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d'histoire
Goosse André. Ullmaxm (S.). Précis de sémantique française.. In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 33, fasc. 4,
1955. pp. 926-932;
https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1955_num_33_4_1970_t1_0926_0000_2
(1) Elles le sont davantage encore en wallon liégeois, comme l'a montré M. L.
Warnant dans un article original : La longueur des voyelles dans les mots du wallon
d'Oreye (Bull, de la Comm. Roy. de topon. et. dialect., t. XXIII, 1949, pp. 71-
112). — Les faits que je signale et qui concernent plutôt l'Est de la Wallonie n'ont
qu'une valeur de suggestions. Une étude véritable devrait être fondée sur des
observations soigneusement localisées.
(2) Ces notions ne ressortissent guère à la sémantique. — Certaines expressions
de M. Ullmann pourraient être critiquées : l'amuïssement de l'e muet n'a pas fait
surgir une nouvelle alternance dans jette - jetons, il a modifié l'alternance ancienne
(p. 88). Le passé défini et l'imparfait du subjonctif se sont-ils vraiment maintenus
dans le français parlé du Nord et du Nord-Est (p. 89) ? Peut-on parler de l'évolution
sémantique du pronom je (p. 91)?
(3) Le succès des verbes émotionner, solutionner, etc. est-il dû entièrement à la
facilité de leur conjugaison? Et réflexionner (que j'ai trouvé chez A. Daudet e%
chez Gide)? Ces néologismes ne traduisent-ils pas un refus de l'arbitraire?
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(p. 143). Tout le monde ne sera pas de cet avis. Le style substantif,
qui s'est fait des ennemis acharnés (ainsi, parmi nos compatriotes, M.
F. Desonay (*)), n'est pas toujours élégant : quand il remplace inaugurer
par procéder à l'inauguration ; quand il multiplie les de en cascade («Dans
les cas de doute sur le degré de fidélité des éditions de textes », écrit un
philologue).
Le chapitre VI, Les valeurs affectives, est un exposé consciencieux
des données de la stylistique. M. Ullmann y souligne la puissance évoca-
trice des vulgarismes, des régionalismes, des mots techniques, des
archaïsmes, des mots étrangers, des néologismes. Quelques détails ne sont pas
convaincants : par exemple, en quoi laid nez (lèné) est-il moins euphonique
que nez laid (nélè) (p. 156)?
Trois chapitres achèvent de caractériser la structure sémantique du
français : finesse des distinctions synonymiques (2) (chap. VII),
importance de la polysémie (VIII), de l'homonymie (IX). Ces trois caractères
expliquent pour une bonne part que le mot français, peu autonome, ait
besoin du contexte. De là vient le succès du calembour (cher à Hugo),
et aussi la valeur intellectuelle du français, qui impose à Γ« usager » une
discipline rigoureuse. Ces ambiguïtés ont eu une influence indéniable sur
l'histoire de la langue, comme Gilliéron l'a montré, non sans outrance
parfois. M. Ullmann, lui, est difficilement pris en défaut. Voici pourtant
un cas où il faut discuter. On a attribué la disparition de bellum à son
homonymie avec l'adjectif bellus. M. Ullmann objecte (p. 226) : « Cette
homonymie existait déjà en latin classique sans causer le moindre
malaise. » N'est-ce pas donner aux « lois » lexicologiques une rigueur et une
universalité qu'elles n'ont pas? Homonymie fatale, érosion phonétique
sont des explications qui valent seulement pour des mots déterminés,
à des moments et à des endroits déterminés. Apis a disparu de la plus
grande partie du domaine gallo-roman, mais il s'est quand même
maintenu en quelques points, où il n'a pas exigé ces moyens thérapeutiques
illustrés par Gilliéron. Pour d'autres cas, d'ailleurs (pp. 212, 227), l'auteur
reconnaît que ces phénomènes sont capricieux.
Cela nous servira de transition pour aborder les chapitres de
sémantique diachronique : « Pourquoi les mots changent de sens » (chap. X),
« Comment les mots changent de sens » (XI)· M. Ullmann y tire parti des
travaux de Meillet, Sperber, Roudet... Le lecteur n'est pas, semble-t-il,
entièrement satisfait ; la synthèse manque peut-être de netteté. Est-ce
à cause de la présentation? Ou bien parce que les théories sont juxtapo-
(1) L'art d'écrire une lettre, Bruxelles, 1945, pp. 81-82; La vivante histoire du
français, Bruxelles, 1946, pp. 115-117.
(2) M. Ullmann parle à cette occasion des périphrases. Peut-être faudrait-il
souligner que certaines sont des clichés pires que les mots dont elles voudraient être les
substituts élégants. Le style des journaux en fournit maints exemples : « la langue
de Goethe », « outre-Quiévrain », etc.
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(1) Ou de donner un nom nouveau à un objet que l'on trouve mal baptisé ;
pensons au vocabulaire grammatical de Damourette et Pichon.
(2) « Et sans avoir pris le temps d'enlever nos affaires [au retour d'une promenade],
nous montions vite chez ma tante Léonie pour la rassurer. » (M. Proust, Du côté
de chez Swann, t. I, Gallimard, 1949, p. 182) — « Nous n'avons pas trop de temps,
du vingt septembre au quatre octobre, pour les affaires d'automne, — une robe
pour aller au cours, un manteau, un chapeau pour moi, et la même chose pour
Lisette... » (Colette, Le blé en herbe, III) — « Mon idéal, c'était de devenir une dame
comme celles dont ma mère lavait le linge dans la Penfel, une belle dame à chemises
festonnées et à pantalons de vrai madapolam, tout coton 1 Le premier midship
que j'ai suivi m'a payé du premier coup des affaires encore plus somptueuses ! »
(Cl. Farrère, Les petites alliées, VIII). — Pour les dialectes, voir W.von
Wartburg, Franz. Etym. Wörterb., Ill, 349 b.
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(1) Des index des mots et des auteurs auraient rendu service. — Quelques
détails : des abréviations o. c. renvoient parfois à un ouvrage cité cent pages
auparavant (ou plus) ; c'est une cause d'ambiguïtés. — Quel est le sens d'explétif p. 161?
— Medium p. 226 doit être un anglicisme. — P. 232, il faut renvoyer plutôt à
l'article aestimare du Franz. Etym. Wörterb. ; on sait que J. Orr a repris récemment
l'idée de Gilaéron (Mélanges... Roques, t. I, 1951, pp. 217-227).
(2) Texte de Poe : «... I now feel it impossible to realize the full extent of the
misery... »
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