Vous êtes sur la page 1sur 1

« C’est ce changement de distance dans l’espace logique qui est l’œuvre de

l’imagination productrice. »13

Autrement dit, la fiction vient, par l’intermédiaire de ses propres codes et


moyens, re-figurer une réalité passée ou, au moins l’approcher le plus possible à partir
du moment présent. Ainsi, grâce à la procédure de la narration, le passé est représenté
et ceci de manière intensifiée puisqu’il ne peut être qu’imaginé. Lisons encore une
fois Ricœur :
« Dans Écriture et Iconographie, François Dagognet, ripostant à l’argument de
Platon dirigé contre l’écriture et contre toute eikôn, caractérise comme
augmentation iconique la stratégie du peintre qui reconstruit la réalité sur la
base d’un alphabet optique à la fois limité et dense. Ce concept mérite d’être
étendu à toutes les modalités d’iconicité, c’est-à-dire à ce que nous appelons
ici fiction. »14

La fiction ainsi augmente, redouble la réalité passée ; la reconstruction d’un


monde passé constitue son arrachement à l’indifférence et à l’ignorance15 et sa
restitution dans le présent de manière explicite. Et c’est en ce point qu’elle se
différencie largement de l’écriture de l’Histoire : la fiction offre effectivement sa
mémoire à l’historiographie :
« […] la fiction se met au service de l’inoubliable. Elle permet à
l’historiographie de s’égaler à la mémoire. Car une historiographie peut être
sans mémoire, lorsque seule la curiosité l’anime. »16

En montrant alors le rapport intime entre la fiction et l’Histoire ainsi que


l’engagement des écrivains face à cette tâche exigeante qu’est la reconstruction du
passé historique, nous passerons par la suite à la présentation détaillée et analytique
des événements historiques évoqués par les romans de notre corpus, c’est-à-dire leur
contexte historique.
Nous prouverons qu’ils traitent tous d’événements historiques largement
significatifs tant pour l’histoire nationale du pays d’origine de chaque roman que pour
l’histoire mondiale. Nous montrerons également, toujours dans le cadre de notre

13
RICOEUR Paul, Temps et récit, Tome I, « L’intrigue et le récit historique », Éditions du Seuil, coll.
Points, Paris, 1983, p. 10.
14
Ibid., p. 151-152.
15
« […] l’art peut ne produire que des êtres morts, mais ils sont signifiants. Oui, voilà l’horizon de
pensée : arracher par le récit le temps raconté à l’indifférence. Par l’épargne et la compression, le
narrateur introduit ce qui est étranger au sens (sinnfremd) dans la sphère du sens […]. » in : RICOEUR
Paul, Temps et récit, Tome II : « La configuration dans le récit de fiction », Éditions du Seuil, coll.
Essais, Paris, 1984, p. 149.
16
RICOEUR Paul, Temps et récit, Tome III : « Le temps raconté », Éditions du Seuil, coll. Essais,
Paris, 1985, p. 342.

11

Vous aimerez peut-être aussi