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Stratégie – Mini cas : Areva.

Cession d'Areva T&D : le patriotisme électrique


Marc Chevallier – Avril 2010.
http://www.alternatives-economiques.fr/cession-d-areva-t-d--le-patriotisme_fr_art_633_45991.html

Créer des « champions mondiaux » et garder le contrôle sur l'industrie nationale : c'est
bien la stratégie de l'Etat français derrière l'heureux « hasard » qui a voulu qu'Areva T&D
soit rachetée par le tandem Alstom - Schneider.
« C'est un heureux hasard que l'offre soit française », s'est réjouie la ministre de l'Economie
Christine Lagarde le 1 er décembre dernier à l'annonce de la préférence donnée au tandem
Alstom - Schneider pour la reprise de la filiale Transmission et Distribution (T&D) du champion
français du nucléaire Areva. Un heureux hasard qui ressemble furieusement à du patriotisme
économique.
Les autres candidats au rachat d'Areva T&D étaient en ef fet le japonais Toshiba et l'Américain
General Electric (GE). Et l'Etat est le premier actionnaire d'Areva (à 93 %). Comment dès lors
imaginer que la nationalité des repreneurs n'ait pas joué un rôle déterminant dans la décision
du conseil de surveillance d'Areva de rentrer en négociations exclusives avec Alstom et
Schneider ? D'autant que sur le strict plan financier, la proposition d'Alstom et Schneider
n'était pas la plus intéressante pour les actionnaires d'Areva : même si le duo français s'est
finalement aligné sur l'offre de GE (4,09 milliards d'euros), le troisième candidat en lice,
Toshiba, aurait proposé jusqu'à 4,5 milliards d'euros. Mais voilà, l'option retenue a pour
avantage de renforcer deux champions français dans leurs métiers. Les compères A lstom et
Schneider devraient en effet se partager Areva T&D : Alstom prendra les activités dans la
transmission d'électricité, c'est-à-dire la production de matériels pour le transport d'électricité
sur les lignes à haute tension, tandis que Schneider récu pérera les activités de distribution, les
matériels utilisés sur le réseau électrique dans sa partie de moyenne tension.
Schneider et Areva T&D sont respectivement numéro trois et numéro quatre mondiaux sur le
marché de la moyenne tension, loin derrière le numéro un mondial helvético-suédois ABB,
quand l'allemand Siemens se place en deuxième position. C'est donc à un champion mondial
auquel cette opération donnera naissance.
La solution retenue a été vivement contestée par les syndicats d'Areva T&D, qui y v oient
un « démantèlement » et s'inquiètent pour le sort des 31 000 salariés – soit presque la moitié
des 75 000 que compte Areva. En effet, de nombreux doublons, entre les activités Areva T&D
et celles de Schneider en particulier, laissent craindre des lic enciements et des fermetures de
sites. Alstom et Schneider se sont cependant engagés à ne fermer aucun site en Europe
jusqu'en 2013 et ont écarté l'éventualité d'un plan social, sauf en cas de « dégradation
significative des conditions économiques ». Des promesses qui ne satisfont donc pas les
syndicats de salariés.
Le choix de Toshiba ou de General Electric leur aurait -il été plus favorable ? Rien n'est moins
sûr. Certes, l'un comme l'autre étaient prêts à racheter Areva T&D d'un seul bloc. Et les
doublons, en particulier avec GE, sont inexistants. Mais le Japonais comme l'Américain n'ont
pris aucun engagement sur le plan social. Et les exemples précédents de champions français
rachetés par de grandes multinationales étrangères incitent à la prudence. Ainsi , Pechiney,
l'ancien premier groupe industriel privé de l'Hexagone dans les années 1970, avait été
restructuré avec l'aide de l'Etat dans les années 1980, avant d'être privatisé en 1995 et
racheté par le canadien Alcan en 2003. Pechiney a été vendu par app artements depuis. Le
même sort semble en train de s'abattre sur Arcelor, racheté en 2006 par Mittal. Ce qui n'est
pas surprenant en soi : nombre d'opérations de fusions-acquisitions ont d'abord pour objectif
de neutraliser un concurrent international. Dès lors, la « nationalité » de l'acquéreur reste
déterminante pour le maintien des emplois et des activités sur un territoire. C'est pourquoi
Dominique de Villepin avait déployé l'étendard du patriotisme économique pour protéger
Danone, alors que les rumeurs d'OPA de la part de l'américain PepsiCo allaient bon train.
Rebelote avec Alstom, que Nicolas Sarkozy a empêché en 2003 de tomber entre les mains de
l'Allemand Siemens. Avant de contrecarrer en 2004 le suisse Novartis, qui s'était montré prêt à
soutenir Aventis contre l'OPA d'un autre Français, Sanofi.
Les critiques ont peut-être raison de dire que la qualité des actifs d'Areva T&D la mettait à
l'abri d'un scénario de dépeçage à la Pechiney en cas de rachat par General Electric ou
Toshiba. Néanmoins, ni l'alliance de Toshiba avec un fonds d'investissement pour cette
opération, ni l'intention affichée de GE de trouver des partenaires financiers, n'avaient pas de
quoi rassurer : ces partenaires pouvaient être pressés d'obtenir un retour sur investissement et
pousser à la restructuration d'Areva T&D. A contrario, Alstom et Schneider financent leur
acquisition sur leurs ressources ou par endettement. Ce qui ne les met certes pas à l'abri non
plus de la pression de leurs actionnaires, si cette opération entame tro p leurs performances…

Areva contraint à de nouvelles cessions


d’actifs
VERONIQUE LE BILLON | LE 06/10/14 À 16H03

Le conseil va proposer de 500 à 600 millions de cessions.


La situation se tend fortement au sein d’Areva. Selon nos informations, le conseil de surveillance, qui
se réunit mardi matin, va proposer de réduire le montant annuel des investissements de 100 à
150 millions d’euros à partir de 2015. Celui-ci avait déjà été abaissé cet été, pour passer de
1,3 milliard d’euros à 1,1 milliard cette année et à un niveau « inférieur » à partir de l’an prochain. Le
conseil de surveillance proposera aussi de nouvelles cessions d’actifs, à hauteur de 500 à
600 millions d’euros. Une opération de haut de bilan pourrait aussi être étudiée. Des mesures qui
doivent répondre à la mise sous surveillance négative d’Areva, le 9 septembre, par l’agence de
notation Standard & Poor’s, suite aux contre-performances financières enregistrées par le groupe au
premier semestre.
Le 1er août, Areva a révisé à la baisse tous ses objectifs 2014, du chiffre d’affaires à l’Ebitda, en
passant par le cash-flow, faisant plonger le titre de 20 % en Bourse. Le groupe, qui a enregistré une
perte nette de 694 millions d’euros au premier semestre (dont plus de la moitié dans les énergies
renouvelables), prévoit un recul de son chiffre d’affaires de 10 % cette année. Areva est aujourd’hui
noté BBB– pour ses crédits de long terme et A–3 sur le court terme. « Le Journal du dimanche » a
indiqué ce week-end qu’Areva pouvait échapper à une dégradation de sa nouvelle notation,
attendue mercredi, à condition de réaliser des réductions de coûts et des cessions d’actifs.
Le groupe, qui a entamé fin 2011 un plan de redressement, a déjà réalisé 1,2 milliard d’euros de
cessions. Il peut encore valoriser Canberra, une filiale d’instruments et de systèmes de mesure dont il
avait négocié la cession au fonds Astorg en 2013, avant que celui-ci ne se dédise. Mais cela ne suffira
pas. Côté investissements, il a déjà négocié avec le Niger un gel des dépenses à Imouraren, son
projet de mine d’uranium.
Surcoûts
Si le marché du nucléaire tarde à redémarrer sous les effets combinés de Fukushima, de la crise ou
du gaz de schiste américain, limitant de facto la portée des efforts de redressement, le groupe peine à
maîtriser les coûts et les délais de construction de ses projets. Au-delà du dossier toujours conflictuel
de l’EPR finlandais, dont les pertes sont évaluées à près de 4 milliards d’euros, Areva négocie avec le
CEA (son premier actionnaire) la répartition des surcoûts du RJH, un réacteur expérimental en
construction à Cadarache (Bouches-du-Rhône). La nouvelle usine de conversion de l’uranium
Comurhex 2 dans l’Aude connaît aussi des dérapages budgétaires et le groupe a passé une provision
pour perte sur la modernisation d’une centrale en Suède (141 millions d’euros l’an dernier).
Nommé l’an dernier, le président du conseil de surveillance, Pierre Blayau, a demandé au directoire
un plan stratégique à l’horizon 2030, mais le divorce semble consommé avec Luc Oursel, à la tête
d’Areva depuis 2011. Une assemblée générale doit avaliser le 9 décembre un projet de transformation
du groupe en société à conseil d’administration, pour renforcer le contrôle de l’Etat et dans laquelle les
fonctions de président et de directeur général seraient dissociées. Luc Oursel souhaite conserver une
fonction de directeur général, mais Pierre Blayau estimerait qu’il pourrait être remplacé par Philippe
Knoche, actuel directeur général délégué du groupe. Le gouvernement ne va pas pouvoir attendre
longtemps avant de réagir. Le titre a de nouveau chuté de plus de 5 % hier.

En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/06/10/2014/lesechos.fr/0203834825170_areva-contraint-a-de-nouvelles-


cessions-d-actifs.htm#016thoh0cSUrwGY7.99

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