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UNIVERSITE DE 14ETZ

DOCTORAT

Analyse contrastive des discours têlêvisuels fr et alLemands:

le journal télévisé.

Philippe VIALL0N

TOME1
tntz 3oI

Directeur de recherche: M. Jean DAVIDT

Professeur des Universitês

rpvembre1&
-2-

â Virginie

à mes parents
-t-

"Nous dêcouvronsdonc qu'image, mythe, rite,


magie sont des phênomênesfondamentaux, liês
au surgissement de Ithommeimaginaire".

(Edgar Morin, Le paradiqme perdu: la nature humaine)


-4-

1. INTRODUCTION
-5-

La communication est le maître-mot des annêes quatre-vingt ' Tous

les domaines de Ia vie sociale et privêe sont touchês par ce

phénomènequi, s(rus un mêmevocable, regroupe des significations

très diverses. [fuel rapport existe-t-il en effet entre une entreprise

de tê}êcommunication, un expert en communicationpotitique, un réseau

de communication aêrienne et un travail de recherche sur Ia

corrnunication non-verbale? Pzu de choses, si ce n'est une vague idêe

entre les individus, d'un


les goupes sociauxt accompagnée
de relation
rrun
positivisme marquê. Et pourtant, commeIe constate Lucien Sfez'
n'a
Iarge consensusentoure ce terme, et I'êvidence de sa prêsence

d'êgal que la rn-rltiplicitê des sens qu'iI e n g e n d r e "( 1 ) . S i ] a

c'est
cormunication connaît tn dêveloppementaussi extraordinaire,
sont formidables;
que les enjeux qui se cachent derriêre ce phénomème

êconomiqueet social. Politique, car les


i1s sont d'ordre politique,

gouvernants croient que le pouvoir sur la communication est

directement liê au pouvoir sur les individus; économique,car les


social'
marchés qui se dêveloppent au niveau mondial sont colossaux;

car les relations humaines ont êtê et semblent encore pouvoir être

profondêment influencées par I' introduction de nouvelles technologies

de cormunication.

(1) SFEZLucien, critique de la communication,Paris, Edit'ions fu


Seuil, 1988, P. t8.
6-

Face à ce bouleversemen!, la recherche scientifique avance à deux

vitesses: les disciplines techniques (informatique, êlectronique, ... )

vont â pas de géant, soutenues par les forces politiques et

économiquesde tous les pays. Elles devancent souvent mêmela demande

quand elles ne la créent pas. D'un autre côtê, les sciences humaines

(sciences politiques, sociologie, psychologie, linguistique, ...) mt

certes un rythme plus lent, mais depuis quinze a'ts rn rpuvement très

net s'est dessinê. Ce mouvementn'est pas sans rappeler celui qui a

agitê le domaine de I'apprentissage des langues étrangères au

lendemain de la DeuxiêmeGuerre Mondiale: Les sciences humaines,

appliquêes â la communication, travaillent en réponse à une demande

pressante d'analyse, d'explication et de théorisation, demandevenue

de I'extêrieur. Mais les recherches s'orientent dans des directions

très diffêrentes, abordent mêmedes domainesjusque là vierges. Dans

ce quril faut bien appeler une certaine confusion, trois

caractêristiques êpistêmologiques se retrouvent dans presque tous les

travaux scientifigues :

- I'apport du structuralisme: ses proséIytes, continuateurs et

détracteurs se retrouvent dans I'anthropologie, la linguistique, la

sémiologie, montrant ainsi, @ manière posilive ou nêgative,

I'importance de cette thêorie. Les oeuvres de Claude Lêvi-Strauss,

NoamChomskyou Roland Barthesr pour ne citer qu'eux, ne sont pas

pensables sans le structuralisme.

- lrextension des limites traditionnelles &s sciences: la

linguistique, par exemple, dêpasse - â juste titre commeil sera

rpntrê plus loin (2.1.)- te niveau de la phrase qu'elle avait


7-

longtanps considêré commetne limite infranchissable. Ce rnuvement

d'extension des domaines scient,ifiques va mêmesi loin qle lron ne

sait parfois plus très bien où I'on se trouve: il serait bien

difficiler Par exemple, de rettre les chercheurs d'accord sur un

schémadétimitant Ia sociologie linguistique, Ia sociolinguistique,

I'ethnographier 1'êthologie et l'anthropologie.


- le dêveloppement de nouveaux domaines: de nouvelles sciences

commela proxânique, Ia kinêsique sont "dêcouvertes" tandis que des

"objets" commeIe discours politique, les histoires drôles, Ia rnrde

sont soumis pour la première fois à I'analyse. De rnnière gênêrale,

le chercheur ne Se pose plus la question de savoir si un objet est


impartial et
"digne d'étude". 11 en rend compte en observateur

objectif sans croire implicitement que la "noblesse" de son sujet fera

la valeur de son travail.

Parmi ces nouveaux domaines, it en est un qui est plêbiscitê par

le grand public: ta têlêvision. "chaque citoyen semble avoir un droit

sur Ia têlêvision, se sent autorisê à en parler ..." (2)' En revanche,

plus encore en France qu'ailleurs, "longtemps, les historiens

universitaires, commela plupart des intellectuels patentês, ont portê

à ra têIêvision un mêpris distinguê" (1). Ceci expliquant

peut-être cela. En examinant de plus près les raisons de cette

attitude, on sraperçoit qu'elles sont nultiples et que ctest surtout

(2) MISSIKAJean-Louis, hloLToNDominique, La-folle 9u-lgqis,. 19, ''98t,


iêiéui"ion dans f"" Oêto"". Gatlimard ,
"oôiêtê" "'
Jean-NoëI, SAUVAGE
if) .IEnI'U'TENEY Monique,-TêlêYi9i9fr nguvelle-UgToire'
Èaris, Editions au Seuii/Institut National êJrAudiovisuel, 1982,
p. 7.
-8-

I I image qui est contestêe. Cette méfiance vis à vis de I'image

remonte, si I'on en croit Anne-ltarie Thibault-Laulan, très loin:

"les philosophes ne se rnntrent çère tendres envers I'image


et l'imagination. Les condamnationsd'un Descartes, d'unI
'Iouche'
MallebraÀche, sont reprises par J. P. Sartre: , folle' t
'dégradêe" ,fantômet, ces termes çÉjoratifs sont le fait des
rationalistes pour qui la clairvoyance rejette I'aveuglement'
I'ambiguitê, t'incohérence de tout ce qui n'est pas clairement
dêfini. " (4)

Michel Tardy va dans le mêmesens lorsque, dans son essai au

vitriol Le professeur et les imaqes, iI affirme que "la famille

des images, mentales ou techniques, est mise au ban de

I'intelligencerr ( 5 ) . G e n e v i è v eJ a c q u i n o t m e t u n p o i n t d ' o r g u e à l a

critique de cette attitude en affirmant: "0n s'en (Oe f image (6))

mêfie, si on I'accepte, c'est pour Ia pervertir - d'autres diraient la

maîtriser, - mise au service du verbe, reprise par lui, contrôIêe

par lui, en un mot niâe." (7)

tFre autre raison a sans doute tenu les sciences humaines

êloignêes de la têIêvision: c'est 1'aspect technologique. Les

r'littêraires" ont toujours eu des rapports complexes avec la

technologie, I'admirant et la craignant â Ia fois. Le mediummême

rendait à leurs yeux I'analyse impossible: commenttravailler sur

(4) THIBAULT-LAULAN Anne-Marie, L'imaqe dans la sociê9É


contemporaine, Paris, Editions E.P. Denoelr 1971, p' 19'
(tÏAfiDffi[lhet' Le professeur et 19 , Paris, Presses
Universitaires de France, 1966, p. 10.
(6) C'est nous qri ajoutons-
(Zi .UCOUINST Geneviéve, "0n demandetoujours des inventeurs".''1 in
!gg!!ry, n.53, P.20.
9-

objet insaisissable, fugace, dêsespêrêmentinscrit dans le temps qui

passe, sans possibilitê d'arrêt, è retour en arrière, de

rêpêtition? La diffusion massive du nngnétoscopepermet aujourd'hui de

lever une pantie de ces objections.

Enfin, certains ctrercheurs, commeLouis Porcher, ont reconnu, à

Ia diffêrence du grand publicr qUe I'ce î'est pas paDce que rnus les

(Ies mêdias) (8) frêquentons cfiaque jour que nous les connaissons:

telle est sans doute notre illusion la plus redoutable" (9) ' IIs re

veulent pas imiter tous ceux çi ont écrit sur Ia têlêvision: livres

d'anecdotes, projets de réforme, articles assassins oj dithyrambiques

qui ne dépassent guère le niveau de la polémique stérile et qui ne

contiennent rien sur les conditions de production ou de rêception du

message,rien sur sa structure, rien sur sa spêcificitê'

En faisant abstraction de certaines êtudes sociologiques sur

l , i n f l u e n c e d u m e d i u ms u r I ' i n d i v i d u (10), on peut compter, en France,

Ies ouvrages scientifiques sur la têlêvision sur Ies doigts d'une

main. En revanche, Ies chercheurs ouest-allemands, à I'instar de leurs

collègues anglo-saxons, ont abordê résolument la problêmatique,


en
dêveloppê des mêthodes d'approche, menê des êtudes sêrieuses

(8) Crest nous qui ajoutons. Sauf dans le cas de citation commeici'
nous utiliserons I'oithographe moderne. /mêdias/ au sens de "Ies
màss-mêOias,,,màis le siiguiier /medium/ lorsquril sragit de dêsigner
Iiensemble lôgico-technique porteur de I'information.
(9) pmCHERLouis, Vers ia dictaturé des mêdias, Paris, Hatier, 1978,
P. 7t.
(10) Notarment CHAMPAGNE Patrick, "La tétênrision et son langage:
ressage", in
l,influence des conditions sociaies ê rêception sur le
vol' XII tû6-4tÛ'
RevueFrancaise de socioloqie, , P'
-10_

amont et en aval d: phénomène(11 ). La recherche a cormencé en 1966

par un article q.ri retentit conme un coup ê tonnerre dans le

conformisme des années 60: "Est-ce que le Tagesschaument?" (12).

Depuis, commele note Hans Dieter Kûbler (11), la question est abordée

de trois manières diffêrentes: certains chercheurs ont une approche

critique de la têIêvision et ils analysent I'objectivitê, la

représentativitê de I'information et les rnyens pour y parvenir, ce

que Roger Bautier appelle "le thàne ê la description/transformation

de la réalitê" (14); d'autres ont une dêmarcheplus sociologique dr.t

type de celle êvoquée plus haut en France, et notammentdes chercheurs

marxistes commeRichard Arbrecht ou Horst Holzer (15); d'autres enfin

prennent'me option plus sêmiotique qui se teinte parfois de

psycholinguistique et terminent souvent leurs travaux, chose êtrange

pour des Françaisr par des recommandationsaux professionnels de la

têIévision (16).

(11) Erich StraBner fait remonter le début de la critique grand public


à 1966 et de la critique scientifique à 1975, p o u r I a R . F . A . b i e n
sûr, dans STRASSNER Erich, Fernsehnachrichten Tûbingen, Gunter Narr
Verlag, 1982, p. XI.
(12) PACZENSKY Gert von, 'tÛgt die Tagesschau?",in Deutsches
P a n o r a m a ,2 / 1 9 6 6 , p p . 8 - 1 8 .
fi-r) KiELER Hans-Dieter, "Die Aura des Wahrenoder die lrfirklichkeit
der Fernsehnachrichten", in KREUZER Helmut' PR[lulM Karl, (Hrgb. ) '
Fernsehsendunqen und ihre Fol4eqr Stuttgart, Reclam, 1976, p. 261.
de diècours", in MIEGEBernard et
alii, Le JT. Mise eO eç.enq!e f'actualrtê â Ia têIévisi , Paris,
ua oôc isuel , 1986,
p. 21.
( 1 5 ) A L B R E C HRTi c h a r d , " L a t ê I ê v i s i o n e n R . F . A . r " i n A l l e m a q n e s
d'aujourçlltrqi, n. 85r pF. 6-27; IOLZERHorst' @ Kôln,
19 8 0 .
(16) Pfutôt que d'êvoquer quelques rnnrs et ryelçes titres épars dans
cette troisiène ligne de recherche qli sera Ia nôtrer nous prêfêrons
renvoyer le lectzui soit â la suite d.r travail, où ês travaux dans
chaquâ domaine seront évoqués et malysês, soit directement â la
bibliographie.
11

Mais toutes fes êmissions de têlêvision ne suscitent pas le

mêmeintêrêt chez les chercheurs. Le Journal Télêvisé (le JT

dorênavant) est de loin le plus êtudiê, iI occupe "une position

emblêmatiguê"r il est I'un fait social et culturel incontournablet

i n ê b r a n l a b l e e t i n d é m o d a b l e "( 1 7 ) i o n p e u t a f f i r m e r q u ' i l s'agit là

d'un ggg qui se retrouve dans tous les pays - malgrê des variantes

et ès évolutions constantes. Cette ôuble affirmation n'est pas sans

conséquences:d'une part, elle facilite le travail du ctrercheur qui

peut travailler de maniêre interculturelle et contrastive en trouvant

dans Ia notion abstraite du "çnre" un "tertium comparationis";

d'autre part, elle est un handicap majeurr car la rapidité des

transformations dJ JT semble s'opposer à une analyse scientifique.

Si te JT est Ie genre téIêvisuel Ie plus étudié' c'est aussi sans

doute parce que c'est là que se situent les enjeux les plus grands sur

Iesquels nous reviendrons (2.1.). C'est enfin le ressage Ie plus

c o m p l e x ed e t o u s : s a n a t u r e s y n c r é t i q u e ( 1 8 ) f a i t qu'iI est difficile

d'imaginer un ressage plus éIaboré où les canaux visuel et auditif

apportent autant d'informations dans des systèmes aussi divers.

Cette incontestable richesse va poser des problàes thêoriques

importants, car, rmlgrê le dêveloppementrêcent de la recherche sur Ia

( 1 7 ) M I E G EB e r n a r d , " P r é s e n t a t i o n " , i n M I E G EB e r n a r d e t a l i i ' L E J T '


p. 9.
itg) Roran Jakobson fait, dans l'êtude de la comnunication, !a
distinction "entre les nessages homogènesqui utilisent un seul
systèrc sâmiotique et les neésages svncrêtiqueq (soutignê Par.nous)
*.J àombinaisonou ureffi;-E-e diffêrents- systèmes
"âpà"â"t-"u"
sémiotiques" in JAK0BS0NRoman,Essais de I ti Ie
Paris, Editions de Minuit, Tome2, p. 100.
12-

télêvision et, plus gênêralement, de la linguistique et de Ia

sêmiotique, iI n'existe pas de thêorie prête â I'emploi pour le JT'

Cette théorie, si elle existe un jour, devra intêgrer de nombreux

dcrnaines: la linguistique et la sémiotique certes, mais zussi

I'anthropologie, la psychologie, la sociologie, l'êthologie'

etc (19)

En attendant, il faut pliser dans cfiacun de ces domaines des

approches, des dêmarcheset essayer d'êIaborer ul système d'analyse

cohérent, scientifique, au risque d'être considéré commenon-

spêcialiste dans les diffêrents champsde recherche évoqués ou de se

faire reprocher de travailler constammentau niveau mêtaphorique des

termes employês.

La première partie de ce travail va donc s'attacher, non pas â

élaborer une théorie, mais à clêIimiter un cadre théorique à un

triple n i v e a u : d ' a b o r d c e l u i d e I a c o m m u n i c a t i o n( 2 . 1 . ) a v e c u n e
(2.1.1. ) à ta
approche qui ira de la communicationen gênêral

c o m m u n i c a t i o nt ê I ê v i s u e l l e e n p a r t i c u l i e r Q.1.2. ) iusqu'au JÏ

(2.1.1.); ensuite celui de 1a sêmiotique (2.2.) et enfin celui de la

Iinguistique (2.1.) et çi justifiera â chaque fois les options

prises. Dans une deuxièmepartie, sera étudié I'objet â proprement

(19) De nombreux ctrercheurs sur Ia communication orale sont arrivês â


cette conclusion. Voir Par exemPle VAN0YE Francis, Î-EUCHON *"nt
1981'
SARRAZAC Jean-Pierre, Piatiques' de I'o9?Ir-Paris, Arrnand-Colin'
pp.cg-80etæùÈnER,H@Informationsaufnahme.Eine
I'Jue'
theoretische Skizie", in gtFE ÙÛolfgrq, DEICHSELIngo, DET.HL0FF
Gunter Narr Verlag, 1984,
Fernsehen und Fremdsprgçhedernenr-TÛ6ingen,
fachlichen Provinz" '
15-

parler, le JT, et son traitement dans ce travail: le JT en France et

en Allemagne de manière générale (1.1 ), la démarehed'approche

scientifique (5.2.) et les problànes afférents au corpus ç.3.

La partie suivante constituera le centre de cette étude: ce sera

l,analyse elle-même et elle se dêveloppera dans trois grandes

d i r e c t i o n s : l e s p e r s o n n e s( 4 . 1 . ) , les espaces(4.2.) et les temps

( t + . 1 . ) , à c h a q u ef o i s a u n i v e a u d e l ' é n o n c i a t i o n d e l ' é m e t t e u r . L a
que, bien
conclusion (5.) résumera les rêsultats obtenus qui prouvent

qurappartenant au mêmegenre, les JT français et allemands opèrent

et proposera des solutions d'interprétation de


de maniêre différente,
intêgrale d: "corpus êtroit" (20)
ce rêsultat. Enfin, la transcription

en annexe permettra â tout instant au lecteur de replacer dans leur

contexte les exemPlescités.

'''''1'1'
(20) Sur cette mtion, voir infra ctrapitre
-14-

2. LE CADRE THEORIQUE
-15-

Il y a plusieurs maniêres de concevoir la science qui êtudie Ia

cormunication hunaine: on peut, entre autres et de maniêre

traditionnelle, considéler un ensemblequi inclut tous les êchanges

sociaux â quelque niveau que ce soit; dêgager ensuite, un champ

d'êtude plus restreint, la sêmiologie, Qui, selon la définition de

Saussure, est la "scienee qui êtuOie la vie des signes au sein de la

vie sociale" (1); enfin, envisager une unitê encore plus petiter la

linguistique, comme"une étude scientifique du langage et des langues

naturelles" Q), qui sont les systères de signes de loin les plus

dêveloppês. Cette distinction date de Saussurequi croit que "Ies lois

que dêcouvrira la sêmiologie seront applicables â Ia linguistique" (l)

et qui, pour justifier sa prise de position' n'hêsite pas à ajouter:

"si pour la première fois nous avons pu assigner à la linguistique r.rne

place parmi les sciences, c'est parce que nous I'avons rattachêe â la

sêmiologie". (4)

(1 ) SAUSSURE Ferdinand de, Cours de linouistique qénérale, Paris,


P a y o t r 1 9 6 9 , p . 1 3 . C e q u e S a u s s u r ee n t e n d p a r " v i e s o c i a l e " e s t
certainement assez proche de ce que lron peut entendre aujourdrhui par
"communication".
(Z) Ctrose suffisamment rare pour être signalêe: la d6finition
première est absolument identique chez GREIMAS Algirdas Julient
C0URTES Joseph, Sêmiotique, dictionnaire raisonnê de. la thêoli9-9u
lanqaqe, Paris, lhchettef T. 1, p. 212, et GALISSoN Robertr CoSTE
ffiIil Dictionnaire de didactique des lanoues, Paris, Hachetter 1976,
p. tzt.
(5) SAUSSURE
Ferdinand de, ibidem.
(4) SAUSSURE
Ferdinand de, op. cit.' pp. 5t-54.
16-

0n peut êgalement renverser cette hiêrarchie entre linguistique

l4etz, dans un article sur "Les


et sêmiologie, commele font christian
de son livre
sêmiotiques" (5), ou Roland Barthes dans I'introduction

Svstèmede la mode:

un peu ample, qui puisse


"y a-t-il un seul système d'objets,
se dispen""" Ou tangage articulê? La parole n'est-elle pas le
relais fatai de tou[ 6rdre signifiant?.(...) U ' h o n r n ee s t c o n d a m n ê
aucuné entreprise sêmiologiqye ne peut
au langage àrticulê, et
de
I'ignorer. I1 faut donc peut-être renverser la formulation
gue c'est la sêmiologie qui est une partie
Saussure et-àffirmer
de la linguistique." (6)

Mais ils ne font çe reprendre tne idêe que Saussure lui-même

envisage, Iorsqu'il affirme, toujours dans son cours de linquistique


des
oénêrale: "la langue, Ie plus complexeet le plus répandu
de tous; en
systêmes d'expression, est aussi le plus caractéristique

ce sens Ia linguistique peut devenir Ie patron génêral de toute


particulier"'(7)
sâmiologie, bien que la langue ne soit qu'un système
humain est
Cette inversion a Ie mêrite de montrer que le langage

souvent le modèle du sens, le fondement de totrte communication'

cependant, Ia première position garde ses dêfenseurs: Jakobson voit

la sémiotique commel"'êtude de Ia communication de to'rtes les sortes

cercle concentrique le plus petit qui entoure (8)


de messages,,et,,le

la linguistique (...). Le cercle concentrique suivant, plus large, est

(5) l'lETZChristianr !'Les sémiotiques ou sêmies", in Corrnunicationst


n. 7r p. 146-157.
(6) enirrHESRoland, Svstême de la mode' Paris, Editions du Seuilt
1967, p. 9.
(Z) 3tÙssUREFerdinand de, op. cit'r P' 1 0 1 .
(8) C'est nous qui soulignons.
17-

ure science intêgrée de Ia communication qui embrasse I'anthropologie

sociale, la sociologie et l'êconomie" (9). GÛnter Bentele de son côtê


ne peut
affirme: "le dêveloppement autonomede Ia linguistique

cependant pas faire oublier le fait que Ia linguistique, tout au nnins

dans ses parties les plus importantes, doit être, de manière

gênêrale, conçue commepartie de la sémiotique (10)' mêmesi cette

classification n'a eu qle peu d'importance pour Ie développementmême

de la linguistique." (11).

Nous nous rangerons à cette position tout en ayant â l'esprit


que nous traitonst
"qLE, quel que soit le niveau de communication

chacun implique un êchange de ressage et ne peut donc être isolê du

niveau sêmiotique, qui â son tour assigne le rôIe primordial du

Iangage" UZ), rôte oû en grande partie à Ia fonction


(11). cela ne
mêta-Iinguistique du verbal (appetêeaussi secondaritê)

nous empêcherapas d'utiliser les travaux de Roland


abondamment

Barthes et de christian liletz, défenseurs de I'autre position

( 9 ) J A K O B S ORNq n a n r o F . c i t . , T . Z , P . 9 t '
(10) C'est nous qui soulignons.
(rrl "Die eigen=tândig" EÀtwicklung del Linguistik kann allerdings
nicht darûbei hinwegtâuschen, &0 èie insgesamt, zumindest ihre
Teile, âls Teil àer Seligtik. aufgefaBt werden muB, auch
"i"niig"ten
ruenndIeseKIassiiit<atiffilun9derLinguistikseIbst
relativ unerheblich war." dans BENTELE GÛnter, "Problemskizze einer
Meàiensemiotik", in BENTELE Gûnter, (Hg.), Semiotik und Massenmedient
Miinchen,0lsehlâger, 1981r P. n.
( 1 2 ) J A K 0 B S ORNo m a n o , P. cit.r T. 2, p'9t'-
ji erife Benveni"û" iâ"u*" ainsi ce problène: 'rUne chose au rnins
if
èst'sûres aucune sêmiologie dr son, & ta couleurr_0"_lli*gg f
formulere en sonsr en coùIeurs, en images." d"lg BENUENISTE Emilet""
i""Ër;r*" àË ri^o,li"Iiqré-àà.éi'et", paiis, Gallimard, T. ?, 1974,
@ en est wre rPdeste Preuve.
18-

thêorique, cette diffêrence de positionnement thêorique n'ayant que

peu d'inFluence sur I'analyse elle-même.

C'est donc dans I'ordre communication-sémiologie-linguistique que

les chapitres suivants aborderont Le cadre thâ:rique de ce travail. 0n

commencerad'abord par êvoquer les rapports qtre le JT entretient avec

la science de la communication(2.1.); ensuite, dans une deuxième

partie, on montrera commentla sêmiologie (avec principalement les

aspects non verbaux de la c-ommunication)(2.2.) peut aider â son

analyse et enfin, dans une troisième partie, on envisagera quelle part

la linguistique peut prendre dans notre recherche Q.t.).


-19-

2.1. LA COMMUNICATION

Vu l'étendue du domaine, I'approche de la communicationn'est

pas une tâche facile. Cependant, le but final de ce travail, qui est

de montrer quelle est I'attitude des ânetteurs face à leur message

dans les journaux têlêvisês français et allemands, permet de

restreindre le champopératoire et cette restriction va se faire en

trois temps: d'abord, on évoquera différents modêIesd'analyse

dêveloppês pour analyser Ia communicationhumaineet l'on ctroisira

c e l u i q u i s e m b l ea p r i o r i l e p l u s a d a p t êâ t ' o b . i e t d ' ê t u d e ( 2 . 1 . 1 . ) .

Ensuite, on dânontrera a posteriori dans quelle mesure, d'une partr la

c o m m u n i c a t i o nt ê I ê v i s u e l l e d a n s s o n e n s e m b l e( 2 . t . 2 . ) , eL, d'autre

part, Ie JT en particulier (2.1.5.), peuvent sranalyser dans le cadre

de ce modèle.
-20-

2.1.1. LA THEORIE:

2 . 1. 1 . 1 . Q u e l s c h ê m a ?

L'utititê d'un schêmade comrnunicationest certaine: par-delà

Les avantages de clarté d'une prêsentation graphique, il permet de se

positionner rapidement et sans ambiguitê au niveau thêoriquel mais,

commeil a êtê dit dans I'introduction, la corrnunication est un

fourre-tout â la mode: iI faut donc être doublementprudent' En effet'

le nombre des schêmasq1i ont été dêveloppês est très gand' Deux

solutions s'offrent alors au chercheur: soit utiliser un schémaparmi

tous ceux qui existent, ce travail


soit en élaborer un rlouveau. Comme

se veut pluri-disciplinaire, son objectif n'est pas de construire de

nouvelles théories, rais bien plus d'utiliser les acquis de diffêrents

domaines et de les réunir pour en offrir une synthèse acceptable par

tous. th prêfèrera donc évoquer succintement quatre Schémas,Iiés â

quatre thêoriesr qui nous semblent être les plus importants, ceux de

shannon, de Jakobson, de I'Ecole de PaIo AIto et de catherine

Kerbrat-Qrecchioni, en analysant teur filiation, leurs points Forts et

leur intêrêt pour notre étude.


-21

c'est en 1949 que Shannonpublie avec I'aide de hleaver Ia

Thêorie mathêmatiquede la communication(14). D'après Robert

Escarpit, on doit "beaucoupà shannon, mais les théorêmes qu'il a

énoncês n'étaient que I'aboutissement d'une longue recherche empirique

qui srest êtendue sur plusieurs millênaires ..." (15). Nêanmoins,

cette publication a fait date dans I'histoire et Ia plupart des

théoriciens è la communicationont êIaboré leur modêle â partir de

celui de Shannon. Unissant les thêories de Ia comrrunication et de

I'information, ou, pour dire les choses auLrement, analysant les

rapports entre un acte (la communication)et son produit

(l'informatisn), } e s c h é m ad e s h a n n o ns e p r é s e n t e a i n s i ( 1 6 ) :

CANAL

T (14) SHANNoN C.E., Thôorie mathêmatiquede la sqmounicatlqq, Parist


c.E.P.L., 1 9 7 6.
(15) ESCÂRPIT Robert, Thêorie qênêrale d
comunication, Paris, llachette, 1976, p. 7.
op. cit.r p. 1s9.
(TF)TÂtitiôTi-c.E.,

i : :j:'
?2-

La conception mêcaniste apparaît clairement: le mouvementest

orientê commecelui d'un vecteur, I'information passe d'un élê'rnentâ

I'autre sans possibilitê de rêtroaction, le codeur et I'émetteur (Ie

récepteur et Ie dêcodeur) sont dissociés (17). Mais il ne faut pas

vouloir faire dire â ce schêmaplus qu'il ne peut: il rend compte de

la cqnmunication linéaire en téIêcommunicationet de rien d'autre, et

iI est normal que son adaptation aux êchanges humains et donc au JT

pose problême: d'abord, I'horrne est à la fois codeur et émetteur (et

dêcodeur et récepteur ): ces deux fonctions de nature complètement

diffêrente peuvent s'influencer trutuellement et donc rompre la

vectorisation. Ensuite, et c'est une consêquencede cette première

remarque, la signification du messagen'est pas prise en compte: pour

dire les choses autrement, le schêmamêcaniste ne rend que le

signifiant sans s'intêresser au signifiê, tout au rpins tant que ses

caractêristiques n'ont pas d'influence sur celles du signifiant. Sans

vouloir faire faire une "analyse de contenu" des JT' cette

caractêristique nous semble très prêjudiciable.

2 . 1 . 1 . 1 . 2 . L e m o d è l ej a k o b s o n i e n :

C'est pour pallier ces inconvênients que Jakobsona, à partir du

(17) II re sera pas fait ici allusion anx autres notions que Shannon
dêveloppêes commeI'entropie, la rentabilitêr qui sont secondaires
pour notre propos.
_2r_

schêmade Shannon,dêveloppê un modèle (18)' qui rend mieux compte de

l a c o m m u n i c a t i o nv e r b a l e ( 1 9 ) :

CONTEXTE

DESTINATEUR ... IESSAGE ESTINATAIRE


:.....
CONTACT

c@E

Quelles transformations ont êtê apportêes par Jakobson?D'abord'

la ,rsourcett, le ttcodeur" et l,ttêmetteurrt Sont devenus un Seul élêment:

le "destinateur', et le "récepteur", le "décodeur" et le "destinataire"


'rcontact"
se résument en un "destinatairer'; la voie est reprise par fe

guir en plus du canal physique, comporte "une connexion psychologique

entre le destinateur et le destinataire" (20). sont ajoutês le message

(Ie signifiê qui faisait défaut au modèle shannonien), le contexte -

que Jakosbonprêcise, dans une terminologie qu'il trouve lui-même

ambigue, commeêtant le "réfêrent" (21) - et Ie code: Ies notions de

codeur/codage et décodeur/décodagene disparaissent donc pas, elles

sont simplement dêplacées. Par delà la plus gtrandeprêcision de ce

(18) Nous avons fait le choix d,r rndèle jakobsonien par rapport-a
à;à"tià", 1not"rr"nt celui de Bûhler)r càr c'est celui qui a êtê le
otu" popularisê au point qu'il est mintenant enseignê dans les
it;éd:'D;àp"e" Jean-François Haltê, ce sont, son exhaustivitê, son
uÂiuà"""fitb et sa "pratiéitê" qui expliquent ce succès Peu comlrun
(dans HALTEJean-François, "De ia langue à Ia comrlrnication à
i'êcole", in Pratiques, n. 40, P. 7).
(19) JMOBSON-ffiffip. cit., T. 1, 196t, p' 214'
(20) ibidem.
(21) ibidem, p. 274.
-24-

schêma, sa force réside dans le fait qu'il est ôublê d'un deuxidme

schêmaqui regroupe les diffêrentes fonctions linguistiques (22)z

REFERENT
IELLE

EMOTIVE POET
I QUE CONATIVE

PHAÏIQIE

IETALINGUISTIQt,E

Grâce à ces six fonctions, "facteurs inaliênables de Ia

communicationverbale" (27), ce schémaest un instrument qui semble

adapté à l'êtude de la communicationverbale, relgré les eritiques

partielles qui ont pu lui être adressêes notammentau sujet de

I'extension du terme de "code" Q4). En tout êtat de cause, iJ. apporte

un regard nouveau qui, vingt-cinq ans aprês, est toujours d'actualitê.

lvlais Ia ressemblance avec Ie modèle shannonien reste frappante et ce

que I'on a aussi appelê le modêIe têIégraphique de la communication

est conservê dans ses grandes lignes: I'émetteur cofirnele récepteur

ressemblent étrangement à ès maehines bien réglêes, à des locuteurs

idêals se ressemblant. rrlrhumain" qui, on le verra, joue un si grand

rôle dans les JT français est pour ainsi dire absent, ce qui n'est

pas Ie cas du nrodèle suivant.

(22) ibidem, p. 22O.


(?t) ibidem, p. 214.
(24) On nous permettra de ne pas nous attarder plus longuement sur ces
fonctions qr.ri mt étê maintes fois analysêes. Pour & plus amples
informatims sur la critique de la mtion de "code", on lira KUENTZ
Pierre, ttRemarques liminairêsrrl in Lanque Française, n. 7, P. 25.
-25-

2 . 1 . 1 . 1 . t . L e m o d è I eo r c h e s ' l r a ! :

En effet, d'autres scientifiquesr regrqlpés parfois sous le nom

de I'Ecole de palo Alto ou de collèqe invisible Q5), ont en revanche

complètement rejeté ce schéma: il est pour eux Ia dernière êvolution

d,une philosophie et d'une psychologie classiques où Ia communication

entre deux individus est conçue commeun acte idêal, volontaire et

essentiellement verbal. Pour les rernbres d.r CoIIêge invisible'

,,on ne peut pas ne pas avoir de comportement.0r, si l'on admet


que, dans une interaction, tout compor_tlment. a valeur de message'
q u ' i ] e s t c o m m u n i c a t i o n i, I s u i t g ! ' o n n e p e u t p a s
"ne
' " épas
t - à - co,ntuniqrer,
Oire qu'on Ie veuille ou non." (26)

et
de conversation, toute
"Toute analyse du discours, toute analyse qui
analyse de ia communicationotr toute analyse de I'interaction
n" attacherait cnr'à une rnodalitê - Iexicale, linguistique ou
"i
kinésique -, doit s'attendre à souffrir (ou â être tenue pour
;;;;il;btei oe la prêsupposition que les autres modalitês se
(27)
maintiennent en * bt"t stable ou sans consêquence."

La communication intègre donc de nu.rttiples codes: la parole, Ie

geste, Ie regard, Ia mimiquet I ' e s p a c e i n t e r i n d i v i d u e l , le temps (28)'

' G o F F M AEN. ' H A L LE . T . ' . J A C K S o N


N . , B I R D h J H I S T ERL. L
( 2 5 ) D a n s B A T E S oG
d.,-scHrrLEN A. , sIGtutRtt s., h,ATzLAhlIcK P. ' La..lo.uYerleggmmunicatiolr
paris, Editions du Seuil, iletr 572 p., Yves Winkin explique comment
est nêe cette expression.
(?6) WATZLAIT|ICK'Paul, BEAVINJ. Helmick, JÆKS0NDon D., Une loqique
de la cormunication, Paris, Seuil, 1972, P' 46'
ffi.''RechérchessurI'interaction''inBATES0NG.et
alii, op. cit.' P. 190.
(28)' PoLr Bateson, "le fait est q.re ê 'simples rnts', Çâ î'existe pas'
iI n'y a que Oes rnots doublês de çstes ou q'interactions ou d'autres
chosei de la sorte,,. citê par Yves hlinkin, dans IdINKINYvest
;i"à""nt"tion gênêraler', in BATES$,| G. et alii, op. cit. r p. 66.
26-

Elle est un processus complexe, permanent, à plusieurs niveaux. Pour

rêsumer la problêmatique, Yves tdinkin rappelle I'analogie d6veloppée

par plusieurs chercheurs de ce groupe entre Ia cornmunicationét un

orchestre en train de jouer, analogie qui "a pour but de faire

comprendre commenton peut dire que chaque individu participe â la

c o m m u n i c a t i o np l u t ô t q u ' i l n'en est à I'origine ou à

I'aboutissement'r (29). Ces conclusions nous semblent essentielles

surtout par I'aspect globalisant de cette vision: iI n'y a pas la

Iangue ou Ie langage des çstes ou du corps qui mt des significations

particulières, mais un ensemble eomplexe de modesde communication qui

donne sa signification au messageet une appréhension globale est

seule possible malgrê la complexitê des systèmesen interaction. Ce

sont ces caractêristiques qui nous semblent essentielles pour une

interprétation conplète et rigoureuse du JT.

Ce modèle thêorique est très séduisant, iI f,aut cependant

reconnaître qu'il y a un inconvênient majeur â I'utiliser pour Ia

corrnunication audiovisuelle: commetout messagetêlêvisér Ie JT est

unidirectionnel, c'est-â-dire qu'il y a bien un sens ânetteur-

rêcepteur et qu'une rêtroaction, commeelle se produit dans la

conversation, est pour ainsi dire inpossible (10). Ce que nous avons

gagnê avec Ie modèle orchestral, c'est-à-dire la prise en compte de

tous les diffêrents aspects de la communication, nous I'avons perdu

(29) h,INKINYves, 'Prêsentation genêra1e'rr in BATES0N G. et aliit


op. cit.r p.25.
(10) Ce point sera approfondi &ns le ctrapitte 2.1 .1 .2..
-?7 -

dans le modèle mêcaniste, c'est-à-dire la linêarité de la

cormunication due au medir-rn.Qr-rctlethêorie choisir?

reformulê:
2 . 1 . 1 . 1 . 4 . L e m o d è l e. i a k o b s o n i e n

Parmi les nombreux épigones de Jakobson, certains ont pris en

compte les acquis des thêoriciens nord-amêricains et notamrent

Catherine Kerbrat-Orecchioni dont nous reproduisons ici le schâna:

i9

Compi'tcrrccs
linguistiu qc R l:tjl: lt trNl
p u r a - l i n gius t i c l u c

Éu c'r'r't,t:t< cncodugc - Nl ESS^C li - clterrclltc


canaI
CornJÉtcnces
idéologique
ct culturclle

Détermirurtions
( psy- ))

Contr:tintes ('t I i l lt c s
c J cl ' u r r i v e r s rlc rivcrs
de discours clc :our5
___)
Itlodèlede Ir'lodc'lc
production d'iDtcrpra'tation
z8-

Pour Catherine Kerbrat-Orecchioni (11)r les ânetteurs et

rêcepteurs ne sont pas des "locuteurs idéals" (t2), mais des individus

avec des compétenceslinguistiques (des idiolectes) et

paralinguistiques diffêrentes (33). Des rapports de force se

cléveloppent, Ie plus fort imposant souvent son idiolecte, ce qui

semble particulièrement vrai dans Ie cas du JT. "Leurs dêterminations

psychologiques et psychanalytiques jouent m rôle important dans les

opêrations drencodage/dêcodage"(t4), ainsi que "leurs compêtences

culturelles ((...) e n s e m b l ed e s s a v o i r s i m p l i c i t e s q u ' i l s possèdent

sur Ie monde) et idêologiques (ensembledes systèmesd'interprétation

et d'êvaluation de I'univers réfêrentiel)" ( 1 5 ) . D e m ê m e ,d a n s t o u t

nessage de type informatif (on peut supposer que ctest au noins I'une

( 1 1 ) K E R B R A T - 0 R E C C HC IOaNt hIe r i n e , L ' é n o n c i a t i o n . D e l a s u b i e c t i v i t é


d a n s l e l a n g a g e , P a r i s , A r m a n dC o l i n , 1 9 8 0 ' p p . 1 I - t t .
(D-tlous arlrons I'occasion de revenir sur cette expression qui a été
bien entendu crêée par Chomskydans Ie chapitre consacré plus
particulièrementâ la linguistique (2.t.).
(33) Catherine Kerbrat-Orecchioni comprendpar "para-Iinguistique"
tout ce qui appartient â Ia mimo-gestualitê, alors que Scheflen (dans
SCI-EFLEN A., "Systèmes de la communicationhumaine" in BATESON et
a l i i , o p . c i t . , p . 1 4 7 ) e L P o s n e r , g u i a d ê v e l o p p êu n e a n a l y s e t r è s
fine de tous les concepts qui tournent autour de Ia communication
(dans P0SNER Roland, "Non-verbale Zeichen in ôffentlicher
Kommunikation",in Zeitschrift fji" S"*iotit, Band 7, Heft 3, P. 24O),
rêserventlamimo-9ique.Laparalinguistique
est pour eux le domaine qui regroupe Ia gnaphologie pour l'êcrit et
l'étude de la quatitê de la voix chez les individus. Nous ne prendrons
pas parti.
(r4) KERBRAT-0RECCHIONI Catherine, ibidem; c'est Ie mêmeproblème
qu'évoque Gûnter Bentele: "la compétencemêdiatique du producteur
n'est pas identique à la compêtencemêdiatique dr.rrêcepteur (...);
normalement toutefois, elles se chevauchent sinon la comprêhension
serait impossible" (Die FbdienkompetenzP ist nicht identisch mit der
lledienkornpetenzR (...), normalerweise Ûberlappensich beide
Kompetenzenaber, ueil sonst Verstândigung tnmôglich wâre)r in BENTELE
Gunter, I'Problemskizze einer Mediensemiotik"r in BENTELE Giinter' Semiotik
und Massennpdien_,p. 25.
fficHroNI catherirer op. cit., p. 17.
29-

et la double interprétation
des caractêristiques du JT)r I'information
au centre du
qu,elle exige (par l'émetteur et par Ie rêcepteur) est
n'est pas complètement
processus de communication. De plus, le message

arbitraire: des "filtres qui relêvent de deux sortes de facteurs, les


(par exemple, adapter son
conditions concrètes de communieation"
(par
discoursà son public) et "Ies contraintes de'genre"'(36)
pour un reportage), ce qu'on
exemple, choisir un discours descriptif

pourrait appeler les fittres de I'univers du discours, déterminent

ne puise pas dans Ie


êgalement Ie message:en résumê, l'êmetteur
D'autre partt pour
stock de ses aptitudes langagières sans contrainte'
pas dissocier tes diffêrents
catherine Kerbrat-orecchionir on ne peut
lzur concours' Par
supports du messagequi se prêtent mutuellement

e x e m p l e ,â I ' o r a l , c'est Ie regard qui définit prioritairement

et non pas le "tu" linguistique. De Ia mêmemanière, un


l,allocutaire

"vous"delapartduprêsentateurpourraêtreinterprêté

diffêremment grâce à I'image'

ne s'arrête pas là:


L'analyse de catherine Kerbrat-0recchioni
instances êmettrice et
elle se penche encore sur Ia complexitê &s
entre les diffêrentes composantesde
rêceptrice, sur les interactions
les chapitres suivantst
son schêma. Nous reprendrons ses idêes dans
sur Ia notion de
notarrnent celles sur la polyphonie du messaget

contraintedugenre,etcellesurlepoidsdelasingularitêde
affaire à l'êvolution la
I'êmetteuD. NoUSconsidérons que n(rus avons

(tA ibidemr PP. 17-18.


ï)-

plus réussie du schêmatêlêgraphique, évoquê à la fin du chapitre

2 . 1 . 1 . 1 . 3 . e t b i e n a d a p t é à I a c o r m u n i c a t i o n t é I ê v i s u e l l e e o m r ec e l a

va être montrê. Cette êvolution réalise une synthèse harmonieusedr

schâ'na jakobsonnien et des appports essentiels dans le domaine de la

psychologie, de I'êthologie de I'Ecole de Palo AIto. Notre étude se

situera donc dans le cadre de ce schémaque nous appellerons désormais

"l.e schêmajakobsonnien reformulê" Q7).

2 . 1 . 1 . 2 . C a n a u x codes et information:

Le messagetéIêvisuel est profondêmentconditionné par les

canaux qui le portent. Dans l'êtat actuel de la technique, ce sont le

canal visuel et Ie canal sonore qui font appel respectivement â Ia vue

et â I'ouïel I'odorat, Ie çût et Ie toucher ne sont pour Ie moment

pas sollicités (18). Le nombrede stimuli sensoriels portés par les

(17) Si ce schâmaparaît trop thêorique' m pourra se reporter au


fameux "SPEAKING" de Hymes(présentê dans BACHIVIANN C.' LINDENFELD J.'
S I M 0 N I NJ . , L a n q a q ee t c o m m u n i c a t i o n s o c i a l e s , P a r i s , H a t i e r r 1 9 8 1 ,
223 p.) que a t i q u e , c e s c h é m an r a
malheureusementplus la caractéristique mécaniste qui convient bien à
la cqnmunication têIêvisuelle.
(:g) On se rappelle que H.G. trtells avait, dans son célêbre roman'
annoncé que cela serait chose faite en 1984. Peut-être srest-il
seulement trompê de date? D'autre part, on ne peut exclure que Ie
rêeepteur perçoive des sensations olfactives a.r g.tstatives venues
drune source autre que la têlévision (nourriture qu'il est en train
d'absorber, émanations de I'usine contigué au lieu où iI se trouve,
..,). llais cette perspective ne peut être envisagêeici. D'aprês
Harie-Anne Berr, ce nfest pas un hasard si ce sont Ia vue et I'ouie
qui sont associêes. Tous les èux sont des rrsens à distancett
("Fernsinne") par rapport aux autres qui sont des sens de proximité
("Nahsinne"), IIs dsnnent (suite page suivante)
31

canaux, rÊme s'il n'est pas infini comfi'Edans Ie rrcnde qui nous

entoure og), reste très êIevê. La vue et I'ouÏe ne sont d'ailleurs

pas sollicitêes de la mêmemanière: d'après Hsia, citê par Hans


pour
Scherer (40), "Ia capacitê réceptive est de I X 10 bit/sec

I'ouie et de 10 bit/sec pour la vue". Pour sa part, Hall, comparant

le nombre de neurones contenus dans les nerfs optique et cochléaire,

affirme que la capacité visuelle est thêoriquement dix-huit fois

supérieure, rmis qu'en réalitê elle est beaucoupplus grande. En

effetr,,le c h a m pq u e p e u t c o u v r i r I ' o r e i l l e r sans aide extérieure, est


("'
três limité". De même,au niveau de la reproduction, "on peut )

obtenir un niveau de fidélitê acoustique qui dépasse les possibilitês

de contrôIe de I'oreille, alors que I'image visuelle n'est guêre plus

ql'un système de rappel". (41) Ce rapport ne dit cependant rien sur

les critères de sêIection de cette ma5sed'informations' De plust

commeIe fait remarquer Claude Abastado, "chaque message, de son point

d'êmission à son point d'arrivêe, passe par une chaîne souvent


(cordes vocales,
complexe, gui combine des organes physiologiques

oreilles, yeux, (.. . ) ) , des vecteurs physiques (ondes sonorest

hertziennes, lumineuses) et des techniques'" QZ)

(18 suite) une "perception distanciêe des objets, des êvênements' des
uoL9?q"::TiI"^l-
à"à.à""u"." ("eine di'stanziet!9^!"Ltn9hryns
Ëréignissen, Vorgângen.")in FRR }tarie-Anne.,
. "pil{-[:l-9:l:,e:
t"iço;i:nl=!9!l:i!:fl';^'o'
Ë;iliËËii"t- i;J';ie Éatâruors"T':,
Ë;'ËôHËùR-H;.;;-',inàorieprêp6sitiônffiiondes
Ii n. 38, p. 67.
(40) ibidem' p. 69.
(Afi HALLE:T., La dimension cachêe, Paris, Editions du Seuil' 1971,
P. 6t.
des mê9ias, Paris, Cedic, 1980t P . 2 8 .
Claude, Messaqes
i+Z) ngnSTADg
32-

De cette bicanalitê dêcoulent de nombreux codes que nous

définirons comme"ensemble de signes et système &s règles selon

Iesquelles ces signes se combinent" (4J). L'ut,itisation de tel ou tel

code n'est pas arbitraire: chacun a ses caractêrist'iques çi sont

utilisêes selon les besoins de l'êmetteur: rapiditê ou Ienteur de Ia

clarté ou obscuritê du messageretc Aucun code n'est


.communication,
obligatoire: on peut â défaut raconter un fait au lieu de le montrer en

images, mais cela pose le problême de Ia traduction et de la redondance

que nous êvoquerons plus loin. De nombreuxmessagesfont appel à

plusieurs codes simultanêment: une émission de têlévision pourra

utiliser un code iconique, tn code graphiquer un code filmiquet un code

vestimentaire, etc: on peut parler à juste titre d"'hétérogênéitê

d u l a n g a g e c i n ê m a t o g r a p h i q u e "( o u a u d i o v i s u e l ) ( 4 4 ) . L e u r l i s t e n r e s t

pas fixe, certains sont peu utilisês, d'autres se crêent, souvent par

contamination: Ies images de synthèse en sont un bon exemple' Nous

voudrions présenter ceux autour desquels va tourner notre étude: dans

le canal visuel, les codes du mimo-gestuel, de l'iconique et du

filmique, ... dans le canal sonofe, ceux du verbal, de Ia nrusiqueet

des bruits. Tous seront êtudiés dans Ie cadre du chapitre sur la

sêmiotique (2.?.), sauF Ie verbal dont la partie linguistique fera

I'objet d'un traitement sêparé (2.t.) (lt:), eomme


cela a été

annoncê, car, le fait qu'aucun code ne soit obligatoire n'implique pas

(41) ibidem, p. 25.


(44) AUWNT'Jacqueset alii, Esthêtique du film' Paris, Nathan, 198t,
pp. 1t8-142.
de la
Ï4f I lbus traiterons en revanche toute la partie voco-acoustique
production verbale dans le eadre sémiotique.
3t-

en revanche que tous aient le mêmestatut: iL est êvident que le code

verbal a dans toute la cormunication humaine, et donc dans Ia

communicationtéIêvisuelle, ure importance primordiale.

Il faut êgalement évoquer le problème de la redondance qui tient

une place importante dans la théorie de la communication. Nous nous

trouvons face â deux thêories apparerrnmentcontradictoires. D'une

entre
part, Emile Benveniste affirme Ie "PRINCIPEDE N0N-RED0NDANCE

s y s t à n e s . I I n ' y a p a s d e ' s y n o n y m i e ' e n t r e s y s t è m e ss ê m i o t i q u e s " ( 4 6 ) .

D'autre part, pour E.T. HaIl, "tous les organismessont étroitement

soumis au processus de redondance: en eFfet, I'information transmise

par un système donnê est, en cas de cÉfaillance, assurée par d'autres

systèmes" @7). Il semble que la contradiction puisse être résolue,

Car Ie terme "redondance'r n'a pas Ie mâneSenS dans fes deux cas: pour

Benveniste, il signifie " s y n o n y m ed ' u n s y s t è m eâ I ' a u t r e " : iI est

certain que si un individu veut émettre une information, il ne peut

choisir de I'exprimer dans un système sâniotique sans influencer Ie

nessage. Le choix d'un autre systàne aura pour consêquenceun autre

messageet ces deux ressages ne sont pas interchangeables à cause de

Ia diffêrence de leur nature et de leur fonctionnement. En un mot, ce

que signifie une image ne peut pas être exactement synonymede ce que

signifie un texte et vice versa. En revanche, les chercheurs

nord-amêricains ont une vision plus globale: un individu n'a pas Ie

choix entre tel ou tel système pour signifier; ce sont tous les

( 4 6 ) B E N V E N ISETmiE l e r oP. cit.' T.?, p. 5r .


( 4 7 ) H A L LE .T ., L a d i mensioncachêe,p. 111.
34-

systèmes à la fois qui participent â la signification. Ils voient

alors la redondanced'abord comme"une diminution de l'information"

(au sens technique du terme) et ensuite commerruneparticipation â la

signification de l'information"' ces êux caractéristiques êtant

essentielles â l'êconomie de I'information. lrlatzlawick, Beavin et

Jackson vont plus loin quand ils affirment: "un eomportement(...) qui

manquede redondance nous frappe inrmêdiatement"(48). Les deux

théories, aprês une analyse menôede manière plus approfondie, ne

s'excluent donc pas.

Cette redondancepeut se sitrær â I'intérieur d'un même

système: trt pensera aux suites de synonymesdans la chaîne verbale ou

aux gestes répêtés dans le eode kinêsiquel ou bien dans une relation

intersystêmique. La plus fréquente dans le cas du JT est bien entendu

une redondance entre Ie visuel et le sonore. Mais commentdêterminer

]a redondance, justement â cause de cette "non-convertibilité" (49)?

Surtout que la redondance a un caractère très subjectif. le dit


Comme

Ingrid JanBen-Holldiek, "Ia redondanceest ressentie, mais on ne peut

pas la prêvoir à coup sûr." (>O) t-e syncrétisme du nessage

têlêvisuel fait que "les images montrent des faits concrets, par

( 4 8 ) I d A T Z L A h I IP No n D . , o P . c i t . , p - 3 1 .
C.K' B E A V I NJ . H . , J A C K S 0 D
( 4 9 ) B E N V E N I S TEEm i . l e , o p . c i t . , p . 5 5 .
(50) "Redundanzwird empfunden, aber man kann sie nicht unbedingt
planen." dans JANSSEN:ffiLLDIEK Ingridr "Redundante, assoziative oder
komplementâre Bilder? Zur Problematik der Planung und Interpretation
von Bild/Text-Bezûgêî", in BUFEtbtfgang, DEICHSEL Ingo, DETFil-0FF LJwe,
(Hrsg. ), Fernsehenund F lernen, Tûbingen, Gunter Narr
t5-

exemple des personnes, des lieux d'action avec des aeteurs, alors que

le texte rapporte des relations abstraites, qui peuvent n'avoir qu'un

lien très indirect avec ce qui est montrê" (51). CommentcomParerce

qui ne semble pas comparable? Erich StraBner (52) êvoque les deux

théories dêveloppêes â ce sujet par les spécialistes de psychologie

de I'apprentissage: il s'agit d'abord de la théorie de la compilation

qui affirre que plus il y a de stimuli dans diffêrents systèmes, plus

I'information est riche, la redondanceétant Ie eas de plus grande

pauvretê. C'est d'ailleurs ce qui, d'après Ingo Deichsel $t), fait Ie

dilemme de la cornmunicationaudiovisuelle. La théorie de la sêIection,

en revanche, prêtend que la comprêhension de chaque système se fait de

maniêre indépendante et alternée, me trop grande quantité

d,informations empêchanttoute relation iI


entre les systêmes. Comme

le reconnaît, ces deux théories s'excluent pour ainsi dire I'une

I'autre. Nous essaierons alors de dêterminer une voie plus pratique

que théorique pour notre analyse, notammentquand iI s'agira de

dêterminer Ia place gue prend l'émetteur dans Son tnessagetdans le

chapitre 4.

(51 ) "Die Bilder zeigen konkrete Begebenheiten, etwa Personent


Èchauptâtze mit Handélnden, uuâhrendder Text Ûber abstrakte
Zusammenhânge berichtet, die môglicherweise nur eine sehr indirekte
Beziehung vom vorgezeigten haben" dans STRASSNER Erich '
Fernsehnachrichten, P- 55.
F52) ibidem, pp. 55-56.
(ff) O61CHSEL'Ingo,"Quelques consêquencesde la cognition
audio-visuelle uu" drune nrêthodologie des mêdia", in Etudes de
"i
linquistique appliquêe, n- l8r P. 54.
t6-

En corréIation avec cette notion de redondanCequi vient d'être

évoquêe, iI faut mentionner le problème du bruit qui est la cause

essentielle de Ia nêcessité de la redondance. Le bruit a, en thêorie

de la communieation,une définition êtroite: "tout êIânent extérieur

(provenant d'une source autre que I'êmetteur et n'appartenant pas au


moment
code) qui vient troubler la transmission et doit être ignoré au

de I'utilisation de I'information" O4), et une dêfinition large:

,,toute gêne, erreur ou lacune qui empêcheIa transmission normale

d,un message" (55). Dans ce cas, le bruit peut venir de l'êmetteur

(qui s'exprime mal), du destinataire (qui est inattentif)' fo nessage

(qui est peu clair), du code (inadaptê au message), du canal (signaux


pas
parasites). Que I'on adopte I'une ou I'autre des déFinitions, nra

grande importance dans la perspective de ce travail. Drune part en

effet, Ia caractêristique la plus marquante du nedium "têIêvision"

est sans doute sa grande technicitê qui fait que les bruits

parasites sont lrexception. D'autre part, Ie signal,/bruit, important

pour la théorie de la communication, est secondaire pour notre étude

qui met I'accent sur ltânetteur plus que sur Ie ressage'

nous a
ce chapitre sur les aspects gênêraux de Ia carmunication

donc permis de choisir un modèle thêorique, celui de catherine

Kerbrat-0rrechioni, Ie schêmade Jakobson reformulê. c'est un modêIe

qui allie les avantages d.r schâna rÉcaniste, bien adaptê â l'êtude

( 5 4 ) G A L I S S ORN. ' C 0 S T ED . ' o p . c i t ' , p ' 7 5 '


( 5 5 ) A B A S T A DCOl a u d e , o p . c i t . , p ' t 1 '
t7-

de l'émission de tétêvision, où la part de Ia technique est grande'

et ceux du modêIe orchestral dêveloppê par I'Ecole de Palo Alto qui a

une vision beaucoup plus globalisante des problèmes soulevês par

I'analyse des échanges humains. De plus, iI a montrê que la

bi-canalitê et le grand nombre de codes possibles sont, avec les

redondancesqui peuvent en découler, fes caractéristiques essentielles

qui se dêgagent quand on replace Ie JT au niveau de la thêorie de

I'information. Nous allons maintenant envisager ce que la communication

téIêvisuelle a de spêcifique.

2 . 1 . 2 . L A C O M M U N I C A TTIEOLNE V I S U E L L E :

2 . 1 . 2 . 1 . L a t e c h n i q u e e t s e s c o n s é q u e n c essu r l e m e s s a q e :

La cornmunicationtêIêvisuelle est Ie rêsultat d'une technique et

drune technologie. A Itinverse de la communicationlangagière ou

gestuelle qui s'est dêveloppêe et q:e I'on a pu ensuite rational'iser

ou techniciser, la technique téIêvisuelle est nêe et I'on a ensuite

étaborê un nouveau type de communication à partir de cette technique'

Cette êtroite interdépendance entre la technique et la communication

têlêvisuelle a des consfouences importantes sur le message:


lB-

- La technique têlêvisuelle a au plus soixante-cinq ans CI6), cela

signifie que la communicationtêIêvisuelle est encore plus jeune, et à

I'échelle de la communicationhumaine, ce nrest rien! Elle n'a pas

derrière elle des siècles d'habitudes, de traditions, d'êvolutions,

ces acquis transmis de génération en gênération et qui font en grande

partie la culture. Cette "jeunesse" fait que nous Sommes


encore en

pêriode d'apprentissage du nediumr gue les rapports entre I'homre et

ce type de communication sont encore en devenir.

- La dépendancevis-â-vis dr: support est aussi essentielle. Il faut

qu'à de multiples endroits Ia technique fonctionne pour qurun individu

puisse regarder la télêvision. Sans cette conjonction positive' pas de

téIévision. Qu'un seul êlêment de la chaîne vienne à manquer (57),

la communicationest totalement interrompue. II n'y a pas de système

de susbstitution commele langage çstuel peut l'être dans une

situation où Ia communicationverbale est impossible.

- Cette dêpendancevis-à-vis du rBdium se manifeste aussi par un

parallê1isme entre I'évolution t e c h n o l o g i q u ee t I ' ê v o l u t i o n d e

certaines caractêristiques de la communication.Que I'on pense aux

diffêrentes êtapes techniques qu'ont constituê la chaine unique, la

couleur, Ia m.rltiplication et son dêrivê


des canaux, la têIêcommande

(56) Les premières expêriences en laboratoire ont été menéespresque


simultanânent en Grande-Bretagne par Baird en 1925, en France par
Barthêlêmy en 1924 et en Allemagne dès 1926. ,(source: MIQUELPierre'
Histoire de la radio et d3-fg-!êfêvision, Paris, Perrin'

(57) On se rappellera I'attentat commissur rn réêmetteur en Bretagne


(un seul maillon de la longue chaîne entre les studios parisiens et un
habitant de Lorient) qui a-privê de têIêvision toute cette rêgion
pendant plusieurs rpis.
t9-

le zapping, et à leurs conséquencesthêoriques et pratiques sur la

cormunication. De même,I'avenir apportera certainement de nouveaux

changementsqui rendront obsolête une partie de ce travail, mais c'est

le lot de toute êtude d'un matêriau profondânent inscrit dans son

temps

- Une autre caractéristique essentielle est la bi-canalité: Ie message

est portê à la fois par le son et I'image. Cette bi-canalitê a permis

à ta têlêvision de se dêmarquerdes autres mêdias lors de son

avènementet de dêvelopper un type de comm,:nication qui lui est

propre (58). Jean-Paul Gourêvitch résune Ia situation ainsi: "Ia radio

informe, ta télêvision montre (59), Ia presse explique" (60). Cette

bi-eanalitê fait du JT un objet de choix pour I'application des

développementssystêmiques de l'épistémologie qui trouvent' par

exemple, Ieur expression chez Edgard Morin qui analyse toutes leurs

conséquences:

"une totalitê organisêe, non rêductibte à ses élêments'


constitutifs. Leéquels re sauraient être correctement décrits
isolêment â partir de leurs propriétês particulières; I'unitê
sçêrieure (.. . ) re peut se dissoudre dans les writés
êI'êmentaires, mais atl contraire apPorte I'intelligibilitê des
p r o p r i ê t ê s q u ' e l l e s m a n i f e s t e n t . ' r ( 6 1)

(58) La têtévision partage néanmoinscette caractêristique avec


d'autres médias (te tnéâtre, Ie cinêma). C'est ce qui lui a permis
de leur emprunter beaucoup â ses dêbuts.
(59) C'est nous qui soulignons.
(60) GSUREVITCH iean-Paul, tg politique et ses imaqes' Paris, Edilig'
1986, p. 69.
(61)'Ciest au sujet de I'influence de la théorie de I'information et
à" i" cybernétiqùe sur les dêmarchesscientifiques qu'Edgar lllorin
êcrit phrase dans FORINEdgard, Le paradiqme perdu: la nature
"âtt"Paris, Editions du Seuil, 1973, p, 26.
9,
40-

comme
0n peut résumer le problème de manière plus sémiotiquer

Tony Bates (62) Iorsqu'il remarqueque "la têlêvision associe


le fait

types de systèmes symboliques" en se réfêrant à la


Ies trois
(langages, partitions
typologie de Salonpn sur les systànes digitaux

musicales, ...), l e s s y s t è m e sa n a l o g i q u e s ( q u a t i t ê d ' u n e v o i x o u


êcrite
d,une musique)et iconiques (images), alors que la Presse
pas
n'utilise pas les systànes analogiques et que la radio n'utilise

les systèmes iconiques. cette bi-canalitê est lourde de conséquences:

quel usage est fait respectivernent des deux canaux? Quelles sont les

relations qui les r.nissent?

- Toujours grâce â la technique, la têtêvision enferme aussi tous


peuvent faire ne lui est
Ies autres mêdias: "rien de ce qu'ils
jouer sur tous les
inaccessible" (61). EIle ne se prive pas de
consciencet
tableaux et, bien que le spectateur n'en ait pas toujours
fes genres'
son flEssageest très hétérogène. Tous les systèmes, tous
une
tous les registres se suivent ou mêmese superposent. Etablir

typologie des messagestéIévisês relêverait de la gageure: c'est ce

qui rend son analYse si difficile'

- La têtêvision a la possibilité technique de transmettre son nessage


raisons diversest
instantanêment. Mêmesi ce type de message, pour des
reconnaître que
re constitue pas I'essentiel de sa production, iI faut

(62) BATESTay, "Efficacitê fu ressage et système éducatif" , i n


Corununications,n. i5, P. 41
fôTfficharles de' P0RCHER Louis' Des media dang--leg cours de
i"nqu"s, Paris, CIê International , 1981, p . 1 1 .
-41

(64) que Permet


c t e s t I à I ' u n e d e s e s g r a n d e s f o r c e s . Cette ubiquitê

"Ie direct" peut s'êtendre à Ia terre entière, peut faire entrer Ie

monde dans le salon de tout un cttacun â chaque instant, du rnment que

cela a étê prêvu Par Ia technique.

- La technique coÛte cher; Ia concurrence est de plus en plus vive' La

conséquencedirecte est que rien â I'écran nrest laissê au hasard' Ce

qui peut paraître superflu ou factice au néophyte est souvent voulu

par I'êmetteur. Le paroxysmede cette situation est atteint avec Ia

publicitê où I'on compte en secondes d'un côtê et en dizaines de

milliers de francs de I'autre. La phrase de Roland Barthes prend alors

tout son Sens: "Ces signes sont pleins, formês en vue de la meilleure

lecture" (65).

- Un dernier aspect paraît tout aussi important: la communication

télêvisuelle est â sens mique. A I'inverse de la conversation ori

chaque interlocuteur est tour à tour émetteur et rêcepteur, Ie

spectateur reste toujours spectateur. Cela nous arènera â examiner,


dans
dans Ie chapitre suivantr ce que recouvre le terme de "rêcepteur"

Ie cadre spêcifique de la communicationtêlévisuelle.

Ce chapitre sur la technique tétêvisuelle et ses consêquencessur

le messagea permis de nrettre en évidence une structure d'ensemble

(64) Jean Cazeneuveparle de la "sociétê de I'uùiquitê" {t:.son livre


inZgHeWe Jean, La sociétê de I'ulr.iqrji!é, Paris, Denoel, 1974.
(65) BART6SSnôf ge", in Communications,D. 4,
p. 40.
42-

comparable au modêle jakobsonnien reformulê choisi plus haut comne

guide, où Ie couple émetteur-récepteur est d'autant mieux conservé

qu'il n'a pas besoin, grâce â I'absence de rétroaction, d'être

inversê à chaque échangeeommedans l-a conversation quotidienne. I1 a

évoquê également Ia part prêpondêrante du canal, qui, de par sa

composition (partie sonore et partie visuelle) et la possibilitê de

transmission en direct, permet d'approcher de très près les conditions

de la communication"face to face", pour laquelle Ie schéma

jakobsonnien reformulé a étê originellement cléveloppé.

2 . 1 . 2 . 2 . L e d e s t i n a t a i r e d u m e s s a q et é I é v i s u e l :

C'est un élênent complexequi varie selon le point de vue de

I'analyste. Si I'on se place du côtê de la réception, le récepteur

est unique (parFois en petit groupe). Bien qu'il sache que d'autres

spectateurs, qu'iI ne voit pas, qu'il ne connaÎt pas, participent â Ia

communication, il I'oublie vite: diffêrents "trucs" sur lesquels nous

reviendrons (chapitre 4.1.) et surtout I'absence de contact avec les

autres spectateurs I'incitent à se croire "seul destinataire". I1

reçoit messagesur messagesans possibilitê d'intervenir au niveau de

l'émetteur: aucune demanded'explication ntest possible et aucune

rêaction (joie, nÉcontentement,cri ) ne touchera I'émetteur. Une

intervention diffêrée par têlêphone ou par lettrer qu'elle soit


43-

sollicitêe ou non (66), nrauDa aucun effet sur le messageen question

et vraisemblablement que très peu sur les autres messagesfuturs.

Cette absence de rétroaction, dêjà évoquêeplus haut, est lrune des

caractéristiques essentielles de la communicationtélévisuelle (67).

Pour le spectateur, le seul moyend'agir sur la comrn:nication, crest de

I'interrompre en changeant de chaîne ou en fermant son têlêviseur,

mais en faisant cela, iL s'exclut lui-même de Ia communication. 0n est

spectateur ou on n'est rien!

Du point de vue de I'êmetteur, Ie récepteur est un personnage

q u a s i m y t h i q u e : 1 ' â n e t t e u r d o i t n o n s e u l e m e n ts ' i m a g i n e r d e s

récepteurs, mais faire coflmesi un contact direct entre lui et chaque

rêcepteur pris individuellement existait (68), et cela malgrê la

barrière de I'espace â laquelle s'ajoute parfois celle du tempsdans

Le cas des émissions enregistrêes. 0n voit les problêmes que cela peut

(66) Ce type d'émission où les télêspectateurs peuvent donner leur


avis sur un sujet quelconque est â la npde: Ieurs eoncepteurs parlent
mêmesans ciller de "télêvision interactiverr. Qu'on ne se leurre pas!
Tout est prévu, calculê: cette intervention n'aura aucune influence
sur Ie dêroulement de la communication et ces tentatives ne sont que
des "simulacres de partieipation", commele fait remarquer Bernard
Leconte, dans LECONTE Bernard, "TêIêvision et communication", in
B u l l e t i n d u C : E R T E I Cn ,. 9 , p . 2 6 .
@s dire que l'ânetteur puisse dire ou faire
n'importe quoi. Les contraintes culturelles, êthiques,
professionnell.es guideront son choix, voire provoqueront une auto-
censure avant la communication proprement dit. De même, les sondages
rendront leur verdict a posteriori et décideront de la suite de Ia
carriêre de ltânetteur. llais si I'on considère Ia communication au
momentmêmeoù elle a lieu, le récepteur, en tant q-r'individu, est
complètement impuissant.
(68) Cetrx qui arrivent le plus rnturellement â êtablir ce
rapprochementimaginaire sont ceux qui "passent" Ie mieux â l'écran.
44-

poser (69)z commentparler de la mêmefaçon â lrenfant et â I'adulte,

à I'intellectuel et â I'illettrê? 0n re peut qu'être d'accord avec

UmbertoEco lorsqu'iI affirme gue "Ie modèl.einitial de communication

qui prévoyait un code communâ 1'émetteur et au rêcepteur était bien

sommaire" (70). Steffen Peter Ballstaedt va dans Ie mêmesens

lorsqu'iI remarqueque "la langue des informations radiophoniques, et

on peut ajouter celle des informations téIêvisées, appartient, dans

ses caractêristiques principales, â un système verbal dont la plupart

des rêcepteurs ne disposent pas" (71). Pour aller plus loin dans

I'étude du récepteur, les çns de téIêvision disposent de ".I'audimat"

qui détermine les volumes d'audience, des sondagestéIêphoniques qui

essaient de cerner les rêactions à chaud du public, ou des

questionnaires d'enquête qui êvaluent l'êvolution des goûts du

public, mais, commeIe reconnaît Anne-Marie Thibault-Laulan, "iI ne

s ' a g i t l à q u e d ' i n d i c a t i o n s g r o s s i ê r e s e t a p p r o x i m a t i v e s .( . . . )

Pratiquement tout est â inventer dans ce domaine" (72). Pour la

majoritê des êmissions, joue le phênomêne


du "vase clos": pour

(69) Patrick Champagne rêsume le problène de la manidre suivante:


"(...) on sait en effet que chaque fois qu'un messageunique est
proposé â une sociêté différenciêe, il fait I'objet drune
réception elle-même diversifiée, ce qui interdit d'infêrer d'une
homogênéisationde I'émission une homogénéisationde la rêception"
dans CHAPIPAGI€ Patrick, op. cit., p. 406.
(70) ECOUrberto, La structure absente, Paris, Mercure de France, 1972,
p. 114.
(71) "Die Sprache der Rundfunknachrichten,und das darf eingeflochten
werden, auch der Fernsehnachrichten, gehôrt in ihren prâgnanten
Plerkrnaleneinem Sprechsystem an, das den reisten Rezipienten nicht zur
Verfûgung stehtrr dans BALLSTAEDT Stephan Peter, rrNachrichtensprache
und Verstehen'r, in Zeitschrift fiir Literaturwissenschaft und
Linquistikr n. 11,
(72) THIBAULT-LAULAN Anne-ltarie, op. cit., p. 254-255.
_45_

dêterminer ce qu'est et ce que veut le récepteur, le producteur de

téIêvision se rêfère plus aux rêactions de ses pairs, de son grouPe

socialr eu'aux attentes d'un public qu'iI ne connaît qu'indirectement

(7t). A cette hêtêrogênêitê du public s'ajoute Ie fait que

,rl,intensité de la communicationest directement fonction de I'effort

f o u r n i p a r f i n d i v i d u " ( 7 4 ) . Q u e l I e r e s s e m b l a n c ee x i s t e - t - i l entre

celui qui regarde la télêvision distraitement dans le brouhaha d'un

café et la personne seule, concentrée sur son activitê? Enfin, quelle

est I'habitude qu'a fe spectateur de la têIêvision, quel est son degrê

d'information préalable? Car on sait depuis des études récentes (75)

que lron ne voit que ce qu'on a I'habitude de voir ou que ce que I'on

cherche. C'est en analysant Ie flEssageque I'on dêterminera les

hypothêses faites par l'êmetteur sur le rêcepteur et il faut çtrnc

attendre Ies conclusions de ce travail. Pour être complet sur le thême

du "récepteur", il ne faut pas oublier que ce que nous avons appelê

jusqu'à prêsent rrlrêmetteur" est en rêalitê une entitê complexe

(sur laquelle nous reviendrons dans le chapitre sur Ie journal

télévisê (2.2.?.)), d e n o m b r e u s e sp e r s o n n e se t q u ' à


composêe

I'intérieur mêmede ce groupe émetteur, il y a une mini-structure

émetteur-rêcepteur. En effet, les responsables, les techniciens

reçoivent comflEles têlêspectateurs le rpssage et Peuvent ânettre,

(73) ibidem' p. 267.


( 7 4 ) M I S S I K AJ e a n - L o u i s ' h n L T 0 ND o m i n i q u e ro F ' c i t . ' p ' 154. Les
auteurs concluent avec iustesse que crest le rapport au ressaç qui
est diffêrent.
(75) Notamnent CAREJean-Marc, DuBos Jean-Louis, IRLANDEJ., l4esdames
et Messieurs bonsoir. Paris, BELC, 1979' non paginê, et C$'IPTECarmen'
, P a r i s r P a r i s , BELC, 1984,
pp. 7 et 16.
46-

hors antenne, un jugement, faire tne plaisanterie, en u.r mot rétablir


une situation de communicationinteractionnetle (76). Ce public 1à est

un peu â part: ce nrest pas le public visé, nnis il exerce une


influence importante sur l'émetteur apparent et ce, â I'insu du
téléspectateur; â I'insu en effet, car, commele sourigne Goffman, ,,si
ces courants n'êtaient pas sous-jacents, si leur contenu était

cormuniquê par des voies officierles au lieu de r'être par des voies
clandestines, il-s contrediraient et discréditeraient Ia dêfinition de
la situation officieLLe" (77).

si le cas du rêcepteur a été traitê dans le chapitre génêral


s u r l a c o m m u n i c a t i o na u d i o v i s u e i l . e , c ' e s t q u ' i l n'y a pas lieu,
toujours dans un cadre sêmiolinguistique, d'établir des diffêrences
entre les récepteurs selon les types d'êmission. En revanche, le

problême de l'émetteur est spêeifique au JT et il va être approfondi


dans le chapitre 2.1.1. qui envisage le JT en particulier.

Ce chapitre sur le destinataire d-r ressage audiovisuel a mis en


relief sa doubre nature: il est â la fois tn et multipre. Un, car il

ar commel'évoque catherine Kerbrat-0recchioni, "des compêtences

linguistiqr-res et pararinguistiques"r "idéologiques et culturelres",


"des déterminations'psy"'qui lui sont propres (7g), rpus en avons

(76) 0n sait qr.rere milieu de ra télêvision ne se prive pas


de ce
genre d' interdiscours.
(77) GOFFMAN Erving, La_mise de la vie quotidienne, paris, Editions
Hinuit, 197t, T. 1, p.1$.
(78) voir supra chapitre ?.1.1.1.4.
47-

ônné de nombreuxexemples; multiple, car ils sont des millions â

participer en mêmetemps â la communication et â avoir des

compétencesdifférentes. Cette structure ne nous gêne cependant pas,

car notre êtude se situe au niveau de l'êmetteur et de son tnessage:iI

faut cependant Ia garder à I'esprit pour apprêcier Ie discours à sa

juste llESUre.

2.1.2.f . Audiovisuelet communication:

AprèsI'approche de la techniqueQ.1.2.1.) et du destinataire

(2.1.2.2.), u n d e r n i e r p o i n t n o u s s e m b l ei m p o r t a n t d a n s c e c h a p i t r e

sur Ia communicationtéIêvisuelle, c'est celui du rapport entre Ie

Ie fait
contenu du messageet sa forme. Comme remarquer Gavriel

Salomon, la communicationtêlêvisêe et les mêdias de manière plus

gênéraIe,

"rE transmettent pas seulement un contenu. Leur contenu a une


forre et une structure. Et ptus essentiel encore pour les mêdias,
chacun d'arx cultive sa propre association de systêmes
symboliques puis, au ft)yen de sa technologie de développement,
produit d'autres formes originales d'expression" Q9).

Michei Tardy va plus Ioin lorsqu'il affrrme qu"'elle organise

subrepticement la matiêre qui lui est fournie et la conduit

obstinément vers Ia forme passe-partout qui lui sert de doctrine

(79) SALÛ"IONGavriel, "La fonction ciêe I'organe", in Corrnuniçat:p4q ,


n. 3t, pp. 95-96.
48-

implicite" (80). lulacLuhan, avec son célèbre aphorisme 'rle message,

c'est le medium" (81) porte cette idêe â s:n extrême et si cette

formule a le mêrite de mapquerles esprits, nous ne suivrons pas le

philosophe canadien dans son analyse de la relation entre les hommes

et les mêdias (82). Si ces analystes insistent sur ce rapport entre

forme et contenu, c'est qu'ils jugent le produit têlêvisuel diffêrent

d e c e q u ' i l e s t s e n s êt r a n s m e t t r e , l a r é a l i t ê . L ' i l l u s i o n qu'iI

procure est si forte que I'on oublie parfois la mêdiatisationr Que

I'on ne voit pas I'essentiel, â savoir que la forre de I'expression

téIévisuelle a dêterminé le contenu transmis. Quelle est Ia cause de

ce renversement des prioritês? Nous croyons qu'eIIe tient dans le

fait que fa communicationtêIêvisée unit en fait de-rx rêalitês et

par lâ-mêmedeux notions (Ia communicationet la télévision) plus

contradictoires qu'il n'y paraît au premier abord. Bernard Leconte'

dans un article récent, dêfinit leurs rapports commesuit:

"Lraudiovisuel, fermê sur fui-même et intransitif dans sa forme

actuelle (... ), s'oppose et se rapproche de ]a cormunication qui

sernble impliquer, elle, rêponse directe, feed-back et contemporaênité

discursive" (81). C'est pour compenserce décalage que la

communicationtêlêvisuelle donne une place si importante â la forme,

et que I'on a pu parler à son ProPos de "spectaclerr, de "rite".

(80) TARDYMichel, "Procès linguistique et procds iconographique dans


l e s m e s s a g e st ê l ê v i s u e l s " , p . 1 1 3 .
(81) LUHANMarshall Mac, Pour comprendreles mêdia, Paris, Editions du
Seuil , 1968. p. 25.
(82) l,lousne faisons 1à que suivre I'attitude d'autres chercheurs
notammentMARGERIE Charles de, P0RCHER Louis, oP. cit., p. 11'
(81) LECONTE Bernard, "Télêvision et communication'r,p. 7'
49-

L'analyse (chapitre 4) montrera quelle place tient l'émetteur dans ce

spect acIe.

En conclusion, il faut donc constater que la communication

têlévisuelle peut s'analyser se.l.onles termes du schémajakobsonnien

reformulê par Catherine Kerbrat-Orecchioni. Les résultats sont

diffêrents de la communication"en direct" et font ressortir par

exemple la grande importance du canal, la pluralité des destinataires

et Ia prêpondêrancede la forme sur le contenu, mais elle fait

nêanmoinspartie intôgrante de la communicationhumaine. Le chapitre

suivant, en étudiant Ie JT en lui-même et en envisageant le rôle

particulier de l'émetteur, ne fera que conforter cette idêe.

2 . 1 . 3 . L E J O U R N ATLE L E V I S E :

Au niveau de la communication, l'éIêment le plus spêcifique du JT

est certainerent l'êmetteur. Conrnecela a déià été dit, derrière le

prêsentateur se cache en réalitê un "groupe-êmetteurrrrla

"rêdaction" (84). La part de chacun dans Ie travail du groupe est

variable selon les pays, les chaînes, les rêdactions: Ekkehard Launer

(84) Harald Burger parle "d'êmetteur primaire et secondaiferl


("primârer und éekundârer Ksnmunikatoren", en prêcisant que, si-l'on
se'place du côté & ta rêception, l'ordre s'inverset e! d'un "rêSeau
d'êietteurs avec m émetteur principal et de nombreuxêmetteurs
adjoints ("ein Netz von Kommunikatoren, mit einem Hauptkommunikator
unà vielen 'Nebenkommunikatoren"')dans BURGER Harald, Sprache der
Massellmedien,Berlin lbw York, De Gruyter, 1984, pp. 29-3O.
50-

'Tagesschau' et 'Heute'
remarque, par exemple, que "la production de

se caractêrise par une grande division du travail" (85). Oe plus,

l,attitude de I'instance ânettrice vis â vis de sa propre diversitê

est elle-même très changeante. En fait, ce sont surtout les gens de

têIêvision qui aiment à rappeler que les produits tétévisuels sont

les produits d'une êquipe. C'est sans doute fa conséquencedrun double

êtat de fait: d'abord, il est vrai que pour qu'un prêsentateur donne

une information visuelle, il faut qu'un journaliste d'agenceait eu

connaissance de cette information et I'ait, aprês accord de son chef,

transmise au siège de I'agencer 9ue celle-ci I'intêgre dans son

réseau de dépêches, qu'un rédacteur de tê]évision prenne â son

tq:r connaissancede l'information, envoie un journaliste avec un

cadreur (86) et un ingênieur du son, que ceux-ci produisent des sons

et des inages, mis sous la forme d'un reportage par une monteuse avec

I ' a i d e d u j o u r n a l i s t e q u i a s s u r e l a p a r t i e c o m m e n t a i r e ,q u e l e

rêdacteur accepte ce reportage et que les techniciens le diffusent au

bon momentdans de bonnes conditions techniques (87 ). La deuxiême

raison de cet accent mis sur Ie caractêre "production d'un groupe" est

psychologique: Ies journalistes sont entourés d'une aura, faite du

pouvoir de dire ou ne pas dire les choses, et de passer â l'êcran, ce

(85) "Die Produktion von 'Tagesschau' und tHeute' zeichnet sich drrch
eine hohe Arbeitsteilung aus" dans LAUNER Ekkehardt
',Produktionsbedingungen und Qr.ralitât von Fernsehnachrichten'r in
ôrg, (ttr$.),
A W E R M A NJN '
0pladen, hlest-deutscher Verlag, 1979, p- 296.
(bg) On'parle maintenant de câdreur et non plus de cameraman(défense
du français oblige!).
(87) Ce'n'est quTun cas de figure parmi beaucoupdrautres: il est un
de ceux qui assure le plus le-suivi dr prod-lit par une mêmepersonnet
mais c'est loin d'être le plus frêquent.
51

qui leur assure une notoriêtê que n'ont pas les "techniciens" (gg).

L'êvocation de reur participation fait rejaitrir un peu de cette

"gloire" sur eux (89).

Il faut donc anaLyser les émetteurs du message,que ceux-ci se

prêsentent commeters ou non. Entre un prêsentateur que I'on voit,

dont le nom s'affiche au bas de r'êcran et qui regarde le spectateur

droit dans les yeux en lui parlant, et des images "neutles", sans
indications, qui dêfilent sur un commentairesans rapport avec res

images, il y a toute une écheLle de la présence ou non-présence de

r ' ê m e t t e u r s u r l a q u e l l e n o u s r e v i e n d r o n s l o n g u e m e n t( c h a p i t r e 4 . )

Après avoir envisagé les cornposantesde la communicationdans Ie

JTr nous ne pouvons que confirmer La conclusion du chapitre prêcédent,

où nous disions que le schêmade communicationde Jakobson reformulé

par Catherine Kerbrat-0recchioni pernet bien d'analyser la

cqnmunication télêvisuelle, et le JT en particulier. Mais il ne faut


pour cera ni en déduire que cette derniêre est un "sous-produit'r, un

"succêdané" de la communicationdirecte, ni, sous un prêtexte

heuristique, "importer" les conclusions théoriques de la premiêre dans


la deuxième. La communicationdans le JT a ses caractêristiques

proPres, caractêristiques dont nous voudrions rappeler I'essentiel en

(88)'Jean-Louis Missika parle du "grand Fossê (qui) sépare ceux qui


tpaSsent à ltécran' et ceux 'qui ne passent pasr'rr
dans MISSIKA
Jean-Louis, hl(LT0NDominiquer op. cit., p. 92.
(89) Crest pour la mêmeraison que les films comportent
d'interminables listes de noms dans leur gênêrique.
52-

conclusion de ce chapitre Q.l. ) sur Ia communication.:dans le couple

émetteur-rêcepteur, l'êmetteur est en fait un "groupe-émetteur" avec

un émetteur apparent et des êmetteurs cachês, le rêcepteur est unique

si I'on se place de son côtê, à la fois multiple et absent, si I'on

se place du côtê de l'émetteur. Dans leur relation, Ia technique

exerce une infLuence déterminante. A tous les niveaux, du processus

complexe de l'êmission â celui de la rêception en passant par Ie

canal, la technique est non seulement la condition sine qua non de la

communicationtêlêvisuelLe, mais aussi pèse sur sa structure, sur ses

formes, sur ses participants. Rien ne se fait sans elle. La

consêquenceen est, eommele note Anne-Marie Thibault-Laulan dans Ia

r e m a r q u es u i v a n t e q u i , à n o t r e a v i s , p e u t é g a l e m e n ts ' a p p l i q u e r à

I ' h o m m e ,q u e :

" D e s c e n d u ed e s o n p i é d e s t a l o ù I ' a r t I'avait placêe (... )t


I'image se plie ( . . . ) aux règles de la machine." (90)

( 9 0 ) T H I B A U L T - L A U LAAnNn e - M a r i ê ro P . c i t - , P. 59.
-5t-

2.2. LA SEMIOTIQUE

I1 a êtê dit dans I'introduction que le JT est un ressage

syncrétique, c'est-â-dire qu'il e s t u n e c o m b i n a i s o nd e d i f f ê r e n t s

systèmes de signification. La discipline qui se donne pour objet

d'éIaborer une mêthoded'analyse pour tous ces systèmesest Ia

s ê m i o t i q u e , q u i s ' e s t d ê v e l o p p ê ea u x U S Aà I a s u i t e d e s t r a v a u x d e

Peirce. Il se trouve qu'en France, I'expression "sémiologie de I'image"

s ' e s t i m p o s é e . 0 r l a s ê m i o l o g i e r e m o n t e à S a u s s u r e( 1 ) q u i p r i v i l ê 9 i e

dans cette notion la mêdiation des langues naturelles. C'est aussi Ia

distinction gu'êtablit G r e i m a sq u a n d i l affirme:

"Ia sêmiologie postule, de maniêre plus ou moins explicite, la


mêdiation dés langues naturelles dans le processus de lecture
des signifiês appartenant aux sémiotiques non.linguistiques
( . . . ) , a l o r s q u e l a s é m i o t i q u el a r é c u s e . " ( ? )

Dans ce travail, on suivra l,usage en utilisant le terme de

"sêmiologie" au sens de "branche particuliêre de la sêmiotique, ayant

pour objet le messagevisuel", mais l'option fondamentalechoisie est

( 1 ) c f . c h a p i t r e 2 . 1 . , n o t e ( 1) .
( 2 ) G R E I M AAS. J . ' C O U R T EJ S ., oP. cit., T. 1' P. ,t8.
54-

celle de Ia sêmiotique. 0n insistera mêmeâ plusieurs reprises sur

Ies inconvénients de Ia position sémiologique.

11 faut aussi approfondir ce que regroupe rêellement la

sémiotique, c'est-â-dire les diffêrents systèmes ou codes qui Ia

c o m p o s e n t ,t o u j o u r s d a n s I ' o p t i q u e d r u n e ê t u d e d u J T . s i , p o u r l e s

besoins de Ia prêsentation, nous fes séparons en &ux ensembLesde

systêmes, un sonore et un visuele ce lrest que par souci de clartê:

I ' a n a l y s e d e v r a t o u s l e s i n t ê g r e r s i m u l t a n é m e n t rm a l g r é l a c o m p l e x i t ê

de cette tâche, car, commeIe soulignent Jacques Cosnier et Alain

B r o s s a r d , " l a m u l t i c a n a l i t ê d e l a c o m m u n i c a t i o nh u m a i n es i g n i f i e , en

effetr euê (...) c h a q u ei n t e r a c t a n t ê m e t ( . . . ) u n é n o n c ét o t a l ,

hêtêrogêne, résultant de Ia combinaison généralementsynergique de

plusieurs êIênents." (I)

2.2.1. LESSYSTEMV
E ISS U E L S :

c o n u n ec e l a a é t ê i n d i q u é a u c h a p i t r e 2 . 1 . 1 . 2 . 2 . s u r l e v i s u e l

dans Ia csnmunication, nous avons sêparé tout ce qui êtait purement

humain (la mimo-kinêsique) d'une part, et ce qui était essentiellement

iconique et filmique d'autre part. Nousconserverons cette

distinction.

(r) CQSNIER Jacques, BRQSSARD Alain, "Corrnunicationnon veDbalet


co-texte ou contexte?", in BRQSSARD Alain et alii, La communication
n o n v e r b a l e , N e u c h â t e l / P a r i s , D e l a c h a u xe t N i e s t l ê , 1 9 8 4 r p . 5 .
-55-

2 . 2 . 1 . 1 . L e s s v s t è m e ss p ê c i f i q u e m e n th u m a i n s :

pour I,analyse des êlêments visuels spêcifiquement humainsr nous

reprenons la tripartition de Cosnier et Brossard séparant les codes


rapides" (4)
"soit statiques, soit cinétiques lents, soit cinêtiques

en gardant toutefois prêsent â 1'esprit "Ia solidarité du gestuel et

du verbal dans I'acte de langaqe" (5):


- Les codes statiques regroupent Ie morphotype, les artifices et les

parures des communicants.Ce sont vraisemblablement ceux qui apportent

le moins d'information, bien qu'il ne faille pas nêgliger I'importance

que peut avoir I,aspect physiqued'un journaliste lorsqu'une chaÎne


une
choisit un présentateur. Ce mêmeaspect physique peut aussi avoir

i n f l u e n c e s u r I e d ô r o u l e m e n td ' u n e ê m i s s i o n ( 6 ) ' D e m ê m e ,d e r r i ê r e

un certain standard de I'habillement, certains professionnels de la

communicationpolitique n'hêsitent pas à traduire en nombrede voix Ie

choix réussi de t'habillement Pour un candidat â une élection lors

d'une prestation têlêvisée.


- Les codes cinêtiques lents sont Ie faciès basal, Ies rides, la

postufe. ce sont des indications dont la rapiditê peut être variable,

puisque des rides peuvent être aussi bien le signe d'une mauvaise
les
humeurpassagêre que de l'âge d'une personne. Le faciès basal et
dans
rides sont faciles â relever, car la communicationtéIêvisueller
le
Ie choix qu,elle opère â Ia place d.r rêcepteur pour délimiter

(4) ibidem.
(5) LE BRAYJean-Enmanuel'BOURREL Sylvie, G99!9-P?I9le: solidaritê et
p. 1.
i n i e r a c t i o n d u q e s t ' e l e ! ' d u v e q b a l , P a r i s ' B E L C ,1 9 8 1 '
(6) 0n cite par @ pr_ésentatrice qtri-a refusé de
lire les titres du JT debout commele faisait son prêdêcesseur Parce
qu'elle se jugeait troP Petite.
56-

champde vision grâce à la camêra, privilêgie sans aucr-rndoute Ie

visage. ce qui est un avantage ici devient un inconvênient 1à: Ies

postures sont souvent "hors-champ"; il faut alors soit les cléduire de

certains êléments du champ, soit les considêrer commeéIêments

absents de la communication, mais non inexistants'

- Les codes cinétiques rapides. ce sont Ies plus intêressants, ceux


le
sur lesquels les chercheurs se sont le plus penchês. Là aussi,

mediumlimite notablement les possibilitês par rapport â un échange

interactif: non seulement Ie champest donné par Ia camêra, mais iI


(7), pas plus que Ia possibilitê pour le
n,y a plus de relief
sa
rêcepteur en bougeant lêgêrement Ia tête ou le corps de changer

perspective. Pour une analyse idéale, iI f a u d r a i t a v o i r , c o m m el e s


placêe
psychologues lors de travaux approfondis, une deuxiêmecamêra
fait que de nombreux
sur le côté de l'émetteur. cette impossibilitê
(B) '
mouvementsne peuvent être interprêtês par manqued'information
émetteurs
Le cas se complique encore dans I'hypothèse de plusieurs

simultanês (débat, interview, etc"') (9)' Parmi tous les npuvernents

de base pour
rapides, "le regard est considérê commeun des élêments

Ia gestion de I'intercommunication (10)"


(11) et il revêt, dans le

(7) 0n sait que I'impression de relief est due à la vision


b inoculaire.
(B) II faut donc, corme pour les mouvementscinétiques.lents, savoir
c'est
o u , i ] s D e u v e n té i " " - o c c u i t ê s p o u r l e r ê c e p t e u r . M a i s l à a u s s i ,
de I'instance êmettrice qui peut avoir plusieurs
J,
"n"il-Jàiiua"a
raisonsr pa' masquerIa gestualitê ju'êe "trop active" d'un
prêsentateur. "r"rpi",
(9) Jean Mouchonmontre l,importance que peut avoir, dans un dêbat
èsrtradictoire, le fait de filmer les rêactions de I'allocutaire
dans-MgucHgN Jean,
;iriàa-qre re visage de I'alrocuteur,
,,Cormunication politique et compêtencetêIêvisuelle", in ModèIes
Iinquistiguesr juin 1988.
ÏTôlEst-Ttauteur qui souligne.
( 1 1 ) Î O U C H 0 JN; ; ; , - ' , Ë a - s i o n j o i g n a i t I e ç s t e â I a p a r o l e " , i n L e
Français dans le monde, n. 178, p' 121'
57-

cadre de notre étude, une importance toute particulière. Dtabord parce

que la communicationaudiovisuel.Ie insiste sur Ie visager ensuite parce

que tout passage d'un axe regard du prêsentateur/camêra à un axe

regard du prêsentateur/non camêra représente Lf'le cassurer un

changementde genre (12), enfin parce que, commele fait remarquer

Mark Cook, "regarder les autres, être regardê sont des composantes

e s s e n t i e l L e s d u c o m p o r t e m e nst o c i a l " ( 1 1 ) . D a n s I e m ê m ea r t i c l e , Cook

analyse aussi le "quit' et Ie "quand" du regard, sa sémantique et sa

d u r ê e . P a r m i s e s c o n c l . u s i o n s ,n o u s n ' ê v o q u e r o n sq u e t r o i s p h r a s e s - c l ê s

dans notre optique:

" 5 i l e s i n d i v i d u s r e m a r q u e n tq u e d ' a u t r e s l e s r e g a r d e n t r i l s
en tirent une conclusion: (...) C'est qu'on s'intêresse à eux
et qu'on désire entrer en contact." (14)

"Plus une personne regarde une autre, plus cette dernière êprouve
I e s e n t i m e n t d ' ê t r e a p p r ê c i é e . r '( 1 5 )

"Des regards accentuês sont censés émanerde personnes plus


sincères ou crédibles." (16)

on peut le juger, iI s'agit


Comme plus d'un ensemble de remarques

que d'une thêorie constituêe. Nêanmoins,nous verrons dans le chapitre

4 . 1 . c o m m e net l l e s p e u v e n t ê t r e u t i l e s â n o t r e a n a l y s e

(12) 0n sait q.re I'une des caractêristiques du genre fictionnel est


que le regard direct ânetteur/rêcepteur est interdit alors que Ie
narratif au contraire insiste sur cette relation.
(11) C00KM., "Regard et regard réciproque dans les interactions
s o c i a l e s " i n B R 0 S S A RAD. e t a l i i , o p - c i t . , p . 1 ? 5 .
(14) ibidem, p. 1]7. Cook ajoute même:"'capter Ie regard de
quelqu'un' implique presque obligatoirement un début d'interaction".
(15) ibidem, p. 118.
(16) ibidem, p. 139.
58-

Après les restrictions d'ordre pratique d.res au mediumet la mise

en relief du regard, nous voudrions présenter Ia typologie des signes

n o n - v e r b a u xd e K . R . S c h e r e r ( 1 7 ) q u i n o u s s e r v i r a d e l i g n e d i r e c t r i c e

en I'adaptant aux caractêristiques de Ia communicationtêlêvisuelle,

c'est-à-dire un contact acoustique et optique entre êmetteur et

récepteur sans rétroaction, souvent séparé dans le temps et toujours

dans l.'espace.

Scherer développe sa typologie fonctionnelle â partir de Ia

cêLêbre trilogie des fonctions des signes de Morris: sêmantique,

syntaxique et pragmatique, auxquelles iI ajoute une quatrième

fonction, la "fonction dialogique" qui "est Ia relation entre le signe

et les interactants utilisateurs d e s i g n e s c o m m eu n s y s t è m s " ( 1 8 ) .

- "Les signes non verbaux fonctionnent sémantiquementquand ils

signifient ou quand ils affectent


un réfêrent par eux-mêmes Ia

signification des signes verbaux concomitants" (19). Là, quatre types

de fonctions sémantiques sont â 1'oeuvre: la "signification

indépendante" (20)r c'est le cas des "emblêmes":Ie pouce de

I ' a u t o - s t o p p e u r e t l e h a u s s e m e ndt ' ê p a u l e ; I " ' a m p l i f i c a t i o n " (21)z ce

sont les signes non verbaux qui accompagnentles signes verbaux, les

accentuent ou les illustrent commele mouvementdéictique ou le

(17) SCHERER K.R., "La fonction des signes non verbaux dans la
conversation", C0SNIER J.r BROSSAR AD.r PP- 71-100.
(18) ibidem, p. 77.
(19) ibidem.
(20) ibidem' p. 78.
(21) ibidem, p.79.
-59-

haussementde sourcils; la "contradiction" (22), c'est-à-dire tout

cas où les signes verbaux et non verbaux se contredisent; la

"modification'r (23), ce sont les signes non verbaux qui atténuent ou


changent la signification verbale, commeun sourire accompagnantle

refus d'une invitation.

- "Les plus importantes fonctions syntaxiques des signes non verbaux

sont la segmentation de la chaîne parlêe en unitês hiêrarchiquement

organisées et la synchronisation des signes verbaux et non verbaux de

la conmunication rnuLticanale" Q4). La complexité de ces fonctions est

due à leur intrication très étroite avec les structures linguistiques'

et c'est la raison pour laquelle Ia recherche est moins avancêe dans

ce domaine. Cependant, I'agencement séquentiel des signes non verbaux

est 1oin de se faire au hasard et la synchronisation intercanale est

souvent "dêterminée par des systèmes de rdgles représentant des

conventions sociales concernant .Ie comportementcommunicatif" (25). 0n

voit I'intérêt de cette affirmation lorqu'il s'agit d'analyser un fait

aussi social que le JT.

- Les fonctions pragmatiques regroupent la "marquenon verbale de

I'identitê soeiale d'un individu" (26), "l'expression de

I'émotion"'(27), les "attitudes de 1'êmetteur envers un objet ou une

situation" (28) et enfin "les états 'appétitifs' de l'êmetteur,

(22) ibidem, p. 80.


(2)) ibidem' p. 82.
(24) ibidem, p. 8t.
(25) ibidem, p. 85.
(26) ibidem, p. 86.
(27) ibidem' p. 87.
(28) ibidem, p. 88.
60-

c'est-à-dire ses nntivations, ses buts ou ses intentions de

cunportarent" (29). Lâ encore, cette simple énumération suffit â

montrer Ia richesse de cette problêmatique pour la téIévision où les

enjeux économiquesfont que les êmissions doivent avoir le rendenent

maximum.Ils auront donc une influence fondamentalesur le(s)

émetteur(s) lors de Ia préparation et de la production.


- Si nous n'avions étudiê que les JT allemands, nous n'aurions pas eu

besoin d'évoquer la "fonction dialogique". En effet, la rêgle en

R.F.A. est "un seul émetteur visible à la fois": en revanche, en

France, des journalistes, des invitês "disputent" (10) souvent la

position d'émetteur au présentateur et une interaction

cmversationnelle dans une comunication interne au studio (31), d'orj

est bien entendu exclu te têlêspectateur, peut se dêrouler. Scherer

insiste encore sur de nombreuxpoints - points qui ont étê

développés par la "grammaire de conversation" en linguistique pour les

signes verbaux: les relations entre fes partenaires, les prises de

p a r o l e , l e c h a n g e m e ndt e t h è m e s r . . .

Ce tour d'horizon rapide de Ia théorie des signes non verbaux

grâce â ta typologie de Scherer montre bien que, mêmesi Ia

recherche est loin d'avoir êpuisê le sujet, Ieur importance nrest plus

â dêmontrer. l,|ais les relations très êtroites qu'ils entretiennent

avec J.es signes linguistiques dans la communication humaine ne doivent

pas faire oublier certaines de leurs caractêristiques essentielles:

(29) ibidem, p. 89.


(10) 0n verra dans le chapitre 4.1.1. que cette dispute nra en fait
jamais lieu.
(11) entre ânetteurs.
. t ,.:a ._ a

61

Ieur multifonctionnalitê, leur polysêmie, Ieur caractêre discret, etc.

De plus, iI semble que Ia mimo-gestualitê soit non seulement utile au

récepteur pour I'amêlioration de son ênoncê, mais aussi indispensable

à l'êmetteur (12).

Si, à nouveaur nous sêparons de maniêre arbitraire deux

systèmes,ici l,iconique et Ie filmique, c'est pour des raisons

pratiques d'analyse: il est évident que toute êmission de télévision

utilise d'une part les principes de I'image fixe, d'autre part Ia

qui n'est au fond que celle d'une temporalitê


notion de rnouvement

inscrite dans le ressage, Ie tout étant mêdiatisé. Mais il n'y a pas

de hiêarchie temporetle ou absoLueentre les deux.

2 . 2 . 1 . 2 . 1 . L e s v s t è m ei c o n i q u e :

c'est, après la linguistique, le domaineoù les chercheurs ont

êtê le plus actif et iI serait prêtentieux de vouloir résumer ici

tous ses acquis. l,lous nous bornerons donc â la présentation de trois

aspects essentiels pour notre travail: : Itimage et ses codes, Irimage

et Ie rêel, I'image et Ie sens. Potrr des raisons pratiquesr nous

Gù c'est Ie cas bien connu & la personne qui çsticuLe en


téléphonant.
62-

considêrerons aussi bien I'image statique que I'image animêe,

réservant au chapitre suivant les aspects typiquement filmiques'

2 . 2 . 1 . 2 . 1 . 1 . L ' i m a q ee t s e s c o d e s :

espace qui
"Prise â partir d'une position dêterminêe d'un
s'inscrit dans me réalitê sociale et qu'il traduit dans son
Iangagepropre, I'image est ( . . - ) u!r=e p r i = s e9ç p o s i t i on
E f l é f ' e s t n o n s e u l e m é n tp a r c e q u ' e l t e é é l e c t i o n n e c e q u!' le?I]I'e
donne â voir, mais aussi parce qu'elle montre commentil faut le
voir. " (t4).

Toute image propose â ses destinataires son propre mode de

lecture selon ses propres c'odes, et dêterminer ces codes n'est pas

tâche facile:

un panorama
"aU niveau des codes iconiquesr nous sommesdevant
plus confus. L'univers des communicationsvisuelles nous rappelle
que nous communiquonssur Ia base de co_d99_lorts (comme la
i;;il;i-t...1 et sur la baseoe cooes.raiutæê: P'dêfinis,
en éontinuelle rutation, ônt les Ùariantes facultatives
prêvalent sur les traits pertinents."(15)

cependant, on peut, grâce â des expêriences simples, commele

fait UmbertoEco, vêriFier que des blocs de signification

existent (t6), mêmes'iI est difficile d'en discerner les êlêments

d'articulation. Corrnents'êtablissent ces codes? Guy Gauthier pense

(ll) C'est nous qli soulignons-


(r4) rrnnENQIRE iean-Paul, "L'analyse scénologiquede I'image
Èêrêvisée:Iavalorisationiconique|',in99!.!9@,n.',1982,
p . 105.
'(15)
ECOUmberto,La structure absenter PP. 186-187'
(16) ibidem' pp. 169-195.
6t-

que cela se fait "essentiellement â travers la production d'images, Ia

succession d'images établissant elle-même sa proPre théorie" (37).

Jean-Paul Terrenoire parle de huit variables (18): "1/ Ia surface

occupéei ?/ Ia position occupée dans Ie cadre; 3/ I' orientation dans

Ie cadre; 4/ La position occupêe dans Ia profondeur de cfiamp;

5/ L'êclairage; 6/ Ie contraste;7/ La couleurl 8/ La forme." lhis

tous ces codes n'ont pas la mêmeimportance: la présentation qui va

suivre en rpttra certains en relief, les plus importants pour le

discours têIêvisuel, sans entrer dans les dêtails de Ia théorie & Ia

la sémiologie de I'image.
- Le premier de tous les codes iconiques est sans doute celui du

I ' c h a m p "o u " c a d r e t t , C t e s t - à - d i r e f e f a i t çrrrune image, pour être ce

qu'elle est, a dl trancher dans le vif, c'est-â-dire êIiminer" (39)z


rrhors-champ",â tout ce qui ntest pas
Ie t'champ"stoppose alors aU

montrê (40). Des relations peuvent cependantexister entre le "champ"

et le "hors-champ": un bras tendu coupê par Ie cadre, un regard dirigê

vers le hors-chamP, une Pompeà essence peuvent connoter une main, une

personne procher 69 voiture. on le voit,


Comme le type de relation

peut être três diffêrent et it nrexiste pas de typologie des

relations chamP/hors-chamP.

- La couLeur est m êlêment qri' pour la majorité des

(17) GAUTHIER Guy, Vingt leçons sur I'image et Ie sensr Parist


Edilig, 1982, p. 70.
(lB) ÏERRENoIRE Jean-Paul, "L'analyse scênologique de I'imaç
têlêvisêe: la valorisation iconique", p. 106.
(19) ibidemr p. 11.
(40) Guy Gauthier oppose encore Ie "hors-chanp" au I'hors-cadre", Ie
,'hors-cadre" correspbndant à I'envi.ronnement de I'i*gt nfoiatisêe
(la page de journal qui entoure la photo de presse). Cette distinction
n'esl fias significative pour la cornmunication têlêvisuelle.
64-

têlêspectateurs d'aujourd'hui, va de soi. Mais il suffit de regarder

un poste noir et blanc pour se rendre compte de son importance sur .le

message.De plus, on sait que chaque individu a une perception

diffêrente des couleurs. A cette diffêrence, s'ajoutent les

caractêristiques techniques du rnediumqui modifient également la

perception (41). Si, pour les physiciens, fa couleur nra presqueplus

de secrets, pour les sémioticiens en revanche, beaucoupreste à faire:

en effet, bien que depuis de nombreuxsiècles on se pose la question

de Ia signification, de I'assemblage et de la fonction des

couleurs (42), aucune réponse définitive nr a été trouvée. I1 semble

cependant que Ie code de la couleur soit intimement fiê à Ia culture

et â 1'habitus de chaqueindividu.

- La rêpartition des informations est un code flou, mais important. I1

se résume souvent à un critère "plus ou moins d'informations" sur Ia

surface analysée: on aurait donc théoriquement une échelle qui irait

de d à & . En pratique, les choses sont diffêrentes: le vide

nrest pas imaginable en têIêvision: iI peut y avoir des espaces

unicolores, très pauvres en informations, mais pas le vide (4r). Quant

à l,infini, on en est bien loin pour de multiples raisons: Ies limites

techniques du medium (notammentIa faible dêfinition de l'imaç), la

capacitê de réception (aussi bien physiologique qr.repsychologique) du

(41) Les écarts peuvent se situer au niveau du rêglage de I'appareil,


de son âge, de sa marque, de son systène de norme couleur, etc ce
dernier point oppose notamment les appareils frarçais et
allemandi qui fonctionnent selon des systères diffêrents (SECAMet
PAL) où le rendu des couleurs n'est pas le même.
(42) parmi les êtudes les plus intêressantes, on trouve celle de
Goethe publiée en 1810 sur la thêorie des couleurs.
(41) Le paragraphe suivant donnera de plus anples informations sur
Ie sens que I'on peut donner â ces esPaces.
65-

têlêspeciateur, la volontê d'efficacité de l'émetteur, ... Le nombre

des supports d'information est donc limitê volontairement par

l'émetteur et leur disposition est étudiée; de plus, iI ne faut pas

otrblier que le code iconique fait partie d'un système planaire et que

I'on cherche à recréer la profondeur de champ (44) et le relief par

des moyensartificiels. Que le prêsentateur soit à gauche, au centre

ou à droite de l'êcran n'est pas gratuit: la psychologie a démontré

que I'on n'a pas une lecture linêaire de I'image @5)- Cette

rêpartition pose problème aussi au niveau de la lecture: dans le

continuum iconique, on ne distingue pas d'unités discrètes

susceptibles d'être cataloguêes une fois pour toutes, mais les traits

pertinents varient" (46): un signe peut avoir de nombreusesvaleurs

non prêvisibles et une valeur peut être exprimée par de nombreux

signes non prêvisibles aussi. Le signe constitue un trait discontinu

ou erratique (47).

- Le genre d'informations: cornmecela a êté dit en introduction de ce

travail, la têlêvision englobe tous les autres médias: eIIe peut donc

"reproduire Ie rêel" (48), naturel ou fabriquê, des images du rêel ou

mêre crêer sa propre rêalitê, c'est Ie cas des images de synthèse.

(44) Rfain Bergala considêre Ia profondeur de champcommeun espace


dramatique qui joue un rôle structurant dans I'image, dans BERGALA
A l a i n , i n i t i a t i à n à I a s é m i o l o q i e . 9 u . . T ê g i !e î _ i m a o e g : . o p . c i t . ' p . 2 2 .
(a5) on@t C0LIN Michel, "Propositions pour uie
recherche expêrimentale en sémiologie du cinéma" in Cormunicationst
n. f8, p p . ? 4 t - 2 4 5 .
(46) ECOUnberto, "Sêmiologie des rnssages visuels", in
Corrnunications, n. 15, P. 2t.
f47)Tre5m;Iand Barthes qui emploie ce terme dans BARTHES Roland,
"La rhêtorique d e I ' i m a g e " , p . 5 0 .
(48) Nous verrons plus loin les prêcautions d'emploi dfune telle
expression.
66-

Pourtant, à cause de ta médiatisation, tous ces types sont mis au

mêmeniveau; pa1 diffêrents moyens(I'association simultanêe à

I'écran, I'alternance rapide et répétée), on assiste â une

honngênisation du message.Si Abrahaml{oles a pu parler de culture

mosalque, c'est certes â cause du contenu, mais aussi de Ia forme,

forme qui est vraiment symbolisée par le syncrêtisme têlévisuel.

2 . 2 . 1 . 2 . 1 . 2 . L ' i m a q ee t I e r é e l :

Les rapports que f,image en gênêral, et I'image téIévisuelle en

particulier, entretient avec Le rêel sont multiples et ambigus. A

I'inverse du cinêma, la rêalitê est apparemîent I'objet mêmedu

messagetêlêvisé. CommeIe font remarquer Jean-Louis Missika et

Dominiquehfolton, "la recopie du réel prend une signification

diffêrente, loin d'être une faiblesse qu'i1 faut dissimuler ou

Surmonter, elle est une chasse aux images, une recherche incessante,

souvent infructueuse, d'un surgissement, drun évênementqui fasse

effet de sens ou de vêritê." (49) 0r, il faut nettre en doute Ia

validitê de la perception individuelle du réel: E. T. Hall avance que

"l'idée que deux personnes ne peuvent jamais Ùoir exactement la même

ctrose dans des conditions rprmales est choquante pour certainsr car

elle implique que les horunesn'entretiennent pas tous les mômes

rapports avec Ie mondeenvironnant." (50) Certes un seul mondeexiste,

mais il n'y a pas une réalité d.r npnde qui est la rêfêrence pour tous

(4e) MISSIKAJean-Louis, IûLT0N Dominiquer oP- cit., P. 170,


( 5 0 ) H A L LE . T . , L a d i m e n s i o nc a c h é e , P . 9 2 .
67-

les hommes.A cela s'ajoute le fait que les individus sont la plupart

du temps rêcepteurs passifs et n'ont de surcroitr commeIe fait

remarquer HaII, pas aPPris â regarder (51). En outre, iI est important

de remarquer que I'image ne correspond pas tant au monde (avec toutes

les restrictions que nous venons dtêvoquer), Qu'à une image du monde

que nous nous forgeons. Un exemple peut expliquer la force de cette

affirmation: si on montre au JT la photo du Chancelier Kohlr celui

qui n'a jamais vu le chancelier ouest-allemand ne peut vérifier si

c'est bien lui; iI se réfère à d'autres photos qui lui ont êtê

m o n t r ê e s$ 2 ) . 0 n p e u t m ê n ea l l e r j u s q u ' à d i r e q u e " c e n ' e s t P a s l e

m o n d eq u i v a l i d e I ' i m a g e , m a i s I ' i m a g e q u i v a l i d e f e m o n d e . " ( 5 3 )

Pour résumer ce point, on peut donc affirmer que ce n'est pas le

réel qui régit I'image, mais I'image qui régit I'image, celle-ei

pouvant être d'origine onirique (5t+), mentale ou réelle, ou bien comme

c'est Ie plus souvent le cas, appartenir â ces trois catêgories â la

fois. L'image n'est donc pas Ie miroir de la réalitê. Pour en arriver

lâ, elle subit de nombreusestransformations our pour dire les choses

autrerent:',entre l'êlênpnt inducteur, la réalitê, et I'êlêrent

induit, I'image, srinterposent toute une sêrie de mêdiations qui

(51) ibidem
(52) MARGERIE Charles de , PoRCHER Louis, p. 34.^
ifli On pourrait objecter que cela ne peut pas être le cas "Ia
première'foj.s'r. En éffet, iI y a une différence: si la validation ne
peut se faire par I'expérience de I'individu, il y a alors extension
â-f;"ipe"ience d'un autre individu, liê par un contrat noral, et à
qui on accorde une certaire crêdibilitêr ici en I'occurrence Ie
journaliste. ^
ifO) 1"" rapports entre I'image, surtout I'image animêe, et le rêve
ont étê souvLnt évoquês, notarment par THIBAULT-LAULAN Arne-Marie'
op. cit., p p . 1tÙ-1t6.
-68-

font que l r i m a g e n ' e s t p a s r e s t i t u t i o n , m a i s reconstruction de la

rêaIitê" (55). Nous voudrions ajouter "ljune r é a l i t ê " .

2 . 2 . 1 . 2 . 1 . f . L ' i m a q ee t l e s e n s :

Poser le problême du sens de I'image, crest se demandercomment

Irimage signifie, c'est aussi analyser commentse comporte le signe

iconique par rapport aux autres signes:


- L'arbitraire du signe: si lrarbitraire du signe linguistique ne fait

aucun doute, mêmedans les onomatopêes,la question de 1'arbitraire

du signe iconique est beaucoupplus complexeet oppose les chercheurs.

Le bon sens tendrait â faire croire qu'il n'est pas arbitraire (50):

trre pl-rotod'un hommepolitique semble être identique â son analoqon,

I'hommepolitique. D'autres, commeUmbertoEco, affirment que


'possêdent pas les propriétês de I'objet
"Ies signes iconiques ne
représentê"' (57). La confusion vient, â notre sens, du fait que I'on

associe automatiquement"analogiquerr avec rrnonarbitraire" ou

"motivê": ce nrest pas parce que des signes ont une resserùlance de

type analogique avec leur référent qu'iI n'y a pas d'arbitraire dans

cette relation. CsnrneIe montrg€trristian l,letz dans Ia conclusion drun

article (58) que nous rêsumonsici, I'analogie adnet des variations

(55) TARDY Michel, Le professeur et les imaqes, Paris, Presses


Universitaires de France, 1966, p. 68.
(56) C'est la position que défend lbrris dans IORRISCharles, Sions,
Lanquaoeand Behavior, NewYork, Prentice-Hall, 1946.
(57) ECOUnùerto, La structure absente, p. 176.
( 5 8 ) M E T Zc t r r i s t i a @ o g i e , I'image", in
erQà
C o m m u n i c a t i o n sn, . 1 5 , p p . 1 - 1 0 .

LÉ11Rgs
69-

quantitatives et qualitatives. A I'intérieur mêmede cette relation,

iI y a diffêrents systèrnes qui peuvent être plus ou moins fidèles,

Suivant Ro1andBarthes lorsqu'il dit que


plus ou moins arbitraires.
,,1a rencontre de I'analogique et du non-analogique paraît donc

indiscutable, au sein d'un système unique" (59)t nous conserverons

donc Ia notion d'analogie iconique, qui estr commele fait remarquer

Christian Fletz, synonymed'iconicitê (60). EIle est liée à un facteur

d'arbitraire f a i b t e p o u r I ' i m a g e f i g u r a t i v e r m o y e np o u r t o u t c e q u i

est graphique (61 ) et fort pour les images non-figuratives.


- La double articulation et le signe iconique: pour entrer dans le

club três fermé des langues et langages dignes de I'attention des

chercheurs, iI a longtemps fallu que les candidats passent I'examen de

"la double articulation". Ce critère de sêlectiont venu bien entendu de

la langue, forçait les candidats â des artifices qui ne feur

permettaient pas de rêussir et qui dans un mêmetemps les

dênaturaient, ce qui ne faisait que conforter les examinateurs dans

En effet, ni dans
l,idée qu,ils n,êtaient pas digne d'attention.

l,image fixe, ni dans I'image animêe, on ne retrouve la double

articulation entre unitês significatives d'une part, et unitês

distinctives d ' a u t r e p a r t . P o u r q u o i ?D t a b o r d r p a r c e q u " ' o n p e u t

l- inverser les termes: I'objet n'êmerge parfois que faiblementd'un


qu'iI stagit de
rêseau de formes puissantes" GZ). Ensuite, "palte

(59) BARTHES Roland, "Elêments de sêmiologie", in Conmunicationst


n. 4r p. 112.
(60)'mÈtz cnristian, "Au delà de I ' a n a l o g i e , I ' i m a g e " , P . 1 .
(gt ) Sur ce point, voir GAUTHIER Guy, ViÀqt leçons sur I'imaqe et Ie
sens, p 109-110.
@l ibidem, p. 8.
-70-

deux mondesparallèles qui se supeDposentsans s'articuler" (6t). Pour

les messagescinématographiques, ttnberto Eco parle mêmed'un code à

trois articulations (64), Christian l'letz de 'rcinq niveaux de

codification" (65). Heureusement,Ie dogmede la double articulation a

disparu: "un code de communicationextra-linguistique ne doit pas

nécessairementêtre construit sur le npdèIe de la langue" G6). Mais

nous allons Ie voir, ce n'est pas Ie seul poids que fait peser la

tinguistique sur Ia sémiologie.

- L a p o l y s é m i ed e I ' i m a g e : c ' e s t u n e n o t i o n q u i , b i e n q u e t r ê s

rêpandue, nous paraît complètementfausse. Cette erreur vient du fait

q u e I ' o n a p p l i q u e à I a s ê m i o t i q u e v i s u e l l e l e s n o r m e s( d ê i à f a u s s e s

e n e l l e s - m ê m e s )d ' u n s y s t è m eq u i l u i e s t é t r a n g e r : l a l i n g u i s t i q u e .

En effet, quand certains, formês par des siêeles de civilisation de

1'êcrit, parlent de "polysémiede I'image", c'est bien par opposition

plus ou moins implicite verbale G7). Le premier


â Ia rnonosêmie

p r o b l è m ee s t q u e c e l l e - c i est loin d'être acquise: malgré cela,

certains l'admettent de fait - attitude peu scientifique' d'autres

considèrent tout ce qui peut aller à son encontre commedes "cas

(61) ibidem
(64) ECOUmberto, La structure absente, p- 226-
( 6 5 ) l i E T ZC n " i " t i " , Paris,
Klincksieck, T. Z, 1 9 7 ? , p . 6 7 .
(65) Ce n'est qu'un des nombreuxcas des contraintes que le verbal fait
peser, â tort, sur les autres systèmes. Un autre exemple est donnê par
btavrinie Economides, quand il êvoque un autre aspect intéressant pour
notre êtude, les rapports entre ]a verbalitê et les modalitês
kinésiques, proxémiqueset paralinguistiques. Contrairement à ce que
le verbal nous a longtemps fait croire, celles-ci ntaccompagnentpas ou
ne suivent pas un ênôncé verbal dans le continuum temporel, mais elles
le précêdent. (dans EC0N0I4IDES Stavrenie, "Geste et parole: approche et
êtholoqie", Geste et imaqe, numêro spécial, p.78.
(sz) Eéoui'u ' P' 219'
71

pathologiques" (69): Ies homonymies,les homographies, les jeux de

mots, les figures de style, etc sont donc rêsolument écartês.

Cette attitude est non seulement naIve, mais conduit à I'absurde; car

si on Ia poussait â son paroxysme,il faudrait êcarter également toute

la littérature, toute la communicationverbale humaine: seuls

poumaient (peut-être) résister quelques articles du Code civil ou

quelques clauses de contrats d'assurance Donc Ie verbaL aussi est

polysémique. Mais pour ne pas se voir reprocher de dêplacer le

problène sans Ie rêsoudre, nous voulons aller plus loin: Le verbal

est-il plus ou moins polysêmique que I'iconique? 0n ne peut

qu'apporter une rêponse nuancêequi met en va.Ieur les points forts de

chaque système de signification: si I'on veut exprimer des idêes

abstraites, des raisonnements, Ie texte est beaucoupmoins ambigu que

I'image; si en revanche, on veut dêcrire une situationr un Paysage,

I'image est plus forte. Tout fiEssager syncrétique ou rnnosystêmique,

est donc polysêmique. 11 n'y a pas d'opposition monosêmique/

polysémique, mais un deqrê plus ou moins fort de polvsêmie qui reste

à dêterminer pour chaque cas. De plus, I'assemblage texte-imaç fait

que chaque système influence I'autre. Qtrele premier amplifie la

signification de la seconde ou gue Ia seconde fasse "parler les marges

de l'ênoncê de la première" Gg), on peut citer autant de cas ori Ia

polysêmie de I'un par rapport â I'autre est toute relative.

- Le caractère dêictique de I'image: cette notion liêe intimement â

celle d'analogie est importante. Quandm parle du caractère dêictique

(68) citê dans KERBRAT-ORECCHI0NICatheriner oP. cit., p' 6'


(69) COULQMB Claude, 'rPhrase-Enoncé-Image",
in Les lanQues modernes'
P. 1 8 .
72-

le
de l,image, on confond souvent deux niveaux: premièrenent,
par
caractêre déictique &s signes, symboles ou icones représentês
en
I'image et deuxièmement,Ie caractêre dêictique de I'image

elle-même. Nous allons les êtudier à partir d'un exemple citê par

christian Metz: pour lui, "Ia croix verte ne veut pas dire'pharmacie'

(unité lexicaLe pure) maj.s: 'ici p h a r m a c i e " ' ( 7 0 ) . L e p r o b l è m en e n o u s

qui ne connaît pas


semble pas si simple: d'abord, Pour toute personne

c e s y n r b o l e( z t ) , il ne signifie rien; ensuite, pour Un individu qui


lumineux' la
adrnire une rue de nuit avec ses panneauxpublicitaires
milieu d'autres
croix sera une tache verte d'une forme spêcifique au
sur la
taches et d'autres formes. Enfin, Ie mêmesymbole repris

première page de Ia revue des pharmaciensdevrait être interprété

pour en arriver à un sens déictique. A un autre


mêtonymiquement
point de vue
niveau, celui de I'image, "on ne contestera pas que' du

de la signification, I ' i m a g e p o s s è d ee n p r o p r e ( " ' ) une valeur

Ia croix
déictique qui renvoie I'iconique au réfêrent" Q2). Mais
un certain
verte ne prendra sa pleine valeur dêictique que dans
durée (pour
cadrage, dans une certaine composition, dans une certaine

I'image animée) qu'il est d'ailleurs difficile de dêterminer plus

la
prêcisêment (71), I'image obêissant à des codes non fixês:
â
relation image-lieu êtablie par le dêictique doit être vêrifiable

(70) IETZ Christian, "Le cinêma, Iangue ou langage'r' in Communicationst


n. 4r p. 87.
(71) au sens Peircien du terre'
(72) .mSTr""ncoi"l-iiltarration(s): en deçà et au-delà", in
Communications,n. 58, P. 194'
ffir*=i-i"ria, OÉia dêmonstration,rnus voulonsnéanmoins
évoque*n" po""iùifitar m g{o9 plan, aveele syrùole au milieu de
dans une
d'une durêe de deux à trois secondes, inscrit
iiê"t"n,
iù;;;'oiagêtiqr"-ir" recherche d'une pharmacie par exemple)'
-7t-

l'intêrieur de f image sous peine de nullité ou de non-actualisation.

Guy Gauthier exprire cela de la rmniêre suivante: "l'image ne dit pas

ce qutelle montre" (74). Si Ie rêcepteur rrvoitrr, I'image agit commeun

déictique, mais elle re l'est pas en soi (75). Copiant la phrase de

Roland Barthes, "profêrer quelque chose ne veut pas forcément dire: je

parle" Q6), on peut donc affirmer que faire voir quelque chose ne

veut pas forcêment dire: "je montre".

En conclusion sur ce chapitre, on peut résumer le problème de

maniêre presquenaive: il n'y a pas plus de clê de f imagequ'il n'y a

de clê des songes. L'image est le résultat d'un processus

d'ênonciation qui se renouvelle sans cesse et la lecture de I'image

doit également recommencersans cesse son analyse. Si nous ne suivons

pas entièrement Christian Metz quand il affirme qu'une photo isolêe ne

peut rien raconter, nous ne pouvons gu'être d'accord avec lui quand il

ajoute que deux photos juxtaposées (dans Ie temps ou I'espace)

racontent forcément quelque chose. "Passer d'une imaç à deux images,

c'est passer de I'image au langaç" (771, et c'est ce que nous allons

voir dans le chapitre suivant. De manière plus gênérale, il faut

réaffirmer avec force que I'image n'est ni une représentation passive

du rêel, ni un àu *à;f" finguistique (79): ces OeuiTàusses


"u"t""

( 7 4 ) G A U T H I EGRu y , I n i t i a t i o n à l ? s ê m i o l o q i e d e I ' i m a q g r - p .- " 1 4 1 -


(75) Cette critique-cle I'aspect dêictique de I'image est également
développê dans VER0NEliseo, "Lranalogique et Ie contigu"r in
Ccxnmunications,n. 15, P. 63.
ÏTrafEnnt-rs noland, "La rhôtorique de I'imaç", P- 42.
(77) ]ETZ Christian, "Le cinéma langue ou langage'rr P. 6r.
(78) 0n voit lâ l,inconvênient, évoquê au dêbut de ce chapitre'
qu'il y a à parler de sÉxniologie plutôt que de sêmiotigue, et par
ia-rêÉ, à fâire réfêrence aui langues rnturelles et à Ia science
qui se propose leur êtude, la linguistique.
-74-

vêrités, gùi ont la vie dure, doivent être une fois pour toutes mises

à plat. Enfin, f imaç est non seulement Ie fruit d'une culture qui en

rêgle les structures, les figures, mais pour Edgar Morin, elle forme

avec les signes et les symboles:

"des êtres intermêdiaires qui s'interposent entre I'environnement


et Ie sujet, participant â I'un et à L'autrer se nourrissant de
I'un et de 1'autre." (79)

Par "filmique", nous entendons tous les messages

cinêmatographiqueset téIêvisuels. Christian |\4etzne fait pas de

diffêrence entre les films narratifs et les autres: "Les grandes

figures fondamentalesde Ia sômiologie fu cinêma (...) se retrouvent

Iargement semblables à elles-mêmes dans les 'petits' films cornmedans

les 'grands"' (80). Ne seront êtudiêes ici que des notions

caractêristiques de la forre filmique, abstraction faite de

I'influence que peuvent exercer sur elle Ie contenu et Ia

signification. D'autres, commepar exemple Ie champet le hors-champt

le cadre et Ie tnrs-cadrar Ïa profondeu+ de di€rnP ont <Jéjâ

êtê traitêes. Nous n'y reviendrons pas. En revanche, étroitement lié

à elles, le concept de "plan" est fondamental pour le filmique.

(79) I.ORINEdgar, Le paradiqme perdu: la nature humaine, p. 114.


( 8 0 ) M E T ZC h r i s t i a n , E s s a i s s u r I a s i q n i f i c a t i o n a u c i n ê m a , p . 9 7 .
:.'r..:

-75_

2.2.1.2.2.1. Le plant

Depuis la présentation thêorique qu'en a fait Christian Î{etz, la

notion de plan est relativement claire: il y a d'une part une unité

temporelle (ex: le plan n.4 est très long), d'autre part une unitê

spatiale (ex: I'acteur est filmé en plan amêricain).

Le plan, unité de temps, est la portion de film filmê en continu

par une caméra. 0n voit tout de suite qurun plan au tournage et un

plan au montage pourront ne pas avoir la mêmelongueur: e'est mêmela

règle, celui du montagesera toujours plus court. Dans certains cas,

et c'est de 1à qu'est venue la confusion avec Le deuxiêmesens, le

plan-unitê de temps et Le plan-unitê de lieu correspondent, mais ce

sont des cas fortuits: Ia camêrapeut bouger, se dêplacer, zoomer,

combiner ces diffêrentes possilitês, etc et continuer à filmer. La

durée d'un plan est très variabLe: elle va du photogramme,

c'est-à-dire 1/25ène seconde (81) â plusieurs minutes, la majoritô

oscillant entre une et dix secondes. Le plan, unitê de lieu, est la

délimitation du "cadre", dêterminê par les ernplacements


respeetifs de

Ia camêra et de I'objet filmé et par la foeale choisie, en rapport de

I'objet filmê. t'êcnetle des piÀn" a êt'e pàr rapport â


"oJiria"

(81) A ce niveau, Ie rêcepteur ne saisit pas consciemment]'information,


mais son subconscient I'enregistre quand mêmeet des expêriences ont
êtê tentêes pour influencer les individus en intercalant de manière
régulière des photogrammesdans des séquences. Les rêsultats ne sont
pas entièrement concluants, mais ce procédê est nêanmoins interdit
par dêontologie. 1/25ène est la dree d: photograrme en vidéo, Ie
photograrrne du film cinêmatographique est à 1/24ène, rnis au niveau du
rêcepteur de la communication têlêvisêe, tous les types de sêquences
sont â 1/25ène.
76-

l,homre, ce qui est â la fois significatif de I'aspect narcissique de

est exclu de
la communicationiconique et ennuyeuxquand I'horme
une
f image; parmi toutes les variantesr nous en retiendrons
moyen' le plan
relativement simple: le plan gênêral, Ie plan
plan (82)' l4iais ces
amêricain, le plan rapproché et le gnos
part
différenciations se font sur un continuum ininterrompu et la

d'appréciation du récepteur reste importante'

d'analyse facilement identifiable, sauf


Le plan est donc un outil

dansuncasrceluidesimagesdesynthèse'casquenousvoudrions
un seul plan une suite
aborder maintenant. Doit-on considêrer comme
que Ie critêre d'interruption
d,images de synthèse? 0n se rend compte
des possibilités de la prise de vue, même
est lié â une limitation
alors que les
si le tournage en studio accroît ces possibilitês,
(ou presque)' Doit-on alors faire
images de synthèse Peuvent tout
avons rejetêe au début de ce
intervenir Ie contenu, attitude que nous
lares et três chêres: à
ctrapitre? Les images de synthèse sont encore
d'émissions
la têlêvision,ce sont le plus souvent des génêriques
des plans-sêquences (81)'
qæ t,on peut à Ia rigueur considêrer comme

Lespremiersfilmslong-mêtragesdesynthèsesonttrèsrêcents,ils
Ies lois du figuratif ou
sont très proches des films traditionnels:
pour le
les codes culturels semblent empêcher, peut-être seulenent

( 8 2 ) Ù ' n o u s p e r m e t t r a d e n e P a s n o u s a t t a r d e r s u r l a d é f i n i t i o n chaque
précise de ces +p"ii"tion" qli.sont très rêpandues et dans
consacrê a yit"g" animée'.(par exemple, RUGEPeter'
Iivre d'initiation
praxis dçs FernsetrjournaU , V""i"g KarI Alber, Freiburg/MÛnchen'
ffi en parties plus petites' Pour
(Bl) t}.r plan qui ne peut être dêcomPg!ê cit' , pp' 41'4?'
p l u s d e d é ta i l s, trr p our r a fir e' ÀUtlbùf"t "iii, ç'
77-

msnent, tout écart majeur. Pour le non-figuratif, le problême est

beaucoup plus complexe: nous le laisserons ouvert, car il ne se pose

pas pour les JT.

2.2.1 .2.2.2. Lq montaqe:

" L e m o n t a g ee s t l e p r i n c i p e q u i r é g i t I ' o r g a n i s a t i o n d ' ê I é m e n t s


filmiques visuels et sonores, ou d'assemblagesde tels éléments
en les juxtaposant, en les enchaînant, et/ou en réglant leur
durêe" (84).

0n le voit: sa dêfinition va bien plus loin que la seule

délimitation des plans et fait appel à leur contenu. 0n peut

comprendregu'il y a là matiêre à discussion et les théoriciens du

cinéma ne s'en sont pas privés (85). Sans entrer dans Ia polémique et

en faisant la part de la spêcificitê télévisuelle Par raPport au

cinéma, on peut distinguer, en suivant JacquesAumontet aliir (86)

trois groupes de fonctions dtt rnntage:

- les fonctions syntaxiques: Ie montage assure des relations formelles

entre les êIêments qu'il assemble, gue ce soit par liaison ou par

disjonction, par alternance ou par linéaritê

- les fonctions sémantiques: elles se situent, ctrnmedans Ia langue,

au niveau de la dénotation et de la connotation, Ie premier êtant

celui oû le narratif s'exprime le mieux.

(84) ibidem, p. 44
(gl) por" né bit"" qte quelqles ng|ns cêIàrres, Jean Mitry, Andrê
Bazin, S.H. Eisenstein, Christian Metzt
( 8 6 ) A U M o NJT. e t a l i i , o p . c i t . , p p . 4 6 - 4 9 .
78-

- les fonctions rythmiques: elles opèrent au niveau temporel et au

niveau plastique (87).

Mais cette présentation ne dit rien des figures concrêtes de

montage: Iâ aussi de nombreusestypologies, menéesselon diffêrents

critêres, ont tentê une sorte de "grammaire du montage" avec plus ou

moins de bonheur: la plus réussie êtant, de loin, celle de Christian


(88)'
Metz, qu'il a appelêe "la grande syntagmatique de la bande-image"
plus
Cette étude riche, qui a êtê Ia base de nombreuxtravaux, se veut

descriptive que normative. Nous nous permettons de renvoyer le lecteur

à I'article cité, car sa présentation occuperait une place

disproportionnée. De plus, nous n'en ferons pas usagedans I'analyse.

Nous prêférons plutôt nous attarder sur la réalisation technique du

m o n t a g e ;I a t r a n s i t i o n entre Ia fin d'un plan et le début d'un autre


rrcutrr, c'est-à-dire les
peut revêtir deux formes courantes: le passage

deux plans sont simplement mis bout â bout, et Ie fondu enchaînê où


- la
le premier plan disparaît pendant que le deuxièmeapparait

durée de cette transition étant variable -. Si au cinêma, les formes


et
du fondu enchaînê sont peu nombreuses(I'image dans I'image, I'iris

quelques rares autres), I'êlectronique offre de ntrltiples

possibilités: I'image peut grandir, d'un point jusqu'à occuper tout


tourner
l,êcran ou le contraire, "glisserrrvers le hautr sur Ie côtê,

(87) Nous ne Pouvonsque rappeler que toutes ces fonctions sont


Ia bande
rarsnent portêes Par i'irn"g'"' seule: I'analyse devra intêgrer
stl .
( 8 8 ) ] ' f T Z C h r i s t i a n ' ttLa grande syntagmatique du film narratif" t
Communications,n. 8, pp. 120-124.
79-

sur elle-même, Les variations sont aussi nombreusesque les durées

d'utilisation de ces trucages sont courtes.

Ces indications sur la sêmiologie de lrimage n'ont pas pour but

dtexpliquer ce que I'image fixe ou animêe signifie. Mêmesi nous avons

fait quelgues remarquessur le sensr il n'est pas dans notre propos de

reprendre les théories du référent, du signifiant et du signifié

iconique, de mêmeque nous ne poserons Pas cette question à propos du

verbal dans le chapitre suivant sur la linguistique. En conclusion,

nous voudrions évoquer d'une part les rapports entre le filmique et

Le verbal, et d'autre Part la place de l'émetteur dans Le message

iconique.

Dans les débuts de la sémiologie, certains ont essayé d'établir

un parallèle entre la structure de Ia langue et celle du langage


à la lettre,
cinématographiquefaisant corresPondre le photogramme la

phrase au plan, le paragraphe â la sêquence, prêcisant Ia façon dont

les plans doivent être structurés en séquencer en sorme êIaborant


'rune grammairecinêmatographique" (89) sur ure base linguistique. Nous

refusons cette attitude scientifique pour deux raisons: d'abord les

résultats sont plus qu'incertains, les contre-exemples sont presque

aussi nombreuxque les exemPlesr et des critiques ne se sont pas

privês de les mettre en relief (90). Ensuite, cela revient â

subordonner.l.'imageà la languer corilneSi ltimaget pour signifiert ne

pouvait faire autrement que d'imiter la langue. c'est ce qu'on

( 8 9 ) A U l l 0 N eTt a l i i , op. cit., p. 118.


(90) ibidem
80-

pourrait appeler 'rune maladie de jeunesse": commetoute science

nouvelle, la sêmiologie, pour se éfinir, s'est aidée d'un système

puissant préexistant, Ia langue, mais ce qui devait être une imitation

est devenu, on peut Ie juger avec le recul du tempsr une opposition:

ses efforts pour montrer ses ressemblancesavec Ia langue ont surtout

montré ses diffêrences. Maintenant que Ia sémioloqie de I'image a

atteint un stade de dêveloppementavancé, mêmes'il n'est pas

achevê, c'est son intêrêt (et celui de Ia langue) que de lui donner

des outils d'analyse qui lui sont propresr 9uo de "s'opposer à toute

tentative d'assimilation du langage cinématographiqueau 1an9a9e

verbal,, (91). CeIa n'empêchepas des ressemblancesinhêrentes à tout

système sémiotique, commela prêsence de 1'êmetteur dans son message

que nous allons maintenant examiner'

les deux ont


Q u ec e s o i t I ' i m a g e f i x e o u I ' i m a g e f i l m i q u e , t o u t e s

demandêun choix (choix, QUi nous venons de le voir est

particuliêrenent complexe), toutes les deux ont êtê formêes ou

assembléespar leur êmetteur, photographe, cadreur, ou technicien'

cette action peut être plus ou rpins visible sur Ie ttEssager sur

I 'ênoncé:

,'Ie degrê zéro (.. . ), qui c€rrespond à -9 illusion maximumde


Ia représentation photogra-
transDarence, est atieint lorsque 'normale', 'naturelle'. Cette
;h;;;;-;;"""âit commetne vision
["J.iii'a-""[ auioemmemtun fait curturel, codê par nos habitudes
resfectives, notrà culture iconique, et ne correspong ?iS*"
mrmalitê objective (scientifique) de la perception." \tz)

( 9 1 ) i b i d e m ,P . 1 1 1 .
igZi eenCRUÂ Rfain Initiation à Ia sêmioloqie du récit en imaqes'
p. 10.
81

Mais mêmece degrê zêro laisse des indices de Ia présence de

l,êmetteur sur le nr=ssageou, pour employer un vocabulaire plus

Iinguistique, de I'instance d'ênonciation sur l'ânoncê. La comparaison

êvoquéedans le chapitre 2.1.t. entre un prêsentateur, qui parle en

regardant la caméraet dont Ie rnm s'affiche, et des images standard

qui défilent sans grand rapport avec fe texte et sans aucune

i n d i c a t i o n d ' o r i g i n e , m o n t r e b i e n I a m a r g ed o n t d i s p o s e 1 ' é m e t t e u r

pour indiquer son rrmoirrâ I'image. De même,les deux autres aspects de

l,instance d'énonciation peuvent être plus ou moins marquês:

l'êmetteur peut fournir des indices sur le momentde son ênonciation:

de rmniêre précise, avec une pendule ou un journalr ou vague avec un

style vestiment.aire donnê. Quant au Lieu de l'énonciation, il peut lui

aussi être dêterminê de manière précise (la Tour Eiffel en

arrière-plan) ou vague (une forêt, voire un mur). Si la téIévision

utilise beaucoupces indications qui sont pour elle un moyende

reconstruire la rêalitê, il faut rappeler qu'elle n'hésite pas â les

forger de toutes pièces, mêmepour des sêquences du JT: un bruit de

fond donnera I'impression que la scène a êté tournêe dans Ia rue

alors qu'elle a êt'e filmêe dans un bureau. A I'inverse, d'autres

images, très pauvres en indications énonciatives, seront utilisées

pour parler de diffêrents thèmes: on Pense â ces images de péages


(ou aussi mal !) Ia
d'autoroutes qui permettent d'êvoquer aussi bien

hausse des coûts du carburant que les dêparts en vacafices.

En rêsumê, on peut affirmer que, d'une part, à I'instar d'un


-82-

texte, I'image peut être "histoireil ou "discours" e3), et que d'autre

part, f image neutre n'existe pas et que I'image neutralisée, celle

qui est te fruit d'une volonté délibêrée de supprimer les marques

d'énonciation, est plus frêquente qu'on pourrait le croire.

SS
2 . 2 . 2 . L E SS Y S T E M E ONORES:

Parmi les systèmes sonores, on peut différencier drune part, ]a

musique et les bruits, d'autre part les élêments voco-acoustiques: à

la partie verbal-e, c'est-à-dire, â la partie linguistique, s'ajoute Ia

partie vocale regrouPant I'intonation, I.e timbre, Ia hauteur,

I'intensitê, Ies accents, le tempo, etc ... La linguistique fera

I ' o b j e t d ' u n c h a p i t r e e n t i e r ( 2 . 1 . ) : e n e f f e t , c ' e s t l e d o m a i n eo ù I a

recherche est Ia plus avancée, c'est aussi I'un des pivots de ce

travail.

2 . 2 . 2 . 1. L e v o c a l :

La partie vocale occupe un domaineplus modeste: toutes ses

conposantes ont étê identifiées, rêpertoriées, dêcrites. Nous

voulons ici les êvoquer rapidement:

- L'intonatim: elle est, corme le reconnaissent Galisson et Costet

l'êIêment Ie plus riche de toute la vocalité : "malgrê toutes les

(91) Nous reviendrons beaucoup plus longuement sur cette opposition


empruntée à Benvêniste dans les chapitres suivants'
8t-

contraintes qui pèsent sur elle (dêpendancesyntaxique, codification

de certaines formes intonatives), I'intonation au sens large est ce

guir dans La parole, exprime le mieux Ie sujet parlantr Que celui-ci

le veuille ou nonr' (94). C'est ce ômaine hors des 'rcontraintes

syntaxiques" qui nous paraît particulièrement intêressant: par delà

les traits colrectifs (intonation rêgionale, professionnerre), Les

cortraintes physiologiques (âge du locuteur), il y a I'intonation de

chaque individu et notammentcelle par laquelle iI montre ses émotions.

Ces intonations, souvent liêes â des mimiques, sont "suffisamment

codées pour être produites et reconnues rêguliêrement dans une

mêmecommunautêlinguistique" (95).

- Le timbre (c'est-à-dire la qualitê sonore spécifique)r la hauteur

(c'est-à-dire I'impression subjective de Ia frêquence) et I'intensité

(c'est-à-dire Ia force de la production vocale) ont un point commun:

ils peuvent tous les trois être modifiés par le redium, Ies tables de

mixage (96) permettent des variations très importantes. La conséquence

en est que toute variation d'un mêneémetteur, voire d'un émetteur â

un autre, peut être soit un signe de I'êmetteur primaire, soit d'un

érnetteur secondaire (un technicien du son), soit des deux.

- Les accents sont de mots ou de groupes, certains sont obligatoires,

d'autres dus au libre arbitre de chaque locuteur. Ce sont bien sûr

ceux-lâ qui nous intêressent particulièrement.


- Le tempo, quand on connaît l'importance qui lui est accordêe chez

les professionnels de la communication, n'est pas à nêgliger; & plus,

( 9 4 ) G A L I S S oR
N . , C o S T ED . , ç . c i t . , p . 2 9 6 .
(95) ibidem
(96) Nlotammentles plus -récentes q.ri fonctionnent selon le principe de
traitement numérique de I r i n f o r m a t i o n .
84-

il rejoint directement la quantité d'information portêe par le message.

Lâ aussi, toute variation d'un JT â I'autre sera significative.

En conclusion, on peut dire que la description de ces notions estt

pour les langues qui nous concernent achevée et ne suscite pas de

controverses marquées: c'est sans doute un des dqnaines où le

structuralisme a êLê le plus efficace. D'autre part, on ne peut que

rappeler Cosnier lorsqu'il rêsumece domaineen disant que "Ia vocalitê

joue un rôle capital pour Ia rêalisation des fonctions expressives et

esthêtiquss" (97), ou pour parler en termes jakobsoniensr puisque nous

avons adoptê une évolution de son schéma, des fonctions émotive,

poétique et conative (98).

Les bruits consécutifs à Ia transmission, qui sont d'ailleurs

très faibles vu la haute technicitê du redium, et les bruits que le

récepteur peut percevoir et qui ne sont pas transmis par Ie rediumt

dus par exemple â I'environnement irunêdiat du lieu de réception, ne

seront pas envisagês ici. Il reste que, mêmesi le système des bruits

n'est pas essentiel dans la communication, il est d'importance. Il

suffit pour s'en convaincre de comparer deux séquences, I'Une avec des

bruits, lrautre sans:l'absence se fait p l u s r e m a r q u e rq u e l a p r é s e n c e .

( 9 7 ) C O S N I EJR. ' B R 0 S S A R
AD., op. cit.' p. ,.
(98) La mêmeidée est dêveloppée par Flartinet lorsqu'iI affirme que
'contrastived'une langue rêpondent à trois fonctions:
les êlêments phoniques
distinctive, et expressive (ibidemr PP. 61'62).
85-

Cette preuve a contrario est une raison suffisante pour se pencher sur

ce phênomène.Une fois de plus, il faut préciser que si cette partie

plus théorique sêpare les diffêrents systèmes sémiotiques, I'analyse

devra les intêgrer tous simultanément. En I'absence de travaux

majeurs, nous allons procéder à une description empirique. Nous

croyons que Ie décodagedu bruit s'effectue de deux façons. D'abord

par I'analyse et la comparaisonavec des bruits "enregistrês" dans Ia

mêmoire, et ensuite par leur co-occurrence avec d'autres signes,

notammentles signes visuels, Ies deux moyensse combinant la plupart

du temps. C'est à partir des rapports entre êIêments sonores et

élêments visuels cgle nous voulons établir notre description.

2.2.2.2.1. Les bruits "visuels":

Ce sont les plus frêquents: on voit une voiture qui rouLe et on

entend simultanément Ie bruit de son moteur.0n pourrait croire que le

bruit est pur reflet de la réatitê: ce serait se tromper lourdement.

Dêjà, au niveau de Ia perception, chaque oreille est unique et les

capacités d'audition varient avec ltâge. De plus, les codes culturels

et cinêmatographiquesnous ont habituês â une situation qui n'a rien

à voir avec la rêalité; les changementsse font â plusieurs niveaux:

I'intensitê des bruits n'est pas proportionnée à la distance

caméra-objet filme (camêra qui tient lieu de rêcepteur (99)), elle

(99) Ni par rapport à Ia distance réelle lors de la prise de vue, ni


par rappôrt â Iâ distance factice renAue sur 1'écran de tétêvision,
créée par une focale différente de la vision humaine.
86-

est souvent modifiée pour des raisons de clartê du message: un bruit

de voiture qui passe sera rpins fort que dans la rêalitê, afin que le

récepteur perçoive mieux une conversation qui, elle, sera plus forte.

Ce cas est encore proche de la réalité, mais il y en a d'autres. Pour

différentes raisons, on préfère parfois utiliser des bruits

e n r e g i s t r é s , o u m ê m ec r é e r a r t i f i c i e l l e m e n t des bruits (100): c'est

lâ le domainedes trucages. 5i les formes les plus élaborêes smt

réservées aux longs mêtrages, la têIêvision recourt aussi â des

forres plus simples en cas de nécessité.

2 . 2 . 2 . 2 . ? . L e s b r u i t s ' r n o nv i s u e l s " :

Dans la catêgorie des bruits non visuels, on peut distinguer

plusieurs types:

- Les bruits non synchrones avec lrimage: ce sont des bruits visuels,

mais avec un décalage dans le temps entre les informations visuelles

et auditives: c'est Le cas du bruit de moteur qui enfle et qui

s'explique lorsqu'apparaÎt une voiture.

- Les "bruits mêtonymiques":ces bruits re trouvent qu'une

"justification partielle" à 1'êcran; t.rr exemple, des images de la

campagneavec Ie gazouillis des oiseaux. Sans voir directernent les

oiseaux, nous décodonsce bruit commeun indice (101).

( 1 0 0 ) C e sont essentiellement des raisons de prat,ique, drêconomie de


temps et d'argent et de qualitê technique.
( 1 0 1 ) Au sens peircien d.r terne.
87-

- Les bruits entièrement non visuels: ils peuvent avoir une

signification interne à la diégêse (par exemple, un leitmotiv à

fonction esthêtique) (102) ou bien entretenir une relation avec un

autre système de signification (mais le cas est rare (10r)), ou bien

être des signes complêtement indépendants, autonomesdes autres

systêmes sêmiotiques. Leur "vraisemblance" dans le cadre du message

joue alors un grand rôIe (104). De maniêre gênêrale, I'absence de

toute redondancerendra le dêcodageplus difficile et iI faut

s'attendre â ce que ces types de bruit soient très rares dans le JT.

0n I'aura compris: le bruit n'est pas quantité nêgligeable. A

partir du momentoù il fait partie du nessage, iI signifie, commeles

autres éIéments de la communication,et le but du sémioticien ne doit

pas être d'êtablir une hiêrarchie dans Les systèmes sur des

critères douteux, mais d'analyser objectivement toutes les composantes

qui participent â Ia structure du documentanalysê.

Z.Z.Z.l. La musique:

Il ne s'agit pas ici de rendre compte de la théorie de Ia

rrusique, rmis d'envisager la musique commesystème sêmiotique dans Ie

(102) 0n peut évoquer commeexemple le bruit du tpteur d'un camion dans


le film du mêmenom de Marguerite Duras. Dans de nombreuxp1ans, Ie
carion est complètement absent et on entend le npteur.
(10r) Un cas extrême est Ie film de Harguerite Duras Son nom de Venise
dans Calcutta dêser! qui reprend la bande son drun autre film India
il(IEA)
Au cours d'un JT, m bruit de feuille ê papier seDa selon toute
probabilitê dêcodé mêmesi celui-ci n'est pas visible.
88-

cadre du ressage audiovisuel: 1à encore, ntrls avons affaire â tnr

dqnaine très récent de la recherche avec de rares articles, quelques

remarques êparses, souvent contradictoires (105). Le problême majeur

est celui de la structure de la nnrsique qui se caractêrise par

I'absence de signifiés au sens linguistique du terme. La question qui

se pose est aLors: "Commentpeut-on communiquersans signifiês?" (106)

La réponse qu'apportent Greimas et Courtés n'est pas des plus claires,

ils parlent rrdrun contrat de communicationimplicite: La relation

intersubjective auditeur/musicien (... ) se trouve â la fois

contraignante et ouverte à toutes les possibilitês par la

superposition préalable et 'fictive' d e s d e u x ' m a s s e sa m o r p h e s ' ( S o n

et Sens), superposition qui est à la fois la condition et Ie support

matériel et idéel de Ia signification nusicaLe." (107) D'autre part,

commentdêterminer la présence d'un émetteur dans un ressage musical?

0ù est son "ici", son rrmaintenanttt?La recherche nta pas encore

apportê de rêponses â ces interrogations. Nous ne nous avancerons donc

pas plus loin sur ces temes qui nous sont r de plus, inconnues et

n'envisagerons pas Ia musique dans notre étude.

2.2.2.4. Le silence:

Parler du silence n'est pas une gageure: crest au contraire

(105) Un des exemples le plus frappànt est I'interprétation qu'il faut


donner au rpde mineur: pour certainsr il exprirp la tristesse; pour
drautres, commeLouis-Jean Calvetr il y a autant d'exemples qui
prouvent le eontraire. (Confêrence tenue â Berlin le 4.6.1984)
( 1 0 6 ) G R E I M AAS. J . ' C 0 U R T EJS. , o F . c i t . , P . 1 4 7.
(107) ibidem
89-

conclure un chapitre sur les systèmes sonores en insistant sur le fait

qu'un signe sonore, avant de sropposer â d'autres signes sonores, est

signe parce qu'il s'oppose au non-signe, au silence. une simple

rêflexion met en évidence que c'est surtout dans la communication

Iangagière qu'iI prend toute son importance et dans ce cadre que nous

allons 1'êtudier.

P o u r T h o m a sB r u n e a u , " l e s s i g n e s d u l a n g a g e ( . . . ) s e m b l e n têtre

des formes imposêes par l'esprit sur un fond de silence, imposé de

lui-même." (108) De mêmeque les signes du langage prennent leur

signification p a r l e u r i n t e r d é p e n d a n c ea v e c t e ( s ) s i l e n c e ( s ) , d e m ê m e

les siLences ne peuvent être interprétês que par rapport au langage

et aux conditions de production langagière. Dans I'articl,e eitê qui va

inspirer ce développement, ThomasBruneau distingue trois types cle

silence: Ies siLences psycholinguistiques, les silences interactifs,

et les silences socio-culturels. Le silence psycholingistique peut

être long ou court: dans le premier cas, il est plutôt lié à des

hésitations syntaxiques, dans Ie deuxième, où il est plus un symbole

qu'un signal, il concerne I'organisation dans les niveaux de mânoire

et d'expérience de la pensêe. Les silences interactifs, on pourrait

dire les pauses, sont les plus importants, car avec eux "chaque

participant a conscience du degré et de la façon dont on attend de

lui qu'il p a r t i c i p e à f a c o m m u n i c a t i o n . "( 1 0 9 ) 0 n p o u r r a i t c r o i r e

qu'ils ne sont pas pertinents pour notre étude. En effetr Ia situation

(108) BRUNEAUThomasJ., "Le silence dans Ia communication"r in


Communicationse! IangggËr n. 2O, p. 5.
90-

dans laquelle ThomasBruneau envisage cette typologie est de type

interactionnel.le. L'absence de rêtroaction dans la communication

télévisuelle, nuancêe par quelques situations d'interaction auxquelles

le spectateur assiste dans les JT français, nous obligerait â

restreindre la portée de certaines de ces affirmations, si on ne

pouvait envisager une doubLehypothêse qui reste à dêmontrer, â

savoir drune part, le silence interactif ne serait pas dépendant de Ia

présence d'un interlocuteur (se rappeler la çstualitê de la personne

qui tétêphone) et d'autre part, le présentateur simulerait

consciemmentune situation d'interaction. Les siLences interactifs ont

cinq grandes fonctions: "prendre des dêcisions", "tirer des

conclusions", "exercer un contrôIe", "réagir â des êmotions

intenses", "maintenir ou nndifier les distances entre individus" (110).

La derniêre catêgorie est celle des silences socioculturels: ils

sont souvent en relation avec la notion d'autorité, que ce soit le

silence synonymede respect ou le silence imposé d'en hautr ces

silences sont "peut-être Ie moyenIe plus efficace â la disposition

du pouvoir pour maintenir lrordre socioculturelrr (111).

La prêsentation de quelques aspects théoriques de tous ces

systêmes sêmiotiques nnntre Ia tâche d: chercheur qui veut aborder

des nessages syncrêtiques: devant des thêories eneore mal assurées,

des dânonstrations isolêes, I'absence de synthèses, il lui faut

(109) ibidem, p. 8.
(110) ibidem, pp. 8-12.
(111) ibidem, p. 14.
91

avancer avec la plus grande prudence. Car cette absence de thêorie

prête à I'emploi ne saurait être tne raison suffisante pour ne pas

aborder ces domaines: Ie besoin d'analyse est trop pressant. Alorst

pour sortir du cercle vicieux "absence ê thêorie - pas d'étude

empirique - pas de fondementde thêorie"r QU'évoqueRoland Barthes

dans les premières lignes de son article fondateur "Eléments de

sêmiologie" (1ù, nous serons, c€mmeil â la fois


le recommande,

"timide,' et "témêraire" (111): timide dans le transfert du savoir

linguistique â la sémiotique, têméraire dans ses applications

pratiques.

(112) BARTHESRoland, "Elêments de sémiologie", P. 92


(111) ibidem
-92-

2.3. LA LINGUISTIQUE

Si nous traitons dans r,n chapitre â part ce qui n'est au fond

qu'un des nombreuxsystênes de signification de fa communication

htrnaine, c'est qu'il est difficile d ' e n v i s a g e r u n e c o m m u n i c a t i o n ,e t â

plus forte raison Lr'reccrnmunicationtêlêvisuelle, d'où fe verbal soit

totalerent exclu. 0n peut affirmer sans risque qre la production

Iangagiêre reste la base de nctre vie sociale: iI est alors logique

que ce soit dans ce domaine que la recherche soit Ia plus dêveloppêe.

Si dans d'autres domaines, on pouvait regretter I'absence de théories,

notre tâche ici va être compliquée par la nêcessité d'opêrer des

choix dans le vaste champ de la recherche linguistique et de dêIimiter

prêcisênent le cadre dans lequel ce travail va se situer: lâ non plus,

il n'est pas dans notre Propos de crêer, de développer de nouveaux

outils, mis d'utiliser ceux çi existent et de les conùiner â d'autres,

pris dans des ômaines extra-Iinguistiques, en justifiant les choix

opérês.
93-

Dans le débat sur les limites dt champde la Iinguistique qu'a

fait naître la volonté de Ferdinand de Saussure de constituer Ia

langue en objet observable hors du monde, du locuteur et de

I'histoire, nous voudrions prendre position sur deux points qui nous

semblent fondamentaux.

- Dans la définition des rapports entre langue et communication, deux

grands courants s'opposent: d'une part, Saussurer avec sa céIèbre

dichotomie langue/parole, et Chomskyavec son couple compétence/

performance (1), qui rejettent la parole/Ia Performancecomme

" a c c e s s o i r e , a c c i d e n t e l l e " . ( 2 ) D ' a u t r e p a r t , B e n v e n i s t e , J a k o b s o ne t

d'autres essaient d'intêgrer la parole, réalisation de la langue par

un locuteur qui regroupe aussi bien les énoncês produits que leur

production et leur interprêtation. Une conséquencedirecte de cette

opposition est la place réservêe au locuteur. Pour définir Ia position

structuraliste et formelle sur ce sujetr ncnls ne pouvons que rePrendre

Ia phrase souvent citée de ChomskY:

',L'objet premier de la théorie tinguistique est tn locuteur


idéafl appartenant à une communautétinguistique compldtement_
homogène,qui connaît parfaitement sa langue et qui, lorsqu'il
applique en urie performance effective sa connaissance de Ia
Iangue, nrest pas affecté par des conditions granrnaticalement non
pertinentes, telles que limitation cb nÉmoirer.distractionst
bêpl"c"r"nt d,intérêt ou d'attention, erreurs (fortuites ou
caractéristiques)." (5)

(1) Bien qle ces c-oncepts rE se recouvrent pas exactement, leur idée
fondatrice est Ia mêne.
(2) SAUSSUR erdinandde, ç. cit.' P. 10.
FE
(l) CHOÎ{SKYNoam,Aspects de la thêorie svntaxique' P a r i s , L e S e u i l .
94-

Dell Hymesconsidêre cette position théorique cunme "une

déclaration d'in-convenance" (a) et tout au long de son ouvrage

Vers la comÉtence de eommunication, il va s'employer â dêmontrer que

la performance doit avoir une part entière dans Ia théorie

linguistique et que cette notion doit mêmeêtre dépassêe, car sous

sa forme la plus cÉyeloppée, elle s'intêresse plus "aux sous-produits

p s y c h o l o g i q u e sd e I ' a n a l y s e d e l a g r a m m a i r e "q u ' â I ' i n t e r a c t i o n

sociale ou au "rôLe constitutif des facteurs socio-culturels." (5)

C'est Ia mêmevoie qu'ont suivie tous Les chercheurs qui ont

dêveloppé une thêorie de 1'énonciation sur laquelle nous reviendrons

en dêtail dans le chapitre 2.3.2..


- La linguistique structuraliste, puis la linguistique gênêrative

transformationnelle affirment également que la phrase est la limite

s u p ê r i e u r e â l a q u e l l e d o i t s ' a m ê t e r 1 ' a n a l y s e ; l a p o l ê m i q u eq u i

s'est dêvetoppêe autour de ce principe a bien npntré ses limites: de

nombreuxphênomènes,le eouple question-réponse, I'anaphore, la

cohérence logiqr.re et chronologique, restent inexpliqués. Mêmesi


'troisième fondateur"' (6),
la tinguistique "n'a pas encore trouvê son

iI y a suffisamment de travaux q:i nnntrent I'intêrêt d'un tel

dépassementet qui Ie justifient au niveau scientifique Pour que nous

adoptions ce principe.

(4) HYMES Dell H., Vers la compétencede corrntnication, Paris,


Hatier, 1984, p. 2t.
(5) ibidemr p. 24.
(g) O'aprês Catherine Kerbrat-Orecchioni, le premier est Saussuret
"pour qui la tinguistique reste essentiellement une linguistique d-t
mot" (position peut-être discutable) et le êuxiême, Chomsky,"qui
l'êtend et la restreint â 1'unitê phrase" in KERBRAT-ORECCHI0NI, op.
cit., pp. 9-10.
-95-

'.'.1. A N A L Y SDEE D I S C O U REST A N A L Y STEE X Ï U E L L E :

Le seul fait drutiliser les expressions 'ranalyse de discours" et

"analyse textuelle" suffirait â rappeler implicitement les deux points

êvoquês plus haut, mais il est parfois bon dans ces domaines contestés

et en pleine expansion (7) de se rôpêter. Sans vouloir faire ici une

synthèse de ces notions - mêmeles spêcialistes prennent les plus

grandes prêcautions quand ils s'y essaient -, nous voudrions aborder

quelques points qui nous semblent être intéressants dans Le cadre de

notre travail.

0n peut distinguer trois directions é recherche dans Ie vaste

domainede I'analyse de discours: la premiêre, et la plus ancienne, a

pris le contre-pied de la linguistique structuraliste te1le qu'elle

est dêfinie plus haut. Elle se prêoccupe des "faits de parole que sont

les discours, des faits contextuels (ses conditions de production, de

circulation, ses effets) et surtout des faits de signification

(l'implicite idêologique)." (8) Une deuxiêmebranche, issue de la

tradition générativiste, s'occupe plus de la grammaireau niveau

trans-phrastique, insistant sur &s phênomèmes


tels que I'anaphore, la

cataphore, etc... La troisiàne s'apparente â me analyse de

conversation et recherche les unitês fonctionnelles dans l'interaction

(7) Un spécialiste, DominiqueMaingueneau,a pu rêaliser, à onze


années dtintervalle, deux ouvrages de synthêse sur ce sujet:
MAIÎ\IGUENEAUDominique, Initiation aux mêthodes de 1'analise du
discours, Paris, l'lachette, 1976, 190 p. et ITAINGUENEAU Dominique,
Nouvelles tendances en du di , Paris, Hachette, 1987,
rm,,.
(8) M0ESCHLER
"naly"e
Jacques, Arqumentation et cmversation, Paris, l-latier,
1985, p. 15.
96-

conversationnelle. 0ù se situe notre travail dans cette présentation?

Essentiellement dans Ia première partie, mais êgalement dans Ia

troisiême. En effet, nous considêrons le discours télêvisuel comme

un produit social, caractêrisé d'une gart par Ia structure c,omplexede

l'émetteur, par son mode de diffusion et son effet de masse, et

d'autre part, par le ressage implicite dont iI est porteur. Mais iI

est aussi, â notre sens, une forme d'êchange, certes tronqué, mais

êchange quand même(9): I'absence totale de rétroaction n'empêche

pas I'ânetteur d'avoir une stratêgie argumentativer Ln comportement

interactionnel., de nettre mêmeplus ou rpins en scène un interlocuteur

ficti f.

0n a pu aussi distinguer une analyse de discours (AD) française

et une autre anglo-saxonne. Doninique Maingueneaucite Ie tableau

suivant qui net feurs différences en relief (10):

(9) "Notre point de départ est le suivant: il existe dans les


êmissions d'information une relation interactive (parasociale) entre
la personne qui présente (...) et, Ies spectateurs". -("AusganggPunkt
ist, Ag bei flacirrichtensendungeneine interaktive (parasoziale)
Beziehung zwischen der prâsentierenden Figur (... ) und den Zuschauern
besteht", in HUTHLutz, 'rZur handlungstheoretischen BegrÛndungder
verbalen und visuellen Prâsentation in Fernsehnachrichten", in BENTELE
GÛnter, HESS-LIjTTICH Ernest td.B., Zeichenqebrauchin MassenrBd,ient
Tûbingen, Hax Niemeyer Verlag, 1985, p. 128.
(10)'MAINGUENEAU Dominique, Nouvelles tendances en analyse du discours'
p. 10.
-97

AD française AD anglo-saxonne

Type de êcr it oral


discours cadre institutionnel conversation quotidienne
doctrinaire ordinaire

Buts visêes textuelles visées communicationnelles


assignés explication-forme description-usage
construction de I'objet immanencede I'objet

Mêthode "structural. ismett interactionisme


linguistique et histoire psychologie et sociologie

0rigine Iinguistique anthropologie

I
De nouveau, nous voulons nous positionner sur cette grille,

notammenten c€ qui eoncerne la premiêre catégorie, Ie type de

discours. Le JT est tn discours, nous I'avons déià dit, syncrétique:

au verbal s'ajoutent tous les systèmes que nous avons êvoquês plus

haut. En ce qui c-oncernele verbal, il participe â la fois de L'oral

et de I'écrit; de l'oralr c a r c ' e s t s o n m o d ed e t r a n s m i s s i o n e t i l a

des caractêres supra-segmentaux, mêmesi ceux-ci sont moins nombreux

que dans d'autres types de communicationsorales; de l'êcritr car

c'est un texte entièrement ou partiellement lu (11)r indice facilerent

analysable. En somme,nous avons affaire â ce qu'on appelle parfois de

l,êcrit oralisê, ce degrê d'oralisat,ion pouvant varier. Ce discours se

(11) En RFA, il est entièrement lu: le prêsentateur tient ses feuilles


en nnin et s'en êcarte três peu, nous ltavons vêrifiê. En France, un
têIêprompteur (appareil placê sous la camêra Wi fait dêfiler le
texte à lire) donne I'illusion de "l'êlocution naturelle'r, la marge de
liberté vis â vis de l'êcrit variant d'un présentateur â I'autre.
98-

situe évidemmentdans tn cadre institutionnel: il émanedrun organisme

le plus soùvent public, il est destiné â toute la population, il est

tenu par une personne qui sait tout (ou presque) de son sujet. Mais iI

est aussi une forme de conversation quotidienne: chaque soir, des

présentateurs rxlus saluent, s'adressent â nous plus ou moins

personnellement (12) et mus racontent "l-es nouvelles du jour". CeIa

re veut pas dire qu'en classant Ie JT dans le type "discours de

I'information" le notent Claude


on ait un ensemblemonolithique. Comme

C h a b r o l e t E r i c L a n d o w s k i ," d e r r i è r e I ' u n i t é d'un rgenre discursif'

qui serble â première vue aller de soi, on a affaire en rêalité â

une certaine pluralité d'objets possibles" (13). C'est ce que nous

alLons tâcher de démontrer dans ce travail.

0n nous permettra d'arrêter lâ la comparaison: nous empiêterions

sur notre chapitre J rrlrobjet et son approche". Cependant,en nous

appuyant sur ce que nous venons de dire et en mticipant sur notre

projet de recherche, nous pouvons dêjâ remarquer quer de par le choix

mêmede I'objet d'êtrde, nous mus trouvons â mi-chemin entre Les

deux conceptions, au moins telles que nous les trouvons schêmatisées

dans le tableau reproduit ci-dessus, situation inconfortable dans Ia

mesure où notre propos n'est pas dtajouter de nouvelles cases à cette

grille.

(12) Nous verrons à ce niveau ês diffêrences æparemmentanodines, en


réalité essentielles entre les JT.
(11) CHABROL Claude, LAND0IdSKI Eric, 'rLes discours du pouvoir", in
C 0 Q U EJT. - C . e t a t i i , S ê m i o t i q u e . L ' E c o l e d e P a r i s ' p . 1 r 2 .
-.".::
:.11: '

99-

Drautres approches d: discours insistent, commeIe rappellent

D u c r o t - T o d o r o v( 1 4 ) o u c h i s s ( 1 5 ) , s u r d e s o p p o s i t i o n s p a r t i c u l i è r e s :

discours centré sur le locuteur / sur I'allocutaire, discours

explicite ou autonome/ implicite ou de situation, discours pauvre en

indications sur son énonciation / discours qui s'y rêfère constamment.

Ces notions rrcus semblent suffisamment connues pour cpe nous ne nous

attardions pas. La conclusion de ce travail dira où se situent ]es JT

français et allemands.

L'expression "anal.yse du discours" ne tient pas une grande pLace

dans la recherche allemande. En revanche, elle se pose beaucoupde

questions sur Ie texte, sur Ia linguistique de texte, sur I'analyse

textuelle. Peut-on assimiler discours et texte? Pour répondre â cette

question, iI faudrait d'abord définir précisément les deux notions.

Nous venons de voir Les problèmes que pose la cÉfinition du terme

"discours"; celle du I'texte" est tout aussi controversêe. Pour rêsumer

simplement la problêmatique (16), on peut voir dans le "texte" soit

I'ensemble des phâromènesqui sont du domaine de la parole or.rde la

performancel tout ce qui se dirait ou s'êcrirait en ferait partie, on

aurait alors me linguistique de la parole telle que Saussure 1'avait

envisagêe sans jamais la dêfinir plus prêcisêment. C'est pour ainsi

dire la première étape post-chomskyenne. 0n peut aussi faire dr texte

(14) DUCR0T 0sruald, T0D0R0V Tzvetan, Dictionnaire I


sciences du lanqaoe, Paris, Seuil, 1972r pF. 408-409.
(15) CHISSJean-Louis, "Malaise dans la classification'r, in Langue
française, n. 74, p. 25.
(16) L'une des tentatives Ia plus claire dans ce domaineest celle de
SOdINSKIBernhard, Textlinquistik, Stuttgart/Berlin /R6ln /F1ainz, Verlag
trrf.Kohlhammer, 198t, 176 p.
100 -

Ia sommethêorique et abstraite de tout ce qui peut/doit être commun

à Oiffêrentes productions. Pqrr van Dijk (17), cette diffêrence est

exprimêe en anglais par rrtextrr drune part, et "discourse" de I'autre.

La caractêristique de cette deuxià'ne acception est que des éIêments

non verbaux peuvent être incl.us dans I'analyse: Schmidt par exemple,

recommandede "ne pas considêrer Ie texte commet'rênomdnepurement

verbal" (18), et Kallmeyer et alii considèrent Ia linguistique

textuelle comme"Ia science qui a pour but, de dêcrire Les conditions

et les modalités de la communicationhumaineainsi que son

organisation" (19). Nous avons affaire lâ au dépassementdu premier

stade post-chomskyenavec intêgration des phénomênes


de communication.

Pour cette raison, nous donnerons la préfêrence à lracceptation large

de la notion de texte, incluant les élânents non verbaux, bien que ce

ne soit pas Ia plus courante. Parmi les domainesprivitêgiés de la

Iinguistique textuelle, on peut citer, d ' a p r è s K a h l m e y e re t

lbyer-Hermann (20) et Brinker (21), la réfêrence, la connexion,

I'opposition thème-rhême(au sens de I'Ecole de Prague qui Ia situe

dans la communication), 1'êtude des tmcro/microstructures, la

17) van DIJ( T.A., Text and context, London, 1977.


1 8 ) S C H M I DST. J . , T e x t t h e o r i e , M i h c h e n , [ , r 1F. i n k V e r l a g , 1 9 7 6 , p . 4 5 .
19) "die hfissenschaft, die zum Ziel hat, die Voraussetzungenwtd
Bedingungen der renschlichen Kommunikationsowie deren 0rganisation zu
beschreiben", in KALLMEYER hl. et alii, Lektûrekolleg zur
Textlinquistik, Kônigstein, Athenâum,1974, p. 25. 0n peut roter que
ces principes re sont pas toujours suivis de faits: "A cause de la
masse des problêmes mn éclaircis (...), nous voulons nous cantonner d
I'êtude des textes verbaux" (hlegender FÛlIe ungeklârter Probleme
(...) (sic) upllen wir uns anf die Behandlungsprachlicher Texte
beschrânken"),p. 45.
(20) KALLMEYER hl.R., MEYER-HERMANN R., "Textlinguistik"r in ALTHAUS
H.P., I-ENNE H . , h I I E G A ÀH | D. E . , ( H r s g . ) L e x i k o n d e r G e r m a n i s t i s c h e n
Linquistik, 2. Auflage, Tûbingen, pp. 242-?58.
(ZîI-ERINKTR Klaus, Linquistische Textanalvse, Berlin, E. Schmidt
Verlagr pp. 17-19.
101

typologie des textes. C'est cette dernière partie qui nous intéresse

le plus. En effet, les problèmes des "participants" à la

communication, dt "processus de communicationtten soi, du ttrapport des

participants â la situation de communication" (22) sont au coeur de

cette typologie et ce sont ceux qui nous prêoccupent également dans

notre perspective énonciative.

Les dêfinitions du "texte" et du "discours" que nous venons de

passer en revue sont telles que I'objet que nous nous proposons

d'analyser nous oblige â nous situer â la fois dans I'analyse de

discours et I'analyse textuelle et que de ce fait nous ne

distinguerons pas, aussi rigoureusement qu'on peut Ie faire dans

I'abstrait, ces deux notions (23).

DE
2.].2. LINGUISTIQU EL'ENONCIATION:

"SeuLe I'information pose en audiovisuel un problême spêcifique

d'ênonciation" (24). Ce que Violette Morin affirme 1â, c'est la

spêcificitê du JT, qui est constammentdans une "sorte d'ambiguÏté

(22) KALLMEYE h lR. R . , I ' G Y E R - H E R MR A.N, N" T e x t l i n g u i s t i k " , p . 2 5 6 -


(21) En plus de ces diffêrences thêoriques, il faut rpter que la
recherche s'oriente dans les deux pays dans des directions divergentes.
En France, ce sont essentiellement les textes littêraires et sociaux
qui font I'objet de I'attention des chercheurs alors que leurs
homologues allemands abordent srrtout ce qr'on appelle les
iltextes
"non-textes". Klaus Brinker, lui, préfère parler de
utilitaires'r ( " G e b r a u c h s t e x t e " )in BRINKER KLaus,op. cit.r p. 19.
(24) MORINViolette, "L'information têIêvisêe: un discours
contrariê", in Coqqru4ications,n. 28r P. 187-
- '102 -

discursive" (25), car iI est â la fois rêalitê et fiction et l o r s q u ' i 1

est rêalitê, i f d o i t l e p r o u v e r , s a n s , c e s s es ' a u t o j u s t i f i e r , â

I'opposé des "fictions pures" qui sont libres de ce çnre de

contraintes. Mais crest aussi ce qui fait sa richesse. L,image, même

si elle peut être falsifiêe, nf,ntre, et le têlêspectateur attend des

images pour voir la vêrité. CeIa contraint l'ânetteur à ur jeu subtil

sur Ia place qJ'il se donne dans cette transmission de "I'information-

vérité-fiction" (et sur celle qu'iI d o n n ea u r é c e p t e u r ( 2 6 ) ) . C e

rôIe ê l'êmetteur dans le rnessageconduit, en termes linguistiques,

â poser le problàe des marques de son énonciation que nous allons

aborder sous ses trois aspects (deixis, modalité et pragmatique) dans

Ies chapitres suivants (27).

2.t.2.1 . La deixis:

La deixis, premier domainede l'énonciation, regroupe Ia triade


I'nEi, ici, rmintenant" qu'Andrê Joly appelle, â la suite drautres

linguistes, "le nynêgocentrisme'rde I'ênonciation (28). Ces signes,

qui ne prennent leur sens que dans ce gue Ducrot et Todorov rypellent

(25) DUCROT 0swald, T0D0R0V Tzvetanr op. cit., p. 417-422.


(26) Emile Benvâniste prêcise bien qJe "ce qri en gênéral
caractêrise l'ênonciation est I'accentuation de Ia relation discursive
au partenairer cSJecelui-ci so
c o l l e c t i f i l i n B E N V E N I S TEEm i l e r o p . c i t . , T . 2 , p . 8 5 .
(27) Certains malystes ont pensé il y a çelqres annêes çe
"l'ênoncé iconique, lui, ne possède pas de rnrques d'ênonciation"
(per exemple, JACQUINOT Geneviève, Imaqeet pêdaqoqie, Paris, Presses
Universitaires è France, 1977, p. 71). Cette thèse est maintenant
complêtement rejetêe.
(28) æLY Andrê, Essais de svstêmatique ênonciative, Lille, Presses
Universitaires de Lille, 1987, p. 8.
10t -

"la situation de discours" (29), sont la base mênede l'âronciation,

"la clê de voûte (...) de l'activitê discursive" (10): le "je"

représente le locuteur et appelte Ie "tu", I'allocutairel I"'ici" et

le "maintenant" êvoquent Ie lieu et le temps de l'ênonciation qui

peuvent être diffêrents de ceux de la rêception, notammentdans Ie

cas du JT. Nous allons examiner ces différents points.

2.J.2.1.1. Les personnes:

5i les linguistes s'accordent à considêrer le "je" et le "tu"

commepersonnes, ils sont Ioin d'être d'accord sur fa place à accorder

au "il" (31). Entre Emile Benveniste qui fe caractérise corrne la

marque de la "non-personne" (32) et Alain Berrendonner pour qui iI est

u n d ê i c t i q u e â p a r t e n t i è r e ( 3 1 ) r i I n ' y a p a s ê c o m p r o m i sp o s s i b l e .

Nous nous rallierons à Ia majoritê des linguistes qui excluent la

troisiàne personne de la deixis en rappelant I'argument principal de

cete position, â savoir, englober le "il" dans Ie champdes dêictiques

revient â êtendre la deixis de manière illimité; en effet, il

Vz v e t a n , o p . c i t . , p . 4 1 8 .
( 2 9 ) D I E R O TO s w a l d , T 0 D 0 R 0T
(r0) MAINGUENEAU Doninique, "Embrayeurs et repérages spatio-
temporels", in Le Français dans le monde, n. 160r p. 41.
(31 ) II ne faut pas oublier que nous travaillons srlr deux langues.
Halreusement, elles ont, des structures très proches dans ce domaine,
ce qui facilite grandement Ia tâche. De manière générale, en
I'absence de toute remarque, ce qui sera dit pour Ie français avec des
exemples français sera êgalement valable pour I'allemand.
( 1 2 ) B E N T E N I SETE mile, op. cit., T. 2, p. 99.
(rr) BERREI$0NNER Alain, Elêments de praomatique linouistique, Paris,
Editions de llinuit, 1981, p. 59-61.
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. ] a : , : . . , :

104 -

incluerait "notamment tous les substantifs ê la langue puisqu'on peut

les pronominaliser". (t4)

Maintenant, nous pouvons approfondir la valeur du "je" et du

"tu". Ils sont intimementliês. D a n s 1 ' ê c h a n g el i n g u i s t i q u e , tout "je"

est un "tu" virtuel et réciproquement. Commele dit Dominique

Maingueneau,'run individu n'est posé cotnmertu' que par anticipation

ou rétrospection dr-r'je'qu'il constitue." (55) Le "je" dêsigne

essentiellement Ia personne qui parle; quelques autres rares cas

existent: ce que I'on a I'habitude d'appeler le datif êthique w les

cas de subversion de la rêciprocitê avec des êtres non-parlants (t6).

Le "nous" est abusivementconsidêrê par les gnammaires

traditionnelles commela forme plurielle * "je". En rêalité, iI peut

rêférer â des groupes très variés. Il peut signifier:

- rrjerr + "jer': le locuteur prend la parole au nomdtun groupe connu de

I'allocutaire et prêsent.

- ttjsrr+ rrturr:Ie locuteur englobe I'allocutaire dans son discours et

le lui fait par là-même assuûEr. Cette forme a deux variantes

remarquables: Ie "nous" de majesté et le "nous" d'auteur que

Dominique Maingueneaudêfinit ainsi: rrPar trte sorte de 'contrat

âronciatif ' I'auteur se pose en dêI'eryuêd'une collectivitê investie

de I'autoritê d'un Savoir dont la lêgitimitê repose sur une

institution" (J7). 0n voit les consêquencesque pourrait alors avoir

(14) CERV(},II
Jean, L'énonciation, Paris, Presses Universitaires de
Franee, 1987, p. 57.
(15) MAINGUENEAU Dorninique,Approchede l'énonciation en linquistique
française, Paris, Hachette, 1981r p. 14.
GE).ffiman qui dit â son bêbé: "je vais être bien sage".
(t7) MAINGUENEAU Dominique, ibidem' p. 20.
-105-

I'emploi de ce "nous" par un journaliste.


- rrjerr +'ril": le locuteur prend Ia parole au nom d'un groupe ineonnu

de I'allocutaire qJ absent.

Le "tu" dêsigne certes I'allocutaire. Mais iI peut prendre des

vaLeurs particulières, commecelle du "tu" générique.

Particuliêrement intéressante est I'opposition "tu/vous'r. Si le


ttvous", ttnoustt, peut signifier rrtutr + tttutt ou rrturr + ttiftt, it
comme le

peut également être ce qu'on appelle La forme de politesse. En langue

allemande, et c'est Ia diffêrence majeure avec le système des

personnes français, cette forme est marquêepar I'Sierr et ses

occurrences conjuguêes, identiques â celles de la troisième Personne

du pluriel, à la majuscule prês (18). Mais cette identité n'implique

absolument pas tn changementde statut: nous restons toujours dans le

cadre locuteur/allocutaire et, commeIe note Harald hleinrich, "les

formes rrsierr (...) sont naturellement des deuxiêmes, non des

troisièmes personnes". (19) Parler de "forme de politesse" commeIe

fait Ia grammaire traditionnelle est aussi Lrl raccourci très

simpliFicateur: "sriI est indéniable que le c*roix du rrturr ou "vous"

est porteur d'une signrification sociale importante, il s'en faut de

beaucoup cependant qle les rptions de 'politesser cu rrespect'

suffisent â rendre compte de cette signification." (40) 0n a affaire

bien plus à wr acte qui détermine d'un seul coup les statuts sociaux

('8) Il est anusant de cunstater çe le frærçais possède des restes de


c e t t e f o r m e : ' W l a d a m ee s t s e r v i ê . . . r r e t q u e 1 t a l l e m a n d , d e s o n c ô t é , a
employé la deuxième personne pluriel corme forme de politesse:
I'Fûr$rahr! er dient Euch auf besondere hleise."
(r9) tlEINRICHHaratâILg-lgÆ., Paris, Editions du Seuil , 1971, p. 26-
(40) MAINGUENEAU Dominique, ibidem, p. 19.
,-_

-106-

du locuteur et de I'allocutaire. Vouvoyer peut exprimer le respect ou

la distance volontairement êtablie, tutoyer inversement la familiarité

q.r la distance volontairement supprimêe (41 ).

Commewr peut le voir, la problômatique est déjâ riche en

elle-même, complétée encore par d'autres embrayeursliés â Ia

personne: Ies adjectifs et pronomspossessifs du type "mon, ta, le

nôtre, les vôtres, ...r' et leurs équivalents allemands. Nousles

traiterons au mêmeniveau, car d'une part il est facile par

substitution de retrouver l-a forme rrjetr ou rrtur' (42), et d'autre part,

cela permet d'êliminer Ia singularitê apparente de certaines tournures

dites â tort impersonnelles du type [es geht mir gut". Certains

linguistes vont mêmejusqu'à parler d'une deixis implicite (43).

2.3.2.1.2. Les dlli"tiques spatia

Si le domaineprêcêdent êtait dêfini relativement clairement, ce

nrest plus le cas pour les dêictiques spatiaux. Aucuneliste complête

n'a êté établie et ce pour plusieurs raisons: la fonction dêictique

(41 ) Oominique Maingueneaucite le cas des "animateurs TV qui se


vouvoient â I'antenne et le plus souvent se tuloient hors antenne:
s'ils se tutoyaient â I'antenne, ils donneraieÀt t'impression de crêer
une sphère d'intimité qui exelut les auditeurs alors que prêcisément
leur but est de crêer une sphère d'intimitê avec ceux-ci"; ibidem.
(42) "vos vacances" = les vacances de vous.
(41) Ils considêrent qre la phrase "Tante Frieda vient demain'r a comme
structure profonde (Tante Frieda est chez rol/toi/nous/vous +
mouvement+ direction) + demain. Exemple extrait de !funderlich Dieter,
'Pragmatik, Sprechsituation, Deixis", in Zeitschrift fûr Literatur und
Linquistik, ù. 1, H. 1/2, p. 158.
107 -

n'est pas inhêrente â ln lexàne' tfçarrest dêictique dans "donne-moi ça",

mais anaphorique dans I'vous êtes venu: ça rE fait plaisir'r. De plus,

le contexte et la vision qu'en ont les interlocuteurs sont très

importants. 0n peut nêanmoinsdistinguer trois groupes: les

dêmonstratifs (ce, Çar celui-ci, ...), les prêsentatifs (voici,

voilà) et les éIêments adverbiaux (icillâ, près/loin, à guche/à

droite ) (M). L'intêrêt sera pour nous d'abord de dêterminer

quelles sont les suppositions que fait Ie prêsentateur sur

I'environnement socio-cufturel du rêcepteur puisqu'il n'a aucune

rétroaction pour vêrifier si ses suppositions sont justes, et d'autre

part quelles sont les rêfêrenees +t'il choisit; en effet, de nombreux

espaces se superposent dans Ie JT (I'espace des reportagesr celui dl

s t u d i o , d e I ' é m e t t e u r , d r . rr ê c e p t e u r , . . . ) .

2.1.2.1.t. Les dêictiques tetporeh

C'est de loin le domaine le plus complexede la deixis. D'abordt

parce que les marques dêictiques temporelles se retrouvent sous

plusieurs types de fornes (affixe de Ia conjugaison verbale, groupe

adverbial ou prêpositionnel); ensuite Parce que toutes les marques

temporelles ne sont pas dêictiques; enfin, parce q.re les systànes

temporels français et allemands ne sont pas strictement identiques.

Sans entrer dans les subtititês d'un domaine qri a occupé de rpmbreux

cfiercheurs, on peut résumer le problême â I'aide de I'opposition

(4/r) Les diffêrences de forme avec I'allemand seront envisagées dans


I ranalyse.
108 -

d'Emile Benvânisteentre I'histoire et le discours (45). L'histoire

est "Ia présentation des faits survenus à un certain momentdu temps,

sans aucune intervention du locuteur dans Ie récit." (46) A ce titre,

les élêments temporels prêsents dans I'ênoncê seront non-

déictiques: "La veiLle de I'accident, il avait rêparé sa voiture'r.

"La veiLle" n'est pas directement repérê par rapport au rpment

d'âronciation, mais plutôt par rapport â "accident". Dans le cadre du

discours en revanche, on dirait: "hier, iI a rêparé sa voiture",

"hier" faisant rêfêrence au momentde 1'ênonciation. 0n a ainsi toute

une série d'oppositions entre l-es temps du rêcit et du discours

(Harald hleinrich parle du "temps raconté" et du "temps commenté"en

reconnaissant que sa distinction doit beaucoupâ celle de Benveniste

(47)), entre les élânents adverbiaux (Ie lendemain/demain), entre

les groupes prêpositionnels (quatre jours après/dans quatre jours).

Ce n'est pas te but de ce travail de faire me typologie de toutes

ces formes, de trouver des critères de diffêrenciation tels les

couples duratif,/ponctuel ou attitudes rêtrospective/prospective (48 ).

Mais la problânatique de la temporalité n'est pas épuisée pour

autant. I1 faudrait encore évoquer I'opposition entre "temps de

Itênonciation" et "temps de ltênoncé" ("Je me trouve en ce mqnent

m ê m eà B e y r o u t h . . . . " / "J'êtai.s hier encore à Beyrouthr'), et Ie

(45) 0n sait les critiques q,ri ont pr.rêtre form.rlêes contre cette
dichotomie notammentpar KERBRAT-0RECCHI0NI Catheriner oP. cit.' et
CERVONIJean, op. cit., qui prêfèrent la remplacer PaD une opposition
objectivitê/subjectivité. Ces auteurs nous semblent cependant plus
complêter ol 4profondir Ia pensôe d'Emile Benvêniste que la remettre
fondamentalement en question.
(46) BENVENIST EE mile, ç. cit., p. 2t9.
( 4 7 ) I É I N R I C HH a r a l d , q . c i t . p p . 2 5 - 6 5 .
(4S) Notions empruntées â MAINGUENEAU Dominique, "Embrayeurs et
repérages çatio-temporels", p.42-44.
-109-

du ressage diffêré,
phénomène fréquent â Ia têlêvision, où il

n,y a pas simultanêitê entre l'émission et Ia rêception du nessage:

c,est fe cas de Ia majoritê des reportages. Commentles journalistes

traitent-ils ces aspects? Les passent-ils sous silence, les acceptent-

ils ou bien essaient-ils de Ies transformer? L'analyse essaiera de

répondre â ces questions.

2.3.2.2. La modalitê:

La modalité - au vu de la richesse et de la complexité du sujet t

il vaudrait mieux parler des modalités- est le deuxièmegrand domaine

de l'ênoneiation. Si les linguistes sont plus ou rpins d'accord sur

I'idée de base, â savoir çe la modalité est "une assertion

complêmentaireportant sur l'ênoncê d'une rel.ation" (49), voire sur

une définition plus comptête g-ri dêfinit la rnodalité comme

L'assertion supplêmentaire qui vient s'ajouter au contenu

prêpositionnel, assertion qui a elle-même pour c-ontenu un point de vue

du sujet parlant, le consensuss'arrête Ià. Les oppositions se situent

surtout au niveau è I'êtendue dr domaine. Dtaprès I'analyse de Jean

Cervoni (50), certains, commeAndrê JoIy, ont une conception très

extensive de Ia modalitê et I'assimile â I'expressivitê, ce qui fait

qu'ils re conçoivent aucun acte de langaç d'où la nodalitê serait

totalement exclue. D'autres envisagent seulement "un rnyau dur" de la


t'une dêtermination concernant Ia
modatité qui, au niveau loqique, est

( 4 9 ) B E I { I , E N I S TEEm i l e , o p . c i t . 1 I . ? , p . 1 8 7 .
( 5 0 ) C E R V ( NJI e a n r o P . c i t . , p P . 6 5 - 1 0 2 .
110-

vêritê de Ia proposition qu'elle affecte", Qui "traduit de façon

earactêristique les mtions des carrés alêthiques, dêontiques et

êpistémiques" et qli "porte SUr une propositionrr au sens large du

terme (51 ). Au niveau linguistique, elle se manifeste par les formes

impersonnelles ("II faut que tu sortes"), par les "auxiliaires de

mode" ("Je peux le faire")r par des adjectifs ou adverbes dérivês des

formes npdales ("Il sera certainement en retard").

Mais Ia forme contrastive de ce travail pose un problême: la

modalitê est un phénomênequi a ses caractéristiques Propres dans

chaque langue. Mêmesi nous êtablissions un degré de rpdalisation

pour les JT dans chaque pays, on ne pourrait dêterminer Si ce niveau

est dû à la langue elle-même - iI se peut que I'une des deux langues


-, â la langue
soit "naturellement" plus modalisée que I'aut1e
journalistique en génêral - si eIIe existe dans I'un ou I'autre pays

ou à un usage personnel de la langue. Entre l'êcueil de mener une

analyse contrastive de fond de ce phénomène,qli serait hors de la

dimension de ce travail, et celui de comparerr sans des base:';

il'Éùri'fLe:s r;ûres, ce qui ne nous paraÎt pas comparabler nous

prêfêrons laisser ce domaine de côté sans présumer Pour cela des

résultats que pourrait apporter une êtude plus +profondie.

2.].2.J. La praqmatique

Le troisième aspect qu'il faut êvoquer quand m Ôorde

(51 ) ibidem
111 -

I'énonciation est la pragmatique. Cqnmele note justement Dominique

Maingueneau, "on rencontre de plus en plus dans la littérature

linguistique Ie terme de pragmatique pour désignel un champde

rec*rerche qui, à ltêvidence, recoupe très fortement celui de la

théorie de 1'ênonciation." $2) Il faut bien discerner deux courants:

le premier, bien dêveloppê en France (rt), s'occupe des embrayeurst

des modalitês, du discours rapporté; Ie deuxiême, d'origine

anglo-saxone, s'intéresse plus à la problânatique des actes de

langaç. Tous les deux ont en communoommecondition sine qua non

I'intêgration de l'énonciation à toute étude linguistique. 0ù nous

situons-nous? VouLant faire une analyse sâniolinguistique (.54), it

faudrait aussi appliquer Ia pragmatique â I'imager aux çstes, etc

L'imaç constitue-t-elle un "acte de langage", retrouve-t-on chez ell-e

lu' r'ci- r r i , , r i : j J x :a c t e l o c u t o i r e , illocutoire et perlocutoire?

L'absence de thêorie constituêe sur ce sujet rpus rend prudent.

Certains chercheurs commeLutz Huth essaient d'appliquer les idêes de

base de la théorie des actes de langage à I'analyse & Ia

communicationaudiovisuelle. Nous reproduisons ici son schéma(55):

(52) MAINGUENEAU Dominique, Approche de 1'ênonciation en linquistique


française, p. 4
I-53J ilnty a pas de mot en allemand pour traduire ce concept.
(Ar) Nous croyons avoir montrê assez clairement que rptre êtude sera
autant sâniotique que linguistique pour employer oe vocable' drailLeurs
utilisê par d'autres linguistes. Par exempler CHARAUDEAU Patrickt
Lanoaqeet discours. Elânents de sêmiolinquistique, Paris, Hachette'
198t, 175 p.
(55) HUTHLutz, "Bilder als Elemente kommunikativen Handelns in den
Fernsehnachrichten'r, in Zeitschrift fÛr Semiotik, Band 7, Heft 3,
1985, p. ?1O.
-11?-

syst+ è sigres systÈres vis-els

firqdstiq.€s rm wrba.x

prçositim

æte lccutoire - Éf,ensrce éfârEnt visuel (i*ç)

- prâJication

æte illæ.toire cléclaratim æpot ccnmnicatif

Huth Ie reconnaît lui-même, l'association


Comme est encore vague

et des termes comme"élânent visuel" ou "apport communicatif"

mêriteraient des prêcisions complêmentaires. Quant â I'acte

perlocutoire et au couple performatif/constatif, il est absent.

Essayons d'analyser le schémapoint par point en prenant appui sur

par lracte locutoire:


Austin et en commençant

- "Nous avons distinguê assez schématique{nenttrois actes:


phonétique, phatique et rhêtique. L'acte phonêtiquer c'est fa
simple production de sons. L'acte phatiquer c'est Ia production
de vocables ou rnts, c'est-â-dire ê sons d'un certain type
appartenant â un vocabulaire (...) et se conformant à une
grammaire. L'acte rhêtique, enfin, consiste i;- enPl'l:yer- oes
vocables dans tn sens et avec ule rêfêrence plus or moins
déterminêe." (56)

( 5 6 ) A L S T I NJ . L . , Q u a n dd i r e , c ' e s t F a i r e , P a r i s , E d i t i o n s d u s z u i l '
1 9 7 O ,p . 1 0 9 .
115 -

0n peut facilement envisager l'êquivalent de I'acte phonêtique

dans Ia sêmiologie de I'image: c€ serait la simple prod.rction

d'images. Certes elle s'opère diffêrerunent (mise en oeuvre de mlyel-

bea.r'o,ru plus importants, décalage temporel entre la productr:n et

I'ânission très frêquent), nais elle existe. Les choses se compliquent

dans I'acte phatique: commentparler de "vocabuLaire" ou de


'rgrammaire"?Certains sous-systèmesde I'image commele code filmique

fonctionnent bien selon certains principes, mais iI a étê montrê que

les grammairesde l-'image sont des mtions très instables. Quant â

I'acte rhêtique, il pose de nouveautoute Ia problêmatique de la

sêmantique de I'image que nous avons déjà abordée.

L'acte illocutoire s u p p o s eq u ' e n p l u s d e l ' , a c t e " I o c u t o i r e "

(produire une image douée de signification en combinant des signes),

I'êmetteur produit un second acte, d'une autre nature, qui serait

informer, interroger, avertir, etc. De prinre abord, iI semble logique

de manière génêrale que Ie prêsentateur, en parlant d'une rêunion

entre ctrefs d'Etat, veuille informer le publicr QU'en évoquant Ie temps

du lendemain, il veuille I'avertir. Lutz Huth essaie de dresser une

sorte de typologie d'où nous tirons deux exemples:

rNous-y
"2. 0n peut retrouver Ie thàne de la preuve par-
êtions r' partout où la prêsence dl mediumest thêmatisêe
verbalement ou visuellement.

t. 'Tu te rends compte' pourrait être I'injonction portêe


par ces images qui nnntrent Ie tragique, I'incroyable ol
I ' i n d i c i b l e . " ( 5 7)
114 -

ces exemples sont intéressants. En effet, Ie reporter filmê

devant un bâtiment officiel ott les images d'une inondation peuvent

avoir cette fonction. Mais nous ne sormes pas sûr qu'ils soient des

actes de langage. Ce ne sont peut-être que des élânents du sens,

voire des fonctions de I'image. L'auteur êprouved'ailleurs des

difficuttés â formaliser de manière abstraite ces actes.

En ce qui concerne 1'acte perlocutoire, son application pose

moins de problêmes: I'effet sur les sentiments otr les actes de

I'auditoire, qui peut se rêsumer par des verbes commepersuader,

alarmer, inquiéter, induire en erreur, est évident. Deux exemplesvont

Ie montrer: d'une part, il est certain que, mêmesi les mêcanismesde

fonctionnement ne sont tous mis â jour, une affiche publicitaire veut

faiie acheter. D'autre part, certaines analyses du JT insistent sur cet

effet, m ê m es i e l l e s n ' ê v o q u e n t p a s I ' a c t e p e r l o c u t o i r e : c ' e s t l e c a s

du travail de Gérard Leblanc pour qui le JT fonctionne selon Ie modêle

suivant: darts ,.tilL)proartl-:.ère


phase, iI alarme en nontrant "un monde

(qui) est en dêsordre alors qr'il devrait être en ordrerr (59)' et

dans un deuxiène temps, il rassure en lrpntrant ce qui est fait par

I'Etat pour pallier cet êtat de fait.

(57) "2. Das Beleg-Motiv 'lrtir waren èbei'wird dort erkennbar, t'uodie
-i. 'Stell
Prâsenz des Mediuris verbal oder visuel thematisierl si.r'J"
dir das vor'kônnte die Anueisung jener Bilder çnannt u,rerden,die das
Erschûtternde, ttrglaubliche oder mit hforten nicht hliedergebbare
zeigen." in HUTHLutz, "Zur handlungstheoretischen Begriindung der
ver6alen und visuellen Prâsentation in Fernsehnachrichten", p. 132.
Cé r a r d , o P . c i t . , P . 5
( 5 8 ) L E B L A NG
115 -

I1 faut enfin êvoqrer I'opposition constatif/performatif.

Certains, commeJules Gritti (59), n'hésitent pas à parler d'image

performative â propos des scoops (images-êvênenrents).Il justifie

cette appeltation en êtablissant en quelque sorte tne double êchelle

(linguistique et iconique) et utilise le terme qui désigne ".Les

performances Les plus fortes" (60) d'un système pour caractériser ce

qui serait Ie correspondant dans I'autre système. Il y a là non

seulement une part subjective rron nêgligeable dans les critères

d'apprêciation, mais aussi un saut épistânologique, â notre avis, rpn

justifié. En réalité, f imaç semble beaucoupplus constative que

performative: il est plus facile de faire signifier â une image "iI y

a des bouchonssur la route" que.de donner I'ordre au rêcepteur de re

pas prendre sa voiture. Mais que faire alors de toutes les images

publicitaires qui n'existeraient pas sans cette fonction dont on .Les

investit? Guy Gauthier résune ainsi Ie problème:

"0n peut donc dire - rmis en modifiant I'esprit de la dânarche


d'Austin- que I'image est tn énoncê constatif faible, mais en
revarnhe un âroncé performatif à action largement diffêrêe et
à rendement incertain. Toute image mise en circulation est
destinée, dans rptre civilisation en tout cas, à convaincre
(p:blicitê et propagande), ou â rapporter argent ou gloire â son
auteur. Ces choses lâ ne sont pas dites, mais dans le domaine de
I'image, elles souffrent peu d'exceptions." (61)

Dans cette analyse rapide des problèmes posês par I'utilisation

de la thêorie des actes de langage pour I'étrde dl message

audiovisuel, on a pu voir que le transfert ne se faisait pas sans rnlt

( 5 9) GR IT T IJu l e s,'rL e JT: ses imageset son image"rin Dossier sde


fj l s u e , Ln' . 1 1 , P . 2 5 .
(60) ibidem
116 -

sans compter que I'utilisation mêmedes terrnes "loeutoires,

illocutoires et perlocutoires" I'locutio"


avec leur racine commtrrre est

gênante pour rn système qui, s'il est un langage, n'est Pas une

langue (62). CeIa ne veut pas dire quron ne puisse concevoir une

pragmatique du rESSageaudiovisuel (63). Mais une recherche thêorique

plus approfondie nous semble nêcessaire: si elle aboutit, elle

permettra d'établir une passerelle entre les deux directions de

recherches dans les messagesaudiovisuels, la sêmiolinguistique et la

sociologie. Notre dêsir constant de ne pas travailler au niveau de

l a m ê t a p h o r e( c f . c h a p i t r e 5 . 2 . 2 . ) r p u s i n e i t e â n e p a s a l l e r p l u s

loin dans cette voie. Elisêo Véron, Iui aussi, prend ses distances

avec Ia pragrnatiquelorsqu'il êtudie Ie JT (64), en êvoquant entre

autre le fait qu'elle est essentiellement linguistique, qu'elIe

travaille souvent sur des exemples produits par I'analyste et donc

coupês de tout contexte, et que certaines notions qu'elle développe

commeI'acceptabilitê ou la dêviance d'une forme ne se posent pas dans

les messageszudiovisuels qui, eux, sont attestés. Pour lui, parler de

pragmatique serait faire des discours sociaux (et le JT en est un)

" u n e s o m m ed " a c t e s d e l a n g a ç s " ' (65), ce quril n'est certainenent

pas. Malgrê le succês de la pragmatique dans les êtudes les plus

rêcentes qui fait que ce terme a peu â peu intêgrê celui

( 6 1 ) G A U T H I EGRu y , V i n q t l e ç o n s s u r I ' i m a q e e t l e s e n s , p . 1 8 1 .
(62) cf . 1[TZ Ch;is '.
(61) lrlousentendons ici "pragmatique" au sens étroit tel qu'il a étô
dêveloppê par Austin, Searle et d'autres â partir de la trilogie de
Morris, et non pas au sens large tel quril est utilisé par d'autres -
ce qr.ri leur permet ê parler de 'rpragmatique'r dans quasiment tous les
domaines.
( 6 l r ) V f n O NE l i s ê o , " I l e s t l à , j e l e v o i s , i l n e p a r l e " r o p . c i t . ,
pp.100-102.
(65) ibidem, p. 1O2.
117 -

dténonciation, et au risque d'aller à contre-courant de la recherche

actuelle, nous ne parlerons donc pas de pragmatique, prêférant

conserver le terme d'énonciation. De plus, les problêmes

nÉthodologiques qui viennent d'être traitês, corme l'étude de la

marque de l'ênonciateur dans son énoncê, font indiscutablement partie

de la recherche du premier courant, représentê par Benvenisten

Jakobson, Kerbrat-Orecchioni, que nous évoquions en dêbut de ce

chapitre, alors qu'elle est un peu nêgligée dans Ie deuxième

(structuraliste, gênérativiste).

Nous voyons donc dans l'étude de l'énonciation un m)yen de mettre

â jour des "noeuds particuLièrement significatifs'r du texte (66), de

remonter à I'êmetteur et au-delâ de tui à I'instance émettriee,

car, note Jean-Paul Bronckart, "dans toute situation, il y a 'celui


( c e u x ) q u i p a r l e ( n t ) e t c e a u n o md e q u o i i l s ( s ) parle(nt)rrr (G7).

Cette distinction est importante dans une société où la libertê de la


presse est une ês valeurs clês. A la diffêrence dr film de fiction

dont "fe principe mêmede son efficacitê (...), est justement

d'effacer les marquesd'âronciation et de se cÉguiser en histoire"

(68), le JT qui se veut expression de ra rêalitê et/ov de ra vêritê

est un discours où I'analyse è l'âroneiation pennet d'analyser le

traitement de l'inFormation. En effet, "s'il existe une part

(66) $JMPFJ. et DIJB0ISJ., "Problèmes de Ianaryse du discours", in


L a n q a q e s ,n . 1 3 , p . 4 .
(67) BR0NCKART Jean-Paul, Le fonctionnerent des discours,
Neuchâtel/Paris, Delachaux
(68) lETz christian, Le siqnifiant im?qinaire, Paris, union Gênêrale
d'Editions, 1977,p. 11t.
118 -

irréductible de 1'énonciation, il en est d'autres qui se laissent

concevoir cûmmerêpétition, jeu, convention" (69). Entre un discours

qui est pauvre en indication sur son énonciation et un autre qui s'y

rêfêre constamment,il n'y a cependant pas, commele fait remarquer

Tzvetan Todorov, d'oppositions entre "qualitês pures, mais ês

prédominancesquantitatives. " (70)

L'analyse linguistique de I'appareil énonciatif, basêesur fa

deixis, Q U i a ê t ê p r o p o s ê ed a n s c e c h a p i t r e , d ' u n e p a r t , e t I a

recherche de la prêsence de l'ânetteur dans les autres systèmes

s â n i o t i q u e s , q u i a é t é é v o q u é ed a n s l e c h a p i t r e p r ê c é d e n t ( 2 . 2 . ) ) ,

d'autre part, sont donc les deux principaux instruments de'notre

travail. Ces deux activités seront menéessimultanânent pour pouvoir

rpntrer pleinement quelles sont les nombreusesinteractions auxquelles

sont soumis Ie texte et I'image et commentces interactions agissent à

chaque instant sur Irensemble du message.

(69) T0D0R0V Tzvetanr "Problèmesde l'âronciat'ion", in Lanqaqes,n. 17,


p. t.
( 7 0) i b i d e m, p . 8 .
-119-

3. L'OBJET ET SON APPROCHE


-120-

5.1. L E JT EN FRANCE EÏ EN R F . A.:

Ce chapitre veut situer I'objet de ce travail dans un cadre

diachronique et sociologique. En effet, d'une part il faut se êmander

si la forme du JT, telle qu'elle apparaît dans le corpusr est une

forme pour ainsi dire invariante d-r çnre JT ou bien si elLe est un

des nornbreuxstades d'une évolution constante, m d'autres termes, si

un corpus plus ancien ou â venir aurait une forme proche ou diffêrente

de celui-ci. Cette question n'est pas vainer car on peut supPoser

qu'tne forme proche donnerait des conclusions similaires alors que de

grandes diffêrences contraindraient â limiter les rêsultats de cette

recherche â la période choisie (1981-1988). 0n mus permettra

d'anticiper la conclusion gênérale de ce travail en disant que Ia

vérité se situe à ni-chemin entre ces deux possibilitês. D'autre

part, I'aspect sociologique nous parait être essentiel et

caractêristique du JT â double titre. D'un côtê, le JT est le

produit collectif d'un groupe três particulier, aux relations

complexes, â la fois rigides et souples, et cette structure agit

profondênent sur sa forme. Drun autre côtêr Ie JT est un "fait


'=:::::...:'
-'-. --

121

social", gui englobe, en plus du groupe précitê, des "autoritês de

tutelle" et un vaste public, et où les intêrêts politiques et

économiquessont orni-prêsents.

La prise en compte de ces trois aspects (diachronie de La forne

du JT, le JT produit d'un groupe et le JT phénomàresocial), plus

qu'un exercice imposê, rpus semble être me véritable nêcessitê. Le

JT n'est pas un acte de communicationindividuel et gratuit: regardé

par des millions de télêspectateurs, il est Ie reflet d'une époque, le

m e s s a g eq u ' u n e s o c i ê t é s ' a d r e s s e à e l l e - m ê m e .

3 . 1 . 1 . D I A C H R O NDI E L A F O R MD
EU J T :

11 n'est pas question ici de faire un historique du JT. Ce type

de recherche, qui reste d'ailLeurs à faire, serait trop vaste, devrait

envisager trop d'aspects (êvolution des institutions, développementde

la technique, changementsde la programmation, ...) pour être

seulenent rêsumêe ici. En revanche, il nous paraît possible de

rappeler quelques étapes de l'êvolution de Ia forme dr JT en France et

en Allemagne, bien que la difficultê d'accês aux documentsconservês

en archives et Ie nombre très restreint C'ouvrages scientifiques

consacrés â ce sujet n'apportent ç'une aide timitêe à Ia mâmoire

personnelle de I' auteur.

Avant d'aborder le JT proprement dit, il faut êvoquer son


122 -

"ancêtre": ce sont les "Actualités"r c€S séquencesde dix â vingt

minutes projetêes avant un long mêtrage au cinéma. Diffusêes certes

par un autre redium, elles êtaient cependant Ia première information

visuelle & masse. Leur forme était très caractêristique: des images

du nnnde entier, sans son d'originer avec des commentairessouvent

emphatiques et une musique orrriprêsente; les séquences se succêdaient

rapidement sans lien entre elles: c'est ce gue Enzensbergerappelle


rrun mondeen petits morceaux" ( 1 ). Efaborêes sous des contraintes

culturelles (elles sont souvent vues par tn public rnndial ), sous des

contraintes idéologiques ("Chapeaubas devant les autorités", "Vive fe

p r o g r è s " , " L e p a r a d i s d e s b a d a u d s "( 2 ) ) , s o u s d e s c o n t r a i n t e s

économiques(une édition doit pouvoir rester le plus longtemps

possible dans les circuits & distribution), elles n'êtaient en fait

jamais actuelles. Si la naissance des JT ne les dêtrône pas tout de

suite, leur tempsest compté:la force du direct et la rapidité de

t r a n s m i s s i o nd e I ' i n f o r m a t i o n v i s u e l l e ( c a r s v i d ê o , s a t e l l i t e s , ...),

le dêveloppementd'une forme proPre au rnodetêIêvisuel et Ie nombre

toujours plus grand de Éfêviseurs font qr.reles "Actualitês" ne

peuvent bientôt plus soutenir Ia concurrence. Mais leur disparition ne

veut pas dire que les principes qui Ies guidaient aient êgalement

disparu. C'est I'objet de toute une partie de la critique

têlévisuelle qui, bien que ne faisant Pas partie directement de notre

(1) ENZENSBERGER Hans-Magnus,"Un mondeen petits llnrceaux. Dissection


d'actua1itêsfiImêes'',inENZENSBERGER|.|ans-Ma9nus,@
126-160.
( f f i m , p . 1 3 'Paris,
-condition, 5 6 . C eGénérale
, 1 J 5 e t 1Union l q u e s e x p r e197tr
s o n t q u ed'Edition, s s i o nPP.
s
qu'Enzensberger utitise pour caractériser I'idêologie des "Actualitês"
dans son essai caustique.
12t -

qr infirmer
propos sêmiolinguistiquer mus intêresse pour corroborer

certaires de rps conclusions.

C'est en 1949 que le premier JT est réalisê en France: c'est une

succession de documents filmês, tournês pour les deux tiers à Paris,

achetês pour Ie dernier tiers (province et étranger ) à des agences

cinématographiques (l); mais Ie responsable, Pierre sabbagh, n'hêsite

pas à réaliser de grands reportages en direct: dans son Histoire de Ia


- un
radio et de Ia têtêvisiQQ, Pierre Miquel raconte Ie premier

voyage en ballon cSJi se termina par un accident, mis qui alt l'effet

de faire entrer de plain-pied le JT dans Ie ômaine du spectacle et

dans le succès (4 ). Après dix annêes où les Français se sont

lire
habituês â voir wr frommme des textes et anoncer des reportagest

trois innovations techniques vont faire êvoluer le JT: l'adoption du

systàne couleur SECAM,qtri va petit â petit permettre aux Français

de recevoir les êmissions en couleur, I'apparition du magnétoscope,

qui ouvre, au niveau de la production, des possibilités de rnontageet

d'archivages inconnues jusque-lâ, et enfin Ie satellite Telstar, guit

lancé en 1962, ret I'Amérique en liaison directe avec I'Europe' Ces

trois innovations vont influencer fortement aussi bien I'image que Ie

choix des sêquenceset Ia structure du JT. De plus, I'apparition de la

èuxièrne chaîne va établir une situation de concurrence çi va se

traduire, jusqu'à nos jours, par une recherche pointilleuse du dêtail

qui fera Ia diffêrence: on assiste â de nombreuxchassés-croisês ou

(l) source: BRUSINIHervê, JAI4ES Francis' Voir la vêritê. Le


journalisrp de têIêvision, Paris, Presses ffirancet
1982, p. 44.
( 4 ) M I Q U E LP i e r r e r o P . c i t . , P . 1 9 4 .
124 -

imitations &ns la présentation (un ou deux journalistes)r dans le

dêeor (tour à tour futuriste, technique ou sobre), dans le choix des

points forts (thèmes plus abstraits ou de la vie courante), dans les

membresdes rédactions. Ces changementsâ répétition dans la forme

du JT ne sont pas tant le fait de réformes de fond qui ont marqué les

institutions (commepar exemple, Ia suppression de I'ORTF ou Ia

privatisation de TF1) que d'individualitês, rêdacteur en chef ol

présentateur, qui donnent au JT leur marque pendant un temps qui va de

quelques semaines à quelques années. Il est rare qr"une rentrée"

n'amène pas quelques npdif,ications dans les gênêriques, dans Ie

dêcor, ... Ça bouge beaucoupà fa têlêvision française et c'est

1â une des difficultés de I'analyse qrand on travaille sur du matériel

en temps rêel: arriver à distinguer c€ qui fait partie de

I'anecdotique, qui disparaîtra avec Ie prochain présentateur, de ce

qui concerne vraiment Ie genre et en restera une caractéristique

const it uante .

En Rêpublique Fêdêrale, les circonstances historiques ont fait

que le premier JT a vu le jour plus tardiverent. Après une annêe

d'essais, oti un journaliste, Victor Svoboda, retravaille les images

des Actualitês et lit en voix off mais en direct son propre texte, le

N. 1 fu "Tagesschau" est diffusé Ie 20 dêcembre1952 pr le NhIDRde

Hambourg.Des âluipes de reportage çi lui sont propres, le mtêriel

que Iui font parvenir les stations rêgionales lui permettent peu à peu

de prendre son indêpendance par rapport aux Actuatitês. Ce nrest qu'en


-1?5-

1959 qu'apparaÏt le premier 'Mister Tagesschauf(5) qui lit les

informations rêdigées par des journalistes et accompagnêesde photos

en fond: le JT a alors une forme très près de celle que nous lui

en France, les années 70 apportent deux


connaissons maintenant. Comme

nouveautês techniques: la couleur et le système "blue screen" (6).

Depuis, à part quelques êvolutions techniques lentement distillées au

spectateur (7), la forme du Tagesschaun'a que três peu évoluê. Le

changementest venu de la deuxiême chaîne de têtévision qui démarre

le 1er avril 1965. Voulant se démarquer de Ia concurrence, le journal

têlêvisê 'rheuterressaie diffêrentes formules visant Ia structure de

prêsentation (imitant le système anglo-amêricain qui fait alterner les


'
"hard" et les "softtt news), Ie nombredes personnes (de nombreux
journalistes intervenant), I'attitude du prêsentateur (résultant d'une

dêcontraction soigneusementêtudiêe), I'ambiance gênêrale (une

ânission en train de se faire). Ces essais sont particuliêrement

intéressants pour nous, car ils rappellent Ia forme actuelle des JT

français. Pourtant, certaines formules ne durent pas plus d'une

semaine: la critique n'a pas de mots assez durs pour les décrire, même

plusieurs annêes 4rês:

(5) D'aprês STRASSNER Erich, Fernsehnachrichten, p. 6.


(6) Ce systàne permet de fondre en une seule image deux images prises
sêparêment: le prêsentateur et une carte par exemple.
(7) ftt peut citer le cas de la 'rPaint box", véritable ordinateur de
crêation graphiqræ aux possibititês ruItiples. Lors de son
introduction, on a commencêpar reproduire êlectroniquement les mênes
cartes que lron avait faites auparavant manuellement.
_126_

"mais les journalistes ne proposaient pas tant ès faits et


des point de vue: ils se prêsentaient drabord et surtout
e u x - m ê m e s . ( . . . ) L a t â c h e , a s s i g n é ep a r l a C o n s t i t u t i o n , q u i e s t
d'informer de nnniêre aussi objective q.re possible le public sur
les êvênerents nondiaux actuels, Ieurs causes et leur contexte,
n'était pas remplie. (8) Enfin, l'êmission ne ressernblait pas
tant à un atelier (U'à un chantier." (9)

De ce vent de rêvolution qui a soufflê sur "haJte", iI ne reste

aujourd'hui que quelques diffêrences majeures sur lesquelles nous

reviendrons en dêtail dans I'analyse (10).

Un dernier point rous semble essentiel dans ce survol

diachronique de la forme des JT en France et en Allemagne. 11 est en

effet souvent question du traitement diff,êrent de I'information dans

chacun des deux pays: Ies journalistes allemands opposeraientr depuis

les dêbuts du JT, nettement I'information et I'opinion, Ie compte-

rendu et Ie commentaire. Leurs colldgues français ne semblent jamais

I'avoir fait ou bien n'en mt jamais parlê. Toujours est-il qu' en

(8) Ce que Erich Stra0ner oublie de prêciser, c'est que ni dans Ia


Constitution, ni dans les lois sur I'audiovisuel, ni dans le cahier
des charges des offices, il n'est fait allusion à la strueture, à ta
Formedes émissions d'information. Et pour cause!
(9) "Aber die Mitarbeiter boten weniger Fakten und Ausblicke: sie
I
prâsentierten sich zuerst imner selbst. (...) Auf èr Strecke blieb
die verfassungsgemâBe Aufgabe, die môglichst objektive Unterrichtung
der Bevôlkerung ûber die aktuellen Geschehnissein der lteltr ihre
Hintergrûnde und Zusammenhânge. Die Sendungzeigte auBerdemweniger
hlerkstatt-, sondern eher Baustellencharakter.r' dans STRASSNER Erich,
F e r n s e h n a c h r i c h t e n rp . 1 1 .
@ucoup plus corstantes qu'entre les deux chaînes
françaises, sont rêsunêes ainsi par Klaus-Peter Dencker: "prêsenter
l'êmission rheute'avec tne'human touch'face au caractère neutre et
officieux du rTagesschau"' ("die tteute'-Sendung mit einem 'human
touch' gegenûber dem reutral-offiziôsen Charakter der rTagessehau'
anzubieten") in DENCKER Klaus Peter, "Der subjektive Blick dtrchs
0bjektiv", in STRASSNER Erich, Nachrichten, p. 151.
127 -

Allemagne, cette diffêrerciation est rêpêtée avec force citations de

textes de loi â I'appui (11) et se retrouve dans les typologies de

textes du JT (12). Derrière ce problème s'en cachent en fait d'autres:

celui de I'objectivitê, de la clêfinition rfemedu terme d'information,

de sa traduction concrète en mots et en images, notions qui ne sont

pas forcément identiques dans les deux pays. Il n'entre pas dans notre

propos de les rêsoudre tous. Il mus semble cependant important que Ia

problêmatique soit mise â jour. L'analyse du discours têIêvisuel

pourra nous montrer les ctroix faits par les journalistes au niveau de

la prise en charge du discours par son énonciateur; les autres points

n'êtant pas d.r ressort de notre analyse, nous ne pourrons nous avancer

plus.

A partir de cette prêsentation très succinte de I'êvolution de la

forme des JT en France et en Allemagne, on peut affirmer que mus

avons affaire Ià â deux conceptions radicalement opposêes: d'une part,

le renouveau constant semble être un élânent ncteur des JT français,

d'autre part, la pêrârnitê des ctroix faits pour Ia forme

des JT allemands paraît être êgatement un facteur essentiel (11).

( 1 1) A R N O LB De r n d - P e t e r , ç . c i t . , W . 7 1 1 2 1 3 6e t 3 7 .
( 1 2 ) S T R A S S N E rRi c h , f e r n s e h n a c h r i c h t e n ' p . 1 8 5 .
( 1l ) L'argument parfoiffinces dans l'êquipement
techniqr.re des offices ne tient pas: les télêvisions françaises et
allemandes disposent de possibilitês techniques à peu près
êquivalentes, mais c'est I'usage qri en est fait varie énormêment.
-128-

3.1.2. L E J T P R O D U IDT' U N G R O U P E :

Des deux côtês du Rhin, le JT est apparemmentI'affaire d'un

homre, QU'il s'appelle présentateur ou speaker. Mais, dans les deux

cas, se cache demière lui tn groupe à forme pyramidale dont il est le

sorunetvisible. Pour I'aider, il a &s eollaborateurs proches, puis un

groupe de cent à deux cents personnes (journalistes, techniciens, ...)

qui participent directenent à la production du JT (4). Ce groupe

n'est lui-même çe le relais d'autres groupes qui mt produit ou

transmis I'information. Il faut en effet évoquer ces milliers de

journalistes des agences çi reçoivent, transforment, retiennent ou

transmettent I'information et avec euxr les difFêrentes sources

d'information dont disposent les râlactions. 0n peut les classer en

sources êcrites et en sources d'images.


- Les sources écrites: Ies agences de presse suivantes sont utilisêes

en France commeen Allemagne: Associated Press, Reuter et Agenee

France Presse. Les chaïnes aLlemandessont également abonnéesà

Deutsche Presseagentur et Deutscher DepeschenDienst. De nombreux

contrats sont passês entre toutes ces agenceset d'autres pour la

fourniture d'informations venant de certaines rêgions du nnnde, de

telle sorte que le rpnde entier est plusieurs fois couvert (15).

(14) D'après Ies Dossiers de I'audiovisuel, n. 11, janv.-fêv. 1987,


p.48r les rédactions de TFl et A2 disposent de 200 journalistes
chacune, a.l.ors que les râJactions de Tagessehauet heute comptent
environ cent personnes. Mais les chiffress sont difficilement
eomparables, car le personnel nra pas toujours le mêmestatut
(pigistes/ "stândige Mitarbeiter").
(15) Cela fait d'ailleurs partie des règles d'or dl journalisme que,
si tne information n'est donnêe que par une seule agence, celle-ci
soit rentionnêe commesource.
129 -

- Les sources d'images: il y a s u r t o u t . l . " E u r o v i s i o n N e w sE x c h a n g e "( o u

EVN) qui est dirigé par I'organisme qui coordonneles têlêvisions

europêennes, l'U.E.R., chaque pays nembreoffrant et prenant. EVN

relaie aussi trne partie des ânissions de IVN, Qui est son équivalent

dans les pays de I'Est, les deux grandes agencesanglo-saxonnes

(Visnews et hITN), les network amêricains et d'autres organismes

régionaux. Grâce â un intermêdiaire unique (EVN), les téIévisions

françaises et allemandes ont donc accès à la quasi-totalitê des images

du marché international (16)r la part des agencesql des journalistes

indépendants êtant très rêduite.


- Chaqr.re
chaîne a ensuite des bureaux dans son propre pays, Ia

situation étant un peu diffêrente d'une chaÎne â I'autre (17). EIIe

a âgalement des correspondants à l'étranger, voire des envoyés

spéciaux qui pzuvent faire parvenir des images par voie hertzienne ou

par cassette vidéo.

- Les archives sont êgalement une souree importante qui est sollicitêe

beaucoupplus souvent qu'on ne voudrait Ie faire croire.

- Les liaisons directes avec I'extérieur ou duplex, Ies animations,

les tableaux, les bancs-titres produits en studio et enfin, Ies

directs dr studio, prêsentation, interviews (18), complêtent ce que

Erich Strassner appelle 'run conglomêrat de types de textesr qui

(16) Cette source en grande partie oommune des informations écrites ou


en images est un êlêment intêressant porr celui qui voudrait comparer
le traitement de I'information internationale dans les deux pays.
(17) A l'époque oti mus avons enregistré les JTr lFl et A2 avaient
des accords avec FR3 pour la fourniture d'images rêgionales; ARDa les
stations rêgionales qui la composent et ZDF des bureaux dans douze
villes allemandes.
(18) Cette liste è toutes les possibilitês re signifie pas que toutes
les chaînes les utilisent rêgulièrement.
130 -

imposent constammentâ I'auditeur wre alternance de textes â structure

diffêrent". " (19)

En résumê, il faut voir derrière ces diffêrentes sources ès

hommesqui créent, qui rnrdifient, eui transmettent ou non L'information.

M ê m el o r s q u ' i l s'agit de journalistes d'une rêmechaîne, iI est

rare qu'une sêquencerêalisée par un bureau rêgional soit diffusée

telle quelle (20). Ce qu'il faut donc souligner, c'est Ie nombre

d'intermêdiaires par lesquels passe I'image, et de manière plus

générale, I'information. Ces intermêdiaires pewent pratiquer Ia

rêtention de I'information sous différents prétextes: manque

d'actualitê, m a n g u ed ' o r i g i n a l i t é , trop critique, trop idêologique,

etc ... Au cours d'une rême journêe, â I'occasion des diffêrentes

réunions qui se tiennent dans les rêdactions, la c-ompositiondu

journal évolue selon I'actualité et Ies impêratiFs techniques (21).

Les différents filtres font que I'information devient souvent un

produit standardisê, neutre, et que sur les "environ deux cent mille

mots (qui) arrivent en rnyenne chaque jour par têlex à la rêdaction de

(19) "ein Konglomerat von Textsorten, die den Hôrer stândig mit einen
ldechselbadunterschiedlich strukturierter Texte konfrontieren." in
STRASSNER Erich, Fernsehnachrichten, p. 196.
(20) Lors de jour@les rédactions, rxlus avons pu
constater qu'une séquence est souvent modifiée pour chaque édition de
la journée, bien qu'aucun élêment rouveau ne le justifie, et q.re le
montage d'un reportage peut n'être aehevê que pendant Ie dêbut mêre
du JT.
(21 ) En France oommeen Allemagne, il y a tne rêunion hebdomadairepour
prévoir les grandes lignes de la semaine â rcnir et une rêunion le
matin et tne I'après-midi où ctraque rêdacteur prêsente et dêfend, le
cas êchéant, ilson" sujet. Dtaprès ce que mus avons pu constater, Ies
discussions sont plus consensuelles en Allemagne quren France.
_ 131

l a radio-têlêvison hessoise" (22), bien peu peuvent franchir le cap de

Ia d i f f u s i o n ( 2 t ) .

Il y a donc de la naiveté â croire, oommec'est souvent Le cas en

France, qu'un JT est le fait d'tn seul homme(ou presque), le

prêsentateur. La transformation d'un hommeen star qui peut tout, si

elle sêduit les foules, nous entraîne bien loin de l,information.

Commele souligne Christian Le Peutrec, "en France, commedans la

plupart des pays européens, I'image ne s'impose jamais seule sur

I'êcran. Quelqu'unnous tient Ia main (...)" ( Z t + ) . C e p r o b l ô m ed e I a

mêdiation réapparaîtra dans 1'analyse avec Ia place gue se donne le

prêsentateur dans le nessage d.r JT et dans la concLusion, où il se

dévoilera commeI'un des aspects majeurs et symptomatiquesdr JT en

France.

1 . 1 . 5 . L e J T PHENOMENE
SOCIAL:

Le JT est, en France commeen Allemagne, Ie phénomènede masse

(22) "Etup areihunderttausend Worte kommentâglich im Durchschnitt


ûber Fernschreiber in die Nachrichtenredaktion des Hesssischen
Rundfunks." dans ARNOLD Berndt-Peter, Sie hôren Nachrichten. Schlûssel
zur Information, Frankfurt, Hessischer Rundfunk, non datê, p. 5.
ffiaproportionutilisêesous,neior'eousoUsuneautre
à 1/1O pour Ia radio; le taux pour la télêvision est encore beaucoup
plus faible, p.risqu'un JT emploie roins de êux mille mots (pour
donner tn ordre de grandeur, tn grand quotidien national allemand
utilise trente-cinq à quarante mille rpts (source: KLEIN Christ,ian,
.rflnformation têlêvisêe et sociêtê en R.F.A.'f1 in Information,
économie et sociêtê, Actes d,r Congrês Inforcom 1982, Grenoble,
Presses Universitaires de Grenoble, p. 414).
(24) LE PEUTREC Christian, 'rJournaux TêIâ'visês, in Dossiers de
I 'audiovisuel n . 1 1 , p . 1 1.
- "t32 -


par excellence z Ie 21 octobre 1987, Z8r7 &s têIêviseurs étaient
yo
branchés sur TFl (environ 10 mitlions de Personnes)' 1819 sur A2

(environ 7 millions de personnes) Q5); en République FâJêraIe, on

estime fe nombre de téIêspectateurs qui regardent Tagesschauà 27 %


o,
(environ 11 mitlions de personnes) et ceux qui regardent heute à 21 tO

(environ I millions de personnes) Qe). Ces chiffres sont passibles de

três fortes fluctuations dues aux conditions mêtêorologiquesr aux

programmesc$Ji prêcèdent et suivent Ie JT, etc et vont

certainement aller à la baisse avec Ia concurrence des nouvelLes

chaînes dans Ies deux pays. Il n'en reste pas moins que presque vingt

millions de personnes regardent, chaque jour, un JT de chaque côté dr

Rhin. cet ordre de grandeur donne tout son poids au terme de


réalisant le plus
" c o m m u n i c a t i o nd e m a s s e " . L e J T , c r e s t " l ' â n i s s i o n
fort taux d'audience" (2t t, émission de plus journalière: Francis

Potrlle et Roger Bautier résument la situation par cette citation d'un

j o u r n a l i s t e : " c ' e s t l a g r a n d en e s s e " ( 2 8 ) '

Par êlâ cette massedont le comportement,malgrê les nombreuses

enquêtes et sondages d'opinion, rêserve parfois des surprises, et

au-dessus des journalistes, il y a les autoritês de tutelle: en

France, ce fut, jusqu'en 1981, le çuvernement. Quandon sait que Ie

(25) Chiffres citês dans Têlêrama, n. 1974, du 14 au 20 novembre


1987, p. 8.
( 2 6 ) S Ï n n S S M nE r i c h , F e r n s e h n a c h r i c h t e n ,P ' ^ - 1 2 '
iiil ImECLINPierre,'"@ quqtg de rpdernité: é
nouveaux traitementé Oe I'image au journal têIêvisê in MIEGEBernard
et alii, Le I' P. "457.
iZe j pOulfffiançois, BAUTIERRoger, "Les journaux têlêvisês de
vingt heures *nÉ-ifé des journaux?i' dans MIEGEBernard et alii'
td' P. 101.
13t -

directeur de I'information de la têleÛision française avait son

b u r e a u j u s t e a u - d e s s o u sd e c e l u i d : m i n i s t r e d e I ' I n f o r m a t i o n ( ! ) r on

a Lr'teidée de la façon dont srexerçait la tutelle... Après cette

date, ce sont succêdês diffêrents organismes au nom changeant (29)t

aux pouvoirs plus ql rpins êtendus, dont les membresétaient nommês

par les plus hauts personnagesde I'Etat. Ces organismes ont êtét

chacun â leur tour, chargés ê veiller au respect du cahier des

charges des chaines. En R.F.A., ARDet ZDF ont un conseil

d,administration dont le rôle est de veiller au bon fonctionnement de

I'office dans tous les domaines. En plus de toutes les catégories

professionnelles de ta têIêvision, de mmbreux groupes sociaux y sont

reprêsentês: Ies syndicats, Ies êglises, les partis, diffêrentes

associations (10). Mais parler des zutoritês de tutelle, gu'elles soient

françaises ou allemandes, sans évoquer les annonceurspublicitaires

serait avoir une vision simpliste des choses.0n sait que les crênaux

horaires publicitaires dont le coût est le plus êlevê se situe dans

le "prime-time", et particulièrement avant et après Ie JT (11). Il est

difficile ê s'imaginer que les sommesen jeu, dans des situations de

eoncurrence aussi fortes qu'elles le sont maintenant, n'aient aucune

inf,luence sur la programmation.

(29) 1981-86: La Haute Autorité;1986-1988: Le Conseil National de la


Cqnmunication et des Libertés; depuis 1988, Le Conseil Supêrieur de
I rAudiovisuel.
(10) Source: GR0SSER Alfred, L'Allemaqne en 0ccident, Paris, Fayard'
1985, p. ,2t.
(]1 ) l.trus ne préfêrons donner a,rcun chiffrer car la situation
d'êconomie & marchê fait que les variations entre les ehaines, les
paysr les jours, sont très grandes. Pour donner ur ordre de grandeurt
on peut dire çe d'un côtê I'on compte en Secondeset de I'autre, en
dizaines de milliers de francs.
134 -

Ce chapitre J.l . a donc permis de rappeler quelques élêments

qu'iI sembleessentiel d'avoir â I'esprit lorsqu'on travaille sur le

JT des deux côtés dr Rhin. En terres de marketing, on poumait le

définir commem produit de masse (32), Fruit d'une haute technologie

et dr travail d'un groupe très çéciatisé reprêsenté par un individu

tnique, d'une forme très constante en Allanagne, três changeante en

France. Ce rappel succint devrait empêcherI'analyse "en chambre"

d'oublier les contingences politiques et économiquesqui ont prêsidê

à l'élaboration du JT.

(12) Dans les deux sens ô terme: è plus en plus par Ie nombre de JT
produits (rrultiplication ês ctraînes, des éditions) et de toute
manière par le rpmbre de spectateurs auxquels ils s'adressent.
-135-

'.?. LA DEMARCHE DI APPROCHE:

] . 2 . 1 . U N P O S I T I O N N E } ESNCTI E N T I F I Q U E :

ce travail part d'une double constatation: la première est

I'attitude souvent hostile des spectateurs d'un pays à la forme du JT

d e I ' a u t r e p a y s ( 1 ) . P o u r r ê s u m e rl e s c h o s e s , u n J T a l l e m a n d e s t

ennuyeuxaux yeux des Français, un JT français est tout sauf

informatif et fiable Pour un Allemand. L'explication populairer 9uê

I,on trouve mêmedans des travaux scientifiquesr est simple commeun

clichê: le JT serait Itexpression d'une part, du catactêre "sêrieux"


fait
allemand, et d'autre part, de Ia "gaudrio}e" française' L'autre
quit a
marquant est le temps de rêadaptation nécessaire pour tous ceux

cause d'un séjour prolongê à l'êtranger par exemple, n'ont pas

trois
regardé de JT français pendant plusieurs semaines: les deux ou

(1) l,lous ne considêrons là que les personnes qui nfont pas de


àiificuftês de comprêhension langagiêre ou culturelle.
136 -

premières êditions du JT sont presque incompréhensibles. En revanche,

Ies Allemands n'ont pas de difficultés â se rêadapter â "leur" JT.

Par-delâ ces constatations prosàiques ou ces stêréotypes, nous croyons

qu'il y a là le signe de diffêrences essentielles que I'on voudrait

parfois gommersous prêtexte qu'ici et 1â nous avons affaire à des

informations et des hommesqui les transmettentr que la technique est

Ia même,que les images sont parfois communes(2)... Le clêpassement

du niveau primitif d'analyse s'impose donc et crest dans cette

direction gue nous avons menénotre travail, selon des principes que

nous allons décrire et qui ont, pour la plupart' déià étê évoquês

directement ou implicitement. Nous voulons les regrouper ici afin de

mieux faire comprendre notre démarchedans ses fondements et dans ses

buts.

- En I'absence d'une thêorie globale, nous sommescontraint de

c o n s t r u i r e n o t r e p r o p r e s y s t è m ed ' a n a l y s e . P o u r c e f a i r e ,

I'interprêtation scientifique dispose, de maniêre gênêrale, de deux

mêthodes: lfune consiste â dêvelopper tr'le thêorie pour montrer dans

un deuxièmetemps commentles faits. observables la corroborent.

L'autre présente des exemples divers et essaie de dêgager, d'un point

et les conclusions qui s'en


de vue pratique, une structure commune

suivent. En regard de I'objet â analyser et de notre propre

inclinaison, nous cttoisirons la &uxième mêthodequi permettrat nous

I'espêronsr & dégager moins me thêorie qu'un ensemblecohêrent de

(2) Cf. le titre français de lrarticle de H(DGSON Godfreyr I'AII the


neuusthat's fit to filmt -Financial Times' 27 fêvrier, 1985 citê dans
Dossiers de I'audiovisuelf rl.1l, P. 45: "Londtes,Paris, Rome... ur
@
137-

remarques perrpttant une vision originale d'un phênomèneque nous

côtoyons tous les jours, mais dont nous ne connaissons pas Ie

fonctionnement profond.

- Cette volonté d'un rêsultat pratique fait qler de prime abord' nous

n'excluons aucune information de quelque domainequ'elle vienne. Cette

nêcessitê d'ouverture est soulignée par Roger Bautier:

"Mais Ie plus important est sans doute I'adoption de la position


fondamentale qr:i consiste â refuser de choisir entre une
sociologie qui ne tiendrait pas compte des caractéristiques
formelles du Journal têtêvisê et une sêmiologie qui oublierait
Ies relations de celles-ci avec des enjeux sociaux." (J)

Car si les partis pris rêductionnistes ont toujours êtê

néfastes, ils sont particulièrement absurdes dans le domainede la

cornmunicationaudiovisuelle qui est en prise avec la rêalitê et où les

professionnels, qui utilisent tous Ies jours le code audiovisuel sans

avoir tous réflêchi à ses principes thêoriques de fonctionnement,

sont particulièrement critiques vis â vis des résultats des

"recherches en chambre". Elles ne Peuvent que nrener à Ia

contre-vêritê, et, peut-être plus grave pour Ie chercheurr au

ridicule (4).

- L'objet d,êtude a toujours raison: iI re s'agit pas de lui faire

subir des distortions pour le faire rentrer dans un cadre pré-êtabli:

(t) BAUTIERRoger, "Un carreFour de discoursrrr p. 18.


(A) O"n" fe domaine de la didactique par exemple, on ne connaît que
trop ces ânissions de têIêvision où la mise en pratigue d'une _
théorie satisfait son auteur, mais n'intêresse absoltrment pas le
public.
1t8 -

I'analyse est menée, certes avec des intuitions, mais de manière que

nous espèrons aussi rigoureuse que possible, et Ia conclusion sera la

eonséquencedirecte des rêsultats qJi ont pu être mis â jour. La

place prépondêrante que mus lui attribuons est liée à une vision

teintêe de dêterminisme ès JT. Si un JT a telle forme, telle

structure, ce nrest pas le résultat d'un hasard, mais d'une sêrie de

choix successifs volontaires formulês par les diffêrents sous-

jour
êmetteurs. D'autres choix auraient rnenêâ d'autres JT et chaque

apporte la preuve qu'avec un matêriel presque identique, on peut

arriver à des résultats très diffêrents'

- fbus nous efforcerons de nous soumettre â des procêdures objectives'

non seulement pour définir les critères de reproduction du corpus

(chapitre 5.t.2.1.), m a i s a u s s i d a n s I a d é m a r c h ed ' a p p r o c h e . E t c e


de
n , e s t p a s l e p o i n t l e n p i n s d é I i c a t . F o r m êd a n s u n e c i v i l i s a t i o n
pas
I'êcrit, I a g a l a x i e G u t e n b e r gd e M a c L u h a n r n o u s c r a i g n o n s d e n e

donnerà I'image la part qui Iui revient dans I'analyse. Pour

compenserce manqueéventuel, nous lui accorderons une attention

privilêgiêe, p e u t - ê t r e â I ' e x c è s a u j u g e m e n td e c e r t a i n s . P l u s i e u r s

raisons peuvent encore justifier ce parti-pris: d'abord, I'image peut

facilement être induite Par un autre système (un bruit de moteur peut

induire I'image d'une voiture). Ensuite, Ies psychologuesont dêmontrê

que dans les cas de cCIntradiction entre les informations du canal


le messagevisuel" (5) ' ce
visuel et auditif, "on tend â privilêgier

qri va à I'encontre des croyances & certains intellectuels de l'êcrit

(5) CORRAZE Jacques, Les communicationsnon verb?leqr P a r i s , P r e s s e s


Universitaires d;-F;a est rêsumêe Par
I'aphorisme "croire ce gue Iron voitr"
139 -

et du verbal. Enfin, dans le cas frêquent d'une attention non soutenue

lors du décodagepar Ie récepteur, I'image se prête plus à une

comprêhensioninstantanêe ou en pointillê que le son.

- L'analyse ne vise pas â I'exhaustivité. Dêià difficile à obtenir

avec un matêriel d'étude traditionnel, celle-ci est impossible dans ce

travail pour plusieurs raisons: Ia quantité de matériel produit par

jour est très importante. Ensuite, les aspects mêmed'un JT sont très

divers. Certaines êtudes, commele traitement de I'information

plitique p a r e x e m p l e ,n é c e s s i t e r a i e n t I ' a p p o r t d ' a u t r e s ê m i s s i o n s d e

télévision ou des autres mêdias. En somme,il est três possible qu'un

autre cfiercheur avec le mêmecorpus fasse r.nreétude très différente

de Ia nôtre.

- L'aspect contrastif est dêjà soulignê dans Ie titre de cette

recherche. 11 nous paraît vraiment essentiel: un JT en soi ne veut

(presque) rien dire pour Ie sânioticien. Que Ia comparaisonse fasse

non seulement avec des ânissions du mêmepays, mais êgalement avec

des êmissions d'un autre paysr nous semble de nature à enrichir notre

comprêhensiondes JT tels que ;pus les connaissons: produit

fondamentalementculturel, le JT ne peut que bénêficier d'une approche

inter-culturelle. En effet, elle relativise le caractôre dogmatique

des "vêrités nationales'r, elle nruttiplie I'êventail des choix

rêalisés dans Ie large éventail de Ia communication pluri-systémique,

elle permet d'êtabtir des critères qui aPpartiennent plus au çnre JT

mêmequ'aux aspects accidentels des ânissions.


140 -

Ces lignes directrices impliquent donc des choix. Pour les

résumer en quelques mots, notre but principal est donc l'êtude de la

p r é s e n c ed e l ' é m e t t e u r d a n s s o n m e s s a q e ,c ' e s t - à - d i r e , de

l'énonciation, et notre approche est de type sêmio-linquistique. Cela

signifie gue nous nous attacherons beaucoupplus au signiFiant qu'au

signifiê.

'.2.2. L E G I T I M I T ED U T R A N S F E R
DTE SC O N C E P T S :

P a r l e r d ' é n o n c i a t i o n d a n s u n d o c u m e n ta u d i o v i s u e l , c ' e s t

admettre implicitement que cette notion nrest pas réservée qu'à Ia

linguistique mais peut aussi srappliquer à la gestuelle, â I'iconique,

etc ..; cela pose Ie problème de la légitimitê du transfert des

n o t i o n s d ' u n c h a m pà u n a u t r e . D e u x t y p e s d ' a r g u m e n t sp a r l e n t e n

faveur de cette démarche: des arguments çnéraux â toute tentative de

ce type et d'autres spécifiques à ce cas.

De maniêre globale, toute science â ses dêbuts emprunte à

d'autres sciences: la linguistique elle-mêmedoit beaucoupà Ia

I o g i q u e , à l a p h i l o s o p h i e . I l n ' y a p a s d ' e m p ê c h e m e nr ét d h i b i t o i r e à

ce type de démarche, surtout lorsqu'une similitude des structures ou des

formes le permet et que I'on prend certaines prêcautions. Mais la raison

majeure qui autorise ces emprunts réside vraisemblablement dans le fait

que les élânents empruntés ne font pas tant partie drune science que

de la science en gênêral. La connaissance avance avec des


141 -

raisonnements, des démarchesqu'elle utilise dans ses diffêrents

domaines: l'êpistêmologie net bien en relief cette mêthodologie

cotlmune.

Parmi les arguments spêcifiques, nous allons analyser prêcisêment

ceux qui peuvent justifier le transfert dr concept d'ênonciation de Ia

linguistique à la sémiotique. Soit Ia dêfinition que Catherine

Kerbrat-Orecchioni donne de la problânatique ênonciative:

"la recherche des procêdês linguistiques (shifters,


modalisateurs, termes êvaluatifs, etc. ) par lesquels le
locuteur imprime sa marqueâ 1'énoncê, s'inscrit dans Ie message
(impticitement ou explicitement) et se situe par rapport à lui
( p r o b l è m ed e l a ' d i s t a n c e é n o n c i a t i v e ' ) " . ( 6 )

Que se passe-t-il si I'on remplace "Iinguistiques" par

"sêmiotiques"?
- Les shifters: un regard adressé par le prêsentateur â un journaliste

assis à ses côtês dêsigne plus sûrement celui-ci qu'un "vous"

linguistique qui est ambigu. (7)


- Les modalisateurs: Iorsqu'un présentateur hausse les sourcils en

annonçant une inFormation, il apporte tn êlêment complêmentaire qui

traduit son attitude face â cet ênoncê (êtonnement, renforcement,

...) , ce qui est la définition mêmede Ia modalitê.

- Les termes évaluatifs: une pause dans la production vocale d'une

phrase peut être un signe pour Ie rêcepteur d'une interprêtation

inhabituelte à donner €u message(ironie, humour, etc ...).

( 6 , ) K E R B R A T - 0 R E C C HCI O
a tNhIe r i n e r o P . c i t . , P. tZ.
(7) ibidem, p. 19.
142 -

- La prêsence implicite: un plan filmê en canéra subjective (8) est

le type mêmede la présence implicite de l'émetteur (au sens large du

terme) dans le message.

- La prêsence explicite: un journaliste qui se fait filmer devant le

bâtiment où a lieu une réunion de chefs d'êtat au lieu de commenter

en voix off des images de cette rêunion s'approprie le discours

filmique de Ia mêmemaniêre qu'il le ferait du discours linguistique

en disant: "i'ai assistê â cette réunion..."'

- La distance ênonciative: entre un speaker, qui Iit un texte sans

bouger, avec une intonation neutre, et un journaliste, qui s'exprime

avec force çstes, un rythme verbal marquê, se manifeste aussi des

diffêrences dans Ia distance de I'énonciateur par rapport à son

ênoncê.

ces quelques exemplesconcrets pris, m I'aura remarquê, dans

diffêrents systèmes sêmiotiquesr montrent qrp l'énonciation n'est

donc pas un domainerêservê de la linguistique, qu'on peut, sans

(9)t travailler
encourir Ie reproche de rester au niveau mêtaphorique
il
avec cette notion dans d'autres systêmes. De maniôre génêralet
Ia critique & travailller au
semble qr.reIe meilleur moyend'éviter

niveau de Ia mêtaphore, est de refuser toute assimililation abusive

dans
des systêmes que certains ont tentêe. commecela a êté montrê
filmique à
le chapitte 2.2., on ne peut, par exemple, forcer Ie code

fonctionner selrt Ie principe de la &uble articulation' 5i on peut

pas
parler de Itênonciation pour le ressage audiovisuel, ce nrest

(8) Sur cette notion, voir infra chapitre 5'5'2'2"


(gl pour Robert Escarpit, le raisonnement mêtaphoriqueou analogique'
scientifiQUê"'
crest "très exactement le contraire d'un raisonnement
i n E S C A R P IRTo b e r t , o P . c i t . , P ' 7 0 '
14t -

parce que le système linguistique et le systême audiovisuer sont


identiques, mais parce gue c'est une caractêristique gênêrale de

tout nessage, tel que I'analyse ta thêorie de linformation, qu'un


êmetteur peut laisser urre trace plus ou rpins visible dans son message.
L'ênonciation filmique est donc commere rrcte Franeesco casetti,

'rla conversion d'une langue


en un discours, c'est-â-dire le
passage drun ensemblede simples virtualités â un objet concret
et rocalisé. En d'autres termes, l'ênonciation est té rait d'user
des possibilités expressives offertes par le cinéma pour donner
corps et consistance â un film." (10)

En conclusion, nous voulons rappeler le dêbut de ce chapitre ).2.

o ù é t a i t ê v o q u ê e] ' a t t i t u d e souvent nêgative des spectateurs d,un

pays face aux JT de I'autre pays. En essayant de mettre â jour, selon


la démarcheproposée, les traces gue l'êmetteur laisse dans son

messagernous pensons trouver certes des traces linguistiques, mais


surtout des traces culturelles, ce qui confirmerait notre hypothêse

que le JT, en France commeen Allemagne, est un êlêment curturel

essentiel. A ce titre, nous espêrons que son analyse

"explicite tout ce que nous tenons pour acquis dans Ia vie


quotidienne. Mais le fait d'en parler modifie le lien qui nous y
rattache. Nous entrons en résonance consciente et active avec ces
aspects de notre existence que, trop souvent, nous tenons pour
acquis et qui pêsent quelques fois três lourd sur nos esprits.
Le fait d'en parler nous libêre de leurs entraves (ll)." (lZ)

(10) A ce niveau nous ne faisons aucune diffêrence entre Le cinéma et


la téIêvision. CASETTIFrancesco, rrLes yeux dans les yeux", in
Cornmunications,n. 38, p. 80.
nî-ft nous qri souiignons.
( 1 2 ) H A L LE d w a r dT . , L e l a n q a q e s i l e n c i e u x , P a r i s , E d i t i o n s d u S e u i l ,
Seuil, 19U+,p. 16tt.
-144-

'.3. LE CORPUS:

3.'.1. LE CHOIX:

L e c h o i x d , u n c o r p u s d É p e r dc e r t e s d t s u j e t d e I ' ê t u d e , m a i s

aussi de ses objectifs. C'est au chercheur â apprécier Ia nécessaire

relation entre ses buts et les m)yens qu'il se donne Pour y parvenir'

I1 n'y a pas en Ia matiêre de rêgle absolue: si on peut travailler

pendant dix ans sur une séquence de dix minutes (1 ) r on peut aussi

analyser plusieurs eentaines d'heures d'êmissions (2) pour un article

de revue. Il suffit d'adapter ses critères d'analyse. Conformêmentaux

principes de Ia démarched'approche explicitês au chapitre précédentt

nous avons choisi un corpus qui est en rêalitê doublet avec une

premiêre partie que nous appellerons le corpus étroit, et une

deuxiême, le corpus large.

(1) C'est Ie cas de l'êtude de Birùhistell sur Ia cêlèbre scêne de


ia'cigarette prêsentée dans BATESSN et aliir op. cit., pr 160-190.
(Z) pâr I'article de Patrick Champagne dêjà cité.
"r"rpir,
-145-

f.5.1.1. Le corpus étroit:

Le corpus étroit est composéde huit enregistrements des JÏ de

TF1, A?, ARDet ZDF Ie 2 juilet 1983 eL Le 27 juin 1988, dont Ia

transcription intégrale est jointe â ce travail. Ces dates ont été

choisies de manière alêatoiDe et correspondaient â chaque fois â une

possibilitê pour nous d'avoir trois enregistrements simultanés (Ies JT

d e T F l , A 2 e t A R Ds o n t d i f f u s é s à 2 0 h 0 0 ) d a n s d e u x p a y s d i f f ê r e n t s .

Lors d'un premier visionnement, nous avons constatê que Ie JT de TF1

de 1983 avait une forrne inhabituelle: I'êmission a lieu en partie hors

studio. Nous avons hêsité à garder ce doeumentdans notre corpus

étroit, pensant que son caractêre particulier pouvait fausser fes

résultats. llais nous I'avons conservê pour les raisons suivantes: le

principe de choix alêatoire ne peut se justifier que s'iI est maintenu

j u s q u ' a u b o u t d e l a d é m a r c h e :t o u t e m o d i f i c a t i o n a p o s t e r i o r i I ' a u r a i t

faussé. C'est c€ qu'André Martinet appelle l'intangibilitê du corpus

(l). Se fondant ensuite sur Ie principe de libre choix des rédactions,

nous avons estimê que, si les autres ctraînes n'avaient pas êgalement

conçu ce jour une émission en partie hors studio, c'est qu'elles ne

I'avaient pas voulu (4). Les critères objectifs qui ont

vraisemblablement conduit les responsables de TFl à programmer une

telle émission, â savoir une actuatitê peu fqlrnie et une pêriode de

( l ) M A R T I N EATn d r é r o p . c i t . ' P . , 1 .
(4) François Doumazanefait de eette idée I'tn des objectifs
essentieis de l'êtude des JT en milieu scolaire: "choix, décisions,
parti pris y sont â l'oeuvre a priori, doublementoccultês par Ie fait
qu,inforrer renvoie à préteve-a.l-Éel et puis (...) par le fait que
Ies actualitês se déroulent suivant tn rituel bien êtabli.'r dans
DSUMAZANE François, "La construction de I'information têIêvisée", in
Pratiques, n. 37, p. 68.
146 -

vacances, étaient les mêmespour tous et ce choix est significatif

commeIe sera Ia diffusion de deux reportages sur les vacances par A2.

L'enregistrernent des JT le mêmejour en France et en R.F.A. n'est

pas pour nous un êIêment essentiel. Pour qu'il soit un critêre

performant, il faudrait travailler au niveau du contenu et analyser

tmiquementce qui est réellement commun,c'est-â-dire I'actualitê

internationale, les deux pays êtant respectivement exclus de cette

actualitê. 0n ne peut aller plus loin: en effet, une analyse qui se

fonderaitr par exemple, sur un pourcentage du temps d'émission réservé

â la politique intêrieure dans chaque pays serait faussêe: un pays

peut avoir ce jour-lâ une activité particulièrement intense dans ce

domaine et pas I'autre: i1 y aurait absence d'invariant. Au niveau du

discours que nous avons délibêrêment choisi commeobjet d'êtude, Ia

similitude du contenu n'est pas nécessaire non plus: si un

prêsentateur allemand au cours d'un JT rapporte les propos de trois

politiciens, alors que son homologuefrançais prêfère rêaliser trois

intervieurs d'hommespolitiques, peu importe que le thème soit celui du

prix du carburant d'avion ou dr cumul des mandats. Nêanmoins,la

similitude de I'information, bien rare en fait, peut être une aide que

nous n'avons pas voulu négliçr, la tâche étant suffisamment ardue

par ailleurs.

Les cinq années qui sêparent les deux sêries drenregistrement,

sans permettre une vue diachronique du genrer donnent un minimumde

recul et sfinscrivent dans une certaine continuité. En effet, les


- '147 -

bouleversements des paysages audiovisuels français et allemand n'ont

pas encore eu de conséquencesensible sur les JT (5). Ces cinq années

permettent de faire la part de I'accidentel et du constant, de nesurer

1 ' é v o l u t i o n d e q u a t r e d i s c o u r s v i s - à - v i s d ' e u x - m ê m e sm
, ais surtout

vis-â-vis les uns des autres.

Ce corpus a nécessité encore des choix en ce qui concerne les

autres éditions de Ia journée et des autres chaînes. Ces choix se

sont opérés sur deux ggands critères: I'audience et la comparabilité.

D'une part, seules Ies êditions du "prime time" réunissent environ dix

millions de spectateurs chacune. Que ce soit dans celles du matinr de

Ia mi-journée, de I'aprês-midi ou de la nuit, les taux d'audience

n ' o n t r i e n d e c o m p a r a b l e( 6 ) . D ' a u t r e p a r t , l e s t r o i s i è m e s c h a i n e s

françaises et allemandes orrt des statuts et des traditions trop

différents pour être comparôesavec les autres ou entre elles. De

même,Ies chaines privôes apparues entre temps souffrent d'un manque

d,audience et de structures qui se cherchent encote. Pour ces raisonst

nous nous limitons à Ia principale éaition des deux grandes chaînes

de chaque pays. 0n pourra trouver cette sêIection un peu sêvère, mais

nous voulons tout de suite apporter des arguments complâ'nentaires.

Cette séIection est inscrite dans une êpoque (la Ériode de 1981 â

1988); iI est probable que le mêmetravail dans quelques annêes

devrait faire un choix plus large. È p1us, crest une technique

courante en sciences que de limiter son domaine dans la phase de

(5) tlous expliquerons dans la conclusion pourquoi nous croyons les JT


à l'abri d'une certaine concurrence.
(6) cf. les chiffres citês dans Ie chapitre ).1.
148 -

1'êtude et de l'êtendre ensuite dans la phase des conclusions,

surtout lorsque I'on a affaire, cotmnenous le croyons, à un fanqaqe

universel, le langage audiovisuel en l'occurrence. Enfinr Ie cnrpus

Iarge dont il va être question permet de prendre toutes les

précautions complânentaires nécessaires.

1.J.1.2. Le corpus larqe:

Le corpus large est formé par ure dizaine d'enregistrements de JT

français et allemands, notammentceux à la rêalisation desquels nous

avons personnelLementassisté. Ce contact avec la réalité

professionnelle est pour nous très important: iI permet de connaître

les conditions concrètes de production, de comprendrela technique

eui, commecela a êtê vu dans le chapitre théorique sur Ia

communication, conditionne tout, de soumettre directement certaines

conjectures de travail aux producteurs (7). En un mot, il empêchetout

dogmatismeparticuliêrement ridicule dans un domaineaussi concret

que celui de I'information. II flaut encore ajouter à ces

enregistrements une pratique assidue dl çpnre: la têIêvision par

satellite, divers sêminaires et congrès nous ont permis de visionner

ou de travailler Sur des JT de nombreuxpays. Ce corpus large viendra

êtayer des dêmonstrations qr servira de vêrification â rps

hypothèses.

(7) Les gens de tétêvision, quand ils ont compris que lron vient en
analyste et non en censeur, sont três otrverts.
149 -

Ainsi, grâce au corpus êtroit transcrit et au corpus large

servant de complêment ou de vêrificateur, mus pensons remplir les

deux conditions que Roland Barthes ênonce à 1'établissement d'une base

de donnéesefficace et scientifique pour un travail sêmiologique, â

savoir, opérer un choix tel "qu'on puisse raisonnablement espêrer que

ses êlêments saturent un systême complet de ressemblances et de

diffêrences" (8) et qui'rdoit ê t r e a u s s i h o m o g è n qe u e p o s s i b l e " ( 9 ) .

3 . 3 . 2 . L A P R E S E N TO
ANÏ:I

5i la sêIection des documentsdestinês â faire partie du corpus

doit être três sévdre, celle des êléments qui doivent figurer dans

sa présentation doit t'être tout autant. C'est 1à que Ia fonction

mêtalinguistique de la langue pèse de tout son poids: si m.rltiples que

soient les possibilitês de I'audiovisuel, son analyse se fait par

I'écrit (10). De même,des raisons pratiques font que les

enregistrements vidêo des JT concernês ne peuvent pas être joints à

ce travail. II faut donc se résoudre à transcrire, tout en ayant

conscience des pertes (au sens cybernêtique du terme) occasionnêes par

(8) BARTHES Roland, "Elêments & sémiologi€"r p. 15t.


(9) ibidem
(10) On pourrait citer commecontre-exemple le cas de l'émission de
Bernward hlember"ùrfie informiert das Fernsehen?'r(complêtêe par un
livre: tfiMBERBernward, ldie informiert, das Fernsehen, Plinchen' List
Verlag, 1976, 175 p.l ài la source drune
polêmique qui a fait long feu en R.F.A. et où lrauteur analyse des
reportages têlêvisuels. Par detà les difficultês techniques et
sociales d'une telle dêmarche, certaines critiques justifiêes viennent
du mediumutilisê.
150 -

cette opération. Quelles que soient la complexitê et la richesse

d'une transcription, ce n'est q-r'un pis aller.

Confiant dans les apports non négligeables du cinéma â Ia

recherche sâniologique, on pourrait utiliser le rpdêle des

transcriptions des films telles qutelles paraissent dans L'Avant-Scène

du cinéma. Mais ir s'avère que ces publications ne sont pas d'un grand

recouts pour le sâniologue. En effet, commele montrent Miche] Marie

et Francis vanoye (11), toutes les caractéristiques de l'orar sont


absentes(hésitations, répétitions, pauses,éIisions, fautes, ...) et
res indications supra-segmentaleset non verbales sont três rares.

Toute trace d'oralité est effacée, I'accent est mis sur f'énoncê, sur

Ie contenu du discours. Ce n'est tà qu'une des nombreusescontraintes

q u ' i m p o s eI ' é c r i t â notre culture. Cette situation ne peut satisfaire

I' analyste et "ir faut prendre acte de ces manquespour se forger des

instruments plus fiables." (12)

La transcription, on serait plus proche de la rêalitê en disant

le décryptage, est une opêration par ailleurs fort complexe en

elle-même et voici la riste des étapes que nous avons parcourues (ll):

premier visionnement, minutage des séquences, minutage des plans,

(11) MARIEMichel, VAN0YEFrancis, "Commentparler la bouche pleine?",


in Communications,n. 18, pp. 58-59,
(tzJ ibTa;m--
(1t) D'autres cfreminements sont bien sûr possibles. Gûnter Bentele en
donre ul par exemple dans son article (BENTELE Gùnter, "Die Analyse
von Mediensprachenam Beispiel von Fernsehnachrictrtenr', in BENTELE
Gûnter, HESS-LUTTIC EH., ). Nousne
croyons pas cSJril existe ule "transcription tous-usages". C'est à
chacun de la formuler en fonction de ses besoins.
151 -

vêrification des donnêes, transcription du linguistique, transcription

dr vocal et des bruits, vérification des données, transcription de

f image, de la mimogestualité et de la proxêmique, vêrification des

données, adéquation de I'ensemble des données, recherche d'une forme

de prêsentation, vêrification génêrale. Nous ne dêtaillerons pas

tous les projets intermêdiaires qui ont révêlê leurs inconvênients

â I'usage, et qui, s'ils ont eu Ie mêrite d'affiner petit à petit le

schémade base, ont été três coûteux en temps.0n comprendraque de

nombreuxmois mt êté nêcessaires â ce travail et que Ia

transcription a dû être limitêe au corpus étroit. En rêsumê, le

temps passé à cette transcription a un avantage certain: un document

a i n s i m i s à p l a t n ' a p l u s b e a u c o u pd e s e c r e t s p o u r I ' a n a l y s t e . N o u s

voudrions maintenant décrire commentnous avons appliquê les deux

grands principes qui ont guidé cette transcription: Ia plus grande

objectivitê p o s s i b l e e t I a p l u s g n a n d ef i d é t i t ê possible.

f.1.2.1. Le principe d'objectivitê:

A premiêre vue, il pant paraître supeDfêtatoire de rappeler ce

principe dans un travail scientifique. Mais les difficultês auxquelles

nous nous sommesheurté dans Ie choix des catégories et des termes

èscriptiFs sont la preuve que l'application d'un principe, pourtant

simpler peut nêcessiter une rêflexion 4profondie. En voici deux

exemples:

- toute analyse scientifique commencepar une description des êlôments


152 -

qui composent Ie domaine cfioisi. Cette description comprenddeux

parties: la cÉtermination des diffêrentes unitês avec les critêres de

reconnaissance et la description proprement dite. [ùlel choix faut-il

faire pour le JT, ou de maniêre gênêrale, pour tout document

audiovisuel qui n'est pas de fiction? Un grand nombre d'études sur Je

JT prennent, plus ou moins consciemment,les unitês linguistiques

oomflEbase, I'imaç et Ie non verbal n'ayant qu'un rôIe

d'illustrateurs. 5i cette attitude nous semble convenir à une approche

sociologique du JT, nous ne croyons pas qu'elle convienne au

sémioticien. En effet, l e p r o b l è m en ' e s t p a s r é s o l u p o u r a u t a n t .

Commentdéterminer alors les diffêrents textes constituants le

discours? Dans .l-acomunication orale, Ia limite la plus frêquemment

adoptée est celle de la pause: "un texte est une succession

signifiante de signes linguistiques entre deux ruptures manifestes de

communication. Seront considérées comme'manifestes' Ies pauses assez

longue de la communicationorale, â I'exclusion de pauses de

respiration ou de celles qui traduisent la recherche de mots" (14). Si

cette distinction peut être appliquée avec quelques restrictions aux

JT allemands, les prêsentateurs français au contraire s'efforcent

de supprimer toute pause, de lier leurs diffêrents sujets. Le recours

au sens reste le seul critère de séparation et cela nous parait três

gênant et non compatible avec rne analyse de discours. De plus, dans

de nombreux cas, il est difficile de dêterminer exactement où comrence

et où finit un sujet, Ies thànes s'imbriquant souvent les wrs dans les

autres. Des difficultês concrêtes lors de la transcription nous ont

( 1 4 ) I d E I N R I CH a r a l d , o p . c i t . , p. 15.
15t -

donc contraint â utiliser urie unitê prise dans un autre systême

sémiotique, celle fu plan. Cette unité, sauf dans eertains cas

extrêmes des images & synthdse, est immêdiatementreconnaissable'

facilement quantifiable (15), facilement compilable. EIle ne fait en

aucune façon appel â la signification du message,â son

interprétation (16). C'est I'unité utilisêe par les professionnels

dans Ie découpagetechnique, crest 1'êlêment minimumdu déroulement

du texte filmique. Nous ne faisons que nous ranger à I'avis de

G e n e v i ê v eJ a c q u i n o t q u a n d e l l e a f f i r m e : " c ' e s t d o n c b i e n 1 ' u n i t ê

qu'iI convient d'adopter quand on pratique cette sorte de "mise â

plat" du texte filmique." ( 1 7 ) L e p l a n e s t ' c o m m el e d i t M i c h è l e

L a c o s t e , n o t r e " p r i n c i p e d e ' d ê c o u p a g e 'd u f l u x c o m m u n i c a t i o n n e l "( 1 8 ) .

- I l e s t u n a u t r e d o m a i n eo Ù i t n ' e s t p a s f a c i l e d ' ê t r e o b j e c t i f ,

c'est celui de Ia description des personnes montrêes à l'êcran. 5i les

(15) C'est en français langue êtrangêre que nous avons pu nESUrerles


avantages du choix du plan commeunitê de travail: Ies apprenants
auxquels Ie sens du messageverbal manquait souvent pouvaient Éanmoins
eommencerle travait de clécodage.Ce choix est d'ailleurs recommandé
aussi dans une brochure très bien faite : BRUNN Jean-Jacques, LANCIEN
Thierry, Le cinêma non didactique dans Ia classe de lanque, Paris, BELC'
non datê.
(16) L'importance de cette notion de tumps est aussi affirmée dans
GROHALL Karl-Heinz, SCHUSTER Antoinette, "Bemerkungenber den Inhalt von
Fernsehnachrichtensendungenin der BRD" in STRASSNER Ericht
Nachrichteîr p. 51.: "La plus importante et la plus neutre des unitês
Ee lrre.sureê-tait (...) te temps, grâce auquel on peut mesurer
précisémentI'importance quantitative drune information. (...) La
précision et la relation significative avec les choix du producteur
parlent pour le choix du temps commetnitê de resure". ("Die wichtigste
und neutralste Ma3einheit war (...) die Zeit, nach der sich die
Quantitât einer lbldung prâzise feststellen IâBt. (...t Genauigkeit
und sinnhafter Bezug auf das Produzentenverhatten sprechen fÛr die
ffirI der Zeit als Ma0einrert.")
(17) JACQUIN0T Geneviêve, Imaqeet pédaqoqie' p. 45-
(rg)unco5TEl4ichèle,sâvffitexpansiondrdiScours'',
in Etudes de liry.istique appfiquêe, n. 58, p. 79-
154 -

photographies posent peu de problênes (19), commentdêcrire les

acteurs d'un reportage? L'habillement standardisê n'est pas

vêritablement une aide (20), des indications sur les traits ou

I'allure du personnage sont peu caractêristiques. Le rneilleur moyende

décrire Ie personnageest de donner son nom. Mais donner un nomt c'est

déjâ interprêter. 5i on peut supposer que Ie Chancelier Kohl sera

reconnu par une três grande majoritê d'Allemands, combien


Quelle doit
reconnaîtront 1e Ministre de I'Economie Martin Bangemann?

être I'attitude de I'analyste? Après de nombreuseshêsitations, nous

avons adopté Ia position la plus neutre, mêmesi elle n'est pas la

plus facile pour Ia lecture, qui consiste, â I'intêrieur de chaque

séquence, à numêroter les personnagesselon leur ordre d'apparition à

l'êcran. Si en colligeant les informations qu'iI peut recueillir dans

la partie verbale ou scripto-verbale, Ie récepteur amive à dêterminer

précisément de qui iI est question, c'est que le messageest clair' Si

ce nrest pas le cas, le rêcepteur devra faire appel à sa mêmoire, rmis

ce nrest plus Ià Ie problême du sémiolinguiste'

1.1.2.2. Le principe de fidélitê:

L ' a u t r e P r i n c i P e qui a guidé la transcription est celui de la

fidêIité â I'original avec toutes les restrictions inhêrentes à ce

(19) EIIes sont toujours æcqnpagnêesd'un lexème quer par tradition


cultureller nous assimilons au rnm de Ia personne'
(20) L'excéption serait le dâputê vert au col roulê. ltais cette non
standardisation a dêjà êtê absorbêe par la norre: maintenant c'est
Ie député vert en cràvate qui devient Ia non standardisation.
155 -

type de travail êvoquêesplus haut. Mais il ne faltait pas qu'une

imitation excessive rette en danger la tisibilité de Ia transcription

qui doit rester la préoccupation essentielle pour ce çnre de

t e x t e s ( 2 1 ) . N a v i g u a n te n t r e d e u x ê c u e i l s , c e l u i d e I ' i l l i s i b i l i t ê et

celui de I'infidêlité, nous avons fait des choix que nous voulons

exposer ici.
- La présentation graphique n'a pas de rapport avec la durée filmique.

Des chercheurs ont donné â m certain nombre d'interlignes une valeur

temporelle, en général une seconde QZ). Ce principe a un double

inconvênient: la disposition dr: texte êcrit ne facilite pas la lecture

(maximumun ou deux mots par ligne) et ce qui êtait un avantage, la

présentation três aérée, se transforme en inconvênient: une

augmentation dêmesuréedu support papier (25).


- Un autre point est la présence d'images dans ce travail: si les

enregistrements avaient êté réalisés par un studio professionnel, on

aurait pr'tenvisager de joindre une copie des JT à ce travail. Mais ce

ne fut pas le cas. Le transcodage nêcesaire à cause des normes, Ia

copie afin d'avoir les documentssur une mêmecassetter la qualitê des

enregistrements VHSne permet pas ure nouvelle génêration. Mais d'une

part, la transcription devrait en partie remédier â ce problème et

d'autre part, nous croyons que les stratêgies et procédures que nous

(21) Ce principe est aussi dêfendu dans BURGER Haraldr op. cit.,
p. 121.
( 2 2 ) h E M B EB
Re r n w a r d , o p r . c i t . .
(21) Pour Erich StraBner, "l'essentiel était cpe I'image et le texte
soient exactement synchronisês; la longueur du plan est donc
dêterminée par la longueur et I'articulation d.r texte." ("Es kam nur
darauf an, Bild und Text exakt zu synchronisieren; daher geben Lânge
und Gliederung des Textes die GrôBe der Einstellung vor.") in
STRASSNER Erich, Fernsehnachrichten, p. ?49.
156 -

allons repérer peuvent se vêrifier chaque jour â la têlêvision. D'un

autre côté, nous avions formê le projet drillustrer, dans la

transcription, chaque plan par la photographie d'un photogramme.Nous

avons repoussé cette idêe pour plusieurs raisons: le choix du

photogrammedans les plans animês aurait étê trop arbitraire; nous

aurions eu besoin pour avoir une image tisible du triple de place; Ia

réalisation technique (près de mille clichés) aurait été trop

consommatricede temps pour un rêsultat incertain (24). Enfin, la

"vivisection" (25), si elle est indispensable dans un travail centrê

sur la kinésique, nous semble inutile voire nêfaste dans cette êtude

de kinésique appliquée, tout au nnins dans la phase de communication

des rêsultats: I'arrêt s u r I ' i m a g e l o r s d u v i s i o n n e m e n tp e r m e t u n e

observation prêcise.
- Grâce â une utilisation horizontale de la feuille DIN A4, nous avons

pu introduire onze entrées simultanées regroupées en neuf colonnes et

trois catêgories: cela mus permet de respecter à quelque chose près

la concordancetemporelle entre toutes les informations, tout en

employant de manière optimale I'espace. En clair, toutes les

informations sur une mêmeligne sont simultanées dans Ie dêroulement

temporel. De plus, quand tne information occcupe une place trop

importante, un blanc dans les autres colonnes permet facilement l-e

rattrapage. Nous allons approfondir ces trois catégories après la

(24) Pour drautres raisons, on peut lire LECONTE Bernard, Propositions


de I' Paris, Les cahiers de lraudiovisuel, non
date, p.116.
(25) C'est le terme qu'emploient LEBRAYJean-Ermanuel et BOUREL
Sylvia, ç. cit.r p. 11) parce Sr'il faut tuer le çste qtri est
mouvementin vivo pour ltanalyser.
-157 -

reproduction ci-après du schêmade transcription sous une forme

resserrée pour c€mpenserla diffêrence de largeur (26)z

<1> <4> <5> <8> <9> <10> <11>


filnq. icmiq.e milrr rr-verùal verbaL

proxâniq-e kinêiq.E tierbel

<t> <6>

*: Les chiffres entre crochets renvoient a u x e x p l i c a t i o n s c i - a p r è s .

(1): D a n s l a c a t é g o r i e " R E P E R E S " l,e " t e m p s r r d o n n e l a p o s i t i o n absolue

de I'information dans Ie continuum dr JT.

(2)'. Dans le "plan", est indiquê Ie numêrod'ordre soulignê de cfiaque

plan. Ce numêro servira de réfêrence lors de citation: par exemple,

" ( 1 A R D ,O l t ) " s i g n i f i e r a le JT ê I'ARD dr 2 juillet 1981, plan )3".

(l): La "durée", placêe dans la mêmecolonne que le "plan", indique

Ia durée du plan. Nous avons renoncê à toute indication de durêe de

séquence pour les raisons êvoquêes plus haut.

(4): Dans la catêgorie "IMAGE"qui regroupe cinq colonnes pour six

entrées, le "filmique'r est dêcrit par Ies abrêviations suivantes que

(26) Pour tne vision in extenso, se reporter au corpus mis en annexe.


-158-

nous avons essayê de rendre aussi facilement mémorisables que

possible (27).

AI: arrêt sur I'image CP: contre-plongêe


C5: caméra subjective CX: traitement complexe de I'image
FE: fondu enchainê F0: en fond, en arriêre-plan
GL: glisserent de lrimage GP: gros plan
I I : i m a g ed a n s l r i m a g e MP: mise au point de I'objectif
MV: mouvementsans dêplacement PA: plan amêricain
PE: plein écran PG: plan gênéral
PL: plongée PM: plan rnyen
PN: panoramique P0: point
PR: plan rapproché RE: recadrage (Iêger mouvement)
TP: très gros plan VA: vue aêrienne
ZR: zoomarriêre ?Vt zoomavant

Remarques:

- L e s l e t t r e s g ( b a s ) , H ( h a u t ) , D ( d r o i t e ) , G ( g a u c h e )p e u v e n t s e

combiner à MVet à GL: GLDsignifie, par exemple, glissement'(et

disparition) de I'image vers Ia droite de ]'êcran.


- Tout cas ne rentrant pas dans ces catégories est explicité en clair.
- François Jost définit cinq critères qui permettent de

reconnaître I'image fixe subjective: I'exagération du premier plan,

Irabaissement du point è prise de vue en dessous du niveau des yeux

(en ce sens, PL et CP sont subjectifs)' la représentation d'un corps

en premier plan, lrombre du photographe, la matêrialisation du viseur

de I'appareil (28). Nous ajouterons pour I'image animêe I'assimilation

oeil,/objectif de Ia camêra. Mais iI faut reconnaître que cette rption

est très controversée: certains affirment mêmeque toute image est

(27) Pour cette raism et pour des raisons de reproduetion, nous avons
renoncê â utiliser tout sigle qui n'est pas sur le clavier d'une
machine à êcrire.
( 2 8 ) J O S TF r a n ç o i s , o p . c i t . , p . 1 9 6 .
159 -

subjective. C'est, â rntre avis, aller trop loin et confondre

"subjectivitê" avec "présence de l'ênonciateur dans son énoncé".

(5) et (6): Dans les entrées "iconique" et "proxémique", les

indications sont écrites in extenso, seuls Ie prêsentateur et le

microphone sont abrêgés respectivement P et MI(s). Pour cette

colonne, les indications restent valables, sauf indications contraires,

pour Ia durée du plan. Nous avons négligê, commeLe recommande

Bernard Leconte, de créer une colonne "signifiant" pour les signes

iconiques (29).

(7): Le "regard" concerne uniquementla personne qui parle et que I'on

entend distinctement. Il est dêcrit avec les abréviations suivantes:

YC: regard dans le contre-champ YD: regard à droite


YF: regard vers le fond YG: regard â guche
YP: regard vers les papiers YY: regard dans la camêra

Remarques:

- YF est toujours liê à un rnuvement corporel qui nrest pas indiquê

une nouvelle fois dans I'entrée 'rmimo-gestualité".


- Il est parfois très difficile de déterminer dans YP si ce sont

vraiment les feuilles de papier qui sont regardées ou si Ie regard

(29)'rAu plan de la dênotation, I'adhêrence du signifiant et du


signifié dans les signes non arbitraires est telle qu'il a semblê
puêril et vain de vouloir instaurer de force (...) tne colonne
"signifiant" où aurait étê decrite (...) la trace qu'a laissêe (...)
Ie cfrarnp ernbrassé par Ia cailêra. eette etap aurait'prmis d'en
arriver, &ns un deuxiàne temps, triomphant, â la nomination des
êlânents constitutifs du plan." in LEC0NTE Bernard, Propositions pour
I'analyse de I'imaqe, p. 115.
160 -

stabaisse simplement, ce qui est considéré par les sociologues conme

nl rrtregard à soi-même', indice de concentration personnelle" (10).

Commecette eoncentration se fait souvent grâce â des notes êcrites,

iI n'y a pas d'inconvênient à associer ces deux types. Nous

considèrerons donc que YP signale tout mouvementoculaire et facial

vers Le bas.
- La droite et la gauche dans YD et YG sont donnêes par rapport

spectateur et non par rapport à I'individu filmé.

- YY est ure reprise d'un article d'Elisêo Veron "Il est lâ, je le

vois, iI rneparle" (11 ) sur lequel nous reviendrons longuement.

(8): La "mimokinêsique" est décrite avec les abréviations suivantes:

HS: haussementde sourcils FD: çste de Ia main/du bras droit


MG: çste de la main/du bras gauche 50: sourire
EF: êcarte ure feuille de papier PF: prend une feuille
TF: tient une feuille

Remarques:

- Pour des raisons d'adêquation de la deseription, Ia main gauche et

la main droite sont déterminêes par rapport au spectateur et non par

rapport â I'actant.

- Le rire est uniquerent rentionnê dans I'entrêe (11), car son

caractère sonore est toujours présent alors que ce n'est pas le cas de

son caractère visuel.


- 0n trouvera peut-être que, de maniêre gênêialêr Peu d'êlêments

(10) TERREN$IRE Jean-Paul, "L'êchange des regards conmestructuration


durapportautêlêspectateur:1ecasdujournaltéIêvisé'',@
image, n. 2, 1981, pp. 91-1O2.
-(fTIVEnON
1.

Elisêo, "Il est là, je le vois, il me parle'rr PP.98-1ZO-


161

sont citês dans cette catégorie. par derâ l,absence de,,principes de

transcription reconnus par tous, précisant notammentle mode de

prêsentation des indices et le type de relation qu'ils entretiennent


avec le verbal" (t2), une approche plus pointue de ce domaineexige

une quantité très importante d'informations pour un rêsultat, comme


le reconnait Jean Mouchon,"disproportionné en regard de l'êtroitesse

des interprétations qu'iI permet. (...) On s'attachera plus à chercher


la signification globare des cpnfigurations de comportement"(55).

(9): Le "scripto-verbal" regroupe toutes les informations êcrites qui


peuvent être rues sur 1'écran. Nousavons diffêrencié deux types:

l e s p a n n e a u x ,a f f i c h e s , e t c . . . q u i o n t u n e e x i s t e n c e i n d é p e n d a n t ed u

medium(abrégée EC) et tous res textes produits par un génêrateur

d'êcriture, un ordinateur ou par un autre moyen spécialement pour le

JT (abrégé: GE). Nous avons conservê dans La mesure du possible la

graphie et I'orthographe.

(10): Dans la catégorie's0N', l e " n o n v e r b a l " r e g r o u p et o u t c e q u i


n'est pas stricternent verbal: r.es caractêristiques vocares, res
bruits, la musique. conme ir re s'agit pour nous ni dranalyser la
spécificitê de Ia production orale d'un individu, ni de distinguer des
caractêristiques spêcifiques des deux langues en çestion, les
remarques sur la vocalitê visent â I'essentiel. Quelquesabréviations:

( 3 2) MOUCHONJean, PERINPascal, "L'image en tous ses états", in Etudes


de li i st , n. 58r pp. 69-76.
ibi
-162-

AP: applaudissements BF: br uit de fond


B0: brouhaha BU: bruit
MU: musique SC: voix complêtement simultanêes
SP: voix partiellement simultanées

Remarques:

- BU et MU sont toujours complêtês: par exemple, BU: moteur

- SC et SP se retrouvent principalement dans les cas de traduetion'

(11): Le verbal est transcrit d e I a m a n i ê r el a p l u s l i s i b l e possible

en respectant I'orthographe, les majuscules aux nomsPropres. Pour

bien montrer sa continuitê d'une image à L'autret on ne va pas à la

ligne, sauf s'il y a changementde focuteur. En outre, ces quelques

signes sont utilisês (14):

//z pause avec respiration /z pause sans respiration


( ):' lettre ou syllabe non perçue _: accent d'insistance
f--: mot interrompu et/ou non interprêtable.
*. concerne les lexèmes prononcês de manidre non standard et dont nous
donnons]a transcription en API dans Ia colonne "non verbal".

I'W: tout élêment non verbal dans le continuum Sonore renvoie à Ia


colonne ttnon verbal".

Remarques:

- Toutes les indications en majuscule (par exempte' LONGSILENCE'EN

ARABE)sont de rpus.

- Le remplacement de toute pnctuation par les signes // eL / ne

revient pas à un simple chançnent de signes. En n'utilisant Pas Ie

(14) Ils sont inspirês de LEBRE-PEYTARD Monique, LIEUTAUDSimone'


BEACCS Jean-Claude, MALATOAINJean-Loris, Le document oral brut dans
fs classe de français. La transcription de documents sonores
.
165 -

point, Ie point-virgule, la virgule, le point d'exclamationr les

points de suspension, les deux points et les tirets, nous suPprimons,

commeIe font remarquer Vanoye, Mouchonet Sarrazac, toute rêfêrence â

l'êcrit (35), et avons une attitude neutre vis â vis du texte. Une

seule exception: Ie point d'interrogation que nous avons préfêrê

conserver à dêfaut d'avoir trouvê une façon plus simple d'indiquer la

courbe intonative montante.

Grâce ou peut ôtre à cause du nagnétoscope qui sert de

microscope (36), il devient évident que le JT est un objet d'êtude

d'une complexitê presque infinie. 0r, commeIe souligne Andrê

Martinet, "une description est nêcessairementfinie, ce qui veut dire

que seuls certains traits de I'objet â dêcrire pourront être

dêgagés" G7 ). 0n pourra donc trouver dans ce travail des points qui

ne sont pas mentionnês, des aspects qui sont déIaissés au profit

d'autres. L'absence d'une application gênêrate de la sémiotique à

1'analyse de I'imaç, d ' u n e t y p o l o g i e c o m p l è t ed e s d i f f ê r e n t s m e s s a q e s

audiovisuels et d'études sêmiolinguistiques approfondies sur Ie JT se

sont fait sentir. Malgré ce1a, il a fallu retenir durant les trois

premiers chapitres de ce travail, des traits, QUir au regard de

I'ana1yse, seront, nous I'espérons, pertinents: les élânents

temporels, filmiques, proxêmiques, etc, qui ont êtê dêterminés,

(15) VANOYE Francis, I$UCHON Jean-Pierre, op. cit.'


Jean, SARRAZAC
P. J O .
(rG) Il est significatif que I'analyse de la télévision n'ait commencê
quravec I'apparition d.r rcgnétoscope: la technique est obligatoire
pour analyser un redium technique.
( 1 7 ) I , I A R T I N EATn d r ê , o p . c i t . , p . t 1 .
- 164

devraient permettre wre étude comparative, catêgorie par catêgorie,

voire du ressage global.


-165-

EXTRAITDE LA TABLEDESMATIERES

TOME 1

1. I NT RODUCT I ON p.4

2. LE CADRE THE0RIQUE P. 14

2.1. LA COMMUNICATION P. 19

2 . 1. 1 . L A T H E O R I E P. 20
2 . 1 . 1 . 1- Q u e I s c h é m a ?
2 . ' l. 1 . 1 . 1 . L e m o d ê I es h a n n o n i e n
2 . 1 . 1 . 1 . 2 . L e m o d è l ej a k o b s o n i e n
? . 1 . 1 . 1 . t . L e m o d ê I eo r c h e s t r a l
2 . 1 . 1 . 1 . 4 . L e m o d ê l ej a k o b s o n i e nr e f o r m u l é
2 . 1 . 1 . 2 . C a n a u x ,c o d e s e t i n f o r m a t i o n
2 . 1 . 2 . L A C S ' I M U N I C A T ITOENL E V I S U E L L E p' 37
2.1.2.1. La technique
2 . 1 . 2 . 2 . L e d e s t i n a t a i r e d u n r e s s a g et ê l é v i s u e l
2.1.2.1. Audiovisuelet communication
? . 1 . 3 . L E J O U R N ATLE L E V I S E P. 49

?.2. LA SEMIOTIQUE P.53

2 . 2 . 1 . L E SS Y S T E M V E ISS U E L S P. 54
2 . 2 . 1 . 1 . L e s s p ê c i f i q u e m e n tl - n r m a i n s
2 . 2 . 1 . 2 . L e s n o n s p ê e i f i q u e m e n tf u . r m a i n s
2 . ? . 1 . 2 . 1 . L e s y s t è m ei c o n i q u e
2 . 2 . 1 . ? . 1 . 1. L ' i m a g ee t s e s c o d e s
2 . 2 . 1 . ? . 1 . 2 . L ' i m a g ee t l e r é e l
2 . 2 . 1 . 7 . 1 . J . L ' i m a g ee t l e s e n s
2 . 2 . 1 . 2 . 2 . L e s y s t è m ef i l m i q u e
2.2.1.?.2.1. Le PIan
2.2.1.?.2.?. Le montage
2 . 2 . 2 . L E SS Y S T E M E SS ONORES P. 82
2 . ? . . 2 . 1 .L e v o c a l
2.2.2.2. Les bruits
2.2.2.2.1. Les bruits "visuels"
2.?.2.2.2. Les bruits "non visuels"

13Si::::
i'.\'.';.i:
-166-

?.'. LA LINGUISTIQUE P. 92

2 . ' . 1 . A N A L Y SDEU D I S C O U REST A N A L Y STEE X T U E L L E p. 95


2.'.?. LINGUISTIQU DE L ' E N O N C I A T I O N p. 101
2.5.2.1. La deixis
2.t.2.2. La nndalité
2.3.2.1. La Pragmatique

3. LIOBJET ET SON APPROCHE p. 119

3 . 1. L E J T E N F E T E N R F . A p. 12O

, . 1 . 1 . D I A C H R O NDI E L A F O R MD EU J T p. 121
t . I . 2 . L E J T , P R o D U ID T ' U NG R o U P E p. 128
3 . 1 . t . L E J T , P I - E N 0 M ESNoEC I A L p. 131

3.2. LA DEMARCHE DIAPPROCHE p . 135

3 . 2 . 1 . U N P O S I T I O N N E MSECNITE N T I F I Q U E p . 1t5
3.2.2. LEGITIMITE DU TRANSFED RET SC O N C E P T S p. 140

3.3. LE CORPUS p . 144

3.3.1. LE CHoIX p . 144


3 . 3 . 1 . 1 . L e c o r p u sé t r o i t
t . 3 . 1 . 2 . L e c o r p u sl a r g e
3.'.2. LA PRESENTATION p. 149
3.1.2.1. Le principe d'objectivitê
t.1.2.2. Le PrinciPe de fidéIitê

EXTRAITDE LA TABLEDESMATIERES p. 165

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