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TRIBOLOGIE

CHAPITRE 4 : Régimes de lubrification


ATMANI

Une partie importante de la recherche est concentrée aujourd’hui sur la nécessité d’économiser de
l’énergie en termes de consommation ou de ressources. Ceci nécessite, pour de nombreux mécanismes
de diminuer les frottements et de réduire l’usure. Le rendement des machines sera meilleur et les
pertes d’énergie seront minimes.

Much of the research is now focused on the need to save energy in terms of consumption or resources.
This requires, for many mechanisms, to reduce friction and to reduce wear. The efficiency of the
machines will be improved and the energy losses will be minimal.

IV. Régimes de lubrification

IV.1 Définition
La lubrification est le fait d’apporter un corps (solide, liquide ou gazeux) entre deux solides en
mouvement relatif dans le but de favoriser le glissement entre deux surfaces frottantes. Le rôle de la
lubrification est multiple. Elle permet non seulement de réduire le frottement et l'usure,
mais aussi de dissiper la chaleur produite dans le contact, de protéger contre la corrosion et
d'empêcher le grippage.

IV.2 Classification des lubrifiants


On peut distinguer les lubrifiants selon leur origine, animale, végétale, minérale ou synthétique, ou
bien selon leur présentation. Les lubrifiants peuvent être :

• Solides

Graphite
Cires
Résines
Plastiques fluorés (PTFE)
Polyamides
Vernis de glissement

• Liquides

Huiles organiques (végétales ou animales)


Huiles minérales issues du pétrole
Huiles synthétiques
Huiles composées

• Pâteux

Graisses à base de pétrole


Pâtes lubrifiantes
Graisses de synthèse (silicone…)

Gazeux
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Gaz (généralement l’air) sous pression.

IV.3 Les additifs


Les performances des lubrifiants sont généralement améliorées grâce à l’ajout d’additifs. Ces derniers
peuvent être classés en trois catégories selon leur principale fonction:

 Protéger les surfaces : - Détergent; - Dispersant; - Extrême pression, anti-usure; -


Anticorrosion; - Modificateur de frottement.
 Améliorer le lubrifiant :- Modificateur de viscosité; - Modificateur de point d’écoulement.
 Protéger le lubrifiant :- Antioxydant; - Anti-mousse.

IV.4 Propriétés physiques des lubrifiants

Un lubrifiant est un produit qui satisfait à trois conditions fondamentales :

• le film doit pouvoir être formé à la surface des pièces,

• le film formé doit être maintenu au contact,

• le film formé et maintenu doit se déformer facilement, sans se rompre par cisaillement.

IV.4.1 Propriétés fondamentales des huiles

• Onctuosité : C’est une variable que l'on ne sait pas encore chiffrer et qui qualifie le comportement
global des trois matériaux en présence, le lubrifiant et les deux pièces, compte tenu des traitements de
surface éventuels et de l'ambiance. Elle caractérise la plus ou moins grande solidité des manteaux
protecteurs ou epilamen formés par des assises moléculaires ; les molécules d’huiles sont soumises à
l’attraction moléculaire du métal des pièces frottantes et sont rangées côtes à côtes.

• Viscosité : Cette caractéristique très importante permet la création d’un film d’huile entre les
surfaces en mouvement. Elle résulte de la résistance qu’opposent les molécules constituant le fluide à
toute force tendant à les déplacer par glissement ; la viscosité est la propriété inverse de la fluidité.
Prenons l’exemple de la Figure 1 où un fluide visqueux est placé entre deux surfaces planes parallèles.
La surface supérieure est animée d’une vitesse constante V alors que la surface inférieure est
immobile. En raison de sa viscosité, le fluide adhère parfaitement aux parois. Un gradient de vitesse va
donc se créer dans la lame fluide. La résistance au glissement interne des molécules conduit à
l’apparition d’une contrainte de cisaillement σxy. Cette contrainte est liée au gradient de vitesse par la
loi de Newton :

dv
σ xy =τ=µ . equ. 1
dy
où µ est la viscosité dynamique du fluide. Donc plus un fluide est visqueux plus la contrainte de
cisaillement sera élevée pour une même valeur de gradient de vitesse . L’unité de viscosité est le Pa.s.

On utilise également la viscosité cinématique qui est le rapport entre la viscosité dynamique et la
densité du fluide :
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µ
ν= equ. 2
ρ
L’unité de la viscosité cinématique est le m2/s.

Figure 1 : Écoulement d’un fluide visqueux entre deux surfaces planes parallèles.

Un bon rendement mécanique impose un lubrifiant très fluide mais la sécurité de fonctionnement liée
à l'épaisseur des films superficiels (rupture du film d’huile) le fait préférer très visqueux.

Pour les huiles, on fait référence à un indice de viscosité qui traduit la rapidité de la variation de la
viscosité avec la température.

IV.4.2 Les graisses

Constitution

Les graisses sont des produits viscoplastiques à deux phases qui comportent :

• une phase liquide, huile minérale ou fluide synthétique, formant un support dispersant et
représentant parfois plus de 90 % du poids de la graisse,

• une phase solide dispersée se comportant en agent épaississant, généralement un savon métallique,
résultat de la réaction d'un acide gras (stéarique, oléique) avec un hydroxyde métallique (calcium,
lithium, sodium, aluminium, magnésium). Cette phase représente de 8 à 40 % du poids. Dans certaines
graisses, l'épaississant est un composé inorganique comme la bentonite, sorte d'argile possédant de
remarquables propriétés d'adsorption.

• des additifs solubles améliorant les performances : antioxydant, anti-usure, antirouille, extrême
pression, etc.,

• des additifs solides : graphite et bisulfure de molybdène,

• éventuellement, de l'eau ou de la glycérine facilitant la dispersion des autres produits.

IV.4.3 Propriétés fondamentales de la graisse


• Consistance : exprime la résistance à la déformation de la graisse, mesure de la dureté ou fluidité au
repos. Elle diminue lorsque la température augmente.

• Point de goutte : cette propriété caractérise la tenue de la graisse à la chaleur en précisant la


température de début de liquéfaction, elle dépend dans une large mesure de l'épaississant. Selon les
compositions, notamment la nature des savons utilisés.
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• Point de solidification Indique la température de début de solidification.

IV.5 L’équation de Reynolds


L'équation de Reynolds fut établie par le mathématicien irlandais O. Reynolds en 1886 à partir des
équations de la mécanique des fluides, appliquées à un film lubrifiant mince et visqueux. Elle permet
de calculer le champ de pression dans un film lubrifiant séparant deux surfaces solides.

IV.5.1 Démonstration intuitive de l’équation de Reynolds


On prend l’exemple de l’écoulement d’un fluide entre deux plans. Le plan supérieur est immobile
alors que le plan inférieur est animé d’une vitesse U suivant ⃗x . Un profil de vitesse, qui varie
linéairement entre la vitesse U de la plaque inférieure et une vitesse nulle sur la face supérieure, va
s’établir (Figure 2(a). Le débit de fluide est égal à l’aire du triangle représentant le profil de vitesse.

Figure 2. : Écoulement entre deux plans a) parallèles b) inclinés.

Si le plan supérieur est incliné et que les profils de vitesse gardent la même allure, il y a un problème
de conservation de la masse. En effet les aires des deux triangles représentés sur la Figure 2(b) sont
différentes. Les profils de vitesse ne sont donc pas corrects et un autre phénomène doit se produire.

La Figure 3 présente une expérience qui reproduit la Figure 2. Un tapis roulant entraîne de l’huile
sous un plan incliné fixe. Des tubes manométriques placés sur le plan incliné mettent en évidence la
création d’un champ de pression lors de la mise en mouvement du tapis. Cette pression va bien sûr
modifier les profils de vitesse de façon à assurer la conservation de la masse.

Un volume élémentaire de fluide est isolé, comme sur la Figure 4. Il est soumis à des pressions p et
des contraintes de cisaillement τ. La somme des forces suivant ⃗x conduit à la relation suivante :

equ. 3
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Figure 3 : Écoulement entre un tapis Figure 4 : Étude d’un volume élémentaire
roulant et un plan incliné. de fluide.

Sous l’hypothèse que la pression ne varie pas suivant l’épaisseur du film et qu’elle est donc
uniquement une fonction de x. Il vient alors :

equ. 4

Le cisaillement τ a été remplacé par le gradient de vitesse (equ.1), d’après la loi rhéologique du fluide.
Cette relation peut être intégrée par rapport à y pour exprimer le profil de vitesse :

equ. 5

Les constantes a et b sont calculées en utilisant l’hypothèse que la vitesse du fluide est égale à celle

des parois :

L’expression du profil de vitesse est finalement :

equ. 6

L’écoulement a donc deux composantes :

— une composante générée par le gradient de pression dp/dx. C’est la composante de Poiseuille;

— une composante générée par la vitesse de glissement U. C’est la composante de Couette.

Suivant le signe du gradient de pression, le profil de vitesse pourra avoir différentes allures comme
illustré sur la Figure 5. Si le gradient de pression provoque un écoulement inverse de suffisamment
grande amplitude, il est possible d’obtenir une recirculation du fluide. Même si l’exemple traité ici est
relativement simple il montre que les profils de vitesse dans les films minces sont la somme d’un
profil parabolique (Poiseuille) et d’un profil linéaire (Couette).

Ces résultats vont permettre d’expliquer la pression générée dans l’expérience de la Figure 3. Comme
le montre la Figure 6, le gradient de pression est positif sur la partie gauche du plan incliné alors qu’il
est négatif dans la partie droite. Les profils de vitesse obtenus ont alors des allures différentes mais
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permettent d’assurer la conservation de la masse car les aires des profils de vitesse sont identiques.
Finalement, on peut conclure que lorsque le plan est incliné, une pression est naturellement générée de
façon à assurer l’équilibre des débits de fluide et la conservation de la masse.

Figure 5 : Profils de vitesse dans un film Figure 6 : Relation entre le profil de
mince. pression et les champs de vitesse pour un
plan incliné.

Le débit Q traversant une section du film :

equ. 7

D’après la conservation de la masse, ce débit ne varie pas suivant x soit :

Cette relation peut se mettre sous la forme :

equ. 8

La résolution de cette équation donne la distribution de pression dans le contact à partir de l’épaisseur
du film h, la vitesse de glissement U et la viscosité du fluide µ. C’est la version unidimensionnelle de
l’équation de Reynolds.

IV.5.2 Équation générale - coordonnées cartésiennes


Cas général de deux surfaces 1 et 2 en mouvement relatif comme indiqué sur la figure 7 ; la direction
z est orientée perpendiculairement aux surfaces. Des points M1 et M2, situés respectivement sur les
surfaces 1 et 2, ont des composantes de vitesse (U1, V1, W1) et (U2, V2, W2), avec h1 et h2 la
position suivant z de ces deux points.
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Figure 7: Surfaces en mouvement relatif dans un repère cartésien.

Les surfaces sont séparées par un fluide newtonien de densité ρ et de viscosité dynamique µ.
L’écoulement du fluide est régit pas les équations de Navier-Stokes (1).

Afin d’aboutir à l’équation de Reynolds il est nécessaire de simplifier ces équations. Pour cela, les
termes seront adimensionné pour évaluer leur ordre de grandeur, avec L la longueur caractéristique
suivant x et y, h l’épaisseur caractéristique de film et V la vitesse caractéristique des parois. La densité
et la viscosité sont supposées constantes. Les grandeurs sans dimension s’expriment :

Après quelques transformations, on obtient l’équation de Reynolds :

Dans cette équation, la dérivée temporelle de h s’exprime :

La résolution de l’équation de Reynolds nécessite de connaître la position h1 et h2 des parois ainsi


que leurs composantes de vitesse et les caractéristiques du fluide. L’équation présentée ici est valable
pour des fluides compressibles ou incompressibles dont la viscosité ne varie pas suivant z. Il est utile
de rappeler les hypothèses ayant permis d’établir cette équation :

— Le film est mince devant les autres dimensions h << L ;

— Le fluide est Newtonien de viscosité constante suivant h ;

— La densité du fluide est constante suivant h ;

— Le fluide adhère parfaitement aux parois;

— L’écoulement est laminaire et le nombre de Reynolds suffisamment petit pour que l’inertie du
fluide soit négligeable;

— Le milieu est continu.


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La résolution de l’équation de Reynolds permet de calculer la distribution de pression dans le film,


puis les vitesses et les contraintes. On peut ensuite en déduire des grandeurs macroscopiques comme
les forces ou les débits de fluide. L’ensemble de ces forces et débits est représenté sur la Figure 8. La
force la plus intéressante est la force soulèvement Fz ou portance générée par la pression du fluide.
Dans l’hypothèse où le domaine est rectangulaire de taille Lx par Ly, il vient :

En raison des contraintes de cisaillement dues à la viscosité du fluide, des forces de frottement sont
générées dans les deux directions :

Enfin, il est possible de calculer les débits de fluide sur les frontières du domaine :

Figure 8 : Représentation des forces et Figure 9 : Surfaces en mouvement relatif
débits dus à l’écoulement en film mince. dans un repère polaire

IV.5.3 Équation générale - coordonnées polaires


En utilisant la conservation de la masse, il est possible d’obtenir l’équation de Reynolds suivante :

La dérivée temporelle d’épaisseur de film s’exprime :


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IV.6 Régimes de frottement et de lubrification

La nature et les propriétés du frottement de glissement entre deux surfaces dépendent d'un
certain nombre de paramètres essentiels :

 la géométrie des surfaces mises en présence, tant au niveau macro-géométrique qu'au niveau
micro-géométrique,
 les charges appliquées,
 les vitesses de déplacement,
 la présence ou l'absence de lubrifiant (frottement médiat ou immédiat),
 les propriétés du lubrifiant, lorsque l'on en fait usage.

IV.6.1 Frottement immédiat et médiat


On subdivise le frottement en frottement immédiat, ou sans lubrifiant et le frottement médiat ou
lubrifié. On passe progressivement du frottement sec à la lubrification « idéale » où un film
suffisamment épais sépare complètement les pièces. La transmission des efforts est assurée dans le
premier cas par les seules aspérités des surfaces, dans le second par la pression qui règne dans la
couche de lubrifiant.

Dans le cas particulier du frottement sec ou immédiat, les matériaux sont choisis pour leur
compatibilité en frottement et aucune introduction de lubrifiant n'a lieu. Le contact réel se fait a priori
non pas sur ces matériaux eux-mêmes mais sur les couches de gaz et d'impuretés diverses
adsorbées sur les surfaces. Le glissement est relativement difficile, il donne lieu à de
l’échauffement, à des arrachements et éventuellement à des microsoudures si les matériaux
présentent une affinité chimique. Les surfaces s’usent rapidement.

Figure 10 : Frottement immédiat.

Dans le cas du frottement médiat, le lubrifiant est toujours choisi pour son affinité avec les
surfaces mais aussi pour ses propriétés de volume, en particulier pour sa viscosité. La quantité
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importante de lubrifiant permet à de nouvelles molécules de prendre la place de celles qui ont
pu être chassées des contacts d'aspérités sous l'effet de conditions de température et de
pression trop sévères. Par ailleurs et surtout, il s'agit de rechercher des conditions de
fonctionnement telles que les charges soient supportées, si possible en totalité, par le produit
tiers introduit entre les surfaces. L'idéal est que ce produit puisse constituer une couche, un
film, suffisamment épais pour séparer complètement les pièces en présence, de façon à éviter
toute possibilité de contact entre solides ; on espère ainsi à la fois rendre le mouvement plus
facile et supprimer totalement l'usure. Outre sa fonction d'interposition, le lubrifiant va aussi
permettre d'évacuer une partie importante des calories.

Le lubrifiant ne peut assurer une certaine portance que s'il est mis sous pression grâce au
mouvement relatif des pièces elles-mêmes ou, si ce n'est pas possible, par une alimentation
forcée.

Exemple : Frottement d'un patin sur un plan

Considérons un patin rectangulaire, encore appelé « glisseur », susceptible de se déplacer sous


charge sur un plan portant une couche suffisamment épaisse de lubrifiant. La partie avant de
ce patin comporte un chanfrein ou toute autre forme appropriée pour éviter de racler le
lubrifiant au passage.

Figure 11 : Frottement d’un patin sur un plan.

Si le patin est immobile, sous charge, depuis un certain temps, on peut considérer que le lubrifiant
présent entre les deux pièces dans les espaces dus aux diverses sortes de défauts de surface se trouve à
la pression ambiante. Les charges sont alors entièrement supportées par les aspérités ; ces dernières
sont recouvertes de couches de molécules adsorbées, liées rigidement aux substrats et capables
d'empêcher ou au moins de minimiser les contacts directs des deux matériaux de base.

Si le patin glisse très lentement, la pression dans le lubrifiant reste nulle ou extrêmement faible et les
charges sont encore entièrement supportées par les aspérités ; le coefficient de frottement reste, très
logiquement, à peu près au même niveau que dans le cas de la lubrification limite.

Si la vitesse augmente, le lubrifiant se trouve de mieux en mieux « pris au piège » dans le mécanisme,
de sorte que sa pression croît ; il suffit pour s'en assurer de percer un petit trou dans le patin. Plus le
glissement est rapide, plus la pression s'élève et plus la portance qui en résulte permet de décharger les
aspérités. En même temps, le coefficient de frottement diminue, ce qui va bien sûr dans le sens
recherché. Nous sommes ici dans une phase dite de  frottement onctueux, au cours de laquelle
l'onctuosité joue encore un rôle déterminant.
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Si la vitesse devient suffisamment grande et  si le contexte mécanique le permet, le patin finit par se
soulever ; le lubrifiant « capturé par surprise » n'a pas le temps de s'évacuer et le glissement a lieu sur
une couche fluide en forme de coin qui supporte maintenant la totalité des charges. Nous entrons là
dans le domaine de la mécanique des fluides, le coefficient de frottement ne baisse plus, au contraire,
il augmente avec la vitesse et peut même, parfois, tendre vers l'infini. Sauf dans un cas très particulier,
ce régime, appelé frottement hydrodynamique, ne peut s'établir que dans des mécanismes
suffisamment « ouverts » pour que le coin d'huile puisse se former ; il faut pour cela que le patin
puisse à la fois se soulever et s'incliner car la mise en pression du fluide nécessite un écoulement
convergent. Il faut aussi que le patin soit chargé vers l'arrière, un peu, mais pas trop.

Une différence pratique fondamentale distingue les phases de frottement onctueux et de


frottement hydrodynamique. Entre les deux existe une zone aux limites très floues,
correspondant à ce que l'on appelle un régime de frottement mixte. En théorie, ce frottement
mixte commence dès que le lubrifiant supporte une partie des charges et finit lorsque les
aspérités des pièces n'entrent plus en contact, mais pendant cette phase l'onctuosité reste tout
de même un facteur déterminant.

IV.6.2 Les différents régimes de lubrification


L'existence de différents régimes de lubrification fut mise en évidence en 1902 par la courbe
de Stribeck. Cette courbe montre que l'évolution du coefficient de frottement des paliers
lubrifiés suit toujours une même loi en fonction du coefficient de similitude (vitesse
× viscosité/charge).
L'épaisseur réduite (Λ = épaisseur du film d'huile/rugosité des surfaces) proposée par Tallian
en 1967 permet de connaître le régime de lubrification. La connaissance de ce paramètre
permet d'utiliser la théorie appropriée pour calculer l'épaisseur exacte du film d'huile,
paramètre d'entrée indispensable pour prédire la durée de vie d'un palier.
Donc, pour juger de l’efficacité d’un lubrifiant dans une machine, il est très utile de connaître
dans quelles conditions sont graissés les différents organes. On distingue, pour des raisons de
clarté, plusieurs grands régimes de lubrification :

Régimes Facteur de Usure adhésive


frottement
Hydrostatique 10-6 – 10-3 Nulle
Hydrodynamique 10-3 – 10-2 Nulle
Elastohydrodynamique 0,01 – 0,05 Faible
Limite 0,05 – 0,3 Légère à forte
Frottement sec métal sur métal 1 Sévère
Lubrifiant solides 0,1 – 0,3 Légère

Très souvent, le régime de lubrification peut changer fondamentalement pendant les diverses
phases de fonctionnement d'un mécanisme. Il faut donc étudier toutes les situations possibles
pour atteindre une fiabilité satisfaisante, limiter les résistances passives et donc les pertes
d'énergie, tout en assurant la sécurité du mécanisme lui-même et de son environnement.
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Le frottement médiat est donc subdivisé en plusieurs régimes :

Lubrification limite

On parle de « lubrification limite » lorsqu'un lubrifiant est présent en très faible quantité,
formant à la surface des pièces des couches très minces, éventuellement quasi mono-
moléculaires et généralement non régénérables en cas de destruction ; l'épaisseur du film
lubrifiant est insuffisante pour isoler complètement les solides en contact. Ces couches,
encore appelées « épilames » ou « epilamens », doivent évidemment être formées de produits
capables de se lier très fortement aux substrats, la force de ces liaisons caractérisant une plus
ou moins grande onctuosité. L'aptitude du lubrifiant à former une couche adhérente, appelée
onctuosité, est ici une qualité primordiale. Par rapport au frottement sec, disons que l'on a
remplacé une « pollution naturelle » des surfaces par une « pollution contrôlée ».

Les charges sont entièrement supportées


par les aspérités et la chaleur produite lors
du glissement est répartie entre les pièces
en présence, de façon généralement très
inégale.
Molécules d'huile adsorbées (physico-chimie
des surfaces et des lubrifiants).

Lubrification onctueuse

La couche de lubrifiant est plus épaisse, elle commence à porter une partie des charges mais il subsiste
des contacts entre les aspérités des pièces. Quelques contacts locaux métal / métal subsistent. La
plupart des contacts se fait épilamen/épilamen. Le coefficient de frottement se trouve
diminué et le glissement favorisé. Il y a moins d’arrachements et de micro soudures. L’usure est
moins rapide que dans le cas du frottement sec. En général, les pressions sont plutôt importantes et
les vitesses relatives plutôt faibles.

Lubrification « mixte » 

Le fluide supporte une partie importante des


charges mais des contacts subsistent entre les
aspérités. C’est un mélange de frottement
onctueux et de frottement hydrodynamique.
La portance hydrodynamique est intermittente.
Le frottement est minimal mais ce régime est Coefficient de frottement : 0,001 < F < 0,2
très instable et il vaut mieux l'éviter.
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Figure 12 : Lubrification mixte

Lubrification fluide
Lorsque le lubrifiant (fluide, liquide ou gaz) sépare nettement les surfaces en mouvement
relatif, on dit qu’on est en régime de lubrification fluide. L’épaisseur du film fluide doit alors
être beaucoup plus grande que les irrégularités de surface. C’est le régime le plus recherché,
car d’une part, le frottement est très faible, parce que seules les forces de viscosité s’opposent
au mouvement, et que d’autre part, l’usure adhésive est nulle puisqu’il n’y a plus de contact
direct entre les surfaces.

Figure 13 : Lubrification fluide.

Plusieurs cas sont à considérer :

Lubrification hydrodynamique (graissage sous pression) (0,002 < f < 0,01)

En lubrification hydrodynamique, les surfaces sont séparées par un film de fluide visqueux dont la
pression est générée par le mouvement relatif des surfaces qui forment un espace convergent  ; Il n’y a
aucun contact direct entre les surfaces, une couche de lubrifiant les sépare en permanence. Le
frottement est très réduit et l’usure est presque nulle.

Si la pression unitaire des pièces en contact n’est pas trop élevée et que la
vitesse relative des surfaces est importante, les deux surfaces se séparent
par une montée en pression de l’huile interposée : le lubrifiant liquide est
entraîné et mis sous pression par le mouvement relatif des surfaces. Il
sépare totalement ces dernières et supporte l'intégralité des charges, grâce à
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sa viscosité, qui correspond à sa résistance à l'écoulement. Ce phénomène est favorisé par la formation
d’un coin d’huile.

La lubrification hydrodynamique est utilisée (principalement) pour réduire le frottement dans les
guidages d’arbre. On trouve deux types de guidages présentés sur la figure 14 : les paliers
hydrodynamiques pour les charges radiales et les butées hydrodynamiques pour les charges axiales
(exemples Fig.15).

Figure 14 : Les deux systèmes de guidages d’arbre.

Figure 15 : Exemples de paliers et butées hydrodynamiques.

Lubrification « pseudo-hydrodynamique » 

L'huile arrive dans le contact par capillarité et forme un film lubrifiant par effet d'entraînement mais ce
film ne peut pas véritablement être mis sous pression et supporter les charges. C'est ce qui se passe par
exemple dans les coussinets autolubrifiants en bronze poreux.

Lubrification élastohydrodynamique 

C'est un cas particulier du précédent, lorsque la pression dans le film liquide est suffisante pour
déformer localement les solides en contact, comme c'est le cas lors du fonctionnement des engrenages
(Figure 16). Cette déformation change la géométrie du film et la répartition des pressions, mais aussi
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les caractéristiques des lubrifiants : à 7 000 bars et 100 °C (conditions fréquentes dans les contacts), la
viscosité des huiles naphténiques peut être multipliée par 100 000.

Figure 16: exemples de contact élastohydrodynamique

Lubrification hydrostatique

Elle consiste à envoyer, à l'aide d'une pompe ou d'un compresseur, un liquide ou un gaz sous pression
pour séparer les surfaces qui peuvent alors être ou non en mouvement relatif (Figure 17). Elle est la
garantie d'un frottement extrêmement faible et d'une absence quasi totale d'usure mais il faut une
source d'énergie extérieure.

Figure 17: Systèmes de lubrification hydrostatique

Lubrification par un gaz (aérodynamique ou aérostatique)

Il est possible d’utiliser un gaz comme lubrifiant. Pour utiliser un gaz, il faut s’assurer qu’il
existe toujours un film qu’il soit aérodynamique, c’est à dire généré par une vitesse ou
aérostatique, c’est-à-dire généré par une source extérieure de pression.

La figure 18 présente des exemples de paliers et butées pour lesquels la séparation des
surfaces est assurée par un film d’air. Le film peut être crée par le mouvement des surfaces
(lubrification aérodynamique). Dans ce cas, il est courant d’utiliser des surfaces rainurées. La
lubrification à air est utilisée dans les applications où de grandes vitesses sont atteintes. L’air
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est intéressant pour les applications où un niveau de propreté élevé est requis. Enfin, la
lubrification à air est retenue pour les applications à faible frottement.

Figure 18: Exemples de butées aérostatiques et aérodynamiques

En résumé

Lubrifiant solide :

 Diminue l’adhérence, le labourage et la déformation plastique en s’interposant entre les


aspérités ;
 Prévient le grippage tant qu’il est présent en évitant le contact des matériaux de base ;
 Diminue la température en diminuant la force de frottement, mais n’évacue pas la chaleur ;
 S’use et ne se renouvelle pas, sauf via les débris d’usure.

Principales propriétés :

 Bien adhérer au substrat ;


 Avoir une faible résistance au cisaillement.

Lubrifiants onctueux adsorbés (cas des graisses et liquide) :

 Diminuent l’adhérence, le labourage et la déformation plastique en s’interposant entre les


aspérités et les séparant ;
 Diminuent la pression sur les aspérités en formant des poches de lubrifiants sous pression
entre les aspérités ;
 Diminue la température en diminuant la force de frottement, mais n’évacue pas la chaleur ;
 S’usent et se renouvellent tant qu’ils sont présents.

Principales propriétés :

 Bien adhérer au substrat ;


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 Avoir une faible résistance au cisaillement.

Lubrifiants liquides :

 Prévient toute forme d’usure (sauf fatigue) en éliminant tout contact solide/solide entre les
aspérités ;
 Diminuent et éliminent la chaleur générée par le frottement.

Principales propriétés :

 Propriété fondamentale : la viscosité ;


 Conservation de la viscosité avec la température et le temps.

Références bibliographiques

1. N. BRUNETIERE. Introduction à la tribologie, Institut Pprime-Futuroscope, 2016.

2. Liliane FAURE. Contact tribologie : Notions de tribologie, GPL Ghostscript 8.71.

3. Frêne G., Nicolas D., Deugueurce B., Berth D., Godet M., Lubrification hydraudynamique :
Paliers et butées, [éd.] Eyrolles. Collection de la Direction des Etudes et Recherche d'Eléctricité de
France. 1990, 72.
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