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Article original
Résumé
Objectifs. – Comparer les pourcentages de résistance aux antibiotiques de Salmonella enterica responsable d’infections humaines à Lomé sur
deux périodes.
Méthodes. – Trois cent trente-deux souches de Salmonella enterica isolées entre 1998–2002 (n = 168) et 2003–2004 (n = 164) ont été inclues
dans l’étude. L’antibiogramme a été réalisé par la méthode de diffusion sur gélose Mueller-Hinton.
Résultats. – La répartition des 332 souches a été, 147 (44,3 %) Salmonella Typhi, 97 (29,2 %) Salmonella Typhimurium, 74 (22,3 %) Salmo-
nella Enteritidis et 14 (4,2 %) Salmonella spp. Les proportions de souches résistantes au chloramphénicol, à l’amoxicilline et au cotrimoxazole
(antibiotiques de première intention) sont passées respectivement de 33, 46 et 57 % en 1998–2002 à 73, 79 et 82 % en 2003–2004 (p < 0,0001).
Sur les 164 souches de salmonelles isolées entre 2003–2004, 108 (72 %) étaient résistantes à la fois au chloramphénicol, cotrimoxazole et
amoxicilline. Le pourcentage de souches résistantes à la ciprofloxacine, aux aminosides ou à la ceftriaxone était inférieur à 10 %.
Conclusion. – Les fluoroquinolones et les céphalosporines de troisième génération constituent actuellement les antibiotiques de première
intention dans le traitement des salmonelloses.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
Objective. – This study had for aim to compare antibiotic resistance of 332 Salmonella enterica strains identified in human samples in the
course of infections, in Lome.
Design. – The strains were collected over two periods: 1998–2002 (N = 168) and 2003–2004 (N = 164). The antibiotic susceptibility test was
performed by disk diffusion assay.
Results. – The main serotypes identified were 147 Salmonella Typhi (44.3%), 97 Salmonella Typhimurium (29.2%), and 74 Salmonella Enter-
itidis (22.3%). The proportions of strains resistant to chloramphenicol, cotrimoxazol, and amoxicillin (first line antibiotics) varied respectively
from 33, 46, and 57% in 1998–2002 to 73, 79, and 82% in 2003–2004 (P < 0.0001). The percentage of resistance to ciprofloxacin or ceftriaxone
was inferior to 10%.
Conclusion. – Fluoroquinolones and third generation cephalosporins have become the first line antibiotics for the treatment of Salmonella in
Lome (Togo).
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
* Auteurcorrespondant.
Adresse e-mail : a.dagnra@voila.fr (A.-Y. Dagnra).
0399-077X/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.medmal.2007.02.002
A.-Y. Dagnra et al. / Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 266–269 267
Les salmonelles, bactéries très répandues en milieu tropical, L’antibiogramme a été réalisé par la méthode de diffusion
sont responsables de fièvres typhoïdes et de salmonelloses non sur gélose Mueller-Hinton de disques d’antibiotiques (bio-
typhiques qui représentent une cause majeure de diarrhées dans Mérieux). L’interprétation des résultats a été faite selon les
règles et les recommandations du Comité d’antibiogramme de
le monde avec un taux important de mortalité infantile [1,2]. À
la Société française de microbiologie (http://www.sfm.asso.fr).
part Salmonella Typhi, les formes graves des infections dues à
Les antibiotiques suivants ont été testés : amoxicilline, l’asso-
des sérotypes comme Enteritidis et Typhimurium (septicémies,
ciation amoxicilline et acide clavulanique, céfalotine, céfoxi-
localisations extradigestives) deviennent de plus en plus fré-
tine, ceftriaxone, gentamicine, nétilmicine, acide nalidixique,
quentes à cause de l’immunodépression due à l’infection au
ciprofloxacine, doxycycline, cotrimoxazole et chloramphénicol.
virus de l’immunodéficience humaine (VIH) [3,4]. L’utilisation
du chloramphénicol dans le traitement de la fièvre typhoïde à
2.4. Analyse statistiques des données
partir de 1948 a réduit d’une façon importante la mortalité liée
à cette affection. Au Togo, le traitement des infections aux sal-
Les données ont été analysées par le logiciel Épi Info ver-
monelles tout sérotype confondu repose sur l’utilisation de
sion 6.04b. Le test statistique de Chi2 a été utilisé pour com-
l’amoxicilline, du cotrimoxazole et surtout du chloramphénicol ; parer les valeurs avec un intervalle de confiance à 95 %.
le chloramphénicol malgré ses effets secondaires hématologiques
est l’antibiotique de première intention pour le traitement des 3. Résultats
salmonelloses chez l’enfant à cause de son coût moins élevé.
Les fluoroquinolones et les céphalosporines compte tenu de L’étude a été réalisée sur 332 souches de salmonelles dont
leur coût sont moins utilisées et constituent les médicaments de 168 isolées entre 1998 et 2002 et 164 entre 2003 et 2004. Les
seconde ligne. Depuis 2003, des échecs thérapeutiques avec sérotypes Typhi, Enteritidis et Typhimurium ont représenté
l’utilisation des antibiotiques de première ligne sont observés 95,8 % des 168 souches isolées en 1998–2002 et 91,5 % des
dans le service de pédiatrie du centre hospitalier et universitaire 164 souches isolées en 2003–2004 (Tableau 1). La proportion
(CHU) Tokoin (Lomé, Togo). des souches de S. Typhi et Salmonella Enteritidis isolées était
L’objectif de cette étude est de déterminer les proportions de respectivement de 38,7 et 35,1 % en 1998–2002 contre 50 et
souches résistantes aux antibiotiques des salmonelles isolées 9,2 % en 2003–2004 avec une différence statistiquement signi-
dans nos hôpitaux. ficative (p < 0,0001).
Les souches de salmonelles ont été isolées à partir de divers
2. Matériel et méthodes produits pathologiques dans les situations cliniques suivantes
(Tableau 2) : 231 septicémies (69,6 %), 53 entérocolites
(16 %), 14 infections urinaires (4,2 %), dix péritonites par per-
2.1. Origines des souches foration intestinale (3 %), dix ostéomyélites (3 %), huit arthri-
tes septiques (2,4 %) et six pleurésies purulentes (1,8 %). Sur
L’étude a été réalisée sur deux périodes : 147 souches de S. Typhi, 132 (89,8 %) ont été isolées des
hémocultures.
● une première période de 1998 à 2002 (cinq ans) rétrospec- La sérologie VIH s’est révélée positive chez 89 sur 195
tive pendant laquelle nous avons colligé les résultats des patients testés (45,6 %). Les sérotypes en cause chez les 89
antibiogrammes des souches de salmonelles isolées au patients séropositifs au VIH ont été, 41 Salmonella Typhimu-
CHU Tokoin et au CHU Campus de Lomé ; rium (46 %), 22 S. Typhi (24,7 %) et 18 S. Enteritidis (20,2 %),
cinq S. Dublin (2,6 %) et trois S. Panama (1,6 %).
● une deuxième période prospective de 2003 à 2004 pendant
Les proportions de souches résistantes de S. Typhi,
laquelle nous avons isolé, identifié et collecté les souches de
S. Typhimurium et S. Enteritidis aux antibiotiques de première
salmonelles dans les CHU Tokoin et Campus et à la cli-
nique Alpia de Lomé. L’isolement a été fait sur gélose Hek- Tableau 1
Distribution par sérotypes de 332 souches de Salmonella spp isolées en
toen ou gélose nutritive (bacille à Gram négatif, mobile
pathologie humaine à Lomé
péritriche, non exigeant et aérobie facultatif) et l’identifica- Table 1
tion à partir de la galerie API 20E (bio-Mérieux). Distribution according to serotype for 332 Salmonella spp strains identified in
human samples in Lomé
Sérotypes 1998–2002 2003–2004 Total
2.2. Sérotypage des souches de salmonelles
n = 168 (%) n = 164 (%) n = 332 (%)
Salmonella Typhi 65 (38,7) 82 (50) 147 (44,3)
Les sérotypes ont été déterminés par test d’agglutination sur Salmonella Typhimurium 38 (22,6) 59 (36) 97 (29,2)
Salmonella Enteritidis 59 (35,1) 15 (9,2) 74 (22,3)
lame avec les immuns sérums de groupe et des immuns sérums Salmonella sp* 6 (3,6) 8 (4,8) 14 (4,2)
spécifiques dirigés contre les antigènes O, H et Vi des salmo- *Salmonella Paratyphi A (n = 3) ; S. Paratyphi C (n = 2) ; Salmonella Dublin
nelles. (n = 6) ; Salmonella Panama (n = 3).
268 A.-Y. Dagnra et al. / Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 266–269
Tableau 2
Aspects cliniques des infections dues à Salmonella à Lomé entre 1998 et 2004
Table 2
Clinical aspects of infections due to Salmonella in Lomé from 1998 to 2004
Septicémies Entérocolites IUa PIb Ostéomyélites Arthrite Pleurésie
n = 231 (%) n = 53 (%) n = 14 (%) n = 10 (%) n = 10 (%) n = 8c (%) n = 6c (%)
Salmonella Typhi 132 (57,1) 0 (0,0 %) 2 (14,3) 8 (80) 2 (20) 1 2
Salmonella Typhimurium 52 (22,5) 25 (47,1) 7 (50) 1 (10) 6 (60) 2 4
Salmonella Enteritidis 43 (18,6) 26 (49) 0 (0,0) 0 (0,0) 2 (20) 3 0
Salmonella spp* 4 (1,7) 2 (3,8) 5 (35,7) 1 (10) 0 (0,0) 2 0
*Salmonella Paratyphi A (n = 3) ; S. Paratyphi C (n = 2) ; Salmonella Dublin (n = 6) ; Salmonella Panama (n = 3).
a
Infection urinaire.
b
Perforation intestinale.
c
Pourcentage non calculé pour effectif trop faible.
Tableau 3
Comparaison des pourcentages de résistance aux antibiotiques de Salmonella typhi, Salmonella typhimurium et Salmonella enteritidis entre 1998–2000 et 2003–2004
Table 3
Comparison of antibiotic resistance rates for Salmonella typhi, Salmonella typhimurium, and Salmonella enteritidis from 1998 to 2000 and from 2003 to 2004
Antibiotiques Salmonella Typhi Salmonella Typhimurium Salmonella Enteritidis Chi2 (p value)
1998–2002 2003–2004 1998–2002 2003–2004 1998–2002 2003–2004 comparaison des
(n = 65) % (n = 82) % (n = 38) % (n = 59) % (n = 59) % (n = 15) % résistances
globales*
Amoxicilline 34 72 50 96 45 80 39,5 (< 0,0001)
Amoxicilline + acide clavulanique 15 53 33 83 28 72 41,1 (< 0,0001)
Céfalotine 7 13 15 22 18 25 NS1
Céfoxitine 0 9 5 13 5 12 NS
Ceftriaxone 0 0 0 2 0 7 NC2
Doxycycline 40 75 49 77 52 93 28,98 (< 0,0001)
Cotrimoxazole 30 81 58 96 54 93 23,53 (< 0,0001)
Chloramphénicol 15 69 40 96 20 80 37,39 (< 0,0001)
Acide nalidixique 0 4 5 17 10 13 15,19 (< 0,0001)
Ciprofloxacine 0 0 0 8 0 7 NC
Gentamicine 0 5 12 13 8 13 0.5 NS
Nétilmicine 0 0 0 0 0 0 NC
*Comparaison des pourcentages de souches résistantes tous sérotypes confondus entre 1998–2002 et 2003–2004.
Tableau 4 4. Discussion
Profil de multirésistance aux antibiotiques des sérotypes de salmonelles isolés
entre 2003–2004 à Lomé
Table 4 Les infections dues aux salmonelles sont fréquentes aussi
Profile of multiresistance to antibiotics for salmonella serotypes identified bien dans les pays développés que dans les pays en développe-
between 2003 and 2004 in Lomé
ment. Dans les pays développés, ce sont les sérotypes non
Type de résistance* Salmonella Salmonella Salmonella Typhi qui sont en cause. Ils sont responsables de toxi-
Typhi Typhimurium Eenteritidis
infections alimentaires dont les manifestations restent souvent
(n = 82) % (n = 59) % (n = 15) %
AC 69 96 80 localisées au tube digestif [5–7]. Dans les pays en développe-
CCo 69 96 80 ment, le sérotype Typhi était de loin le plus fréquemment isolé
CD 65 65 65 par hémoculture [8–11]. Les sérotypes non Typhi étaient les
ACD 63 65 65 premiers responsables de septicémies chez les patients immu-
ACCo 69 96 80
AAuCCo 56 83 70
nodéprimés. Leur fréquence et leur gravité sont de plus en plus
AAuCCoD 56 75 65 croissantes en Afrique à cause de l’infection à VIH, nécessitant
* Abréviation des antibiotiques : A = amoxicilline ; Au = association amoxicil- une hospitalisation et une antibiothérapie [9,10].
line et acide clavulanique ; C = chloramphénicol ; Co = cotrimoxazole ;
Cette étude a été réalisée dans le but de comparer les pro-
D = doxycycline.
portions de souches de salmonelles résistantes aux antibioti-
ligne (amoxicilline, association amoxicilline et acide clavula- ques sur deux périodes, 1998–2002 et 2003–2004. Elle fait
nique, doxycycline, cotrimoxazole et chloramphénicol) étaient suite à des échecs thérapeutiques observés surtout dans le ser-
plus élevées sur la période de 2003–2004 par rapport à la vice de pédiatrie du CHU Tokoin (Lomé) après utilisation des
période de 1998–2002 avec une différence statistiquement antibiotiques de première ligne, chloramphénicol, cotrimoxa-
significative (p < 0,001) (Tableau 3). Les proportions de sou- zole et amoxicilline.
ches résistantes à la fois à cinq antibiotiques étaient respective- La proportion des souches de S. Typhi et S. Enteritidis iso-
ment de 56, 65 et 75 % pour les sérotypes Typhi, Enteritidis et lées en 1998–2002 et 2003–2004 (Tableau 1) témoigne d’une
Typhimurium (Tableau 4). modification de l’écologie microbienne avec une recrudescence
A.-Y. Dagnra et al. / Médecine et maladies infectieuses 37 (2007) 266–269 269