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Quels avantages du gaz de schiste 

Les débats qui ont cour en France au sujet des gaz et huiles de schiste démontrent la
réelle complexité de ce sujet. Etant une source d’énergie aux multiples enjeux, cette dernière
pose de nombreuses interrogations, qu’elles soient environnementales, politiques,
économiques ou autres. Dans cette partie, ce sont donc les arguments géostratégiques et
économiques autour des gaz de schistes que nous allons analyser.

A)Géostratégie de l’énergie

Dès lors que nous abordons la thématique de l’énergie, de nombreuses considérations


sont à prendre en compte. En effet, la question énergétique est aussi vieille que l’humanité
elle-même, et elle est donc un enjeu fortement stratégique pour toutes les organisations, quelle
qu’elles soient. Ainsi, nous verrons dans un premier temps que les gaz de schiste sont, comme
n’importe quelles autres ressources énergétique, stratégiques de par leurs natures intrinsèques.
Nous verrons ensuite la notion fondamentale d’indépendance énergétique. Nous aborderons
enfin l’impact considérable qu’a eu le dernier rapport (2012) de l’AIE (Agence Internationale
de l’Energie) pour ensuite approfondir d’autres illustration du caractère stratégique de
l’énergie.

A1) DES RESSOURCES STRATÉGIQUES PAR NATURE

D’un point de vue idéalement construit, les matières premières sont considérées
comme n’importe quel autre produit dans une économie de marché. Elles seraient donc
allouées d’une manière optimale au sein d’un système économique, et ce par le mécanisme de
la fixation du prix par la « loi » de l’offre et de la demande.

Cependant, cette dimension fortement stratégique de l’énergie ne peut seulement être


analysée dans ce cadre marchand: des considérations géographiques doivent bien sûr être
prises en compte.

De plus, les matières premières sont un intrant essentiel de la vie de nos sociétés, et ce
sur de nombreux éléments. Elles sont également « le fondement même de toute production
donc de toute création de richesse. Elles ont donc de tout temps intéressé les pouvoirs pour
lesquels elles sont un instrument de contrôle et de domination incontestable. »1 Nous pouvons
donc classer les matières premières selon trois grandes catégories qui sont : les produits
agricoles, les minerais et l’énergie.

Nous allons donc ici nous concentrer sur les caractéristiques de l’énergie, catégorie
qui, dans le cadre de notre travail, est la plus importante à prendre en compte. Nous pouvons
cependant ajouter que ces produits ont tous un point commun : ils sont liés à la terre, à un
territoire et très inégalement répartis sur la planète.

Cette caractéristique accroît leur dimension stratégique puisque, bien qu’elles soient
indispensables pour se développer, prospérer ou même se protéger, aucun pays n’est sensé
disposer des quantités nécessaires de matières premières sur son territoire national pour être
autosuffisant.

Le cas du gaz de schiste est ici éclairant puisque dans son rapport annuel, l’agence
internationale de l’énergie énonce le fait que les Etats-Unis d’Amérique vont devenir
indépendant énergétiquement grâce à cette matière première d’ici 2017 2 (il faut aussi prendre
en compte l’exploitation non pas seulement de gaz de schiste mais aussi des huiles de schiste,
permettant la production de pétrole). Nous verrons cette notion d’indépendance énergétique
plus en détail dans une partie suivante.

De plus, il existe une dimension supplémentaire à la rareté de ces ressources


énergétiques : il s’agit simplement de la localisation géographique de ces gisements et de la
forte concentration, ou non, de ces derniers dans certaine région du monde.

La carte3 suivante recense les stocks possibles de gaz de schiste en Europe, montrant
l’importance de ces derniers en France, et notamment dans le bassin parisien et les régions du
sud-ouest.

1
Alex, B., & Matelly, S. (2011). Pourquoi les matières premières sont-elles stratégiques? Revue internationale et
stratégique, p. 52
2
Agence Internationale de l'Energie. (2012). Golden Rules for a golden age of gas.
3
AIE, op. cit.. p. 121
La question centrale est donc ici l’identification des différentes zones possibles où le
gaz de schiste serait présent en grande quantité.

A2) LA SACRO-SAINTE INDÉPENDANCE ÉNERGÉTIQUE

Les gaz non conventionnels sont souvent présentés comme étant la solution majeure à
une problématique qui préoccupe de nombreux pays, la notion d’indépendance énergétique.
Cette dernière « désigne la capacité d’un pays à satisfaire de manière autonome ses besoins
énergétiques.

Elle est généralement mesurée par un indicateur officiel, le taux d’indépendance


énergétique »4 Ce taux d’indépendance énergétique n’est que « le rapport entre la production
nationale d'énergies primaires (charbon, pétrole, gaz naturel, nucléaire, hydraulique,
énergies renouvelables) et la consommation en énergie primaire, une année donnée. »5

4
CDE (connaissances des énergies). (2012, Juin 04). Comment est calculée l’indépendance énergétique de la
France ? Récupéré sur http://www.connaissancedesenergies.org:
http://www.connaissancedesenergies.org/comment-est-calculee-l-independance-energetique-de-la-france-120604
5
INSEE. (s.d.). Taux d'indépendance énergétique. Récupéré sur www.insee.fr:
http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/taux-independance-energetique.htm
Cette notion est fondamentale. En effet, c’est souvent par le biais de cette dernière
qu’est justifié le recours au gaz de schiste. Quoi de plus bénéfique que de produire sur le sol
national une ressource qui était auparavant importée et soumise à des possibles fluctuations de
prix non contrôlables par les autorités.

Le gaz de schiste n’est donc pas seulement une ressource particulièrement stratégique
de par sa situation géographique, comme évoqué ci-dessus, mais aussi et surtout du fait de
l’évolution de la consommation mondiale de gaz. Ainsi, comme nous le montre le graphique
suivant6, on anticipe une forte augmentation de la cette dernière dans les 20 - 30 prochaines
années.

Le gaz est ainsi le secteur énergétique qui connaitrait une hausse de sa consommation
la plus spectaculaire, cette dernière doublant quasiment, passant d’environ 2500 MTOE
(Million Tonnes of Oil Equivalent, Million de Tonnes d’équivalent pétrole) à plus de 4000 en
2035.

6
AEGE - Réseau d’experts en Intelligence Economique. (2012). L'intérêt du gaz de schiste: Analyse critique du
débat sur le dossier. p. 24
Cette possible hausse, qui est envisagée par de nombreux organismes, a pour origine le
fait que le gaz peut être considéré comme étant la meilleure énergie de substitution. En effet,
comme le résume Jacques PERCEBOIS7 :

« Le charbon est polluant, le fuel est cher et relativement polluant…Il y a certes les
énergies renouvelables (éolien, solaire photovoltaïque, solaire à concentration) mais elles
sont coûteuses et doivent être subventionnées. Il est logique alors, pour beaucoup de pays, de
se tourner vers le gaz pour produire cette électricité. »

Ainsi, le gaz de schiste combine deux atouts majeurs : il permettrait de s’émanciper


des pressions extérieures, qu’elles soient financières ou politiques, tout en garantissant au
pays qui l’aurait adopté une certaine efficacité énergétique.

A3) LES ETATS-UNIS ET LE RAPPORT DE L’AIE DE 2012

Nous allons dans cette partie nous attarder sur les conséquences géopolitiques que les
gaz et huiles de schiste peuvent occasionner, et ce notamment sur le cas des Etats-Unis.

Tout d’abord, c’est bien cette logique d’indépendance énergétique qui a joué un rôle
important aux États-Unis dans la mise en valeur des ressources de gaz non conventionnel. En
effet, la production de gaz conventionnel s’épuisait et les importations par gazoducs en
provenance du Canada (qui représentaient environ 17 % de la consommation en 2006) ne
suffisaient plus à couvrir la demande.

Les États-Unis avaient donc prévu d’importer du gaz naturel liquéfié en provenance
du reste du monde (Russie, Algérie, Proche-Orient, Australie). Cependant, « l’émergence
rapide du gaz non conventionnel a changé la donne : les importations de gaz naturel liquéfié,
pourtant modestes, se sont effondrées en 2008. »8

Récemment, c’est surtout le rapport de l’Agence Internationale de l’Energie, portant


sur les perspectives énergétiques globale, qui mirent fortement en lumière les gaz et huile de
schiste sur une idée simple mais très marquante. Ainsi, dans ses prévisions, les Etats-Unis
deviendraient le premier producteur de pétrole en 2017, le premier producteur de gaz en 2015

7
PERCEBOIS, J. (2011). Le gaz non conventionnel, facteur d'indépendance énergétique? Revue internationale et
stratégique, p. 73
8
Op. cit.
et seraient exportateurs net de brut en 2035. D’ores et déjà, « l’Amérique a ramené la part de
sa consommation de pétrole importé à 47 % en 2010, contre plus de 60 % en 2005. » 9

Ces prévisions sur le Saint Graal de l’indépendance énergétique à la portée d’un pays
comme les Etats-Unis, et ce grâce aux gaz et huile de schiste, ont aussi des répercussions
profondes sur la politique étrangères des Etats-Unis.

En effet, la politique américaine au Proche et Moyen-Orient subira probablement


quelques infléchissements stratégiques dans la mesure où le facteur « dépendance énergétique
» ou plus précisément, « sécurisation des accès et de l’approvisionnement en énergie »
deviendra moins sensible. Si le scénario que nous avons exposé ci-dessus est avéré, il est
certain que certains grands objectifs de la stratégie américaine vont être réajustés.

Nous pouvons simplement prendre pour exemple la sécurisation de la région du


Moyen-Orient, et plus particulièrement le détroit d’Ormuz. Ce dernier est en effet le lieu où
transite ¼ de la production mondiale de pétrole, et est une zone qui peut devenir explosive à
tout moment du fait des pays qui la composent, l’Iran notamment.

Désormais bientôt autosuffisants, les Etats-Unis interviendront dans cette régions en


fonction de nouvelles considérations, et notamment celles liées à l’influence grandissante de
la Chine.

Les Etats-Unis ne sont bien sûr pas les seuls à trouver un fort intérêt géopolitique dans
les gaz de schiste. Nous allons donc maintenant analyser le cas de la Pologne

A4) UN EXEMPLE D’IMPACT GÉOPOLITIQUE  : LE CAS DE LA POLOGNE

La Pologne est l’un des pays européen qui possède le plus grand potentiel concernant
les gaz de schiste, potentiel que ce pays compte bien utiliser, et ce à cause de son voisin
Russe.

En effet la Russie, dont la compagnie Gazprom détient le monopole d’exportation de


gaz naturel, est le fournisseur majeur de l’Union européenne. Il est même l’unique fournisseur

9
Courrier International. (2012, Novembre 13). Les Etats-Unis à deux doigts de l’indépendance énergétique.
Récupéré sur www.courrierinternational.com: http://www.courrierinternational.com/article/2012/11/13/les-
etats-unis-a-deux-doigts-de-l-independance-energetique
de certains pays baltes. Le problème est ici l’utilisation de Gazprom, ce géant de l’énergie
russe, comme un outil de pression diplomatique sur les Etats de l’union Européenne, et plus
particulièrement ceux de l’ancienne sphère d’influence de l’Union Soviétique.

Ainsi, en guise d’exemple, Moscou s’est servi de la compagnie nationale Gazprom


pour que l’Ukraine accepte une hausse du prix d’achat du gaz russe.
Fin 2005, Kiev était suspectée de sur-approvisionnement obtenu à un tarif préférentiel
qui lui permettait la revente du surplus à bon prix aux pays d’Europe occidentale. La Russie a
alors menacé de couper l’approvisionnement, puis a finalement mis à exécution son
ultimatum le 1er janvier 2006, faisant céder l’Ukraine deux jours plus tard.

C’est la raison majeure qui a poussé la Pologne à se lancer dans une grande politique
énergétique basée sur les gaz de schiste (un investissement de 12,5 milliards d’euros d’ici à
2020). En effet, « ces hydrocarbures non conventionnels doivent lui permettre de s'affranchir
de sa dépendance vis-à-vis de la Russie, qui lui livre 70% de ses besoins en gaz et qui lui
faisait payer le prix le plus élevé d’Europe. »10

Au-delà de cet aspect géopolitique, qui de plus semble être l’argument majeur en
faveur des gaz non conventionnel, il existe des considérations purement « économiques » que
nous allons étudier plus en détail ci-dessous.

B) Les gaz et huiles de schiste : Un nouvel


eldorado Economique ?

Il existait et il existe toujours aujourd’hui un enthousiasme certain concernant les


nombreux avantages que les gaz non conventionnels sont censés apporter à nos sociétés. Ces
derniers sont même perçus comme étant le nouvel eldorado, l’élément salvateur qui va sauver
nos économies souffrantes.

10
Smolar, P. (2012, Décembre 21). Les gisements polonais de gaz de schiste moins prometteurs que prévu.
Récupéré sur www.lemonde.fr: http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/04/03/les-gisements-polonais-
de-gaz-de-schiste-moins-prometteurs-que-prevu_1679754_3244.html
Nous pouvons résumer les deux grands effets positifs des gaz non conventionnels en terme
de nombres d’emplois crées par la filière et la baisse du prix du gaz entrainant un avantage
compétitif aux entreprises.

1) Emplois

Un organisme spécialisé dans la prédiction économique, IHS Global Insight, rapporte


que le développement des gaz de schiste aux Etats-Unis a contribué à la création en 2010 de
600.000 emplois directs, indirects et induits, comme le montre en détail le graphique ci-
dessous11 :

L’industrie gazière non conventionnelle a contribué majoritairement, sur ces 600000


emplois, pour 45% de services, 14% de manutention et 12% de commerce de détail.

Le deuxième schéma12 nous montre la prévision qui est faite pour 2015, avec une
filière à l’origine de plus de 1.5 millions d’emplois prévus.

Nous voyons bien que la filière du gaz de schiste à un effet plus que bénéfique sur
l’emploi, avec notamment une diversité de secteurs profitant de cette manne de travail.

Qu’en est-il de la France ?

11
IHS. (s.d.). The Economic and Employment Contributions of Shale Gas in the US. Récupéré sur
http://www.ihs.com: http://www.ihs.com/info/ecc/a/shale-gas-jobs-report.aspx
12
Op. cit.
Certains organismes ont prévu que la France gagnerai de 100 000 à 400 000 emplois
si elle s’engageait dans le voie des gaz de schiste.

La baisse du prix du gaz

L’un des autres atouts majeurs de cette énergie est son prix très faible. Une valeur peu
onéreuse qui peut s’analyser en deux temps :

 C’est déjà dans un premier temps une industrie qui permet un prix du gaz faible
comparé aux autres pays. C’était même le plus faible de 2008 jusqu’à aujourd’hui. En
effet, selon le graphique ci-dessous13, la valeur d’un million de Btu (British termal
Unit) était sur le marché spot américain de moins de 4$ en 2012, et ce grâce aux gaz
de schiste. De plus, on peut observer une constante baisse de ce prix alors que sur les
autres marchés il augmente d’une manière constante depuis 2010.

Prix moyens du gaz sur les marchés américains, européens et japonais en octobre de chaque année, en $/MBtu.

Ce prix très faible du gaz a permis donc aux Etats-Unis de faire profiter à ses
industries, surtout pétrochimiques, d’un gaz très bon marché.

Ainsi tout porte à croire que les entreprise française et européennes gagneraient en
compétitivité dans l’exploitation du gaz de schiste avec notamment des factures énergétiques
moins onéreuses

13
De RAVIGNAN, A. (2013, février). Etats-Unis : du pétrole dans le gaz de schiste. Alternatives économiques.

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