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Chronologie
Dossier mis à jour le 11.09.2012
Article mis à jour le 11.09.2012
Sommaire
L’Etat et l’Internet
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C’est dans les années 1990 que l’usage de l’Internet commence à se développer dans la
société française. Pour accélérer sa diffusion, les pouvoirs publics mettent en place une
politique volontariste en faveur des nouvelles technologies de l’information et de la
communication (NTIC). Avec les possibilités offertes par l’ADSL puis la fibre optique, l’Etat
se fixe comme objectif de déployer le numérique sur l’ensemble du territoire et d’équiper le
plus largement possible en matériel informatique les ménages, les entreprises, l’administration
et le monde de l’enseignement. Mais en dépit de ces efforts, de nombreux rapports dénoncent
l’émergence d’une "fracture numérique".
Des Autoroutes de l’information à la Société de l’information
Dès 1994, Gérard Théry, dans un rapport remis au Premier ministre sur "Les autoroutes de
l’information"prophétise une révolution économique et sociétale : La révolution de l’an 2000
sera celle de l’information pour tous. Comparable en ampleur technique à celle des chemins
de fer ou de l’électrification, elle sera plus profonde dans ses effets car les réseaux de
télécommunications constituent désormais le système nerveux de nos sociétés. Elle sera aussi
beaucoup plus rapide parce que les technologies évoluent plus vite qu’il y a un siècle. Elle
modifiera fondamentalement les structures économiques, les modes d’organisation et de
production, l’accès de chacun à la connaissance, les loisirs, les méthodes de travail et les
relations sociales. Créatrice de valeur ajoutée et d’emplois, elle apportera de nouveaux
marchés et de nouveaux métiers.
Le 27 octobre 1994, un Comité interministériel sur les autoroutes de l’information décide le
développement des réseaux à haut débit capables le transport de données multimédias et fixe
comme objectif national la couverture progressive du territoire d’ici 2015 par les autoroutes
de l’information. Le gouvernement encourage, dans le même temps, le développement d’une
industrie des services d’information (les "téléservices") et lance un appel à propositions pour
les premières expérimentations.
En 1996, la circulaire du 15 mai relative à la communication, à l’information et à la
documentation des services de l’Etat sur les nouveaux réseaux de télécommunication rappelle
que la France doit participer pleinement au développement des autoroutes de l’information et
souligne que l’Etat doit prendre part au développement d’Internet en créant des produits
d’information, de documentation et de communication accessibles par ce réseau. La circulaire
impose aux services de l’Etat l’utilisation de la racine commune "gouv.fr" pour tout projet
diffusé sur Internet.
Le 16 janvier 1998, l’Etat renforce son engagement en faveur du numérique lors d’un premier
Comité interministériel pour la société de l’information en lançant le Plan d’action
gouvernemental pour la société de l’information (PAGSI) qui vise à assurer les conditions
d’une société de l’information pour tous. Des axes prioritaires sont alors définis :
l’enseignement, la politique culturelle, l’administration électronique, le commerce
électronique, l’innovation industrielle et l’adaptation du cadre législatif aux nouveaux réseaux
d’information. Dès lors, chaque année, ce comité fixe les grandes orientations en faveur du
numérique comme l’intervention des collectivités locales, la baisse des prix de l’accès
Internet, l’augmentation des débits, la réduction du fossé numérique, l’effort de recherche…
En 2001, Lionel Jospin, Premier ministre, installe le Conseil stratégique des technologies de
l’information (CSTI) qui réunit des acteurs privés et publics chargés de contribuer au
développement d’Internet.
En novembre 2011, un bilan de France Numérique 2012 est publié par le gouvernement selon
lequel 95% des mesures ont été réalisées ou sont en cours d’application. De nouveaux
objectifs sont fixés à l’horizon 2020.
Par ailleurs, le président de la République installe, en 2010, le Conseil national du numérique
(CNN) chargé d’améliorer le dialogue entre le secteur des nouvelles technologies de l’Internet
et les autorités. Mais des critiques sont faites à son encontre en raison du mode de désignation
de ses membres et de l’absence de représentants des consommateurs et des éditeurs de
contenus.
La fracture numérique
En dépit de cette politique favorable au développement d’Internet, la "fracture numérique" se
creuse en France. Déjà, lors de l’université de la communication d’Hourtin en août 1997,
Lionel Jospin affirme la nécessité absolue de refuser que le fossé séparant ceux de nos
concitoyens qui maîtrisent ces nouveaux outils du reste de la population s’accroisse.
En 2009, la loi relative à la lutte contre la fracture numérique est adoptée. Elle vise à assurer à
l’ensemble de la population l’accès au très haut débit à un tarif raisonnable par la création du
Fonds d’aménagement numérique des territoires et la définition de schémas directeurs
territoriaux d’aménagement numérique unique sur un même territoire établis à l’initiative des
collectivités territoriales.
Pourtant, en 2011, un rapport du Sénat estime que : La fracture numérique qui s’est créée avec
l’apparition de l’internet à haut débit est en passe de s’aggraver significativement avec l’essor
du très haut débit, qui deviendra demain le standard pour la population des villes. Les
collectivités se mobilisent depuis plusieurs années pour pallier les carences de l’Etat et de
l’initiative privée sur leur territoire en investissant dans des réseaux haut, puis très haut débit.
Elles sont cependant insuffisamment soutenues par des pouvoirs publics qui, au plus haut
niveau, ne semblent pas avoir pris la mesure des enjeux et des besoins, tant du point de vue
règlementaire que financier. Le plan France numérique 2012 promettait l’accès de tous en
2012 à un haut débit à 512 kbit/s. Bien que peu ambitieux par le niveau de débit visé, il ne
sera pas atteint. Et le plan national très haut débit (PNTHD), en affichant des objectifs qu’il ne
se donne pas les moyens de tenir, paraît irréaliste.
La même année, le Centre d’analyse stratégique publie un rapport "Le fossé numérique en
France". Il y constate qu’un Français sur trois ne possède pas d’ordinateur à la maison, en
dépit d’une progression constante du taux d’équipement ces dernières années et ajoute : A
l’heure où les outils numériques se diffusent partout dans notre vie quotidienne, porteurs à la
fois de lien social, de développement personnel et de performance économique collective, les
pouvoirs publics ont la responsabilité de contribuer à réduire ce fossé numérique. Selon le
rapport, le fossé numérique peut être générationnel, social ou culturel mais la fracture
numérique supposée entre les ruraux et les urbains s’est largement estompée alors qu’elle
continue à retenir l’attention des pouvoirs publics. Soulignant le besoin "d’une action
politique vigoureuse et pérenne ainsi que de larges campagnes d’information", le rapport
présente de nombreuses propositions : porter une attention particulière au fossé numérique au
sein de la population la plus jeune, intégrer les personnes âgées dans la société numérique et
les aider ainsi à rester plus longtemps chez elles, s’inspirer des expériences étrangères de
l’utilisation du numérique dans le domaine de l’éducation, etc. Pour l’accès au haut débit pour
les plus démunis, le rapport envisage trois types de solutions : un abaissement des tarifs
d’accès à Internet résultant soit d’un renforcement de la concurrence, soit de la mise en place
d’un tarif social de l’Internet à haut débit, le déploiement du réseau d’espaces numériques
publics, la mise à disposition d’ordinateurs et de connexions Internet dans l’habitat social.
Politiques publiques
L’Etat et l’Internet
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Avec l’explosion numérique des années 2000, les pouvoirs publics se sont rapidement saisis
de la question des droits d’auteur sur Internet. Plusieurs textes de loi, souvent controversés,
ont été adoptés : la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de
l’information (DADVSI), votée en 2006, la loi favorisant la diffusion et la protection de la
création sur internet (ou loi HADOPI) et la loi relative à la protection pénale de la propriété
littéraire et artistique sur internet en 2009. En outre, la France a signé le traité commercial
anti-contrefaçon (ACTA) mais ce texte a été rejeté par le Parlement européen.
De la loi DADVSI…
Le développement du numérique a entraîné des changements touchant à la fois aux
technologies (production, stockage, reproduction et diffusion des œuvres) et aux habitudes du
public et des consommateurs. Ainsi le développement de l’internet haut débit en permettant
le transfert de fichiers volumineux a ouvert la voie à l’acquisition légale d’œuvres sur internet
mais a également permis l’échange entre internautes de fichiers d’œuvres musicales ou
cinématographiques. Ces échanges de fichiers s’opèrent en dehors de tous les circuits de
distribution classiques et sans que les ayants droit ne soient rémunérés. Le gouvernement a
ainsi été sollicité par les éditeurs, inquiets de l’effondrement des ventes de disques.
La loi Informatique et libertés, révisée en 2004, élargit la liste des personnes autorisées à
mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel relatives aux infractions,
condamnations et mesures de sûreté. Sous réserve de l’autorisation de la Commission
nationale informatique et libertés (Cnil), l’article 9 de la loi ouvre cette possibilité aux
sociétés de perception et de gestion des droits d’auteur et des droits voisins, ainsi qu’aux
organismes de défense professionnelle afin d’assurer la défense des droits de leurs adhérents.
La CNIL a d’abord répondu favorablement aux demandes d’autorisation de création de
fichiers de données personnelles présentées par les sociétés d’ayants droit en matière de jeux
vidéos et audiovisuelle. En revanche, la CNIL a rejeté, dans ses décisions du 24 octobre 2005,
les demandes d’autorisation formulées par plusieurs sociétés d’ayants droit, dont la Sacem,
pour des dispositifs permettant la détection automatisée des mises à disposition illégales
d’œuvres musicales sur les réseaux pair à pair (P2P) et l’envoi de messages de sensibilisation
aux internautes. La CNIL a considéré que le dispositif envisagé n’était pas proportionnel aux
objectifs poursuivis. Cependant, le Conseil d’Etat a annulé les décisions de la CNIL, le 23 mai
2007, soulignant une "erreur d’appréciation".
Après de nombreuses péripéties, la loi sur les droits d’auteur et droits voisins dans la société
de l’information (DADVSI) est votée en 2006. Le texte adopté interdit toute copie "pirate" sur
Internet en légalisant le contrôle de l’usage des œuvres numériques par les mesures techniques
de protection (MTP ou Digital Rights Management - DRM) et institue des sanctions allant
d’une amende de 38 euros pour l’internaute téléchargeant illégalement à une peine de 3 ans de
prison et 300 000 euros d’amende pour celui qui commercialise un logiciel destiné au
piratage. Le droit à l’interopérabilité (possibilité pour l’internaute de lire une œuvre sur le
support de son choix) est encadré par l’Autorité de régulation des mesures techniques
(installée officiellement en avril 2007) que peuvent saisir les éditeurs de logiciels et
exploitants de systèmes.
…à la loi Hadopi
En 2009, est adoptée la loi relative à la diffusion et la protection de la création sur Internet
("loi Hadopi") qui reprend les principales recommandations du rapport de Denis Olivennes
(Le développement et la protection des oeuvres culturelles sur les nouveaux réseaux, 2007).
La loi sanctionne par un mécanisme de "riposte graduée" le téléchargement illégal de
musique, de films ou d’œuvres audiovisuelles sur Internet, et crée une Haute autorité pour la
diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) chargée de gérer les
avertissements et les sanctions (suspension de l’abonnement internet pour une durée de trois
mois à un an) visant les internautes en infraction. Elle est complétée la même année par la loi
relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet. Les détracteurs
de la loi estiment que le système est coûteux (la Haute autorité est dotée d’un budget annuel
de 12 millions d’euros) et ne permet ni la transition des industries créatives vers le numérique,
ni le financement de la création. Bien que le juge soit désormais le seul susceptible de
prononcer des sanctions, plusieurs associations d’internautes et de consommateurs
considèrent que la mise en oeuvre des procédures de réponse graduée comporte certains
risques pour les libertés. Les sujets d’inquiétudes évoqués portent notamment sur :
Politiques publiques
L’Etat et l’Internet
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Vecteur de la liberté d’expression, d’accès à l’information, à la connaissance et à la culture et,
en ce sens, au service des droits de l’individu, l’Internet renouvelle aussi les questions sur la
protection de la vie privée (utilisation des données personnelles, réseaux sociaux, "droit à
l’oubli"…). La régulation de l’Internet cherche ainsi un équilibre entre le respect de la liberté
d’expression et les impératifs de sécurité et de protection des droits de la personne.