sont ici respectivement offertes à une lecture
intellectuelle (legis) et à une contemplation spirituelle (mente tuere).
Mais Bède s’est-il rendu compte qu’il exprimait cette invitation à s’élever
des créatures visibles au Créateur invisible (conformément à Paul,
Romains 1, 20) à travers une réminiscence de Lucrèce ? Celui-ci présente
en effet la même alliance de mots dans un de ses plus beaux vers, pour
exprimer l’idéal de sérénité de la contemplation philosophique  : De
rerum natura 5, 1203 : « sed mage pacata posse omnia mente tueri ». Il
est en tout cas piquant de voir une telle alliance de mots remployée ainsi
au service d’une contemplation béatifique chrétienne du Ciel et en
épigraphe d’un nouveau De natura rerum.
56. Symétrie singulière, entre ces dédicaces à un évêque puis à un
empereur (PL 111, 11d-14c et 9a-12c), et les deux dédicaces successives
des Etymologies d’Isidore à un roi (Sisebut  : ISID. epist. 6  : dédicace
plus ancienne), puis à l’évêque de Saragosse (Id., epist. 5  : envoi du
dernier état du ms. inachevé). Coïncidence, ou intention de la part de
Raban, qui connaissait le dossier d’Isidore lettres + Étymologies  ? La
rencontre suggère, en tout cas, la même intention, de part et d’autre, de
répondre à des sollicitations contemporaines, de servir la pastorale et de
contribuer à la formation des clercs, mais aussi des laïcs les plus chargés
de responsabilités.
57. PL 111, c. 9b : « Sunt enim in eo plura expósita de rerum naturis et
uerborum proprietatibus, necnon etiam de mystica rerum
significatione ».
58. Ib., c. 10a : « ut lector diligens in hoc opere et naturae proprietatem
iuxta historiam et spiritualem significationem iuxta mysticum sensum
simul posita inueniret  ». Sur la valeur technique exégétique de iuxta
historiam = iuxta litteram = «  au sens littéral  », cf. A. Blaise, DLAC,
s.v., et chez Isidore lui-même, quaest. in Gen. praef. 3, PL 83, c. 208b :
«  quia iam pridem iuxta litteram a nobis sermo totus contextus est,
necesse est ut, praecedente historiae fundamento, allegoricus sensus
sequatur ».
59. Raban reprend la citation isidorienne de sap. 7, 17, mais en
l’enrobant dans une citation bien plus ample tirée du même chapitre 7 du
Livre de la Sagesse = sap. 1, 7-22 (PL 111, c. 11ab  : dédicace à
l’empereur). L’important est l’addition, ultérieure à la péricope
isidorienne, des versets 20 et 21, qui incluent la connaissance des
hommes, des animaux, des plantes, et de «  toute réalité, cachée et
imprévisible  » (faux-sens de la Vulgate, qui, comme Raban, donne
improuisa pour ce dernier mot – la traduction directe du grec est  :
« apparente » –). Cette addition permet en effet d’autoriser globalement
l’inclusion de toutes les matières de l’encyclopédie isidorienne, et non
seulement celles du De natura rerum dans le De rerum naturis de
Raban.
60. De naturis rerum, praef. ad Ludouicum, PL 111, c. 10c  : «  Decreui
enim... hoc totum opus in uiginti duos libros dispertiri, sub quo numero
Vetus Testamentum legis diuinae interpres beatus Hieronymus
complexum se asseruit  ». S’inspirant plus littéralement du prologus
galeatus de Jérôme à sa traduction de l’Écriture, Isidore attribuait
encore cette division aux juifs  : etym. 6, 1, 3  : «  Hebraei autem Vetus
Testamentum, Esdra auctore, juxta numerum litterarum suarum in
uiginti duos libros accipiunt ».
61. Cet ordre n’est pas celui des Étymologies, qui commencent par les
sept arts (livres 1-3), la médecine (4), le droit (5), avant d’aborder la
triade des livres religieux (cf. sup., n. 12). Mais l’ordre descendant de
Dieu aux hommes, dans le De rerum naturis, pourrait avoir été inspiré à
Raban par celui des Sentences du même Isidore. Ainsi se mêleraient
dans la représentation des naturae rerum chez Raban Maur (pluriel
peut-être inspiré de Bède : sup., n. 55, prologue poétique au De natura
rerum de Bède : « naturas rerum uarias »), les souvenirs et les emprunts
combinés à trois œuvres d’Isidore  : le De natura rerum, les
Etymologiae, les Sententiae. Cela est conforme à l’esprit totalisant qui
lui fait associer en un seul visage ceux d’Isidore naturaliste,
encyclopédiste, moraliste et théologien.
62. Devant ces 22 livres, on pourrait dire, comme au seuil de la
bibliothèque sévillane : « Il est ici bien des œuvres sacrées, il est bien des
œuvres profanes  » – mais en retournant et en superposant les deux
parties de ce Versus in bibliotheca d’Isidore  ». Car selon l’anagogie
conseillée par Bède et Paul (sup., n. 55), Raban Maur fait monter
constamment son lecteur des res à leur allegoria. Voir, sur ce point, les
conclusions assez abstraites, parfois diffuses, mais justement attachées à
montrer la part d’originalité de Raban Maur compilateur, dans M. Rissel,
Rezeption antiker und patristischer Wissenschaft bei Hrabanus
Maurus, Bern, 1976 (qui ne s’intéresse encore que très secondairement
au De naturis rerum). Je n’ai pu consulter U. Fischer, Karolingische
Denkart, Allegorese und Aufklärung, dargestellt in den Werken
Hrabans von Mainz und Agobards von Lyon, Diss. Göttingen, 1955.
63. Ceux que, dès le VIe siècle, l’évêque de Carthagène, Licinien, avait
appelés-les saints Pères antiques, docteurs et défenseurs de l’Eglise,
Hilaire, Ambroise, Augustin, Grégoire  »  : Licin. epist. 1, 2, p. 86 éd.
Madoz, « sancti antiqui patres, doctores defensoresque ecclesiae, Ilarius,
Ambrosius, Agustinus, Gregorius ».
64. Ce «  détour insulaire  » par l’Irlande et l’Angleterre est mis en
lumière sur notre carte de diffusion des mss. du De natura rerum : réf. à
notre éd. sup., n. 45. Il a été illustré plus amplement encore par l’étude
de B. Bischoff sur la diffusion européenne des œuvres d’Isidore, citée
sup., n. 6. C’est un domaine important de la réception d’Isidore que nous
avons tenu à l’écart – comme l’Italie et l’Espagne mozarabe  : elles
mériteraient respectivement des études menées dans un esprit analogue
à celui de la présente esquisse, limitée au monde carolingien proprement
dit –.
65. Il est symbolique, en ce sens, que le plus ancien fragment
actuellement conservé des Étymologies ait été écrit en Irlande dès le VIIe
siècle dans la plus ancienne écriture irlandaise (B. Bischoff, art. cité n.
6, p. 327), et qu’il soit aujourd’hui conservé dans la fondation
colombanienne de Saint-Gall  : notice et photographie dans CLA 7, 995.
Ce fragment, qui contient un court passage du livre XI des Étymologies,
pourrait avoir été écrit, selon B. Bischoff, «  aux environs de la
publication des Étymologies par Braulio, sinon même encore du vivant
d’Isidore  », Il propose concrètement l’énigme des raisons qui ont
déterminé cette importation très précoce des œuvres d’Isidore d’Espagne
en Irlande, du trajet qu’elles ont suivi pour y parvenir, du rôle capital
joué par les Scotti dans la diffusion en Europe des œuvres du Sévillan, et
plus généralement des œuvres wisigothiques.

Auteur

Jacques Fontaine
Du même auteur

L'Europe héritière de l'Espagne


wisigothique, Casa de
Velázquez, 1992
Allocution d’ouverture in
L'Europe héritière de l'Espagne
wisigothique, Casa de
Velázquez, 1992
Conclusions du Colloque in
L'Europe héritière de l'Espagne
wisigothique, Casa de
Velázquez, 1992
Tous les textes
© Casa de Velázquez, 1992

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Référence électronique du chapitre


FONTAINE, Jacques. La figure d’Isidore de Séville à l’époque
carolingienne In  : L'Europe héritière de l'Espagne wisigothique [en
ligne]. Madrid  : Casa de Velázquez, 1992 (généré le 16 février 2023).
Disponible sur Internet  : <http://books.openedition.org/cvz/2129>.
ISBN : 9788490960981.

Référence électronique du livre


FONTAINE, Jacques (dir.) ; PELLISTRANDI, Christine (dir.). L'Europe
héritière de l'Espagne wisigothique. Nouvelle édition [en ligne].
Madrid : Casa de Velázquez, 1992 (généré le 16 février 2023). Disponible
sur Internet  : <http://books.openedition.org/cvz/2099>. ISBN  :
9788490960981.
Compatible avec Zotero

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