4-- LES TECHNOLOGIES DE LABORATOIRE - N°16 Septembre-Octobre 2009

Article original

Enquête Epidémiologique sur la Légionellose et

Prévalence de Legionella pneumophila dans Les
Eaux Chaudes Sanitaires au Maroc
Taî Jalila1, Elhabch Driss1, HassarMohammed1, Cohen Nozha*1
1
Laboratoire de Microbiologie et Hygiène des Aliments et
de l'Environnement à l’Institut Pasteur du Maroc
*
Correspondance: Dr. Nozha Cohen, I.P. M. 1 place Louis Pasteur, 20100 Casablanca
Tel : 212 22 43 44 75, Fax: 212 22 26 09 57, Email: nozha.cohen@pasteur.ma

RESUME
La légionellose est une maladie respiratoire
humaine provoquée par des bactéries du genre
Legionella qui se développent dans les milieux
aquatiques naturels ou artificiels. La
prévention de la légionellose repose sur une
surveillance clinique et environnementale. La
présente étude porte sur la mise au point d'une
technique d'investigation sur le terrain, qui
sera élargie ultérieurement par une étude à
grande échelle, permettant d’identifier la
prévalence écologique des Legionella dans les
réseaux de production et de distribution de
l’eau chaude sanitaire. Pour réaliser ce travail,
40 échantillons d'eaux chaudes, prélevés à
partir de trente quatre hôtels et six domiciles
au Maroc, ont été soumis à la recherche et la
numération de Legionella pneumophila. Les
résultats obtenus ont montré que Legionella
Mots clés : Legionella – Légionellose - Eau d’alimentation - Diagnostic biologique.
pneumophila a été détectée dans 32,5% du
total des échantillons analysés dont 62% avec
une charge supérieure à la limite tolérable par
la réglementation. L’étude a également montré
que Legionella pneumophila est présente dans
29% des échantillons prélevés dans les hôtels.
Les sérogroupes 2-15 et 1 sont identifiés à des
fréquences respectives de 60 et 40%. Quant
aux échantillons prélevés dans les domiciles,
50% révèlent la présence de Legionella
pneumophila sérogroupe 1 avec
une charge inférieure à la limite tolérable par
la réglementation. L’enquête épidémiologique
a montré la présence de deux cas confirmés
de légionellose. Les résultats de ce travail
doivent inciter les autorités à prendre les
mesures nécessaires pour la surveillance et la
prévention de la légionellose au Maroc.
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Title: Epidemiological Survey of Legionellosis and
Prevalence of Legionella pneumophila in Hot Water in
Morocco
Abstract
Legionellosis is a human respiratory disease
caused by Legionella that thrive in natural
and artificial aquatic environment. Strategies
to prevent the transmission of Legionella are
based on clinical and environmental
monitoring. This study focuses on the
development of a technic used for field
investiga tion, it will be followed later by a
l a r g e s t u d y, i d e n t i f y i n g t h e p r e v a l e n c e o f
Legionella in ecological networks of
production and distribution of hot water. Thus
40 samples were collected from hot water
distribution systems of thirty four hotels and
six homes in Morocco. The samples were
analyzed for the presence and counts of
Legionella pneumophila. Legionella
pneumophila was detected in 32.5% of total
samples analyzed, 62% of samples contained
bacteria above the maximum established
limits. The study showed that Legionella
pneumophila was detected in 29% samples in
hotels, and confirmed serogroups 2-15 and 1,
in 60 and 40% of those samples, respectively
in housing samples, Legionella pneumophila
was isolated in 50% of samples and confirmed
serogroup 1. All samples contained bacteria
below the maximum established limits
established by the regulatory standards.
Epidemiological investigations confirmed two
cases of Legionellosis. The results of this
work should encourage the authorities to try
to elaborate surveillance and preventive
actions for monitoring of Legionellosis in
Morocco.
Key words : Legionella – Legionellosis – Hot
Water – Biological diagnostic.
INTRODUCTION
Les perturbations de l’environnement ont des
conséquences indéniables sur la santé, car
elles modifient les paramètres des
écosystèmes où évoluent les pathogènes, ces
derniers perçoivent et répondent aux
modifications environnementales de manière
intrinsèque ou extrinsèque, au travers de leurs
hôtes. Le développement d’une
écophysiologie évolutive des pathogènes
devient essentiel pour notre compréhension
des processus dynamiques de la virulence et
de la résistance dans les populations hôtes,
confrontées aux changements d’ordres
climatique ou anthropique (Romling, 2001 ;
Stanley et Lazazzera, 2004).
La colonisation des réseaux hydriques par
Legionella pneumophila (Steinert et al., 1998)
est un excellent exemple illustrant la
complexité de la gestion des systèmes
trophiques.
La légionellose est une pneumopathie due à
des bacilles à Gram négatif du genre
Legionella (Fields et al., 2002). Les
légionelles sont des bactéries ubiquitaires de
l’environnement que l’on retrouve avec une
grande fréquence dans l’eau, en particulier
sanitaire, dans laquelle elles se développent
de façon optimale entre 25 et 45 °C (Fields
et al., 2002). La transmission à l’homme se
fait principalement par inhalation d’eau
contaminée diffusée en aérosol (Fields et al.,
2002).
Il s’agit d’une maladie sporadique avec des
épidémies communautaires survenant
essentiellement à la fin de l’été et en automne
dont le taux d’attaque est faible soit 5 %, (Zahar et
Kouatchet, 2008). La L a s u r v e n u e d ’ u n e
légionellose dépend de plusieurs facteurs liés
au type et à l’intensité de l’exposition, à l’âge
du patient et à son statut immunitaire.
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Les principales sources d’infection sont les
réseaux de distribution d’eau chaude dans les
douches et les tours de refroidissement des
installations aérotechniques. Les facteurs
déterminants sont la température de l’eau et
la stagnation, celles ci favorisent la
multiplication des microorganismes alors que
la formation des aérosols permet la diffusion
et la contagion. La transmission liée à
l’utilisation d’eau chaude sanitaire semble
actuellement la plus courante, elle se fait par qui sera élargie par une étude à grande échelle,
inhalation de fines gouttelettes de taille
inférieure à 5 µ m d'eau ou aérosols contenant
des Legionella qui vont pénétrer jusqu'au
niveau des alvéoles pulmonaires (Fields et
al., 2002). Le risque de développer une forme
grave de légionellose pulmonaire dépend de
la susceptibilité des personnes exposées,
probablement de l’intensité de l’exposition
et également de la virulence particulière de
certaines souches de L.pneumophila.
L’âge avancé, le sexe masculin, l’éthylisme
chronique, l’intoxication tabagique, le
diabète, l’insuffisance rénale chronique, des
antécédents de maladie respiratoire chronique
obstructive ou de cardiopathie sont autant de
facteurs décrits comme étant soit des facteurs
de risque de développer une légionellose
pulmonaire, soit des facteurs associés à
l’évolution vers une forme sévère (Gacouin
et al., 2003).
Le spectre des manifestations cliniques des
légionelloses varie entre les formes
asymptomatiques (découverte fortuite d’une
sérologie positive), les infections bénignes,
les formes graves ou compliquées et les
évolutions létales.
Le terme légionellose inclut la maladie des
légionnaires, la fièvre de Pontiac et les
formes extra pulmonaires impliquant les
espèces Legionella. La maladie des
légionnaires, infection pulmonaire aigue dont
la mortalité peut atteindre 15 à 20 %, voire
plus chez les immunodéprimés, se distingue
de la fièvre de Pontiac, syndrome pseudo-
grippal de guérison spontanée en deux à cinq
j o u r s ( Yu e t a l . , 2 0 0 2 ; A k b a s e t Yu , 2 0 0 1 ;
M ü l a z i m o g l u e t Yu , 2 0 0 1 ) . L e s s y m p t ô m e s
apparaissent typiquement entre 2 à 14 jours
après l'exposition aux bactéries (Gupta, et
al., 2001). Les légionelloses extra
pulmonaires sont rares, mais les
manifestations cliniques sont dramatiques.
L'objectif de cette étude est la mise au point
d'une technique d'investigation sur le terrain,
permettant d’identifier la prévalence écologique des
Legionella dans les réseaux de production et de
distribution des eaux chaudes sanitaires au Maroc.
MATERIEL ET METHODES
Investigation environnementale
Des échantillons d'eau chaude sanitaire ont
été prélevés, à partir de 34 hôtels et 6
domiciles au Maroc, du 01 janvier au 31 juin
2008. Au cours de cette période, quarante
(n=40) échantillons d'eau ont été analysés
pour la recherche et la numération des
légionelles, à raison de deux échantillons par
semaine en moyenne.
Les prélèvements ont été effectués au niveau
des points d’usage, à partir du premier jet
d’eau chaude.
Les échantillons sont filtrés sur membranes
en polycarbonate de porosité 0,20 µm. Les
microorganismes retenus sur le filtre sont
détachés, mis en suspension dans de d'eau
distillée stérile, grâce à l'action des ultrasons.
Afin de réduire la flore annexe, une partie du
concentrât est traitée par la chaleur et une
autre par l'acide.
La recherche et la numération de Legionella
spp. sont effectuées sur un milieu gélosé
complet (GVPC) additionné des
antimicrobiens (glycine, vancomycine
hydrochloride, polymyxine B et
cycloheximide), selon la norme Afnor T90431.
Les boites sont incubées à 35°C dans une
atmosphère saturée en humidité et contenant
2,5 % de CO2.
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Identification et dénombrement: les colonies
grises, muqueuses, polymorphes et présentant
un aspect dit en «verre brisé» lorsqu'elles
sont observées à la loupe binoculaire sont
retenues. Ces colonies sont isolées sur milieu
gélosé au sang et sur le milieu gélosé complet
(GVPC) additionné des antimicrobiens.
L'absence de culture sur gélose au sang
confirme l'identification présomptive de
Legionella pneumophila.
L'identification de l’espèce et de quelques
sérogroupes de Legionella pneumophila se
fait par l'agglutination des particules de latex.
Investigation épidémiologique
La première phase de l'investigation des cas
est une enquête épidémiologique qui permet
de définir s'il s'agit d'une légionellose
communautaire (liée ou non à un voyage) ou
nosocomiale, et de repérer les cas groupés.
Ceci est fait grâce à un questionnaire
accompagné d'une lettre explicative, envoyés
à tous les grands centres hospitaliers du
royaume.
Nous avons recueilli prospectivement des
données épidémiologiques, cliniques et
biologiques correspondant aux cas de
légionellose au cours de la période d’étude.
La confirmation des cas suspects est faite par
la recherche des antigènes solubles urinaires
par immunochromatographie Now Binax
(Oxoid, Dardilty).
RESULTATS
Au cours des investigations
environnementales, les résultats ont montré
que Legionella pneumophila est présente dans
13 échantillons sur les 40 échantillons d'eau
chaude prélevés à partir de trente quatre
hôtels et de six domiciles, ce qui représente
32,5% du total des échantillons analysés.
Sur les 13 échantillons positifs de Legionella
pneumophila, le sérogroupe 2-15 a été isolé
dans six échantillons, soit une fréquence de
46,2% alors que le sérogroupe 1 a été isolé
dans sept échantillons soit une fréquence de
53,8%.
Cependant, Legionella pneumophila a été
détectée avec une charge supérieure à 103
UFC/L dans 38% (5/13) des échantillons
positifs.
La présence de Legionella pneumophila est
confirmée dans 29% (10/34) des hôtels
étudiés, dont 60% (6/10) sont des
sérogroupes 2-15 et 40% (4/10) sont de
sérogroupe 1.
Pour le total des échantillons positifs à la
recherche de Legionella pneumophila, 50%
présentent une charge supérieure à 103
UFC/L, aussi bien pour les sérogroupes 2-15
isolés que le sérogroupe 1.
Quant à l’eau chaude sanitaire dans les domiciles, les
analyses montrent que 50% (3/6) des
échantillons sont positifs à la recherche de
Legionella pneumophila sérogroupe 1 avec
une charge inférieure à 103UFC/L.
Lors des investigations épidémiologiques,
deux cas ont été hospitalisés à Casablanca.
Ce groupe de malades se composait d'un
homme et d'une femme âgés respectivement
de 39 et 72 ans.
Pour les deux cas, le début de la
symptomatologie a été brutal. Les deux cas
avaient une fièvre élevée, une toux sèche, des
myalgies, des troubles digestifs et des
céphalées.
Les patients présentaient les facteurs de
risque suivant: l'homme était un fumeur et la
femme était diabétique et présentait une
cardiopathie, une pathologie rénale ainsi
qu’une broncho-pneumopathie.
Un autre cas suspect, celui d'une femme âgée
de 50 ans, travaillant dans un hôpital et qui
a séjourné dans un hôtel, celle-ci a présenté
des symptômes similaires à une légionellose
tels qu’une fièvre élevée, des myalgies, des
céphalées et des troubles digestifs.
La recherche des antigènes urinaires (à plus
de trois semaines après apparition des
symptômes) chez la patiente était négative.
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DISCUSSION
Depuis 1987, la légionellose est introduite
dans la liste des maladies à déclaration
obligatoire, afin de permettre aux systèmes
de veille sanitaire d'identifier des phénomènes
épidémiologiques (Soule et al., 2000). A partir
de 1997, l’incidence des cas déclarés de
légionellose est en constante augmentation et
plus généralement en Europe. Cela reflète
très vraisemblablement une meilleure
sensibilité et une amélioration globale du
système de surveillance probablement liée en
partie à une amélioration des pratiques de
diagnostic et de signalement par les
déclarants.
Au Maroc, la direction d’épidémiologie et la
lutte contre les maladies ne disposent pas
jusqu’à ce jour des données sur cette maladie.
Les résultats de cette étude préliminaire
montrent que la maladie des légionnaires
existe au Maroc. En plus les deux cas
confirmés montrent certains facteurs liés à la
létalité de la légionellose: l'âge, le tabagisme,
la cardiopathie, la pathologie rénale étant des
facteurs de risques majeurs influençant le
pronostic. Ces résultats confirment ceux
d'autres études réalisées par Poupard et al
(2007) et Gacouin et al., (2002) sur les
facteurs favorisant la maladie des
légionnaires.
Pour la patiente qui présente des symptômes
similaires à ceux d’une légionellose,
l’antigènurie négative à plus de 3 semaines,
peut être expliquée par le fait que l'antigène
urinaire peut être excrété quelques jours
seulement après l’infection, en plus le test
de diagnostic est exclusivement spécifique
de L. pneumophila de sérogroupe 1, alors que
la patiente peut s'avérer infectée par un autre
sérogroupe.
Les principales sources de la maladie des
légionnaires sont les systèmes des réseaux
d'eaux chaudes sanitaires dans les hôpitaux
et les hôtels. Ceci est dû probablement au fait
que les plus vastes réseaux de tuyauterie
fournissent une grande surface permettant une
large variation de température avec une
accumulation plus importante des biofilms
(Yu et al., 2002).
Notre étude a confirmé que les réseaux d'eau
chaude sanitaire Marocains sont également
colonisés par Legionella pneumophila.
Les résultats ont montré une prévalence
globale de Legionella pneumophila de 32,5
% dans le total des échantillons d’eaux
chaudes sanitaires analysés. Cette prévalence
est similaire au chiffre de 36,5% rapporté
lors d’une enquête réalisée par Leoni et al
(2004) menée sur la contamination du système
d’eaux chaudes par Legionella spp en Italie.
Notre étude a montré aussi une prévalence de
Legionella pneumophila de 29% dans les hôtels. Ce
chiffre est inférieur au chiffre de 42,5% donné par Borella
et al.,(2005) lors d'une enquête menée sur la
contamination par Legionella pneumophila des eaux
chaudes des hôtels en Italie. Cette dernière étude a montré
aussi que le sérogroupes 2-15 est plus dominant par
rapport au sérogroupe 1, ce qui concorde avec nos
résultats. Une autre étude similaire faite par Erdogan et
Arslan (2007) en Turquie, a montré que sur 491
échantillons d'eaux chaudes prélevées à partir de plusieurs
hôtels, une prévalence de 17,5% de Legionella
pneumophila a été détectée dont 76,7% sont des
sérogroupes 2-15 et 23,4% sont du sérogroupe1. Ceci
concorde avec les résultats de notre étude qui ont montré
une prévalence de Legionella pneumophila à une charge
supérieure à la limite de tolérance de 17,6 dont 60% des
sérogroupes 2-15 et 40 % du sérogroupe 1. Notre étude
a également adoptée une technique de dénombrement
des Legionella et Legionella pneumophila à une limite
de détection de 250 UFC/L. Cette valeur est inférieure
à la limite de détection de 500 UFC/L rapporté par
Mouchtouri et al (2007) lors d'une étude sur les facteurs
de contamination du système de distribution de l'eau
dans les hôtels par Legionella spp. en Grèce. Cependant,
cette limite est supérieure à celle de 25 UFC/L du
protocole adopté par Borella et al., (2005) et Leoni et
al., (2004) en Italie.
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Dans notre étude, Legionella pneumophila a En conclusion, ce travail a permis de mettre

été isolée dans 50% des échantillons d'eaux
chaudes dans les domiciles. Cette prévalence
e s t s u p é r i e u r e a u c h i ff r e d e 1 7 , 3 % r a p p o r t é
par Borella et al., (2004). Ce même travail a
montré que les sérogroupes 2-15 et 1 ont été
isolés à partir de ces eaux avec des fréquences
respectives de 76% et 24%. Cependant, les
résultats obtenus dans notre étude ont montré
que seul le sérogroupe 1 a été détecté dans
50% de ces échantillons.
en évidence la présence des Legionella
pneumophila dans les installations d’eau
chaude sanitaire. Les quelques cas de
légionellose enregistrés lors de cette étude
sont loin de représenter la réalité de cette
infection au Maroc. Une étude à plus grande
échelle est initiée par notre laboratoire dans
le but d’évaluer le risque infectieux lié à ce
pathogène via l’environnement hydrique
sanitaire.

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